Le Quotidien du 6 juillet 2021 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur une exception aux droits applicables aux prestataires de services de paiement

Réf. : Cass. com., 30 juin 2021, n° 19-21.418, F-B (N° Lexbase : A21464Y7)

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N8202BYG

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[Brèves] Précisions sur une exception aux droits applicables aux prestataires de services de paiement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/70070769-breves-precisions-sur-une-exception-aux-droits-applicables-aux-prestataires-de-services-de-paiement
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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 05 Juillet 2021

► Si, selon l’article L. 521-3, I, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5140LGH), par exception au monopole des prestataires de services de paiement, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement, ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette entreprise n’appartient pas pour autant à la catégorie des prestataires de services de paiement, de sorte que, par application de l’article L. 133-1 du même code (N° Lexbase : L6426LLL), les dispositions de l’article L. 133-19 (N° Lexbase : L5118LGN) ne lui sont pas applicables.

Les activités constitutives des services de paiement sont couvertes par un monopole institué spécialement pour elles. C'est ainsi que, selon l'article L. 521-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4851IEE), il est interdit à toutes autres personnes que celles mentionnées à l'article L. 521-1 (N° Lexbase : L5141LGI), principalement les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit, de fournir des services de paiement « à titre de profession habituelle ». L'article L. 572-5 (N° Lexbase : L4985IED) sanctionne la méconnaissance de ce principe de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

Or, depuis l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 (N° Lexbase : L4658IEA), l’article L. 521-3 du Code monétaire et financier prévoit une dérogation en faveur de l'entreprise qui fournit « des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l'acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services ». Il s'agit, par exemple, des cartes-cadeaux émises par des réseaux commerciaux qui ne sont admises au paiement que dans les enseignes de ce réseau ou encore d'autres types de cartes de paiement (cartes d'essence, cartes de transport en commun, etc.).

La décision de la Cour de cassation, en date du 30 juin 2021, témoigne du fait que cette hypothèse suscite encore des incertitudes.

Faits et procédure. Par des contrats des 10 janvier et 6 février 1996, la société U. avait mis à la disposition de la société T. diverses cartes lui permettant de procéder à des paiements de fourniture de carburant, de péages autoroutiers et d’autres prestations de services, auprès de stations-service et d’instances partenaires, ces achats et prestations de services étant préfinancés puis facturés bimensuellement par la société U.

Or, dans la nuit du 29 au 30 septembre 2012, plusieurs autocars de la société T., stationnés sur le parking de son dépôt, avaient été visités et des cartes U. avaient été dérobées. La société T. ayant refusé de s’acquitter du montant des opérations réalisées, postérieurement au vol, au moyen de ces cartes, la société U. l’avait assignée en paiement de la somme de 21 029,91 euros au titre des factures de prestations de services réalisées par l’intermédiaire des cartes de services U.

La cour d’appel de Colmar (CA Colmar, 10 avril 2019, n° 16/05621 N° Lexbase : A6437Y9B) ayant, par une décision du 10 avril 2019, rejeté la demande de la société U., cette dernière avait formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Elle y déclarait que « la Directive 2007/64/CE (N° Lexbase : L5478H3B) […] concernant les services de paiement dans le marché intérieur exclut de son champ d’application, en son article 3.k, les services fondés sur des instruments qui ne peuvent être utilisés qu’"à l’intérieur d’un réseau limité de prestataires de services ou pour un éventail limité de biens ou de services" ; que les articles 60 et 61 de cette Directive relatifs aux responsabilités respectives du prestataire de services de paiement et du payeur en cas d’opérations de paiement non autorisées, transposés en France aux articles L. 133-18 (N° Lexbase : L5119LGP) et L. 133-19 du Code monétaire et financier, ne s’appliquent donc pas aux services relevant de l’exception consacrée par l’article 3.k ; que cette exception a été transposée en France à l’article L. 521-3, I, du Code monétaire et financier ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que la société U. relevait de l’exception codifiée à l’article L. 521-3, I e du Code monétaire et financier, la cour d’appel a considéré qu’elle était néanmoins tenue d’appliquer les dispositions de l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier ; qu’en statuant ainsi, lorsqu’elle aurait à l’inverse dû en déduire que la société U. échappait au régime de responsabilité mis en place par la Directive n° 2007/64/CE, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier, ensemble L. 521-3, I, du même code, dans leurs rédactions applicables à la cause ».

On notera que la société T. contestait, pour sa part, la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

Décision. La Cour de cassation considère, sur ce point, que le moyen n’est pas nouveau et est donc recevable.

Surtout, elle déclare le moyen bien-fondé et casse la décision de la cour d’appel de Colmar. Sa motivation se veut très précise.

Elle commence par indiquer que si, selon l’article L. 521-3, I, du Code monétaire et financier, par exception au monopole des prestataires de services de paiement, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement, ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette entreprise n’appartient pas pour autant à la catégorie des prestataires de services de paiement, de sorte que, par application de l’article L. 133-1, les dispositions de l’article L. 133-19 ne lui sont pas applicables.

Or, pour rejeter la demande de la société U., l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que les dispositions de l’article L. 521-3 du Code monétaire et financier, qui prévoient un régime dérogatoire à l’article L. 521-2, assimilent les entreprises qui sont soumises à ces dispositions aux entreprises relevant de l’article L. 521-1, auxquelles s’appliquent les règles de responsabilité des articles L. 133-1 et suivants, de sorte que, la société U. relevant des dispositions de l’article L. 521-3 du Code monétaire et financier, dès lors qu’elle fournit des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette société était tenue d’appliquer les dispositions des articles L. 133-1 et suivants du Code monétaire et financier, et notamment celles de l’article L. 133-19 de ce code.

Dès lors, en statuant ainsi, la cour d’appel avait violé les articles L. 133-1, L. 133-19 et L. 521-3, I, du Code monétaire et financier.

Voilà une solution importante : les entreprises bénéficiant d’une exception au monopole des prestataires de services de paiement (PSP), n’appartiennent pas nécessairement à la catégorie de ces mêmes PSP. En conséquence, dans un tel cas, le régime juridique s’imposant à ces derniers ne leur est pas applicable.

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