Le Quotidien du 4 juin 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Procès Bygmalion, Jérôme Lavrilleux : « Le sport de ces dernières semaines a consisté à oublier tous les noms sauf le mien ! »

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par Adélaïde Léon

le 04 Juin 2021

Initialement choisi pour faire le lien entre la campagne et le parti, Jérôme Lavrilleux, alors à la fois directeur de cabinet de Jean-François Copé et directeur adjoint de la campagne, est désigné par beaucoup comme l’un des principaux protagonistes du système de financement de la campagne présidentielle. Interrogé ce 3 juin 2021 devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, il assume une implication dans le financement illicite de campagne mais réfute toute responsabilité quant à l’initiative du système frauduleux.

Comme la veille, la présidente Caroline Viguier ne laisse aucune place à l’approximation. Chaque affirmation, chaque allusion est interrogée, vérifiée afin d’obtenir la certitude de sa signification. Jérôme Lavrilleux tente même à plusieurs reprises d’anticiper les interrogations du tribunal, comme pour ne pas paraître dépassé par ce flot de questions. Mais Caroline Viguier dispose d’une connaissance du dossier qui ne permet pas au prévenu de prendre la main.

« Éric Cesari explique qu’il était en retrait et que la ligne de commandement c’est vous »

Caroline Viguier revient sur les déclarations faites la veille par Éric Cesari et notamment le fait qu’il ne disposait pas d’un réel pouvoir de décision à la différence de Jérôme Lavrilleux : « [il] explique qu’il était en retrait et que la ligne de commandement c’est vous ». Dans sa réponse, et tout au long de son interrogatoire, ce dernier ne manque pas, même lorsque cela ne lui est pas demandé, de signaler la présence et l’implication d’Éric Cesari. L’ancien directeur adjoint de campagne accepte une part de sa responsabilité mais il ne plongera pas seul.

« Je ne veux pas briser le fantasme consistant à croire que tout est organisé. Ça s’est passé au fil de l’eau de manière empirique dans une inorganisation totale »

Le degré d’implication de Jérôme Lavrilleux est au cœur de cette journée d’audience. Est-il l’un des instigateurs du système de ventilation ? Sinon, à quel moment en a-t-il eu connaissance ? Lorsque la présidente lui demande si, à un moment donné, il ne s’est pas assis autour d’une table avec d’autres protagonistes pour organiser l’accélération de la campagne et son financement, l’intéressé répond : « je ne veux pas briser le fantasme consistant à croire que tout est organisé. Ça s’est passé au fil de l’eau de manière empirique dans une inorganisation totale ». Lorsque le tribunal lui demande s’il reconnait les infractions qui lui sont reprochées : « Je reconnais avoir participé à un financement illégal de campagne. J’ai juste un problème de temporalité ».

La temporalité est au cœur de son axe de défense. Jérôme Lavrilleux nie être à l’origine du système frauduleux de ventilation, il reconnaît y avoir participé mais affirme n’en n’avoir eu connaissance qu’à l’issue de la campagne, autrement dit, au moment où il a fallu « régler le problème », en mai 2012. Il aurait alors été amené à régulariser les comptes a posteriori. C’est ainsi qu’il explique la présence de sa signature sur des engagements de dépenses datés notamment d’avril 2012, au cours de la campagne.

Mais que fait donc sa signature sur des engagements de dépenses de plusieurs millions d’euros datant de mars ou avril et qui ont été réglés peu après leur émission ? Pourquoi demander sa signature si les factures ont été payées et qu’il n’a pas connaissance du système de ventilation ? A-t-il signé des engagements blancs ? Les paiements ont-ils été faits sur la base d’autres documents que ceux qui portent sa signature ? Jérôme Lavrilleux, approximatif, évoque le désordre qui règne à la fin de la campagne « après la fin de la campagne, j’ai une tonne de parapheurs à signer, je n’en sais rien ».

« Après la fin de la campagne ceux qui devaient boucler les comptes de campagne ont essayé de faire entrer trois litres d’eau dans une bouteille d’un litre et demi »

La présidente ne manquera pas de rappeler à Jérôme Lavrilleux que les déclarations des autres prévenus ne vont pas dans le sens de sa version. Mi-mars, sollicité par Franck Attal, directeur adjoint d’Event & cie qui n’arrive pas à payer ses fournisseurs, Jérôme Lavrilleux l’invite à facturer au nom de l’UMP. « À ce moment vous êtes le décideur et vous lancez le système de ventilation ? » interroge la présidente. Il maintient « non pour moi le système de ventilation j’en prends conscience et je l’accepte juste après la fin de la campagne », « je n’aurais pas organisé quelque chose alors que l’accélération n’avait pas commencé, financièrement ils n’avaient pas encore besoin de ce système ».  Il ajoutera « je ne sais pas, à la mi-mars qu’on finira la campagne à 44 meetings » puis « après la fin de la campagne, ceux qui devaient boucler les comptes de campagne ont essayé de faire entrer trois litres d’eau dans une bouteille d’un litre et demi. Et il a fallu mettre des gens comme moi pour faire en sorte que ça puisse passer ».

Dès lors, quand a-t-il connaissance du système de ventilation et par qui ? Aux dires des autres prévenus, une réunion a lieu mi-mars à la suite d’une note alertant sur l’état des comptes de campagne. Il n’y assiste pas. Lui, le directeur adjoint de campagne n’est pas présent à une réunion de cette importance ? La présidente s’en étonne. Mais le prévenu maintient, il n’a eu connaissance du système frauduleux qu’à l’issue de la campagne, lorsqu’Éric Cesari et Fabienne Liadze viennent lui rapporter le contenu d’une réunion – à laquelle il n’avait, une fois encore, pas participé – lui expliquant la situation des comptes de campagne et la nécessité de recourir à un système de ventilation. Il explique d’ailleurs penser que c’est à cet instant que la fraude prendra naissance. Avant, cela n’avait pas de sens puisque le coût réel de la campagne était inconnu. Qui a donné l’ordre ? Il l’ignore. Mais à plusieurs reprises il lancera des allusions vers « le politique », « l’Élysée ». Ce qui se passe à son niveau, c’est de l’exécution, pas de la décision.

Jérôme Lavrilleux n’aura pas manqué de jouer avec les mots tout au long des presque six heures qu’aura duré cette audience. On retiendra cette réflexion, lorsqu’il évoque la publication, en 2014, de l’article du Canard enchaîné et qu’il comprend que l’étau se resserre : « je sais que des gens cherchent. Et que la tentation va être de faire porter le chapeau à quelqu’un. Visiblement pour certains j’ai une tête à chapeau ».

Le procès reprendra lundi 7 juin à 13 heures 30. Guillaume Lambert ayant été hospitalisé le calendrier est encore incertain mais à l’issue de l’audience Caroline Viguier évoquait la possibilité d’entamer la semaine par l’interrogatoire de Philippe Briand, Président de l'Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.

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