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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
le 11 Octobre 2012
1. L'exercice de l'autorité parentale par un parent mineur
Mineure placée. L'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 4 juillet 2012 (CA Dijon, 4 juillet 2012, n° 12/00315 N° Lexbase : A7821IQQ) met l'accent sur une difficulté peu présente en jurisprudence, relative à l'exercice de l'autorité parentale par un parent mineur. L'incapacité générale d'exercice dont le mineur est frappé peut en effet susciter des doutes quant à son aptitude à exercer les droits parentaux sur son enfant. La décision du juge de première instance allait d'ailleurs en ce sens en ce qu'il avait désigné un administrateur ad hoc pour exercer les prérogatives parentales d'une mère mineure, placée sous la tutelle du Président du conseil général et accueillie dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative chez une assistante familiale d'une association de protection de l'enfance.
Administrateur ad hoc. La désignation de l'administrateur ad hoc émanait d'un juge aux affaires familiales -exerçant depuis la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG), les fonctions du juge des tutelles mineur-, à la demande de l'association auprès de qui la jeune mère était placée. Désigné pour exercer l'exercice d'autorité parentale sur l'enfant, en qualité d'administrateur ad hoc, le président du Conseil général a interjeté appel de cette décision, alors que le ministère public en demandait la confirmation.
Opposition d'intérêts. En reprenant à la fois le principe de l'incapacité du mineur d'effectuer les actes de la vie civile (C. civ., art 414 N° Lexbase : L8393HWR), la définition de l'autorité parentale qui ne comporte aucune condition d'âge du parent (C. civ., art. 371-1 N° Lexbase : L2894ABS) et les conditions de désignation d'un administrateur ad hoc essentiellement fondées sur l'existence d'une opposition d'intérêts entre le parent et l'enfant (C. civ., art. 389-3 N° Lexbase : L8356HWE), la cour d'appel remet en cause la désignation d'un administrateur ad hoc pour exercer l'autorité parentale sur l'enfant fondée sur le fait que cette désignation "durant la minorité de sa mère était conforme aux intérêts de la mère et de la fille".
Capacité parentale. La cour d'appel affirme tout à fait légitimement que "l'article 371-1 du Code civil (N° Lexbase : L2894ABS) n'impose pas de condition d'âge minimum pour qu'un père ou une mère exerce l'autorité parentale ; qu'en conséquence, un parent mineur peut exercer l'autorité parentale sur son ou ses enfants, alors même que ce parent est encore mineur". Cette affirmation particulièrement bienvenue écarte les doutes que l'on pouvait encore avoir sur la capacité d'un mineur à exercer ses droits parentaux.
Acte strictement personnel. Cette solution correspond à l'analyse de la plupart des auteurs selon lesquels la représentation du mineur est exclue pour l'exercice de ses droits parentaux (1). Cette capacité repose sur une jurisprudence ancienne selon laquelle le mineur a seul qualité pour agir dans le cadre d'une action relative à la filiation de son enfant (2). L'article 458 du Code civil (N° Lexbase : L8442HWL), issu de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs (N° Lexbase : L5932HUA) (3), classe d'ailleurs la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance et les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, ainsi que le choix de son nom, et le consentement donné à son adoption, parmi les actes strictement personnels, ne pouvant donner lieu à assistance ou à représentation. Même s'il n'est applicable qu'aux personnes majeures, ce texte permet de renforcer la règle selon laquelle les représentants légaux ne sauraient exercer en son nom les droits parentaux d'un mineur. L'exercice de l'autorité parentale sur la personne d'un enfant constitue à l'évidence un acte strictement personnel, qui ne saurait admettre la représentation. Le jeune parent titulaire de l'autorité parentale prend donc toutes les décisions relatives à la personne de son enfant. Il reste que la mise en oeuvre par le mineur de ses droits parentaux est susceptible de se heurter à l'autorité parentale de ses propres parents ou comme en l'espèce, aux prérogatives de la personne à qui le parent mineur est confié.
Intérêts distincts. La cour d'appel de Dijon, dans sa décision du 4 juillet 2012, n'exclut pas totalement la désignation d'un administrateur ad hoc mais il s'agirait alors d'un représentant de l'enfant et non du parent mineur, qui ne pourrait être désigné que s'il existait une opposition d'intérêts entre ce dernier et son parent, ce qui dans les faits n'était pas établi, la cour précisant que des intérêts éventuellement distincts ne sauraient justifier la désignation d'un administrateur ad hoc.
Carence. Pour priver la mineure de ses droits parentaux, il aurait donc fallu, ou bien démontrer l'existence d'un véritable conflit d'intérêts enter elle et son enfant, ou largement établir qu'étaient réunies les conditions d'une délégation forcée de l'autorité parentale. En tout état de cause, la question de la possibilité pour la mineure de prendre en charge son enfant dans le cadre du placement dont elle est l'objet doit être posée. Le cas échéant, les modalités de ce placement doivent être revues pour permettre à la mineure, si elle le souhaite, et en a l'aptitude, d'être accueillie avec son enfant. Dans le cas contraire, la perspective d'une mesure d'assistance éducative relative au nouveau-né doit être envisagée.
2. L'adoption par le beau-parent de l'enfant de son conjoint
Adoption simple intra-familiale. Deux arrêts de la cour d'appel de Lyon du 9 juillet 2012 (CA Lyon, 9 juillet 2012, n° 11/08849 N° Lexbase : A8950IQK) et de la cour d'appel de Bordeaux du 3 juillet 2012 (CA Bordeaux, 3 juillet 2012, n° 11/03762 N° Lexbase : A3362IQL) témoignent, s'il en était besoin, de l'importance du recours à l'adoption simple pour établir un lien juridique entre un beau-parent et l'enfant de son conjoint. L'explosion du phénomène social des recompositions familiales n'est plus à démontrer. Une enquête du ministère de la Justice (4) révèle que la très grande majorité des adoptés en la forme simple (95 %, soit environ 8 900 personnes) le sont dans un cadre intrafamilial et sont majoritairement les enfants du conjoint ou d'un ex-conjoint. Les deux arrêts mettent en avant la faveur accordée à cette adoption, d'une part, en faisant preuve d'une certaine indulgence pour ce qui est des conditions de l'adoption, d'autre part, en refusant que sa révocation soit trop aisée.
2.1. L'adoption par le beau-parent facilitée
Différence d'âge. L'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 9 juillet 2012 concerne la situation idyllique d'une belle-mère et de son beau fils, dont les liens étaient si étroits que le second avait renoncé à la succession de son père au profit de la première. Sans enfant, celle-ci souhaitait adopter son beau-fils pour lui transmettre la totalité de ses biens. La difficulté résidait dans la différence d'âge entre l'un et l'autre qui n'était que de huit ans alors que, même dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, la différence d'âge exigée par l'article 344 du Code civil (N° Lexbase : L2852ABA) est de dix ans. C'est d'ailleurs en se fondant sur cette exigence que le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, conformément à la position du ministère public, avait refusé de prononcer l'adoption simple sollicitée.
Justes motifs. Toutefois, l'alinéa 2 de l'article 344 du Code civil prévoit que l'adoption simple peut être prononcée nonobstant une différence d'âge inférieure à dix ans s'il y a de justes motifs. C'était donc la mise en oeuvre de cette disposition qui faisait l'objet de l'analyse des magistrats de la cour d'appel de Lyon.
Liens affectifs Ce sont, d'abord, les "liens affectifs très étroits et réciproques" entre la belle-mère et son beau-fils qui constituent, selon la cour, les justes motifs exigés par le texte. Il était en effet établi que l'adoptante, qui n'a pas eu d'enfant ni avant, ni au cours de son mariage avec le père de l'adopté, a noué des liens affectifs très forts avec le fils de son époux. Plusieurs témoins attestent que ce dernier lui téléphonait quotidiennement à 18 heures, rendez-vous téléphonique qu'elle ne manquait jamais ; qu'elle était invitée à toutes les fêtes de famille et qu'après son accueil en maison de retraite, la directrice de celle-ci, son médecin traitant et une infirmière témoignaient tant des visites fréquentes de son beau-fils. Ces différents éléments permettent à la cour de considérer que les liens entre l'adoptante et l'adopté relevaient bien d'une relation de type filial malgré la faible différence d'âge.
Légitimité de l'adoption. La cour d'appel se fonde, en outre, sur la légitimité du but poursuivi par l'adoption envisagée. Elle relève en effet "qu'il est légitime que [le beau-fils], qui avait renoncé à la succession de son père au bénéfice de sa belle-mère, reçoive à son tour la succession de celle-ci en qualité d'héritier en ligne directe". Là encore, c'est bien parce que l'adopté s'était comporté comme un fils à l'égard de l'adoptante qu'il paraît opportun d'écarter l'exigence de la différence d'âge de dix ans pour lui permettre de bénéficier d'une situation juridique correspondant aux relations affectives qu'il entretenait effectivement ave celle-ci.
Relations filiales. L'analyse concrète et précise par la cour d'appel de Lyon de la situation qui lui est soumise constitue en elle-même un enseignement. Elle montre, en effet, que seules des relations effectives et incontestables permettent d'écarter, de manière exceptionnelle, l'exigence de différence d'âge de dix ans. Cette solution conforte le fait que l'adoption simple constitue sans aucun doute l'une des meilleurs techniques pour traduire en termes juridiques les liens susceptibles de se créer entre un beau-parent et l'enfant de son conjoint.
2.2. La révocation difficile de l'adoption simple de l'enfant du conjoint
Nom composé. La situation jugée par la cour d'appel de Bordeaux du 3 juillet 2012 était beaucoup moins idyllique ! Adoptée par le mari de sa mère pendant son enfance, une jeune femme souhaitait remettre en cause cette adoption en raison de l'absence de liens existant entre elle et son père adoptif depuis le divorce de ses parents. Elle précisait ne pas vouloir transmettre à ses futurs enfants son nom, composé de son nom de famille et du nom de l'adoptant. Cette précision montre s'il en était encore besoin, combien la conséquence automatique de l'adoption simple sur le nom de l'adopté constitue une difficulté dans nombre de situations.
Motifs graves. La remise en cause du lien juridique établi entre l'adoptée et son beau-père était fondée l'article 370 du Code civil (N° Lexbase : L2890ABN) qui permet la révocation de l'adoption simple -contrairement à l'adoption plénière- en raison de motifs graves. La question posée en l'espèce et qui pourrait sans aucun doute s'appliquer à de nombreuses situations similaires, était de savoir si la rupture des liens entre l'adopté et l'adoptant, à la suite de la séparation de ce dernier et de la mère de l'adopté, constituait un motif grave tel que l'entend l'article 370 du Code civil.
Rupture des liens. Le tribunal de grande instance de Bordeaux l'avait admis, considérant sans doute qu'il fallait faire correspondre le droit et la réalité. Il était en effet établi que, depuis le divorce entre la mère de l'adopté et son père adoptif, ce dernier avait cessé toutes relations avec l'adopté, ne payant pas la pension alimentaire prévue au jugement de divorce. La jeune femme estimait que le maintien des liens créés par l'adoption était devenu moralement impossible eu égard au désintérêt manifeste tant matériel qu'affectif dont l'adoptant faisait preuve à son égard depuis qu'elle avait 12 ans, ne se préoccupant pas de son devenir, n'honorant pas ses devoirs découlant de l'autorité parentale, n'exerçant pas pendant sa minorité de droit de visite et n'ayant pas davantage pris de contact directement avec elle depuis sa majorité. La disparition du lien juridique entre l'adoptant et la mère de l'adopté était en outre mise en avant. L'adopté déclarait ne plus avoir d'affection pour l'adoptant, ce qui était semble-t-il réciproque puisque celui-ci avait reconnu dans un courrier envoyé à l'avocate de sa "fille adoptive" ne pas s'opposer à la demande de révocation de l'adoption.
Motif insuffisant. A l'inverse, la cour d'appel de Bordeaux refuse de faire de la rupture des liens affectifs une cause de révocation de l'adoption simple, allant dans le sens du procureur général selon lequel les conditions d'une révocation d'adoption simple ne sont pas réunies en l'espèce. Il considère, en effet, que la cessation des relations depuis plusieurs années entre l'adoptée et l'adoptant ne peut constituer un motif suffisamment grave pour justifier la révocation d'une adoption d'autant qu'en l'espèce aucun document ne révèle la cause de la mésentente et de la rupture des relations familiales.
Attitude de la mère. La cour d'appel constate que la situation qui lui est soumise est celle d'une famille divisée à la suite d'un divorce, un enfant prenant parti pour sa mère contre son père, défaillant accusé de manquer à ses devoirs. Si elle admet que plusieurs attestations de membres et proches de la famille maternelle de l'adoptée déclarent n'avoir pas connu de rencontres entre le père et la fille depuis plusieurs années, ce qui confirme l'éloignement physique et moral, elle relève qu'il n'est pas signalé que la mère a jamais demandé au père le respect des conséquences de sa filiation adoptive, notamment quant au droit de visite et à la pension alimentaire et qu'elle n'a engagé aucune action judiciaire de contrainte ni action en recouvrement forcé. La cour déclare ignorer les causes du relâchement des relations et, notamment, ignore s'il procède d'un accord parental. La cour relève, en outre, qu'aucun fait précis n'est établi pour expliquer la rupture des liens entre l'enfant et son père adoptif. Autrement dit, la cour laisse entendre que la rupture des liens pourrait être aussi, au moins en partie, la conséquence de l'attitude de la mère qui une fois le divorce prononcé ne souhaitait pas particulièrement que des liens soient maintenus entre son ex-mari et sa fille. Elle considère, en outre, que la lettre par laquelle l'adoptant ne s'oppose pas à l'adoption ne constitue pas en elle-même un motif grave. En refusant de considérer la rupture des liens entre l'adoptant et l'adopté comme ayant pour seule origine le désintérêt du père, la cour d'appel limite la gravité de l'attitude de ce dernier. Elle sous-entend, en outre, que le lien juridique créé par l'adoption ne saurait être laissé à la libre disposition de ceux-là mêmes qui en ont été à l'origine, en l'occurrence l'adoptant mais aussi la mère de l'adopté. La position des magistrats bordelais, certes sévère pour l'adopté, parait logique au regard des exigences de l'article 370 du Code civil, et plus généralement de la conception française de l'adoption.
Caractère définitif. La décision de la cour d'appel de Bordeaux vient ainsi rappeler de manière particulièrement opportune que l'adoption simple créé un lien de filiation qui ne peut être soumis aux vicissitudes de la vie affective de la mère de l'adopté. Il convient donc de ne pas envisager à la légère l'établissement d'un lien qui, par principe, est définitif. Cette prise de conscience de la portée de l'adoption simple est d'autant plus essentielle que cette adoption emporte des conséquences non négligeables en termes de nom mais aussi de succession pour toute la vie de l'adopté.
3. La faveur pour le droit de visite des grands-parents
Droit de l'enfant. La décision de la cour d'appel de Lyon du 10 septembre 2012 (CA Lyon, 10 septembre 2012, n° 11/02956 N° Lexbase : A3868IS3) n'est pas sans susciter quelques interrogations surtout lorsqu'on la confronte à la formulation de l'article 371-4 du Code civil (N° Lexbase : L8335HWM) qui consacre un droit de l'enfant à entretenir des relations avec ses ascendants et non un droit de ces derniers à entretenir des relations avec leurs petits enfants. Elle permet, en outre, de constater que nonobstant le changement de formulation de cet article depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, le critère des motifs graves supprimé dans le texte, est toujours utilisé par les magistrats.
Situation dramatique. La situation était en l'espèce particulièrement dramatique puisqu'en 2002, le père de l'enfant concerné avait été condamné à une lourde peine pour avoir tenté d'assassiner la mère de ce dernier. Les grands-parents paternels de l'enfant, après une première démarche sans succès peu de temps après la condamnation de leur fils survenue en 2004, avaient en 2010, à nouveau sollicité un droit de visite et d'hébergement sur leur petite fille alors âgée d'une dizaine d'années. La motivation de la première décision pouvait en effet les inciter à cette nouvelle demande puisqu'en 2005, le juge avait estimé qu'au regard de l'existence de faits particulièrement graves, caractérisés par l'infraction pénale, la demande était prématurée et pouvait nuire gravement à l'intérêt de l'enfant.
Rupture des liens. En réponse à la seconde demande des grands-parents en vue d'obtenir le droit de visite et d'hébergement, le tribunal de grande instance de Lyon avait cependant opposé un nouveau refus aux grands-parents au motif que si la loi présume qu'il est de l'intérêt de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents, sauf motifs graves de nature à y faire obstacle, il n'était pas de l'intérêt d'Anissa, qui n'avait pas revu ses grands-parents depuis plusieurs années, que le lien soit rétabli, compte tenu du comportement de la grand-mère, qui ne paraissait pas reconnaître le statut de victime de son ex belle-fille.
Volonté de maintenir le lien. La cour d'appel procède à une analyse différente de la situation qui semble davantage tenir compte de la volonté des grands-parents (et de leur fils qui avait également demandé sans succès un droit de visite en prison) de maintenir des relations avec leur petite-fille. Elle considère que le manque d'empathie manifesté par la grand-mère à l'égard de son ex belle-fille, à supposer qu'il soit réellement établi ne "pourrait caractériser un motif suffisamment grave pour empêcher toute relation entre l'enfant, désormais âgée de 11 ans, et ses grands-parents paternels, ce alors que le temps a passé depuis les faits qui sont survenus" et en déduit "qu'il n'apparaît en conséquence pas qu'il soit contraire désormais à l'intérêt de l'enfant, alors que les années se sont écoulées, de rencontrer ses grands-parents paternels".
Lien de l'enfant avec ses grands-parents. Ce faisant, la cour d'appel, conformément à la jurisprudence majoritaire, accorde une part plus restreinte aux rapports entre les grands-parents et la mère de l'enfant et centre davantage son raisonnement sur les liens de l'enfant avec ses grands-parents ; ce qui était l'objectif de la loi du 5 mars 2007 dont est issue la nouvelle formulation de l'article 371-4 du Code civil. Celle-ci semble, en effet, inviter les juridictions du fond à porter leur appréciation sur l'opportunité pour l'enfant, d'une relation avec ses ascendants et non sur le conflit qui oppose ceux-ci à ses parents (5). Cet arrêt s'inscrit dans la lignée de plusieurs arrêts de la Cour de cassation (6) ou de cour d'appel tendant à maintenir les relations de l'enfant avec ses grands-parents alors que les liens avec son parent sont rompus, donnant ainsi à ces relations une autonomie certaine et leur accordant sans doute une importance d'autant plus grande que l'enfant est privé de l'un de ses parents. Ainsi a-t-il déjà été jugé dans une affaire similaire à celle soumise à la cour d'appel de Lyon, qu'une grand-mère ne peut se voir pénalisée pour les agissements de son fils condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour tentative d'assassinat de sa femme alors qu'il n'y a pas de risque que les enfants rencontrent leur père au domicile de la grand-mère (7).
Intérêt de l'enfant. Dans l'affaire jugée par la cour d'appel de Lyon, il semblait évident que la mère de l'enfant, pour des raisons aisément compréhensibles, avait fait en sorte de faire cesser les relations de celles-ci avec son père et ses grands-parents paternels. La question est alors de savoir si l'intérêt de l'enfant était de passer outre cette volonté maternelle, et de rétablir des liens avec des grands-parents qu'elle ne connaît pas et qui réactiveront incontestablement le traumatisme lié au geste dramatique de son père sur sa mère. Si l'attitude de la grand-mère paternelle à l'égard de l'enfant ne doit sans doute pas, en elle même, constituer un critère pour refuser le droit de visite et d'hébergement des grands-parents, elle doit être prise en compte dans la mesure où elle n'est pas sans conséquence pour l'enfant. On ne peut ignorer, en effet, que la position de la grand-mère, si elle est exposée à l'enfant, pourra placer celle-ci dans une situation difficile, au coeur d'un conflit de loyauté peu conforme à son intérêt supérieur. La décision faisant état, en outre, d'une libération prochaine du père de l'enfant, on peut s'étonner que la décision ne précise pas que les grands-parents doivent s'abstenir de mettre leur fils en relation avec sa fille tant qu'une décision judiciaire n'a pas statué sur les liens que celui-ci peut ou ne peut pas entretenir avec elle. La cour met certes en place un droit de visite et d'hébergement réduit et progressif, médiatisé dans un premier temps. Il n'en reste pas moins que sa mise en oeuvre à l'égard d'une enfant de dix ans qui n'avait aucun lien avec ses grands-parents jusqu'à présente risque d'être délicate.
Appréciation souveraine. La cour d'appel de Lyon a ainsi voulu faire primer la présomption selon laquelle l'intérêt de l'enfant est d'entretenir des liens avec ses grands-parents. Dans la mesure où la détermination de cet intérêt relève du pouvoir souverain des juges du fond, il est difficile de procéder à une critique de la décision sur le plan juridique. On reste toutefois quelque peu sceptique face à une décision résolument favorable aux grands-parents pour laquelle il n'a pas été tenté de procéder à une plus ample vérification de sa conformité à l'intérêt supérieur de l'enfant...
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