Lexbase Droit privé - Archive n°501 du 11 octobre 2012 : Agent immobilier

[Jurisprudence] Mandat de vente non exclusif et dépourvu de clause pénale : le refus du mandant d'accepter l'acquéreur présenté par l'agent immobilier n'ouvre pas droit à des dommages-intérêts

Réf. : Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 10-20.492, F-P+B+I (N° Lexbase : A9895IP8)

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par Pierre-Laurent Vidal, Chargé d'enseignement à l'Université Montpellier 1

le 11 Octobre 2012

A défaut de stipulation expresse contraire, le mandat de vente donné par un propriétaire à un agent immobilier n'est qu'un simple contrat d'entremise par lequel le mandataire s'engage seulement à présenter au vendeur des candidats acquéreurs. Le mandant reste libre de ne pas accepter l'acquéreur qui lui est présenté par l'agent immobilier quand bien même l'offre d'achat qui lui est soumise serait au prix convenu dans le mandat. Aucune exécution de mauvaise foi du contrat de mandat ne pouvant être invoquée, l'agent immobilier ne peut prétendre ni à une commission, ni à des dommages-intérêts pour la perte du gain escompté. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 28 juin 2012. Le 31 octobre 2005, une propriétaire donne à une société agent immobilier, un mandat non exclusif de vente d'un appartement pour un prix net vendeur de 170 000 euros, les honoraires de l'agence rajoutés au prix net vendeur étant de 6 % HT à la charge de l'acquéreur.

Le mandat est consenti pour une durée de 3 mois renouvelable par tacite reconduction pour la même durée, la dénonciation éventuelle pouvant se faire 15 jours avant chaque échéance par lettre recommandée.

Le 24 novembre 2005, l'agence fait signer à des acquéreurs (sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt) un compromis de vente au prix demandé par la venderesse stipulant que la signature de l'acte authentique se ferait au plus tard le 28 février 2006.

Par courrier recommandé en date du 22 février 2006, la propriétaire résiliait le mandat de vente et refusait d'accepter la proposition d'achat en pensant que son bien avait été sous-évalué de 30 000 euros par l'agence (une agence concurrente l'ayant estimé à 200 000 euros).

Sa mandataire l'assigna en paiement d'une somme de 10 000 euros correspondant au montant de la commission qu'elle aurait perçue si l'acte authentique avait été signé.

Le prix de 170 000 euros ayant été retenu librement par les parties dans le mandat du 31 octobre 2005, le travail de l'agence ayant consisté à trouver des acquéreurs au prix convenu mérite-t-il rémunération ?

En d'autres termes, en refusant d'accepter une offre d'achat au prix fixé dans un mandat d'entremise, un propriétaire vendeur commet-il une faute de nature à justifier une indemnisation de son mandataire ?

A cette question, la cour d'appel d'Aix-en-Provence répondit que si l'agence immobilière ne pouvait réclamer de commission en l'absence de signature de l'acte de vente authentique, elle avait respecté les termes du mandat en présentant à sa mandante des acquéreurs ayant accepté d'acheter le bien au prix fixé par le mandat. Le refus de la propriétaire d'accepter l'offre sans motif sérieux devait constituer un manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat et être qualifié de fautif, justifiant l'allocation de dommages-intérêts.

La propriétaire forma un pourvoi en cassation aux termes duquel les magistrats du Quai de l'Horloge censurèrent l'arrêt d'appel en rappelant, d'une part, que l'agent immobilier ne peut recevoir une quelconque somme d'argent avant que l'opération pour laquelle il a été mandaté ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties et, d'autre part, que le mandat donné à un agent immobilier est, sauf stipulation contraire, un simple mandat d'entremise consistant en la recherche de clients et la négociation ne conférant nullement au mandataire le pouvoir d'engager son mandant pour conclure la vente de sorte que le refus du mandant de signer l'acte authentique ne saurait être considéré comme fautif.

On ne peut que déplorer que ce genre de contentieux soit élevé jusqu'en cassation tant la question de la rémunération de l'agent immobilier pour les activités de négociation immobilière est étroitement encadrée et parfaitement explicitée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce (N° Lexbase : L7536AIX), dite loi "Hoguet", laquelle est, rappelons-le, d'ordre public...

L'article 6 de cette dernière dispose que "aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er [dont les agents immobilier font partie] ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties".

En l'espèce, l'engagement des acquéreurs était contenu dans le compromis alors que l'intention de vendre de la propriétaire résultait du mandat signé avec l'agence un mois plus tôt de sorte qu'il n'y avait pas "un seul acte écrit contenant l'engagement des parties" mais bien deux actes distincts dont la date de conclusion et l'objet étaient différents.

En outre, il résulte de la lettre même de l'article 72, alinéa 3, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP) que, "lorsqu'il comporte l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention".

A contrario, en l'absence d'une telle stipulation, le mandat n'est qu'un simple contrat d'entremise par lequel le mandataire s'engage uniquement à présenter au propriétaire vendeur des candidats acquéreurs.

Dans cette hypothèse, il est de jurisprudence constante que le mandataire ne peut ni s'engager en lieu et place de son mandant (Cass. civ. 1, 5 janvier 1985, n° 83-13.560 N° Lexbase : A0325AHI, Bull. civ. I, n° 1 ; JCP éd. N, 1985, II, 209, note Ch. Atias ; Cass. civ. 1, 7 juillet 1992, n° 90-21.779 N° Lexbase : A2572CPX, RDI, 1993, 95, obs. D. Tomasin), ni exiger la réalisation forcée de la vente (Cass. civ. 1, 27 juin 2006, n° 04-20.710, F-D N° Lexbase : A1038DQI, AJDI, 2006, 938, note M. Thioye ; Cass. civ. 3, 12 avril 2012, n° 10-28.637, FS-P+B N° Lexbase : A5972IIZ, D., 2012, Actu. 1126, obs. Y. Rouquet).

S'il est vrai que les diligences de l'agence ne sont pas contestées et que "tout travail mérite salaire", il n'en demeure pas moins que "nul n'est censé ignorer la loi" et qu'il est de l'essence même du contrat de mandat d'être révocable "ad nutum".

En sa qualité de professionnel de l'immobilier, il appartenait à l'agent immobilier plus qu'à quiconque de connaître, ou du moins de se renseigner sur la portée des dispositions de la loi "Hoguet" qui régit la profession qu'il exerce.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi précitée, et pour pouvoir légitimement prétendre à une commission, il lui appartenait de prendre soin d'insérer dans le mandat une clause pénale ou une clause aux termes de laquelle une commission est due par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire.

L'autre possibilité aurait été de faire signer au propriétaire un mandat assorti d'une clause d'exclusivité ce qui aurait ouvert un droit à commission même si la mandante avait vendu son bien par ses propres moyens.

Avis à la profession !

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