Réf. : Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-81.929, FS-P+B+I (N° Lexbase : A31923YU)
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par Marie-Claire Sgarra
le 29 Octobre 2020
► La Chambre criminelle de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 21 octobre 2020, renvoyé deux questions préjudicielles à la CJUE portant sur le régime du cumul des sanctions pénales et fiscales.
Les faits. Le requérant a exercé la profession d’expert-comptable en tant qu’entrepreneur individuel. Il était, à ce titre, assujetti de plein droit à la TVA et relevait du régime normal d’imposition. Il était par ailleurs soumis à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des BNC.
L’administration a procédé à des vérifications de comptabilité au titre des années 2009, 2010 et 2011 et a, après avis de la commission des infractions fiscales, déposé plainte auprès du procureur de la République d’Annecy, lui reprochant d’avoir présenté une comptabilité jugée irrégulière et souscrit des déclarations de TVA, BNC et d’ensemble des revenus minorées. Le requérant a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour y être jugé des chefs de deux délits : fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l’impôt et omission d’écritures dans un document comptable. Le tribunal correctionnel d’Annecy a déclaré le prévenu coupable des faits. La cour d’appel a confirmé les dispositions du jugement relatives à la culpabilité.
Principes. En droit français, les insuffisances volontaires de déclaration d’éléments servant à la détermination de l’assiette de l’impôt et à sa liquidation sont réprimées par les articles 1741 (N° Lexbase : L6015LMQ) et 1729 (N° Lexbase : L4733ICB) du Code général des impôts.
La Cour de cassation juge de façon constante qu’il résulte des textes combinés des articles 1741 du Code général des impôts et L. 228 et suivants du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6506LUI) que, sous peine d’irrecevabilité, les poursuites du chef de fraude fiscale ne peuvent être engagées par le ministère public que sur plainte préalable de l’administration fiscale. Le Conseil constitutionnel a jugé ce mécanisme conforme aux principes d’indépendance de l’autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs (Cons. const., décision n° 2016-555 QPC, du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7431RXI).
Le nouvel article L. 228 du LPF (modifié par la loi n° 2018-898, du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude N° Lexbase : L5827LMR) a instauré, aux côtés des cas facultatifs, des hypothèses dans lesquelles l’administration fiscale a l’obligation d’informer le procureur de la République de faits de fraude fiscale. Saisi d’une QPC alléguant une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi par ces nouvelles dispositions, le Conseil constitutionnel a écarté ce grief (Cons. const., décision n° 2019-804 QPC, du 27 septembre 2019 N° Lexbase : A7363ZPE).
Par quatre décisions, le Conseil constitutionnel a déclaré, avec réserves, conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines le cumul des poursuites et sanctions pénales et fiscales en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, comme en cas d’omission de déclaration (Cons. const., décision n° 2016-545 QPC (N° Lexbase : A0909RU9) et n° 2016-546 QPC (N° Lexbase : A0910RUA), du 16 juin 2016 ; Cons. const., décision n° 2016-556 QPC, du 22 juillet 2016 (N° Lexbase : A7432RXK) ; Cons. const., décision n° 2018-745 QPC, du 23 novembre 2018 N° Lexbase : A3978YMB).
À lire, V. Dussart, Cumul des sanctions pénales et fiscales, une validation constitutionnelle définitive ?, Lexbase Fiscal, juillet 2016, n° 664 (N° Lexbase : N3859BWT). |
En droit européen, aux termes de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX), « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».
Ces dispositions ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle des poursuites pénales peuvent être engagées contre une personne pour omission de verser la taxe sur la valeur ajoutée due dans les délais légaux, alors que cette personne s’est déjà vu infliger, pour les mêmes faits, une sanction administrative définitive de nature pénale au sens de cet article 50, à condition que cette réglementation :
Solution de la Cour de cassation. En application de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel, la réglementation française limite les poursuites pénales aux infractions présentant une certaine gravité, pour lesquelles le législateur national a prévu notamment, outre une peine d’amende, une peine d’emprisonnement. La faculté de cumuler des sanctions est limitée par l’impossibilité de dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Cependant, cette règle ne concerne que les sanctions de même nature, à savoir celles pécuniaires. « Il ne peut être affirmé que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ».
La Chambre criminelle renvoie à la CJUE les questions suivantes :
Pour aller plus loin : A. Rousseau, Cumul des sanctions pénales et fiscales : quel est le poids du critère de gravité ?, Lexbase Fiscal, octobre 2020, n° 841 (N° Lexbase : N5029BYW). B. Ricou, Actualité du cumul de sanctions pénales et fiscales : des divergences aux convergences, Lexbase Fiscal, février 2019, n° 774 (N° Lexbase : N7870BXR). |
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