Le 31 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris a solidairement condamné Google Inc. et Google France à verser 500 000 euros de dommages-intérêts à une société spécialisée dans le secteur de la cartographie multimédia, en réparation du préjudice causé par l'abus de position dominante de Google Maps sur le marché de la cartographie en ligne (T. com. Paris, 31 janvier 2012, aff. n° 2009061231
N° Lexbase : A8971IDM). Après avoir constaté que les sociétés Google détiennent incontestablement en France un monopole de fait sur le marché des moteurs de recherche, le tribunal de commerce estime que cette situation engendre une position également dominante sur les marchés connexes que sont ceux de la publicité et de la cartographie en ligne. Selon les juges, l'Autorité de la concurrence (Auto. conc., avis n° 10-A-29, 14 décembre 2010
N° Lexbase : X9116AH4) a retenu que la position de Google totalisant plus de 90 % des recherches des internautes, engendrait nécessairement une position dominante sur le marché des liens sponsorisés et que ce principe est parfaitement transposable à la cartographie en ligne. En outre, les juges consulaires constatent que le requérant et Google Maps offrent des produits et des services manifestement substituables entre eux sur le marché pertinent de la cartographie en ligne permettant la géolocalisation de points de vente sur les sites
web des entreprises. Or, le prix de vente (égal à zéro) du module de cartographie des sociétés Google ne permet pas de couvrir le coût de revient nécessairement exposé pour l'élaboration et la distribution des produits. Ainsi, la Cour de cassation retient que la pratique de prix anormalement bas caractérise à elle seule une exploitation abusive dès lors qu'elle est le fait d'une entreprise en position dominante sur son marché et l'Autorité de la concurrence considère que la preuve de la volonté d'éviction résulte de plein droit de la pratique, par une entreprise en position dominante, de prix de vente inférieurs aux coûts variables. En l'espèce, pour le tribunal, le comportement des sociétés Google aboutit à l'éviction de tout concurrent mais, en outre, s'inscrit à l'évidence dans le cadre d'une stratégie générale d'élimination. Le tribunal poursuit en relevant que la pratique de gratuité a manifestement vocation à optimiser à terme la commercialisation de publicités ciblées ; en effet, une fois la concurrence évincée, rien n'empêchera l'application des conditions contractuelles prévues depuis l'origine et partant l'insertion de publicités sur les cartes obtenues gratuitement
via Google Maps. Le tribunal en conclut que les sociétés Google ont pratiqué des prix abusivement bas, ont exploité abusivement leur position et qu'elles n'ont pu le faire que parce qu'elles étaient en position dominante, de sorte que les quatre conditions de l'application de l'abus de position dominante sont remplies.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable