La lettre juridique n°816 du 12 mars 2020 : Bancaire

[Jurisprudence] Clarification de la jurisprudence de l’ACPR

Réf. : ACPR comm. sanction, décision n° 2019-04, 4 février 2020 (N° Lexbase : L0595LWX)

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N2546BYX

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

le 12 Mars 2020

Le droit bancaire peut-il encore se traiter en ignorant le droit de la régulation bancaire ? Nous ne le pensons pas. Or, ce dernier, qui cherche notamment à ce que les différents professionnels intervenant dans le domaine de la banque soient en « conformité » avec les exigences légales et règlementaires, est particulièrement technique. Les décisions du superviseur de la banques et des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), participe à cette technicité en rendant, par sa commission des sanctions, des décisions souvent longues et au contenu complexe pour les moins avertis.

Sans chercher à les analyser ou à les commenter, nous nous proposons ici de clarifier les décisions rendues par l’ACPR en matière bancaire afin de les rendre plus accessibles au lecteur. Nous nous permettrons d’en souligner les apports notables.

 

 

Sanctions prononcées : blâme et sanction pécuniaire de 70 000 euros. La décision est également publiée au registre de l’ACPR, pendant 5 ans sous une forme nominative puis sous une forme anonyme.

Etablissement concerné : Only Payment Services (OPS) est une société par actions simplifiée (SAS) appartenant au groupe A. Elle a été agréée en qualité d’établissement de paiement le 10 octobre 2012. Elle s’appuyait sur le réseau des boutiques A1 outremer pour y fournir des services de paiement à une clientèle majoritairement non bancarisée et à faible niveau de revenus.
Cet établissement ayant cependant enregistré des pertes importantes, son actionnaire unique a décidé, fin 2018, d’arrêter son activité et de solliciter le retrait de son agrément. Le 3 juin 2019, il lui a été indiqué par l’ACPR que l’examen de sa demande était suspendu jusqu’au terme de la présente procédure. Ses opérations ont été cependant progressivement interrompues entre mars et mai 2019.

Procédure : à la suite du contrôle sur place du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) d’OPS, réalisé entre le 11 juin et le 5 septembre 2018, un rapport a été établi le 19 décembre 2018. A la vue de ce dernier, le collège de l’ACPR statuant en sa formation de sous-collège sectoriel de la banque, a décidé, lors de sa séance du 23 avril 2019, d’ouvrir une procédure disciplinaire.

La commission des sanctions de l’ACPR a rendu sa décision le 4 février 2020.

I - Interrogations liées à la procédure

Réglementation applicable

1) Critique du mis en cause

OPS soutenait qu’au moment du contrôle sur place, les dispositions réglementaires d’application de l’ordonnance du 1er décembre 2016 (ordonnance n° 2016-1635 N° Lexbase : L4816LBY) n’avaient pas été publiées et que les dispositions de l’arrêté du 3 novembre 2014 (arrêté relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution N° Lexbase : L7083I44) n’avaient pas été mises à jour pour tenir compte des nouvelles obligations issues de la quatrième Directive anti-blanchiment (Directive 2015/849 du 20 mai 2015 N° Lexbase : L7601I8Z). De même, les lignes directrices conjointes de l’ACPR et de TRACFIN sur les obligations de déclaration et d’information à TRACFIN, qui présentent une analyse des textes législatifs et réglementaires en vigueur au 1er octobre 2018, sont datées du 4 octobre 2018. De plus, les lignes directrices de l’ACPR relatives à l’identification, la vérification de l’identité et la connaissance de la clientèle faisant suite à la transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment n’ont été publiées que le 14 décembre 2018. Enfin, celles de l’arrêté du 3 novembre 2014 n’avaient pas été actualisées pour tenir compte des nouvelles dispositions issues de cette transposition.

Ainsi, pour OPS, l’interprétation du dispositif législatif ou réglementaire sur lequel s’appuie la poursuite n’a été diffusée que postérieurement aux faits reprochés et après la fin de la mission de contrôle (§3).

2) Réponse de l’ACPR

L’ACPR se fonde sur sa propre jurisprudence (ACPR comm. sanction, décision n° 2018-03, 2 juillet 2019 N° Lexbase : L1275LRN) pour déclarer qu’il n’y a pas lieu, pour elle, de porter une appréciation générale sur les conditions d’entrée en vigueur et de mise en œuvre des dispositions issues de la transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment mais, le cas échéant, de procéder à un examen de chacune des dispositions au visa desquelles les faits sont qualifiés dans la notification des griefs.

Ainsi, plus précisément, la clarté de ces dispositions en l’absence, à la date du contrôle, de mesures réglementaires en précisant la teneur et la portée, de même que les conséquences éventuelles de l’absence de mise à jour de l’arrêté du 3 novembre 2014 feront ainsi l’objet d’une analyse à l’occasion de l’examen de chacun des griefs pour lequel la question peut se poser (§4).

A noter : un mis en cause ne saurait utilement invoquer, d’une façon générale, l’absence des textes réglementaires au moment des faits, précisant les obligations pour lesquelles il lui est reproché des manquements. La commission des sanctions procèdera à une vérification in concreto, et au fur et à mesure, pour chacune des obligations concernées, afin d’observer les éventuelles incidences de cette absence des dispositions réglementaires.

II - Analyse des griefs

Classification des risques

1) Règle applicable

L’article L. 561-4-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0747LWL) impose aux organismes assujettis d’élaborer et de mettre à jour « une classification des risques en question en fonction de la nature des produits ou services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds ».

Ces dispositions sont précisées par l’article 58 de l’arrêté du 3 novembre 2014 qui mentionne que cette classification prend également en compte les informations et les déclarations diffusées par le GAFI et par le ministre chargé de l’Economie ainsi que les informations reçues du service à compétence nationale TRACFIN.

2) Manquement observé

Il s’agit ici du grief 1.

Au moment du contrôle sur place, la classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT) d’OPS était incomplète et insuffisamment adaptée aux risques présentés par les caractéristiques de la clientèle d’OPS et par les opérations réalisées.

En effet, cette classification ne prenait pas assez en compte la nationalité ou le pays de résidence, alors même que 36 % des clients en relation d’affaires étaient de nationalité étrangère.

Plus précisément, OPS avait noué des relations d’affaires avec des clients nationaux ou résidents de pays présentant des risques élevés de BC-FT dont :
- la Syrie, qui figure sur la liste du GAFI et sur celle de la Commission européenne des pays présentant des défaillances en LCB-FT, et qui est également visé par le communiqué sur le dispositif de vigilance à l’encontre de Daech publié par la Direction générale du Trésor en juin 2016 ;
- le Yémen, pays figurant sur la liste du GAFI et sur la liste de la Commission européenne des pays tiers à haut risque présentant des carences stratégiques en matière de LCB-FT dans sa version en vigueur au moment des faits ;
- le Laos, le Guyana, le Sri Lanka et Trinité et Tobago, pays figurant sur la liste de la Commission européenne ;
- le Pakistan, pays figurant sur la liste du GAFI ;

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief est jugé établi par la commission des sanctions (§10).

Sa justification est particulièrement motivée. Elle se fait en trois temps.

- En premier lieu, les dispositions de l’article L. 561-4-1 du Code monétaire et financier prescrivent en termes clairs les obligations des organismes assujettis en matière de classification des risques.

Elles s’imposaient donc dès le lendemain de leur publication, soit le 3 décembre 2016, « indépendamment de toute précision par décret ou de la publication, par l’ACPR, d’un document de nature explicative s’y rapportant ». Ces dispositions sont complétées par celles du dernier alinéa de ce même article selon lesquelles il faut prendre en considération « des facteurs inhérents aux clients, aux produits, services, transactions et canaux de distribution [...] ».

A noter : l’absence des textes réglementaires est sans incidence lorsque les obligations sont prescrites en termes clairs par le texte légal.

Il s’ensuit qu’OPS devait intégrer dans sa classification des risques toutes les caractéristiques de sa clientèle d’où il résulte un risque particulier de BC-FT, « nonobstant l’absence de mention d’un critère relatif à la nationalité ou la résidence dans les lignes directrices conjointes sur les obligations de déclaration et d’information à Tracfin, y compris dans la version actualisée au 1er octobre 2018 ».

Si OPS souligne qu’au moment du contrôle, le rapport de TRACFIN « Tendances et analyse des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme en 2017-2018 » du 28 novembre 2018 n’avait pas encore été publié, la commission des sanctions considère que d’autres informations publiques sur la situation de ces pays dont la Syrie, y compris celles que mentionne la poursuite dans la notification des griefs, auraient dû la conduire à en tenir compte dans sa classification des risques.

A noter : l’absence des textes réglementaires est sans incidence lorsque des informations publiques témoignent des dangers liés à certains Etats.

Plus généralement encore, il aurait dû être tenu compte, dans cette classification, du risque particulier que représentent les clients nationaux ou résidents de pays présentant un risque élevé de BC-FT même si leur part dans la clientèle de l’établissement était relativement faible (203 personnes soit 1 % de la clientèle totale et 2,8 % de la clientèle étrangère d’OPS).

A noter : la rareté des clients relevant de pays présentant un risque particulier ne saurait justifier un manquement lié au recensement des risques de BC-FT découlant de la clientèle.

La commission des sanctions ajoute que ce critère de la nationalité est pertinent pour évaluer des risques, y compris lorsque les clients n’effectuent de transactions qu’au sein de l’espace unique de paiement en euros (§7).

A noter : le critère de nationalité est essentiel pour évaluer les risques.

- En deuxième lieu, OPS rappelait que par les délibérations n° 2006-245 du 6 novembre 2006, n° 2007-372 du 17 décembre 2007 et n° 2010-27 du 1er février 2010 et les décisions n° 2015-108 du 13 mai 2015 et n° 2015-098 du 28 mai 2015, respectivement, la HALDE et le Défenseur des droits ont estimé que la nationalité, l’origine ou la régularité du séjour en France ne pouvaient fonder un refus de la part d’une banque d’ouvrir un compte ou des restrictions dans la fourniture de services. En outre, la discrimination étant pénalement réprimée, la nationalité ne pourrait pas être un critère intégré à une classification des risques.

Or, pour la commission des sanctions, ces délibérations et décisions sont sans incidence sur le grief, qui ne porte pas sur les conditions d’ouverture ni sur le fonctionnement du compte d’un client, non plus que sur les opérations qu’il peut réaliser, mais sur l’obligation pour l’établissement d’identifier et d’évaluer tous les risques résultant des opérations de sa clientèle en fonction des caractéristiques de celle-ci. Elle ajoute, qu’il en est de même de l’ordonnance du 16 mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rappelé que la Banque de France ne pouvait pas refuser le droit à l’ouverture d’un compte bancaire aux personnes étrangères en situation irrégulière (§8).

A noter : invoquer ici les règles et la jurisprudence relative à la discrimination n’est pas pertinente pour la commission des sanctions.

- En troisième lieu, la décision indique que l’utilisation des bases de données Y, depuis le 1er juillet 2016, et Z, depuis le 1er mars 2018, qui enregistrent plus de 3 000 000 de profils à risque, de même que le filtrage en temps réel des opérations par la société B, en charge de la gestion des flux monétiques, ne peuvent pallier un manquement à l’obligation à laquelle OPS était soumise, de recenser de manière exhaustive les risques de BC-FT auxquels sa clientèle l’exposait et d’en tirer les conséquences dans sa classification des risques (§9).

A noter : un filtrage par une société gérant les flux monétiques ne compense pas un manquement lié au recensement des risques de BC-FT découlant de la clientèle.

Connaissance de la clientèle en relation d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’ancien article L. 561-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7191ICC), dont les dispositions ont été maintenues à l’article L. 561-5-1 (N° Lexbase : L4971LBQ) et sont précisées à l’article R. 561-12 du même code (N° Lexbase : L0941LWR), les organismes assujettis doivent, avant d’entrer en relation d’affaires avec un client et pendant toute la durée de celle-ci, recueillir, analyser et mettre à jour les informations relatives à l’objet et à la nature de cette relation ainsi que tout autre élément d’information pertinent sur ce client.

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 2.

En l’espèce, au moment du contrôle, les informations relatives à la connaissance de la clientèle en relation d’affaires étaient, lors de l’entrée en relation et pendant toute la durée de celle-ci, insuffisantes ou inexactes.

Plus précisément, les informations relatives à la situation professionnelle du client étaient inexactes dans 24 des 108 dossiers analysés par la mission de contrôle (dossiers 2.1 à 2.24). Ensuite, celles relatives aux revenus ou au patrimoine sont manquantes dans 24 dossiers, dont 7 mentionnés au titre du premier reproche (2.17, 2.19, 2.20, 2.21, 2.22, 2.23 et 2.24) et 17 autres dossiers (dossiers 2.25 à 2.41).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 2 est établi (§42).

Trois temps dans les développements sont à distinguer.

- D’abord, les dispositions de l’ancien article L. 561-6 du Code monétaire et financier prévoyaient l’obligation de réunir des informations relatives à l’objet et à la nature de la relation d’affaires et d’exercer, tout au long de celle-ci, une vigilance constante. Il est noté que dans sa version initiale, l’arrêté du 2 septembre 2009 (N° Lexbase : L7076IES), qui précise ces dispositions législatives, prévoyait déjà le recueil d’informations sur les activités professionnelles exercées par le client ainsi que sur ses revenus et son patrimoine. Cette exigence figure toujours dans sa rédaction actuelle (§13).

- Ensuite, pour 17 des 24 dossiers au sujet desquels un défaut de connaissance des revenus et du patrimoine du client est reproché (dossiers 2.25 à 2.41), OPS relève que la lettre de notification des griefs est fondée sur des dispositions légales différentes de celles mentionnées dans le rapport de contrôle.

Toutefois, il n’appartient qu’au collège, ainsi que la commission l’a souligné à plusieurs reprises, de choisir les faits qu’il entend reprocher à un organisme mis en cause et de les qualifier juridiquement (§14).

A noter : le fait que la lettre de notification des griefs soit fondée sur des dispositions légales différentes de celles mentionnées dans le rapport de contrôle ne saurait être reproché à la commission des sanctions.

- Enfin, il est souligné que le grief est relatif aux carences constatées dans 48 dossiers dont 7 sont cités cumulativement au titre du défaut de connaissance de la situation professionnelle, d’une part, des revenus et du patrimoine, d’autre part (dossiers 2.17 et 2.19 à 2.24). Ainsi, le grief porte en tout sur 41 dossiers de clients en relation d’affaires sur les 108 examinés par la mission de contrôle.

Toutefois, s’agissant du défaut de connaissance de la situation professionnelle du client, aucune carence ne peut être retenue dans les 3 dossiers dans lesquels l’intéressé, interrogé par OPS, n’a pas répondu (dossiers 2.14, 2.18 et 2.23). Néanmoins, faute pour OPS d’avoir interrogé le client sur ses revenus et son patrimoine, le dossier 2.23, écarté au titre du défaut de connaissance de la situation professionnelle, demeure néanmoins établi à ce second titre. Ainsi, sur les 41 dossiers, 2 seulement sont écartés, de sorte que les insuffisances reprochées sont établies pour 39 dossiers de clients.

A noter : parmi les informations attendues en la matière nous retrouvons donc celles sur la situation professionnelle des clients mais aussi celles portant sur les revenus et le patrimoine des clients.

Il peut cependant être tenu compte des efforts accomplis par OPS pour compléter postérieurement à l’entrée en relation d’affaires, la connaissance de ses clients par des demandes ou des recherches, à la suite d’opérations répétées de dépôts d’espèces et d’enregistrement de chèques (§15).

A noter : pour la commission des sanctions, les efforts d’un assujetti pour compléter postérieurement des manquements au niveau de la connaissance de ses clients sont en prendre en considération, même s’ils ne font pas disparaître les manquements en question.

En outre, si le nombre de dossiers pour lesquels des insuffisances ont été relevées, soit 39 sur 108 ainsi qu’il a été dit, paraît élevé, la commission des sanctions tient à préciser qu’il convient de tenir compte de ce que l’échantillon étudié par la mission de contrôle a été constitué à partir du fichier tenu par OPS des alertes et des examens renforcés et de celui des clients ayant réalisé de nombreuses opérations en espèces. Les conclusions tirées de l’examen d’un tel fichier ne peuvent donc pas être extrapolées à l’ensemble de la clientèle (§16).

A noter : des manquements relevés dans certains fichiers ne saurait être extrapolés par le superviseur à l’ensemble de la clientèle.

Sur le dispositif de suivi et d’analyse des relations d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-32 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0685LWB), les entreprises assujetties « mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l’évaluation des risques prévue à l'article L. 561-4-1. En tenant compte du volume et de la nature de leur activité ainsi que des risques présentés par les relations d'affaires qu'elles établissent, elles déterminent un profil de la relation d'affaires permettant d'exercer la vigilance constante prévue à l'article L. 561-6. [...] [Ces entreprises] mettent en place un dispositif de gestion des risques permettant de détecter les personnes mentionnées au 2° et les opérations mentionnées au 4° de l'article L. 561-10 ainsi que celles mentionnées aux articles L. 561-10-2 et L. 561-15 ».

De plus, l’article 46 de l’arrêté du 3 novembre 2014, précise que les entreprises en question « se dotent de dispositifs de suivi et d'analyse de leurs relations d'affaires, fondés sur la connaissance de leur clientèle, permettant notamment de détecter les opérations qui constituent des anomalies au regard du profil des relations d'affaires et qui pourraient faire l'objet d'un examen renforcé mentionné au II de l'article L. 561-10-2 du Code monétaire et financier ou d'une déclaration prévue à l'article L. 561-15 du même code ».

L’article 49 de cet arrêté prévoit que les dispositifs mis en place, qui doivent notamment permettre de détecter toute opération au bénéfice d'une personne ou d'une entité faisant l'objet d'une mesure de gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques « sont adaptés aux activités, aux clientèles, aux implantations de l'entreprise assujettie et aux risques identifiés par la classification » (§17).

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 3.

Le dispositif de suivi de la relation d’affaires d’OPS reposait, au moment du contrôle, d’une part, sur des seuils unitaires en montant d’opérations dits « seuils en boutique », au-delà desquels le vendeur devait demander une justification et, d’autre part, sur des requêtes mensuelles effectuées a posteriori, à partir de ces seuils, formalisées dans un fichier d’alertes et analysées.

S’agissant des opérations en espèces, au-delà de 1 500 euros pour une opération, le vendeur en agence devait se renseigner sur l’origine des fonds et saisir un commentaire dans une base de données. Au-delà de 3 000 euros, il devait recueillir un justificatif et le scanner dans son logiciel de gestion électronique de documents. Les opérations portant sur plus de 5 000 euros étaient, quant à elles, interdites.

La procédure LCB-FT prévoyait l’analyse, au vu de ces requêtes, de tous les dépôts d’espèces d’un montant cumulé en un mois supérieur à 2 500 euros.

Or, ces seuils ne sont pas adaptés à l’activité d’OPS, notamment au regard du montant moyen des versements d’espèces effectués par ses clients, soit environ 170 euros en 2017. Ainsi, sur les 32 016 dépôts d’espèces effectués par des clients en 2017, 95 seulement étaient d’un montant supérieur ou égal à 1 500 euros et 4 dépassaient 3 000 euros, soit moins de 1 % du total des opérations. En 2017 et 2018, 39 clients seulement ont dépassé le seuil mensuel de 2 500 euros de dépôts d’espèces, déclenchant ainsi une analyse de leurs opérations. Pendant cette même période, 7 clients ont déposé, en cumul sur un mois, plus de 1 500 euros à 9 reprises, sans toutefois franchir ni le seuil en boutique de l 500 euros ni le seuil cumulé sur un mois de 2 500 euros (§18).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 3 est établi (§19).

Les dispositions de l’article L. 561-32 du Code monétaire et financier sont claires. Elles imposent aux organismes de mettre en place une organisation et des procédures internes adaptées aux risques de BC-FT qui résultent des opérations de leurs clients en relation d’affaires.

Il est noté que la commission des sanctions a déjà souligné la nécessité, dans une approche par les risques, de tenir compte du montant moyen des transactions et d’apprécier les écarts à ce montant (ACPR comm. sanctions, décision n° 2016-03 du 19 décembre 2016 N° Lexbase : L8417LBD ;. v. également, ACPR comm. sanctions, décision n° 2017-06 du 13 juin 2018 N° Lexbase : L8041LKZ).

A noter : la commission des sanctions s’attache donc, dans une approche par les risques, comme en témoigne sa jurisprudence, à tenir compte du montant moyen des transactions et à apprécier les écarts à ce montant.

Dès lors, à l’aune de cette exigence, il résulte des indications chiffrées mentionnées plus haut, que les seuils utilisés par OPS étaient manifestement inadaptés.

Ni les pratiques locales alléguées d’utilisation plus importante des espèces, ni la possibilité, sous certaines conditions, de régler les salaires sous cette forme, ne permettent pas de justifier le choix de tels seuils par OPS.

A noter : en matière d’approche par les risques, des pratiques locales ne sauraient justifier les manquements relevés.

Ainsi, les 7 dossiers spécifiquement mentionnés par la poursuite ne font qu’illustrer la carence d’OPS en l’espèce, qui porte sur les seuils retenus pour le suivi et l’analyse des relations d’affaires, de sorte qu’est sans incidence, à ce stade, le point de savoir s’ils auraient dû faire ou non l’objet de diligences particulières (§19).

Sur les défauts d’examen renforcé

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-10-2, II, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5140LBY), les organismes assujettis effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite.

Dans ce cas, ils se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie.

2) Manquement observé

Il s’agit ici du grief 4.

OPS n’a pas effectué d’examen renforcé des opérations de 10 clients (dossiers 4.1 à 4.10) (§21).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 4 est établi (§22).

La commission des sanctions constate que les dispositions de l’article L. 561-10-2, relatives à l’obligation d’effectuer un examen renforcé, n’ont pas été substantiellement modifiées par l’ordonnance du 1er décembre 2016. Surtout, leur non-respect a, depuis 2011, été sanctionné à de nombreuses reprises par l’ACPR.

Dans ces dossiers, OPS ne connaissait ni les revenus, ni le patrimoine du client, et ne disposait pas d’informations quant à leur situation professionnelle permettant de comprendre l’objet des opérations effectuées ou d’apprécier la licéité de leur objet, 8 de ces clients étant sans emploi, un étant magasinier (dossier 4.2) et le dernier ouvrier (dossier 4.10).

Si elle indique avoir procédé à un tel examen dans deux cas (dossiers 4.7 et 4.9), cela ne parvient pas à convaincre la commission des sanctions.

Dans le premier cas, les diligences faites dans le premier dossier sont postérieures au début de la mission de contrôle.

A noter : des vérifications opérées après le début du contrôle du superviseur sont trop tardives. Elles ne sauraient être invoquées pour contredire des manquements relevés.

Dans les second cas, OPS a envoyé un courriel à son client qui avait réalisé, en un peu moins d’un mois, 8 opérations au crédit, en espèces, pour un montant total de 7 700 euros et 37 opérations en débit pour un montant total légèrement inférieur. Le client ne répondant pas à sa demande, OPS lui a seulement adressé une relance en mai 2018, ce qui ne peut suffire à assurer le respect des obligations d’examen renforcé.

A noter : l’envoi d’un courriel à un client au profit « suspect » et une relance du fait de son silence ne sauraient être vus comme le respect des obligations d’examen renforcé.

La commission des sanctions précise encore que le défaut d’examen renforcé dans chaque dossier constitue en soi un manquement (§22).

Sur l’organisation du contrôle permanent

1) Règle applicable

Selon l’article 13 de l’arrêté du 3 novembre 2014 : « Le contrôle permanent de la conformité, de la sécurité et de la validation des opérations réalisées et du respect des autres diligences liées aux missions de la fonction de gestion des risques est assuré, avec un ensemble de moyens adéquats, par :
- certains agents, au niveau des services centraux et locaux, exclusivement dédiés à cette fonction ;
- d'autres agents exerçant des activités opérationnelles
 ».

L’article 14 du même arrêté prévoit que : « L'organisation des entreprises assujetties adoptée en application de l'article 13 est conçue de manière à assurer une stricte indépendance entre, d'une part, les unités chargées de l'engagement des opérations et, d'autre part, les unités chargées de leur validation, notamment comptable, de leur règlement ainsi que du suivi des diligences liées aux missions de la fonction de gestion des risques.

Cette indépendance est assurée par un rattachement hiérarchique différent de ces unités jusqu'à un niveau suffisamment élevé ou par une organisation qui garantit une séparation claire des fonctions ou encore par des procédures, éventuellement informatiques, conçues dans ce but et dont l'entreprise est en mesure de justifier l'adéquation ».».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 5.

Il est noté que 25 seulement des 77 contrôles permanents qualifiés de « deuxième niveau » par OPS dans son plan de contrôle permanent sont assurés par son contrôleur interne.

Une part importante des autres contrôles de ce niveau incombe soit à une consultante externe (21 contrôles) placée sous la responsabilité de la directrice de production, soit à cette directrice elle-même (9 contrôles) et au directeur adjoint des opérations (9 contrôles), qui dirigent des services opérationnels et non des services exclusivement dédiés à la fonction de contrôle (§24).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 5 est établi (§25).

Les constats de la mission de contrôle quant à l’organisation du dispositif de contrôle interne d’OPS ne sont pas contestés. La nécessaire adaptation du dispositif de contrôle interne d’un organisme assujetti à sa classification des risques, à son activité et à sa taille ne peut le conduire à se dispenser des règles et principes définis par les dispositions de l’arrêté du 3 novembre 2014 mentionné précédemment.

A noter : rien ne permet de justifier le non-respect des règles relative à l’organisation du contrôle permanent figurant dans l’arrêté du 3 novembre 2014, y compris sa taille modeste.

L’organisation en place au sein d’OPS à la date du contrôle ne permettait pas de s’y conformer en ce que son contrôle interne de second niveau n’était pas exercé par des agents dédiés à cette tâche, dont la stricte indépendance vis-à-vis des unités exerçant des fonctions opérationnelles n’était dès lors pas assurée.

Les difficultés rencontrées par OPS, alors que son activité était en croissance, pour recruter rapidement du personnel compétent, si elles peuvent expliquer ces insuffisances, ne sauraient conduire à les excuser.

A noter : le contrôle interne de second niveau doit être impérativement exercé par des agents dédiés à cette tâche. La difficulté à recruter le personnel compétent ne saurait excuser un manquement à cette obligation.

Sur le contrôle permanent du dispositif de suivi et de surveillance des relations d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’article 71 de l’arrêté du 3 novembre 2014, le contrôle permanent du dispositif de LCB-FT fait partie du dispositif de la conformité.

De plus, selon l’article 11 du même arrêté : « Le système de contrôle des opérations et des procédures internes a notamment pour objet, dans des conditions optimales de sécurité, de fiabilité et d’exhaustivité, de : a) Vérifier que les opérations réalisées par l’entreprise, ainsi que l’organisation et les procédures internes, sont conformes aux dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, nationales ou européennes directement applicables [...] ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 6.

D’une part, OPS a, à 5 reprises, accepté des opérations que ses procédures internes auraient dû conduire à refuser parce qu’elles étaient supérieures à ses seuils d’opération en boutique de 1 000 euros pour les dépôts d’espèces par des tiers (une opération) et 12 000 euros pour les remises de chèques (4 opérations).

D’autre part, le franchissement du seuil de 3 000 euros pour les dépôts d’espèces par un client n’a pas conduit, dans deux cas, OPS à recueillir un justificatif de l’origine des fonds.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 6 est établi (§28)

D’une part, la commission des sanctions indique que, dans les 5 premiers dossiers, l’envoi a posteriori de demandes de justificatifs de l’origine des fonds aux clients ayant réalisé des opérations qui auraient dû, en application des procédures d’OPS, être refusées, n’est pas de nature à répondre au grief précité.

A noter : une simple demande de justificatifs a posteriori ne saurait légitimer la passation d’une opération qui n’aurait pas dû l’être.

D’autre part, si dans un des deux cas de franchissement du seuil de 3 000 euros, OPS indique avoir demandé à la cliente qui a effectué un dépôt d’espèces de 3 500 euros le 6 octobre 2017, de fournir des justificatifs, sa demande est intervenue 3 mois après l’opération et la cliente n’y a pas répondu.

A noter : dans les cas où un justificatif de l’origine des fonds doit être recueilli, une demande réalisée 3 mois après l’opération litigieuse (restée de surcroît sans réponse) ne saurait être admise.

Au sujet du second cas de même nature (dépôt d’espèces de 5 000 euros), OPS admet qu’il s’agit d’une « anomalie isolée ».

La commission des sanctions estime qu’il peut, dans une certaine mesure, être tenu compte de ce que l’unique dépôt d’espèces par une personne tierce reproché, d’un montant de 1 050 euros, dépassait de 50 euros seulement le seuil fixé par la procédure LCB-FT d’OPS, ainsi que du faible nombre de cas pour lesquels le non-respect des procédures internes est établi au regard de l’échantillon de 108 dossiers examiné par la mission de contrôle et, au demeurant, de l’activité totale d’OPS qui, début 2018, traitait 50 000 opérations par an pour le compte de plus de 20 000 clients. Cela ne remet pas en cause, pour autant, le grief (§28).

A noter : les circonstances particulières et le faible nombre des cas dans lesquels les procédures internes n’ont pas été respectées ne sauraient légitimer une exclusion du grief.

Sur l’externalisation

1) Règle applicable

Selon l’article 21 de l’arrêté du 3 novembre 2014, les organismes assujettis peuvent, dans certaines circonstances, confier à des prestataires extérieurs de services les tâches d’exécution des contrôles qui y sont effectués.

L’article 238 de ce même arrêté prévoit que : « L’externalisation d'activité : a) Donne lieu à un contrat écrit entre le prestataire externe et l'entreprise assujettie [...] ».

L’article 239 impose, quant à lui, aux organismes assujettis que, dans leurs relations avec leurs prestataires externes, ces derniers « e) Se conforment aux procédures définies par l'entreprise assujettie concernant l’organisation et la mise en œuvre du contrôle des services qu'ils fournissent ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 7.

Lorsque le contrôle sur place a démarré, mi-juin 2018, aucun contrat n’avait été signé entre OPS et certains prestataires qui réalisaient des prestations de services ou d’autres tâches opérationnelles essentielles ou importantes ou des tâches d’exécution des contrôles périodiques, notamment les sociétés B, qui gère les flux monétiques, et C, en charge, d’une part, de la sous-traitance dans les domaines informatique, administratif et financier, juridique et ressources humaines, commercial et marketing, et, d’autre part, du contrôle du réseau des boutiques (visites trimestrielles donnant lieu à l’établissement d’un rapport de contrôle).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 7 est établi (§31).

Les dispositions de l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie, OPS ne peut utilement soutenir que, selon le premier alinéa de l’article 1172 du Code civil (N° Lexbase : L0890KZY) : « Les contrats sont par principe consensuels ».

Il est souligné que la commission a déjà rappelé la teneur de cette obligation (ACPR comm. sanctions, décision n° 2014-10 du 16 octobre 2015 N° Lexbase : L1777KMR).

A noter : les règles du Code civil ne sauraient fonder une dérogation à l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie.

En outre, l’exécution par chaque partie des prestations prévues par les projets de contrat ou l’appartenance au même groupe des société OPS et C sont sans conséquence sur le grief, qui est établi (§31).

A noter : l’appartenance des sociétés concernées au même groupe ne saurait fonder une dérogation à l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie.

Sur les défauts de communications systématique d’information à TRACFIN

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-15-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5152LBG), dont les dispositions sont précisées par l’article R. 561-31-2 de ce code (N° Lexbase : L1967LK3), les organismes assujettis doivent transmettre systématiquement à TRACFIN toutes les informations relatives aux versements et retraits d’espèces supérieurs à 10 000 euros sur un mois civil.

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 8.

OPS n’avait, au moment du contrôle, effectué aucune communication systématique d’informations (COSI) depuis le début de son activité, alors que certains clients avaient réalisé des opérations en espèces supérieures au seuil réglementaire.

La mission a ainsi relevé 4 séries de retraits d’espèces effectuées par 3 clients entre avril 2016 et octobre 2017 qui auraient dû faire l’objet de COSI.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 8 est établi (§34).

L’obligation d’informer systématiquement TRACFIN de certaines transactions est définie en termes clairs par les articles L. 561-15-1 et R. 561-31-2 du Code monétaire et financier. Les faits ne sont pas contestés

Il peut toutefois être tenu compte, dans une certaine mesure, de ce que les opérations exécutées par ces clients sont peu nombreuses et qu’en outre, dans un de ces 4 dossiers, le dépassement reproché s’est élevé à 40 euros seulement (§40).

A noter : le faible nombre des opérations exécutées par les clients peut être pris en considération par la commission des sanctions. Il n’excuse cependant pas le manquement du professionnel en matière de COSI.

Sur les défauts de déclaration de soupçon

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-15, I, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5153LBH), les organismes assujettis doivent déclarer à TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme ».

Selon le II du même article, ils doivent également, en présence d’au moins un critère défini par décret, déclarer les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d'une fraude fiscale.

Selon le III du même article « à l'issue de l'examen renforcé prescrit à l'article L. 561-10- 2, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article ».

Enfin, parmi ces critères précisés par l’article D. 561-32-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0959LWG) figure « le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connues » (critère 15).

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 9.

Les opérations de 7 clients auraient dû être déclarées à TRACFIN, sur le fondement, successivement, du III (dossiers 9.1à 9.3), du II (9.4 et) et du I (dossiers 9.6 et 9.7) de l’article L. 561-15 du Code monétaire financier.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 9 est établi (§38).

Le développement de la commission des sanctions se fait en deux temps.

Tout d’abord, il est rappelé que l’obligation de déclarer à TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres dont les organismes assujettis savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction punie d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme, ou d’une fraude fiscale en présence d’un critère définie par décret ou, le cas échéant à l’issue d’un examen renforcé, a été introduite par l’ordonnance du 30 janvier 2009 (ordonnance n° 2009-104 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme N° Lexbase : L6934ICS).

En matière de soupçon de blanchiment de fraude fiscale, la liste des critères applicables n’a pas été modifiée depuis le 2 septembre 2009.

Ces dispositions, dont le non-respect a été sanctionné à de nombreuses reprises par la commission, sont claires. Au demeurant, elles ont donné lieu à la publication, par l’ACPR et TRACFIN, de lignes directrices conjointes publiées avant la mission de contrôle.

A noter : le droit applicable aux déclarations de soupçons est clair et « stablilisé » de longue date. Il demeure désormais bien délicat d’en contester l’accessibilité.

Ensuite, OPS, qui ne conteste pas le reproche, a, dans ces 7 dossiers, après le début du contrôle sur place, adressé une déclaration de soupçon à Tracfin.

A noter : sans surprise, une déclaration tardive n’a aucune incidence sur le grief.

Les opérations de ces clients ont pour une large part consisté soit en des virements de montants élevés en provenance de donneurs d’ordre différents (dossiers 9.1 et 9.3), soit en des dépôts d’espèces (dossiers 9.4 à 9.7).

Or, ces opérations semblaient incohérentes avec la situation professionnelle connue des intéressés, « sans emploi » ou « sans emploi/retraité » (dossiers 9.1, 9.3, 9.6 et 9.7), « pasteur évangéliste » (dossier 9.2), « fonctionnaire » (dossier 9.4) ou « comptable » (dossier 9.5), dont OPS ignorait les revenus et le patrimoine.

La commission rappelle alors que chaque défaut de déclaration de soupçon constitue un manquement.

A noter : un manquement en matière de déclaration peut résulter d’un seul défaut. Une multiplicité de cas n’est pas nécessaire.

Au demeurant, il est souligné que les 7 défauts de déclaration reprochés représentent 6,5 % des 108 dossiers identifiés par OPS elle-même comme étant atypiques et examinés par la mission de contrôle (§38).

Sur le dispositif de filtrage en matière de gel des avoirs

1) Règle applicable

Selon l’article L. 562-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3484LBN) « Toute personne mentionnée à l’article L. 561-2, qui détient ou reçoit des fonds ou des ressources économiques pour le compte d’un client, est tenue d’appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d’utilisation prévues au présent chapitre et d’en informer immédiatement le ministre chargé de l’Economie ».

L’article 47 de l’arrêté du 3 novembre 2014 impose également aux entreprises assujetties de se doter de dispositifs adaptés à leurs activités leur permettant de « détecter toute opération au bénéfice d’une personne ou d’une entité faisant l’objet d’une mesure de gel des fonds, instruments ou de ressources économiques ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 10.

Après l’entrée en relation d’affaires, OPS n’effectue un filtrage de sa base clientèle au regard des listes de personnes faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs que selon une fréquence mensuelle, ce qui n’est pas de nature à permettre une mise en œuvre immédiate des mesures de gel des avoirs.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 10 est établi (§41).

Les dispositions de l’article L. 562-4 du Code monétaire et financier, qui prévoient une application sans délai des mesures restrictives, sont claires.

A noter : cette clarté de l’article L. 562-4 pour la commission des sanctions est à souligner.

De plus, l’obligation de l’article 47 de l’arrêté du 3 novembre 2014 n’est pas contradictoire avec les dispositions du décret n° 2018-264 du 9 avril 2018, relatif au dispositif de gel des avoirs (N° Lexbase : L9839LIA).

Les dispositions applicables impliquent la mise en place d’un dispositif de filtrage permettant d’empêcher l’exécution de toute opération au bénéfice d’une personne visée par une mesure de gel.

Le filtrage effectué par OPS, selon une périodicité mensuelle, de sa base clientèle, en utilisant les données de Y et de Z, ne permet pas de respecter cette obligation.

Les exigences en matière de gel des avoirs s’appliquent à tous les clients, sans considération de revenu ou de patrimoine, et constituent une obligation de résultat, de sorte qu’OPS ne peut utilement soutenir que le profil de sa clientèle ne correspond pas à celui des personnes pour lesquelles ces règles ont été formulées (§41).

A noter : l’encadrement relatif au gel des avoirs concerne tous les clients. Son respect constitue, en outre, une obligation de résultat.

II - Dispositif final

Il résulte de ce qui précède que tous les griefs sont établis.

Certains sont qualifiés de manquements sérieux aux obligations en matière de LCB-FT. Tel est la cas des carences relevées en matière de classification des risques (grief 1), de connaissance du client, notamment lors de l’entrée en relation d’affaires (grief 2), de mise en place de seuils sur la base desquels les opérations des clients sont suivies et analysées (grief 3), d’organisation (grief 5) et de mise en œuvre (grief 6) du dispositif de contrôle interne ; les conséquences de ces carences ont été constatées dans plusieurs dossiers individuels de défaut d’examen renforcé (grief 4) et de soupçon (grief 9) ; enfin, le dispositif de gel des avoirs d’OPS ne lui permettait pas, au moment du contrôle sur place, de respecter toutes ses obligations dans ce domaine (grief 10) (§42).

Il convient cependant de tenir compte, dans une certaine mesure, de la relativisation de certains reproches.

Ainsi, les constats en matière de connaissance du client, dont le périmètre a été réduit, ont de plus été établis à partir d’un échantillon dont les caractéristiques ne peuvent être étendues à la totalité de la clientèle (grief 2) ; les cas d’absence de réaction appropriée face à des opérations qui dépassaient les seuils définis par les procédures internes d’OPS paraissent peu nombreux au regard du volume d’activité de cet établissement, et les dépassements observés parfois de faible montant (grief 6) ;, de même, s’agissant de ses activités externalisées, OPS a produit des éléments quant aux relances effectuées auprès d’un de ses prestataires, tandis qu’il n’est pas contesté que ses relations avec ses prestataires aient été conformes aux stipulations des projets de convention (grief 7) ; le nombre de défauts de COSI constaté est relativement faible (grief 8) (§43).

Les manquements retenus par la Commission justifient alors pour la commission des sanctions, compte tenu de leur nature et de leur durée, le prononcé d’un blâme.

La circonstance qu’OPS a cessé son activité et sollicité le retrait de son agrément n’est pas de nature à faire obstacle au prononcé d’une sanction pécuniaire.

A noter : la cession d’activité du mis en cause n’a pas d’incidence sur le prononcé de la sanction pécuniaire.

Dès lors, en tenant compte des éléments d’appréciation mentionnés précédemment (c’est-à-dire les §42 et 43), il y a lieu, dans le respect du principe de proportionnalité au regard de l’assise financière d’OPS, de prononcer une sanction pécuniaire de 70 000 euros (§44).

OPS soutient que la publication de la décision ici prononcée lui causerait un préjudice disproportionné : en conséquence, elle demande que celle-ci ne soit pas publiée ou le soit sous une forme non nominative.

Toutefois, au regard de la nature des griefs retenus par la commission des sanctions, dont des insuffisances quant au respect par OPS de ses obligations de déclaration à TRACFIN, la publication de la décision sous forme nominative n’est pas susceptible de lui causer un préjudice disproportionné.

Il y a donc lieu de publier cette dernière sous cette forme au registre de l’ACPR pendant une durée de 5 ans. Elle y sera ensuite maintenue sous une forme ne mentionnant plus le nom de l’organisme sanctionné.

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