Le Quotidien du 9 janvier 2020 : Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Retrait d’une SCP d’avocats : pleine application des dispositions conventionnelles aux relations financières et l’évaluation des droits sociaux

Réf. : Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 17-13.863, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5574Z9C)

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[Brèves] Retrait d’une SCP d’avocats : pleine application des dispositions conventionnelles aux relations financières et l’évaluation des droits sociaux. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56028652-breves-retrait-dune-scp-davocats-pleine-application-des-dispositions-conventionnelles-aux-relations-
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par Vincent Téchené

le 21 Janvier 2020

► Si en application des articles 1869 du Code civil (N° Lexbase : L2066AB7) et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, relative aux sociétés civiles professionnelles (N° Lexbase : L3146AID), l’associé retrayant d’une SPC conserve ses droits patrimoniaux tant qu’il n’a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales, les associés ont toutefois la liberté de conclure des conventions dérogeant à cette règle pour déterminer leurs relations financières lors du retrait de l’un d’entre eux ;

► Les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L1737LRR), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : L1321I4P), qui imposent désormais à l’expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux d’un associé d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties, s’appliquent à la date de la désignation de l’expert.

Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 8 janvier 2020 (Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 17-13.863, FS-P+B+I N° Lexbase : A5574Z9C).

L’affaire. Un avocat a exercé son activité au sein d’une SCP à compter du 1er janvier 2002 en qualité d’associé en industrie, puis à compter du 1er juillet 2003 en qualité d’associé en capital et en industrie. En raison de dissensions existant entre celui-ci et ses coassociés, les parties ont signé un accord de portée limitée fixant certaines conditions de son retrait, intervenu le 31 juillet 2010, et saisi le Bâtonnier d’une demande d’arbitrage portant sur diverses prétentions indemnitaires. Des recours ont été exercés contre la sentence rendue par le délégué du Bâtonnier.

Les moyens. C’est dans ces conditions que l’associé retrayant a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Versailles, 23 février 2017, n° 15/04842 N° Lexbase : A0054TPP ; lire N° Lexbase : N6982BWI), rendu sur renvoi après une première cassation (Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 13-24.931, FS-P+B N° Lexbase : A9230NGX ; sur lequel lire les obs. de B. Brignon N° Lexbase : N7346BUM), émettant deux griefs principaux :

-  d’une part, il reprochait aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande au titre de la rétribution de ses apports en capital et de sa quote-part dans les bénéfices à distribuer, à compter du 31 juillet 2010 et jusqu’au remboursement de l’intégralité de ses droits sociaux, et de le condamner à payer à la SCP la somme de 208 000 euros au titre des frais fixes ;

- d’autre part, il leur reprochait, après avoir ordonné une expertise afin de déterminer la valeur de ses parts sociales, de dire que l’expert devra déterminer cette valeur au regard de l’article 4 du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle, alors que le Bâtonnier qui désigne un expert, en application de l’article 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 (N° Lexbase : L8851IPI), n’a pas le pouvoir de préciser la méthode d’évaluation des parts sociales, dont le choix appartient à l’expert exclusivement.

La décision. La Cour de cassation apporte donc une réponse à chacun de ces griefs.

Sur les relations financières entre la société et le retrayant jusqu’au remboursement de ses droit sociaux.  

Après avoir énoncé la solution précitée qui autorise donc les associés à conclure des conventions déterminant leurs relations financières lors du retrait de l’un d’eux, la Haute juridiction relève que l’arrêt d’appel constate, d’abord, que, selon le système de rémunération adopté par l’assemblée générale des associés, dit système ABCJMM, la répartition des bénéfices est fondée sur l’industrie de l’associé, et non sur sa participation au capital social, de sorte que les parts sociales ne confèrent aux associés qu’une vocation à percevoir des bénéfices dont le montant est fixé sur la base de leur contribution effective à l’activité de la société. Après l’examen des stipulations relatives au départ d’un associé figurant à l’article 4 dudit système, l’arrêt relève, ensuite, qu’en vertu de cette clause, qui n’instaure pas un régime spécifique pour l’associé retrayant, celui-ci a droit au remboursement de son compte courant, à sa part des créances au titre des travaux effectués et à sa quote-part de bénéfices déterminée en fonction de ses apports en industrie. La cour d’appel en a donc déduit, à bon droit, que le retrayant ne pouvait prétendre, après son départ de la SCP, à la perception de bénéfices, les apports en capital ne donnant lieu, en application du système contractuellement défini, à aucune rétribution.

En second lieu, l’arrêt d’appel relève que la stipulation prévoyant l’obligation pour l’associé retrayant de contribuer aux frais fixes exposés par le cabinet, pendant l’année suivant la date de son départ, est justifiée par l’absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant. Le montant de la participation aux frais fixes est assis sur l’importance de l’activité exercée par le retrayant jusqu’au jour de son départ. Enfin, celui-ci n’est pas tenu au paiement de l’intégralité des frais fixes à la charge de la SCP, les frais liés à la rémunération des collaborateurs et secrétaires étant exclus. Ainsi, la cour d’appel a pu en déduire que la clause litigieuse n’empêchait pas l’associé d’exercer son droit de retrait et était proportionnée aux intérêts légitimes de la société.

Sur l’évaluation des droits sociaux du retrayant.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l’expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux d’un associé est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties. Ainsi en conclut-elle que la cour d’appel a, à bon droit, fait application de ces dispositions, en vigueur à la date de la désignation de l’expert et n’a pas, ainsi, excédé ses pouvoirs en donnant mission à celui-ci de déterminer la valeur des parts sociales détenues par le retrayant notamment par référence au système convenu entre les parties.

Rejet. Le pourvoi est donc rejeté par la Cour (cf. les Ouvrages «La profession d’avocat» N° Lexbase : E4797E4G et «Droit des sociétés» N° Lexbase : E9599ASC et N° Lexbase : E0632EUX).

Précisions. Le principe selon lequel l'associé qui se retire d'une société civile, notamment professionnelle, ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux est aujourd’hui acquis (v. not., Cass. com., 17 juin 2008 n° 07-14.965, FS-P+B+R N° Lexbase : A2228D9E ; Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-15.358, F-D N° Lexbase : A6735E3T ; Cass. civ. 1, 12 juin 2012, n° 11-18.472, F-P+B+I N° Lexbase : A8845INW ; Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D N° Lexbase : A2831MTZ). L’associé retrayant conserve donc ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de la valeur de ses parts sociales (Cass. civ. 1, 16 avril 2015 n° 13-24.931, préc.). Dans son arrêt du 8 janvier 2020, la Cour de cassation apporte une précision d’importance : ce principe n’est pas d’ordre public et les associés peuvent donc y déroger conventionnellement, comme en l’espèce, par l’adoption en assemblée générale d’un régime qui prévoit que les apports en capital ne donnent lieu à aucune rétribution.

Par ailleurs, concernant l’évaluation des parts sociales par l’expert, on rappellera qu’avant la modification de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance de 2014 (lire V. Téchené, La réforme de l'article 1843-4 du Code civil par l'ordonnance du 31 juillet 2014, Lexbase, éd. Affaires, 2014, n° 395 N° Lexbase : N3789BUU), la Cour de cassation considérait que l'expert n'était pas tenu de suivre les méthodes d'évaluation convenues par les parties, notamment celles contenues dans les statuts (v. not. Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-13.912, FS-P+B N° Lexbase : A0299D3H ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR). Face aux nombreuses critiques, le législateur est intervenu et a modifié les termes de l’article 1843-4 pour prévoir que l’expert est tenu de suivre les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties. En outre, en ce qui concerne plus spécifiquement les sociétés d’avocats, l’article 21, alinéa 3, de la loi de 1971 dispose que «tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats». Or, la Cour de cassation a déjà précisé que cet article ne déroge pas à l’article 1843-4 du Code civil ; il n’y déroge qu’en ce qu’il donne compétence au Bâtonnier pour procéder à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats (Cass. civ. 1, 9 mai 2019, n° 18-12.073, FS-P+B N° Lexbase : A0630ZBX ; lire les obs. de B. Brignon N° Lexbase : N9285BX8).

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