Réf. : Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.011, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5575Z9D)
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par Laïla Bedja
le 14 Janvier 2020
► Le juge judiciaire est seul compétent pour connaître d’une action engagée par des personnes privées aux fins d’obtenir qu’une société commercialise une spécialité pharmaceutique dont elle est le fabricant et qui bénéfice d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France ; en revanche, en demandant qu’il soit enjoint à une société pharmaceutique de commercialiser la spécialité Levothyrox AF, qui ne bénéficiait plus d’une AMM en France, les requérants devaient être regardés comme mettant en cause la décision prise sur ce point par l’ANSM dans l’exercice des pouvoirs de police qu’elle tient de l’article L. 5121-8 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1651ITC) et que le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose dès lors à ce que le juge judiciaire connaisse d’une telle action ; il en est déduit qu’il n’appartenait qu’au juge administratif de connaître du litige qui oppose les requérants à la société pharmaceutique.
Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 janvier 2020 (Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.011, FS-P+B+I N° Lexbase : A5575Z9D).
Les faits. La société pharmaceutique, fabricante du Levothyrox, délivré sur prescription médicale pour traiter les maladies de la thyroïde et exploité par la société, a, à la demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (l'ANSM), modifié la composition de ce médicament, en remplaçant son excipient. Par décision du 27 septembre 2016, l'ANSM a modifié en conséquence l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament ; qu'à compter de mars 2017, la nouvelle formule du Levothyrox (Levothyrox NF) a été commercialisée, l'ancienne formule (Levothyrox AF) ne bénéficiant plus d'une AMM sur le territoire national et de nombreux patients traités au moyen du Levothyrox NF ont fait état d'effets indésirables. Pour y remédier, le ministre chargé de la Santé a invité la société à solliciter l'autorisation d'importer des unités de la spécialité Euthyrox, correspondant au Levothyrox AF, commercialisé en Allemagne. Le 19 septembre 2017, l'ANSM a délivré à la société, à titre exceptionnel et transitoire pour une durée maximale d'un an, une autorisation d'importer un certain nombre d'unités d'Euthyrox, tout en autorisant la distribution et la mise sur le marché en France d'autres spécialités pharmaceutiques à titre d'alternatives thérapeutiques.
Par actes des 2 et 7 novembre 2017, Mme Y et plusieurs autres personnes physiques ont assigné en référé les sociétés aux fins d'obtenir leur condamnation, sous astreinte, à reprendre la distribution du Levothyrox AF.
Les sociétés ont opposé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Après avoir déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige, la juridiction de référé (CA Toulouse, 7 juin 2018, n° 17/05631, Confirmation N° Lexbase : A5030XQD) a condamné la société à fournir, sans délai et sous astreinte, le produit dans son ancienne formule, par le biais des circuits de distribution et de commercialisation, à plusieurs requérantes munies d'une prescription d'Euthyrox et se présentant dans une pharmacie désignée. La Cour de cassation avait alors été saisie par la société et elle décida de renvoyer la question de la compétence au Tribunal des Conflits (Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 18-19.011, FS-P+B N° Lexbase : A9232ZDB).
Conséquence de la décision du Tribunal des Conflits. Par arrêt du 4 novembre 2016, le Tribunal a reconnu la compétence du juge administratif par une solution que la Cour de cassation a repris ci-dessous.
Ainsi, la Haute juridiction, tirant les conséquences de la compétence du juge administratif énonce qu’en retenant sa compétence, la cour d’appel a violé le principe de séparation des pouvoirs prévu par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
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