Le Quotidien du 9 janvier 2020

Le Quotidien

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Retrait d’une SCP d’avocats : pleine application des dispositions conventionnelles aux relations financières et l’évaluation des droits sociaux

Réf. : Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 17-13.863, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5574Z9C)

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N1810BYP

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par Vincent Téchené

Le 21 Janvier 2020

► Si en application des articles 1869 du Code civil (N° Lexbase : L2066AB7) et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, relative aux sociétés civiles professionnelles (N° Lexbase : L3146AID), l’associé retrayant d’une SPC conserve ses droits patrimoniaux tant qu’il n’a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales, les associés ont toutefois la liberté de conclure des conventions dérogeant à cette règle pour déterminer leurs relations financières lors du retrait de l’un d’entre eux ;

► Les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L1737LRR), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : L1321I4P), qui imposent désormais à l’expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux d’un associé d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties, s’appliquent à la date de la désignation de l’expert.

Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 8 janvier 2020 (Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 17-13.863, FS-P+B+I N° Lexbase : A5574Z9C).

L’affaire. Un avocat a exercé son activité au sein d’une SCP à compter du 1er janvier 2002 en qualité d’associé en industrie, puis à compter du 1er juillet 2003 en qualité d’associé en capital et en industrie. En raison de dissensions existant entre celui-ci et ses coassociés, les parties ont signé un accord de portée limitée fixant certaines conditions de son retrait, intervenu le 31 juillet 2010, et saisi le Bâtonnier d’une demande d’arbitrage portant sur diverses prétentions indemnitaires. Des recours ont été exercés contre la sentence rendue par le délégué du Bâtonnier.

Les moyens. C’est dans ces conditions que l’associé retrayant a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Versailles, 23 février 2017, n° 15/04842 N° Lexbase : A0054TPP ; lire N° Lexbase : N6982BWI), rendu sur renvoi après une première cassation (Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 13-24.931, FS-P+B N° Lexbase : A9230NGX ; sur lequel lire les obs. de B. Brignon N° Lexbase : N7346BUM), émettant deux griefs principaux :

-  d’une part, il reprochait aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande au titre de la rétribution de ses apports en capital et de sa quote-part dans les bénéfices à distribuer, à compter du 31 juillet 2010 et jusqu’au remboursement de l’intégralité de ses droits sociaux, et de le condamner à payer à la SCP la somme de 208 000 euros au titre des frais fixes ;

- d’autre part, il leur reprochait, après avoir ordonné une expertise afin de déterminer la valeur de ses parts sociales, de dire que l’expert devra déterminer cette valeur au regard de l’article 4 du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle, alors que le Bâtonnier qui désigne un expert, en application de l’article 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 (N° Lexbase : L8851IPI), n’a pas le pouvoir de préciser la méthode d’évaluation des parts sociales, dont le choix appartient à l’expert exclusivement.

La décision. La Cour de cassation apporte donc une réponse à chacun de ces griefs.

Sur les relations financières entre la société et le retrayant jusqu’au remboursement de ses droit sociaux.  

Après avoir énoncé la solution précitée qui autorise donc les associés à conclure des conventions déterminant leurs relations financières lors du retrait de l’un d’eux, la Haute juridiction relève que l’arrêt d’appel constate, d’abord, que, selon le système de rémunération adopté par l’assemblée générale des associés, dit système ABCJMM, la répartition des bénéfices est fondée sur l’industrie de l’associé, et non sur sa participation au capital social, de sorte que les parts sociales ne confèrent aux associés qu’une vocation à percevoir des bénéfices dont le montant est fixé sur la base de leur contribution effective à l’activité de la société. Après l’examen des stipulations relatives au départ d’un associé figurant à l’article 4 dudit système, l’arrêt relève, ensuite, qu’en vertu de cette clause, qui n’instaure pas un régime spécifique pour l’associé retrayant, celui-ci a droit au remboursement de son compte courant, à sa part des créances au titre des travaux effectués et à sa quote-part de bénéfices déterminée en fonction de ses apports en industrie. La cour d’appel en a donc déduit, à bon droit, que le retrayant ne pouvait prétendre, après son départ de la SCP, à la perception de bénéfices, les apports en capital ne donnant lieu, en application du système contractuellement défini, à aucune rétribution.

En second lieu, l’arrêt d’appel relève que la stipulation prévoyant l’obligation pour l’associé retrayant de contribuer aux frais fixes exposés par le cabinet, pendant l’année suivant la date de son départ, est justifiée par l’absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant. Le montant de la participation aux frais fixes est assis sur l’importance de l’activité exercée par le retrayant jusqu’au jour de son départ. Enfin, celui-ci n’est pas tenu au paiement de l’intégralité des frais fixes à la charge de la SCP, les frais liés à la rémunération des collaborateurs et secrétaires étant exclus. Ainsi, la cour d’appel a pu en déduire que la clause litigieuse n’empêchait pas l’associé d’exercer son droit de retrait et était proportionnée aux intérêts légitimes de la société.

Sur l’évaluation des droits sociaux du retrayant.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l’expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux d’un associé est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties. Ainsi en conclut-elle que la cour d’appel a, à bon droit, fait application de ces dispositions, en vigueur à la date de la désignation de l’expert et n’a pas, ainsi, excédé ses pouvoirs en donnant mission à celui-ci de déterminer la valeur des parts sociales détenues par le retrayant notamment par référence au système convenu entre les parties.

Rejet. Le pourvoi est donc rejeté par la Cour (cf. les Ouvrages «La profession d’avocat» N° Lexbase : E4797E4G et «Droit des sociétés» N° Lexbase : E9599ASC et N° Lexbase : E0632EUX).

Précisions. Le principe selon lequel l'associé qui se retire d'une société civile, notamment professionnelle, ne perd sa qualité d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux est aujourd’hui acquis (v. not., Cass. com., 17 juin 2008 n° 07-14.965, FS-P+B+R N° Lexbase : A2228D9E ; Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-15.358, F-D N° Lexbase : A6735E3T ; Cass. civ. 1, 12 juin 2012, n° 11-18.472, F-P+B+I N° Lexbase : A8845INW ; Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-14.134, F-D N° Lexbase : A2831MTZ). L’associé retrayant conserve donc ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de la valeur de ses parts sociales (Cass. civ. 1, 16 avril 2015 n° 13-24.931, préc.). Dans son arrêt du 8 janvier 2020, la Cour de cassation apporte une précision d’importance : ce principe n’est pas d’ordre public et les associés peuvent donc y déroger conventionnellement, comme en l’espèce, par l’adoption en assemblée générale d’un régime qui prévoit que les apports en capital ne donnent lieu à aucune rétribution.

Par ailleurs, concernant l’évaluation des parts sociales par l’expert, on rappellera qu’avant la modification de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance de 2014 (lire V. Téchené, La réforme de l'article 1843-4 du Code civil par l'ordonnance du 31 juillet 2014, Lexbase, éd. Affaires, 2014, n° 395 N° Lexbase : N3789BUU), la Cour de cassation considérait que l'expert n'était pas tenu de suivre les méthodes d'évaluation convenues par les parties, notamment celles contenues dans les statuts (v. not. Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-13.912, FS-P+B N° Lexbase : A0299D3H ; Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR). Face aux nombreuses critiques, le législateur est intervenu et a modifié les termes de l’article 1843-4 pour prévoir que l’expert est tenu de suivre les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties. En outre, en ce qui concerne plus spécifiquement les sociétés d’avocats, l’article 21, alinéa 3, de la loi de 1971 dispose que «tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats». Or, la Cour de cassation a déjà précisé que cet article ne déroge pas à l’article 1843-4 du Code civil ; il n’y déroge qu’en ce qu’il donne compétence au Bâtonnier pour procéder à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats (Cass. civ. 1, 9 mai 2019, n° 18-12.073, FS-P+B N° Lexbase : A0630ZBX ; lire les obs. de B. Brignon N° Lexbase : N9285BX8).

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newsid:471810

Famille et personnes

[Brèves] Publication au JO de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille

Réf. : Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille (N° Lexbase : L2114LUT)

Lecture: 2 min

N1781BYM

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 08 Janvier 2020

A été publiée au Journal officiel du 29 décembre 2019, la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille (N° Lexbase : L2114LUT), adoptée aux termes d’une procédure accélérée, et entrée en vigueur le 30 décembre 2019, et répondant aux préconisations du «Grenelle des violences conjugales».

Les mesures se répartissent en cinq principaux chapitres. Le premier chapitre, intitulé «de l'ordonnance de protection et de la médiation familiale», un renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection, afin de la rendre plus accessible et plus protectrice pour les victimes. Parmi les principales novations, on relèvera :

- l’absence de condition de dépôt d'une plainte pénale préalable ;

- l’obligation pour le juge aux affaires familiales de se prononcer dans un délai de six jours au maximum, et non plus simplement dans les meilleurs délais ;

- l’exclusion de la médiation en cas d’allégation de violence conjugale ;

- en matière d’autorité parentale, la suspension de l’exercice de l’autorité parentale en cas de crime sur l’autre parent (sur ce point, cf. les observations d'Adeline Gouttenoire, in Pan. Lexbase, éd. priv., n° 808, 2020 N° Lexbase : N1761BYU).

Le chapitre 2 prévoit de supprimer le versement de la pension de réversion en cas de condamnation du conjoint survivant pour violences commises sur l’autre conjoint

Le chapitre 3 prévoit l'élargissement du port du bracelet anti-rapprochement.

Le chapitre 4 prévoit des dispositions tendant à faciliter le relogement des victimes de violences conjugales.

Enfin le chapitre 5 vise à faciliter le recours au téléphone grave danger, qui permet de joindre, en cas de danger, une plateforme d’assistance.

Lexbase Hebdo - édition privée reviendra en détail, dans le prochain numéro, sur l’ensemble des dispositions de ce texte, à travers un commentaire d’Isabelle Corpart.

newsid:471781

Fonction publique

[Brèves] Instauration d'une procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique

Réf. : Décrets du 31 décembre 2019, n° 2019-1593, relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique (N° Lexbase : L3781LUL) et n° 2019-1596, relatif à l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles (N° Lexbase : L3775LUD)

Lecture: 2 min

N1771BYA

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par Yann Le Foll

Le 09 Janvier 2020

► Le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019, relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique (N° Lexbase : L3781LUL), a été publié au Journal officiel du 1er janvier 2020.

 

 

Pris pour l'application des I et III de l'article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, de transformation de la fonction publique (N° Lexbase : L5882LRB), il prévoit les conditions et la procédure selon lesquelles l'administration et l'agent public peuvent convenir d'un commun accord de la cessation définitive des fonctions ou de la fin du contrat.

 

Il institue, pour les fonctionnaires, une procédure expérimentale de rupture conventionnelle entraînant la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire, ainsi que le versement d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

 

Il institue également une procédure de rupture conventionnelle entraînant la fin du contrat pour les agents contractuels bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée, les ouvriers de l'Etat et les praticiens en contrat à durée indéterminée des établissements publics de santé, ainsi que le versement d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, dont le montant plancher est fixé par le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 (N° Lexbase : L3775LUD).

 

Celui-ci tire les conséquences de l'instauration de cette indemnité spécifique de rupture conventionnelle en abrogeant à compter du 1er janvier 2020 l'indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d'entreprise existante dans la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale, ainsi que l'indemnité de départ volontaire pour projet personnel existante dans la fonction publique territoriale.

 

Les deux décrets entrent en vigueur le 1er janvier 2020. Pour les fonctionnaires, l'expérimentation de la rupture conventionnelle entre en vigueur pour une période de six ans jusqu'au 31 décembre 2025.

newsid:471771

Licenciement

[Brèves] Inaptitude : l’absence de saisine d’une commission de reclassement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse

Réf. : Cass. soc., 18 décembre 2019, n° 18-18.431, FP-P+B (N° Lexbase : A1311Z9G)

Lecture: 1 min

N1786BYS

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par Charlotte Moronval

Le 08 Janvier 2020

► N'est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la méconnaissance de l'obligation de saisir la commission prévue à l'article 79 de l'accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l'AFPA, aux termes duquel une commission de reclassement régionale ou nationale selon le niveau concerné, qui peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail, est associée à la recherche d'un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d'être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail.

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 décembre 2019 (Cass. soc., 18 décembre 2019, n° 18-18.431, FP-P+B N° Lexbase : A1311Z9G).

Dans les faits. Une salariée est placée en arrêt maladie. Déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise avec mention d'un danger immédiat, elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La position de la cour d’appel. La cour d’appel déboute la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

newsid:471786

(N)TIC

[Brèves] Logiciel permettant d’effacer des lignes d’écritures de ventes en espèce : absence de caractérisation de l’atteinte à un STAD

Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 18-84.755, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5577Z9G)

Lecture: 4 min

N1808BYM

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par June Perot

Le 22 Janvier 2020

► Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) prévues aux articles 323-1 (N° Lexbase : L0870KC9) à 323-3 du Code pénal ne sauraient être reprochées à la personne qui, bénéficiant des droits d’accès et de modification des données, procède à des suppressions de données, sans les dissimuler à d’éventuels autres utilisateurs du système.

C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 janvier 2020 (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 18-84.755, FS-P+B+I N° Lexbase : A5577Z9G).

Résumé des faits. Dans cette affaire, l’administration fiscale a déposé plainte contre une société qui a conçu et développé un logiciel de gestion à l’usage des pharmacies, et contre une seconde société, qui en a assuré la commercialisation, pour cession et mise à disposition sans motif légitime de moyens spécialement adaptés pour commettre une atteinte frauduleuse à un système de traitement automatisé de données. L’administration fiscale a indiqué avoir découvert, au sein d’officines de pharmacies, que ce logiciel intégrait une fonctionnalité permettant, après saisie d’un mot de passe personnel, de faire disparaître des lignes d’écritures relatives à des ventes payées en espèces, à la condition qu’elles ne soient pas liées à une prescription médicale ou au paiement d’un tiers, avant qu’elles ne soient arrêtées d’un point de vue comptable (ce qui revenait en réalité à « falsifier » le chiffre d’affaires). Par ailleurs, une manipulation externe au logiciel, effectuée directement en ligne de commande, permettait de détruire les traces de ces effacements par simple suppression du fichier qui les contient.

Après avoir fait diligenter une enquête préliminaire sur ces faits, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée pour les faits d’offre, cession, mise à disposition sans motif légitime de moyens conçus ou spécialement adaptés pour commettre une atteinte à un système de traitement automatisé de données, prévus aux articles 323-3-1 (N° Lexbase : L0414IZD) et 323-3 (N° Lexbase : L0872KCB) du Code pénal.

Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

Le procureur de la République et l’administration fiscale, partie civile, en ont relevé appel.

En cause d’appel. Pour confirmer l’ordonnance ayant dit n’y avoir lieu à suivre, l’arrêt retient que le logiciel conçu et commercialisé permettait à son acquéreur, propriétaire des données, de faire disparaître des lignes d’écriture relatives à des ventes payées en espèces, avant qu’elles ne soient arrêtées d’un point de vue comptable.

Les juges en déduisent que l’infraction prévue à l’article 323-3-1 du Code pénal ne peut être reprochée aux sociétés dès lors que celles prévues aux articles 323-1 à 323-3 ne peuvent être caractérisées.

A hauteur de cassation. L’administration fiscale faisait valoir que les juges du fond avaient, en exigeant que le système n’appartienne pas à l’agent et que la suppression soit faite à l’insu du propriétaire, ajouté à la loi une condition qu’elle ne comprend pas, en violation des articles 323-3 et 323-3-1 du Code pénal. De même, en écartant le caractère frauduleux de la suppression de données au motif que l’efficacité de la manoeuvre au regard du but poursuivi de fraude fiscale n’était que relative, les juges du fond ont violé ces mêmes articles. Le demandeur au pourvoi soutenait par ailleurs que l’infraction de mise à disposition de données conçues ou spécialement adaptées pour commettre un ou plusieurs infractions prévues par les articles 323-1 à 323-3 est constituée, quand bien même d’autres outils auraient été utiles pour commettre l’infraction.

Absence de caractérisation. Reprenant la solution visée plus haut, la Chambre criminelle rejette le pourvoi de l’administration fiscale et considère que la chambre de l’instruction a justifié sa décision (sur ce type d’atteinte, v. l’Ouvrage «Droit pénal spécial», Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données N° Lexbase : E9932EWR).

newsid:471808

Santé

[Brèves] Renvoi vers la juridiction administrative de l’affaire relative à l’importation de Levothyrox ancienne formule ne bénéficiant plus de l’autorisation de mise sur le marché

Réf. : Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.011, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5575Z9D)

Lecture: 4 min

N1802BYE

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par Laïla Bedja

Le 14 Janvier 2020

► Le juge judiciaire est seul compétent pour connaître d’une action engagée par des personnes privées aux fins d’obtenir qu’une société commercialise une spécialité pharmaceutique dont elle est le fabricant et qui bénéfice d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France ; en revanche, en demandant qu’il soit enjoint à une société pharmaceutique de commercialiser la spécialité Levothyrox AF, qui ne bénéficiait plus d’une AMM en France, les requérants devaient être regardés comme mettant en cause la décision prise sur ce point par l’ANSM dans l’exercice des pouvoirs de police qu’elle tient de l’article L. 5121-8 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1651ITC) et que le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose dès lors à ce que le juge judiciaire connaisse d’une telle action ; il en est déduit qu’il n’appartenait qu’au juge administratif de connaître du litige qui oppose les requérants à la société pharmaceutique.

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 janvier 2020 (Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.011, FS-P+B+I N° Lexbase : A5575Z9D).

Les faits. La société pharmaceutique, fabricante du Levothyrox, délivré sur prescription médicale pour traiter les maladies de la thyroïde et exploité par la société, a, à la demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (l'ANSM), modifié la composition de ce médicament, en remplaçant son excipient. Par décision du 27 septembre 2016, l'ANSM a modifié en conséquence l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament ; qu'à compter de mars 2017, la nouvelle formule du Levothyrox (Levothyrox NF) a été commercialisée, l'ancienne formule (Levothyrox AF) ne bénéficiant plus d'une AMM sur le territoire national et de nombreux patients traités au moyen du Levothyrox NF ont fait état d'effets indésirables. Pour y remédier, le ministre chargé de la Santé a invité la société à solliciter l'autorisation d'importer des unités de la spécialité Euthyrox, correspondant au Levothyrox AF, commercialisé en Allemagne. Le 19 septembre 2017, l'ANSM a délivré à la société, à titre exceptionnel et transitoire pour une durée maximale d'un an, une autorisation d'importer un certain nombre d'unités d'Euthyrox, tout en autorisant la distribution et la mise sur le marché en France d'autres spécialités pharmaceutiques à titre d'alternatives thérapeutiques.

Par actes des 2 et 7 novembre 2017, Mme Y et plusieurs autres personnes physiques ont assigné en référé les sociétés aux fins d'obtenir leur condamnation, sous astreinte, à reprendre la distribution du Levothyrox AF.

Les sociétés ont opposé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Après avoir déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige, la juridiction de référé (CA Toulouse, 7 juin 2018, n° 17/05631, Confirmation N° Lexbase : A5030XQD) a condamné la société à fournir, sans délai et sous astreinte, le produit dans son ancienne formule, par le biais des circuits de distribution et de commercialisation, à plusieurs requérantes munies d'une prescription d'Euthyrox et se présentant dans une pharmacie désignée. La Cour de cassation avait alors été saisie par la société et elle décida de renvoyer la question de la compétence au Tribunal des Conflits (Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 18-19.011, FS-P+B N° Lexbase : A9232ZDB).

Conséquence de la décision du Tribunal des Conflits. Par arrêt du 4 novembre 2016, le Tribunal a reconnu la compétence du juge administratif par une solution que la Cour de cassation a repris ci-dessous.

Ainsi, la Haute juridiction, tirant les conséquences de la compétence du juge administratif énonce qu’en retenant sa compétence, la cour d’appel a violé le principe de séparation des pouvoirs prévu par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

newsid:471802

Sociétés

[Brèves] Délai de convocation d’une AGE par les actionnaires minoritaires pour approuver certaines opérations de restructurations et votes des actionnaires

Réf. : Décret n° 2019-1486 du 27 décembre 2019, relatif au délai durant lequel des actionnaires minoritaires peuvent demander la convocation d'une assemblée générale pour approuver certaines opérations de fusions, de scissions ou d'apports partiels d'actifs et aux votes au sein des assemblées générales d'actionnaires (N° Lexbase : L2119LUZ)

Lecture: 3 min

N1734BYU

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par Vincent Téchené

Le 08 Janvier 2020

► Un décret, publié au Journal officiel du 29 décembre 2019, prévoit le délai durant lequel un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social peuvent demander la désignation d'un mandataire aux fins de convoquer l'assemblée générale extraordinaire de leur société pour qu'elle se prononce sur l'approbation de l'opération ;

► Ce décret adapte, par ailleurs, les dispositions relatives aux formulaires de vote par correspondance pour tenir compte du fait que les abstentions seront désormais comptées comme des votes non exprimés (décret n° 2019-1486 du 27 décembre 2019, relatif au délai durant lequel des actionnaires minoritaires peuvent demander la convocation d'une assemblée générale pour approuver certaines opérations de fusions, de scissions ou d'apports partiels d'actifs et aux votes au sein des assemblées générales d'actionnaires N° Lexbase : L2119LUZ).

Ce texte est pris pour l'application, d'une part, de l'article L. 236-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7227LQQ), dans sa rédaction issue de l'article 102 de la loi «PACTE» (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK ; lire not. les obs. de Ph. Emy N° Lexbase : N0288BYC), des articles L. 236-11 (N° Lexbase : L2402LRE), L. 236-11-1 (N° Lexbase : L2403LRG) et L. 236-22 (N° Lexbase : L2405LRI). Le décret fixe ainsi la durée et le point de départ du délai offert, dans certains cas, aux actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social pour demander en justice la désignation d'un mandataire aux fins de convoquer l'assemblée générale extraordinaire de leur société pour qu'elle se prononce sur l'approbation de l'opération. Les cas visés sont, en premier lieu, les situations de délégation de pouvoir et de compétence mentionnées à l'article L. 236-9 du Code de commerce, en deuxième lieu, les situations de fusions simplifiées d'une filiale à 100 % ou à 90 %, mentionnées aux articles L. 236-11 et L. 236-11-1, et, enfin, les apports partiels d'actif simplifiés à une société détenue à 100 %, mentionnés à l'article L. 236-22. Le point de départ du délai est fixé au jour de la dernière insertion ou de la mise à disposition du public du projet sur le site internet de chacune des sociétés et sa durée est fixée à vingt jours.

Le décret est pris d'autre part, pour l’application des articles L. 225-96 (N° Lexbase : L2379LRK), L. 225-98 (N° Lexbase : L2380LRL) et L. 225-107 (N° Lexbase : L2383LRP), dans leur rédaction résultant de la «Soilihi» (loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés N° Lexbase : L1638LR4 ; lire les obs. de Brignon N° Lexbase : N0285BY9). Ainsi, s'agissant de l'exclusion des abstentions du décompte des votes exprimés, le décret adapte les dispositions relatives aux votes par correspondance, afin de permettre l'expression d'un vote négatif s'agissant des résolutions nouvelles présentées lors de l'assemblée générale. Deux coordinations sont par ailleurs nécessaires, pour prendre en compte l'évolution de la règle de traitement des votes d'abstention.

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] La contestation de l’irrégularité du certificat médical initial constitue une défense au fond pouvant être soulevée pour la première fois en cause d’appel

Réf. : Cass. civ. 1, 19 décembre 2019, n° 19-22.946, F-P+B+I (N° Lexbase : A1169Z98)

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N1798BYA

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/56028564-edition-du-09-01-2020#article-471798
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par Laïla Bedja

Le 08 Janvier 2020

► Il résulte de l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0678LTB) que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen pris de l'irrégularité d'un certificat médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l’article 112 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1390H4A), mais une défense au fond.

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 décembre 2019 (Cass. civ. 1, 19 décembre 2019, n° 19-22.946, F-P+B+I N° Lexbase : A1169Z98).

Les faits et procédure. A l’occasion de sa garde à vue, une personne a été examinée, le 1er août 2019, par un médecin psychiatre qui a établi un rapport d’expertise décrivant des troubles psychiques portant atteinte de façon grave à l'ordre public en vue de son admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat dans le département. Le lendemain, le préfet a donc pris un arrêté d’admission sur le fondement de l'article L. 3213-1, I, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3005IYX). Le patient fut admis le 9 août dans l’établissement où exerce le médecin. Par la suite, le 14 août, le préfet prit une décision de maintien des soins sous la forme de l’hospitalisation complète.

Le même jour, le juge des libertés et de la détention fut saisi par le préfet ainsi que par le patient qui demande la mainlevée de la mesure.

En cause d’appel, ce dernier voit rejeter sa demande de mainlevée, au motif qu’il n’a pas invoqué, in limine litis, d'exceptions de procédure de sorte que celles qu'il soulève pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables. Ce dernier soulevait notamment l’irrégularité du certificat médical établi par le médecin psychiatre. Il forme alors un pourvoi en cassation.

La solution de la Cour de cassation. Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction accède à la demande du patient. En effet, en statuant ainsi, alors qu'il avait relevé que la contestation portait notamment sur l'irrégularité du certificat médical initial au regard de l'article L. 3213-1 précité, en tant que délivré par un médecin psychiatre de l'établissement d'accueil, de sorte qu'elle constituait une défense au fond, le premier président a violé les articles L. 3213-1, L. 3216-1 du Code de la santé publique et 112 du Code de procédure civile (cf. l’Ouvrage «Droit médical», Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention N° Lexbase : E7544E9B).

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