La lettre juridique n°450 du 28 juillet 2011 : Fiscalité des particuliers

[Textes] Loi de finances rectificative pour 2011 : réforme de la fiscalité du patrimoine

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par Frédéric Subra, Avocat associé et Mathieu le Tacon, Avocat of counsel, au sein du cabinet Delsol Avocats

le 02 Septembre 2011

Le 6 juillet 2011, le Parlement a définitivement adopté la réforme de la fiscalité du patrimoine figurant dans la loi de finances rectificative pour 2011.

Après la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2011-638 DC, du 28 juillet 2011 N° Lexbase : A5590HWX), la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ) a été promulguée.

Les dispositions adoptées sont, dans l'ensemble (1), et, sous réserve des nécessaires aménagements apportés au texte au cours du débat parlementaire, parfaitement conformes aux mesures qui avaient été annoncées avant même la présentation du projet de loi en Conseil des ministres le 11 mai dernier.

Dans ces conditions, nos lecteurs pourront utilement se référer à notre précédente chronique (Lexbase Hebdo n° 445 du 22 juin 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N5821BSE), commentant le détail des différentes mesures envisagées.

Nos propos se limiteront donc à rappeler succinctement les principales mesures, en soulignant à chaque fois les principales évolutions adoptées par les parlementaires par rapport au projet de loi initial. I - Les deux mesures phares, suppression du bouclier et allègement de l'ISF, sont confirmées

A - Suppression du bouclier fiscal

Il s'agit, sans doute, de la mesure la plus symbolique de la réforme : le célèbre bouclier fiscal est officiellement supprimé à compter des revenus perçus en 2011 ce qui, eu égard aux règles de fonctionnement de ce dispositif, entraîne une suppression effective du bouclier à compter du 1er janvier 2013.

Ainsi, s'agissant des revenus perçus en 2010, le bouclier fiscal reste applicable et les contribuables concernés pourront donc faire valoir en 2012 leur droit à remboursement de l'excédent d'impôt versé.

En revanche, les modalités de remboursement de la créance d'impôt sont substantiellement modifiées, et ce tant pour le remboursement de la créance de bouclier 2011 que celui de la future créance de bouclier 2012.

La procédure "classique" de demande de remboursement par voie de réclamation contentieuse est, en effet, supprimée. A l'inverse, est généralisée la procédure dite "d'autoliquidation", qui consistera désormais exclusivement à imputer la créance de bouclier sur l'ISF dû au titre de l'année et, le cas échéant, des années suivantes.

En pratique, les titulaires d'une créance de bouclier fiscal 2010 et qui n'en auraient pas encore demandé le remboursement auront jusqu'au 29 septembre 2011 pour le faire.

Au-delà, seule une imputation sur l'ISF 2011, à régler le 30 septembre 2011 au plus tard, sera possible.

S'agissant de la créance de bouclier fiscal 2012, elle ne pourra donc être imputée que sur le montant de l'ISF 2012 et, le cas échéant, des années suivantes.

Le législateur a toutefois prévu trois hypothèses limitativement énumérées, dans lesquelles le contribuable peut demander le remboursement de sa créance de bouclier et ce, avant le 31 décembre de l'année de réalisation (2) de l'un des évènements suivants :
- le contribuable cesse d'être redevable à l'ISF (par exemple à l'occasion d'une donation) ;
- les membres du foyer fiscal titulaire de la créance de bouclier font l'objet d'une imposition distincte à l'ISF (par exemple consécutivement à une séparation ou un divorce) ;
- l'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance de bouclier décède.

Rappelons enfin que, pour compenser les effets négatifs de la suppression du bouclier pour les ménages à revenus modestes, est mis en place un mécanisme de plafonnement, à 50 % du revenu, de la taxe foncière afférente à l'habitation principale (hors TEOM).

Ce mécanisme sera réservé aux ménages dont les revenus n'excèdent pas le revenu fiscal de référence visé à l'article 1417 II du CGI (N° Lexbase : L4875IQM) et qui, par ailleurs, ne sont pas soumis à l'ISF.

B - Allègement de l'ISF

Comme prévu, l'ISF ne concerne plus que les titulaires de patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros (contre 800 000 euros en dernier lieu) et ce, dès 2011 afin que la réforme puisse être "lisible" avant les prochaines échéances présidentielles de mai 2012.

A compter de l'ISF 2012, le barème sera nettement allégé, puisqu'il n'existera plus que deux tranches, respectivement taxées à 0,25 % et 0,5 % selon que le patrimoine excède ou non 3 millions d'euros (avec un mécanisme de lissage des effets de seuil).

Le débat parlementaire, quoique riche (et malgré, par exemple, une tentative d'inclure les oeuvres d'art dans l'assiette imposable) n'aura fait évoluer la réforme de l'ISF qu'à la marge.

Rappelons également que les obligations déclaratives seront, à compter de 2012, largement simplifiées pour les titulaires de patrimoine inférieurs à 3 millions d'euros.

Par ailleurs, les deux aménagements techniques de l'ISF voulus par le Gouvernement, en faveur des exonérations visant les entreprises, ont été validés par le Parlement :
- la notion de biens professionnels susceptibles d'être exonérés est élargie, puisque les redevables exerçant plusieurs activités pourront, désormais, être exonérés d'ISF au titre des biens professionnels, sans que soit exigé un lien de similitude ou de complémentarité entre les différentes activités ;
- le régime des "Pactes Dutreil" (3) est assoupli (4), notamment pour permettre à de nouveaux associés d'adhérer à des pactes déjà conclus.

D'autres aménagements techniques ont, par ailleurs, été votés par le Parlement :
- le seuil minimal de détention de 25 %, conditionnant l'exonération des titres de sociétés soumises à l'IS, sera désormais apprécié par rapport aux seuls droits de vote (et non plus en fonction des droits de vote et des droits financiers) ;
- le seuil minimal ne sera pas exigé, sous réserve de remplir trois conditions cumulatives, avoir respecté le seuil de 25 % pendant 5 ans, détenir au moins 12,5 % des droits de vote à la suite de l'augmentation de capital "diluant" le contribuable, et avoir conclu un pacte avec d'autres associés représentant au moins 25 % des droits de vote et exerçant un pouvoir d'orientation sur la société ;
- plusieurs modifications sont, à nouveau, apportées aux dispositifs de réduction "ISF-PME". A titre d'exemple, la condition tenant à ce que la société compte au moins deux salariés devra désormais être remplie au plus tard à la clôture de l'exercice suivant la souscription ayant ouvert droit à la réduction. Par ailleurs, la cession forcée par un associé minoritaire contraint de céder ses titres en application d'un pacte d'associés n'entraîne plus, sous réserve de certaines conditions, la remise en cause de la réduction d'impôt.

Une autre évolution, relativement modeste, du texte concernant l'ISF, a doublé le montant de la réduction pour personne à charge (de 150 à 300 euros), tout en élargissant quelque peu son champ d'application.

Au final, la suppression du bouclier fiscal et la réforme de l'ISF sont globalement tout à fait conformes à ce qui avait été en dernier lieu été arrêté par l'exécutif et inséré dans le projet de loi initial.

D'un point de vue théorique tout au moins, le chiffrage présenté par le Gouvernement pour le coût annuel de ces deux mesures devrait donc être conforme à la réalité, soit un coût net de 1 564 millions d'euros en 2012.

Il en va de même, à quelques exceptions près, des mesures destinées à financer le coût de l'allègement de l'ISF, puisque celui-ci n'est que partiellement compensé par la suppression du bouclier (soit, en 2012, une économie liée au bouclier de 297 millions d'euros mais une perte de recettes d'ISF de 1 958 millions d'euros).

II - Plusieurs mesures destinées à financer la réforme

Pour financer la réforme, une série de mesures a été adoptée.

A - Le durcissement des droits de donation et succession

La première consiste à durcir la fiscalité en matière de donations et successions, essentiellement (mais pas uniquement) pour les contribuables fortunés :
- les deux dernières tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit sont passées, respectivement, de 30 à 35 % et de 40 à 45 % ;
- le dispositif de réduction des droits dus en fonction de l'âge du donateur a été purement et simplement supprimé. L'amendement de l'Assemblée nationale, prévoyant le maintien de la réduction de droits de 50 %, lorsque le donateur a moins de 70 ans et consent une donation en pleine-propriété dans le cadre d'un "Pacte Dutreil", a toutefois été adopté ;
- le délai de rappel des donations est de nouveau fixé à 10 ans, au lieu de 6 ans depuis la loi "TEPA" de 2007 (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8) (avec toutefois un dispositif d'entrée en vigueur progressive élaboré par le Parlement pour atténuer les effets de la mesure).

Notons toutefois que de nombreux contribuables ont anticipé l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions (5), en réalisant ces dernières semaines des opérations de donation sous le bénéfice des règles antérieures encore en vigueur.

Dans ces conditions, le chiffrage initial du Gouvernement sur ce point (soit 925 millions d'euros par an à compter de 2012) reste à confirmer.

De plus, il convient de tenir compte d'une autre mesure, fruit du débat parlementaire et qui pourrait alourdir quelque peu le coût de la réforme : le texte de la loi adoptée le 6 juillet dernier (article 10) indique que la limite d'âge du donateur, conditionnant le bénéfice de l'exonération des dons familiaux de somme d'argent, est relevée de 65 à 80 ans pour les dons à un enfant, un neveu ou une nièce. Par ailleurs, le plafond (aujourd'hui fixé à 31 865 euros en 2011) est désormais renouvelable tous les dix ans alors qu'il ne pouvait jusqu'à présent s'appliquer qu'une seule fois.

B - Taxation des non résidents

Deux mesures, à forte dimension politique, étaient initialement prévues dans l'objectif très clair de faire contribuer au financement de la réforme, et plus largement au budget national, les non résidents, actuels ou futurs.

Dans ce cadre a, tout d'abord, été adoptée, conformément à la volonté du Gouvernement, la mise en place d'une "exit tax", destinée à taxer certaines plus-values latentes des contribuables transférant leur domicile à l'étranger.

Cette mesure a été adoptée sans modification notable par rapport au projet initial du Gouvernement (6).

En revanche, la seconde mesure initialement prévue, consistant à taxer les résidences secondaires des non résidents, a été finalement abandonnée. Si, d'un point de vue technique, ce retrait résulte d'un vote du Sénat, il résulte en réalité d'un arbitrage du Président de la république qui, in fine, se serait laissé convaincre par les arguments du groupe des sénateurs représentant les français de l'étranger.

C - L'imposition des biens ou droits composant un trust

Une autre mesure importante pour le financement de la réforme consiste à mieux définir et appréhender, dans notre droit interne, la notion de trust, et ce dans le but, d'une part, de soumettre aux droits de mutations les transmissions à titre gratuit (donations ou successions) réalisées à partir d'un trust et, d'autre part, de préciser les règles d'imposition à l'ISF du constituant sur les avoirs placés au sein d'un trust (7).

D - Augmentation du droit de partage de 1,1 à 2,5 %

Députés et sénateurs ont décidé, d'abord pour financer la progressivité du passage de 6 à 10 ans de la règle du rapport fiscal, mais aussi pour financer la suppression de la taxe sur les immeubles des non résidents, de faire plus que doubler le droit de partage.

Rappelons que ce droit est dû, notamment, à l'occasion d'une sortie d'indivision (par exemple après une succession, un divorce ou une donation-partage) sur, le plus souvent, la valeur nette de l'actif partagé.

Cette mesure s'appliquera aux partages intervenant à compter du 1er janvier 2012.

E - Alourdissement, dans certaines hypothèses, de la fiscalité de l'assurance-vie

Ainsi que le souhaitait le Gouvernement, l'assurance vie est, dans l'ensemble, très épargnée par la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Les parlementaires ont toutefois adopté plusieurs mesures la visant.

Il est ainsi mis fin à l'exonération des contrats souscrits par un résident fiscal étranger au moment de la souscription. Le prélèvement sur les capitaux décès s'appliquera, dorénavant, dès lors que le bénéficiaire a son domicile fiscal en France au moment du décès et qu'il l'a eu pendant au moins six années au cours de dix années précédant le décès, ou dès lors que l'assuré a, au moment du décès, son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY).

Par ailleurs, en cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l'usufruitier seront considérés, pour l'application du prélèvement prévu à l'article 990 I du CGI (N° Lexbase : L0534IHA), comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par l'organisme d'assurance, déterminée selon le barème prévu à l'article 669 du CGI (N° Lexbase : L7730HLU). Jusqu'à présent, seul l'usufruitier était taxé sur la part lui revenant.

Enfin, a été adopté l'amendement du Sénat visant à porter de 20 à 25 % le taux de taxation des sommes figurant sur un contrat d'assurance-vie en cas de décès (CGI, art. 990 I), lorsque l'assuré a effectué des versements avant l'âge de 70 ans.


(1) A l'exception notable de la taxe sur les résidences secondaires des non résidents qui a été purement et simplement supprimée, cf. infra.
(2) Ce qui pourrait être très court si l'évènement survient en fin d'année.
(3) La mesure concerne également les "Pactes Dutreil" donation/succession.
(4) S'agissant des détails, cf. notre précédente chronique.
(5) En effet, à défaut de dispositions spécifiques la hausse du barème, la suppression de la réduction de droits liés à l'âge du donateur n'est applicable qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
(6) Nos lecteurs en trouveront le détail dans notre précédente chronique.
(7) Le détail de cette mesure est commenté dans notre précédente chronique.

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