La lettre juridique n°443 du 9 juin 2011 : Communautaire

[Doctrine] Chronique de droit communautaire - Juin 2011

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 03 Novembre 2011

La Cour de justice de l'Union européenne, réputée pour son audace à l'égard des autorités politiques, a fait preuve, ces derniers temps, dans différentes décisions, d'un grand respect à l'égard du législateur de l'Union. Elle a, tout d'abord, refusé de censurer la Directive (CE) 2009/12 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009, sur les redevances aéroportuaires (N° Lexbase : L0115IDM) (CJUE, 12 mai 2011, aff. C 176/09). Elle a, ensuite, donné une interprétation du Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité (N° Lexbase : L9655A84) (devenus les articles 101 N° Lexbase : L2398IPI et 102 N° Lexbase : L2399IPK TFUE), dont il est possible de supposer qu'elle est parfaitement conforme à la volonté du législateur (CJUE, 3 mai 2011, aff. C-375/09). Enfin, dans une affaire de regroupement familial entre une citoyenne européenne et son époux ressortissant d'un Etat tiers, la Cour s'est montrée fort circonspecte (CJUE, 5 mai 2011, aff. C-434/09).
  • Le pouvoir discrétionnaire du législateur pour déterminer le cadre européen des redevances aéroportuaires (CJUE, 12 mai 2011, aff. C 176/09 N° Lexbase : A7661HQS)

Selon l'article 1er, paragraphe 2, de la Directive (CE) 2009/12 du 11 mars 2009, sur les redevances aéroportuaires, celle-ci "s'applique à tout aéroport situé sur un territoire relevant du Traité, ouvert au trafic commercial et dont le trafic annuel dépasse cinq millions de mouvements de passagers, ainsi qu'à l'aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers dans chaque Etat membre". Le Luxembourg contestait l'inclusion de cette dernière catégorie dans le champ d'application de la Directive au regard des principes d'égalité (A), de proportionnalité, et de subsidiarité (B).

A - Principe d'égalité

Pour apprécier l'existence, ou non, d'une violation du principe d'égalité, la Cour de justice rappelle classiquement que "le principe général d'égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l'Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié" (1). Tout est donc affaire de comparabilité, opération éminemment subjective qui relève donc, d'abord, du pouvoir politique, et non du pouvoir juridictionnel. La Cour estime, qu'en l'espèce, la Directive est fondée sur l'article 80 CE (devenu 100 TFUE N° Lexbase : L2397IPH), selon lequel, le législateur de l'Union peut adopter "les dispositions appropriées pour la navigation maritime et aérienne". La formulation de cette base juridique signifie bien qu'il dispose d'une large marge de manoeuvre. La Cour estime donc qu'il ne lui appartient que de procéder à un contrôle minimum, qui inclut, outre le détournement de pouvoir, l'erreur manifeste d'appréciation et l'absence de dépassement manifeste des limites de son pouvoir normatif par l'institution.

La CJUE va, d'abord, examiner si le législateur a traité de manière différente des aéroports se trouvant dans des situations comparables. En effet, la Directive inclut dans son champ d'application l'aéroport qui, dans un Etat membre, connaît le plus grand nombre de passagers, mais exclut les aéroports dont le flux de passagers est inférieur à cinq millions de passagers. Or, l'aéroport Luxembourg-Findel relève évidemment du champ d'application de la Directive, mais son trafic ne dépasse pas les cinq millions de voyageurs.

Pour la Cour de justice, la comparabilité des situations doit être appréciée au regard de la situation des compagnies aériennes. En effet, la Directive a pour objet de fixer un cadre pour la détermination de la redevance qu'elles doivent verser pour l'usage des services aéroportuaires. La Cour estime qu'"il découle du quatrième considérant de la Directive (CE) 2009/12, [que le] législateur a estimé que les aéroports situés dans les Etats membres où aucun aéroport n'atteint le seuil minimal prévu par cette Directive et qui enregistrent le plus grand nombre de mouvements de passagers par an, comme celui de Luxembourg-Findel, jouissent d'une position privilégiée par rapport aux usagers d'aéroports, en tant qu'ils constituent le point d'entrée dans ces Etats membres. Il a, ainsi, considéré, comme l'ont relevé, notamment, le Conseil et la Commission, que, dans le cas de ces aéroports, il existe un risque que leurs entités gestionnaires se retrouvent en position de force par rapport aux usagers et, partant, un risque d'abus de cette position s'agissant de la fixation des redevances" (2). Mais, pour le Luxembourg, cet élément n'était pas à lui seul convaincant car à proximité de la ville de Luxembourg existent les aéroports de Charleroi (Belgique) et de Hahn (Allemagne), qui ne sont pas assujettis à la Directive.

La Cour a, toutefois, estimé que, "même si le nombre concret de mouvements de passagers par an, ainsi que le montant des redevances aéroportuaires peuvent certes être des critères importants pour les compagnies aériennes proposant des vols à partir ou à destination d'un aéroport déterminé dans un Etat membre, il existe, en règle générale, un intérêt stratégique pour ces compagnies aériennes à offrir de tels vols, de sorte que ces critères ne sauraient être considérés comme décisifs pour ces compagnies lorsqu'elles font le choix des aéroports à partir desquels elles effectuent des vols" (3). En effet, les aéroports des capitales attirent une clientèle d'affaires pour qui le critère du prix n'est pas le plus déterminant, comme, notamment, la proximité de la ville elle-même. Dès lors, le critère du volume de passagers n'est pas nécessairement le plus décisif pour les compagnies aériennes qui desservent ce type d'aéroport. En raison de la marge de manoeuvre dont disposait le législateur communautaire, il n'a donc pas méconnu le principe d'égalité en traitant de manière différente les aéroports comme Luxembourg-Findel et les aéroports qui enregistrent un trafic de passagers inférieurs à cinq millions de passagers.

Pour apprécier, ensuite, si la Directive ne méconnaît pas le principe d'égalité en traitant de la même manière les aéroports dont le flux de passagers est supérieur à cinq millions de passagers et les aéroports principaux des Etats membres qui, par ailleurs, n'atteignent pas ce seuil, la Cour va prendre en compte les mêmes considérations. L'inclusion dans le champ de la Directive des premiers résulte de leur position privilégiée au regard des usagers que sont les compagnies aériennes. Mais, selon la Cour, les seconds se trouvent, également, dans une telle situation privilégiée en raison de leur position stratégique.

B - Principes de proportionnalité et de subsidiarité

La Cour de justice rappelle, tout d'abord, que le principe de proportionnalité "exige que les moyens mis en oeuvre par une disposition du droit de l'Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre" (4). Comme pour le principe d'égalité, en raison du pouvoir discrétionnaire dont disposait le législateur communautaire, la Cour n'entend procéder qu'à un contrôle minimum. L'objectif poursuivi par le législateur est ici d'éviter que les aéroports abusent de leur position dominante à l'égard des compagnies aériennes.

La Cour estime que le mécanisme mis en place par le législateur est tout à fait apte à remplir l'objectif qu'il s'est fixé. Pour apprécier si la Directive répond à cette exigence, la Cour rappelle que la Commission avait, dans son étude d'impact, envisagé à la fois des solutions moins contraignantes (autorégulation) et plus contraignantes (méthode de calcul unique des redevances). La mise en place de principes communs pour le calcul des redevances aéroportuaires apparaît de nature à empêcher les abus de position dominante susceptibles d'être commis par les entités gestionnaires d'un aéroport. Pour la CJUE, ce dispositif ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. D'abord, elle souligne que le Luxembourg n'a pas démontré quelles pouvaient être les mesures moins contraignantes qui auraient pu être adoptées. Plus particulièrement, ni la consultation annuelle des usagers, ni la mise en place d'une autorité de supervision indépendante ne paraît excessive.

Selon le Luxembourg, la violation du principe de subsidiarité était constituée dans la mesure où était inclus dans le champ d'application de la Directive les aéroports principaux des Etats membres dont le trafic est inférieur à cinq millions de passagers. Mais là encore, la Cour estime que le Luxembourg n'a pas été capable de démontrer en quoi une simple réglementation nationale était de nature à remplir les objectifs de la Directive. En outre, elle répète que la situation d'un aéroport tel que celui de Luxembourg-Findel le met dans une situation privilégiée à l'égard des usagers. Dès lors, son inclusion dans le champ d'application de la Directive apparaît bien nécessaire.

  • La décentralisation du droit européen de la concurrence : jusqu'où ? (CJUE, 3 mai 2011, aff. C-375/09 N° Lexbase : A6581HPG)

Pour la Cour de justice, une autorité nationale de concurrence n'est pas compétente pour statuer sur l'absence de violation de l'article 102 TFUE (A). En revanche, elle a la possibilité de refuser d'intervenir dans une affaire où est en cause une éventuelle violation de cette disposition (B).

A - L'incompétence des autorités nationales de concurrence pour statuer sur l'absence de violation de l'article 102 TFUE

Le Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité, a procédé à une forte décentralisation de l'application des articles 101 et 102 TFUE qui va bien au-delà de ce que prévoyait le dispositif antérieur. L'article 5 de ce Règlement prévoit les hypothèses dans lesquelles les autorités nationales de concurrence disposent d'une compétence pour intervenir en matière d'ententes et d'abus de position dominante. Cet article prévoit que "les autorités de concurrence des Etats membres sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du Traité dans des cas individuels. A cette fin, elles peuvent, agissant d'office ou saisies d'une plainte, adopter les décisions suivantes : - ordonner la cessation d'une infraction, - ordonner des mesures provisoires, - accepter des engagements, - infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national. Lorsqu'elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d'une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent, également, décider qu'il n'y a pas lieu pour elles d'intervenir". Dans l'affaire en cause, il s'agissait, pour la Cour, de décider si cette liste était exhaustive et de donner une interprétation de la dernière phrase de cette disposition.

La réponse ne faisait évidemment guère de doute. La Cour estime que "le libellé de cette dernière disposition indique clairement que, dans une telle situation, la compétence de l'autorité de concurrence nationale est limitée à l'adoption d'une décision de non lieu à intervenir" (5). Cette interprétation est, par ailleurs, corroborée par l'article 10 du Règlement qui prévoit que la Commission peut déclarer inapplicable les articles 101 et 102 TFUE au comportement d'une entreprise.

La Cour a, ensuite, ajouté que "le fait d'autoriser les autorités de concurrence nationales à prendre des décisions constatant l'absence de violation de l'article 102 TFUE remettrait en cause le système de coopération instauré par le Règlement et porterait atteinte à la compétence de la Commission. En effet, une telle décision négative' sur le fond risquerait de porter atteinte à l'application uniforme des articles 101 TFUE et 102 TFUE, qui est l'un des objectifs du Règlement mis en exergue par son premier considérant, dès lors qu'elle pourrait empêcher la Commission de constater ultérieurement que la pratique en cause constitue une infraction à ces dispositions du droit de l'Union" (6). On peut n'être pas totalement convaincu par cet argument dans la mesure où le Règlement permet, par ailleurs, à ces mêmes autorités nationales de concurrence d'appliquer de manière positive les articles 101 et 102 TFUE. L'incompétence de ces autorités pour prendre des décisions négatives et leur compétence pour prendre des décisions positives reposent sur un objectif d'efficacité de la répression des atteintes aux articles 101 et 102 TFUE. D'ailleurs, comme l'Avocat général Mazák l'avait souligné dans ses conclusions (7), cette compétence des autorités nationales, en raison du principe ne bis in idem, empêcherait une intervention ultérieure de la Commission.

B - La compétence des autorités nationales de concurrence pour refuser d'appliquer les articles 101 et 102 TFUE

La Cour de justice devait déterminer si la dernière phrase de l'article 5 du Règlement (CE) n° 1/2003 était d'applicabilité directe. En effet, l'autorité nationale de concurrence polonaise qui était ici en cause ne se voyait reconnaître par son droit national que le pouvoir de prendre des décisions négatives sur le fond. De manière fort laconique, la Cour estime qu'"il importe, à cet égard, de rappeler que ce n'est que lorsque le droit de l'Union ne prévoit pas de règle spécifique qu'une autorité de concurrence nationale peut appliquer ses règles nationales. En l'espèce, dès lors que l'article 5 du Règlement est directement applicable dans tous les Etats membres, selon l'article 288 TFUE (N° Lexbase : L2604IP7), il s'oppose à l'application d'une règle de droit national qui imposerait de clore une procédure relative à l'application de l'article 102 TFUE par une décision constatant l'absence de violation dudit article" (8).

En effet, les procédures de concurrence sont régies par le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale, mais uniquement dans la mesure où il n'a pas été remis en cause par le législateur communautaire. En l'espèce, la lettre de l'article impose que l'autorité nationale de concurrence se voit reconnaître la compétence de ne pas statuer sur une affaire où en est en cause l'article 101 ou 102 TFUE sans que cela la conduise, par ailleurs, à estimer qu'il n'y a pas eu violation de l'un de ces deux articles. En outre, en raison de la lettre de l'article 288 TFUE, il est toujours très délicat pour la Cour de justice de considérer qu'un Règlement n'est pas directement applicable.

  • L'inapplicabilité du droit au regroupement familial dans les situations purement internes (CJUE, 5 mai 2011, aff. C-434/09 N° Lexbase : A7669HPQ)

Dans cette affaire, la Cour de justice devait décider si une ressortissante du Royaume-Uni, possédant aussi la nationalité irlandaise et mariée à un jamaïcain, pouvait, sur le fondement du droit de l'Union, bénéficier d'un regroupement familial au profit de son époux. L'intéressée se prévalait à la fois de la Directive (CE) 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (N° Lexbase : L2090DY3) (A), et de l'article 21 TFUE (N° Lexbase : L2518IPX) (B).

A - L'inapplicabilité de la Directive (CE) 2004/38

La Cour de justice a été sans ambiguïté puisque dès le début de son raisonnement, elle affirme qu'une interprétation littérale, téléologique et systématique de la Directive conduit à estimer que la directive n'est pas applicable à la situation des époux X. Mme X n'a, en effet, jamais circulé dans un autre Etat membre, sa situation ne relève donc pas du champ d'application de la Directive. L'article 3, paragraphe 1, de la Directive dispose que "la présente Directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un Etat membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent". Il pouvait être soutenu que l'intéressée relevait de cette disposition dans la mesure où elle réside au Royaume-Uni et possède la nationalité irlandaise, mais c'était négliger qu'elle a la nationalité britannique. En outre, la Cour rappelle que la Directive utilise les termes "Etat membre d'accueil", "un autre Etat membre", ce qui indique qu'elle ne peut s'appliquer qu'aux citoyens qui ont utilisé leur liberté de circulation.

B - L'inapplicabilité de l'article 21 TFUE

La question de l'applicabilité de l'article 21 TFUE se posait dans des termes certainement plus délicats, notamment en raison du récent arrêt "Zambrano" (9). Dans cette affaire, la Cour a jugé que l'article 21 TFUE était applicable à des enfants de nationalité belge, résidant en Belgique. Cet article avait pour effet d'interdire la reconduite à la frontière de leurs parents, de nationalité colombienne, qui ne disposaient pas d'un titre de séjour régulier sur le territoire belge. La Cour avait estimé que cette reconduite à la frontière avait pour conséquence de priver les enfants de leur droit de séjour sur le territoire de l'Union, et donc sur le territoire belge.

Dans l'affaire ici commentée, la Cour rappelle qu'elle a jugé, dans l'arrêt "Zambrano", que "l'article 20 TFUE (N° Lexbase : L2507IPK) s'oppose à des mesures nationales qui ont pour effet de priver les citoyens de l'Union de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par ce statut" (10). La suite du raisonnement de la Cour est, toutefois, fort curieuse puisqu'elle estime qu'"en tant que ressortissant de, au moins, un Etat membre, une personne telle Mme X jouit du statut de citoyen de l'Union en vertu de l'article 20, paragraphe 1, TFUE et peut donc se prévaloir, y compris à l'égard de son Etat membre d'origine, des droits afférents à un tel statut, notamment celui de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres tel que conféré par l'article 21 TFUE". La Cour de justice semble curieusement ignorer que ce droit est d'abord conféré aux citoyens européens par le paragraphe 2, a) de l'article 20 TFUE, qui ne précise pas, à la différence de l'article 21 TFUE, que ce droit s'exerce "sous réserve des limitations et conditions prévues par les Traités et par les dispositions prises pour leur application". Alors qu'il semblait résulter de l'arrêt "Zambrano" que le droit était énoncé par l'article 20 TFUE et que l'article 21 TFUE constituait plutôt une base juridique pour l'intervention en la matière du législateur de l'Union. L'arrêt du 5 mai 2011 sème le trouble. La Cour de justice devra assurément clarifier l'articulation des articles 20, paragraphes 2, a) et 21 TFUE.

La Cour estime qu'"aucun élément de la situation de Mme X, telle que décrite par la juridiction de renvoi, ne fait apparaître que la mesure nationale en cause au principal aurait pour effet de la priver de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés à son statut de citoyenne de l'Union ou d'entraver l'exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, conformément à l'article 21 TFUE. En effet, la non-prise en compte par les autorités du Royaume-Uni de la nationalité irlandaise de Mme X aux fins de lui reconnaître un droit de séjour au Royaume-Uni n'affecte aucunement cette dernière dans son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ni d'ailleurs dans aucun autre droit qui lui est conféré par son statut de citoyenne de l'Union".

L'on peut n'être pas totalement convaincu par cette affirmation. Car si Mme X veut vivre avec son mari, elle n'a d'autre choix que de le suivre en République jamaïcaine ou bien d'aller s'installer dans un autre Etat membre de l'Union et, ainsi, entrer dans le champ d'application de la Directive (CE) 2004/38. Même cette dernière possibilité paraît incertaine, car elle est allocataire de prestations sociales, et pour pouvoir séjourner dans un autre Etat membre, il faut remplir certaines conditions énumérées à l'article 7 de la Directive que l'intéressée ne paraît pas satisfaire (11). On ne voit alors pas très bien ce qui différencie la situation des enfants "Zambrano" de la situation de Mme X. Pour vivre avec son mari, elle n'a que la liberté de quitter le territoire britannique dont elle a la nationalité. Finalement, cette affaire révèle que la cohérence de la Cour de justice entre les différentes formations de jugement n'est pas toujours assurée : l'arrêt "Zambrano" a été rendu par la Grande chambre, alors que l'arrêt du 5 mai 2011 a été rendu par la troisième chambre.

Pour finir, on rappellera que, dans le contexte français, l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L6388IGP) permet de délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" "à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français".

Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Point n° 13.
(2) Point n° 42.
(3) Point n° 46.
(4) Point n° 61.
(5) Point n° 23.
(6) Points n° 27 et n° 28.
(7) Point n° 30.
(8) Points n° 34 et n° 35.
(9) CJUE, 8 mars 2011, aff. C-34/09 (N° Lexbase : A8752G4W).
(10) Point n° 47.
(11) "Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois : a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil ; ou b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'Etat membre d'accueil ; ou, c) - s'il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l'Etat membre d'accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et - s'il dispose d'une assurance maladie complète dans l'Etat membre d'accueil et garantit à l'autorité nationale compétente, par le biais d'une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu'il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d'éviter de devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil au cours de leur période de séjour ; ou d) si c'est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c) [...]".

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