La lettre juridique n°718 du 9 novembre 2017 : Voies d'exécution

[Chronique] Chronique de procédures civiles d'exécution - Novembre 2017

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par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice, et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon

le 09 Novembre 2017

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique de procédures civiles d'exécution réalisée par Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Nice et Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon, Directeurs scientifiques de l’Ouvrage "Voies d'exécution", retraçant l'essentiel de l'actualité juridique en matière de procédures civiles d'exécution. Dans la présente édition de la chronique semestrielle de procédures civiles d'exécution, l'actualité de la matière est envisagée à l'aune de deux problématiques récurrentes et récemment renouvelées ayant respectivement trait à l'office du juge de l'exécution (I) et à la réforme de la procédure d'appel des décisions rendues par le juge de l'exécution (II). I - L'office du juge de l'exécution

La définition des contours de l'office du juge de l'exécution -et, par extension, de la cour d'appel saisie d'un recours contre une décision qu'il a prononcée-, tel que notamment déterminé de façon générale à l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) et complété dans différents articles du Code des procédures civiles d'exécution, ne cesse d'alimenter la jurisprudence de la Cour de cassation. Plusieurs arrêts prononcés ces derniers mois en offrent de nouvelles illustrations et soulignent l'actualité permanente de cette question. Sans nullement prétendre à l'exhaustivité, sept d'entre eux retiennent l'attention. Ils concernent quatre chefs de compétence matérielle du juge de l'exécution, à savoir : la présence de difficultés relatives aux titres exécutoires (A), l'existence de contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée (B), la tenue d'une procédure de saisie immobilière (C) ainsi que la formulation de demandes en réparation fondées sur l'(in)exécution dommageable d'une mesure d'exécution forcée (D).

A - Difficultés relatives aux titres exécutoires

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution "connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires [...], même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire". En la matière, trois affaires récentes contribuent à cerner la portée de ce texte, lorsque le titre est une décision de justice ou un accord transactionnel homologué, et à rappeler les limites de la compétence du juge de l'exécution en matière pénale.

  • Absence de pouvoir du juge de l'exécution de réformer ou d'annuler une décision de justice (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 15-26.640, F-P+B N° Lexbase : A5901WTQ ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M)

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 septembre 2017, consécutivement à la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, une société débitrice saisit un juge de l'exécution afin que soit constaté le caractère non avenu d'un jugement de condamnation prononcé par un tribunal de commerce servant de fondement aux poursuites, pour ne pas avoir été signifié dans les six mois de sa date, conformément aux dispositions de l'article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B). Saisie d'un appel contre le jugement du juge de l'exécution, la cour d'appel prononce l'annulation du jugement du tribunal de commerce aux motifs que certaines des parties n'ont pas été valablement citées devant cette juridiction, rendant par voie de conséquence irrégulière la décision qui en résulte. Avec succès, les sociétés créancières se pourvoient alors en cassation en raisonnant non seulement sur le fait que la cour d'appel a jugé au-delà de ce qui lui était demandé (C. pr. civ., art. 5 N° Lexbase : L1114H4Z), mais également sur les limites du pouvoir du juge de l'exécution. Sur ce second point, après avoir affirmé que le "juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation d'une décision de justice", la Cour de cassation casse l'arrêt attaqué -au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire- en jugeant que "saisie du recours formé à l'encontre du jugement d'un juge de l'exécution", la cour d'appel "n'avait pas le pouvoir de réformer ou d'annuler une autre décision de justice". Cet arrêt s'inscrit en cela dans le prolongement d'arrêts antérieurs, dont l'arrêt de la deuxième chambre civile du 31 janvier 2002 (Cass. civ. 2, 31 janvier 2002, n° 00-17.042 N° Lexbase : A8915AXH, Procédures, 2002, comm. n° 90, obs. R. Perrot) dans lequel la Cour de cassation disait pour droit que le "juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits ou obligations qu'il constate".

  • Compétence du juge de l'exécution pour l'examen de la validité d'une transaction judiciairement homologuée (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-19.184, FS-P+B N° Lexbase : A5895WTI ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M)

Dans un autre arrêt prononcé le 28 septembre 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte d'utiles précisions quant à l'étendue du pouvoir du juge de l'exécution lorsque le titre servant de fondement aux poursuites est un accord transactionnel homologué par un juge (C. civ., art. 2044 N° Lexbase : L2431LBN et s. ; C. pr. civ., art. 1567 N° Lexbase : L1241IZY). En l'espèce, en sa qualité de caution solidaire de sociétés qu'elle dirigeait, une personne est condamnée à payer à une banque une certaine somme. Par la suite, les parties concluent un accord transactionnel, lequel est judiciairement homologué. Cependant, à défaut d'exécution spontanée, la banque créancière fait délivrer contre son débiteur un commandement de payer à fin de saisie-vente. Ce dernier conteste la validité de l'accord et demande l'annulation dudit commandement. Cette contestation est rejetée par la cour d'appel, qui prend appui sur le fait que l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état a homologué ladite transaction est passée en force de chose jugée, ce qui -selon elle- a pour conséquence d'interdire toute appréciation de la validité de cette transaction par le juge de l'exécution. La Cour de cassation ne fait pas sienne cette interprétation et casse l'arrêt attaqué au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 480, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6594H7D). Pour la Cour de cassation, "l'homologation d'un accord transactionnel qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution". Sans doute, la nature contractuelle de la transaction explique-t-elle cette solution et permet-elle à la Cour de cassation de faire le départ entre cette catégorie de titre exécutoire et les décisions de justice pour lesquelles le principe demeure celui de l'intangibilité (voir supra). Un rapprochement peut donc être fait sur ce point entre les transactions judiciairement homologuées et les actes notariés exécutoires (Cass. civ. 2, 18 juin 2009, n° 08-10.843 N° Lexbase : A2954EIA ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8237E8L ; RTDCiv., 2009, p. 577, obs. R. Perrot ; Procédures, 2009, n° 8, comm., 273, note R. Perrot ; Dr. et procéd., 2009, n° 5, p. 281, obs. C. Lefort ; Gaz. Pal., 2009, rec., p. 3309, note C. Brenner ; D., 2010, Pan., 1307, obs. A. Leborgne).

Dans un arrêt du 1er juin 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à identifier les limites de la compétence du juge de l'exécution en matière pénale et, singulièrement, à l'égard du paiement d'amendes forfaitaires majorées. Dans cette affaire, le comptable public de Paris forme des oppositions au transfert du certificat d'immatriculation d'un véhicule, afin de garantir le paiement de telles amendes. Le débiteur -propriétaire du véhicule- conteste ces mesures devant un juge de l'exécution, arguant de la violation des dispositions de l'article R. 49-6 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3444I3X). Débouté par la cour d'appel, il forme un pourvoi en cassation, en vain. Pour la Cour de cassation, "en matière de recouvrement des amendes, le juge de l'exécution ne connaissant, en application combinée des articles 530-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6290I74) et 9 du décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964 (N° Lexbase : L8364CIM), que de la régularité en la forme de l'acte de poursuite, il ne peut pas apprécier le respect de l'obligation faite, par l'article R. 49-6 du même code, au comptable public d'envoyer au contrevenant un avis l'invitant à s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire majorée" (sur la compétence du tribunal de police, en la matière, v. Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-25.765, F-P+B N° Lexbase : A4472WWK ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0286E9H).

B - Contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée

Tout en leur donnant compétence pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires, le premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire permet également aux juges de l'exécution de trancher les "contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée". Là encore, le fait qu'elles portent sur le fond du droit est indifférent. Ainsi, pour que les juges de l'exécution soient valablement saisis sur le fondement de cette disposition, il est nécessaire que l'exécution ait débuté.

On le sait, la signification d'un commandement de payer engage la procédure d'exécution et donne ainsi compétence au juge de l'exécution pour statuer sur les contestations subséquentes portant sur la validité de la mesure pratiquée (Cass. civ. 2, 16 décembre 1998, n° 96-18.255 N° Lexbase : A8004CHW, Bull. civ. II n° 301, D., 1999, 221, obs. P. Julien). Cependant, pour cela, il faut qu'il s'agisse d'un commandement de payer à fin de saisie-vente (C. proc. civ. exécution, art. L. 221-1 N° Lexbase : L5851IR7 et R. 221-1 N° Lexbase : L2246ITD et s.). A défaut de commandement s'inscrivant dans une telle procédure d'exécution forcée, la compétence du juge de l'exécution est en effet remise en cause ; du moins, cette compétence ne peut être fondée sur le premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire. C'est l'enseignement qu'il convient de retenir de l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2017 (Cass. civ. 2, 22 juin 2017, n° 16-17.277, F-P+B N° Lexbase : A1207WKW ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" [LXB=: E8243E8S]). En l'espèce, le cessionnaire d'une créance a fait signifier cette cession aux débiteurs et leur a fait délivrer un commandement de payer. L'un des débiteurs saisit alors le juge de l'exécution notamment aux fins de faire constater la prescription de la créance et l'inopposabilité de la cession de créance. Dans un arrêt confirmatif, la cour d'appel constate l'extinction de la créance en raison d'un paiement. Saisie du pourvoi du créancier -lequel contestait la compétence du juge de l'exécution dans cette affaire- la Cour de cassation casse logiquement l'arrêt attaqué, au visa du premier alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire précité, en affirmant que le "commandement litigieux n'étant pas un commandement à fin de saisie-vente, il n'engageait aucune mesure d'exécution".

C - Compétence du juge de l'exécution en matière de saisie immobilière

Deux arrêts illustrant l'étendue de la compétence du juge de l'exécution dans le cadre de la procédure de saisie immobilière (COJ, art. L. 213-6, al. 3) peuvent être ici brièvement évoqués.

Dans un arrêt du 11 mai 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation traite de la compétence du juge de l'exécution quant à la détermination du montant de la créance litigieuse et, à cette occasion, clarifie la répartition des tâches entre ce juge et les parties. Dans cette affaire, à la suite de l'absence de remboursement d'un prêt consenti au moyen d'un acte notarié, une banque fait délivrer un commandement valant saisie immobilière. Ses débiteurs demandent et obtiennent, à l'issue de l'audience d'orientation, la nullité de ce commandement et sa mainlevée. Les griefs portent sur le décompte produit par la banque créancière, lequel comporte notamment diverses majorations indues. Saisie du recours de la banque, la cour d'appel confirme la solution retenue dans ce premier jugement, en se basant sur le fait que le quantum de la créance est incertain -en raison notamment de l'existence d'une compensation invoquée par les débiteurs- et considère qu'elle n'est donc pas à même de mentionner le montant retenu pour la créance du poursuivant. Insatisfaite, la banque forme alors, avec succès, un pourvoi en cassation. Au visa des articles 4 du Code civil (N° Lexbase : L2229AB8) (prohibant tout déni de justice) et R. 322-18 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2437ITG) (aux termes duquel le jugement d'orientation "mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires"), la Cour de cassation censure l'arrêt attaqué. Selon les Hauts magistrats, lorsque -comme en l'espèce- "seul le montant de la créance du poursuivant demeure à fixer", le juge de l'exécution "est tenu de déterminer ce montant et, à cette fin, de faire, s'il y a lieu, les comptes entre les parties, sans pouvoir s'y refuser en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies". A défaut, ainsi qu'en atteste la référence faite à l'article 4 du Code civil dans le visa de l'arrêt, ce juge se rendrait coupable de déni de justice.

Dans l'affaire à l'origine de l'arrêt de la deuxième chambre civile du 23 février 2017, l'adjudicataire d'un immeuble fait délivrer, à l'ancien propriétaire, un commandement de quitter les lieux. Ce commandement étant demeuré sans effet, s'en est suivi la délivrance d'un procès-verbal d'expulsion contre le débiteur. Saisi par ledit débiteur récalcitrant dans le but de faire annuler ce procès-verbal, le juge de l'exécution constate la résolution de la vente sur adjudication de l'immeuble litigieux et ordonne l'expulsion de l'adjudicataire. Dans l'arrêt infirmatif attaqué, la cour d'appel retient que si le juge de l'exécution est effectivement compétent pour connaître des difficultés rencontrées à l'occasion de l'exécution d'une décision d'expulsion, il n'a en revanche pas le pouvoir de modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, pas plus que la possibilité de connaître des demandes qui tendent à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate. A la demande du débiteur, la Cour de cassation casse l'arrêt attaqué. En effet, l'adjudicataire n'avait pas respecté son obligation de consigner le prix. Or, on le sait, ce manquement entraîne une résolution de plein droit de la vente, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 322-12 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5890IRL). Il s'ensuit que, pour les Hauts magistrats, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution étant "compétent pour constater la résolution de la vente sur adjudication du fait de l'absence de consignation du prix".

D - Demandes en réparation fondées sur l'(in)exécution dommageable d'une mesure d'exécution forcée

En application du quatrième alinéa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, sous réserve qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, entrent dans la compétence du juge de l'exécution les "demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires". A ce sujet, dans le sillage d'un avis sollicité auprès de la deuxième chambre civile en application de l'article 1015-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1249H4Z) (Cass. civ. 2, 15 décembre 2016, n° 15-15.742, FS-D N° Lexbase : A7661ULC), la Chambre commerciale de la Cour de cassation rend un intéressant arrêt (Cass. com., 22 mars 2017, n° 15-15.742, F-P+B+I N° Lexbase : A4313UCQ ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E0287E9I), relatif aux limites de la compétence matérielle du juge de l'exécution au regard des actions en responsabilité.

Dans cette affaire, un arrêt prononcé en matière de référé condamne une société à verser, à un établissement bancaire, une provision à valoir sur l'indemnité de résiliation d'un contrat de crédit-bail souscrit deux ans avant. La banque engage une procédure de saisie-attribution à l'encontre de la caution de ladite société débitrice. La personne s'étant porté caution saisit un juge de l'exécution afin que soit ordonnée la mainlevée de cette mesure d'exécution, en raison du manque de diligence de la banque. Il est reproché, à cette dernière, son manque de célérité dans les démarches réalisées afin de récupérer le matériel objet du contrat de crédit-bail, à la suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société débitrice. Pour la caution, le comportement de la banque s'analyse en une faute ayant fait naître une créance de réparation devant se compenser avec l'indemnité de résiliation. N'ayant pas obtenu gain de cause devant les juges du fond, la caution se pourvoit en cassation, en avançant une argumentation axée sur le manquement de la banque à son devoir de bonne foi, celle-ci ayant -prétendument- laissé la dette s'accroître de façon indue. Au soutien du rejet du pourvoi, la Cour de cassation considère que le juge de l'exécution, "saisi d'une demande de mainlevée d'une mesure d'exécution, n'est pas compétent pour se prononcer sur une action en responsabilité qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de cette mesure, cette action serait-elle présentée au soutien d'une exception de compensation". En somme, l'action en responsabilité formée dans cette affaire ne comptait pas parmi celles entrant dans la compétence du juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire.

Guillaume Payan

II - La réforme de la procédure d'appel des décisions du juge de l'exécution

Depuis le 1er janvier 2017, la réforme des procédures d'appel issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2696LEL ; sur ce décret, lire le commentaire du Professeur Vergès intitulé, Réforme de la procédure civile de mai 2017 - Deuxième partie - la réforme de l'appel : technique, toujours plus technique..., Lexbase, éd. priv., n° 704 N° Lexbase : N9031BWE) est entrée en vigueur. Elle impacte donc l'appel formé contre les décisions rendues par le juge de l'exécution depuis cette date, alors même que certaines spécificités sont maintenues dans cette matière en fonction des décisions attaquées !

A - L'appel selon la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile

Aux termes de l'article R. 121-19 Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2163ITB), les décisions du JEX sont susceptibles d'appel, sauf en cas de dispositions contraires ou s'il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire. L'article R. 121-20 (N° Lexbase : L7259LEL) modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, précise que l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7288LEN) ou à la procédure à jour fixe.

De même, les jugements rendus en matière de saisie immobilière, aux termes de l'article R. 311-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7260LEM), modifié par le n° 2017-891 du 6 mai 2017, sont, sauf disposition contraire, susceptibles d'appel. L'appel est formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui en est faite. Sous réserve des dispositions de l'article R. 322-19 (N° Lexbase : L2438ITH) et sauf s'il est recouru à la procédure à jour fixe, l'appel est jugé selon la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile.

On constate que la procédure de droit commun est celle prévue à l'article 905 du Code de procédure civile, sauf s'il est recouru à la procédure à jour fixe. Le fait que les rédacteurs du Code des procédures civiles d'exécution aient introduit l'alternative de la procédure à jour fixe dans le texte de l'article R. 121-9 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2153ITW), texte général à l'appel de toutes les décisions du JEX, peut laisser penser que cette modalité procédurale est ouverte dans tous les cas d'appel contre toute décision du JEX (indépendamment des références expresses faites au jour fixe en matière de saisie immobilière aux articles R. 311-7 [LXB= L7260LEM ] et R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution).

1° La procédure à jour fixe est régie par les articles 917 (N° Lexbase : L0969H4N) et suivants du Code de procédure civile et suppose (sauf pour le jugement d'orientation) que l'appelant justifie que ses droits sont en péril (C. pr. civ., art. 917). Elle n'a pas été réformée et ne sera pas développée.

2° La procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile a été profondément remaniée. Elle s'applique à défaut de jour fixe. La procédure d'appel et les nouvelles charges procédurales sont précisées à l'article 905-2 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7036LEC). Le président de la chambre fixe les jour et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai, et le greffe envoie un avis de fixation à l'avocat (C. pr. civ., art. 904-1 N° Lexbase : L7034LEA).

a) A compter de la réception de l'avis de fixation l'appelant doit effectuer deux charges procédurales à peine de caducité de la déclaration d'appel

- D'abord, l'appelant doit faire signifier la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre. A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables (l'annulation ultérieure de la signification entraînerait rétroactivement la caducité de la déclaration d'appel...). Cependant, si, entre-temps (dans ce même délai de 10 jours), l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat et non plus de signification à la partie.

- Ensuite, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie. Il doit, dans ce même délai et en vertu de l'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7242LEX), notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé constitué. L'article 911 du Code de procédure civile indique que si l'intimé n'a pas constitué avocat à l'issue du mois, l'appelant dispose d'un délai supplémentaire d'un mois pour signifier, par acte d'huissier de justice, à la partie elle-même ses conclusions d'appel (soit deux mois depuis la réception de l'avis de fixation -C. pr. civ., art. 911-). Si, avant que la signification soit faite à la partie, l'intimé a constitué avocat, il est procédé par notification à cet avocat et la signification devient inutile (Cass. civ. 2, 19 février 2015, n° 14-13.019, F-D N° Lexbase : A0091NCD ; Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n° 14-19.732, F-D N° Lexbase : A2261NKX et Cass. civ. 2, 4 juin 2015, n° 14-12.293, F-D ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5675EYT).

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. Dans ce même délai et à peine d'irrecevabilité, il doit également notifier ses conclusions à l'avocat de l'appelant (C. pr. civ., art. 911).

L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué, à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation, pour remettre ses conclusions au greffe (C. pr. civ., art. 905-2 N° Lexbase : L7036LEC). Il doit également notifier ses conclusions à tous les avocats des parties (C. pr. civ., art. 911).

L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie, d'un délai d'un mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. Les conclusions doivent être notifiées aux avocats des parties dans ce même délai (C. pr. civ., art. 911).

Seule la force majeure peut faire échapper aux sanctions de caducité ou d'irrecevabilité (C. pr. civ., art. 910-3). Une nouvelle définition de la force majeure a été donnée à l'article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L0930KZH) : "il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur". On peut penser que la jurisprudence adoptera cette définition en matière processuelle (on observe qu'elle peut provenir d'une cause interne au débiteur).

Les ordonnances du président de la chambre saisie (ou du magistrat désigné par le premier président) statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9) (irrecevabilité pour non-respect des règles de la communication par voie électronique) ont autorité de la chose jugée au principal.

b) Les dispositions générales applicables à la procédure ordinaire intéressent le circuit procédural prévu à l'article 905 du Code de procédure civile

Ainsi, les exigences relatives à la régularité de la déclaration d'appel doivent être respectées : notamment, à peine de nullité pour vice de forme, la déclaration indique les chefs du jugement expressément critiqués (C. pr. civ., art. 901), sachant que l'étendue de l'effet dévolutif est limitée à la connaissance des chefs du jugement expressément critiqués et à ceux qui en dépendent (C. pr. civ., art. 562 N° Lexbase : L7233LEM).

Les règles applicables aux conclusions doivent être respectées :

- leur modélisation est organisée à l'article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED), sans omettre les mentions prévues à peine d'irrecevabilité aux articles 960 (N° Lexbase : L0359ITH) et 961 (N° Lexbase : L7255LEG) (une régularisation est possible jusqu'à l'ouverture des débats en l'absence de mise en état) ;

- leur contenu est précisé : les premières conclusions définissent l'objet du litige (C. pr. civ., art. 910-1 N° Lexbase : L7041LEI) et concentrent "l'ensemble des prétentions sur le fond" (C. pr. civ., art. 910-4 N° Lexbase : L7044LEM). En revanche, de nouveaux moyens peuvent être développés, de nouvelles preuves peuvent être communiquées (C. pr. civ., art. 563 N° Lexbase : L6716H7U) postérieurement. Des exceptions sont prévues à l'article 910-4 du Code de procédure civile, résultant, notamment, de la survenance ou la révélation d'un fait postérieurement aux premières conclusions ou de la nécessité de répliquer aux conclusions et pièces adverses. Une prétention sur le fond formulée après les premières conclusions est frappée d'irrecevabilité (C. pr. civ., art. 910-4, relevée d'office ou soulevée par la partie contre laquelle elle est formée).

A l'audience fixée, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 (N° Lexbase : L6979H7M) à 762 du Code de procédure civile : renvoi à l'audience des débats, ou renvoi à une seconde audience si un ultime échange de pièces ou de conclusions est nécessaire, ou renvoi à la mise en état s'il convient d'instruire l'affaire.

B - L'appel selon la procédure à jour fixe du jugement d'orientation

L'appel formé contre le jugement d'orientation est prévu à l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2438ITH) : il est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe. Mais celle-ci est originale, puisque l'appelant n'a pas à se prévaloir dans sa requête d'un péril (contrairement au dispositif prévu à l'article 917 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0969H4N). L'acte de signification du jugement qui ne mentionne pas cette procédure ne fait pas courir le délai (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 15-11.391, F-P+B N° Lexbase : A3232N7T : l'acte de signification avait omis de mentionner les modalités de l'appel contre le jugement d'orientation qui est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe en application de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution).

La requête, qui doit mettre en cause tous les créanciers inscrits, doit être présentée à peine ; d'irrecevabilité dans les huit jours de la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 919 N° Lexbase : L0973H4S ; Cass. civ. 2, 7 avril 2016, n° 14-22.181, F-D N° Lexbase : A1549RCD, même si le président autorise à assigner à jour fixe, alors que la requête est déposée hors délai). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les obligations de l'appelant dans un arrêt du 22 septembre 2016 (Cass. civ. 2, 22 septembre 2016, n° 15-19.622, F-D [LXB= A0197R43] ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9573E83), au visa des articles R. 311-7 (N° Lexbase : L7260LEM) et R. 322 -19 du Code des procédures civiles d'exécution et 122, 125 et 919 du Code de procédure civile : à peine d'irrecevabilité l'appel du jugement d'orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant sa notification et la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit être présentée au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel. L'arrêt indique "que les époux X... n'avaient pas déposé de requête tendant à être autorisés à assigner leurs adversaires à jour fixe, de sorte que le formalisme de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution n'avait pas été respecté, et que la délivrance, fût-ce dans le délai de l'article 919 du Code de procédure civile, d'une ordonnance fixant la date à laquelle l'affaire sera appelée ne dispense pas l'appelant de déposer préalablement, dans le délai imparti de huit jours après la déclaration d'appel, une requête tendant à être autorisée à assigner à jour fixe" (déjà, en ce sens, Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-23.768, F-P+B N° Lexbase : A8203NPI ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E4660EU7).

L'ordonnance du premier président qui fixe la date est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation, même en cas d'excès de pouvoir allégué (Cass. civ. 2, 19 mars 2015, n° 14-14.926, FS-P+B N° Lexbase : A1740NE8 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile " N° Lexbase : E5677EYW).

Comme la matière de la saisie immobilière est indivisible, en application de l'article 553 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6704H7G), l'indivisibilité s'applique à tous les créanciers, poursuivants ou autres, de sorte que l'appel de l'une des parties à l'instance devant le juge de l'exécution doit être formé par déclaration d'appel dirigée contre toutes les parties à cette instance et que l'assignation à jour fixe des créanciers inscrits ne suffit pas à valider la déclaration d'appel formée contre le jugement d'orientation qui n'a pas intimé le créancier inscrit (Cass. civ. 2, 2 juin 2016, n° 15-19.435, F-D N° Lexbase : A8621RRQ).

Natalie Fricero

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