La lettre juridique n°712 du 21 septembre 2017 : Rel. collectives de travail

[Projet, proposition, rapport législatif] Ordonnances réformant le droit du travail : le droit de la négociation collective après l'ordonnance n° 4 relative au renforcement de la négociation collective

Réf. : Ordonnances n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, relative au renforcement de la négociation collective (N° Lexbase : L7631LGQ) et n° 2017-1388 du 22 septembre 2017, portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective (N° Lexbase : L7630LGP)

Lecture: 16 min

N0159BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Projet, proposition, rapport législatif] Ordonnances réformant le droit du travail : le droit de la négociation collective après l'ordonnance n° 4 relative au renforcement de la négociation collective. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/42638596-projetpropositionrapportla9gislatifprojetdordonnancesra9formantledroitdutravailledroit
Copier

par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 21 Septembre 2017

Deux des cinq ordonnances présentées par le Premier ministre le 31 août 2017, et publiées au Journal officiel du 23 septembre, intéressent le droit de la négociation collective, la première, intitulée "Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective" et la quatrième, dénommée "Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective". Si l'ordonnance n° 4 apporte peu de bouleversements au droit de la négociation collective (I), l'ordonnance n° 1 (II) était très attendue et prolonge, comme on pouvait s'y attendre, la réforme intervenue en 2016 en matière de durée du travail et de congés, tout en en anticipant au passage l'application (désormais programmée pour 1er mai 2018). Les textes comportent certaines dispositions anecdotiques, comme le choix du terme "convention collective" qui désignera désormais indifféremment les conventions et accords, sauf disposition particulière expresse (art. 1er), et l'abrogation programmée de la commission de refondation du Code du travail (art. 12) mise en place par la loi "El Khomri" (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C). D'autres sont plus importantes et touchent tant à la négociation des accords, qui tient compte notamment des limites de la logique syndicale, que de l'articulation des niveaux qui penchent encore plus désormais du côté de l'entreprise.
I - Règles relatives aux accords de branche

Une ordonnance limitée. L'ordonnance n° 4 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective comporte peu de dispositions (3 pages, contre 24 s'agissant de l'ordonnance n° 1). Elle contient un certain nombre de mesures techniques qui présentent un intérêt pour le Gouvernement mais moins pour les acteurs. Nous ne signalerons ici que les nouveautés programmées qui entreront en vigueur lorsque les décrets d'application auront été pris, et au plus tard au 1er janvier 2018.

Exclusion du champ de l'extension. L'ordonnance ajoute une nouvelle hypothèse aux cas existants permettant au ministre du Travail qui étend une convention de branche d'en exclure certaines clauses (1). Le projet visait l'hypothèse où une clause porterait "une atteinte excessive à la libre concurrence compte tenu des caractéristiques du marché concerné". La version publiée est plus large encore puisqu'elle conserve ce cas comme un simple exemple d'un "motif d'intérêt général" qui pourra être invoqué par le ministre, et dont le Conseil d'Etat devra nous dire dans l'avenir quelles hypothèses concrètes il peut englober. Le ministre pourra d'ailleurs à cette fin s'aider des conclusions d'un groupe d'expert.

Les juridictions administratives seront certainement amenées à préciser ces dispositions qui pourraient trouver à s'appliquer notamment à l'occasion de la désignation d'assureurs choisis au niveau de la branche pour offrir aux salariés les garanties complémentaires qui s'appliqueront dans son champ d'application, et qui suppose que le choix ait été précédé si ce n'est d'une véritable mise en concurrence, à tout le moins d'une procédure transparente (2).

Le ministre pourra également étendre les clauses appelant des stipulations complémentaires de la convention ou de l'accord, en subordonnant, sauf dispositions législatives contraires, leur entrée en vigueur à l'existence d'une convention d'entreprise prévoyant ces stipulations (3).

Représentativité au niveau national et multiprofessionnel. L'article L. 2152-2 du Code du travail impose aux organisations d'employeurs qui souhaitent être représentatives au niveau multiprofessionnel outre le respect des critères visés à l'article L. 2151-1, de prouver qu'elle sont représentatives, directement ou indirectement, dans au moins dix conventions collectives relevant des secteurs visés par le niveau multiprofessionnel. Tirant les conséquences de la recomposition de ce niveau créé en 2014, l'ordonnance supprime la référence au secteur des professions libérales après la fusion de la principale organisation d'employeurs (l'UNAPL) avec l'UPA intervenue fin 2016.

II - Règles relatives à la négociation d'entreprise

1 - Renforcement de l'autorité des accords d'entreprise

La suite de la loi "El Khomri". La question avait été au coeur de la loi "El Khomri" et avait poussé dans la rue des centaines de milliers de manifestants en 2016 : comment articuler accords de branche et accords d'entreprise ? La loi d'août 2016 avait répondu à l'interrogation en matière de durée du travail et de congés en renforçant le rôle de la négociation d'entreprise au détriment du principe de faveur (4). On attendait donc les suites de ce texte.

Sans surprise, l'ordonnance n° 1 modifie l'articulation des différents niveaux de négociation dans le sens d'un accroissement du rôle de la négociation d'entreprise. Sauf pour ce qui concerne la définition par l'accord de branche de stipulations indérogeables, les nouveaux principes s'appliqueront immédiatement aux accords d'entreprises même conclus antérieurement.

La primauté de l'accord d'entreprise. La loi confirme la primauté de principe de l'accord d'entreprise, affirmée depuis 2004 (C. trav., art. L. 2253-3), mais admet des exceptions.

Le nouveau domaine restreint du principe de faveur. Elle garantit ainsi, dans dix-sept matières, l'application du principe de faveur permettant aux accords d'entreprise de s'appliquer s'ils comportent des dispositions au moins équivalentes ; treize (deux de plus dans la version définitive de l'ordonnance) le sont de plein droit, quatre autres devront être stipulées par l'accord de branche.

L'article L. 2253-1 utilise à cet effet l'expression de "garanties au moins équivalentes", ce qui a pu faire craindre à certains l'abandon du principe de faveur au détriment d'un principe "d'équivalence" autorisant des comparaisons globales entre accords moins intéressants par les salariés que l'ancienne méthode de comparaison (5). Il nous semble que la nouvelle expression "au moins équivalentes", qui figure déjà dans de nombreuses dispositions du Code du travail, entérine à la fois l'idée de dérogations plus favorables et la méthode analytique de comparaison entre avantages (dispositions ayant le même objet et la même cause), et qu'elle exprime toujours l'idée de dérogations in melius qui prévaut depuis 1936.

Les treize points visés par la loi et qui sont de plein droit (et sans dérogation possibles) améliorables par accord d'entreprise, concernent : "1° Les salaires minima hiérarchiques ; 2° Les classifications ; 3° La mutualisation des fonds de financement du paritarisme ; 4° La mutualisation des fonds de la formation professionnelle ; 5° Les garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 912-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0678IZ7) ; 6° Les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires énoncées aux articles L. 3121-14 (N° Lexbase : L6899K9E) (horaires d'équivalence), L. 3122-16 (N° Lexbase : L6843K9C) (travail de nuit), au premier alinéa de l'article L. 3123-19 (N° Lexbase : L6816K9C) (durée minimale de temps partiel) et aux articles L. 3123-21 (N° Lexbase : L6814K9A) (majoration des heures complémentaires) et L. 3123-22 (N° Lexbase : L6813K99) (augmentation temporaire de la durée du travail à temps partiel) du présent code ; 7° Les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminés et aux contrats de travail temporaire énoncées aux articles L. 1242-8 (N° Lexbase : L5786KGE) (18 mois et deux renouvellements), L. 1242-13 (N° Lexbase : L1447H9H) (transmission sous 48 heures), L. 1244-3 (N° Lexbase : L5790KGK) (carence), L. 1251-12 (N° Lexbase : L5790KGK) (18 mois et deux renouvèlements), L. 1251-35 (N° Lexbase : L5791KGL) (deux renouvellements) et L. 1251-36 (N° Lexbase : L5792KGM) (carence) du présent code ; 8° Les mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier énoncées aux articles L. 1223-8 du présent code (N° Lexbase : L7314LA7) ; 9° L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; 10° Les conditions et les durées de renouvellement de la période d'essai mentionnés à l'article L. 1221-21 du code du travail (N° Lexbase : L8446IA3) ; 11° Les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) ne sont pas réunies ; 12° Les cas de mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 1251-7 du présent code ; 13° La rémunération minimale du salarié porté, ainsi que le montant de l'indemnité d'apport d'affaire, mentionnée aux articles L. 1254-2 et L. 1254-9 du présent code".

Dans ces treize matières, l'application préférentielle de l'accord d'entreprise plus favorable vaut y compris pour les accords conclus antérieurement, ce qui est logique dans la mesure où c'était déjà la règle commune qui prévalait (à défaut de disposition spéciale réservant l'application exclusive de l'accord de branche ou au contraire de l'accord d'entreprise).

Le nouveau domaine restreint de l'indérogabilité stipulable. L'ordonnance n° 1 se propose également de restreindre considérablement les hypothèses où les parties à un accord de branche peuvent empêcher les entreprises de déroger in defavorem aux dispositions, alors que la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8) avait retenu très largement la possibilité de bloquer les dérogations et que cette faculté n'ayant pas été remise en cause directement par la loi "El Khomri" (6).

Désormais, la faculté de bloquer les dérogations ne pourra intervenir que dans quatre cas limitativement ("dans les matières suivantes") (7) définis par l'article L. 2253-2 : "1° la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels énumérés à l'article L. 4161-1 ; 2° l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés ; 3° l'effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ; 4° les primes pour travaux dangereux ou insalubres".

Au passage, l'article 12 supprime les dispositions de la loi "El Khomri" qui demandaient aux partenaires sociaux de déterminer par eux-mêmes les dispositions indérogeables dans leurs propres accords (8).

Régime transitoire. L'application dans le temps de ces nouveaux principes d'articulation fait l'objet de mesures transitoires assez précises.

En premier lieu, la loi précise que cette nouvelle possibilité de bloquer les dérogations ne s'appliquera qu'aux accords d'entreprises conclus postérieurement à la stipulation de l'accord de branche, ce qui est logique dans la mesure où la connaissance de telles clauses dans les accords de branche pèse sur la négociation dans les entreprises qui relèvent de la branche.

En second lieu, ces nouveaux principes d'articulation s'appliqueront bien entendu aux accords de branche conclus ou révisés après l'entrée en vigueur de l'ordonnance, mais aussi, ce qui démontre le caractère volontariste de la réforme, aux accords de branches conclus antérieurement, les partenaires sociaux devant, s'ils souhaitent continuer à bloquer les dérogations dans les autres matières qui n'ont pas été reprises par la loi conformément aux règles en vigueur à l'époque de la conclusion de leurs accords, en exprimer explicitement le désir avant le 1er janvier 2019 (article 14). Il s'agit d'un changement assez sensible au regard des régimes transitoires antérieurs qui garantissaient la pérennité des accords de branche antérieurs de plein droit sans qu'il soit nécessaire de le stipuler explicitement.

2 - Favoriser la négociation d'entreprise

Améliorer la couverture par les accords de branche. La loi comporte plusieurs mesures nouvelles, comme l'obligation faite aux signataires des accords de branche candidats à l'extension de conclure, parmi les clauses obligatoires, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, les stipulations spécifiques mentionnées à l'article L. 2232-10-1 (C. trav., art. L. 2261-23-1).

Extension du champ des accords "à froid" sur l'emploi. La loi étend le champ des accords dérogatoires en vue de préserver ou développer l'emploi, créés par la loi "El Khomri" aux côtés des accords de maintien de l'emploi, et qui pourront primer sur les contrats individuels y compris en matière de mobilité professionnelle ou géographique internes à l'entreprise (C. trav., art. L. 2254-2).

Sécuriser les accords collectifs (art. 4). La loi affirme l'existence d'une présomption de légalité (C. trav., art. L. 2262-13, nouv.), inspirée directement de la jurisprudence en matière de différences de traitement introduites par accords collectifs entre salariés appartenant à des catégories professionnelles différentes ou exerçant des fonctions différentes (et qui sont présumées être justifiées), mais qui ne semble pas bouleverser la charge de la preuve classique qui pèse sur le demandeur.

Une disposition de même objet figure dans l'ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail à propos des accords autorisant le recours au travail de nuit (art. 32 ; nouvel art. L. 3122-15).

La véritable nouveauté réside dans l'édiction d'un délai de courte prescription de l'action en nullité de deux mois (contre cinq ans aujourd'hui).

La loi permet enfin au juge, sur le modèle de la jurisprudence "AC !" du Conseil d'Etat de 2004 (9), des pouvoirs reconnus au Conseil constitutionnel par l'article 62 de la Constitution (N° Lexbase : L7403HHN) en matière de QPC ou de la CJUE, de moduler l'application dans le temps des effets d'une éventuelle annulation de l'accord par le tribunal de grande instance. Ces dispositions s'appliqueront aux accords conclus après l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Négociations périodiques et obligatoires. L'ordonnance classe les règles selon le triptyque préconisé par le rapport "Combrexelle" et mis en oeuvre dans la loi "El Khomri", à savoir ordre public/négociable/supplétif, sans changements notables par rapport aux dispositions existants (10).

Modification des règles de validité des accords collectifs conclus par les délégués syndicaux. L'ordonnance ne modifie pas la priorité donnée aux syndicats représentatifs et à leurs représentants, les délégués syndicaux, pour négocier et conclure les accords d'entreprise. Le texte va simplement légèrement modifier les règles de validité et accélérer l'application de la réforme des conditions de validités des accords collectifs voulue par la loi "El Khomri" (article 21) à l'ensemble des matières (les accords relatifs à la durée du travail et aux congés sont passés au nouveau régime le 1er janvier 2017) ; initialement prévue au 1er septembre 2019, la réforme sera finalement applicable dès le 1er mai 2018.

Comme l'avait programmé la loi "El Khomri", les accords conclus par les délégués syndicaux seront soumis à la condition de validité majoritaire, la majorité des suffrages exprimés se vérifiant au regard du nombre des suffrages valablement exprimés en faveur de listes de syndicats reconnus représentatifs à l'issue du premier tour des dernières élections professionnelles (11). En l'absence de majorité, les accords conclus par un ou des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés dans ces conditions pourront être validé par référendum (majorité des suffrages exprimés) : la nouveauté réside dans la possibilité de demander cette validation qui sera désormais offerte à l'employeur, dès lors que le ou les signataires ne s'y opposent pas (unanimement). Les modalités d'organisation du référendum de validation pourront faire l'objet d'un accord spécifique soumis à une condition de validité dérogatoire de 30 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs.

Favoriser la négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Depuis 1995 le législateur n'a cessé de rechercher la bonne formule pour permettre la négociation d'entreprise en l'absence de délégué syndical sans fragiliser les syndicats. Depuis la loi expérimentale du 9 novembre 1996 jusqu'aux dispositions introduites par la loi "El Khomri", différents régimes ont été essayés qui font intervenir des représentants du personnel élus et/ou mandatés, une exigence majoritaire se vérifiant à la signature ou lors de la ratification de l'accord par référendum, voire une validation par une commission paritaire de branche (12).

Etat actuel du droit. En l'état du droit positif, l'employeur peut conclure un accord en l'absence de délégué syndical dans les entreprises dont l'effectif est au moins égal à onze salariés avec des représentants élus du personnel ou des salariés non élus mandatés par des syndicats représentatifs (13).

Si l'employeur conclut avec des représentants élus (14) et mandatés par un syndicat représentatif, le champ de la négociation est largement ouvert et l'accord conclu devra être validé par un référendum majoritaire d'entreprise (C. trav., art. L. 2232-21 N° Lexbase : L7184K9X).

Si l'accord est conclu par des élus non mandatés alors la négociation ne pourra porter que sur des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif et l'accord devra être conclu de manière majoritaire (15).

En l'absence d'élus, l'accord pourra être conclu avec un salarié mandaté par un syndicat représentatif ; il pourra porter sur toutes les questions ouvertes à la négociation d'entreprise et sera soumis à l'approbation majoritaire du personnel (16).

Nouveautés. Ce sont ces dispositions qui sont modifiées à compter du 1er mai 2018.

"Négocier" avec le personnel dans les entreprises de moins de onze salariés. Il sera désormais possible de "conclure" un accord collectif dans les entreprises de moins de onze salariés, ce qui n'était pas possible antérieurement ; la loi de 2008 (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ) subordonnait la négociation avec un représentant de la section syndicale (à partir de deux salariés) à une carence en représentants élus (C. trav., art. L. 2143-23 N° Lexbase : L3757IBR), ce qui supposait donc que le seuil de onze salariés soit atteint, et la loi "Rebsamen" (loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi N° Lexbase : L2618KG3, notamment l'article L. 2232-23-1 N° Lexbase : L5442KGN) subordonnait la négociation avec les salariés mandatés non élus au fait que les élus n'avaient pas souhaité négocier avec l'employeur, ce qui de fait réservait la négociation aux entreprises ayant (ou susceptibles d'avoir) des élus.

L'ordonnance permet à l'employeur de proposer à l'approbation des salariés l'adoption de dispositions portant sur l'ensemble des thèmes ouverts à la négociation d'entreprise (17) ; l'ordonnance instaure un seuil d'approbation correspondant aux deux tiers de l'effectif de l'entreprise (nouvel art. L. 2232-22).

L'ordonnance permettant de proposer la conclusion d'un accord "aux salariés", la présence d'au moins deux salariés dans l'entreprise au moment du référendum sera donc nécessaire (18). Lorsque c'est le cas, les deux salariés devront approuver la proposition pour satisfaire à l'exigence des deux tiers.

Négociation dans les entreprises dont l'effectif est compris entre onze et vingt salariés. La loi prévoit également de nouvelles modalités de négociation dans les entreprises dont l'effectif est compris entre onze et vingt salariés (19). La négociation se fera avec le ou les salariés élus au nouveau comité social et économique (20), et en l'absence d'élus l'employeur pourra procéder par référendum comme dans les entreprises de moins de onze salariés (nouvel art. L. 2232-23)

Négociation dans les entreprises dont l'effectif est compris entre 20 et moins de 50 salariés. Priorité demeure au représentant élu désigné comme délégué syndical. A défaut, la négociation pourra se faire avec un représentant élu ou un salarié mandaté par un syndicat représentatif. Cette négociation pourra porter sur l'ensemble des thèmes ouverts à la négociation d'entreprise et l'accord conclu sera soumis à une exigence majoritaire vérifiée soit, lors de la signature, pour les accords conclus par des élus, soit lors d'un référendum de validation pour les accords conclus par des salariés mandatés.

Négociation dans les entreprises de 50 salariés au moins. Priorité demeure aux délégués syndicaux. A défaut de délégué syndical, l'accord pourra être conclu avec un élu ; si ce dernier est mandaté par un syndicat représentatif (branche ou niveau national et interprofessionnel), il devra être approuvé par référendum majoritaire ; s'il ne l'est pas, il sera soumis à une exigence de majorité de conclusion et ne pourra porter que sur des thèmes dont la mise en oeuvre est légalement subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise.

En l'absence de conclusion avec un salarié élu (21), l'accord pourra l'être avec un salarié mandaté par un syndicat représentatif (branche ou niveau national et interprofessionnel) sur toutes les questions ouvertes à la négociation d'entreprise, et devra être validé par référendum majoritaire.


(1) C. trav., art. L. 2261-25 (N° Lexbase : L2462H93) : clauses en contradiction avec des dispositions légales ou ne répondant pas à la situation de la branche.
(2) Lire Ch. Willmann, Clauses de désignation : après la CJUE et le CE, la Cour de cassation consacre l'obligation de transparence, Lexbase, éd. soc., n° 692, 2017 (N° Lexbase : N7240BW3).
(3) Et donc qu'on ne soit pas dans les quatre cas résiduels où le Code du travail autoriserait encore l'accord de branche à bloquer les facultés de dérogation.
(4) Lire le commentaire de P. Lokiec, Loi "Travail" : la négociation collective après la réforme, Lexbase, éd. soc., n° 666, 2016 (N° Lexbase : N4065BWH).
(5) Cf. interview de Martine Aubry sur France inter le 6 septembre.
(6) Cette dernière avait toutefois considérablement restreint le champ de l'indérogabilité en élargissant les cas de primauté inconditionnelle de l'accord d'entreprise en matière de durée du travail et de congés.
(7) Depuis 2008, la loi avait procédé inversement en posant comme règle la possibilité de bloquer la dérogation et en énumérant les exceptions (hypothèses où la loi réservait la primauté de l'accord d'entreprise).
(8) VI et VII de l'article 24 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, abrogés.
(9) CE, 1ère s-s., 11 mai 2004, AC !, n° 255886, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1829DCQ).
(10) Il faudra sans doute du temps aux praticiens pour déceler d'éventuelles variations de fond, masquées par la nouvelle manière de présenter les normes. Les circulaires ministérielles signaleront sans doute ces changements.
(11) La règle était déjà celle-ci pour les accords de branche depuis 2008, et avait été étendue aux accords d'entreprise en compensation du passage du seuil de conclusion de 30 à 50 % pour en atténuer les effets. Imaginons, en effet, une entreprise dans laquelle 100 suffrages exprimés sont décomptés, mais seulement 70 en faveur de syndicats reconnus représentatifs après le 1er tour, et donc 30 en faveur de listes ayant fait moins de 10 voix. L'ancien mode de décompte "tous suffrages exprimés" donnait, avec un seuil de validité de 30 %, un total de trente suffrages exprimés. Avec le nouveau décompte "en faveur des seuls syndicats représentatifs", le seuil de 50 % se calcul sur les seuls 70 suffrages exprimés, la traduction en termes de suffrages étant donc de 35. Le passage de 30 % à 50 % se traduit donc concrètement par un accroissement de l'exigence électorale réelle de 5 sur 30, soit 16,66 %, alors qu'en termes de pourcentage cet accroissement (sans tenir compte du changement d'assiette) est de 66,66 %. Le changement est donc essentiellement symbolique car en exigeant la conclusion d'un accord majoritaire on renforce la légitimité symbolique de l'accord.
(12) Cette exigence a été abandonnée toutefois en 2016 au profit d'une simple information en raison des difficultés pratiques rencontrées dans de très nombreuses branches pour la mettre en place.
(13) Au niveau de la branche ou niveau national et interprofessionnel.
(14) Priorité aux représentants élus au comité d'entreprise ou d'établissement sur les délégués du personnel - C. trav., art. L. 2232-21 (N° Lexbase : L7184K9X).
(15) Le ou les signataires ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections - C. trav., art. L. 2232-22 (N° Lexbase : L7183K9W).
(16) Majorité des suffrages exprimés - C. trav., art. L. 2232-24 (N° Lexbase : L7182K9U).
(17) Sauf les accords sur les procédures de consultation des IRP pour les grands licenciements collectifs de l'article L. 1233-21 (N° Lexbase : L6241ISX). Cette exclusion vaut d'ailleurs pour toutes les formes de négociation d'entreprise sans délégué syndical.
(18) Ce seuil de deux correspond d'ailleurs également à celui qui est exigé pour la création d'une section syndicale, subordonnée à la présence de "plusieurs adhérents". Le syndicat devra toutefois attendre le seuil de onze salariés pour y désigner un représentant de la section syndicale.
(19) Le seuil de vingt apparaît donc comme une nouvelle catégorie d'effectif en matière de négociation collective.
(20) Cf. Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, commentée dans ce numéro par G. Auzero.
(21) Soit qu'il y ait carence, soit que les élus n'aient pas souhaité négocier au terme de la proposition qui leur est faite par l'employeur - C. trav., art. L. 2232-25 (N° Lexbase : L5831IEP).

Annexe : tableaux de la négociation collective avant et après l'ordonnance

newsid:460159

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus