La lettre juridique n°666 du 1 septembre 2016 : Entreprises en difficulté

[Doctrine] L'imprévision versus ordonnance du 10 février 2016 et droit des entreprises en difficulté

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

le 01 Septembre 2016

L'ordonnance du 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK) a emporté des modifications très sérieuses du droit commun des obligations. Chacun connaît le lien compliqué que noue le droit des entreprises en difficulté avec le droit des obligations. Tantôt il s'agit pour le premier de respecter tout l'édifice de droit commun des obligations. Tel est le cas si le droit des entreprises en difficulté ne déroge pas explicitement au droit commun des obligations. Parfois, ce droit commun est écarté par quelques dispositions spéciales. D'autres fois, il est simplement aménagé. Parmi ces règles mettant à l'écart le droit commun des obligations ou l'aménageant, on pense immédiatement aux règles relatives à la continuation des contrats en cours.
Modifier le droit commun des obligations ne peut donc rester sans conséquence sur le droit des entreprises en difficulté. La difficulté est alors d'appréhender l'ampleur des modifications du premier domaine sur le second.
Il ne sera pas question de se livrer ici à cet exercice, beaucoup trop périlleux au demeurant s'il est effectué par un spécialiste de l'une seule des deux matières. Le lecteur pourra utilement être renvoyé à un ouvrage qui paraîtra à l'automne, sous l'égide de l'Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives (IFPPC), syndicat bien connu de mandataires de justice, sous la double signature d'un spécialiste du droit des obligations, le Professeur Mathias Latina et de votre serviteur, pour ce qui concerne le droit des entreprises en difficulté.
Nous nous contenterons, ici, de réfléchir à l'incidence en droit des entreprises en difficulté de l'une des mesures phares de l'ordonnance du 10 février 2016, celle qui concerne l'imprévision. La révision judiciaire pour imprévision, dont l'exposé sommaire est ici empruntée à l'excellent ouvrage co-écrit par Mathias Latina et Gaël Chantepie (1), dont nous recommandons chaudement la lecture, a en effet été consacrée dans l'article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP). Le législateur a décidé de briser la célèbre jurisprudence dite du "Canal de Craponne" (2). On se souvient tous que, dans cet arrêt du XIXème siècle, la Cour de cassation avait rendu un hommage à la force obligatoire du contrat en refusant au juge la possibilité de s'immiscer dans la loi des parties pour la refaire, quand bien même celle-ci aurait été bouleversée par la survenance d'un événement imprévisible au moment de la formation du contrat. La Cour de cassation s'était toujours montrée hostile à la révision judiciaire en cas d'imprévision.

Pour que les parties se trouvent dans une situation d'imprévision, l'article 1195 du Code civil exige la réunion de trois conditions cumulatives. Il faut, d'abord, un "changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat". Il est nécessaire, ensuite, que la partie victime des circonstances n'ait pas accepté d'assumer, dans le contrat, le risque de la survenance d'un événement imprévisible. Autrement dit, l'article 1195 du Code civil n'est pas d'ordre public. Enfin, l'événement imprévisible doit avoir eu pour effet de rendre l'exécution du contrat "excessivement onéreuse". La difficulté d'exécution ne suffit pas ; il faut un "excès", ce qui laisse une marge d'appréciation au juge.

La partie victime des circonstances peut demander une renégociation à son cocontractant, renégociation pendant laquelle le contrat doit être exécuté. Si la renégociation est refusée par l'autre partie, ou si elle échoue, les parties peuvent entamer une autre négociation, portant cette fois non plus sur le rééquilibrage du contrat, mais sur sa résolution, voire sur l'opportunité de demander au juge, d'un commun accord, de le réviser. Finalement, à défaut d'accord dans un délai raisonnable, l'une des parties pourra demander au juge qu'il révise ou qu'il mette fin au contrat aux conditions qu'il jugera bonnes.

Le changement de position du Code civil sur la question dite de l'imprévision est sans doute la difficulté majeure dans la détermination des incidences de la réforme du droit des obligations sur le droit des entreprises en difficulté. Les problèmes semblent chronologiquement se situer à deux niveaux. Le premier se positionne avant l'ouverture de la procédure collective. La question qui se pose est celle de savoir si la possibilité prévue par le Code civil de modifier l'économie d'un contrat, dont l'exécution est devenue, à la suite de circonstances imprévisibles, trop onéreuse pour l'une des parties, peut avoir des conséquences sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. C'est la question de l'imprévision et de l'ouverture de la sauvegarde (I). Le second est trouvé après l'ouverture de la procédure collective. Il concerne la règle de la continuation des contrats en cours. Quelles conséquences peuvent avoir les règles nouvelles en matière d'imprévision sur la problématique de la continuation des contrats en cours ? C'est la question de l'imprévision et de la continuation des contrats en cours (II).

I - Imprévision et ouverture de la sauvegarde

La procédure de sauvegarde est accessible à un débiteur -terme au demeurant impropre- qui remplit deux conditions cumulatives. Négativement, il ne doit pas être en état de cessation des paiements. Positivement, il doit rencontrer des difficultés qu'il ne peut surmonter, seul, a précisé la Cour de cassation (3). Cette seconde condition d'ouverture va plus spécialement ici nous intéresser.

En effet, si les conditions de l'imprévision sont réunies, c'est-à-dire si un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat, que la partie victime des circonstances n'a pas accepté d'assumer, et qui rend l'exécution du contrat excessivement onéreuse pour l'une des parties, cette dernière peut obtenir une renégociation du contrat ou à défaut, soit une résiliation du contrat, soit une nouvelle fixation des conditions contractuelles par le juge.

Il s'évince de ces possibilités le constat que la difficulté rencontrée par l'une partie, dans le cadre de l'exécution d'un contrat, peut ne plus être, pour elle, insurmontable.

On mesure immédiatement le problème suscité par cette règle nouvelle sur la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde, dès lors que l'on suppose que la difficulté rencontrée par le débiteur, sollicitant l'ouverture de la procédure, tient à une exécution trop onéreuse de son contrat. Dans la mesure où la renégociation du contrat offerte au débiteur par le Code civil peut permettre de surmonter la difficulté, il apparaît que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne sont plus réunies, si les difficultés pouvant conduire à en demander le bénéfice sont d'ordre contractuel et peuvent être surmontées par la renégociation. La faculté de renégociation du contrat devient ainsi clairement un obstacle à l'ouverture de la sauvegarde.

Il apparaît donc qu'il faut combiner les règles d'ouverture de la sauvegarde avec les règles nouvelles posées par le Code civil à l'article 1195. Cette articulation entre les textes de l'article L. 620-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3237ICU) et 1195 du Code civil aboutit à la nouvelle règle suivante : si les difficultés rencontrées par le débiteur sont de nature contractuelle et tiennent à une exécution rendue excessivement onéreuse de l'obligation pour lui, du fait de circonstances imprévues lors de la conclusion du contrat, et alors qu'il n'a pas accepté ce risque, il doit, nous semble-t-il, avant de solliciter l'ouverture de la sauvegarde, utiliser la faculté de renégociation ouverte par le Code civil. La tentative de renégocier serait donc un préalable à l'ouverture de la procédure de sauvegarde. Mais on mesure immédiatement que si ce préalable échoue, une difficulté très sérieuse et particulièrement préjudiciable à l'efficacité du droit des entreprises en difficulté, se profile. En cause, la règle posée par l'article 1195, alinéa 1er in fine, du Code civil, qui oblige à continuer à exécuter le contrat pendant la renégociation. Or cela peut conduire à la caractérisation de l'état de cessation des paiements du débiteur, lui interdisant ainsi, au terme de la tentative de renégociation qui a échoué, le bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Mais peut-être faut-il relativiser le malheur pour le débiteur. En effet, si la tentative de renégociation a échoué, la difficulté qui par hypothèse le conduisait à solliciter l'ouverture d'une sauvegarde n'aurait pas pu être réglée par la seule procédure de sauvegarde, à cause de la règle de la continuation des contrats en cours, laquelle oblige le débiteur à continuer le contrat, après l'ouverture de la procédure collective, dans les termes existant lors de l'ouverture de ladite procédure.

L'on comprend ici une des difficultés de l'articulation des règles nouvelles posées par le Code civil avec les règles de la procédure de sauvegarde, qui tient au temps de la renégociation, qui peut être un temps judiciaire beaucoup trop long par rapport à la réactivité indispensable au traitement des difficultés des entreprises en difficulté.

On peut alors essayer de proposer d'autres grilles de lecture de cette très délicate articulation entre deux corps de règles, dont l'une, posée par le Code civil, ne se préoccupe pas de l'autre, alors que, à bien y réfléchir, la situation qu'elle veut traiter aura statistiquement vocation à intéresser les entreprises, même si elle peut aussi concerner, par la généralité de sa formulation, les relations entre un professionnel et un particulier, voire entre deux particuliers.

On pourrait d'abord soutenir que la difficulté, que rencontre le débiteur, à savoir l'impossibilité d'exécution d'un contrat devenue trop onéreuse pour lui, à la suite de circonstances imprévisibles, reste insurmontable pour lui, sauf recours au juge si la renégociation contractuelle a échoué. Ainsi, le caractère insurmontable n'existe pas tant que le débiteur n'a pas tenté une renégociation. En revanche, ce caractère insurmontable existe à nouveau, dès lors que la renégociation contractuelle a échoué et que, par conséquent, le recours au juge s'impose. Pour parvenir à cette conclusion, il suffit d'affirmer que la difficulté demeure insurmontable si le débiteur a besoin du recours au juge, car il ne peut alors la surmonter seul.

Si l'on accepte cette grille de lecture, de front peuvent être menés par le débiteur deux combats : celui de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, du fait qu'il rencontre une difficulté qu'il ne peut surmonter seul, puisqu'il a besoin du recours à un juge, et celui de la fixation de nouvelles conditions contractuelles par le juge, en application de l'article 1195, alinéa 1er, du Code civil (sur la question de la compétence pour connaître de cette demande, alors qu'une procédure collective aurait été ouverte, v. infra).

Une autre piste peut être explorée, qui tient au constat que, si l'on considère que la difficulté rencontrée par le débiteur n'est pas insurmontable, dès lors que les règles de l'article 1195 du Code civil sont mises en oeuvre, à tout le moins cette difficulté reste "prévisible" au sens où l'entend l'article L. 611-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7270IZB), qui vise des difficultés avérées ou simplement imprévisibles pour solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation. Le caractère simplement prévisible de la difficulté pourrait porter sur l'aléa que constitue la révision judiciaire du contrat.

Ainsi, pour éviter l'écueil de l'échec de la renégociation, il pourrait être opportun de placer l'entreprise dans le cadre d'une procédure de conciliation. Le débiteur pourrait, en sollicitant l'ouverture de la conciliation, demander au président du tribunal de confier au conciliateur la mission de tenter la renégociation du contrat. Si celle-ci aboutit, l'accord de conciliation emportera fixation de nouvelles conditions contractuelles. L'avantage de la formule est que pendant la conciliation, on neutralise la cessation des paiements. Les règles de l'imprévision peuvent ainsi devenir une raison d'utiliser la procédure de conciliation, lorsque la difficulté rencontrée est de nature contractuelle et tient à une exécution devenue excessivement onéreuse par suite de circonstances imprévisibles, lors de la conclusion du contrat.

Si l'article 1195 du Code civil fait naître une difficulté au stade de l'ouverture de la procédure collective de sauvegarde, il en génère une autre, pendant le déroulement de la procédure collective, cette fois, tient au règles de la continuation des contrats en cours.

II - Imprévision et continuation des contrats en cours

Les règles posées par l'article 1195 du Code civil, qui autorisent une révision du contrat, le cas échéant par le juge, entrent en opposition frontale avec celles posées par les articles L. 622-13 (N° Lexbase : L7287IZW) et L. 641-11-1 (N° Lexbase : L3298IC7) du Code de commerce, c'est-à-dire les règles relatives à la continuation des contrats en cours.

Rappelons que l'administrateur judiciaire ou le liquidateur, selon le cas, ont seuls l'initiative de demander la poursuite d'un contrat en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective. Cette dernière ne produit pas d'effet sur le contrat. S'il est résilié ou arrivé à terme au jour du jugement d'ouverture, la solution est irréversible. S'il est en cours, l'ouverture de la procédure collective n'entraîne pas sa résiliation. Ainsi, le droit des entreprises en difficulté observe, en ce qui concerne le statut du contrat au jour de l'ouverture de la procédure collective, un principe de neutralité.

Le code de commerce met ensuite en place un corps de règles destinée à assurer au mieux le sauvetage de l'entreprise, pour les cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ou la préservation des actifs, pour le cas de liquidation judiciaire, tout en assurant la protection du partenaire contractuel du débiteur.

La préservation des intérêts du cocontractant résulte d'une règle fondamentale du droit des entreprises en difficultés selon laquelle en cas d'option pour la continuation du contrat en cours, le contrat sera poursuivi aux conditions contractuelles existant au jour de l'ouverture de la procédure collective. On ne change pas une virgule du contrat poursuivi.

Cette règle semble bien heurter de front la faculté ouverte par l'article 1195 du Code civil de renégocier le contrat, lorsque son exécution est devenue trop onéreuse, du fait de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat.

Pour comprendre l'articulation entre les règles de la continuation des contrats en cours et celles de l'imprévision, il faut, nous semble-t-il commencer par une observation déterminante. En posant en règle que le contrat en cours au jour du jugement d'ouverture doit être continué conformément aux stipulations existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, le Code de commerce ne fait qu'appliquer le droit commun des obligations. Il s'agit en effet d'exécuter le contrat comme si la procédure collective n'avait pas été ouverte. C'est donc un principe de neutralité du droit des entreprises en difficulté par rapport au contrat continué qu'énoncent les articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce.

Cette observation déterminante nous permet de comprendre immédiatement que l'opposition entre les règles de l'imprévision posées par l'article 1195 du Code civil et celles de la continuation n'est en réalité qu'apparente. Puisque les règles relatives à la continuation des contrats en cours, qui pose le principe du contrat continué aux conditions existant au jour de l'ouverture de la procédure collective ne sont que le respect du droit commun des obligations, il n'y a pas d'obstacle à combiner les règles de l'article 1195 du Code civil avec celles relatives à la continuation des contrats en cours.

Le contrat en cours, continué après l'ouverture de la procédure collective, pourra donc se voir appliquer les dispositions de l'article 1195 du Code civil. Le débiteur, l'administrateur, voire le liquidateur -mais cette dernière hypothèse est ici a priori plus d'école- pourra demander la renégociation du contrat, voire sa révision judiciaire, sans contrarier les règles de continuation des contrats en cours, lesquelles ne sont que le rappel du droit commun des obligations, lequel intègre désormais en son sein la possibilité de révision du contrat, en cas de circonstances économiques imprévisibles lors de sa conclusion, qui rendent son exécution trop onéreuses.

Encore faut-il énoncer que le caractère trop onéreux de l'exécution ne peut résulter du seul fait d'être placé en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire. Ce qui rend trop onéreux le contrat n'est pas la situation économique du débiteur de l'obligation, mais les circonstances économiques nouvelles extérieures à la personne du débiteur, par exemple le nouveau coût des matières premières ou un changement brutal du cours du change.

La difficulté qui subsiste tient au conflit de compétence entre le juge du contrat et le juge du contrat continué.

En droit des entreprises en difficulté, le juge-commissaire a une compétence exclusive relativement à l'option pour la continuation du contrat. Il faut aussi, dans le prolongement de cette première affirmation, considérer que le juge-commissaire a une compétence exclusive pour apprécier l'exécution du contrat selon les prévisions contractuelles au jour de l'ouverture de la procédure collective. Autrement dit, le juge-commissaire est seul compétent pour apprécier le jeu des articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce. On peut ainsi affirmer que le juge-commissaire est seul compétent pour connaître des demandes relativement à un contrat en cours (4). Mais là s'arrête sa compétence et son office juridictionnel. A notre sens, il dépasse son office juridictionnel lorsqu'il est question de révision judiciaire du contrat. Il s'agit alors d'appliquer non le droit des entreprises en difficulté, mais le droit commun des obligations.

Par conséquent, il faut bien faire le départ entre les questions supposant l'application des dispositions des articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce, qui relèvent de la compétence et de l'office juridictionnel du juge-commissaire et celles qui relèvent de l'application du droit commun des obligations, qui doivent continuer à appartenir au juge de droit commun, celui que l'on appellera le juge naturel du contrat.

La préservation des intérêts de l'entreprise débitrice passe par la possibilité reconnue à l'administrateur judiciaire, au débiteur ou au liquidateur, selon le cas, d'obtenir la résiliation du contrat.

Les règles relatives à la continuation des contrats en cours renferment un certain nombre d'hypothèses de résiliation d'un contrat, pour des causes différentes de celles existant en droit commun des obligations. Tout d'abord, le silence gardé plus d'un mois après une mise en demeure d'avoir à opter sur la continuation d'un contrat en cours vaut résiliation de plein droit. Ensuite, l'administrateur ou le débiteur, ou, en liquidation, le liquidateur peut, après avoir, dans un premier temps, opté pour sa continuation, mettre fin au contrat, ce qui vaudra résiliation de plein droit, s'il apparaît qu'il ne sera pas en mesure d'exécuter le terme suivant. Il y a encore place à une résiliation de plein droit en cas de non-paiement à bonne date du contrat continué. Enfin, en liquidation, il existe une résiliation de plein droit à l'initiative du liquidateur, lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent

Il existe ensuite des résiliations judiciaires. La première est obtenue auprès du juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. La seconde, qui suppose que l'obligation du débiteur ne soit pas de nature financière, est posée en liquidation judiciaire, si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

Les résiliations de plein droit peuvent faire l'objet d'un constat par le juge-commissaire, cependant que les résiliations judiciaires prévues par le livre VI du Code de commerce seront prononcées par le juge-commissaire. Qu'il s'agisse de constater ou de prononcer ces résiliations, le juge-commissaire a ici une compétence exclusive.

Ajoutons que, dans la sauvegarde et le redressement judiciaire, si l'administrateur ou le débiteur, en l'absence du premier, opte spontanément pour la non continuation du contrat, cela ne vaut pas résiliation, mais emporte seulement la possibilité pour le premier ou le second de demander devant le tribunal normalement compétent de prononcer la résiliation du contrat (5). Cette règle trouve application, en liquidation judiciaire, mais uniquement si l'obligation du débiteur est de nature financière.

L'article 1195, alinéa 2, du Code civil, pour sa part, envisage deux types de résiliation du contrat, en cas d'échec ou de refus de la renégociation. Le premier mode de résiliation envisagé est conventionnel. Les parties conviennent de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent. A défaut d'accord sur cette résiliation, le juge saisi par une partie soit révise le contrat, soit y met fin. Dans ce deuxième cas, il s'agit donc d'une résiliation judiciaire.

La résiliation judiciaire envisagée dans le cadre de l'article 1195, alinéa 2, du Code civil n'obéit pas au régime de la résiliation des contrats en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. La résiliation judiciaire, sur le fondement de l'article 1195, alinéa 2, n'est donc pas de la compétence du juge-commissaire, cependant qu'elle peut parfaitement intervenir pendant la procédure collective.

Il y aura lieu, le cas échéant, de respecter les règles de représentation, règles de l'administration contrôlée en sauvegarde ou en redressement judiciaire, règles du dessaisissement en liquidation judiciaire.

S'agissant plus spécialement de la résiliation conventionnelle, il faudra également respecter, en liquidation judiciaire, les règles du dessaisissement. En sauvegarde et en redressement, si un administrateur judiciaire a été nommé, ayant au moins une mission d'assistance, la question de sa participation à l'obtention de la résiliation conventionnelle peut se poser. On considérera que, par principe, la résiliation d'un contrat par la voie de l'article 1195, alinéa 2, du Code civil n'est pas un acte de gestion courante et supposerait, pour son opposabilité à la procédure collective, l'intervention de l'administrateur aux côtés du débiteur, si le premier a une mission d'assistance, son intervention, seul, s'il a, en redressement judiciaire, une mission de représentation.

Si le lecteur a pris goût à la question de l'incidence du droit des obligations sur le droit des entreprises en difficulté, nous lui donnons rendez-vous au colloque organisé par l'IFPPC sur ce thème le jeudi 1er décembre à Paris.


(1) G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations - Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du code civil, Dalloz, 2016, p. 440 et s..
(2) Cass. civ., 6 mars 1876, "Canal de Craponne", D., 1876, 1, p. 193 ; H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 2, 11ème éd., Dalloz, n° 163.
(3) Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-20.820, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9315DWW), Bull. civ. IV, n° 176 ; D., 2007, AJ 1864, obs. A. Lienhard ; D., 2008, Pan. 570, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 20, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 145, note J. Vallansan ; JCP éd. E, 2007, 2120, note J. Vallansan ; RD banc. fin., juillet-août 2007, p. 23, n° 158, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés, 2007, n° 177, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 223, n° 4, obs. B. Saintourens ; JCP éd. E, 2008, Chron. 1207, n° 2, obs. crit. Ph. Pétel ; RJ com., 2007, 359, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1575, n° 11, note D. Gibirila ; Rev. proc. coll., 2008, p. 50, note G. Sonier et N. Ghalimi ; RJDA, 2008/2, p. 103, note H. Guyader ; Dr. et patr., 2008, n° 172, p. 103, note C. Saint-Alary-Houin ; Bull. Joly Sociétés, 2007, 1165, note C. Régnaut-Moutier ; nos obs., in Chron., Lexbase, éd. priv., 2007, n° 269, (N° Lexbase : N9341BBL).
(4) Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-14.836, FS-P+B (N° Lexbase : A1819KHT), Bull. civ. IV, n° 102 ; D., 2013, Actu. 1616, note A. Lienhard ; Gaz. Pal., 29 septembre 2013, n° 272, p. 20, note F. Kendérian ; Act. proc. coll., 2013/14, comm. 193, note F. Kendérian ; JCP éd. E, 2013, Chron. 1434, n° 7, obs. Ph. Pétel ; Bull. Joly Entrep. en diff., septembre 2013, p. 296, note S. Benilsi ; Rev. proc. coll., 2014, comm. 158, note Ph. Roussel Galle.
(5) Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-13.542, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2479DCS), Bull. civ. IV, n° 100 ; D., 2004, AJ 1668, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2004/12, n° 146, note C. Régnaut-Moutier ; Rev. proc. coll., 2004, p. 228, n° 8, obs. Ph. Roussel Galle ; JCP éd. E, 2004, Chron. 1292, p. 1388, n° 13, obs. Ph. Pétel ; LPA, 6 août 2004, n° 157, p. 17, note P.-M. Le Corre ; Gaz. Pal., 15-16 décembre 2004, jur. p. 14, notre note ; nos obs., Lexbase, éd. aff. 2004, n° 129 (N° Lexbase : N2356ABU).

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