La lettre juridique n°291 du 7 février 2008 : Baux commerciaux

[Textes] Publication du décret relatif au droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux (seconde partie) (*)

Réf. : Décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007, relatif au droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux (N° Lexbase : L6840H3Q)

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N0345BEI

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[Textes] Publication du décret relatif au droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux (seconde partie) (*). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209777-textes-publication-du-decret-relatif-au-droit-de-preemption-des-communes-sur-les-fonds-de-commerce-l
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

En vue de permettre aux commerces de première nécessité et de proximité de se maintenir en milieu rural et dans certains quartiers des grandes villes, le législateur a reconnu aux communes un droit de préemption, en cas de cession de fonds de commerce ou artisanal ou de bail commercial (article 58 de la loi du 2 août 2005 n° 2005-882, en faveur des petites et moyennes entreprises N° Lexbase : L7582HEK). Ces nouvelles dispositions n'étaient, toutefois, pas applicables, tant qu'un décret, pris en Conseil d'Etat, n'en avait pas précisé les conditions d'application (C. urb., art. L. 214-3 N° Lexbase : L5589HBM). Le décret d'application a été publié le 28 décembre 2007, soit plus de deux ans après la création de ce droit. Le nouveau droit de préemption ne semble, toutefois, toujours pas applicable, dans la mesure où le nouvel article R. 214-4 du Code de l'urbanisme subordonne sa mise en oeuvre à l'édiction, par arrêté interministériel, des formes de la déclaration préalable prévue au deuxième alinéa de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5587HBK). Le décret commenté crée, dans la partie réglementaire du Code de l'urbanisme, au titre Ier du livre II, un nouveau chapitre IV intitulé "Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux".

Seront étudiés, dans le cadre du présent commentaire, les effets de l'exercice par une commune du droit de préemption. Les dispositions relatives au champ d'application et aux modalités de mise en oeuvre de ce droit ont été étudiées dans un précédent article (*).

IV - Les effets de l'exercice du droit de préemption

A - La signature d'un acte constatant la cession

En cas d'acquisition du fonds ou bail par le titulaire du droit de préemption, le nouvel article R. 214-9 prévoit que l'acte constatant la cession doit être dressé dans un délai de trois mois suivant la notification de l'accord sur le prix et les conditions indiqués dans la déclaration préalable, ou, de la décision judiciaire devenue définitive, fixant le prix et les conditions de la cession, ou, suivant la date de l'acte ou du jugement d'adjudication.

En l'absence de dispositions contraires, il semblerait que les stipulations du bail relatives à la cession devront, lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec le droit de préemption, être respectées.

Le prix est payé au moment de l'établissement de l'acte constatant la cession, sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 141-12 (N° Lexbase : L3900HB3) et suivants du Code de commerce, relatifs aux mesures de publicité et à l'opposition des créanciers inscrits.

B - L'obligation de rétrocéder

1. L'obligation de rétrocession dans le délai d'un an

Si la commune souhaite exercer son droit de préemption, elle doit, dans le délai d'un an à compter de la prise d'effet de la cession, rétrocéder le fonds artisanal, le fonds de commerce ou le bail commercial (C. urb., art. L. 214-2 N° Lexbase : L5588HBL).

Lorsque la rétrocession porte sur un bail commercial, ce délai d'un an est suspendu à compter de la notification du projet d'acte au bailleur et jusqu'à l'obtention de son accord ou de la décision de justice s'y substituant (voir infra).

Pendant ce délai d'un an, le local ne sera pas exploité.

L'article 58 de la loi du 2 août 2005 avait modifié, par ajout d'une nouvelle phrase, l'article L. 145-2, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L3989HBD). Dans leur rédaction initiale, ces dispositions prévoyaient seulement l'exclusion de l'application du statut des baux commerciaux aux autorisations d'occupation précaire accordées par l'administration sur un immeuble acquis par elle, à la suite d'une déclaration d'utilité publique. Désormais, aux termes de cet ajout, ces dispositions seront également inapplicables aux fonds artisanaux, aux fonds de commerce ou aux baux commerciaux, préemptés par une commune, pendant la durée d'un an avant l'expiration de laquelle la rétrocession devra intervenir. Cette suspension de l'application du statut pendant cette période soulève de nombreuses interrogations (sur ce point, voir J.-P. Blatter, Interrogations autour du nouveau droit de préemption des communes, AJDI, 2005, p. 705).

Aux termes du nouvel article R. 214-16 du Code de l'urbanisme, si la rétrocession n'est pas intervenue à l'expiration du délai d'un an à compter de la prise d'effet de l'acquisition par le titulaire du droit de préemption, l'acquéreur évincé, dans le cas où son identité a été mentionnée dans la déclaration préalable prévue à l'article R. 214-4, bénéficie d'un droit de priorité d'acquisition. Ce droit de priorité semble, toutefois, illusoire, puisqu'il est probable qu'un an après la cession envisagée, le fonds aura disparu et, qu'en tout état de cause, l'acquéreur ne sera plus intéressé (voir A. Jacquin, Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux, projet de décret (3ème version), Gaz. Pal., mercredi 25, jeudi 26 juillet 2007, p. 4).

Rien n'est prévu quant au sort du bail commercial au-delà du délai d'un an, si aucune rétrocession n'intervient. Dans la mesure où les dispositions du statut des baux commerciaux s'appliqueront à l'expiration de ce délai, le bailleur devrait pouvoir demander la résiliation du bail (en ce sens, voir D. Dutrieux, Les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux désormais soumises au droit de préemption, JCP éd. N, 2005, p. 1377), par exemple, pour défaut d'exploitation des lieux loués. Compte tenu de l'esprit de la loi, il semble évident qu'une telle demande ne pourrait prospérer, tant que le délai dans lequel la commune doit rétrocéder n'est pas expiré.

2. L'obligation de rétrocession, en vue du maintien de la diversité de l'activité commerciale et artisanale

Aux termes de l'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme, la rétrocession doit s'effectuer en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné.

La notion d'"exploitation destinée à préserver la diversité de l'activité commerciale et artisanale" est large et ne devrait pas concerner, seulement, les commerces de bouche, souvent cités à l'occasion des travaux parlementaires.

Un risque de contentieux existe sur le choix de la commune, qui pourrait porter sur la question de savoir si le nouveau commerce élu permet, ou non, de préserver la diversité de l'activité commerciale et artisanale.

3. L'immatriculation du bénéficiaire de la rétrocession

L'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme impose que la rétrocession du fonds artisanal, fonds de commerce ou bail commercial, soit effectuée au profit d'une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Pour être précis, la rétrocession n'aura pas lieu au profit d'une "entreprise" mais d'une personne physique ou morale.

L'alinéa 2 du nouvel article R. 214-12 du Code de l'urbanisme précise, d'ailleurs, que les personnes candidates à la rétrocession devront justifier de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

Ce texte prévoit, également, que, lorsque les candidats seront établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ils pourront justifier d'un titre équivalent, leur conférant ou leur reconnaissant la qualité de commerçant ou d'artisan.

C - La publicité préalable à la rétrocession

Le nouvel article R. 214-12, alinéa 1, du Code de l'urbanisme prévoit qu'avant toute décision de rétrocession, le maire doit publier, par voie d'affichage en mairie, pendant une durée de quinze jours, un avis de rétrocession.

Cet avis comportera un appel à candidatures, la description du fonds ou du bail, le prix proposé et mentionnera que le cahier des charges peut être consulté en mairie.

Lorsque la rétrocession portera sur un bail commercial, l'avis devra, également, préciser que la rétrocession sera subordonnée à l'accord préalable du bailleur (voir infra).

L'avis indiquera, enfin, le délai dans lequel les candidatures devront être présentées.

D - L'accord ou l'opposition du bailleur en cas de rétrocession d'un bail commercial

En cas de rétrocession d'un bail commercial, l'accord préalable du bailleur est exigé, à peine de nullité, et doit figurer dans l'acte de rétrocession (C. urb., art. L. 214-2, précité).

Le nouvel article R. 214-13 du Code de l'urbanisme met en oeuvre ces dispositions.

Il prévoit qu'en cas de rétrocession d'un bail commercial, le maire devra recueillir l'accord préalable du bailleur sur le projet d'acte, accompagné du cahier des charges qu'il lui aura transmis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Si le bailleur entend s'opposer au projet de rétrocession, il devra saisir, "en la forme du référé", le président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble dont dépendent les lieux loués, pour faire valider son opposition à la rétrocession.

Le bailleur devra, alors, notifier à la commune, dans le délai de deux mois suivant la réception du projet d'acte, la saisine motivée de la juridiction. A défaut, il sera réputé avoir donné son accord à la rétrocession.

Le texte est muet sur les raisons qui pourraient légalement conduire le bailleur à refuser la cession et il appartiendra à la jurisprudence de le préciser.

La question se pose toujours, à cet égard et, notamment, de savoir si la rétrocession peut avoir lieu au profit d'une nouvelle activité donc, éventuellement, en contrariété avec la destination contractuelle. Un auteur le pense et a relevé les questions que suscitera, le cas échéant, ce nouveau droit de déspécialisation légale (voir J.-P. Blatter, Interrogations autour du nouveau droit de préemption des communes, précité).

Le délai d'un an, imparti à la commune pour procéder à la rétrocession, sera suspendu à compter de la notification du projet d'acte au bailleur jusqu'au recueil de son accord ou, à défaut d'accord, pendant la durée de la procédure, jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle définitive.

La cession ne pourra intervenir avant le terme de cette procédure, sauf accord exprès du bailleur.

E - La décision de rétrocéder

Aux termes du nouvel article R. 214-14 du Code de l'urbanisme, la rétrocession devra être autorisée par délibération du conseil municipal, qui devra indiquer les conditions de la rétrocession et les raisons du choix du cessionnaire.

F - Les mesures de publicité de la rétrocession

Dans le mois suivant la signature de l'acte de rétrocession, le maire devra procéder à l'affichage en mairie, pendant une durée de quinze jours, d'un avis comportant :

  • la désignation sommaire du fonds ou du bail rétrocédé ;
  • le nom et la qualité du cessionnaire ;
  • ainsi que les conditions financières de l'opération (C. urb., art. R. 214-15).

G - L'exécution de l'acte de rétrocession

L'acte de rétrocession d'un fonds de commerce devra être effectué dans le respect des dispositions du Code de commerce relatives à la cession du fonds de commerce (C. urb., art. L. 214-2, renvoyant aux dispositions des articles L. 141-1 N° Lexbase : L5666AIP et suivants du Code de commerce).

L'acte de rétrocession devra, également, prévoir les conditions dans lesquelles il peut être résilié, en cas d'inexécution par le cessionnaire du cahier des charges (C. urb., art. L. 214-2).

Le nouvel article R. 214-11 du Code de l'urbanisme impose l'approbation du cahier des charges, par délibération du conseil municipal, et prévoit que ce cahier comportera les clauses permettant d'assurer le respect des objectifs de diversité de l'activité commerciale ou artisanale.


(*) La première partie de ce commentaire a été publiée dans Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8659BD3).

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