La lettre juridique n°278 du 25 octobre 2007 : Pénal

[Textes] Présentation de la loi relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

Réf. : Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (N° Lexbase : L1390HY7)

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par Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la Faculté de droit de Douai - Université d'Artois

le 07 Octobre 2010

Depuis quelques années, le législateur n'en finit plus de compléter le dispositif de lutte contre la récidive. Ce ne sont pas moins de trois lois qui ont ainsi été adoptées en moins de deux ans, entre la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (loi n° 2005-1549 N° Lexbase : L4971HDH), la loi du 5 mars 2007, sur la prévention de la délinquance (loi n° 2005-297 N° Lexbase : L6035HU3), et, enfin, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Les législations successives se sont attachées tout à la fois à étendre le domaine de la récidive légale, à durcir les sanctions applicables aux récidivistes (suppression de la nécessité de motiver le prononcé d'un emprisonnement ferme si le délinquant est récidiviste, limitation du nombre de sursis avec mise à l'oeuvre susceptibles d'être prononcés), et, enfin, à mettre en place des sanctions post-carcérales à caractère préventif (extension du suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, placement sous surveillance électronique mobile). La loi du 10 août 2007 parachève le dispositif répressif existant en instaurant des peines privatives de liberté minimales pour les délinquants récidivistes, qu'ils soient majeurs ou mineurs. Elle tend, par ailleurs, à favoriser, autant que possible, le traitement médical des délinquants récidivistes en systématisant l'injonction thérapeutique, jusqu'alors facultative. I - La lutte contre la récidive par l'instauration de peines minimales à l'encontre des récidivistes

L'instauration de peines minimales pour les auteurs de crimes ou de délits commis en état de récidive légale constitue indéniablement l'une des dispositions les plus marquantes de la loi du 10 août 2007.

Les peines minimales ne sont pas, à proprement parler, une nouveauté en droit pénal français. Dans le Code pénal de 1810, les peines étaient enfermées dans une fourchette légale et le juge ne pouvait descendre en dessous du minimum encouru qu'en se fondant sur des circonstances atténuantes. Mais il faut bien reconnaître que les minima avaient fini, au fil du temps, par conserver une valeur essentiellement symbolique, d'où la décision prise, dans le nouveau Code pénal, de les supprimer et de reconnaître au juge un très large pouvoir d'individualisation dans le prononcé de la peine.

En instituant des seuils minimaux pour les récidivistes, la loi du 10 août 2007 marque, à première vue, un tournant en la matière puisque le juge perd, a priori, tout pouvoir d'individualisation du fait des nouvelles dispositions. La réalité apparaît beaucoup plus nuancée. En définitive, le juge conserve une marge d'appréciation non négligeable, dans un système qui apparaît complexe.

A - Le mécanisme des peines planchers

Les peines minimales instituées par la loi du 10 août 2007 varient en fonction de la gravité de l'infraction et correspondent approximativement au tiers de la peine normalement encourue hors récidive.

- C'est ainsi que, s'agissant des crimes commis en état de récidive légale, l'article 132-18-1 du Code pénal prévoit, désormais, que lorsque ceux-ci sont punis de quinze ans, vingt ans, trente ans de réclusion ou de détention criminelle, ou de la réclusion à perpétuité, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne pourra être respectivement inférieure à cinq ans, sept ans, dix ans, ou quinze ans.

- S'agissant des délits commis en état de récidive légale, l'article 132-19-1 du Code pénal prévoit, dans le même esprit, que pour les délits punis de trois, cinq, sept ou dix ans d'emprisonnement, la peine d'emprisonnement prononcée ne pourra être respectivement inférieure à un, deux, trois ou quatre ans.

Les seuils prévus n'apparaissent pas excessifs au regard du maximum légal normalement encouru par le délinquant en situation de récidive. On notera, à cet égard, que le seuil est fixé en référence au maximum normalement encouru pour l'infraction, hors situation de récidive.

L'effet de ces peines minimales sera sans doute limité en matière criminelle où il apparaît que le quantum moyen prononcé en cas de récidive était, d'ores et déjà, largement supérieur aux peines planchers posées à l'article 132-18-1 (Rapport  G. Geoffroy, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, Assemblée Nationale, n° 65, 11 juillet 2007, p. 20). C'est surtout en matière délictuelle que les planchers ainsi institués risquent d'avoir une incidence non négligeable. Jusqu'à présent le quantum moyen des peines d'emprisonnement prononcées restait très en-deçà du maximum de la peine applicable au primo délinquant. Pour les délits passibles de dix ans d'emprisonnement hors récidive (vingt ans de réclusion en récidive), la peine prononcée, en moyenne, à l'égard des délinquants récidivistes était de 1,6 an. En vertu du nouveau dispositif, elle ne pourra plus être inférieure à quatre ans. Pour les délits passibles de sept ans d'emprisonnement (quatorze ans de réclusion en état de récidive), elle s'établissait en moyenne à un an ; elle ne pourra plus être inférieure à trois ans. Pour les délits passibles de cinq ans d'emprisonnement (dix ans en récidive), la moyenne était de 8,5 mois ; la peine plancher est fixée à deux ans. Enfin pour les délits passibles de trois ans (six ans en récidive), elle n'était que de 5,7 mois pour une peine plancher désormais fixée à un an.

Il apparaît ainsi nettement que le législateur entend faire de l'emprisonnement la peine de principe pour les récidivistes. Et il fait en sorte que le délinquant en soit informé afin de donner au dispositif toute sa force de dissuasion. A cette fin, la loi prévoit, à l'article 132-20-1 du Code pénal, que "le président de la juridiction avertit, lors du prononcé de la peine, le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale". Le nouveau dispositif est conçu comme "un signal fort et dissuasif donné aux personnes déjà condamnées qui savent désormais clairement les sanctions qu'elles encourent en cas de récidive" (Actualité du ministère de la Justice, 17 août 2007). Il semble, néanmoins, peu réaliste de se fonder sur cet effet dissuasif pour pronostiquer la capacité du système carcéral, que tout à chacun s'accorde à reconnaître en surchauffe, à absorber un nouveau flot de détenus, d'ores et déjà estimé à 10 000 (cf. Rapport Geoffroy, préc. p.23).

Par ailleurs, la philosophie sous tendue par l'instauration de tels seuils nous apparaît assez peu conciliable avec les directives adressées parallèlement aux juridictions de jugement et aux juges d'application des peines, les invitant à favoriser autant que possible les aménagements individualisés de peine et les alternatives à l'emprisonnement (cf. les circulaires du 27 avril 2006 N° Lexbase : L7535HYQ et du 27 juin 2007 relatives aux aménagements de peines et aux alternatives à l'incarcération). N'est-il pas quelque peu contradictoire de placer ainsi le magistrat au centre du dispositif d'individualisation de la peine et de lui imposer, dans le même temps, des peines planchers, fusse seulement pour une certaine catégorie de délinquants... La loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, n'avait-elle pas adoptée précisément la démarche exactement inverse en insérant un dernier alinéa à l'article 132-24 du Code pénal (N° Lexbase : L8717HWR) selon lequel "en matière correctionnelle lorsque l'infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération, la juridiction motive spécialement le choix de la nature, du quantum et du régime de la peine qu'elle prononce au regard des peines encourues" ; texte supprimé par loi du 10 août 2007 par souci de cohérence avec les dispositions instituant les peines planchers. Une telle volte face à quelques mois d'intervalle laisse quelque peu songeur !

B - Des peines planchers attachées à la circonstance aggravante de récidive

Les dispositions nouvelles ne concernent que les auteurs, coauteurs ou complices d'infractions commises en état de récidive légale. Ce qui suppose que certaines conditions de délai, et en matière correctionnelle, de spécialité entre les deux termes de la récidive soient réunies. Certes, cette dernière condition apparaît aujourd'hui beaucoup plus souple depuis que la loi du 12 décembre 2005 a élargi la liste des délits susceptibles d'être assimilés au titre de la récidive correctionnelle (C. pén., art. 132-16-3 et s. N° Lexbase : L3754HG7). La nouveauté essentielle ayant consisté à fonder l'assimilation non plus seulement sur la proximité des éléments constitutifs des infractions mais sur la circonstance aggravante de violence donnant ainsi une portée tout à fait considérable à la récidive en matière correctionnelle (J.-H. Robert, Les murailles de silicium. Commentaire de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, Droit pénal, février 2006, p. 4). Il n'en demeure pas moins que les seuils minimaux ainsi institués ne s'appliqueront pas à tous les délinquants déjà condamnés une première fois par la justice. En particulier, les peines planchers ne s'appliqueront pas aux hypothèses dans lesquelles la personne poursuivie est en situation de simple réitération d'infraction, c'est-à-dire, lorsque déjà condamnée définitivement pour une infraction, elle commet une nouvelle infraction non susceptible de constituer le second terme de la récidive légale parce que la condition de spécialité et/ou de délai n'est pas présente (C. pén., art.132-16-7 N° Lexbase : L3755HG8). Dans un tel cas de figure, le juge conserve l'entièreté de son pouvoir d'individualisation. Le principe posé dans le Code pénal est que les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente (à la différence du cumul d'infractions). Ce qui est de nature, en pratique, à aggraver également de manière non négligeable la situation de la personne condamnée, mais a priori sans réelle comparaison, avec le couperet que représentent les seuils nouvellement institués en matière de récidive.

C - Des peines planchers subordonnées au relevé de la circonstance aggravante de récidive légale

Des études statistiques menées afin de quantifier le phénomène criminel de la récidive, il est ressorti le constat que le taux de récidive légale était particulièrement bas (2,6 % pour les crimes ; 6,6 % pour les délits) et sans commune mesure avec le taux de recondamnation (situé autour de 31 %) ou même avec le taux de réitération à l'identique (autour de 14,5 %) (Rapport G. Geoffroy, préc. p.10 et s.). Ces chiffres trouvent une explication dans le fait que, jusqu'à une période récente, la circonstance aggravante de récidive légale était assez peu relevée dans l'acte de poursuites et par la juridiction de jugement. Ceci procédant soit d'une volonté délibérée (compte tenu de la complexité des conditions à remplir et du fait que la peine encourue sans récidive apparaissait assez élevée pour les circonstances de l'espèce), soit d'une impossibilité (l'information pouvant ne pas figurer au casier judiciaire en raison du délai de transmission de la condamnation précédente), soit enfin, la décision de ne pas relever l'état de récidive légale du prévenu était prise afin de préserver la compétence du juge unique. L'article 398 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3810AZ7) excluait, en effet, la compétence de ce dernier lorsque, du fait de la récidive légale, la peine encourue était supérieure à cinq ans. Depuis, la loi du 12 décembre 2005 a modifié la rédaction de l'article 398 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7790HNT). Le tribunal correctionnel siégeant à juge unique est, désormais, compétent pour juger les délits énumérés à l'article 398-1 (N° Lexbase : L8658HWL) de ce code même si la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans d'emprisonnement. Cette loi a, par ailleurs, consacré à l'article 132-16-5 du Code pénal (N° Lexbase : L3751HGZ) la position adoptée depuis plusieurs années par la Cour de cassation selon laquelle "l'état de récidive légale peut être relevé d'office par la juridiction de jugement même lorsqu'il n'est pas mentionné dans l'acte de poursuites, dès lors qu'au cours de l'audience, la personne en a été informée et qu'elle a été mise en mesure d'être assistée d'un avocat et de faire des observations".

Au vu de ces différentes modifications, l'état de récidive légale devrait, dorénavant, faire l'objet d'un relevé plus systématique. D'autant plus qu'une circulaire de la direction des affaires criminelles du 16 juin 2006 (N° Lexbase : L7536HYR) invite, désormais, le ministère public à relever systématiquement l'état de récidive légale dans son acte de poursuites ou à prendre des réquisitions à l'audience afin qu'il soit relevé d'office par la juridiction de jugement. Bien évidemment, il ne s'agit pas à proprement parler d'une obligation mais d'une simple orientation de politique pénale ; les magistrats du ministère public conservent par conséquent toujours une marge d'appréciation certaine dans le cadre du pouvoir d'opportunité qu'ils détiennent (C. proc. pén., art. 40 N° Lexbase : L5531DYI) et qui peut aussi les conduire, de la même manière, à ne pas relever d'autres circonstances aggravantes. Tout ceci devrait, néanmoins, contribuer à un relevé quasi systématique de la circonstance aggravante de récidive légale, dont on notera qu'il est le gage de l'application effective des dispositions instituées par la loi du 10 août 2007.

D - Des seuils minimaux auxquels la juridiction pourra toujours déroger

Les peines planchers instituées par la loi du 10 août 2007 ne possèdent aucun caractère automatique puisque les magistrats conservent une certaine latitude pour y déroger. C'est d'ailleurs en se fondant sur ce point que le Conseil constitutionnel a pu considérer que les dispositions de la loi n'étaient pas contraires au principe de la nécessité des peines et de l'individualisation de la peine (Cons. const., décision n° 2007-554 DC, du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs N° Lexbase : A6394DX4). La loi opère une distinction entre la situation de première et de nouvelle récidive légale.

  • Première récidive légale :

Le principe est que la juridiction, qui déclare la culpabilité d'un individu en situation de récidive légale, prononce la peine minimale d'emprisonnement ou de réclusion prévue au regard des nouveaux seuils institués. Les textes (C. pén., art. 132-18-1, al. 2, pour les crimes et art.132-19-1, al. 2, pour les délits) prévoient que la juridiction peut décider, néanmoins, de prononcer une peine inférieure à ces seuils "en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci". Contrairement à ce qui a pu parfois être écrit, les peines planchers ne présentent par conséquent aucun réel caractère automatique puisque la juridiction (par décision motivée, s'agissant du tribunal correctionnel) pourra toujours décider de déroger au principe sus-énoncé pour prononcer finalement une peine privative de liberté d'une durée inférieure à la peine minimale fixée. Et si c'est un délit, la juridiction conserve même la faculté de prononcer une peine autre que l'emprisonnement (amende, peine alternative, travail d'intérêt général... : C. pén., art.132-19-1, al. 2).

  • Nouvelle récidive légale :

En cas de nouvelle récidive légale, c'est-à-dire face à un multi récidiviste, un régime plus strict s'applique. On parle de nouvelle récidive légale lorsqu'une personne commet une troisième infraction qui constitue le deuxième terme d'une récidive dont le premier terme est aussi le second terme d'une première récidive.

Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, l'article 132-18-1, dernier alinéa, du Code pénal prévoit que "la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure aux seuils prévus que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion".

En ce qui concerne les délits, l'article 132-19-1, alinéa 4, du Code pénal prévoit, de la même manière, que la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils prévus, par décision spécialement motivée, si le prévenu présente "des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion". Si l'infraction commise en état de nouvelle récidive légale est le délit de violences volontaires, le délit commis avec la circonstance aggravante de violences, le délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles, ou encore un délit punis de dix ans d'emprisonnement, la juridiction conserve la possibilité de prononcer, par décision spécialement motivée, une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure au seuil minimal prévu si le prévenu présente "des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion" mais sans pouvoir prononcer, toutefois, une peine autre que l'emprisonnement.

Reste à s'interroger, en pratique, sur la manière dont les magistrats pourront effectivement apprécier la situation de l'intéressé sous peine de rendre purement virtuelle dans les faits la faculté ouverte aux magistrats de déroger aux peines planchers. Certes, en vertu de l'article 41 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8615HWY), le procureur de la République a la possibilité de requérir les services compétents afin de "vérifier la situation matérielle, familiale et sociale" de toute personne faisant l'objet d'une enquête. La loi "Perben II" du 9 mars 2004 a, par ailleurs, rendu ces diligences obligatoires  dans un certain nombre de cas (loi n° 2004-204, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité N° Lexbase : L1768DP8). Le Sénat souhaitait rendre de telles enquêtes systématiques. Il avait proposé, à cette fin, d'ajouter une disposition en vertu de laquelle le ministère public ne pouvait prendre aucune réquisition tendant à retenir la circonstance aggravante de récidive sans avoir préalablement requis la réalisation d'une enquête de personnalité propre à éclairer la juridiction de jugement sur la personnalité de l'intéressé et ses garanties d'insertion ou de réinsertion.

Cette disposition n'a finalement pas été intégrée dans la loi. Les raisons avancées étaient qu'elle aurait abouti à la situation contestable de mieux traiter les récidivistes que les primo délinquants, qui pour des raisons financières et pratiques, n'en bénéficient pas systématiquement. Par ailleurs, il a été, également, avancé que cette disposition aurait été difficilement conciliable avec la possibilité, introduite par la loi du 12 décembre 2005 (C. pén., art. 132-16-5 N° Lexbase : L3751HGZ), pour la juridiction de jugement de relevé d'office l'état de récidive légale.

Il n'en demeure pas moins que le juge conserve toute latitude pour ordonner le renvoi de l'affaire, dès lors qu'il ne s'estimera pas suffisamment informé, afin de demander une enquête de personnalité qui lui permettra de se prononcer sur "les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion".

E - Des peines planchers applicables aux majeurs comme aux mineurs

L'article 5 de la loi du 10 août 2007 complète l'article 20-2, alinéa 1er, de l'ordonnance du 2 février 1945 (N° Lexbase : L4662AGR) par une phrase selon laquelle "la diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du Code pénal". Il résulte de ce nouvel énoncé l'application aux mineurs récidivistes des peines minimales d'emprisonnement mais avec le principe d'une diminution de moitié du quantum applicable aux majeurs pour tenir compte de l'excuse atténuante de minorité. Le principe de l'atténuation de responsabilité pour les mineurs est donc maintenu, fort logiquement d'ailleurs, étant donné la valeur constitutionnelle de celui-ci (cf. décision du Cons. const., du 9 août 2007, préc.). L'article 20-2 a pris soin de préciser, par ailleurs, que les mesures ou sanctions éducatives prononcées contre un mineur ne peuvent constituer le premier terme de l'état de récidive.

Toutefois, la loi du 10 août 2007 poursuit l'évolution entreprise avec la loi du 5 mars 2007 en élargissant encore un peu plus les possibilités d'écarter l'atténuation de peine s'agissant des mineurs de 16 ans.

Jusqu'à une période récente, l'article 20-2, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoyait, encore, que le principe de l'atténuation de peine pouvait être renversé mais seulement "à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur", et par une "disposition spécialement motivée" du tribunal pour enfants. Mais la loi du 5 mars 2007 a, non seulement, supprimé le caractère exceptionnel de cette dérogation, mais l'a étendue aux "faits constituant une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et commis en état de récidive légale", la motivation spéciale de la décision n'étant plus au surplus exigée en cas de récidive. Depuis cette modification, il suffit au tribunal pour enfants de constater que les faits sont constitutifs d'une atteinte à la personne et que le mineur de plus de 16 ans est en état de récidive pour pouvoir écarter l'excuse de minorité sans avoir à en justifier autrement que par cette référence.

La loi du 10 août dernier va encore plus loin. Ici encore, une distinction est opérée entre la situation de première et de nouvelle récidive :

  • En cas de première récidive, l'atténuation de peine reste le principe, mais elle peut être exclue par la cour d'assises des mineurs et le tribunal pour enfants lorsque les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient et, en outre, en cas de récidive : de crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne ; de délit de violences volontaires, d'agressions sexuelles ou commis avec la circonstance aggravante de violences.
  • En cas de seconde récidive, le principe devient le rejet de l'excuse atténuante du moins pour les crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne commis en récidive et pour les délits de violences volontaires, d'agressions sexuelles ou commis avec la circonstance aggravante de violences, eux-mêmes commis en récidive. Ces mineurs seront, en principe, traités à l'avenir comme les majeurs.

La loi prévoit, néanmoins, par exception, que même dans le cas de seconde récidive, "la cour d'assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants". En matière correctionnelle, le retour à l'atténuation de peine suppose une décision spécialement motivée. En matière criminelle, la technique est différente puisqu'il n'y a pas de motivation. L'article 362, alinéa 1er, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3761AZC) oblige le président des assises à donner lecture aux jurés des articles 132-18 (N° Lexbase : L3758HGB, sur les peines minimales de deux ou un an selon que la peine encourue est perpétuelle ou temporaire) et 132-24 du Code pénal (N° Lexbase : L8717HWR, sur les modes de personnalisation des peines). A cette obligation, la loi du 10 août 2007 ajoute pour le président celle de donner lecture des articles 132-18-1 et 132-19-1 du Code pénal sur les nouveaux planchers.

II - La lutte contre la récidive par le traitement médical des récidivistes

L'autre volet de la loi du 10 août 2007 consiste à rendre systématique l'injonction de soins (prévue par les articles L. 3711-1 N° Lexbase : L3206DLC et s. du Code de la santé publique) pour les auteurs des infractions pour lesquels le suivi socio-judiciaire est encouru chaque fois qu'une expertise médicale aura conclu qu'un traitement est possible et sauf décision contraire du juge.

A - La systématisation de l'injonction de soins intervient tant au stade du jugement que de l'application de la peine

  • Au stade du jugement

La loi prévoit que, sauf décision contraire de la juridiction, la mesure de suivi socio-judiciaire sera systématiquement assortie d'une injonction de soins, dès lors qu'il est établi au moment de la condamnation, par expertise médicale, que la personne condamnée est susceptible de faire l'objet d'un traitement (C. pén., art. 131-36-3). Ce qui signifie que, dorénavant, et sauf exception, un suivi socio-judiciaire comprendra obligatoirement une injonction thérapeutique. Dans la version antérieure, l'injonction thérapeutique pouvait déjà être prévue dans le cadre d'un tel suivi, mais elle n'était que facultative.

De la même manière, la loi prévoit que la personne condamnée à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve est soumise à une injonction de soins (C. pén., art. 132-45-1). L'article 132-45-1, alinéa 3, précise, dans ce cas, que, lorsque la juridiction de jugement prononce une peine privative de liberté qui n'est que partiellement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, le président doit informer le condamné qu'il aura la possibilité de commencer le traitement pendant l'exécution de la peine.

L'application dans le temps de ces dispositions a été reportée au 1er mars 2008 afin de permettre le renforcement du nombre de médecins coordonnateurs nécessaires.

  • Au stade de l'application des peines

La loi tend à généraliser l'injonction thérapeutique au stade de l'application de la peine, afin d'éviter que des délinquants ne puissent échapper à l'injonction thérapeutique sous prétexte qu'ils auraient été condamnés avant l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles. L'injonction thérapeutique est ainsi rendue systématique dans le cadre du suivi socio-judiciaire, de la surveillance judiciaire et enfin de la libération conditionnelle.

Suivi socio-judiciaire : si la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire n'a pas été soumise à une injonction de soins, le juge de l'application des peines ordonne en vue de sa libération une expertise médicale afin de déterminer si elle est susceptible de faire l'objet d'un traitement. S'il est établi, à la suite de cette expertise, la possibilité d'un traitement, la personne condamnée est soumise à une injonction de soins, sauf décision contraire du juge d'application des peines (C. proc. pén., art. 763-3).

Surveillance judiciaire : sur le même modèle, la loi prévoit que, "sauf décision contraire du juge de l'application des peines, le condamné placé sous surveillance judiciaire est soumis à une injonction de soins lorsqu'il est établi, après expertise médicale, qu'il est susceptible de faire l'objet d'un traitement" (C. proc. pén., art. 723-30). Cette extension apparaît logique puisqu'il s'agit d'une mesure de sûreté assez proche du suivi socio-judiciaire, applicable aux personnes dangereuses, présentant un risque avéré de récidive, et condamnées à une peine privative de liberté égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru (C. proc. pén., art. 723-29 et s. N° Lexbase : L9713HEH).

Libération conditionnelle : l'article 731-1 du Code de procédure pénale prévoit toujours, dans des termes assez proches, que la personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations prévues pour le suivi socio-judiciaire si elle a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel cette mesure est encourue. Sauf décision contraire du juge d'application des peines ou du tribunal de l'application des peines, cette personne est soumise à une injonction de soins s'il est établi, après expertise, qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un traitement.

B - Extension du domaine des infractions susceptibles de faire l'objet d'un suivi socio-judiciaire

Cette systématisation de l'injonction thérapeutique intervient alors que le domaine des infractions pour lesquelles les auteurs d'infractions sont susceptibles de faire l'objet d'un suivi socio-judiciaire a été fortement étendu.

A l'origine, le suivi socio-judiciaire, institué par la loi du 17 juin 1998 (loi n° 98-468, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs N° Lexbase : L8570AIA), concernait exclusivement les auteurs d'infractions à caractère sexuel : meurtre ou assassinat d'un mineur, précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (C. pén., art. 221-9-1 N° Lexbase : L2377AMY) ; viol, agression sexuelle ou exhibition sexuelle (C. pén., art. 222-23 et s. N° Lexbase : L2379AM3 et 222-48-1 N° Lexbase : L2383AM9), ou encore les infractions réprimées aux articles 227-2 (N° Lexbase : L1836AMX) à 227-22 et 227-31 du Code pénal (N° Lexbase : L2400AMT), parmi lesquelles les faits de corruption de mineur, de diffusion d'image pornographique de mineur ou encore d'atteinte sexuelle.

Mais la loi du 12 décembre 2005 a notablement élargi le champ d'application du suivi socio-judiciaire en permettant son prononcé en dehors de la délinquance sexuelle proprement dite, à l'encontre des personnes physiques reconnues coupables du crime d'atteinte volontaire à la vie des personnes (C. pén., art. 221-9-1 N° Lexbase : L3745HGS), crimes d'enlèvement et de séquestration (C. pén., art. 224-10 N° Lexbase : L3747HGU), des auteurs de tortures ou d'actes de barbarie (C. pén., art. 222-48-1 N° Lexbase : L3741HGN) et aussi en cas de destruction, dégradation, détérioration d'un bien appartenant à autrui par substance explosive ou tout moyen de nature à créer un danger pour les personnes.

La loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, a ajouté à cette liste les violences commises au sein d'un couple (C. pén., art. 222-48-1 N° Lexbase : L8739HWL).

Par suite, l'injonction thérapeutique est de nature à concerner un très grand nombre de délinquants. On assiste ainsi, depuis quelques années, à l'apparition d'une nouvelle catégorie de délinquants -les personnes condamnées pour une infraction susceptible de faire l'objet d'un suivi socio-judiciaire- relevant, désormais, d'un régime spécifique pour ce qui concerne l'exécution de la peine, dans lequel le traitement médical est une composante essentielle. L'application de ces dispositions séduisantes reste néanmoins largement tributaires de l'affectation de moyens financiers et humains suffisants.

C - Caractère automatique de l'injonction de soins

En vertu des dispositions nouvelles, le juge se voit contraint de solliciter, dans toutes les hypothèses précitées, l'accomplissement d'une expertise médicale afin d'établir l'aptitude de l'intéressé à un traitement médical. Par ailleurs, dans le cas où l'expert conclura positivement en ce sens, il doit soumettre la personne à une injonction de soins. Les textes prévoient, néanmoins, la possibilité pour le magistrat de se prononcer en sens contraire.

Dans un souci de simplification, le régime de l'expertise médicale est unifié. Désormais, celle-ci sera réalisée, par un seul expert, selon les dispositions des articles 131-36-4, alinéa 2, du Code pénal en matière de suivi socio-judiciaire et 132-45-1 du même code en matière de sursis avec mise à l'épreuve. Si bien que disparaît l'exigence d'une expertise réalisée par deux experts, en matière de suivi socio-judiciaire, jusque là nécessaire lorsque les poursuites concernaient un meurtre ou un assassinat de mineur précédé ou accompagné d'actes de torture et de barbarie (C. pén., ancien art. 131-36-4, al. 2 N° Lexbase : L2370AMQ).

D - Caractère obligatoire de l'injonction de soins

Le juge ne fait que proposer les soins au condamné. Et le Code pénal spécifie expressément qu'aucun traitement ne peut être entrepris sans son consentement. Pour autant la liberté de la personne condamnée n'est qu'apparente dans la mesure où son refus sera sanctionné.

Sous l'empire des dispositions anciennes, lorsque l'injonction thérapeutique était décidée dans le cadre du suivi judiciaire, l'article 131-36-4 du Code pénal prévoyait déjà que "le président avertit le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que s'il refuse les soins qui lui sont proposés, l'emprisonnement encouru en cas d'inobservation des obligations imposées dans le cadre du suivi et prononcé dans la décision de condamnation pourra être mis à exécution" (C. pén., art. 131-36-1, al. 3 N° Lexbase : L0409DZ8).

La présente loi adopte des dispositions comparables dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve. L'article 132-45-1, alinéa 2 prévoit, ainsi, que "le président de la juridiction doit avertir le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que s'il refuse les soins qui lui sont proposés, l'emprisonnement prononcé pourra être mis à exécution".

E - Dans le même esprit, la loi incite les personnes condamnées pour l'une des infractions entrant dans le champ de celles pour lesquelles le suivi socio judiciaire est applicable, à suivre un traitement médical en détention

Pour ce faire elle subordonne l'octroi de certaines réductions de peine et de la libération conditionnelle au fait que le condamné ou délinquant ait accepté de suivre un traitement médical pendant son incarcération.

  • Réduction supplémentaire de peine de l'article 721-1 du Code de procédure pénale :

L'article 721 du Code de procédure pénale prévoit que chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée. L'article 721-1 du même code prévoit, quant à lui, une réduction supplémentaire de peine pour les condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale. Il était prévu que ces efforts pouvaient s'analyser dans le fait de suivre une thérapie destinée à limiter les risques de récidive. La loi du 10 août 2007 est venue poser clairement qu'aucune réduction de peine supplémentaire ne pourra être accordée à une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refuse de suivre le traitement médical proposé pendant son incarcération.

  • Libération conditionnelle de l'article 729 du Code de procédure pénale :

Dans le même esprit l'article 729 du Code de procédure pénale subordonne la libération conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à l'acceptation d'un traitement pendant son incarcération et à l'engagement de suivre un traitement après sa libération.

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