La lettre juridique n°278 du 25 octobre 2007 : Éditorial

Lutte contre la récidive : quand la Liberté oblige l'emprisonnement des récidivistes...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


La loi du 10 août 2007, relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, marque-t-elle un regain de la Liberté au sein de notre société ? L'affirmation est volontairement provocatrice, car de prime abord, on ne voit pas très bien comment une loi qui tend à faire de l'emprisonnement la peine de principe pour les récidivistes peut constituer le pendant d'une vivacité de la Liberté en France. Et pourtant...

La loi nouvellement publiée prolonge le processus engagé au cours de la précédente législature, en particulier à travers la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, et la loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance. Et, même si elle se veut respectueuse de l'individualisation de la peine qui constitue un principe fondamental de notre justice, la loi du 10 août 2007 instaure, bel et bien, des peines privatives de liberté minimales pour les délinquants récidivistes, qu'ils soient majeurs ou mineurs. Cependant, note-t-on, les juridictions peuvent prononcer des peines inférieures aux peines minimales, modulées selon qu'il s'agit de la première récidive ou d'une nouvelle récidive : c'est la combinazione trouvée par la loi pour, à la fois, affirmer la politique gouvernementale, et respecter l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Par ailleurs, la loi permet l'extension des dérogations à l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de 16 ans. Enfin, elle tend à favoriser autant que faire se peut le traitement médical des délinquants récidivistes en systématisant l'injonction thérapeutique, jusqu'alors facultative. Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la Faculté de droit de Douai - Université d'Artois, vous propose ainsi, cette semaine, de dresser un panorama et une première analyse des différentes dispositions contenues dans ce texte.

Selon le rapport d'informations relatif au projet loi, les condamnations prononcées au cours de l'année 2005, pour lesquelles un état de récidive était retenu, font apparaître un taux moyen de récidive de 2,6 % pour les crimes et de 6,6 % pour les délits. Mais, ce taux, qui apparaît relativement stable, recouvre des situations assez différentes selon les infractions. Ainsi, en matière délictuelle, le taux de récidive s'établit à 8 % pour les vols-recels et à 13,6 % pour la conduite en état alcoolique. Ces deux contentieux représentent à eux seuls 73 % des récidivistes. "Les lois de la République sont porteuses de valeurs, de nos valeurs. Leur violation doit entraîner des réponses fermes et hiérarchisées" précisait le garde des Sceaux, ministre de la Justice, lors de son audition auprès du Parlement. Et si, au-delà des statistiques et d'une répression plus affirmée de la récidive visant à exercer un effet dissuasif sur les délinquants d'habitude, il s'agissait, par effet de réciprocité, de rappeler que le pendant de la peine privative de liberté est l'existence de la Liberté, elle-même ?

Souvenons-nous que, sous l'influence de la philosophie des Lumières, notamment celle de Beccaria, avec l'ouverture de la société aux libertés fondamentales, c'est-à-dire à la Révolution française, est consacré le principe de fixité des peines interdisant toute possibilité de personnalisation et d'adaptation de la sanction par les magistrats ou les jurés, et faisant de la peine d'emprisonnement la peine par excellence. La prise en considération des caractéristiques personnelles des individus, dans le prononcé de la peine, n'intervient qu'avec le code de 1810, en plein régime impérial... Et c'est en 1832, sous le règne du "libéral" Louis-Philippe, que les circonstances atténuantes permettent d'abaisser le niveau des sanctions pénales... La fixité d'une peine d'emprisonnement est-elle, alors, la marque des régimes de Liberté ?

Finalement, c'est avec la naissance, à la fin du XIXème siècle, de la criminologie illustrée par Lombroso, puis de l'école dite du milieu social développée par Lacassagne, que l'accent est moins mis sur le crime que sur la personnalité du criminel. Et, n'est-ce pas à cette personnalité récalcitrante à la Règle sociale que la loi d'août 2007 s'adresse ? Agit en situation de récidive la personne qui, déjà condamnée définitivement pour une infraction, en commet une nouvelle dans les conditions (type d'infraction et délai) fixées par la loi. Au-delà de l'infraction elle-même, c'est la personnalité récidiviste qui est visée par la loi. Alors, de là à dire, avec un peu de provocation tout de même, que, dans une société de Liberté, le renforcement de la condamnation de la récidive s'inscrit pleinement dans le principe de personnalisation et d'individualisation des peines...

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