La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Social général

[Evénement] Droit du travail et nouvelles technologies

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N5659AKS

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par Compte-rendu réalisé par Laure Teyssendier, SGR - Droit social

le 07 Octobre 2010

Droit du travail et nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), alors que nombreuses questions restent en suspens sur ce thème, Sophie Vuillet-Tavernier, Directrice des affaires juridiques de la Cnil et Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I et à l'Institut d'études politiques de Paris sont intervenus sur ce sujet, le 7 mars dernier, dans le cadre des "mardis de l'ADIJ". Cette conférence, animée par Christine Baudouin, avocat au Barreau de Paris, Associé du cabinet LMT Avocats, spécialiste en droit social, était destinée à faire le point sur l'actualité législative (1) et jurisprudentielle (2) relative au droit du travail et nouvelles technologies.

1. L'actualité législative du droit du travail et les nouvelles technologies

L'intervention de Sophie Vuillet-Tavernier était orientée, principalement, autour de trois axes, trois problématiques au coeur de l'actualité juridique dans le domaine des NTIC.

  • Les correspondants à la protection des données ou correspondants informatique et libertés

C'est la loi du 6 août 2004 (Loi n° 2004-801, 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel N° Lexbase : L0722GTW) modifiant celle du 6 janvier 1978 dite "loi Informatique et Libertés" (Loi n° 78-17, 6 janvier 1978, relative à l'informatique , aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS) qui définit le correspondant à la protection des données (CPD). Selon ce texte, le CPD est la personne "chargée d'assurer, d'une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi". La parution du décret d'application, daté du 20 octobre 2005 (Décret n° 2005-1309, 20 octobre 2005, pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l''informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L0844HDM), permet désormais aux entreprises, associations, collectivités locales, et administrations de désigner, au sein de leur structure, un correspondant à la protection des données. La désignation, facultative, d'un tel correspondant permet non seulement d'alléger certaines formalités déclaratives de traitement, mais aussi d'assurer localement une meilleure application de la loi et de disposer de relations privilégiées avec la Cnil.

- Quelles sont les missions du correspondant ?

Dans un délai de trois mois suivant sa désignation, le correspondant est tenu de dresser une liste précise des traitements automatisés qu'il doit mettre à disposition de toute personne en faisant la demande. Par ailleurs, il est chargé d'assurer de manière indépendante le respect des obligations prévues par la loi. Ainsi, il veille à l'application de la loi "informatique et libertés". Pour cela, il peut conseiller le responsable de traitement, transmettre des informations, faire des recommandations, recevoir des requêtes et réclamations. En cas de difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, le correspondant est habilité à saisir la Cnil.

- Qui peut exercer les fonctions de correspondant ?

Le correspondant ne doit en aucun cas être le responsable de traitement.

Une question s'est, alors, posée, à savoir, le correspondant doit-il obligatoirement être un salarié ou peut-il être une personne extérieure à la structure, un avocat par exemple ? La Cnil qui, selon Sophie Vuillet-Tavernier, reste très souple à ce sujet, recommande, cependant, que le correspondant soit un employé du responsable de traitement. En effet, évoluant à l'intérieur de la structure et connaissant, par conséquent, l'activité et le fonctionnement interne de son entreprise ou administration, il semble plus à même de veiller à l'application réelle des règles de protection des personnes et conditions de mise en oeuvre des traitements. La possibilité de choisir un correspondant extérieur à la structure connaît, cependant, certaines limites, notamment, pour les entités de plus de cinquante personnes chargées de la mise en oeuvre des traitements ou y ayant directement accès. Le correspondant ne peut, alors, être qu'un salarié du groupe de société ou GIE, auquel appartient le responsable de traitement ou une personne mandatée par l'organisme professionnel regroupant des professionnels dans un secteur d'activité auquel appartient le responsable de traitement.

Pour exercer sa mission, le correspondant doit, par ailleurs, être une personne bénéficiant de qualifications requises. Il doit, notamment, connaître la législation relative à la protection des données à caractère personnel, celle sur l'informatique et les nouvelles technologies. Bien qu'aucun diplôme ne soit requis, certaines connaissances en informatique semblent nécessaires, comme par exemple le vocabulaire, les métiers, les systèmes de gestion, d'exploitation de base de données, les logiciels...

Enfin, le correspondant doit pouvoir exercer ses fonctions de manière indépendante. Cette indépendance est assurée par le fait qu'il soit directement rattaché au responsable de traitement, qui a, lui, l'interdiction d'interférer dans l'accomplissement de ses missions. Pour être indépendant, le correspondant doit, aussi, être à l'abri de tout conflit d'intérêt avec d'autres fonctions exercées.

- Comment nommer le correspondant ?

La désignation d'un correspondant doit être notifiée, non seulement aux instances représentatives du personnel par lettre recommandée avec accusé de réception, mais aussi à la Cnil de la même manière. Cette dernière notification s'effectue grâce à un formulaire spécifique disponible sur le site de la Cnil. La désignation du correspondant prend, alors, effet un mois après la date de réception de la notification par la Cnil.

Aujourd'hui, plusieurs correspondants ont été désignés aussi bien dans de grandes entreprises, que dans des administrations publiques, cabinets d'avocat, de recrutement, associations humanitaires, groupe de presse. Bien que l'avenir reste incertain et flou dans le domaine des nouvelles technologies et traitement de données à caractère personnel, la mise en place du correspondant, selon Sophie Vuillet-Tavernier, constitue une innovation majeure dans l'application de la loi qui semble susciter un certain intérêt au sein des entreprises, administrations, associations et autres structures.

  • Les dispositifs biométriques

Une donnée à caractère personnel est une information relative à une personne physique identifiée ou susceptible de l'être, directement ou indirectement par référence à un numéro d'identification, ou bien un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. La biométrie est, à l'évidence, une donnée à caractère personnel qui relève de l'application de la loi "informatique et libertés" du 6 janvier 1978 modifiée par celle du 6 août 2004.

Depuis cette dernière loi de 2004, les dispositifs biométriques sont soumis à une autorisation préalable de la Cnil. Echappent, cependant, à cette autorisation les dispositifs mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, qui, eux, sont uniquement soumis à l'avis préalable de la Cnil.

Pour autoriser les dispositifs biométriques, la Cnil dispose de plusieurs critères d'appréciation. Elle évalue, dans un premier temps, le type de biométrie auquel il est fait usage. En effet, la Cnil distingue le dispositif biométrique sans trace, qui ne contient aucun risque d'utilisation à l'insu de la personne comme par exemple le contrôle d'accès à des locaux, hôpitaux, cantines, de celui avec trace, qui lui a contrario, présente des risques de récupérer une donnée biométrique à l'insu de la personne. C'est le cas, notamment, des empreintes digitales. La Cnil exerce, alors, un contrôle vigilant sur ce dispositif biométrique à trace, en observant son mode de stockage. En effet, face au risque de réutilisation de ces données, la Cnil considère que les caractéristiques biométriques d'une personne doivent être uniquement conservées sur un support individuel (carte à puce, ordinateur...) et non dans une base de données regroupant les caractéristiques anthropométriques de plusieurs personnes (base centrale ou lecteur biométrique). Seul un impératif particulier de sécurité et d'ordre public rendant nécessaire la centralisation des données biométriques pourrait être susceptible de justifier le non-respect de cette recommandation. Enfin, il est important pour la Cnil que les personnes concernées par le dispositif biométrique soient clairement informées de sa mise en oeuvre, de son caractère obligatoire ou facultatif, des destinataires des informations et des modalités d'exercice de leurs droits d'accès et de rectification. Il reste, cependant, très difficile de garantir un consentement réellement libre et éclairé.
Sur ce sujet, lire Gilles Auzero, De l'illicéité d'un système de "badgeage" par empreintes digitales, Lexbase Hebdo n° 167 du 11 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4025AIW)

  • Les dispositifs d'alerte professionnelle ("whistleblowing")

Un dispositif d'alerte professionnelle est un système mis en place par une structure privée ou publique dans l'objectif d'inciter ses employés à signaler des problèmes pouvant sérieusement affecter son activité ou engager gravement sa responsabilité. Il peut, par exemple, prendre la forme d'un numéro de téléphone ou d'une adresse électronique, qui oriente les alertes vers des personnes spécialement formées.

Se pose, alors, la question de leur conformité avec la loi "informatique et libertés".

Trois documents de référence en la matière permettent aujourd'hui de définir les conditions permettant à ces dispositifs d'alerte professionnelle d'être en conformité avec la loi informatique et libertés :

- un document d'orientation du 10 novembre 2005 ;

- une autorisation unique du 8 décembre 2005 ;

- l'avis du groupe des autorités européennes de protection des données personnelles, dit "groupe de l'article 29", adopté le 1er février 2006 sur les dispositifs d'alerte professionnelle.

Les dispositifs d'alerte professionnelle, quel que soit le mode de recueil des données, constituent des traitements de données soumis à la loi informatique. Dès lors que ces traitements sont informatisés, ils doivent être autorisés par la Cnil.

Ce dispositif d'alerte professionnelle doit être facultatif, accessoire et limité au domaine comptable, à celui du contrôle des comptes bancaires et lutte contre la corruption.

Il est nécessaire, par ailleurs, d'informer la personne mise en cause dans ses droits (accès à l'enregistrement de l'alerte et possibilité de rectification) tout en s'assurant de la préservation des preuves nécessaires au traitement de l'alerte.

2. L'actualité jurisprudentielle sur le droit du travail et les nouvelles technologies

Jean-Emmanuel Ray nous présente un panorama des décisions jurisprudentielles ayant marqué ces dernières années en matière de NTIC et, plus précisément, celles concernant les thèmes des NTIC et de l'embauche, du travail à distance, et de la cybersurveillance.

  • NTIC et embauche

- Publication des offres d'emplois sur internet : précisions apportées par la loi de cohésion sociale de 2005
Concernant ce thème, une première question nous vient à l'esprit : les offres d'emploi sur internet sont-elles licites ? La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (Loi n° 2005-32, 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) définit, notamment, les informations obligatoires à faire figurer dans les offres d'emploi et les modalités de leur publication. Elle autorise la publication des offres d'emplois sur internet, dès lors qu'elles sont datées (article 3, modifiant l'article L. 311-4 du Code du travail N° Lexbase : L8899G7Q).

- Preuve de l'existence d'un contrat de travail précisant une période d'essai par courrier électronique : Cass. soc., 5 juillet 2005, n° 03-46.475, Société Algo Tech Informatique c/ M. Lionel Meyel, F-D (N° Lexbase : A8928DII)
Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation se prononce sur la preuve de l'existence d'un contrat de travail précisant la période d'essai. En l'espèce, un employeur, relevant de la convention Syntec, met fin au contrat de travail de son salarié en rompant la période d'essai applicable par défaut, selon lui, en application de la convention collective. Le salarié qui n'a signé aucun document, considère que cette rupture intervient hors période d'essai et saisit alors les juridictions. Seul un courriel antérieur à l'embauche est fourni à titre de preuve. Pour la Cour de cassation, dès lors qu'un salarié avait commencé à travailler sans contrat de travail et qu'un courrier électronique, seul document écrit antérieur à son engagement, ne faisait aucune référence à une période d'essai, et que, de plus, ne lui a pas été remis un exemplaire de la convention collective applicable comportant des indications sur les conditions d'essai,  il n'est pas soumis à une période d'essai, et la rupture qui intervient peu de temps après son embauche s'analyse en un licenciement.

- Information des salariés et usage d'intranet : Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, Compagnie IBM France c/ M. Michel Chatard, FS-P+B+R+I N° (N° Lexbase : A9303DHZ)
L'employeur peut-il se contenter d'informer les salariés employés à temps partiel des emplois à temps plein disponibles par la voie de l'intranet de l'entreprise ? Telle est la question adressée à la Cour de cassation dans cet arrêt. En l'espèce, un salarié à temps partiel "choisi" qui a postulé, au sein de son entreprise, pour un emploi à temps plein estime que son employeur a violé l'obligation posée par l'article L. 212-4-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9588GQ8). Il saisit alors les juridictions. La Chambre sociale de la Cour de cassation admet le recours au réseau intranet de l'entreprise pour informer les salariés de leurs droits, mais considère que cette information ne suffit pas à libérer l'employeur de son obligation légale d'information. En effet "si l'employeur peut porter à la connaissance de ses salariés les emplois disponibles par voie de communication électronique, notamment sur le réseau intranet de l'entreprise, il est tenu, en application de l'article L. 212-4-9 du Code du travail, de procéder à une diffusion spécifique concernant les emplois pouvant correspondre à la catégorie professionnelle, ou à un emploi équivalent, des salariés à temps partiel souhaitant occuper un emploi à temps complet, ou des salariés à temps complet souhaitant un emploi à temps partiel". L'employeur, selon Jean-Emmanuel Ray, ne peut pas demander à son salarié d'aller chercher une information mais est dans l'obligation de la lui transmettre. 
Sur ce sujet, lire Christophe Radé, Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3898AI9).

- Accord collectif signé dans le secteur de la métallurgie concernant l'application de l'article L. 135-7 du Code du travail (N° Lexbase : L4701DZ7) : accord du 25 novembre 2005
L'article L. 135-7 du Code du travail prévoit que dans les entreprises dotées d'un intranet, l'employeur met sur celui-ci à disposition des salariés un exemplaire à jour de la convention ou de l'accord collectif de travail par lequel il est lié. C'est ce que les partenaires sociaux de la métallurgie ont conclu dans cet accord de novembre 2005. Les entreprises du secteur doivent, dorénavant, mettre à la disposition des entreprises, des représentants du personnel, des syndicats et des salariés, un espace sur internet exclusivement dédié aux conventions et accords collectifs, professionnels et interprofessionnels, nationaux et territoriaux. Jean-Emmanuel Ray préconise que, dans un futur proche, les avenants aux accords ou conventions mis en ligne ne pourront être opposables aux salariés s'ils n'ont pas été mis à jour.

  • Travail à distance

Nous sommes aujourd'hui, selon Jean-Emmanuel Ray, "tous des télétravailleurs". "Il existe grâce au télétravail une continuité du service privé". En effet, les NTIC permettant de travailler en tout lieu et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, le travail, sans fin temporelle ni frontière géographique, empiète sérieusement sur la vie personnelle. Heureusement, "remercions la Cour de cassation" qui tente de ne pas tout mélanger en suivant la ligne directrice, insufflée par P. Waquet, de conserver une séparation entre ces deux sphères : vie privée - vie professionnelle. En effet, "le droit à la vie privée, c'est aussi le droit à la déconnexion !"
Sur le télétravail, lire Christophe Radé, Publication de la recommandation du Forum des droits sur l'Internet concernant le télétravail, Lexbase, Hebdo n°147 du 15 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3934ABC)

- Fondement du droit à la déconnexion : Cass. soc., 17 février 2004, n° 01-45.889, M. Jean-Bernard Raze c/ M. Philippe Mazzola, F-D (N° Lexbase : A3167DBW)
L'employeur peut-il sanctionner un salarié qui ne répond pas à ses appels téléphoniques en dehors des heures de travail ? Telle est la question à laquelle la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 17 février 2004. En l'espèce, un salarié engagé comme ambulancier a été licencié pour faute grave, pour avoir refusé d'assurer son service et avoir mis la vie de personnes en danger et l'avenir de l'entreprise en péril, en refusant de répondre aux trois appels téléphoniques que son employeur a passé sur son téléphone portable personnel. La Cour de cassation réfute cette argumentation. En effet, selon la Haute cour "le fait de n'avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave". Il ne s'agit pas, selon Jean-Emmanuel Ray, qui approuve entièrement la décision rendue par la Cour, de juger la gravité de la faute mais de permettre au salarié de se déconnecter.

- Utilisation d'internet à des fins personnel : CA Versailles, 6ème ch., 18 mars 2003, n° 02/00046, Monsieur Denis Gombert c/ SA Société française de radiotéléphonie (N° Lexbase : A2288C9M)
Un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 mars 2003 se prononce sur l'utilisation du matériel de l'entreprise à des fins personnelles. Selon les juges du fond, "si l'employeur est fondé à réglementer l'usage d'internet dans l'entreprise, les recommandations de la CNIL mettent en évidence l'existence d'un usage admettant qu'une interdiction absolue à des fins non professionnelles d'internet n'est pas raisonnable".

- Le retour au travail en entreprise peut-il constituer une modification du contrat de travail ? : Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, M. François Gargala c/ Société SDP, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN)
En l'espèce, un salarié, engagé en qualité de directeur commercial, a été autorisé, dès son embauche, à effectuer ses tâches administratives à son domicile, situé à plus de 200 kilomètres du siège social de l'entreprise. Or, constatant son insuffisance de résultats, l'employeur lui a demandé de venir travailler deux jours par semaine au siège de l'entreprise. Devant le refus du salarié d'obtempérer, l'affaire est portée devant les tribunaux et les juges d'appel font droit aux prétentions de l'employeur. Cependant, la Cour de cassation, devant laquelle le salarié forme un pourvoi, censure la décision des juges du fond. Dans sa décision, rendue au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), la Cour suprême casse l'arrêt d'appel, retenant que "le salarié effectuait son travail administratif à son domicile et que le fait pour l'employeur de lui imposer de se rendre désormais deux jours par semaine au siège de la société situé à plus de 200 km pour exécuter ce travail constituait une modification de son contrat que le salarié était en droit de refuser".

- Télétravail et reclassement : CA Paris, 18ème ch., sect. C, 17 novembre 2005, n° 05/01456, M. Nicolas Rennert c/ SARL Magnetica Soft (N° Lexbase : A2426DMS)
Dans cet arrêt, un salarié se voit licencié pour motif économique. Il soutient avoir continué à travailler après son licenciement sans avoir été ni déclaré ni payé. Le salarié demande aux juridictions prud'homales le paiement des salaires dus postérieurement à la rupture du contrat. Les juges du fond font droit à sa demande en constatant que celui-ci a "continué à travailler à Paris dans le local situé rue de Charenton qui était mis à leur disposition depuis leur engagement, quand bien même le siège de la société était situé à Nice, avec les ordinateurs appartenant à la société, sous la dépendance juridique du gérant de la société qui a continué à lui donner des consignes de travail : réalisation d'une version en 3D du logiciel Magnetica, consignes données par ce même gérant résultant de l'échange de courriels quotidiens, compte rendu de l'avancement des travaux réalisés, tenues de réunions hebdomadaire à Paris". Par ailleurs, le salarié apparaissait comme salarié de la société sur le site internet de la société au sein de laquelle il a bénéficié durant toute cette période d'une adresse électronique professionnelle. Selon les juges du fond "il résulte, par conséquent, de ces constatations que les relations qui se sont poursuivies entre les parties postérieurement au licenciement économique étaient de nature salariale".

  • Cybersurveillance

Le recours de plus en plus systématique aux nouvelles technologies a des incidences considérables sur le rapport salarial. Il est nécessaire d'établir "un équilibre" entre la vie privée des salariés et le besoin de sécurité de l'employeur. Selon Jean-Emmanuel Ray, la cybersurveillance est un sujet très délicat pour les employeurs. En effet, l'employeur qui contrôle ses salariés par la voie des NTIC et les sanctionne à la suite de comportements litigieux, se voit très souvent condamné par les tribunaux. Les arguments invoqués par la défense, comme l'absence d'information du salarié et celle du comité d'entreprise de l'établissement, entraînent l'inopposabilité de la preuve. Rappelons que, selon une jurisprudence constante, le doute profite au salarié. Or, un doute est toujours présent, non pas sur l'outil de travail mais sur l'identité de la personne qui a utilisé le poste. Paradoxe qui existe, actuellement, entre la traçabilité inhérente à l'outil de travail et l'impossibilité de prouver qui est l'auteur de tel envoi, consultation ou autre. En effet, n'oublions pas les salariés qui profitent d'une absence temporaire d'un de leur collègue ayant laissé malencontreusement sa session ouverte pour envoyer des mails piquants à la hiérarchie ou consulter des sites interdits. La jurisprudence a dû statuer de nombreuses fois sur de tels sujets.

- Création d'un site internet sur le lieu et pendant le temps de travail : CA Aix-en-Provence, 17ème ch., 17 janvier 2005, Nicolas B. c/ Lucent Technologiesn France, n° 04/01429
Dans un arrêt du 17 janvier 2005, la cour d'appel d'Aix statue sur la création d'un site internet par un salarié depuis son poste de travail pendant ses heures de travail, à l'insu de son employeur. En l'espèce, un salarié engagé dans un entreprise avait crée un site internet humoristique en utilisant les moyens informatiques de son employeur. Or, le règlement intérieur prévoyait que le matériel ne devait pas être utilisé à des fins personnelles. L'employeur licencie le salarié pour faute grave. Celui-ci saisit les juridictions en contestation de cette décision. La cour d'appel d'Aix déboute le salarié de ses demandes. Elle considère, en effet, que l'entreprise subit un préjudice du fait de la création par le salarié de ce site internet qui porte atteinte à l'image de l'entreprise. Elle en conclut que le salarié a commis une faute justifiant son licenciement.

- Confirmation de l'arrêt "Nikon" par la Cour de cassation : Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-40.392, Mme Madeleine Richard c/ Société Sulzer orthopédie Cedior, F-D (N° Lexbase : A6042DD7)
La Cour de cassation reprend dans cet arrêt les principes posés par l'arrêt "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD). En l'espèce, une salariée utilise la messagerie électronique fournie par son employeur pour échanger des courriers électroniques privés avec une ex-salariée de l'entreprise, pendant son temps de travail. Après avoir consulté les messages personnels de ladite salariée, l'employeur décide sa mise à pied disciplinaire. La Cour de cassation casse la décision rendue par les juges d'appel au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(N° Lexbase : L4798AQR), 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), 9 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3201ADW) et L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI). Elle considère que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur".

- Révision de la jurisprudence "Nikon" : Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT)
L'employeur peut-il consulter des fichiers informatiques marqués comme personnels par le salarié et, si oui, à quelles conditions ? Telle est la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 2005. En l'espèce, un salarié s'est vu licencié de son entreprise pour faute grave au motif qu'à la suite de la découverte de photos érotiques dans un tiroir de son bureau, il avait été procédé à une recherche sur le disque dur de son ordinateur qui avait permis de trouver un ensemble de dossiers totalement étrangers à ses fonctions figurant, notamment, sous un fichier intitulé "perso". Selon les juges du fond, la découverte de photos érotiques par l'employeur constituait des circonstances exceptionnelles l'autorisant à contrôler le contenu du disque dur de l'ordinateur. La Cour de cassation censure cette décision au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du Nouveau Code de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail. Elle décide que, "sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé". Or, selon la Cour de cassation, la découverte de photos érotiques dans un tiroir du salarié ne constitue pas le "risque ou évènement particulier" justifiant l'ouverture des fichiers personnels, effectuée hors la présence de l'intéressé.
Sur ce sujet, lire Christophe Radé L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence"Nikon". Lexbase Hebdo n° 169 du 25 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4601AIA).

- Rédaction d'un courrier pendant les heures de travail : CA Paris, 22ème ch., sect. B, 24 mai 2005, n° 04/36576, Mme Marie France Launay c/ SA Compagnie franchise d'impression CFI (N° Lexbase : A7873DKS)
En l'espèce, un employeur reprochait à sa salariée d'avoir assisté un collègue qui venait de se faire licencier en rédigeant pendant les heures de travail rémunérées par l'entreprise, sur un ordinateur de l'entreprise mis à sa disposition pour l'exercice de ses fonctions, un modèle d'attestation à l'insu de l'entreprise. Seules les heures de sauvegarde du document avaient été conservées par l'employeur. Les juges du fond considèrent, alors, que cette seule indication ne démontre pas l'amplitude du temps consacré à ce travail. En effet, selon eux, il n'est nullement établit que le courrier en cause ait pu être rédigé durant les heures de travail de la salariée, l'indication des heures de sauvegarde du document n'est pas de nature à le démontrer.

Ainsi, cette conférence a permis d'exposer les interactions entre droit du travail et nouvelles technologies et de mettre l'accent sur les difficultés juridiques auxquelles les juges risquent, prochainement, d'être confrontés. Lexbase Hebdo - édition sociale ne manquera pas de vous informer de l'actualité à venir, au sein des ateliers de l'ADIJ, dans ses colonnes.

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