La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Internet - Bulletin d'actualités n° 2

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (1ère partie)

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[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (1ère partie). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208187-panorama-bulletin-dactualites-clifford-chance-departement-communication-media-amp-technologies-fevri
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le 07 Octobre 2010




Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies (cf. Bulletin d'actualité Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (2ème partie) N° Lexbase : N5992AK7).

I - Données personnelles
  • Dans une délibération du 22 novembre 2005, la Commission nationale de l'informatique et des libertés décide de dispenser de déclaration les sites mis en oeuvre par des particuliers dans le cadre d'une activité privée diffusant ou collectant des données à caractère personnel (délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n° 2005-285 N° Lexbase : X6216ADL).

Contenu :

Constatant le développement de l'utilisation de sites web par les particuliers, à titre privé, la CNIL a pris la délibération n° 2005-285 afin de préciser les règles applicables.

En effet, ces sites mis en oeuvre par des particuliers étant susceptibles de diffuser ou collecter des données à caractère personnel, ils constituent, le cas échéant, un traitement automatisé de données à caractère personnel soumis aux dispositions de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS).

Mais sur le fondement de l'article 24 de la loi "Informatique et Libertés" (N° Lexbase : L4321AHI), la CNIL a décidé de dispenser les particuliers de la déclaration de ces sites à la CNIL.

La CNIL précise par plusieurs recommandations, de quelle manière doit s'effectuer la diffusion au public, par le biais d'un site web, de données à caractère personnel. Elle rappelle ainsi que le consentement préalable des personnes concernées est nécessaire et qu'elles doivent être préalablement informées de l'identité de la personne souhaitant procéder à la diffusion, de la finalité poursuivie ainsi que de l'existence d'un droit d'accès, de rectification et d'opposition à tout moment, y compris pour un site web créé par un particulier. La CNIL recommande aussi que les données sensibles ne soient pas diffusées à partir d'un site web personnel.

La durée de conservation de ces données ne peut excéder le temps nécessaire eu égard à l'objet du site et leur transmission à des tiers par le responsable du site ne peut s'effectuer que dans le cadre d'activités privées, après que la personne concernée en a été informée et mise en mesure de s'y opposer.

Commentaire :

La CNIL souhaite prendre en compte l'utilisation massive de l'internet par les particuliers, et, notamment, l'utilisation des blogs. Dès lors que des données à caractère personnel sont susceptibles d'être collectées, ces sites internet sont soumis aux dispositions de la loi "Informatique et Libertés" et à déclaration à la CNIL.

L'article 24 II de la loi "Informatique et Libertés" permet à la CNIL de dispenser de déclaration les catégories les plus courantes de traitements de données à caractère personnel.

En dispensant les particuliers de la déclaration de leurs sites, la CNIL simplifie le processus de déclaration pour les particuliers. En pratique, rares étaient les internautes qui procédaient à cette déclaration et la Commission ne fait donc que légaliser une situation de fait.

II - Droit d'auteurs

  • Le 17 juin 2005, la cour d'appel de Paris a jugé que la création et la mise à disposition du public d'un programme informatique désactivant les systèmes de protection d'un logiciel, sans autorisation, est constitutif du délit de contrefaçon (CA Paris, 17 juin 2005, M. O. c/ Ministère Public N° Lexbase : A5264DNB).

Faits :

Monsieur O. a été identifié comme ayant procédé à des activités de piratage et de crackage de logiciels, et notamment celui de l'Encyclopaedia Universalis.

De par sa profession d'ingénieur, Monsieur O. a, en effet, reconnu avoir la capacité technique pour trouver le système de déblocage des algorithmes de protection du logiciel en cause.

Décision :

Au visa de l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3485ADG), la cour d'appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance reconnaissant la culpabilité de Monsieur O.

Elle réduit, néanmoins, sa peine à 7 mois d'emprisonnement assorti du sursis simple, sans qu'il y ait lieu à publication de la décision, dans un souci de préservation de l'avenir professionnel de Monsieur O.

Commentaire :

Par cette décision, la cour d'appel de Paris juge que la création et la mise à la disposition du public d'un logiciel permettant de passer outre les techniques de protection d'un CD-Rom, est un acte de contrefaçon.

Cette solution n'était pas évidente, dans la mesure où l'article L. 353-3 du Code de la propriété intellectuelle régissant le délit de contrefaçon, ne prévoit pas cette hypothèse de contrefaçon indirecte, consistant à donner à l'internaute les moyens d'effectuer le délit par lui-même.

La reconnaissance de la contrefaçon par "fourniture de moyen" semble donc être une bonne prise en compte des évolutions technologiques en la matière et cette position favorable à la répression de la contrefaçon est dans l'esprit des débats actuels sur le projet de loi relatif aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

III - Droit des marques

  • Le 8 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que le moteur de recherche Google ne commettait pas d'acte de contrefaçon en proposant comme mot-clé à une société de commerce téléphonique, le nom d'une autre société concurrente (TGI Paris, 3ème ch., sect. 2, 8 décembre 2005, Sociétés Kertel et Google c/ Société Cartephone N° Lexbase : A5273DNM).

Faits :

La société Cartephone qui commercialise des services téléphoniques, a utilisé la dénomination d'une société concurrente, la société Kertel, comme mot-clé proposé par Google pour activer ses liens publicitaires et offres commerciales.

La société Kertel, dont la dénomination est également une marque déposée, reproche aux sociétés Cartephone et Google, de commettre un acte de contrefaçon en utilisant cette marque comme mot-clé pour accéder à des offres commerciales sur le site d'une société concurrente proposant des services identiques.

Décision :

Le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société Cartephone a commis des actes de contrefaçon sur le fondement de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal a, par ailleurs, retenu la responsabilité civile des sociétés Google sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), dès lors qu'en proposant le mot-clé, elles ont favorisé une activité contrefaisante. Le juge a écarté, en revanche, leur responsabilité au titre de la contrefaçon de marque ou d'une concurrence déloyale.

Commentaire :

Cette décision du tribunal de grande instance de Paris du 8 décembre 2005 s'inscrit dans la lignée de précédentes affaires ayant opposé Google et des sociétés telles que les sociétés Viaticum et Luteciel (TGI Nanterre, 13 octobre 2003, n° RG 03/00051 N° Lexbase : A8184C9Y), la société Louis Vuitton Malletier (TGI Paris, 4 février 2005, n° RG 04/05745 N° Lexbase : A6246DHS), la société des hôtels Méridien (TGI Nanterre, 16 décembre 2004, n° RG 04/03772 N° Lexbase : A2141DHR) à Google ou encore la société Agence des médias numériques.

Dans ces différentes affaires, la société Google avait proposé à des sociétés concurrentes des mots-clés qui reproduisaient les marques des sociétés. La responsabilité de Google avait été retenue à la fois au titre de la contrefaçon et de la responsabilité civile.

Cette nouvelle décision du tribunal de grande instance de Paris est intéressante dans la mesure où, alors qu'elle retient bien la responsabilité civile de Google pour avoir proposé un mot-clé reproduisant la marque d'une société concurrente, elle écarte tout acte de contrefaçon au motif que l'usage de ce mot-clé ne s'accompagne d'aucune proposition de produits ou services visés à l'enregistrement de la marque opposée mais participe d'une activité de prestataire de publicités.

IV- Informatique

  • Dans un arrêt du 2 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a confirmé la résolution d'un contrat d'intégration d'un progiciel de gestion intégré pour manquement du fournisseur à son obligation de délivrance du progiciel dans les délais (Cour d'appel de Paris, 25ème ch., sect. A, 2 septembre 2005, n° 04/00786, SARL Exact Software France c/ Société Nocibe N° Lexbase : A5295DKC).

Faits :

Le 2 août 2001, un fournisseur, la SARL Exact Software et son client, la société Nocibe, ont conclu un contrat pour l'intégration d'un progiciel de gestion intégré. Le 27 décembre 2000, le client interrompt le projet d'intégration du progiciel avant la date de livraison prévue au 15 janvier 2001 en raison des difficultés de mise en oeuvre du projet et du retard pris par la SARL Exact Software.

La société Nocibe a assigné la SARL Exact Software devant le tribunal de commerce de Bobigny. Le fournisseur a été condamné à payer à la société Nocibe la somme de 25 972,79 euros et s'est vu débouté de sa demande reconventionnelle.

La SARL Exact Software a interjeté appel afin que la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Nocibe pour absence de collaboration soit prononcée et que le client soit condamné à payer les factures restées impayées.

Décision :

La cour d'appel de Paris confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny.

La cour juge que la SARL Exact Software n'est pas fondée à reprocher une absence de collaboration de la part de son client. En effet, elle relève que le client s'est impliqué dans le suivi du projet, notamment, par l'envoi de courriers électroniques et de lettres recommandées au fournisseur dressant une liste des points s'opposant au démarrage du projet et restés sans solutions.

Ainsi, selon la cour, la rupture des relations contractuelles est imputable à la SARL Exact Software qui a été incapable de respecter le calendrier convenu et de fournir son progiciel dans les délais en dépit d'une mise en demeure. Le contrat est donc résolu et le client doit restituer au fournisseur l'ensemble des logiciels et manuels appartenant à la SARL Exact Software qui lui a été remis.

Commentaire :

Dans cet arrêt, la cour d'appel de Paris rappelle que le fournisseur de progiciel de gestion intégré qui ne respecte pas les délais prévus au contrat manque à son obligation de délivrance.

Rappelons, qu'en matière de contrat informatique et en fonction de ce qui a été convenu entre les parties, l'obligation de délivrance d'une solution informatique, en plus de la livraison d'une documentation complète, peut être complétée par une obligation de délivrer des prestations complémentaires telles que la formation des utilisateurs, le transfert de compétence ou des maintenances correctives et/ou évolutives. En tout état de cause, le fournisseur reste soumis à l'obligation légale de livraison d'une chose conforme à ce qui avait été convenu.

Quant au client, il est soumis à une obligation d'information et de collaboration, dont la preuve de l'exécution a pu être rapportée, en l'espèce, au moyen des nombreux documents écrits adressés au fournisseur.

Le prononcé de la résolution du contrat par le juge reste néanmoins une solution extrême, dès lors que la résolution a un effet rétroactif suivant lequel le contrat est réputé n'avoir jamais existé entre les parties. Tout élément remis dans le cadre de l'exécution du contrat à une partie doit donc être restitué à l'autre.

  • Un décret du 28 décembre 2005 modifie les conditions de procédure en matière d'expertise judiciaire, notamment en permettant aux experts d'imposer des délais aux parties pour formuler leurs observations ou réclamations (décret n° 2005-1678, 28 décembre 2005, relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom N° Lexbase : L3298HEU).

Contenu :

Le décret du 28 décembre 2005 modifie des dispositions relatives à la procédure civile, à des procédures d'exécution ainsi qu'à la procédure de changement de nom.

Plus précisément, et en matière d'expertise judiciaire, le décret modifie l'article 276, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L7631HED). Les experts judiciaires peuvent désormais fixer un délai aux parties pour qu'elles formulent leurs observations ou réclamations. Les observations ou réclamations qui seraient faites à l'issue de ce délai ne seront donc pas obligatoirement prises en compte par l'expert, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée.

Le décret précise aussi que les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu des précédentes, à défaut de quoi, ces dernières seraient réputées abandonnées par les parties.

Enfin, il est ajouté au Nouveau Code de procédure civile, un article 278-1, aux termes duquel "l'expert peut se faire assister, dans l'accomplissement de sa mission, par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité" (N° Lexbase : L7632HEE). En cas d'assistance de l'expert, le rapport doit alors mentionner les noms et qualités des personnes ayant prêté leur concours.

Commentaire :

Ce décret du 28 décembre 2005, qui est entré en vigueur le 1er mars dernier, permet, par les nouvelles mesures qu'il apporte, de favoriser les conditions d'exécution des expertises judiciaires.

L'autorisation pour l'expert, de fixer un délai aux parties pour la production de leurs observations et réclamations, devrait permettre d'accélérer le dépôt du rapport d'expertise.

De même, l'instauration du principe des dires récapitulatifs, facilitant le travail de l'expert, ainsi que l'éventuelle assistance de celui-ci, devraient aller dans le sens d'une accélération de la procédure d'expertise et donc d'une diminution de son coût.

V - Internet

  • La cour d'appel de Rennes considère, dans un arrêt du 20 mai 2005, qu'une société de bourse est tenue d'une obligation de renseignement au profit de son client même en dehors de tout mandat de gestion (CA Rennes, 20 mai 2005, n° 04/04390, Epoux M. c/ SA Portzamparc N° Lexbase : A5263DNA).

Faits :

Le 12 janvier 1998, monsieur et madame M. et la SA Portzamparc, société de bourse, ont convenu de l'ouverture d'un compte joint et la SA Portzamparc s'est engagée à exécuter les ordres de bourse donnés par ses clients.

Monsieur et madame M. ont, à cette occasion, demandé à la SA Portzamparc des renseignements sur le fonctionnement de la bourse. Cette dernière leur a transmis le guide de l'actionnaire individuel et leur a conseillé l'acquisition d'un livre intitulé "Le guide du néophyte". Le 3 mars 2000, une nouvelle convention a été conclue permettant à monsieur et madame M. de disposer d'une plate-forme télématique internet.

A la suite de mauvaises spéculations, le compte de monsieur et madame M. est devenu fortement débiteur. Après de vaines mises en demeure, la SA Portzamparc a assigné les époux M. en paiement du solde débiteur de leur compte, soit 8 031,21 euros.

Par un jugement en date du 23 mars 2004, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a condamné solidairement les époux au paiement de cette somme et leur a accordé un délai de grâce. Les époux ont interjeté appel considérant que la société de bourse était tenue d'un devoir d'information sur les risques encourus dans les opérations spéculatives.

Décision :

La cour d'appel de Rennes infirme le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.

Selon la cour, la demande de renseignements de la part des époux prouvait la qualité de néophyte des clients. A ce titre, la cour fait peser sur la société de bourse une obligation de renseignement, selon laquelle elle doit renseigner tout client quelle que soit la nature des services à fournir. La cour considère, en l'espèce, que l'envoi du guide de l'actionnaire individuel ainsi que le conseil d'achat du "guide du néophyte" ne permettait pas de retenir que la société de bourse avait satisfait à son obligation contractuelle d'information.

En effet, bien que la recommandation de la Commission des opérations de bourse n° 99-02 (recommandation COB n° 99-02, 3 septembre 1999 N° Lexbase : L2856DYG), imposant une obligation de renseignement, ne soit pas applicable en l'espèce dès lors qu'elle ne concerne que les services de gestion sous mandat, la cour estime que la facilité d'accès à internet présente un risque accru pour les utilisateurs qui, comme monsieur et madame M., avait opté pour un compte libre. La société de bourse était donc tenue d'avertir ses clients des risques encourus ainsi que de s'enquérir de leurs objectifs "comme elle aurait dû le faire déontologiquement" .

La société de bourse est donc condamnée à réparer partiellement le préjudice de ses clients au titre de la perte de chance d'échapper à une mauvaise opération boursière.

Commentaire :

Cette décision de la cour d'appel de Rennes impose à la société de bourse par internet une obligation "déontologique", totalement jurisprudentielle, de renseignement à l'encontre de ses clients néophytes, quelle que soit l'étendue de la mission qui lui a été confiée.

Ainsi, la cour d'appel de Rennes met sur un pied d'égalité le client opérant directement en présence de la société de bourse et celui opérant virtuellement. Par conséquent, cette décision s'inscrit bien dans l'esprit de l'ordonnance du 6 juin 2005 portant sur les services financiers à distance, adoptée dans cet objectif, et qui est entrée en vigueur le 1er décembre dernier (ordonnance du 6 juin 2005, n° 2005-648, relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs N° Lexbase : L8431G8R).

  • Dans une réponse à une question parlementaire du 1er novembre 2005, le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat a précisé que les courriers électroniques utilisés par les administrations sont des documents administratifs communicables (réponse du ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat à la question n° 77194 de Yvan Lachaud (UDF) 1er novembre 2005 N° Lexbase : L7301HHU).

Contenu :

Le député du Gard, Yvan Lachaud, souhaitait que le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat précise si les courriels utilisés par les administrations sont des documents administratifs communicables.

Dans une réponse du 1er novembre 2005 publiée au Journal officiel le 17 janvier 2006, le ministre rappelle que les correspondances entre les administrations et les citoyens constituent des documents administratifs aux termes de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (N° Lexbase : L6533AG3) qui définit comme documents administratifs tous les documents élaborés ou détenus par les Etats et les collectivités locales dans le cadre de leur mission de service public et quel que soit le support utilisé. Le ministre en déduit alors que le principe de la liberté d'accès et le droit à communication s'appliquent au courrier électronique sous certaines conditions.

En effet, aux termes de la loi du 17 juillet 1978, il faut que le courriel ait été conservé et que le courriel demandé ne revête pas un caractère préparatoire à une décision à venir auquel il se rattache. Dans ce dernier cas, la communication peut être différée jusqu'à ce que la décision soit prise. De plus, certains documents ne peuvent être communiqués qu'à l'intéressé, notamment, ceux pouvant porter atteinte au secret de la vie privée.

Commentaire :

Cette réponse ministérielle permet de clarifier la situation juridique des courriers électroniques échangés entre l'administration et les particuliers ainsi que le droit d'accès de ces derniers à ces documents.

Ainsi, tous les courriers électroniques ne sont pas communicables, mais dès lors qu'ils ont été conservés et ne revêtent pas un caractère préparatoire à une décision de l'administration, leur communication devrait être facilitée.

  • Dans un jugement du 8 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a relaxé un internaute pour la diffusion et la reproduction de fichiers musicaux au moyen d'un logiciel d'échange (TGI de Paris, 8 décembre 2005, n° RG 0504090091, Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) c/ Anthony G. N° Lexbase : A5274DNN).

Faits :

Au cours de l'année 2004, Anthony G. a téléchargé, grâce à un logiciel d'échange (peer-to-peer) 1 875 fichiers musicaux dont 1 212 correspondaient à des enregistrements d'artistes dont les producteurs sont membres de la SCPP.

A la suite d'une plainte de la SCPP, Anthony G. est poursuivi pour contrefaçon par reproduction et diffusion illicite de fichiers musicaux sur le fondement des articles L. 335-4 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4532DYI), ainsi que pour recel de contrefaçon sur le fondement de l'article 321-1 du Code pénal (N° Lexbase : L1940AMS).

Décision :

Le tribunal de grande instance de Paris relaxe Anthony G.

En se fondant sur l'article L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3429ADD) relatif à l'exception pour copie privée et sur l'article L. 335-4 précité, le TGI écarte tant le délit de contrefaçon que le recel de contrefaçon.

En effet, rappelant que la loi pénale est d'interprétation stricte, le TGI considère qu'il n'existe aucune présomption de mauvaise foi du fait du recours à un logiciel de partage, ni aucune présomption de refus d'autorisation de mise en partage des ayants droit d'oeuvres musicales. Et, en l'espèce, le TGI retient qu'Anthony G. ne disposait pas des informations lui permettant de distinguer les fichiers légaux des fichiers illégaux, et ainsi, d'éviter la diffusion et l'usage de ces oeuvres en mettant à disposition une copie dans les répertoires accessibles à d'autres utilisateurs.

Commentaire :

Cette décision est la première à relaxer un prévenu à la fois des faits de contrefaçon et de recel de contrefaçon par la mise à dispositions de fichiers musicaux.

Par un jugement du 15 novembre 2005 pour des faits très similaires à la décision commentée, le TGI de Bayonne (N° Lexbase : A5269DNH) avait déclaré un prévenu coupable de l'infraction de mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, de fichiers musicaux, réprimé par les articles L. 213-1 (N° Lexbase : L3318ADA) et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle. Le TGI de Bayonne avait, en revanche, écarté les infractions de recel et de reproduction illicite, en se fondant aussi sur l'exception pour copie privée.

Rappelons que l'exception pour copie privée se fonde sur l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3363ADW) aux termes duquel l'auteur ne peut interdire les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille, ainsi que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective.

Cette exception peut-elle être invoquée dans le contexte des échanges peer-to-peer ? En cas de téléchargement par réception (download), l'application de cette exception pour copie privée est controversée dès lors que l'oeuvre musicale est reproduite par téléchargement et ce, sur un support externe. Tant la doctrine que la jurisprudence sont divisées sur ce point : alors que certains juges relaxent les prévenus sur le fondement de l'exception pour copie privée (TGI de Rodez, 15 octobre 2004 N° Lexbase : A4692DIM ; TGI du Havre, 20 septembre 2005 N° Lexbase : A5270DNI ; TGI Bayonne, 15 novembre 2005, précité), d'autres les condamnent pour contrefaçon pour des faits similaires (TGI de Pontoise, 2 février 2005 N° Lexbase : A4773DGU ; TGI de Toulouse, 10 mai 2005 ; TGI de Créteil, 19 mai 2005). En revanche, le téléchargement par émission (upload) était, jusqu'à présent, jugé comme étant une communication au public constituant un acte de contrefaçon.

En l'espèce, ni le téléchargement par réception ni le téléchargement par émission ne sont constitutifs d'une infraction. Le TGI de Paris a estimé qu'il n'existait aucune présomption de mauvaise foi du fait du recours à un logiciel de partage, alors même qu'en matière de contrefaçon, la mauvaise foi est présumée. Cette décision peut aussi être comparée sur ce point avec celle du TGI de Bayonne du 15 novembre 2005, qui avait jugé que "le prévenu ne pouvait ignorer qu'il mettait à la disposition d'autrui ses propres fichiers ; qu'en effet, il n'est pas indispensable d'être un internaute averti pour apercevoir à l'écran la mention 'mon dossier partagé'".

La SCPP ainsi que le parquet ont interjeté appel de ce jugement.

Dans le contexte des discussions et divergences à l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société d'information, ce jugement du TGI de Paris du 8 décembre 2005 entretient la confusion.

Pour la 2ème partie de ce Bulletin d'actualité, lire (N° Lexbase : N5992AK7)

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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