La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] VRP : régime du licenciement et calcul de la ressource minimale forfaitaire

Réf. : Cass. soc., 28 février 2006, n° 03-47.880, M. Bernard Arlin c/ Société Les Fils de Stéphane Arlin, F-P+B (N° Lexbase : A4127DN8)

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le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation a rendu un arrêt, le 28 février dernier, doublement intéressant, en ce qu'il porte sur les deux aspects du statut du VRP : la validité de son licenciement, s'il est prononcé en cas de cessation d'activité et les conditions de versement de la ressource minimale forfaitaire. Le premier point n'est qu'une confirmation de jurisprudence : la cessation d'activité de l'entreprise, à certaines conditions, constitue un motif économique de licenciement. Dans cette affaire, le salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, a été licencié pour motif économique. L'intéressé saisit les tribunaux d'une action en contestation de son licenciement, mais est débouté de ses demandes en appel. Conformément à sa jurisprudence, la Cour de cassation retient le principe que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement. Le second point, objet de la cassation prononcée par la Cour, est plus original. La Cour de cassation se prononce sur les modalités de versement de la ressource minimale forfaitaire des VRP, alors que ni les textes ni la jurisprudence n'avaient proposé de règles précises. Ce dispositif de ressource minimale a été mis en place en raison de l'impossibilité de quantifier le temps de travail des VRP, qui ne peuvent pour cette raison prétendre au bénéfice du Smic.
Décision

Cass. soc., 28 février 2006, n° 03-47.880, M. Bernard Arlin c/ Société Les Fils de Stéphane Arlin, F-P+B (N° Lexbase : A4127DN8)

Cassation de CA Lyon chambre sociale, 5 novembre 2003

Textes visés : C. trav., L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) ; C. trav., L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) ; article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 .

Mots-clefs : VRP ; licenciement ; cessation d'activité ; ressources minimale forfaitaire ; modalités de versement.

Lien base : ,

Faits et procédure

M. Arlin, VRP exclusif, est licencié le 18 décembre 1998 pour motif économique. Il a saisi le conseil de prud'hommes d'une action en contestation de son licenciement et en paiement d'un rappel de salaires par rapport à la ressource minimale conventionnelle.

La cour d'appel de Lyon a constaté que la cessation d'activité de l'entreprise était donnée comme motif de rupture par la lettre de licenciement et a fait ressortir l'absence de fraude ou de légèreté blâmable de l'employeur.

Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre de la ressource minimale forfaitaire, la cour d'appel de Lyon retient qu'à partir de 1997, si les rémunérations de certains trimestres ont été inférieures au minimum, il y avait compensation avec les trimestres suivants, conformément aux dispositions conventionnelles.

M. Arlin forme un pourvoi devant la Cour de cassation.

Son pourvoi est rejeté pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement au regard des articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail et de l'absence de cause économique à son licenciement. Mais sa demande est acceptée sur la question de la ressource minimale forfaitaire.

Solution

1. Cassation partielle.

2. "La cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement".

3. "Lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de la ressource minimale forfaitaire instituée par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, il ne peut déduire du rappel de salaire dû les sommes excédant cette ressource versées au cours des trois trimestres suivants".

Commentaire

1. La cessation d'activité de l'entreprise, motif de licenciement économique

  • Cessation d'activité de l'entreprise, hors procédure de redressement

En l'espèce, le salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, licencié pour motif économique, saisit les tribunaux d'une action en contestation de son licenciement. Il est débouté de ses demandes en appel, et forme alors un pourvoi en cassation, arguant de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement au regard des articles L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) du Code du travail et de l'absence de cause économique à son licenciement.

En conformité avec sa jurisprudence, la Cour de cassation rejette le pourvoi, en relevant que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement. Or, la cour d'appel n'avait pas à rechercher la cause de la cessation d'activité. Les juges du fond ont constaté que la cessation d'activité était donnée comme motif de rupture par la lettre de licenciement et a fait ressortir l'absence de fraude ou de légèreté blâmable de l'employeur.

Le point n'est donc plus sujet à discussion au terme d'une longue suite de décisions allant en ce sens (Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant, publié N° Lexbase : A2160AIT ; Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-43.624, Société en nom collectif (SNC) Drugstore Saint-Germain c/ M. Christian Le Goff, F-D N° Lexbase : A4132A3G ).

Il importe peu, à cet égard, de relever les motifs de cessation d'activité (ex. : coût insurmontable des travaux de réparation d'installations vétustes : Cass. soc., 4 juillet 990, n° 87-44.973, M. Casella, ès qualités de liquidateur de la société Precimeco c/ M. Blanchet N° Lexbase : A4313ACQ), puisqu'ils n'influent pas sur la reconnaissance de la cause économique du licenciement. En revanche, si l'employeur invoque un autre fondement juridique à sa décision de rupture du contrat, la solution pourra être différente. Il en va ainsi de la cessation d'activité consécutive à une inondation : elle peut constituer un motif économique de licenciement, mais non un cas de force majeure en raison de son caractère temporaire et partiel (Cass. soc., 15 février 1995, n° 91-43.905, M. José Arauyo et autres c/ Société anonyme Les Filatures de la Madelaine N° Lexbase : A1888AA8). Enfin, les juges s'attachent à vérifier que la fermeture de l'entreprise répond bien à la condition de son caractère définitif, et non temporaire. En effet, la fermeture temporaire d'un hôtel pour travaux ne constitue pas une cessation d'activité de l'entreprise : la lettre de licenciement ne comporte pas l'énoncé d'un motif économique de licenciement, lequel est donc sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 01-46.240, FS-P+B+I N° Lexbase : A2626A3N). Est sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par l'employeur qui n'a fait qu'interrompre son activité sans la cesser définitivement en sorte qu'il a agit avec une légèreté blâmable (Cass. soc., 9 mars 2004, n° 01-46.780, F-D N° Lexbase : A4843DBY).

  • Cessation d'activité de l'entreprise, dans l'hypothèse d'une procédure de redressement

La jurisprudence admet que le visa du jugement de liquidation suffit à motiver la lettre de licenciement (sur ce sujet, lire nos observations, Liquidation de la société et motivation de la lettre de licenciement, Lexbase Hebdo n° 112 du 17 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0859ABG). La doctrine reste assez partagée sur la nécessité, ou non, d'appliquer le droit commun du licenciement économique aux entreprises connaissant des difficultés économiques et soumises à une procédure de redressement. La Cour de cassation, elle-même, a marqué, à plusieurs reprises, son attachement à l'application du droit commun du licenciement (obligation de recherche de possibilité de reclassement : Cass. soc., 10 mai 1999, n° 97-40.060, M. Bourguignon, ès qualités de liquidateur de la société Eurage industrie c/ M. Petit et autre N° Lexbase : A6336AGR ; lettre de licenciement et jugement prononçant la liquidation : Cass. soc., 9 juillet 2003, n° 01-43.763, F-D N° Lexbase : A1116C99).

L'arrêt précité (Cass. soc., 2 mars 2004) montre que la Cour a évolué sur cette question. Mais si l'employeur prononce le licenciement non plus dans le cadre d'une procédure de redressement, mais de liquidation, la lettre de licenciement, envoyée au salarié par le mandataire liquidateur de l'entreprise qui ne se réfère pas au jugement prononçant la liquidation de celle-ci, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 juillet 2003, n° 01-43.763, précité).

2. Respect de la ressource minimale forfaitaire des VRP : pas de compensation possible

  • Obligation de verser une ressource minimale forfaitaire

- Fondement de cette obligation

L'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 a instauré une garantie minimale de ressources au bénéfice des représentants entrant dans son champ, c'est-à-dire exerçant leur activité pour un seul employeur, et travaillant à temps plein.

L'article 5-1 de cet accord, ajouté par avenant n° 3 du 12 janvier 1982, prévoit que, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes (au sens de la loi du 12 décembre 1972) est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il a droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. Pour les trois premiers mois d'emploi à plein temps, la ressource minimale forfaitaire représente, déduction faite des frais professionnels, 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à l'échéance. A partir du second trimestre d'emploi à plein temps, la ressource minimale trimestrielle ne peut être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement.

La ressource minimale trimestrielle peut être réduite à due concurrence lorsque le contrat de travail a débuté ou pris fin au cours d'un trimestre, ou en cas de suspension temporaire d'activité d'un représentant au cours de ce trimestre, ou, enfin, lorsque tout ou partie de ce trimestre correspondra à une période normale d'inactivité du représentant, appréciée compte tenu de la variabilité des périodes de vente de l'entreprise.

Enfin, l'ANI prévoit que le complément de salaire versé par l'employeur à partir du second trimestre sera à valoir sur les rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants et ne pourra être déduit que concurrence de la seule partie de ces rémunérations qui excéderait la ressource minimale.

- Modalités de versement : pas de compensation d'un trimestre sur l'autre

En l'espèce, un salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, reproche aux juges du fond de l'avoir débouté de sa demande de rappel de salaires au titre de la ressource minimale forfaitaire. En effet, la cour d'appel avait retenu qu'à partir de 1997, si les rémunérations de certains trimestres ont été inférieures au minimum, il y avait compensation avec les trimestres suivants, conformément aux dispositions conventionnelles. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au visa de l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 , en relevant que lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de la ressource minimale forfaitaire, il ne peut déduire du rappel de salaire dû les sommes excédant cette ressource versées au cours des trois trimestres suivants.

Cette solution s'inscrit dans la droite ligne d'un arrêt rendu par la Cour suprême en 2004, selon lequel "lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants" (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0944DEP).

  • Régime de l'obligation de verser une rémunération minimale forfaitaire

- Bénéficiaire de la rémunération minimale forfaitaire

La Haute juridiction a, en revanche, rappelé, dans un arrêt en date du 23 septembre 2003 (Cass. soc., 23 septembre 2003, n° 01-43.636, Mme Hélène Tsangaris c/ Société Encyclopaedia Britannica, publié N° Lexbase : A6294C9Y) que la rémunération forfaitaire n'est applicable, conformément à l'article 5-1 de l'accord collectif, qu'aux seuls représentants engagés à titre exclusif. Le bénéfice de la ressource minimale est donc subordonné à l'existence dans le contrat de travail d'une clause d'exclusivité. La ressource minimale forfaitaire ne concerne que les VRP non soumis à un horaire de travail déterminé. Dès lors qu'ils sont tenus de respecter un horaire, les VRP peuvent prétendre au bénéfice du Smic (Cass. soc., 22 mai 1996, n° 95-40.200, Société Centrale du meuble c/ Mme Forestier, publié N° Lexbase : A0807ACU).

- Une obligation d'ordre public

Une clause contractuelle prévoyant une rémunération inférieure à cette rémunération conventionnelle serait totalement inopérante (Cass. soc., 25 octobre 1995, n° 93-46.041, Société SNC SPCL France Loisirs c/ M. Michel Monno, inédit N° Lexbase : A2613AGU). De la même manière, les résultats obtenus par le VRP, s'ils peuvent constituer un motif de licenciement, ne peuvent pas être pris en compte pour l'application de la ressource minimale forfaitaire (Cass. soc., 9 octobre 1996, n° 93-45.477, Société générale d'édition et de diffusion (SGED) c/ Mme Maryse Paillat, inédit N° Lexbase : A2629AGH ; Cass. soc., 20 mai 1998, n° 95-42.124, M. Jean-Claude Raussin c/ Société Primext, société anonyme, inédit N° Lexbase : A2849AGM).

- Le non-paiement de la ressource minimale forfaitaire : une sanction pécuniaire illicite

La Cour de cassation, en confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 02-41.028, Mme Anita Villalon c/ Société en nom collectif (SNC) Certified Laboratories, F-P+B N° Lexbase : A6837DDL ; sur ce sujet lire N. Mingant, La stabilité du droit des VRP à une rémunération minimale forfaitaire, Lexbase Hebdo n° 142 du 11 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3502ABC), fait application de l'article L. 122-42 du Code du travail (N° Lexbase : L5580ACN) et considère que toute retenue pratiquée par l'employeur sur cette ressource minimale constitue une sanction pécuniaire illicite. La Cour de cassation a rendu le 30 novembre 2004 (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, précité) un arrêt réaffirmant que tout manquement à l'obligation de verser la ressource minimale forfaitaire est une "sanction pécuniaire illicite". En effet, lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1 précité, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace

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