Lorsque des baux font l'objet d'un apport en société, les congés délivrés aux seuls preneurs ne peuvent avoir d'effet à l'égard de la société bénéficiaire de cet apport, seule titulaire, à laquelle ces congés sont inopposables. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 février 2016 (Cass. civ. 3, 11 février 2016, n° 13-11.685, FS-P+B
N° Lexbase : A0293PLG). En l'espèce, une SCI avait donné à bail aux époux F., deux baux à ferme de neuf et dix huit ans, portant sur diverses parcelles de terre et des bâtiments. En octobre 2007, la société a délivré aux époux F. un congé fondé sur leur âge, auquel les preneurs ont opposé l'apport des baux à la société G. en 2008. Ils soutenaient y avoir été autorisés, par le bailleur, dans le cadre d'un acte sous-seing privé du 9 octobre 1999. La SCI avait alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en validité des congés, auxquels les époux avaient alors opposé la nullité. Pour dire l'acte d'apport des baux inopposable à la SCI bailleresse, la première cour d'appel avait retenu que cet acte n'avait pas été signifié à la date de délivrance des congés et que si le fermier jouissait de l'ensemble de ses droits jusqu'à la fin du bail, l'apport des baux ne pouvait valablement intervenir après cette date. L'affaire avait été une première fois jugée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, laquelle avait retenu que la qualité du bénéficiaire du congé s'apprécie à la date d'effet de l'acte et non à la date de délivrance. Il appartenait aux juges du fond de rechercher si, à la date d'effet des congés, ces apports étaient régulièrement intervenus et s'ils étaient opposables à la bailleresse (Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-20.971, FS-P+B
N° Lexbase : A8912HZ4). La cour d'appel de renvoi, pour dire que les congés délivrés étaient dépourvus d'effet et inopposables à la société G., seule titulaire des baux concernés, a retenu qu'il n'aurait existé aucune exception à la portée de la nullité édictée pour réprimer l'omission de la référence dans le congé délivré à la faculté de cession au profit du partenaire avec lequel le preneur évincé est lié par un pacte civil de solidarité ; et que le congé aurait été entaché de nullité dès lors qu'il ne reproduisait pas la mention relative à la faculté de cession au profit du partenaire avec lequel le preneur évincé est lié par un pacte civil de solidarité. Arguant de ce que le congé donné par le bailleur est assimilé à un acte de procédure dont la nullité ne peut être prononcée, en cas d'omission de l'une des mentions prescrites à peine de nullité par la loi, que si celle-ci cause un grief à celui qui s'en prévaut, la SCI avait alors formé un pourvoi en cassation. La Cour régulatrice, énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi de la SCI au motif que celle-ci n'était pas recevable, faute d'intérêt, à critiquer l'arrêt en ce qu'il a accueilli la demande des époux F. en contestation du congé.
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