La lettre juridique n°617 du 18 juin 2015 : Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Barreau de Paris - Elections au Bâtonnat 2016 : rencontre avec Nathalie Attias et Nicolas Lerègle

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[Questions à...] Barreau de Paris - Elections au Bâtonnat 2016 : rencontre avec Nathalie Attias et Nicolas Lerègle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/24807931-questions-a-barreau-de-paris-elections-au-batonnat-2016-rencontre-avec-b-nathalie-attias-et-nicolas-
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 18 Juin 2015

Les élections pour désigner le nouveau Bâtonnier du barreau de Paris se tiendront les 23 et 25 juin 2015. Initialement prévue pour la fin d'année 2014, puis pour la fin de l'année 2015, la date de ces élections a été finalement fixée au 23 et 25 juin 2015 en raison d'une modification du décret de 1991 ramenant à au moins 6 mois la durée du dauphinat (décret n° 2014-1632 du 26 décembre 2014 N° Lexbase : L1524I7L, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID). A ce jour, les candidats à cette élection sont : Nathalie Attias et Nicolas Lerègle, Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard, Benoît Chabert et Philip Cohen, David Gordon-Krief et Hubert de Flichy, Frédéric Sicard et Dominique Attias, Jean-Louis Bessis, Patrice Rembauville-Nicolle, Guy Fitoussi et Isabelle Dor. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, une rencontre avec le tandem Nathalie Attias et Nicolas Lerègle. Lexbase : Nathalie Attias, Nicolas Lerègle, quels sont vos parcours et comment en êtes-vous arrivés à vous présenter ensemble au Bâtonnat ?

Nathalie Attias : J'ai prêté serment en janvier 1989 et j'ai très rapidement exercé uniquement dans le droit du travail, en m'installant dès 1994.

Nicolas Lerègle : J'ai commencé comme directeur juridique, plutôt axé sur les opérations immobilières des entreprises, protection du patrimoine. Je suis devenu avocat il y a une douzaine d'années avec deux angles de pratique que sont l'immobilier et la sécurité économique. En particulier, tout ce qui concerne la protection des entreprises contre la concurrence déloyale, l'espionnage, etc..

Nathalie Attias : C'est un parcours intéressant car venant de l'entreprise, Nicolas a une approche très pragmatique des choses. Tout comme ma façon d'appréhender mon travail et les conseils que je donne aux entreprises. Il faut être pragmatique et savoir utiliser les règles.

Nicolas Lerègle : Sur le choix l'un de l'autre, d'abord nous voulions être les plus représentatifs du barreau de Paris. Nous souhaitions également en nous choisissant l'un l'autre, une unité générationnelle. Nous avons tous les deux 50 ans, ce qui correspond à peu près aujourd'hui à la dominante du barreau. Enfin, nous souhaitions que notre équipe mette en avant des pratiques différentes, des parcours différents pour pouvoir justement avoir sur la pratique de la profession, un regard plus original et concret que les candidats habituels. Enfin, nous sommes associés au sein du même cabinet. Ce n'est donc pas une entente d'opportunité. Nous nous entendons bien et savons déjà travailler ensemble.

La première grande idée que nous avons promue, notamment en réponse à la surprenante candidature du vice-Bâtonnier en exercice, consiste à inverser les rôles ordinaux au bout d'un an afin de maintenir un niveau de mobilisation optimal de l'équipe élue pendant les deux ans du Bâtonnat. Qu'il n'y ait pas un numéro 1 et un numéro 2 mais que ce soit bien un ticket égalitaire qui se présente.

Lexbase : Cette inversion des rôles en cours de mandat ne pose-t-elle pas un problème en l'état des textes actuels ?

Nicolas Lerègle : Bien sur que si. Nous aurons besoin pour cela de faire modifier le texte et de le proposer au CNB pour validation. Nous aurons un an pour cela et l'histoire récente de la suppression du Dauphinat comme la modification de la date des élections montre que c'est possible.. Notre proposition a de réels avantages comme celui de présenter de vraies équipes et d'éviter les querelles d'ego comme cela s'est vu sous le Bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl.

Nathalie Attias : Notre volonté est d'afficher la parité dans la campagne. La parité ne sert à rien si derrière il n'y a pas l'égalité. Il y a une vraie égalité entre nos deux candidatures ; c'est une équipe que nous proposons aux avocats parisiens. Après tout quel est l'intérêt d'avoir un Bâtonnier et un vice-Bâtonnier si ce n'est pas pour avoir une équipe qui est là pour servir ? Au Bâtonnier, le rôle de représenter la profession et au vice-Bâtonnier, la fonction de gérer l'Ordre et les affaires courantes de l'Ordre. Nous partons du principe que nous avons tous les deux les mêmes aptitudes.

Lexbase : Hormis cette inversion des fonctions, quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

Nathalie Attias : Le constat que nous faisons est que, systématiquement et ce depuis de nombreuses années, on ne propose aux avocats, dans le cadre des programmes des candidats au Bâtonnat, que des choses assez générales, des grands principes et toujours les mêmes : un Ordre fort et conquérant, faire des économies, réunir les avocats, etc.. Aujourd'hui les confrères ne se sentent ni représentés, ni soutenus dans le développement de leur cabinet, or c'est ce qui est la base d'un Ordre. Nous devons garantir à ces professionnels la défense de leur périmètre d'activité.

Il faut montrer aux confrères que l'Ordre connaît leur quotidien, connaît les enjeux, maîtrise les sujets. Tous les sujets et pas seulement ceux liés à la défense des libertés fondamentales.

C'est pour cela que nous proposons un programme concret. L'inversion des mandats en est un des exemples, qui ne touche pas à l'activité des confrères mais vise à leur garantir une bonne représentativité et non le couronnement d'un monarque, même éclairé.

Dans le même ordre d'idée, nous proposons que les présidents de commissions ouvertes qui font la doctrine de l'Ordre ne soient plus désignés par le Bâtonnier mais élus par les membres de la commission ouverte. Pourquoi ? Pour éviter tout favoritisme et procéder à une rupture avec le système de cooptation.

Nicolas Lerègle : L'idée est d'être très pratique. Ainsi, nous souhaitons créer l'équivalent d'une ANAAFA (Association Nationale d'Assistance Administrative et Fiscale des Avocats) qui serait dédiée aux clients des avocats et que nous leur adresserions pour la tenue de leur comptabilité. En échange de cet apport de chiffre d'affaires, cette structure s'engage à ne pas jamais faire de droit. Cette solution permet d'écarter tout risque de concurrence discrète ou cachée.

Dans le même ordre d'idée, nous proposons de labelliser les cabinets d'expertise-comptable qui s'engageront à ne pas faire de droit.

Lexbase : C'est une vision de l'interprofessionnalité en fait ?

Nicolas Lerègle : L'interprofessionnalité c'est lorsque deux personnes ont des spécialités qui leur permettent de faire ensemble et en complémentarité la même chose. Qu'un CPI (conseil en propriété intellectuelle) travaille dans un cabinet d'avocat, c'est de l'interprofessionnalité parce que le CPI en marques fait du conseil juridique, de la protection juridique des marques, de ses clients. Il ne peut pas plaider mais les avocats eux le peuvent : c'est alors une réelle interprofessionnalité. Mais lorsque un CPI brevet, qui est un scientifique technicien, travaille avec des avocats, ils sont dans deux métiers différents.

Un expert-comptable c'est la règle à calcul et l'avocat c'est le Code civil. Nous proposons donc la labellisation de cabinets d'expertise-comptable s'interdisant toutes prestations juridiques afin de sécuriser au mieux les entreprises.

Nous menons également une réflexion pour permettre aux avocats de prendre leur retraite sereinement, à l'instar des notaires -lorsqu'un notaire de 60-65 ans souhaite partir, la Chambre des notaires s'arrange pour que deux jeunes prennent sa suite-. Il y a aujourd'hui beaucoup d'avocats qui restent en activité car ils n'ont pas les moyens financiers de quitter leur cabinet ou que leur retraite est insuffisante ou qu'ils ne peuvent pas vendre leur cabinet, tout simplement parce qu'un cabinet d'avocat n'a pas de valeur.

Notre idée, inédite, est de mettre en place un système où, sur une période de un à cinq ans, aux frais de l'avocat qui s'en va, son cabinet accueillera deux jeunes. Ces jeunes pourront donc devenir collaborateurs puis développer à la fois leur clientèle, favoriser le développement de la clientèle déjà existante et bénéficier, au bout de la période définie, d'une option d'achat pour les motiver. Le seul point sur lequel nous serons vigilants sera de s'assurer que dans les deux, trois ou cinq ans, l'avocat qui devait partir parte réellement car il n'est pas question qu'il abuse de la situation si les jeunes avocats ont bien développé sa clientèle. Cela permettrait de réguler la profession et résoudrait tout un ensemble de problématiques, dont celle des collaborations et des difficultés d'installation.

Nous souhaitons également donner aux avocats honoraires un siège de statut d'observateur au conseil de l'Ordre, sans droit de vote. Et surtout si nous sommes dans une logique de tutorat, comme je viens de l'expliquer, cela peut les motiver à être honoraires tout en continuant à suivre un peu leur cabinet, à faire du coaching, à se rendre utile pour les jeunes.

Lexbase : Sur la formation des élèves avocats et sur l'accès à la profession, quelle est votre vision des choses ?

Nicolas Lerègle : La formation est nécessaire mais il ne sert à rien de former 1 500 ou 2 000 étudiants par an pour qu'au bout de trois ans on s'aperçoive qu'il y en a presque la moitié qui quittent la profession parce qu'ils n'ont pas trouvé de collaboration. C'est un gâchis à la fois humain et financier. Je ne suis pas favorable à un numerus clausus. Nous sommes une profession libérale, la liberté d'y entrer et d'en sortir doit être totale, sous réserve que les conditions d'accès sont remplies. Mais l'EFB doit se réformer, elle doit s'orienter vers une stricte application professionnelle, il faut favoriser les stages professionnels en entreprise et en cabinet d'avocats, les seuls qui permettent une réelle appréhension de notre profession, mais cela suppose que les confrères jouent vraiment le jeu en dispensant une réelle formation aux jeunes collaborateurs et en les encadrant dans une forme de tutorat. Il en va de l'intérêt de tous, confrères et collaborateurs. Ce n'est qu'à ce prix que nous éviterons le départ des jeunes désabusés par des expériences professionnelles décevantes qui ne leur ont rien appris.

Lexbase : Comment voyez-vous la gouvernance de la profession ?

Nicolas Lerègle : Au fond le problème aujourd'hui est qu'il y a une hypertrophie du barreau parisien par rapport au barreau national. Un barreau comme Paris représente 50 % des avocats français et cotise donc à hauteur de son poids au fonctionnement d'une institution qu'est le CNB, qui est supposé représenter tout le monde. En réalité, il y a trois gouvernants : le CNB, la Conférence des Bâtonniers et le barreau de Paris. Ainsi, si on explique au président du CNB qu'il est le représentant des avocats nationaux, il va se comporter comme tel ; si on dit au président de la Conférence des Bâtonniers qu'il est le représentant des Bâtonniers de France, qui sont eux mêmes des représentants de leur barreau, il va se présenter comme le chef ; et le Bâtonnier de Paris va dire que puisque c'est lui qui cotise et qui paie le plus, c'est son avis qui compte. Au final nous nous retrouvons avec une situation de gouvernance bloquée. Pour ne rien vous cacher, nous trouvions assez séduisante l'idée d'un Ordre national telle qu'elle était exprimée, avec forcément quelques améliorations, par Jean Castelain. A un moment, si un système ne fonctionne pas, soit on compte sur l'intelligence collective des trois têtes du système pour la faire évoluer, ce qui n'a pas été le cas, soit on se dit qu'il faut peut être essayer d'avoir une réflexion s'inspirant d'autres professions.

Lexbase : Quelle est votre vision de l'avocat en entreprise ou de la confidentialité ?

Nathalie Attias : Je ne vois absolument pas comment on peut sérieusement envisager qu'il puisse y avoir une confidentialité ! D'abord, les juristes d'entreprises sont, comme tous les salariés, soumis au secret des informations qu'ils sont amenés à connaître dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Cela fait partie de ce qu'on appelle l'obligation de loyauté. Le salarié est, par le contrat de travail, tenu à un devoir de confidentialité à l'égard des informations recueillies pendant l'exécution du contrat de travail mais également postérieurement à la rupture du contrat. Ensuite je ne vois pas comment c'est gérable de leur dire qu'ils sont tenus à un secret professionnel. Comment est ce qu'un salarié va être en mesure de refuser à son employeur de lui donner des informations confidentielles ? Qu'est ce qui est confidentiel ? A l'égard de qui ? Comment va-t-on garantir la confidentialité des informations qui sont échangées ?

Nicolas Lerègle : Le problème de fond est qu'il n'y a pas de secret des affaires ; si on avait instauré un secret des affaires cela aurait permis au moins de simplifier certaines choses, entre autres de savoir quels étaient les documents protégés ou non. Le Cercle Montesquieu et d'autres disent qu'il faut que les juristes d'entreprise aient un legal privilege. Mais lesquels ? Le directeur juridique ou le stagiaire d'été qui s'est mis à un poste et qui va envoyer ses mails avec écrit "direction juridique" ? Et si l'on commence à dire qu'on ne peut pas envoyer tel ou tel document qui est nécessaire pour une négociation, parce qu'il est couvert par le legal privilege, cela devient ingérable. Et surtout, la création d'un legal privilege affaiblira notre secret professionnel et créera, à côté de l'avocat, une autre profession règlementée. Ce qui n'est pas acceptable en l'état.

De même un avocat salarié en entreprise ne pourra pas exercer son métier avec l'indépendance qui caractérise une profession libérale, c'est-à-dire sans lien de dépendance, de subordination etc..

Mais il ne faut pas nier ce besoin qui peut avoir un sens. Nous proposons donc un statut qui est nécessairement hybride : l'avocat détaché. Par exemple, je décide de quitter mon cabinet, et je suis intégré comme directeur juridique dans une société mais je reste avocat et je continue à payer mes cotisations ordinales. Et j'ai un contrat à durée déterminée, avec l'entreprise cliente auprès de laquelle je suis détachée, elle me paie des honoraires en contrepartie de mes prestations et je suis soumis à ma déontologie et au secret professionnel. Cela suppose que je reste indépendant, intellectuellement et financièrement. Si je ne le suis plus, ou si je décide d'être totalement intégré dans l'entreprise, le statut d'avocat, consubstantiel à l'indépendance et au caractère libéral, ne se justifie plus.

Nathalie Attias : C'est un peu le système du management de transition. C'est-à-dire un contrat de prestation de services, parce qu'on ne peut pas dire qu'on veut être avocat et en même temps salarié. Nous sommes une profession indépendante, nous n'avons pas été conçus pour être subordonnés, nous ne sommes aux ordres de personne, pas même des magistrats. Et nous n'allons pas sacrifier cette indépendance d'esprit que l'on doit toujours conserver pour accepter un statut d'avocat salarié. Nous voulons donc travailler en entreprise dans le cadre d'un contrat de prestation de services dans lequel nous conservons notre indépendance et, si nous le souhaitons, ultérieurement, nous pourrons vraiment intégrer l'entreprise en tant que salarié.

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