La lettre juridique n°593 du 4 décembre 2014 : Procédure civile

[Textes] Les incidences du décret sur la procédure de cassation

Réf. : Décret n° 2014-1388 du 6 novembre 2014, relatif à la procédure civile applicable devant la Cour de cassation (N° Lexbase : L7585I4P)

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par Guillaume Lécuyer, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, docteur en droit et Alice Meier-Bourdeau, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, docteur en droit

le 04 Décembre 2014

Le décret n° 2014-1388 du 6 novembre 2014, relatif à la procédure civile applicable devant la Cour de cassation (N° Lexbase : L7585I4P), modifie sur un certain nombre de points la procédure devant la Cour de cassation. Il fait suite aux propositions d'un groupe de travail mis en place le 31 octobre 2012 par le premier président de la Cour de cassation, portant sur la réforme de la procédure civile applicable devant la Cour de cassation, qui fut présidé par le Président Dominique Loriferne. Le décret, publié au Journal officiel du 8 novembre 2014, est entré en vigueur le 9 novembre suivant, les nouvelles règles étant donc applicables aux pourvois formés à partir de cette date. Voici de façon analytique les points saillants de cette réforme. I - Recevabilité du pourvoi
  • Pourvoi contre les décisions statuant sur la compétence

Toutes les décisions statuant sur la compétence peuvent désormais faire l'objet d'un pourvoi immédiat (C. pr. civ., art. 607-1 N° Lexbase : L7729I4Z), sans qu'il soit nécessaire qu'elles aient ou non également statué sur le fond du litige. Cette règle constitue une simplification salutaire, puisqu'auparavant, la recevabilité immédiate dépendait du point de savoir si la décision statuait sur contredit (pourvoi en principe recevable, v. par ex. Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-17.349 F-D N° Lexbase : A2588G9Q) ou sur appel (pourvoi immédiat en principe irrecevable, sauf en matière de compétence, internationale, arbitrale ou des juridictions administratives, v. not. Cass. civ.1, 7 mai 2010, trois arrêts, n ° 09-11.177 N° Lexbase : A1258EXU, n° 09-14.324 N° Lexbase : A1260EXX, FP-P+B+R+I, n° 09-11.178, FP-D N° Lexbase : A1259EXW et Cass. soc., 4 février 2014, n° 12-27.113, FS-P+B N° Lexbase : A9087MDW).

  • Pourvoi contre les décisions avant-dire droit

Les décisions avant-dire droit qui ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi immédiat peuvent être attaquées dans le délai de production du mémoire ampliatif soutenant le pourvoi dirigé contre la décision sur le fond (C. pr. civ., art. 608 N° Lexbase : L7850I4I). Cette nouvelle règle doit être approuvée : auparavant, lorsque l'on voulait critiquer les motifs d'un arrêt avant-dire droit, il était nécessaire que le pourvoi soit formé à la fois à l'encontre de cet arrêt et à l'encontre de l'arrêt statuant au fond. Ceci n'allait pas sans poser de difficultés pratiques dans les hypothèses où l'existence d'un tel arrêt avant-dire droit était seulement révélée lors de l'instruction du mémoire ampliatif et qui n'était pas apparente à la lecture de la décision sur le fond, donc à un moment où le délai de pourvoi était expiré.

Désormais, l'arrêt pourra être critiqué, dans le délai de production du mémoire ampliatif soutenant le pourvoi dirigé contre la décision sur le fond prévu par l'article 978 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7856I4Q). Ce pourvoi additionnel doit répondre à certaines conditions de forme à peine d'irrecevabilité : il faut impérativement indiquer "pourvoi additionnel" sur le mémoire ampliatif ou déposer un mémoire distinct mentionnant "pourvoi additionnel" notifié comme le mémoire ampliatif.

  • Pourvoi contre les décisions rendues par défaut

Une autre simplification bienvenue a été posée en matière de décisions rendues par défaut.

Auparavant, et en application de l'article 613 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6771H7W), le délai de pourvoi ne courait, à l'égard des décisions par défaut et même pour les parties qui ont comparu, qu'à compter du jour où l'opposition n'était plus recevable. Aussi, le pourvoi formé par une partie comparante en appel était irrecevable dès lors qu'il avait été formé à une date à laquelle la partie défaillante était encore en droit de former opposition (v. par ex. Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-10.788, FS-P+B N° Lexbase : A0078H3B).

Cela impliquait, lorsqu'un pourvoi devait être formé contre un arrêt rendu par défaut à l'égard d'au moins un défendeur, de faire signifier dans un premier temps l'arrêt au(x) défaillant(s) pour faire courir le délai d'opposition à leur égard et de former dans un second temps un pourvoi une fois ce délai expiré. Et si l'arrêt avait déjà été signifié à une partie comparante, il convenait par prudence de former un pourvoi dans le délai ouvert par cette signification contre toutes les parties. Concrètement donc, deux pourvois étaient formés contre le même arrêt.

Désormais, il n'est plus nécessaire de faire courir le délai d'opposition, quelle que soit la partie qui forme le pourvoi : seule la partie défaillante doit être forclose à faire opposition pour pouvoir former un pourvoi recevable (C. pr. civ., nouvel art. 613 N° Lexbase : L7851I4K).

  • Pourvoi contre les décisions statuant ultra petita

Désormais, il est clairement prévu que l'ultra petita est justiciable d'un pourvoi en cassation. La règle d'irrecevabilité reste en revanche valable pour l'infra petita. Le nouvel article 616 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7852I4L) prévoit ainsi expressément que l'omission de statuer doit faire l'objet d'une requête en complément prévue par l'article 463 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6574H7M), le pourvoi pouvant seulement être formé à l'encontre de la décision ayant statué sur une telle requête.

  • Pourvoi contre les décisions du premier président de la cour d'appel

Certaines décisions du premier président de la cour d'appel, susceptibles d'un pourvoi en cassation auparavant, ne peuvent désormais plus faire l'objet d'un tel pourvoi. Il s'agit principalement des décisions rendues en matière d'exécution provisoire (C. pr. civ., nouvel art. 525-2 N° Lexbase : L7721I4Q) ou qui autorisent l'appel en matière de sursis à statuer (C. pr. civ., art. 380, al. 3 N° Lexbase : L7845I4C). En revanche, le pourvoi demeure possible contre les décisions du premier président qui refusent d'autoriser l'appel en matière de sursis à statuer.

II - Procédure devant la Cour de cassation

  • Disparition de la nécessité de production de la signification à partie

L'article 611-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5873IAR), qui exigeait, à peine d'irrecevabilité du pourvoi, la production d'une signification à partie au plus tard dans le délai de production du mémoire ampliatif prévu par l'article 978 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7856I4Q), hors les cas où la notification de la décision susceptible de pourvoi incombe au greffe de la juridiction qui l'a rendue, est abrogé.

Il n'est donc plus nécessaire de produire une telle signification, pour les pourvois formés à compter du 9 novembre 2014. Pour les pourvois formés avant cette date, il paraît souhaitable, par prudence, de produire une telle signification.

Par ailleurs, le délai pour former un pourvoi en cassation, qui est de deux mois (C. pr. civ., art. 612 N° Lexbase : L6770H7U), court toujours à compter de la signification à partie : il demeure donc essentiel de signaler ou surveiller l'existence d'une telle signification à partie et de la produire, éventuellement, si une discussion sur la recevabilité du pourvoi est instaurée.

  • Productions obligatoires

Ainsi qu'évoquée, la production d'une signification à partie pour les pourvois formés à compter du 10 novembre 2014 n'est plus obligatoire.

Les seules productions qui demeurent obligatoires et qui doivent être remises dans le délai du dépôt du mémoire ampliatif, sont la décision attaquée et la décision confirmée ou infirmée par la décision attaquée (C. pr. civ., nouvel art. 979 N° Lexbase : L7857I4R).

En cas de transmission incomplète ou entachée d'erreur matérielle de l'un de ces documents, le conseiller rapporteur met en demeure l'avocat du demandeur de régulariser cette situation, dans les conditions prévues à l'article 981 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5879IAY) (C. pr. civ., nouvel art. 979).

  • Notification du mémoire ampliatif dans le délai de 4 mois

L'article 978 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7856I4Q) prévoit expressément qu'il faut notifier dans le délai de 4 mois à compter du pourvoi, le mémoire ampliatif aux avocats des autres parties et à la partie défenderesse qui n'est pas tenue de constituer un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation : le demandeur ne bénéficie donc pas du mois supplémentaire prévu par l'article 978 du Code de procédure civile pour notifier aux défendeurs qui n'ont pas constitué avocat, lorsque le défendeur est une partie dispensée du ministère obligatoire d'avocat (en particulier, le ministère public et les ministres de la Sécurité sociale et de l'Agriculture en matière de Sécurité sociale).

  • Avis à parties

Autre nouveauté introduite par le décret, l'extension de l'obligation d'informer les parties lorsque la Cour de cassation envisage de prononcer une cassation sans renvoi : désormais, en application de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7861I4W), le président de la formation ou le conseiller rapporteur doit aviser les parties lorsqu'il envisage de prononcer d'office une cassation sans renvoi. Cette information permettra aux parties d'examiner les difficultés qu'une cassation sans renvoi peut poser et de les faire connaître à la Cour de cassation.

  • Incidents d'instance

Le décret consacre la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur deux points.

En premier lieu, il est précisé expressément que le dépôt d'une requête tendant à la radiation du rôle pour défaut d'exécution par le demandeur de la décision attaquée interrompt les délais de production du mémoire en défense ou des pourvois incidents ou provoqués (C. pr. civ., art. 1009-1 N° Lexbase : L7859I4T).

Si la radiation est prononcée, elle rend impossible l'examen non seulement des pourvois principaux, mais encore des pourvois incidents. Avant de déposer une requête tendant à la radiation du pourvoi, il convient donc de s'interroger sur l'intérêt d'un éventuel pourvoi incident et de son examen rapide.

  • Non-admission

Le critère de la non-admission, c'est-à-dire la possibilité pour la formation restreinte de la Cour de cassation de déclarer non admis des pourvois, évolue. Cette non-admission ne dépend plus de la caractérisation d'un moyen non sérieux de cassation ou manifestement irrecevable mais d'un moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation (C. pr. civ., art. 1014 N° Lexbase : L7860I4U). Et l'appellation de "non-admission" est remplacée par décision de rejet non spécialement motivée. Enfin, l'article 1014 du Code de procédure civile prévoit que la Cour de cassation peut se dispenser de répondre à un moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, tout en répondant expressément aux autres critiques articulées (ce qu'elle faisait déjà en pratique).

  • Portée des arrêts de cassation

Désormais, il est expressément prévu que la portée de la cassation est précisée par le chef de dispositif de l'arrêt de cassation (et non plus par la portée du moyen qui constitue la base de la cassation) et s'étend (toujours) aux chefs qui sont indivisibles ou en lien de dépendance nécessaire (C. pr. civ., art. 625 N° Lexbase : L7854I4N).

De plus, la Cour de cassation peut, si cela lui est demandé, mettre une partie expressément hors de cause (C. pr. civ., art. 626 N° Lexbase : L8429IRM).

La nouvelle rédaction des articles 625 et 626 formalise en réalité la pratique de la Cour de cassation.

III - Pourvois du procureur général

Les pourvois formés par le procureur général près la Cour de cassation sont désormais régis par les articles 639-1 (N° Lexbase : L7722I4R) à 639-4 du Code de procédure civile.

En premier lieu, concernant le pourvoi dans l'intérêt de la loi, il est désormais prévu qu'il ne peut être formé que contre une décision ayant acquis force de chose jugée et irrévocable, c'est-à-dire contre une décision qui n'est plus susceptible d'aucun recours par les parties ou qui a été acceptée ou exécutée par les parties. Le délai ne peut dépasser cinq ans à compter du prononcé de la décision.

En deuxième lieu, concernant la forme d'un tel pourvoi, il est fait par requête motivée, déposée au greffe de la Cour de cassation, contrairement au droit commun où le pourvoi est formé par simple déclaration. Et il peut être dirigé contre les seuls motifs de la décision.

En troisième lieu, la procédure devient contradictoire : les parties sont donc avisées de l'existence d'un tel pourvoi et elles peuvent présenter des observations éventuelles dans un délai de deux mois à compter de cet avis, sans avoir besoin de constituer un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Si une annulation est prononcée, la décision attaquée conserve néanmoins tous ses effets entre les parties.

A l'inverse, lorsque le pourvoi est formé pour excès de pouvoir, également par requête motivée, l'annulation de la décision attaquée pour excès de pouvoir vaut à l'égard de tous (C. pr. civ., art. 639-3 N° Lexbase : L7724I4T).

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