La lettre juridique n°540 du 19 septembre 2013 : Libertés publiques

[Le point sur...] La liberté d'opinion, de croyance et de religion en France : principes généraux et directeurs

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par Lauréline Fontaine, Professeur de droit public, Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III

le 19 Septembre 2013

La liberté d'opinion, de croyance et de religion fait l'objet de textes internationaux et européens qui, dans l'ensemble, paraissent plus contraignants que les réglementations nationales. La France, notamment signataire du Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966, doit également intégrer les "standards" dégagés en la matière par la Cour européenne des droits de l'Homme. Il est à noter que, de ce point de vue, elle fait l'objet de condamnations régulières de la Cour, mais plutôt sur le fondement de l'article 10 relatif à la liberté d'expression (N° Lexbase : L4743AQQ), et non sur le fondement du respect de la liberté de croyance et de religion protégée par l'article 9 de la Convention (N° Lexbase : L4799AQS). L'article 1er de la loi du 9 décembre 1905, de séparation de l'Eglise et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL), dispose bien que "la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public". Cette prescription législative est aujourd'hui de nature constitutionnelle. Mais dans la seule véritable République déclarée laïque dans l'Union européenne, les questions religieuses notamment semblent se poser parfois avec plus d'acuité dans les autres pays de l'Union. Même si on peut distinguer sémantiquement la liberté de conscience ou d'opinion, la liberté de croyance et la liberté de religion, on parle plus volontiers, en France, de liberté d'opinion, expression qui englobe tout ce qui relève des pensées du for intérieur (l'expression de "for interne" étant souvent préférée). L'alinéa 5 du préambule de l'ancienne Constitution de 1946 (le préambule fait partie des sources constitutionnelles françaises actuelles), dispose que "tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés. Nul ne peut être lésé en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances". L'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1357A97), dispose lui que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi".

On doit donc bien distinguer la liberté d'opinion de la liberté d'expression de ces opinions. Il n'existe ainsi pas en France et à proprement parler de "délit d'opinion", en ce sens que des opinions, croyances et religions seraient limitées, voire niées. Aucune règle juridique positive ne peut, en tant que telle, limiter ou nier une opinion, croyance ou religion. Nonobstant, il faut tenir compte de ce que les règles qui régissent l'expression des différentes opinions, croyances ou religions, sont presque toujours susceptibles d'avoir des effets sur la substance elle-même de la liberté d'opinion de croyance ou de religion. S'il est peu ou prou établi juridiquement que la liberté d'opinion, de croyance ou de religion est un droit inaliénable, il faut pourtant se demander dans quelle mesure le régime de la liberté d'expression, c'est-à-dire les restrictions apportées à la libre expression des opinions, croyances ou religions, rejaillit sur la portée effective de la liberté juridique d'opinion, de croyance ou de religion. Cette interrogation, qui consiste à observer les effets de la réglementation d'un droit sur la réalité d'un autre droit, doit être menée tant au regard de l'espace public, puisque c'est principalement là que se réglemente l'expression d'opinions, de croyances ou de religions, mais aussi dans l'espace privé, comme l'a illustré récemment l'affaire de la crèche "Baby-Loup" (1).

L'espace "social" n'est en effet pas seulement public (voire il l'est de moins en moins), il est aussi privé. Cela oblige à poser des nouvelles questions sur le sens des restrictions à apporter à la libre expression des opinions, croyances et religions, dès lors que le social n'est pas uniformément composé mais au contraire composite. Dans les sociétés occidentales, ce dernier caractère n'est d'ailleurs pas seulement posé comme un fait. Il peut être posé aussi comme une nécessité : le pluralisme est ainsi à la fois le fruit d'un constat, celui de la diversité, et de la nécessité subséquente de ne pas engendrer de discriminations. Il est ensuite posé comme une valeur nécessaire au maintien du lien social. Cela signifie que la liberté d'opinion, de croyance et de religion ne s'apprécie pas seulement du point de sa réglementation comme droit, mais aussi, en vertu de la valeur du pluralisme, du point de vue des conditions matérielles effectives de jouissance de ce droit, qui peuvent très fortement entraver la réalité de la liberté. Dans les sociétés libérales contemporaines, on a plutôt tendance à considérer que la liberté d'opinion ne passe pas seulement par le for intérieur, qui, en soi, est inatteignable, mais aussi par la réalisation effective et épanouie de ses opinions, convictions, croyances et religions. L'Etat doit donc à la fois élaborer un cadre juridique adéquat et ne pas maintenir des conditions défavorables à la jouissance de ses opinions, voire, doit lui-même établir des conditions favorables.

Du point de vue du cadre juridique de la liberté d'opinion, de croyance et de religion, les positions françaises ne sont pas toujours comprises, ni d'ailleurs toujours cohérentes, qui rendent difficile l'appréciation sur la réalité de l'atteinte à la liberté elle-même. Si "le principe de la liberté de conscience et de culte doit prévaloir" (2), elle constitue aussi le fondement de la liberté d'expression qui, précisément, en devient le soutien. La France se caractérise notamment par le nombre de limites qu'elle pose pourtant à la liberté d'expression des opinions, croyances et religions. Si, contrairement à la plupart des autres pays démocratiques, il existe bien des limites matérielles (3), ce sont surtout des limites formelles et circonstancielles qui sont posées à la liberté d'expression des opinions, croyances et religions. La césure traditionnelle entre l'espace privé (I) et l'espace public (II) continue d'être dans une certaine mesure opérante, mais c'est peut-être de plus en plus la notion d'espace collectif qui pourrait être prise en compte, qu'il soit intrinsèquement privé ou public, déterminé par des activités privées ou publiques.

I - La libre expression des opinions croyances et religions dans l'espace privé

Le concept de société libérale et démocratique comprend l'idée que la séparation entre l'espace privé et l'espace public est aussi une séparation de droits : ce qui relève de l'espace privé n'est pas subordonné à d'autres règles que celles relatives à l'ordre public (on ne peut pas non plus commettre d'infractions dans l'espace privé), tandis que ce qui relève de l'espace public peut justifier des aménagements et restrictions supplémentaires aux droits. L'espace privé serait ainsi "libre" de la tutelle de l'Etat, et de ce fait distingue une société libérale et démocratique d'une société totalitaire, qui prétend souvent régenter les "consciences". Cela étant dit, il apparaît que l'espace privé ne peut pas être appréhendé de manière uniforme. On peut ainsi distinguer les espaces "personnels" des personnes physiques, à l'instar du domicile, des espaces "collectifs", relevant des personnes physiques et des personnes morales (entreprises, clubs, institutions privées), des espaces "publics" déterminés par des activités privées (les publications, productions artistiques et leurs lieux de diffusions, les commerces et centres commerciaux, les parkings, les restaurants, les cafés, ou encore les parcs d'attractions). Des affaires récentes ont montré que l'état du droit français est encore discuté, et qu'il n'a pas trouvé son point d'équilibre.

A - La libre expression des opinions, croyances et religions dans les espaces personnels

"La croyance fait partie de la sphère individuelle" (4) et ainsi, "une croyance religieuse quelle qu'elle soit ne peut en elle-même être constitutive d'un comportement fautif" (5). Dans un contentieux d'ordre familial par exemple, l'appartenance d'un parent à un groupe religieux, fût-il habituellement qualifié de secte, ne constitue pas en soi une donnée à prendre en compte par le juge (6).

La liberté afférente au for intérieur présente deux aspects qui permettent d'en mesurer la portée : un aspect lié à la délimitation effective de l'espace personnel, et l'aspect lié à la manière dont s'exprime la pensée relevant du for intérieur dans cet espace personnel.

La délimitation effective de l'espace personnel

Si le for intérieur paraît en soi inatteignable, ce qui pourrait apparaître comme ses manifestations matérialisées le sont moins : ce qu'on appelle les "lieux privés" sont les espaces ayant vocation à prolonger l'espace intime de la personne : le domicile, entendu largement, à la manière du droit pénal (7) et dans une certaine mesure le véhicule (8).

Le mode d'expression du for intérieur dans l'espace personnel

La liberté de "penser" est bien différente de la liberté de faire. "Hurler" à son domicile n'est pas une liberté dès lors que cela occasionne un trouble de voisinage. Une personne peut penser que la polygamie est une bonne pratique mais elle ne peut non seulement pas la pratiquer effectivement sans se mettre en état d'infraction, mais en plus elle ne peut pas non plus inciter à sa pratique par la voie d'une publication (qui, comme le nom l'indique, rend publique la pensée en question (9). L'espace personnel de liberté protégé par le droit s'arrête dès qu'un lien social apparaît, même si ce lien est familial. L'espace personnel est précisément le lieu des pensées intimes, en toute liberté, à la condition de ne pas franchir, par tous moyens, cet espace. Le franchissement se fait dès lors qu'elle met en jeu un lien social. Il en découle que la diffamation ou l'injure "privée" existe, qui est susceptible d'être punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe (C. pén., art. R. 621-1 N° Lexbase : L0962ABA et R. 621-2 N° Lexbase : L0963ABB). Même si elle difficile à prouver, son statut d'infraction montre que le social, et donc la place du droit, commence au-delà du for intérieur, seule limite véritable de la réglementation. L'expression extérieure de la pensée devient une action en présence d'autrui (cette présence pouvant d'ailleurs être différée s'il s'agit d'écriture).

N'est ainsi pas validé le prosélytisme d'une femme qui, fervente croyante, essaye constamment et de manière insistante de convertir son conjoint, ses parents et ses amis (10), ou encore celui du mari qui poursuit sa femme "en lui lisant des passages de la Bible, en la traitant de Satan et en lui indiquant qu'elle était l'incarnation du mal" (11). Ne l'est pas non plus le comportement qui consiste à exercer des pressions morales et psychologiques exercées sur des filles pour exiger qu'elles portent le voile (12), et pas non plus la circoncision pratiquée par le père sur son fils en cachette de la mère montrant que le père "est résolu à forcer la décision concernant l'éducation des enfants spécialement au plan religieux [et] qu'il a décidé de faire valoir coûte que coûte sa culture sur celle de la mère cherchant à séparer par des signes extérieurs indélébiles les enfants de cette dernière et de sa culture ou de ses opinions personnelles" (13). L'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 dispose ainsi que "sont punis de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte". Il est à noter que la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001, tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (N° Lexbase : L0266G8D), pénalise l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou la situation de faiblesse, en référence à des entreprises sectaires (C. pén., art. 223-15-2 N° Lexbase : L2214IEQ).

B - La libre expression des opinions, croyances et religions dans les espaces privés collectifs

L'accueil des personnes n'est pas un privilège des structures publiques, qu'il s'agisse d'entreprises purement commerciales, de structures à caractère institutionnel telles que des crèches ou des écoles (jusqu'à l'enseignement supérieur), ou encore des associations. La distinction entre structure privée et structure publique apparaît en France comme étant de moins en moins propre à cristalliser la manière de concevoir le vivre ensemble. Le critère pertinent semble bien être celui de l'accueil du "public". Mais la problématique est susceptible de se poser un peu différemment en fonction de la structure concernée, même si les débats actuels montrent plutôt une assimilation entre les différentes structures : qu'il s'agisse d'une crèche privée ou d'une entreprise, il faudrait voir de manière identique la question de l'expression des opinions, croyances et religions. Depuis que la Cour de cassation a annulé pour discrimination religieuse le licenciement par une crèche d'une femme revenue voilée après un congé (14), des propositions sont faites qui vont dans le sens du respect de la neutralité dans les entreprises, et plus généralement dans les structures privées accueillant du public (15). Il est vrai que la législation actuelle elle-même ne fait pas réellement de différence entre les structures, en proscrivant uniformément les discriminations fondées notamment sur les opinions, croyances et religions, quelques formes qu'elles empruntent.

Pour autant, aucun devoir de neutralité n'est imposé et, juridiquement, seul l'ordre public et l'activité sont susceptibles de justifier des restrictions. D'ailleurs, des juges du fond avaient estimé dans une autre affaire qu'à partir du moment où une salariée portait le foulard lors de l'entretien d'embauche et où l'employeur n'a émis aucune réserve, celui-ci a, en quelque sorte, renoncé à imposer des restrictions (16). Cela signifie qu'en l'absence de circonstances professionnelles essentielles et déterminantes, voire directes et impérieuses (par exemple, la sécurité), et à la condition que la mesure restrictive soit proportionnée, les personnes travaillant dans une entreprise, même lorsqu'elle accueille du "public", et même lorsqu'il s'agit d'enfants, peuvent librement exprimer leurs opinions, croyances et religions, en arborant par exemple des signes religieux distinctifs. L'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) prévoit que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché". De la même manière, l'article L. 1132-1 du même code (N° Lexbase : L8834ITD) prévoit "qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte [...], notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap".

L'article L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC) relatif au règlement intérieur va dans le même sens puisque celui-ci ne peut contenir "des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" (le 3° précise que le règlement intérieur ne peut pas non plus contenir "des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs moeurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap"). Une clause du règlement qui interdit aux salariés de discuter entre eux de sujets religieux ou politiques porte donc une atteinte excessive aux libertés des travailleurs (17). Serait aussi discriminatoire le licenciement d'une personne sur le fondement de son appartenance à un mouvement de pensée, dès lors que celui-ci n'a en lui-même pas d'incidence sur l'activité exercée (18).

Les entreprises privées dites "neutres" (et qui se distinguent des entreprises dites "de tendance" que l'on envisage un peu plus loin) réunissent ensemble des individus (dès lors qu'elles ne sont pas des entreprises unipersonnelles) qui ne sont pas spécialement unis par un autre lien que celui du travail. La diversité des opinions, croyances ou religions s'y pose donc comme un fait. Il apparaît qu'en pratique, la vie "en commun" dans l'entreprise laisse plus ou moins place à l'expression des diversités d'opinions, de croyances et de religions. Dans les entreprises "neutres", l'employeur ne se trouve pas dans l'obligation d'aménager le temps de travail ou les locaux pour faciliter l'exercice de pratiques religieuses de ses salariés. Il peut les tolérer, ou même s'y adapter, en mettant par exemple en place des lieux de prière dans l'entreprise. De la même manière, certaines entreprises sont indifférentes au port de signes religieux distinctifs, tandis que cela est plus ou moins explicitement proscrit dans d'autres entreprises. Certaines élaborent à cet égard des guides de conduite à destination des salariés exerçant des fonctions de direction et de gestion de personnel. L'employeur n'est pas non plus tenu d'accepter d'accorder des jours de congés pour des motifs religieux mais il devra motiver son refus devra reposer à partir d'éléments objectifs, c'est-à-dire en rapport avec l'activité de l'entreprise.

Dans le cas de salariés en contact avec la clientèle de l'entreprise commerciale, le juge admet des restrictions à la liberté d'exprimer son appartenance religieuse, lorsque l'entreprise en question souhaite véhiculer une image de neutralité religieuse, et que, dans ces circonstance, le port de signes religieux trop visibles risque de constituer une "gêne" potentielle vis-à-vis des clients (19). De ce point de vue, les contentieux sont encore limités. Sans doute aussi la loi du 11 octobre 2010, posant une interdiction de dissimuler son visage dans les espaces publics (N° Lexbase : L1365INU), est-elle destinée à s'appliquer aux salariés des entreprises qui précisément entrent en contact avec le public (sous réserve évidemment de l'activité en question : dans un parc d'attraction, on imagine mal de demander à Mickey de retirer son déguisement intégral au prétexte qu'il est en contact avec le public ! (20). Reste le cas du comportement excessif du salarié, qui peut avoir un comportement en contradiction avec son activité (le personnel d'un abattoir qui refuserait de couper de la viande de porc) ou se livrer à un prosélytisme condamnable (le prosélytisme ne l'étant pas en soi). Ainsi en est-il de ce salarié qui travaillait dans un magasin de farces et attrapes et qui plaçait en évidence, sur un meuble pourtant réservé à l'accueil, un drapeau confessionnel et distribuait tant au personnel qu'à la clientèle des livres religieux. Il insistait de plus pour qu'ils soient lus sur place, interpellait les clients et les passants sur le thème de la religion, et enfin diffusait dans le magasin des chants religieux. Ce comportement a évidemment été assimilé à un abus de prosélytisme et a outrepassé l'exercice normal du droit d'expression reconnu à tout salarié (21).

Il faut enfin faire une place spécifique aux structures privées qui ont précisément une vocation confessionnelle ou idéologique et qui, par définition, sont destinées à promouvoir une religion ou une idéologie. Il s'agit de ce qu'on appelle des entreprises "de tendance". Le caractère confessionnel ou idéologique d'une structure privée, n'autorise toutefois pas les discriminations fondées sur les opinions, croyances ou religions, mais au surplus doit parfois être concilié avec l'exigence de neutralité. Ainsi des établissements scolaires et des crèches qui, dès lors qu'ils reçoivent des subventions publiques, sont soumis de ce point de vue à un certain nombre d'obligations, comme celle par exemple d'accueillir des enfants de confessions différentes et de ne pas dispenser d'enseignements religieux déguisés. Le respect de ces obligations pose chaque année des difficultés aux conseils municipaux qui doivent se prononcer sur les subventions publiques sollicitées. C'est ainsi que les entreprises "de tendance" ne peuvent pas exiger de leurs salariés "une communauté de pensée et de foi avec l'employeur", contrairement à ce qu'a pu, à un moment donné, dire la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt "Fischer" (22). Il est nécessaire qu'un trouble soit caractérisé, qui peut être déterminé en rapport avec la finalité de l'entreprise, pour que des restrictions puissent être valablement apportées à la vie privée ou à la liberté individuelle du salarié (23), ce qui signifie que les cas d'incompatibilité entre le vie "privée" des salariés et l'image de l'entreprise ne sont que très rarement admis par la jurisprudence. Statuant sur renvoi après cassation dans l'affaire "Painsecq" (24), la cour d'appel de Paris relève que "si, dans certaines entreprises à tendance idéologique, l'employeur est en droit d'exiger de ceux de ses salariés chargés par lui d'une mission spirituelle un mode de vie et de pensée conforme à leurs finalités, tel n'est pas le cas de M. [X] qui n'avait pas de contact direct avec les fidèles et ne pouvait exercer sur eux aucune influence réelle". Rappelons qu'il s'agissait d'un aide-sacristain qui entretenait des relations homosexuelles.

C - La libre expression des opinions, croyances et religions dans des lieux "publics" déterminés par des activités privées

Nonobstant l'accueil du public, les espaces privés tels que les commerces, centres commerciaux et galeries marchandes, les parkings, parcs d'attraction ou encore les restaurants, cafés et brasseries ne sont pas, en dehors du respect des règles du droit du travail, astreints à des règles très strictes s'agissant de la neutralité. Chaque année par exemple, lors de fêtes de Noël, de nombreuses crèches sont présentes dans les centres commerciaux ou même marchés de Noël, opérations privées disposant d'une autorisation pour occuper alors l'espace public. Il n'y a pas non plus d'opposition à ce qu'un lieu de culte s'implante dans une galerie marchande, ou que des commerces généralistes mettent en vente des oeuvres religieuses. Dès lors, ces espaces privés accueillant du public peuvent être considérés comme des espaces où la neutralité ne s'impose pas (sauf lorsqu'elle est le fait de la personne privée elle-même, qui peut imposer par exemple certaines règles en ce sens à ses salariés, voir supra), qui laisse le champ libre à toutes sortes d'expression, et sous réserve des droits d'autrui, c'est-à-dire principalement encore d'actes de prosélytisme abusif ou d'actes de discrimination (et spécialement en droit du travail). Simultanément, ces espaces peuvent être considérés comme devant répondre à certaines exigences liées à l'accueil du public. L'interdiction de se dissimuler le visage posée par la loi du 11 octobre 2010 s'applique ainsi expressément aux "lieux ouverts au public" (article 2) (restaurants, cinémas, cafés, parcs d'attraction, commerces), comme des commerces peuvent vouloir spécifiquement véhiculer une image de neutralité auprès de public, justifiant qu'ils imposent à leurs salariés de se comporter adéquatement dans le cadre de l'accomplissement de leurs tâches.

Mais la notion de lieux publics déterminés par des activités privées ne doit pas seulement s'entendre des lieux de circulation des personnes. Ce qui est plus généralement mis à la disposition du public doit y être assimilé. Ainsi surtout des publications et de la diffusion radio-télévisée. Naturellement ces activités sont soumises aux règles générales de l'ordre public et l'interdiction de la discrimination s'applique sans distinction, y compris lorsque le support se prévaut d'un aspect idéologique ou confessionnel. Certaines règles supplémentaires ou spécifiques sont également susceptibles de s'appliquer. Ainsi de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), qui détermine les éléments propres à constituer une provocation publique (à la commission de crimes et délits notamment) par voie de publication. Ainsi des règles liées à l'exigence de pluralisme sur lequel doit théoriquement se construire la société française. Les moments de campagne politique déterminent ainsi des règles particulières dont le respect s'impose à tous les supports de diffusion, écrits, audiovisuels et électroniques, même lorsque le support a une vocation confessionnelle. Mêmes créés et exploités par des personnes privés et déterminant des espaces privés, les espaces destinés à accueillir du "public" sont soumis à des règles limitant l'expression des opinions, croyances et religions. Une procession visant à promouvoir une idéologie proscrite par la loi (l'idéologie négationniste par exemple), ne peut pas plus prospérer dans un espace privé ouvert au public que dans un espace structurellement public. L'idéologie, ou au moins son expression, est proscrite en soi, qui ne peut affleurer au-delà du for intérieur.

II - La libre expression des opinions croyances et religions dans l'espace public

La notion d'espace public est ici envisagée doublement, du point de vue de son aspect formel et du point de vue de son aspect matériel. Formellement on vise des lieux et des supports, c'est-à-dire des espaces collectifs publics. Matériellement, on vise des activités, les services publics, qui donnent lieu à une activité (les espaces institutionnels envisagés du point de vue des membres des institutions publiques) ou à une utilisation spécifique (les espaces institutionnels publics envisagés du point de leurs usagers).

A - Les espaces collectifs publics

Répondent à ce qualificatif la voie publique, les bâtiments et édifices publics. Le principe de la République française, laïque, implique leur neutralité du point de vue idéologique ou confessionnel. Les autorités publiques ne doivent donc promouvoir aucune idéologie ou religion en particulier, d'une part, en ne manifestant pas elle-même une quelconque idéologie ou religion (ce qui suppose par exemple que la présence de crucifix dans les mairies soit proscrite), d'autre part, en ne privilégiant aucune manifestation idéologique ou religieuse privée par rapport aux autres. Ainsi, "l'apposition d'un emblème religieux postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 1905, à l'extérieur comme à l'intérieur d'un édifice public communal, méconnaît à la fois la liberté de conscience, assurée à tous les citoyens de la République, et la neutralité du service public à l'égard des cultes quelconques" (25). Il existe toutefois des exceptions s'agissant de la question religieuse, puisque des signes religieux sont autorisés sur les sépultures et monuments funéraires, dans les musées et à l'occasion des expositions. Les espaces collectifs que représentent également la radio télévision publique impliquent également un même devoir de neutralité, mais sont également des lieux de soutien au pluralisme, religieux notamment, comme l'illustrent certains programmes religieux diffusés le dimanche matin à la radio et à la télévision.

Mais, de manière plus générale, le devoir de neutralité des espaces publics est en grande partie un devoir de non-discrimination vis-à-vis de manifestations "privées" dans l'espace public. Les manifestations de la liberté d'opinion, de croyance et de religion trouvent en effet le plus souvent une origine dans un autre espace que celui public. Par exemple, les bâtiments privés qui jalonnent la voie publique peuvent être le support de manifestations spécifiques qui, ainsi, se donneront quand même à voir dans l'espace public. Les personnes sont aussi et précisément des espaces "personnels" qui se donnent à voir dans l'espace public. Le droit semble distinguer ce qu'on peut qualifier de manifestations individuelles de la liberté d'opinion, de croyance et de religion, des manifestations collectives.

Les manifestations individuelles de la liberté d'opinion, de croyance et de religion dans les espaces collectifs publics

Dans l'ensemble, la jurisprudence admet les manifestations individuelles du culte ou d'idéologies dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à l'ordre public. L'apposition d'emblèmes religieux sur une maison privée est ainsi admise, comme le port d'un costume religieux (26). Mais évidemment, la loi du 11 octobre 2010, applicable depuis le 11 avril 2011, prévoit qu'il est formellement interdit de porter une tenue destinée à dissimuler son visage sur les voies publiques et dans les lieux ouverts au public ou affectés à un service public, disposition dont on sait qu'elle est destinée à interdire le port en public d'une tenue religieuse spécifique appelée burqa et qui couvre la totalité du visage.

Figurent aussi parmi les manifestations individuelles qui se donnent à voir dans l'espace public, les panneaux et affichages à vocation publicitaire ou informative. Ils sont parfois assez nombreux, et, en raison de leur grande visibilité, suscitent un certain nombre d'interrogations. Ils sont naturellement soumis au respect de l'ordre public (qui autorise par exemple à limiter l'affichage de personnes dénudées en fonction du message qui est véhiculé) et ne doivent pas diffuser de message discriminatoire. Pour autant, et en dehors de la réglementation spécifique concernant les lieux d'affichage, l'environnement et la cohérence avec l'environnement (les affichages dans les zones où se trouvent des monuments et installations classées se trouvent particulièrement réglementés), il n'existe pas beaucoup de restrictions réelles aux messages publicitaires. L'affiche provocatrice d'une oeuvre cinématographique, même considérée comme blasphématoire dans le cadre d'une religion, ne posera pas de difficulté en termes de légalité, sauf troubles avérés à l'ordre public.

Les manifestations collectives de la liberté d'opinion, de croyance et de religion dans les espaces collectifs publics

Contrairement à ce qu'une première idée pourrait laisser croire, la neutralité de l'espace public n'implique pas l'impossibilité que s'y exprime, par la voie privée principalement, toutes sortes d'idéologies, de croyances et de religions. Il apparaît même qu'il est du devoir des autorités publiques, sinon de les encourager, au moins d'en assurer l'effectivité et la sécurité.

L'état du droit distingue les manifestations "traditionnelles" des manifestations occasionnelles ou nouvelles. En principe, les processions traditionnelles sont autorisées (27), en dépit même de leur caractère irrégulier (28). S'agissant des processions non traditionnelles, une autorisation au cas par cas est donnée, sur laquelle le juge exerce un contrôle de proportionnalité au regard des troubles à l'ordre public susceptibles de survenir. Il apparaît que, depuis 1920, toutes les interdictions formulées de manière trop générales et absolues sont annulées. Nonobstant de fortes oppositions principielles, d'associations laïques notamment, les autorités publiques ne peuvent valablement interdire ce type de manifestations sans invoquer un trouble réel à l'ordre public. L'opposition de principe ne saurait en effet valoir comme un trouble à l'ordre public. En la matière, ce sont souvent des circonstances locales particulières qui peuvent justifier des mesures locales restrictives. Mais c'est sur le fondement du respect du principe de neutralité du domaine public et de l'intérêt général, qu'a pu être justifiée une délibération votée par un conseil municipal qui excluait la location d'une salle des fêtes à tout groupement ou organisme à caractère politique ou religieux, dans le but d'éviter que l'utilisation de cette salle ne provoque des conflits liés à des questions idéologiques ou religieuses (29).

B - Les espaces institutionnels : la question du point de vue des membres de l'institution

La neutralité du service public ne signifie pas seulement qu'il doit être matériellement conçu, réglementé et exécuté en dehors de toute discrimination fondée sur les opinions, croyances et religions ; elle signifie aussi qu'il doit être formellement et organiquement neutre. De la même manière qu'une entreprise privée peut poser des règles qui déterminent un message politique ou religieux déterminé, et qui supposent que les salariés exercent leur activité en conformité et sans contradiction avec ce message, le service public implique que ses agents exercent leur mission dans les conditions de la neutralité. Echappent seulement à cette obligation les titulaires d'une fonction politique et les enseignants-chercheurs (30), dans la mesure où la liberté de pensée et l'expression de cette liberté est constitutive de leur fonction. Pour le reste, les agents travaillant dans le cadre d'un service public sont soumis à l'exigence de neutralité et au devoir dit de "réserve" vis-à-vis de la mission qu'ils exercent. Cette obligation est toutefois nettement circonscrite. En dehors de l'exercice de leur activité, les agents recouvrent leur liberté d'opinion et d'expression de celle-ci. Plus, il existe aussi un égal accès aux emplois publics qui implique l'impossibilité pour la personne publique de tenir compte des opinions, croyances et religions pour retenir ou ne pas retenir un candidat (31).

La fonction publique doit donc être indifférente aux opinions, croyances et religions de ses membres mais ceux-ci sont tenus en retour à un devoir de neutralité dans l'exercice de leur mission. Ce devoir s'applique d'abord à leur tenue vestimentaire. Ainsi, "le fait pour un agent public, quelles que soient ses fonctions, de manifester dans l'exercice de ces dernières ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations professionnelles et donc une faute" (32). Dans cette affaire, il était reproché à l'agent concerné, contrôleur du travail, d'arborer le foulard islamique. Dans une affaire presque similaire, où une assistante sociale exerçant dans un établissement hospitalier portait le foulard islamique, le tribunal administratif de Paris a considéré que "le principe de laïcité de l'Etat et de ses démembrements et celui de la neutralité des services publics font obstacle à ce que ses agents disposent, dans l'exercice de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances religieuses, notamment par une extériorisation vestimentaire". L'établissement ayant vocation à accueillir des personnes sans abri, le tribunal a relevé que l'interdiction de manifester sa religion "trouve à s'appliquer avec une rigueur particulière dans les services publics dont les usagers sont dans un état de fragilité ou de dépendance" (33). Etant tenus à la neutralité physique, les agents des services publics ne sauraient non plus avoir de comportement prosélyte dans le cadre de l'exercice de leur activité, tandis qu'ils demeurent libres de le pratiquer en dehors du cadre de leur activité.

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 juillet 2006 estime que le fait de distribuer aux usagers du service public dans lequel il travaille (comme agent d'exploitation du service général de la Poste), des imprimés à caractère religieux constitue "un manquement à l'honneur qu'implique nécessairement la déontologie du service public, dans la mesure où une telle attitude, par le trouble qu'elle génère, est de nature à instiller, tant dans le service qu'auprès des usagers, un doute non seulement quant à la neutralité de l'intéressé mais également sur celle qui s'attache au service public" (34). Dans une autre affaire, le tribunal administratif de Versailles précise que "pour apprécier la gravité d'un manquement au principe de neutralité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment, de la nature et du degré du caractère ostensible de la manifestation des croyances religieuses ainsi que de la nature des fonctions exercées" (35). Quoiqu'il en soit, et en dehors de tout comportement prosélyte, il y a manquement au principe de neutralité lorsque, par exemple, un agent a utilisé les moyens de communication du service au profit d'une association religieuse et qu'il apparaissait sur le site de cette association, en qualité de membre de celle-ci (36).

C - Les espaces institutionnels : la question du point de vue des usagers de l'institution

De prime abord, la question des usagers paraît pouvoir être envisagée simplement et uniformément. Si on comprend les restrictions apportées à l'expression des opinions, croyances et religions des personnes travaillant dans le cadre d'un service public dont la vocation est la neutralité et l'absence de pratiques discriminatoires, la question se pose autrement pour les usagers de ces services. On imagine difficile d'exiger des usagers qu'ils changent de vêtements lorsqu'ils se rendent au guichet d'un service public dans le but de conforter la vocation laïque du service public. Au contraire, la neutralité du service public implique un égal accès de tous les usagers, indépendamment d leurs opinions, croyances et religions. Toutefois, la manifestation de celles-ci peut être envisagée différemment selon que l'usager participe ou non positivement à l'activité du service public. C'est le cas de ce que l'on nomme en général des institutions "fermées", à l'instar des écoles, ou, de manière plus complexe, les établissements d'incarcération.

Les établissements scolaires font quotidiennement vivre ensemble des agents et des usagers du service public. Si les agents ont un devoir de neutralité, se pose la question des usagers, c'est-à-dire celle des élèves. Les signes "discrets" sont dans l'ensemble admis dans les établissements scolaires, mais, depuis la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics (N° Lexbase : L1864DPQ), "le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". Les usagers sont donc en quelque sorte soumis à un devoir minimum de neutralité, qui s'envisage comme la préservation de la liberté de chaque élève, confronté quotidiennement à la pratique des autres élèves. La réglementation est ainsi un peu différente en fonction du niveau d'enseignement et de la maturité supposée des élèves vis-à-vis de ces questions. Ainsi, la présence de la religion dans les établissements scolaires n'est pas complètement exclue, puisque dans les internats, les collèges et les lycées, un service d'aumônerie peut être organisé, et des cultes conséquemment célébrés.

On comprend que dans les établissements d'incarcération, les personnes considérées comme des "usagers" du service public, envisagent très spécifiquement la question de la liberté d'opinion et singulièrement celle de religion, car l'espace carcéral reste le seul possible comme espace de pratique de la religion. Des plaintes périodiques sont manifestées par les détenus (relayées notamment par le contrôleur général des lieux de privation de liberté), alors que l'article R. 57-9-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0357IPW) dispose qu'"il appartient à l'administration responsable des lieux de privation de liberté de pouvoir satisfaire aux exigences de la vie religieuse, morale ou spirituelle". L'avis du 24 mars 2011 rendu par le contrôleur général des lieux de privation de liberté se prononce sur cette question, qui rappelle l'état du droit des détenus et pose un certain nombre d'obligations, du point de vue de l'alimentation notamment.

Mis à part les cas de limitation claire de la libre manifestation de certaines opinions, croyances ou religions qui distinguent la France de beaucoup d'autres pays, si la France veut se conformer aux standards européens en matière de liberté d'opinion, de croyance et de religion, elle doit sans aucun doute prendre les mesures nécessaires à la jouissance effective de cette liberté, notamment lorsque l'espace privé des personnes se trouve réduit à sa portion congrue, comme c'est le cas dans les lieux de privation de liberté.


(1) Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8).
(2) CA Pau, 1er mars 1999.
(3) Certaines opinions ou "sentiments" sont tout simplement pénalisés en tant qu'opinions, voir La liberté d'expression : quel droit de parler, écrire, mettre en scène ou représenter, Lexbase Hebdo n° 262 du 11 octobre 2012 - édition publique (N° Lexbase : N3839BTD).
(4) CA Pau, 28 janvier 2002.
(5) CA Bordeaux, 26 novembre 2002.
(6) CA Bordeaux, 2 mai 2001.
(7) Cass. crim., 26 février 1963, n° 62-90.653 (N° Lexbase : A0291CKY) : "le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, qu'elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux".
(8) Cass. crim., 12 avril 2005, n° 04-85.637, FS-P+F (N° Lexbase : A9775DHI) : "ni l'intervention des services de secours ni l'exposition involontaire aux regards d'autrui d'une victime gravement atteinte lors d'un accident ne font perdre au véhicule la transportant son caractère de lieu privé au sens de l'article 226-1 du Code pénal, et qu'est prohibée par ce texte la fixation en un tel lieu, sans autorisation de la personne concernée, de toute image portant atteinte à l'intimité de sa vie privée".
(9) Voir les articles 23 et 27 de la loi du 29 juillet 1881.
(10) CA Aix-en-Provence, 5 décembre 1986.
(11) TGI Toulouse, 20 avril 1993.
(12) Cass. civ. 1, 24 octobre 2000, n° 98-14.386 (N° Lexbase : A7631AH4).
(13) CA Poitiers, 21 novembre 2000.
(14) Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I, préc..
(15) Des propositions spécifiques concernant les structures accueillant de jeunes enfants ont aussi été faites : voir, par exemple, la proposition législative n° 56 rectificative lors de la session législative 2011-2012, alors que la Cour de cassation n'avait pas encore rendu son arrêt.
(16) CA Paris, 18ème ch., sect. C, 19 juin 2003, n° 03-30.212 (N° Lexbase : A8172C9K).
(17) CE, 25 janvier 1989, n° 64296, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1768AQK).
(18) CA Paris, 8 décembre 1999 : licenciement d'une salariée de la société Air Liquide après la parution d'un article du journal Le Monde dans lequel elle faisait état de sa qualité de directrice scientifique de Clonaid. C'est ce rapprochement avec la secte des Raëliens qui était présenté comme le motif principal du licenciement. La cour de Paris rappelle que, "en l'absence de prosélytisme à l'intérieur de l'entreprise, l'employeur ne peut faire état des convictions de la salariée pour procéder à son licenciement".
(19) Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-43.988, F-P (N° Lexbase : A0702AXB).
(20) Voir, en ce sens, l'article 2 de la loi.
(21) CA Rouen, 25 mars 1997.
(22) Cass. soc., 20 novembre 1986, n° 84-43.243 (N° Lexbase : A2194AAI).
(23) Cass. soc. 17 avril 1991, n° 90-42.636 (N° Lexbase : A3738AAP).
(24) Cass. soc. 17 avril 1991, n° 90-42.636, préc..
(25) CAA Nantes, 3ème ch., 4 février 1999, n° 98NT00207, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5549BMH).
(26) CE, S., 19 mars 1909, n° 24039, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2874B8X).
(27) CE, 3 décembre 1954, Rastouil, Rec. 639.
(28) CE, 26 avril 1950, Abbé Dalque, Rec. 234.
(29) CE 3° et 5° s-s-r., 21 mars 1990, n° 76765, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5544AQE).
(30) Cons. const., décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993 (N° Lexbase : A8282ACQ).
(31) Voir la célèbre jurisprudence "Barel", CE Ass., 28 mai 1954, n° 28238, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9107B8S).
(32) CAA Lyon, Plén., 27 novembre 2003, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5221DLX), AJDA, 2004, p. 154, note F. Melleray.
(33) TA Paris, 17 octobre 2002, AJDA, 2003, p. 99, note M.-Ch. De Montecler.
(34) CAA Nancy, 3ème ch., 6 juillet 2006, n° 04NC00898, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5294DQ7).
(35) TA Versailles, 7 mars 2007, AJFP, 2007, p. 208, note O. Guillaumont.
(36) CE 1° et 2° s-s-r., 15 octobre 2003, n° 244428, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8444C9M).

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