La lettre juridique n°540 du 19 septembre 2013 : Éditorial

Projet de loi relatif à la consommation : entre le bon, la brute et le truand

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Le 13 septembre 2013, le Sénat adoptait, en première lecture, le projet de loi "relatif à la consommation". Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec 705 amendements déposés, le texte soumis au vote des parlementaires était loin de faire l'unanimité et loin de marquer la cohésion entre les pouvoirs exécutif et législatif sur un domaine qui, pourtant, aurait dû rassembler le plus grand nombre.

C'est qu'à bien regarder, le projet de loi porte bien son nom : il est simplement "relatif à consommation" ; delà à y être "favorable", alors que le vocable apparaît souvent littéralement dans la dénomination des textes de loi pour marquer sa noble ambition, il y a un pas que personne n'osera franchir.

L'appareil de production en berne, la France avait manifestement besoin de mettre la consommation en "boîte". L'encadrement législatif est une habitude française, quelle que soit la majorité parlementaire ; la confiance est sans doute la vertu la moins partagée dans l'économie tricolore. Et, avec les loyers et l'égalité homme-femme, il semblait nécessaire de ressortir, maintenant, le serpent de mer du droit de la consommation : l'action de groupe.

Mais, de peur d'avoir ouvert la "boîte de Pandore", le législateur a tenté de circonscrire l'initiative d'une telle action aux associations de consommateurs agréées. Pour quelle raison ? Plutôt que de laisser le soin aux avocats chargés, jusqu'à preuve du contraire, de la défense des plus faibles ? Nul ne le sait véritablement. Un agrément n'a jamais remplacé une déontologie ; et laisser l'initiative d'une telle démarche judiciaire à une association de consommateurs, "Fouquier-Tinville des temps modernes", c'est laisser le champ à l'arbitraire ; c'est nécessairement permettre que certains "combats" ne soient pas menés. Pire, c'est laisser à un non-avocat le soin de conduire une stratégie judiciaire à la place du client, sans aucune garantie déontologique, ni responsabilité professionnelle.

On sait la méfiance des pouvoirs publics à l'égard de l'auxiliaire de justice encombrant ; l'image de la judiciarisation de la société américaine aura hanté les esprits de nos parlementaires. C'était sans compter sur un mouvement de fond conduisant, au contraire, à une déjudiciarisation des contentieux avec le développement progressif des modes alternatifs de règlement des litiges et la simplification continuelle du droit, d'une part ; et sur la déontologie de la profession d'avocat qui interdit à ce dernier de "courir le cachet" au lit des désoeuvrés et malades de tout poil, d'autre part. L'avenir dira si la voie médiane, confiant au juge le soin de définir la catégorie de consommateurs lésés entrant dans le champ de l'action de groupe, tout autant que le montant empirique du préjudice matériel subi, était la bonne.

Autre volet d'importance de ce projet de loi : la réglementation du démarchage et de la vente à distance. Le cadre actuel est, pour sûr, obsolète, lorsqu'il y va du développement du commerce électronique du XXIème siècle, pour ne pas le nommer. Pour autant, l'instauration tout azimut d'une obligation d'information précontractuelle aboutira-t-elle au développement souhaité ou, au contraire, le freinera-t-elle ? Non que la transparence nuise au commerce -encore que l'on ne voit pas très bien, alors, pourquoi la mention "fait maison" ne fait l'objet que d'une "possibilité" offerte aux restaurateurs et non d'une obligation ?-, mais il est certain que l'ensemble des nouvelles dispositions protectrices des consommateurs votées fera pâlir les enseignes habituées à un démarchage et à une simplification, parfois à l'excès, des modalités d'achat ou de souscription pour leurs clients et prospects.

Heureusement, le projet loi est, aussi, plus "léger" ; puisqu'on y trouve la libéralisation du marché des tests de grossesse, comme celui des produits de lentilles optiques. Est-ce le fruit d'un lobbying -désormais parfaitement encadré lui aussi- d'une de ces associations de consommateurs agréées ? Il n'est pas certain que cette libéralisation conduise véritablement à l'amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs visés. On y trouve, également, la tarification à la minute dans les parkings -mesure étonnamment en faveur des automobilistes pourtant bannis des centres villes par les alliés de la majorité-.

Plus sérieusement, le projet de loi inscrit, désormais, dans le marbre le droit universel d'accéder à un réseau de téléphonie ou à un réseau internet ; droit reconnu par la Cour européenne des droits de l'Homme. Désormais, les conditions de résiliation et de paiement en faveur des consommateurs seront telles qu'il est toutefois à craindre une sélection d'usage, par les opérateurs concernés, de leurs clients, à l'image des banques... Sauf à ce qu'il soit confié à l'opérateur historique le soin d'assurer un service public minimum en la matière -ce qui serait des plus étonnants pour une société cotée-.

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