La lettre juridique n°311 du 3 juillet 2008

La lettre juridique - Édition n°311

Éditorial

Titrisation : entre libéralisation et sécurité juridique

Lecture: 2 min

N4916BG8

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014



"Le monde est au risque. Le monde sera demain à qui risquera le plus, prendra plus fermement son risque" écrivait Georges Bernanos, dans Les Grands Cimetières sous la lune.

A première vue, la réforme de la titrisation, opérée par l'ordonnance du 13 juin 2008, relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances, aurait pu rester parfaitement inaperçue, comme bon nombre de textes à caractère législatif relevant d'une complexité certaine. Mais, cette réforme se confondait dans un contexte ô combien plus médiatique : celui de la crise des subprimes. C'est donc tout naturellement que béotiens comme spécialistes des marchés financiers ont prêté une attention toute particulière à la transposition, dans notre droit français, de la Directive du 16 novembre 2005.

Pour mémoire -et assez grossièrement-, la titrisation est une opération financière par laquelle sont transférés à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances, en transformant ces dernières, par le truchement d'une société ad hoc, en titres financiers émis sur le marché des capitaux. La crise des subprimes aura, ainsi, mis en lumière certaines dérives dans l'utilisation de la titrisation des créances immobilières, notamment, aux Etats-Unis. En effet, ce marché des subprimes a gonflé, grâce à l'utilisation de la titrisation, car plus les organismes de crédits titrisaient leurs prêts déjà octroyés, plus ils avaient de finances pour en octroyer de nouveaux. De plus, les subprimes titrisés ont été mélangés à d'autres produits et re-titrisés plusieurs fois successives à l'échelle mondiale, de sorte qu'il est devenu très difficile de savoir qui détient des produits liés à des subprimes et en quelle quantité. Créances amalgamées, agences de notation financières discréditées, telles semblaient être les ressorts principaux ayant concouru à cette crise.

Toutefois, la titrisation revêt, malgré ce type de dérives, plusieurs avantages indéniables. Elle permet d'accéder à de nouvelles sources de financement (dans un contexte économique qui ne prête pas nécessairement à la prise de risque), en remployant efficacement des créances parfois difficilement recouvrables, permettant de transformer un portefeuille illiquide en des titres liquides. Ensuite, la titrisation permet, téléologiquement, de transférer les risques financiers. Le risque de perte sur le portefeuille est passé chez les investisseurs, ce qui signifie que si le portefeuille se révèle, en définitive, de mauvaise qualité et si les flux générés sont insuffisants, c'est l'investisseur qui subira, le cas échéant, une perte financière.

C'est pourquoi il était impératif d'en moderniser l'encadrement juridique dont les arcanes dataient de 1988 et de l'instauration des fonds communs de créances. Ainsi, l'ordonnance du 13 juin 2008, sur laquelle revient cette semaine, Alexandre Bordenave, Juriste, Chargé d'enseignement à l'ENS de Cachan, procède à la création d'un véhicule de titrisation doté de la personnalité morale, la société de titrisation, qui coexistera avec le véhicule non doté de la personnalité morale, renommé "fonds commun de titrisation". La création de ce véhicule répond à l'objectif de favoriser l'utilisation internationale du véhicule de droit français en remédiant au risque de pénalisation fiscale dont pâtissent aujourd'hui les opérations de transferts de créances étrangères à un véhicule français. Cette ordonnance élargit, également, les possibilités de gestion active des organismes de titrisation en ouvrant aux sociétés de gestion de portefeuille la possibilité de gérer des organismes de titrisation, sous le contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Elle ouvre, enfin, la possibilité aux organismes de titrisation de supporter des risques d'assurance et définit le régime applicable aux opérations de titrisation auxquelles procèdent les entreprises d'assurance et de réassurance françaises.

"Plus faibles sont les risques, meilleure est l'entreprise" versifiait Sophocle dans son Philoctète.

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Concurrence

[Focus] Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34

Lecture: 1 min

N5077BG7

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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris

Le 07 Octobre 2010

Fort de plus de 250 spécialistes en droit de la concurrence ou en droit économique, basés dans 15 pays, le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer est l'un des cabinets d'avocats les plus reconnus dans le monde en droit de la concurrence. Fondé en 1999, le Groupe Droit Economique et de la Concurrence de Freshfields Bruckhaus Deringer Paris est animé par Jérôme Philippe et Thomas Janssens, Associés, et comprend onze collaborateurs, juristes et économistes, totalement dédiés à cette matière. Le Groupe Droit Economique et de la Concurrence de Freshfields Bruckhaus Deringer Paris intervient en droit de la concurrence français et communautaire, ainsi qu'en droit de la distribution et de la consommation. Les membres de l'équipe interviennent à la fois comme conseils et dans le cadre de contentieux, auprès de clients français et étrangers, d'entreprises et d'institutions publiques et privées. Dans ce domaine, le cabinet a développé une pratique reconnue sur le marché dans le domaine du contrôle français et communautaire des concentrations, des ententes et positions dominantes (devant les autorités françaises et communautaires) ainsi que sur le terrain des aides d'Etat (du côté de l'Etat, des banques, des entreprises bénéficiaires ou des concurrents). C'est pourquoi, désireux d'apporter l'information la plus claire et la plus complète qui soit sur un domaine juridique aux implications complexes et critiques pour la vie des affaires, les membres du Groupe Droit Economique et de la Concurrence de Freshfields Bruckhaus Deringer Paris (Jérôme Philippe et Thomas Janssens Associés ; Amélie Alduy, France-Hélène Boret, Sébastien Dominguez, Caroline Evrard, François Gordon, Ivan Gurov, Aude Guyon, Florence Kramer, Delphine Liégeon, avocats et juristes), en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionnent tous les six mois, l'essentiel de la législation et de la jurisprudence communautaire et nationale en droit de la concurrence. I Législation communautaire
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la législation communautaire - Freshfields Bruckhaus Deringer (N° Lexbase : N5037BGN)

II Législation française

  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la législation française - Freshfields Bruckhaus Deringer (N° Lexbase : N5006BGI)

III Jurisprudence communautaire

  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence communautaire - Freshfields Bruckhaus Deringer (première partie) (N° Lexbase : N4961BGT)
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence communautaire - Freshfields Bruckhaus Deringer (deuxième partie) (N° Lexbase : N4963BGW)
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence communautaire - Freshfields Bruckhaus Deringer (troisième partie) (N° Lexbase : N4964BGX)

IV Jurisprudence française

  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence française - Freshfields Bruckhaus Deringer (première partie) (N° Lexbase : N5038BGP)
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence française - Freshfields Bruckhaus Deringer (deuxième partie) (N° Lexbase : N5050BG7)
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence française - Freshfields Bruckhaus Deringer (troisième partie) (N° Lexbase : N5060BGI)
  • Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 34 : panorama de la jurisprudence française - Freshfields Bruckhaus Deringer (quatrième partie) (N° Lexbase : N5065BGP)
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Licenciement

[Jurisprudence] Le caractère réciproque de l'obligation de préavis

Réf. : Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-42.161, Société Highlands hôtesses c/ Mme Andrée Cuadro, FS-P+B (N° Lexbase : A2312D9I)

Lecture: 6 min

N4902BGN

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



A trop insister sur le droit au préavis du salarié licencié, on en oublierait presque qu'il constitue, également, pour lui, une obligation. De manière plus générale, et ainsi que le souligne la Cour de cassation dans un arrêt du 18 juin 2008, qui sonne comme un rappel, l'obligation de respecter le délai-congé s'impose aux parties au contrat. Partant, et sauf à en être dispensé par son employeur, le salarié, qui n'a pas exécuté son préavis, lui doit une indemnité compensatrice.


Résumé

L'obligation de respecter le délai-congé s'impose aux parties au contrat. Il s'en déduit que, lorsqu'il n'en a pas été dispensé, le salarié qui n'a pas exécuté son préavis doit à l'employeur une indemnité compensatrice.

Commentaire

I - L'obligation de respecter le délai-congé

  • Une obligation générale

Que le salarié vienne à démissionner ou qu'il soit licencié par son employeur, un délai-congé doit, dans les deux cas, être respecté. Plus précisément, lorsque la rupture du contrat de travail a lieu à l'initiative du salarié, l'existence et la durée du délai-congé résultent soit de la loi, soit de la convention ou de l'accord collectif de travail. En l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, l'existence et la durée d'un délai-congé résultent des usages pratiqués dans la localité et dans la profession .

En matière de licenciement, qui seul nous intéressera ici, la durée du préavis varie selon l'ancienneté. En dessous de six mois d'ancienneté, le salarié a droit au délai de préavis éventuellement prévu par les normes conventionnelles applicables dans l'entreprise ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession . Entre six mois et deux ans d'ancienneté le minimum légal est d'un mois (C. trav., art. L. 1234-1, 2°, art. L. 122-6, anc.). Au-delà de deux ans, le délai est de deux mois (C. trav., art. L. 1234-1, 3°, art. L. 122-6, anc.) (1).

L'obligation de préavis tend, aujourd'hui, à se généraliser. Il faut, ainsi, noter que la loi portant modernisation du marché du travail, dont on sait qu'elle est venue réglementer la période d'essai, impose le respect d'un délai-congé lorsque la rupture intervient durant cette période (2). Pour l'heure, seule la rupture conventionnelle échappe à une telle exigence, au moins en application de la loi (3).

  • Une obligation réciproque

Le préavis est une obligation réciproque dont la finalité est d'assurer un délai de prévenance entre l'employeur et le salarié avant qu'il ne soit mis fin au contrat de travail (4). En l'espèce, les juges du fond avaient quelque peu laissé de côté ce caractère réciproque de l'obligation ou, plus exactement, en avait retenue une bien curieuse interprétation que l'on qualifiera, au mieux, de téléologique.

Engagée le 2 mars 2005, une salariée avait été licenciée le 14 décembre suivant par son employeur avec préavis d'un mois (5). La salariée n'ayant pas exécuté son préavis, la société employeur avait saisi le conseil de prud'hommes en paiement d'une somme à titre d'indemnité de préavis. Pour la débouter, le jugement attaqué avait énoncé que la rupture étant à l'initiative de l'employeur, c'est ce dernier qui devait un préavis d'un mois à la salariée. Ce préavis n'ayant pas été effectué et la salariée n'ayant pas été payée pendant celui-ci, elle ne devait aucun préavis. Et les juges prud'homaux d'ajouter que la salariée n'avait pas pris l'initiative de la rupture et que la notion de réciprocité s'entend en fonction de l'initiative de la rupture.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation qui, au visa de l'article L.122-8, alinéa 1er (N° Lexbase : L5558ACT), devenu l'article L. 1234-5 du Code du travail , rappelle que l'obligation de respecter le délai-congé s'impose aux parties au contrat et qu'il s'en déduit que, lorsqu'il n'en a pas été dispensé, le salarié qui n'a pas exécuté son préavis doit à l'employeur une indemnité compensatrice.

Cette décision doit être entièrement approuvée. Le caractère réciproque de l'obligation de préavis signifie que le délai-congé est obligatoire pour les deux parties, quel que soit l'auteur de la rupture. En d'autres termes, lorsque le salarié est licencié, le délai-congé n'est pas seulement un droit pour lui, il constitue, également, une obligation. De même, en cas de démission, l'employeur est, à la fois, créancier et débiteur du préavis vis-à-vis du salarié (6).

II - L'inexécution du délai-congé

  • La dispense par l'employeur

En principe, l'employeur et le salarié continuent à exécuter les obligations nées du contrat de travail pendant toute la durée du délai-congé. L'employeur dispose, cependant, du droit de dispenser unilatéralement le salarié de son préavis. C'est ce que reconnaît implicitement l'article L. 1234-5 du Code du travail, en affirmant que "la dispense par l'employeur n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise" (7).

La faculté, ainsi reconnue à l'employeur de dispenser le salarié de l'exécution de son préavis, peut être exercée, non seulement, en cas de licenciement, mais, aussi, lorsque le contrat est rompu à l'initiative du salarié. Le caractère unilatéral du droit interdit au salarié de s'opposer à cette dispense et d'exiger, par suite, de continuer de travailler (8). Cela relativise quelque peu la règle précédemment vue, selon laquelle le délai-congé est un droit pour le salarié ou plus exactement que le droit au préavis ne se confond pas avec le droit de travailler...

Il convient, enfin, de souligner que, lorsque le salarié demande à l'employeur d'être dispensé de travailler pendant le délai-congé et que l'employeur y consent, la dispense de travail ne s'accompagne plus du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (9). Ainsi que le relèvent MM. Pélissier, Supiot et Jeammaud, "il s'agit plus, dans ce cas, d'une dispense de préavis que d'une dispense de travail pendant le préavis ; le salarié et l'employeur sont l'un et l'autre déliés des obligations auxquelles le contrat de travail avait donné naissance" (10).

  • L'inexécution fautive du préavis par le salarié

L'inexécution du préavis par le salarié qui a démissionné constitue, à l'évidence, une faute exigeant réparation. A l'instar des juges du fond dans la présente espèce, on pourrait considérer qu'il n'en va pas de même lorsque le salarié perd son emploi en raison du licenciement décidé par l'employeur qui "doit" le préavis. Un tel raisonnement apparaît, cependant, en contradiction avec le fait que le délai-congé constitue, à la fois, un droit et une obligation pour le salarié (11). Partant, alors même qu'il a été licencié, le salarié se doit de respecter le préavis. A défaut, il se rend, là encore, coupable d'une faute.

Dans tous les cas d'inexécution fautive du préavis par le salarié, l'employeur pourra prétendre à une indemnité égale aux salaires que le salarié aurait perçus jusqu'à l'expiration du préavis (12). Cette indemnité, qui présente un caractère forfaitaire (13), est indépendante de la réparation du préjudice supplémentaire qui peut être causé à l'employeur en cas de rupture abusive.

En conséquence, et pour en revenir à l'arrêt rapporté, la juridiction de renvoi n'aura d'autre choix que d'accorder à l'employeur une indemnité d'un mois de salaire, correspondant au préavis de licenciement que la salariée était tenue de respecter, faute d'en avoir été dispensée par l'employeur.

Pour conclure, et en s'écartant de la décision commentée, nous souhaiterions évoquer une situation qui n'a, pour l'heure, pas été envisagée par la Cour de cassation. Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail.

Il est, aujourd'hui, acquis que, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission (14).

Il ne fait guère de doute que, lorsque la prise d'acte produit les effets d'un licenciement, le salarié sera en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis puisqu'il n'a pu en bénéficier par la faute de l'employeur. Cela étant, on est légitimement en droit de se demander si l'employeur n'est pas à même d'exiger le versement d'une indemnité lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission (15). Dans ce cas, en effet, le salarié se rend bien coupable d'une inexécution fautive de l'obligation en cause. Il est, toutefois, possible de rétorquer que cette solution est à écarter, dans la mesure où la prise d'acte entraîne la rupture immédiate de la relation de travail (16). Cela étant, la date de la rupture ne saurait être confondue avec le terme de la relation de travail, qui intervient au terme du préavis. Partant, l'hypothèse envisagée apparaît parfaitement plausible (17).


(1) Le dernier alinéa de l'article L. 1234-1 du Code du travail dispose, classiquement, que "les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorables pour le salarié".
(2) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B) (JO du 26 juin 2008, p. 10224) ; C. trav., art. L. 1221-19 et s.. Ce délai de prévenance, qui est de vingt-quatre ou quarante-huit heures en cas de rupture à l'initiative du salarié, est compris entre vingt-quatre heures et un mois lorsque la rupture émane de l'employeur. On peut trouver étrange d'imposer un délai de prévenance d'un mois à un employeur qui, par hypothèse, n'est pas satisfait des compétences du salarié...
(3) Sur la prise d'acte de la rupture, v. infra. Un préavis doit, également, être respecté en cas de départ ou de mise à la retraite.
(4) Le préavis permet, en pratique, au salarié licencié de rechercher un autre emploi et à l'employeur de pourvoir au remplacement du salarié qui a démissionné.
(5) Il est précisé, dans l'arrêt, que le contrat de travail de la salariée prévoyait, en son article 3, qu'il pouvait être résilié de part et d'autre avec un préavis réciproque d'un mois.
(6) V., aussi, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 23ème éd., 2006, § 497.
(7) Sur l'obligation de rémunérer le salarié, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, ibid., § 507.
(8) Situation pour le moins hypothétique dès lors que le salarié est rémunéré normalement.
(9) V., par exemple, Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 03-47.403, M. Jean-Pierre Herrada c/ M. Nicolas Poirier, F-P+B (N° Lexbase : A3084DGC).
(10) Ouvrage préc., § 509.
(11) Si le préavis était uniquement un droit, le salarié pourrait y renoncer de manière unilatérale.
(12) V., par exemple, Cass. soc., 9 mai 1990, n° 88-40.044, Mme Vignihoue c/ Mlle Le Pêcheur (N° Lexbase : A4159AG7).
(13) Cette solution, qui ne repose sur aucun texte, est critiquée de longue date, au regard des principes du droit de la responsabilité qui commandent la réparation du préjudice subi.
(14) Cass. soc., 25 juin 2003, 5 arrêts, n° 01-42.679, Société Technoram c/ M. Thierry Levaudel, FP+P+B+R+I (N° Lexbase : A8977C8Y), n° 01-42.335, M. Patrice Célestin c/ EURL Perl Apprets, F-P+P+B+R+I (N° Lexbase : A8976C8X), n° 01-43.578, Mme Nicole Chiche c/ Société Ecoles de danse Gérard Louas, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8978C8Z), n° 01-41.150, Société Roto France'Ilienne c/ M. Michel Monroyal, FPP+B+R+I (N° Lexbase : A8975C8W), n° 01-40.235, M. Didier Faucher c/ Société anonyme Vico, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8974C8U), lire Ch. Radé., "Autolicenciement" : enfin le retour à la raison !, Lexbase Hebdo n° 78 du 3 juillet 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9951AAS).
(15) V., aussi, pour des affirmations et des interrogations similaires, Ch. Radé, Précisions sur le régime procédural de la prise d'acte, Lexbase Hebdo n° 292 du 13 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0668BEH).
(16) Cass. soc., 30 janvier 2008, n° 06-14.218, M. Michel Imbaud, FS-P+B (N° Lexbase : A5990D4M), avec les obs. préc. de Ch. Radé.
(17) Ecarter le versement de toute indemnité lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission constituerait un moyen commode pour le salarié de s'affranchir de tout respect du préavis, lorsqu'il souhaite quitter l'entreprise. Mais il est vrai que l'avènement de la rupture conventionnelle pourrait changer la donne, le salarié n'étant plus enclin à démissionner pour convenance personnelle étant entendu qu'il ne bénéficie pas, dans ce cas, des allocations chômage.

Décision

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-42.161, Société Highlands hôtesses c/ Mme Andrée Cuadro, FS-P+B (N° Lexbase : A2312D9I)

Cassation de CPH Paris (section activités diverses, ch. 1), 24 octobre 2006

Texte visé : C. trav., art. L. 1234-5

Mots-clefs : licenciement ; démission ; préavis ; inexécution ; dispense ; indemnités.

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Reconnaissance de dette et preuve de la remise des fonds (à propos de la mise en oeuvre de l'article 1132 du Code civil)

Réf. : Cass. civ. 1, 19 juin 2008, n° 06-19.056, M. Jean-Claude Bonnet, FS-P+B (N° Lexbase : A2145D9C)

Lecture: 3 min

N4871BGI

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Le droit français fait, nul ne n'ignore, de la cause une condition de validité du contrat. Ainsi, l'article 1108 du Code civil (N° Lexbase : L1014AB8), ouvrant le Chapitre II "Des conditions essentielles pour la validité des conventions" du Titre III du Livre III, subordonne-t-il la validité d'une convention à l'existence, non seulement du consentement de la partie qui s'oblige, à condition, bien entendu, qu'elle soit capable de contracter, d'un objet certain formant la matière de l'engagement, mais aussi, d'"une cause licite dans l'obligation". Les articles 1131 (N° Lexbase : L1231AB9) et 1133 (N° Lexbase : L1233ABB) du même code reprennent cette exigence, le premier énonçant que "l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet", le second précisant que "la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public". Aussi n'est-il sans doute pas exagéré de dire que la cause apparaît comme la "pièce maîtresse" du mécanisme contractuel (1). On comprend, dans ces conditions, que la formule de l'article 1132 du Code civil (N° Lexbase : L1232ABA), aux termes duquel "la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée", ait pu susciter quelques difficultés d'interprétation. Alors que certains auteurs ont, en effet, considéré qu'il fallait déduire de cette disposition la validité de l'engagement abstrait, et ce, donc, par dérogation au principe posé par l'article 1131, de telle sorte que le débiteur serait tenu dès lors que l'engagement a pris la forme d'un billet écrit, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de sa cause (2), d'autres, attachés à la tradition juridique française et à l'idée que la volonté ne peut être la source d'obligation qu'à la condition d'avoir une cause, ont préféré limiter la portée de l'article 1132 à la seule question de la preuve de la cause (3). Telle est, du reste, l'analyse consacrée par la jurisprudence (4), comme en témoigne encore un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, à paraître au Bulletin, en date du 19 juin dernier.

En l'espèce, en effet, le bénéficiaire d'une reconnaissance de dette avaient assigné son auteur en paiement de la somme stipulée à l'acte par lequel celui-ci avait reconnu lui devoir ladite somme en remboursement d'un prêt. La cour d'appel de Montpellier, par un arrêt rendu le 20 juin 2006, ayant accueilli cette demande, l'auteur de la reconnaissance de dette avait formé un pourvoi en cassation faisant valoir, pour échapper à son engagement, que la reconnaissance de dette ne dispense pas celui qui prétend être créancier d'une somme au titre d'un prêt de rapporter la preuve de la remise des fonds. Par suite, le moyen soutenait que la bénéficiaire de la reconnaissance de dette, prétendument prêteuse, ne prouvait pas qu'elle avait effectivement remis des sommes au prétendu débiteur, si bien que, en se fondant sur la seule reconnaissance de dette, la cour d'appel avait inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG).

Le pourvoi est cependant, sans grande surprise, rejeté. La Cour de cassation énonce, en effet, "que l'article 1132 du Code civil, en ce qu'il dispose que la convention est valable quoique la cause n'en soit pas exprimée, met la preuve du défaut ou de l'illicéité de la cause à la charge de celui qui l'invoque ; que la cause du contrat de prêt étant constituée par la remise de la chose, laquelle est une condition de formation du prêt demeuré un contrat réel lorsque celui-ci, comme en l'espèce, a été consenti par un particulier, l'arrêt qui constate que [l'auteur de la reconnaissance de dette] ne rapportait la preuve du non-versement de la somme litigieuse n'a pas inversé la charge de la preuve".

La Cour de cassation confirme, ainsi, une solution aujourd'hui acquise : l'acte juridique est valable même dans l'hypothèse dans laquelle la cause ne serait pas indiquée dans l'instrumentum, l'existence de la cause étant présumée du seul fait que la promesse est produite. Autrement dit, l'article 1132 du Code civil constitue une présomption d'existence et de licéité de la cause de l'obligation, et c'est alors au souscripteur qu'il appartient d'établir l'absence ou l'illicéité de la cause. Concrètement, la cause de l'obligation étant présumée exacte, il incombera aux signataires d'une reconnaissance de dette de prouver la réalité de l'absence de remise des fonds (5). En tout état de cause, la preuve de l'absence de cause peut être rapportée par tous moyens (6) puisque, aucun écrit ne faisant état de la cause de l'obligation, il ne s'agit pas de prouver "contre" un écrit, de telle sorte que l'article 1341 du Code civil (N° Lexbase : L1451ABD) est, ici, inapplicable. On remarquera, pour terminer, que la Cour de cassation rappelle, ici, que le prêt consenti par un particulier est bien un contrat réel (7), alors que, on le sait, elle décide, depuis quelques années, refoulant cette qualification, que le prêt d'argent consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel (8).


(1) En ce sens, voir H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, T. II, vol. 1, Obligations, Théorie générale, 9ème éd. par F. Chabas, 1998, Montchrestien, n° 255, p. 262.
(2) Voir not. Aubry et Rau, Cours de droit civil français, 6ème éd., T. IV, § 345, note 20 ; Capitant, De la cause de l'obligation, 1927, n° 165.
(3) Voir not., sur cette question, J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 1993, n° 898 et s., p. 912 et s..
(4) Voir not. Cass. civ. 1, 7 décembre 1961, n° 59-12.278, Dame Ranjavelo c/ Rasamimanana (N° Lexbase : A8390DIL), Bull. civ. I, n° 587 ; Cass. com., 13 octobre 1975, n° 74-14.203, Desaunette c/ Dlle Heurtebize (N° Lexbase : A3256CH3), Bull. civ. IV, n° 231 ; Cass. civ. 1, 1er octobre 1986, n° 85-13.514, M. Lejeune c/ M Ameline (N° Lexbase : A5399AA9), Bull. civ. I, n° 230 ; Cass. civ. 1, 2 mai 2001, n° 98-23.080, M. Maurice Poupard c/ Mlle Annie Pitorin (N° Lexbase : A3518ATH), Bull. civ. I, n° 108, Rép. Defrénois, 2001, p. 1057, obs. Libchaber.
(5) Cass. civ. 1, 7 avril 1992, n° 90-19.858, Consorts Tristant c/ Consorts Etienne (N° Lexbase : A5526AH7), Bull. civ. I, n° 114, Rép. Defrénois, 1993, p. 371, obs. Vermelle.
(6) Cass. civ. 1, 4 juillet 1995, n° 93-16.236, M. Patrick X c/ Mme Isabelle Z, inédit (N° Lexbase : A5318CMW), JCP éd. N., 1996, II, 152.
(7) Cass. civ. 1, 20 juillet 1981, n° 80-12.529, Société Piter c/ Bibal, Banroques (N° Lexbase : A0228AZH), Bull. civ. I, n° 267 ; Cass. civ. 1, 28 mars 1984, n° 82-15.538, Consorts Guallar c/ Font, Consorts Cadene (N° Lexbase : A0374AA4), Bull. civ. I, n° 120.
(8) Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21.422, Société UFB Locabail c/ M. Bermond, ès qualités de liquidateur de la société Sanlaville et autres (N° Lexbase : A3516AUR), JCP éd. G, 2000, II, 10296, concl. Sainte-Rose, Grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 11ème éd., n° 270 ; Cass. civ. 1, 27 novembre 2001, n° 99-10.633, M. Didier Balkany, FS-P+B+R ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1073616, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 1, 27-11-2001, n\u00b0 99-10.633, FS-P+B+R, Cassation partielle.", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A2833AX9"}}), JCP éd. G, 2002, II, 10050, note Piédelièvre.

newsid:324871

Contrat de travail

[Jurisprudence] Modification du contrat de travail et changement de lieu de travail : du nouveau ?

Réf. : Cass. soc., 19 juin 2008, n° 07-41.282, Mme Chabrol c/ Association des pupilles de l'enseignement public, F-P (N° Lexbase : A2305D9A)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Un employeur peut-il, sous couvert d'un simple changement du lieu de travail, supprimer le versement d'une prime sans que cette suppression puisse être vue comme une modification du contrat ? C'est à cette question que devait répondre la Haute juridiction dans une décision du 19 juin 2008. Aux juges du fond, qui avaient cru pouvoir écarter la qualification de modification du contrat, elle rappelle que le changement proposé emportait la suppression d'une prime régulièrement perçue par le salarié depuis 9 ans, ce qui constituait une modification du contrat. La décision est donc cassée et il n'y a pas lieu de s'en étonner.


Résumé

La mutation d'une salariée entraînant la perte de primes d'astreintes constitue une modification du contrat de travail.

Commentaire

I - Le régime des "modifications" du contrat de travail

  • Distinction modification du contrat de travail, changement des conditions de travail

Depuis 1996, abandonnant l'opposition modification substantielle/modification non substantielle du contrat de travail, la jurisprudence procède à une distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail (Cass. soc., 10 juillet 1996, n° 93-41.137, M. Vanderdonckt c/ Groupe des assurances nationales (GAN) N° Lexbase : A2054AAC). A l'issue de ces décisions, la Haute juridiction a substitué à un critère antérieurement subjectif un critère purement objectif, la classification dépendant uniquement de la nature de l'élément modifié.

Cette distinction est importante car, selon la qualification retenue, le régime applicable n'est pas le même .

Le principe veut, en effet, que le salarié ne peut s'opposer à un simple changement de ses conditions de travail, ce refus est constitutif d'une faute que l'employeur peut sanctionner éventuellement par un licenciement (Cass. soc., 10 juillet 1996, n° 93-41.137, préc.). Le salarié peut, en revanche, s'opposer à une modification de son contrat de travail. L'employeur, avant de procéder à une telle modification doit, en effet, recueillir l'accord du salarié. Si le salarié accepte, la modification peut prendre effet et, s'il refuse, l'employeur a deux possibilités. Soit il revient sur sa position de modification et, dans ce cas, la relation de travail se poursuit aux conditions antérieures, soit il maintient sa décision et n'a pas d'autre choix que d'enclencher une procédure de licenciement. La rupture sera légitime si le motif qui a justifié la proposition de modification l'est lui-même.

La frontière entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail n'est pas, toujours, évidente à tracer.

Il est certain que toute modification d'une clause du contrat de travail constitue une modification du contrat qui requiert l'accord du salarié. Les parties, en insérant ces clauses dans le contrat individuel de travail, en ont, en effet, fait un élément essentiel de leur relation.

Concernant les éléments qui ne figurent pas dans le contrat de travail, la jurisprudence a retenu 3trois éléments qui ne peuvent être modifiés sans l'accord du salarié. Il s'agit de la rémunération (concernant le montant, voir Cass. soc., 4 février 2003, n° 00-44.444, FS-D N° Lexbase : A9136A47 et, concernant le mode de rémunération, voir Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Groupe des assurances nationales (GAN Vie) c/ M. Rouillot N° Lexbase : A0505ATU), de la durée du travail (Cass. soc., 20 octobre 1998, n° 96-40.614, Mme Bonimond c/ Société Nouvelle La Maille souple N° Lexbase : A5602ACH) ou de la qualification du salarié (Cass. soc., 23 janvier 2001, n° 99-40.129, Société Winterthur N° Lexbase : A9378AS7 ; Cass. soc., 2 octobre 2002, n° 00-42.003, F-D N° Lexbase : A9029AZG et les obs. de S. Koleck-Desautel, Une promotion peut constituer une modification du contrat que le salarié est en droit de refuser, Lexbase Hebdo n° 43 du 16 octobre 2002 - édition sociale N° Lexbase : N4264AA8). L'horaire et le lieu de travail ne peuvent être considérés comme des éléments contractuels par nature (pour l'horaire, voir Cass. soc., 20 février 2007, n° 05-42.734, F-D N° Lexbase : A2974DUP).

  • Régime applicable au lieu de travail

Concernant le lieu de travail, la jurisprudence a beaucoup évolué. Dans la mesure où le contrat de travail ne précise pas expressément que le travail doive être exécuté exclusivement dans un lieu déterminé ou ne prévoit pas de clause de mobilité, c'est le secteur géographique de la mutation qui déterminera le caractère de modification du contrat de la mutation proposée.

Depuis deux arrêts du 3 juin 2003, la jurisprudence considère que la mention, dans le contrat de travail, du lieu de travail, n'a qu'une valeur informative (Cass. soc., 3 juin 2003, 2 arrêts, n° 01-40.376, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6993CK9 et n° 01-43.573, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6994CKA, voir, sur ces deux arrêts, les obs. de S. Koleck-Desautel, La simple indication du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur d'information, Lexbase Hebdo n° 76 du 18 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7795AAX). Ce principe a été confirmé depuis (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 02-46.496, F-P+B N° Lexbase : A6000DNK).

L'employeur peut, ainsi, même en l'absence de clause de mobilité, faire varier le lieu de travail au sein d'un même secteur géographique, sans que cette variation ne puisse être vue comme une modification du contrat de travail du salarié. Lorsque la mutation se fait dans le même secteur géographique que celui dans lequel le salarié était amené à exercer ses fonctions, il s'agit d'un simple changement des conditions de travail auquel le salarié ne peut s'opposer (Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712, FP-P+B N° Lexbase : A8593DAI).

Pour que ces règles s'appliquent, il suffit, mais il faut, que le changement porte exclusivement sur le lieu de travail. Si une mutation a un effet sur un autre élément du contrat de travail, il s'agira d'une modification du contrat de travail. L'employeur devra, alors, demander l'accord du salarié, lequel pourra s'y opposer, comme le rappelle aux juges du fonds, la Haute juridiction dans la décision commentée.

  • Espèce

Une salariée avait été engagée en qualité de chef de service éducatif. Elle s'était vue proposer une mutation. Refusant cette mutation, qui constituait, selon elle, une modification du contrat de travail, elle avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses indemnités.

La cour d'appel avait rejeté sa demande, refusant de voir, dans la mutation, une modification du contrat de travail. Elle avait, en effet, considéré que cette dernière ne pouvait se prévaloir d'une diminution de sa rémunération due à la perte de sa prime d'astreinte dans la mesure où les points perdus au titre de la prime d'astreinte constituent la contrepartie de ces astreintes.

La Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle relève, en effet, que la mutation proposée entraînait, pour la salariée qui passait d'un établissement de jour à un établissement de nuit, une perte de sa prime d'astreinte, ce qui caractérisait une modification du contrat de travail.

Le principe retenu n'est pas nouveau, il ne peut y avoir changement des conditions de travail lorsqu'un élément du contrat se trouve modifié.

II - Application de la modification du contrat au lieu de travail

  • Une solution parfaitement logique

Ce sont les incidences de la mutation sur le socle contractuel qui sont, ici, prises en considération par la Cour de cassation. Derrière la mutation se cachait, en effet, une perte de rémunération, perte à laquelle la salariée pouvait s'opposer.

Dans l'espèce commentée, la mutation s'accompagnait de la perte de la prime d'astreinte, qui était versée à la salariée depuis plusieurs années. La rémunération de la salariée était donc modifiée. Or le principe veut, nous l'avons vu, que la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans l'accord du salarié, qu'il s'agisse de son montant (Cass. soc., 4 février 2003, n° 00-44.444, FS-D N° Lexbase : A9136A47) ou du mode de rémunération appliqué au salarié (Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Groupe des assurances nationales (GAN Vie) c/ M. Rouillot N° Lexbase : A0505ATU). Ce principe s'applique quel que soit l'élément modifié (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 97-43.706, M. Binggeli c/ Société Keller Fermetures N° Lexbase : A6376AGA). Pour qu'il n'y ait pas modification, il faut que le salaire antérieur soit, au moins, égal au salaire proposé (Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-45.451, F-D N° Lexbase : A3654DAL) et qu'aucune prime ne soit supprimée. La suppression par l'employeur d'une prime caractérise une modification du contrat de travail.

S'agissant des primes et de leur suppression, la Haute juridiction a été amenée à considérer que la suppression de primes constituait une modification du contrat de travail que le salarié pouvait refuser (Cass. soc., 12 novembre 2002, n° 00-45.834, F-D N° Lexbase : A7355A3S). Plus récemment, elle est venue affirmer que la suppression d'une prime de responsabilité, versée depuis plusieurs années à un salarié, constitue une modification du contrat de travail (Cass. soc., 21 février 2007, n° 04-47.682, F-P+B N° Lexbase : A2815DUS et les obs. de G. Auzero, Le licenciement du salarié mandaté, Lexbase Hebdo n° 251 du 7 mars 2007 - édition sociale N° Lexbase : N2899BAM).

C'est cette dernière solution qui semble avoir été à la base de la décision rendue par la Haute juridiction. Comme dans sa décision de 2007, elle relève que la mutation proposée entraînait la perte de la prime d'astreinte régulièrement perçue par la salariée depuis 9 ans, et que ceci caractérisait une modification du contrat de travail.

Une question peut, alors, se poser. Est-ce la suppression de la prime et la diminution corrélative du salaire qui entraînent la qualification de modification du contrat, est-ce l'ancienneté de son versement, ou les trois éléments doivent-ils être simultanément réunis pour qu'il y ait modification du contrat de travail dans ce cas ?

L'ancienneté du versement est, en effet, mise en avant dans les deux dernières décisions rendues en la matière. Faut-il, désormais, que la prime ait fait l'objet d'un versement pendant une certaine durée pour qu'il puisse être considéré qu'il y a modification du contrat ? C'est en tout cas ce que semblent indiquer les deux derniers arrêts. L'avenir le confirmera ou l'infirmera...si tel est le cas, on assistera à une nouvelle réduction du champ de la modification du contrat.

Décision

Cass. soc., 19 juin 2008, n° 07-41.282, Mme Chabrol c/ Association des pupilles de l'enseignement public, F-P (N° Lexbase : A2305D9A)

Cassation CA Limoges (ch. soc.), 12 février 2007

Mots clefs : contrat de travail ; mutation ; suppression des astreintes ; diminution de la rémunération ; modification du contrat de travail.

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Bancaire

[Textes] La titrisation nouvelle est arrivée !

Réf. : Ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008, transposant la Directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances (N° Lexbase : L9095H3A)

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par Alexandre Bordenave, Juriste, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

Le 07 Octobre 2010

Un peu à la manière d'Aaron qui envoya en un lieu aride un bouc emportant toute les fautes des Israélites (1), la crise des subprimes semble avoir rapidement mis à l'index la titrisation, revêtue depuis de la cape de triste sire de la perturbation financière de l'été dernier. A l'évidence, les conclusions en la matière furent hâtives et relevèrent autant de l'analyse que de la manifestation d'esprits animaux : probables victimes d'une erreur de parallaxe leur faisant confondre causalité et corrélation, les milieux financiers ont depuis assimilé la titrisation aux crédits subprime... en oubliant que plus que le mode de financement, c'est la qualité de l'actif financé qui génère la tempête ! La titrisation est une technique de financement apparue aux Etats-Unis dans les années 1960, sous le nom de "securitization". Schématiquement, il s'agit d'un montage consistant à céder des éléments d'actif constitués par des créances à une entité ad hoc (souvent appelé special purpose vehicle, ou SPV) dont l'objet est de financer l'acquisition de ces créances en émettant des titres sur un marché (2). Imaginée de prime abord comme un outil de refinancement de prêts hypothécaires (3), la titrisation embrasse aujourd'hui les classes d'actifs les plus variées : crédits-bails, crédits à la consommation, encours de cartes de crédit, créances commerciales (4)...

Dans les pays de common law, la mise en place d'une opération de titrisation s'appuie sur l'institution du trust et n'est généralement pas sujette à des dispositions légales particulières. Ce n'est pas le cas en France : la titrisation a été introduite dans notre droit par une loi en date du 23 décembre 1988 (5) ; c'est aussi le cas pour les pays de droit romano-germanique ayant donné l'onction juridique à ce mode de financement (6). Le cadre juridique français de la titrisation, dont le pivot demeura jusqu'il y a peu le fonds commun de créances (le FCC), a profondément évolué au cours des années 1990 : par exemple, c'est ainsi que fut ouverte, en 1998, la possibilité de céder directement des créances commerciales (donc, pour lesquelles le créancier n'est pas un établissement de crédit) à un FCC (7), que ces derniers furent autorisés à émettre des titres de créances (et non plus exclusivement des parts) et que la titrisation synthétique fit son apparition dans notre système juridique (8).

C'est le cadre juridique ainsi décrit dont on peut penser qu'il a été avantageusement éprouvé par la séquence des subprimes. "A tout malheur, quelque chose est bon" : au rang des rares externalités positives de cette crise financière figure certainement l'exposition favorable qu'a reçue le droit français de la titrisation (9) qui a su se montrer sûr et adaptable. Sûr, tout d'abord : nul doute que les effets limités de la crise en France sont fortement corrélés avec le haut niveau de sécurité juridique que le droit français offre aux investisseurs des opérations de titrisation. Adaptable, enfin, car à peine quelques semaines après le point culminant de la dépréciation, le législateur a habilité le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance le droit français de la titrisation à l'occasion de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économiques et financiers (N° Lexbase : L5471H3Z) (la "loi"). En la matière, l'idée de la réforme n'a pas touché le législateur telle une flamme de Pentecôte : la loi n'a fait qu'emboîter le pas à une réflexion de place au sein de laquelle les agents privés (notamment, Paris-Europlace (10)) ont joué un rôle considérable.

C'est ainsi sur le fondement de l'article 3 de la loi que l'ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008 (l'"ordonnance") a été adoptée afin, d'une part, de transposer la Directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005, relative à la réassurance (N° Lexbase : L3413HE7), qui autorise, notamment, les Etats membres à permettre la réassurance via les marchés financiers (la "Directive") et, d'autre part, de moderniser le cadre juridique de la titrisation. L'association n'a rien de syncrétique ; nous le constaterons : réassurance et titrisation sont liées.

L'ordonnance augure un réel renouvellement des opérations de titrisation en France. Sans doute, le Président de la République, qui s'était ému des conséquences négatives de ce mode de financement (11), en a-t-il mesuré toute l'importance en apposant son paraphe sur le texte : la réforme de 2008 rend le droit français de la titrisation plus libéral (I) et plus sûr (II).

I Un droit plus libéral

Depuis vingt ans, souffle un grand vent de libéralisation en matière de droit français applicable aux opérations de titrisation. La technique gagnant en familiarité, il est assez logique que des possibilités nouvelles s'ouvrent au marché. L'ordonnance est dans cette droite ligne : elle élargit le dramatis personae des opérations de titrisation de droit français (A) ainsi que leur terrain de jeu (B).

A - Les nouveaux acteurs

1 - Les organismes de titrisation

Premier fait remarquable : l'ordonnance sonne le glas du FCC (12). En effet, son article 16, insérant un article L. 214-42-1 dans le Code monétaire et financier (le CMF), remplace le FCC par un duo de véhicules rassemblés sous le terme générique d'"organismes de titrisation" (les OT (13)) : le fonds commun de titrisation (le FCT) et la société de titrisation (la ST).

Le FCT est le digne héritier du FCC : comme ce dernier, c'est une copropriété sans personnalité morale émettant au moins deux parts et, le cas échéant, des titres de créances de natures diverses (14). Comme nous le constaterons plus loin, le changement lexical est justifié par la possibilité nouvelle pour le fonds d'être exposé à des risques d'assurance (15).

La ST est un véhicule éminemment plus innovant, prenant la forme juridique d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée, émettant non des parts mais des actions (16). Exonérée d'un certain nombre de règles applicables aux sociétés par actions, la ST devrait pouvoir bénéficier des conventions fiscales internationales ; c'est d'ailleurs la principale raison qui a mené à la création de ce véhicule alternatif (17). Un peu à la manière des SICAV (18), comme les anciens FCC et les FCT, la ST voit sa gestion assurée par une société de gestion (19) et certains de ses actifs conservés par un établissement dépositaire.

2 - Les parties prenantes

La société de gestion et le dépositaire connaissent, également, leur lot d'innovations du fait de l'ordonnance, tout comme le recouvreur.

En premier lieu, le monopole des sociétés de gestion de FCC a vécu : peut, désormais, gérer un véhicule de titrisation soit une société de gestion de FCC ayant reçu un agrément spécial de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), soit une société de gestion de portefeuille relevant de l'article L. 532-9 du CMF (20) (N° Lexbase : L3083HZ9) (une SGP).

En second lieu, le CMF autorise, dorénavant, que soit désigné en qualité de dépositaire tout établissement de crédit établi dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : est supprimée l'exigence pour le dépositaire d'origine communautaire d'avoir une succursale en France (21). Une lecture attentive des dispositions de l'ordonnance nous renseigne aussi sur le fait que le dépositaire n'est, aujourd'hui, en charge que de la conservation de la trésorerie et des créances de l'OT, et non plus de l'ensemble de ses actifs (22) : il est vrai qu'il s'agit de l'essentiel des actifs normalement détenus par un OT (23).

Enfin, les modalités de recouvrement des sommes dues à l'OT au titre des créances qui lui ont été cédées sont assouplies. Antérieurement à l'ordonnance, seul le cédant ou un établissement de crédit désigné à cet effet pouvait être en charge du recouvrement au bénéfice du FCC ; désormais, non seulement le recouvreur "de droit" peut être alternativement le cédant ou toute entité préalablement chargée de cette tâche préalablement à la titrisation (24), mais en plus le "sous-traitant" recouvreur peut être toute entité autorisée par sa loi nationale à fournir des services de recouvrement pour compte de tiers (25).

B - Les nouvelles possibilités

1 - Les actifs titrisables

Clairement, la seconde innovation marquante de l'ordonnance (après la disparition des FCC) est la suivante : les véhicules français de titrisation peuvent à présent faire "l'acquisition" de risques assurantiels, d'où une apparition de la titrisation dans le Code des assurances (26). Par le passé, c'était déjà chose possible mais l'opération s'était révélée une véritable gageure en droit français (27), impliquant le recours à une titrisation synthétique. Les choses devraient être plus simples du fait de l'ordonnance, les OT ayant la possibilité de s'exposer à des "risques d'assurance" (28) (à savoir la dette d'une entreprises d'assurance ou de réassurance envers ses assurés). Pour ce faire, et conformément à l'article 46 de la Directive, les OT devront au préalable avoir reçu un agrément spécifique de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (29).

En comparaison, pourrait paraître anodin le sort nouvellement réservé aux créances étrangères : pourtant, l'ordonnance est fort heureuse en la matière. L'article 34 de la loi du 23 décembre 1988, partant très justement du principe que la cession de créances à un FCC ne pouvait s'encombrer des modalités du droit commun, avait prévu que la cession de créances à l'occasion d'une titrisation se faisait via un bordereau ressemblant, à s'y méprendre, au bordereau de l'article L. 313-23 (N° Lexbase : L9256DYH) et suivants du Code monétaire et financier (dit bordereau Dailly). Le principe était que la remise emportait effet de la cession entre les parties et opposabilité aux tiers à la date apposée sur le bordereau. L'ordonnance n'abolit pas ce bordereau ; en revanche, elle n'impose plus que la cession des créances à l'OT se fasse par son intermédiaire : en plus, est désormais admis "tout autre mode de cession de droit français ou étranger". Si l'on peut douter du fait que les praticiens de la titrisation soient enclins à recourir aux dispositions de l'article 1690 du Code civil (N° Lexbase : L1800ABB) ou au bordereau Dailly pour céder des créances à un OT, il pourrait en aller différemment pour ce qui est des cessions en droit étranger : cette alternative devrait grandement simplifier les cessions de créances régies par une loi étrangère à un véhicule français de titrisation et dispenser les spécialistes de la titrisation de quelques montages complexes destinés à contourner les rigidités d'articulation des dispositions juridiques transfrontalières (30).

2 - L'assouplissement des contraintes de gestion

L'ordonnance ouvre quelques pistes intéressantes en matière de règles de gestion des OT, dont certaines devraient trouver à se concrétiser dans le futur décret.

D'abord, et contrairement au principe qui prévalait jusqu'alors, l'OT est libre d'octroyer des sûretés. Toutefois, ces dernières sont limitées à celles prévues à l'article L. 431-7-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2814G94), dites "garanties financières". Gageons que la contrainte est faible, tant les possibilités ouvertes par cette disposition issue du droit communautaire sont nombreuses (31).

Enfin, apparaît en filigrane un commencement d'allègement des règles tenant au recours à l'emprunt, à la conclusion d'instruments financiers à termes et à la cession de créances par l'OT : le décret devrait opter pour un libéralisme relativement poussé en ces matières.

L'ouverture décrite ne saurait se faire sans que soient prises des précautions nouvelles, qui ont une valeur au moins aussi importante aux yeux des investisseurs des futures opérations de titrisation soumises au droit français. Le législateur, notamment sous l'impulsion du sénateur Marini, ne s'y est pas trompé en habilitant le Gouvernement "à renforcer la transparence et la sécurité des opérations de titrisation pour les investisseurs" (32).

II - Un droit plus sûr

Le millésime 2008 de la réforme du droit applicable à la titrisation fait la part belle aux dispositions relatives à la sécurité des montages pour les investisseurs ; le contexte des subprimes s'y prêtait. Sont ainsi renforcées la protection des actifs de l'OT (A) et la discipline de ses créanciers (B).

A - La protection des actifs

Il est de l'économie de toute opération de titrisation que les actifs du véhicule de refinancement ne puissent être appréhendés par un tiers : à défaut, les investisseurs risqueraient de ne pas recevoir ce qui leur est dû. L'ordonnance démontre que la problématique est sensible au plus haut niveau.

1 - La généralisation du compte à affectation spéciale

En 2003, le législateur avait consacré le compte à affectation spéciale au bénéfice du FCC (33). Son objet était de limiter le risque dit de commingling, à savoir le risque de non-cantonnement des liquidités reçues en échange des actifs titrisés.

L'ordonnance organise de manière plus globale que par le passé la protection des flux de trésorerie revenant au véhicule de titrisation en généralisant le principe de ce compte sécurisé : l'affectation spéciale peut, aujourd'hui, porter sur tout compte de toute entité chargée directement ou non de l'encaissement de sommes bénéficiant à l'OT (34). Cela devrait éviter un recours quelque peu hasardeux aux comptes à rubriques ad hoc.

2 - La consolidation des cessions de créances futures de bail et de crédit-bail

Inspirée par les dispositions applicables en matière de sociétés de crédit foncier (35), l'ordonnance consacre une disposition particulière aux cessions de créances futures naissant d'un contrat de bail ou de crédit-bail. En effet, il est prévu à l'alinéa 11 du nouvel article L. 214-43 du Code monétaire et financier que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du bailleur ou du crédit-bailleur est insusceptible de remettre en cause la cession à l'OT des créances futures résultant de l'exécution successive d'un contrat de bail ou de crédit-bail. En d'autres termes, cela signifie, notamment, que l'éventuel administrateur du cédant est privé de son droit d'option sur ces contrats si les créances qu'ils font naître ont été cédées à un OT. La solution est de bon sens car, tout en consolidant la position de l'OT, elle ne prive aucunement la société en difficulté de ressources utiles à son retournement.

B - La discipline des créanciers

Parce que le SPV créé pour les besoins d'une opération de titrisation tient lieu de colonne vertébrale au montage, il est capital qu'il ne puisse tomber en déconfiture : ce véhicule doit donc être bankruptcy remote (36), soit à l'abri de la faillite. En réorganisant la discipline des créanciers des véhicules français de titrisation, l'ordonnance oeuvre en ce sens.

1 - L'immunisation face aux procédures collectives

De manière expresse, l'ordonnance prévoit que les OT ne sont pas soumis aux dispositions du livre VI du Code de commerce, relatif aux difficultés des entreprises (37). La précision est essentielle s'agissant des ST, dont l'attractivité se serait trouvée irrémédiablement diminuée si ces entités avaient été soumises au droit des procédures collectives. On peut observer qu'il s'agit d'un mouvement contraire à l'extension progressive du droit des procédures à laquelle la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, sur la sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT), a largement contribué. L'on comprend donc que c'est une discipline autre à laquelle sont sujets les créanciers des OT.

2 - La consécration des techniques issues de la pratique

Sans doute cela s'explique-t-il du fait de sa genèse : le texte donne une résonance nouvelle à certaines stipulations contractuelles imaginées par les praticiens de la titrisation, telles les clauses de priorité de paiement ou de recours limité.

Les clauses de priorité de paiement (39) ont pour objet de déterminer, à certaines dates données et en tenant parfois compte de circonstances particulières, l'ordre dans lequel les dettes contractées par le véhicule de titrisation doivent être payées. Ainsi, un peu à la manière du mythique "article 40", les documentations contractuelles utilisées dans les opérations de titrisation contiennent des stipulations entières consacrées à l'ordre des paiements. Ces clauses s'accompagnent de stipulations particulières, dites de recours limité, en vertu desquelles tout créancier du véhicule de titrisation renonce, au moins temporairement, à poursuivre ce dernier pour des sommes lui étant dues et excédant l'actif disponible du véhicule en question au jour des poursuites. En conséquence, une double discipline s'impose aux créanciers d'un véhicule de titrisation : un rang de priorité et une impossibilité d'agir en paiement contre le véhicule au-delà de ce que ce dernier se trouve en mesure de payer.

En prévoyant, d'une part, que l'OT n'est tenu de ses dettes qu'à concurrence de son actif et selon le rang de ses créanciers, tel que défini notamment par son règlement ou ses statuts (40) et, d'autre part, la validité des règles d'allocation des paiements (41), l'ordonnance semble donner un blanc-seing (de manière presque surprenante) aux clauses venant d'être décrites.

Par ailleurs, et les processualistes s'en émouvront certainement : l'ordonnance extrait pour partie les OT de titrisation du champ d'application des procédures civiles d'exécution, prévues par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9124AGZ). Cette dérogation devra faire l'objet de stipulations du règlement ou des statuts de l'OT (42), le(s)quel(s) pourra(ont) prévoir dans quelle mesure il est possible de procéder à une saisie-attribution ou à une mesure conservatoire (par exemple) sur les actifs de l'OT concerné. Cette "supplétivisation" inédite du droit des procédures civiles d'exécution contribue, au moins indirectement, à renforcer la bankruptcy remoteness des OT.

L'ordonnance a bâti une nouvelle charpente législative (43) pour les opérations de titrisation soumises au droit français. Toutefois, l'ouvrage d'art qu'elle soutient ne sera achevé qu'une fois le décret d'application et l'instruction fiscale adéquats auront été publiés. C'est pourquoi nous nous proposons de consacrer notre prochain article à ces deux textes. Aux lecteurs impatients de nous lire (et, peut-être, encore plus à ceux le redoutant), nous ne saurions mieux conseiller qu'une immersion dans les vers de Lamartine : "Ô temps ! suspends ton vol" (44) ?


(1) Lévitique, XVI : 21-22.
(2) T. Granier et C. Jaffeux, La Titrisation - Aspect juridique et financier, Economica, 2ème éd., 2004, p. 9.
(3) On parle alors de Mortgage Backed Securities (MBS).
(4) Ces financements sont généralement désignés sous le terme Asset Backed Securities (ABS).
(5) Loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, relative aux organismes de placement en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances (N° Lexbase : L9120AGU).
(6) A cet égard, on peut citer la loi luxembourgeoise du 22 mars 2004, ou la loi grecque L 3156/2003.
(7) Loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (N° Lexbase : L1474AIG).
(8) Décret n° 2004-1255 du 24 novembre 2004, pris en application des articles L. 214-5 et L. 214-43 à L. 214-49 du Code monétaire et financier et relatif aux fonds communs de créances (N° Lexbase : L4131GUK). La titrisation synthétique est une opération sans cession de créances, mais avec un transfert de risques de crédit aux investisseurs.
(9) Il y aurait matière à débattre à propos de ce qu'il faut entendre par cette périphrase ; le lecteur pourra nourrir sa réflexion en se référant à F. Grua, Les divisions du droit, RTDCiv., 1993, n° 59.
(10) Paris Europlace est une organisation s'étant donnée pour objectif de défendre les atouts de la place financière de Paris auprès des investisseurs internationaux.
(11)  Lettre de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, adressée à Mme Angela Merkel, Chancelière de la République Fédérale d'Allemagne, le 15 août 2007.
(12) Sauf s'agissant des FCC constitués avant la date de publication de l'ordonnance (à moins que les parties n'en décident autrement), le choix de rendre le texte applicable rétroactivement n'ayant pas été fait (C. mon. fin., art. L. 241-49-14, nouv.).
(13) Il faut aussi remarquer que l'article 18 de l'ordonnance insère dans le Code des assurances un article L. 310-2 créant la notion de "véhicule de titrisation", terme qui dans le cadre de la titrisation assurantielle rassemble les OT et les véhicules étrangers équivalents.
(14) C. mon. fin., art. L. 214-49-4 et L. 241-49-5, nouv..
(15) C. mon. fin., art. L. 214-42-1, nouv..
(16) C. mon. fin., art. L. 214-49, nouv..
(17) Qui, tout alternatif qu'il soit, est présenté avant le FCT dans le CMF modifié par l'ordonnance !
(18) C. mon. fin., art. L. 214-15 (N° Lexbase : L2979HZD) et s..
(19) C. mon. fin., art. L. 214-49-1 et L. 214-49-2, nouv..
(20) C. mon. fin., art. L. 214-49-1 et L. 214-49-7 I, nouv..
(21) C. mon. fin., art. L. 214-49-2 et L. 214-49-7 II, nouv..
(22) C. mon. fin., art. L. 214-49-2 et L. 214-49-6, nouv..
(23) Actifs auxquels peuvent, le cas échéant, venir s'ajouter les actifs transférés à l'OT du fait de la réalisation des sûretés qui lui ont été consenties ou transférées par voie accessoire (tels un immeuble, dans le cas d'une titrisation de type MBS).
(24) Une telle entité n'est pas rare au sein des groupes de sociétés.
(25) En France, il s'agit donc de toute entité se conformant aux dispositions du décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996, portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui (N° Lexbase : L5127ARC).
(26) Cf., par exemple, C. assur., art. L. 310-1-1, nouv..
(27) G. Saint-Marc et A. Ghotbi, La titrisation du risque d'assurance, Revue de droit bancaire et financier, 2006, n° 4, p. 64.
(28) Idem.
(29) C. mon. fin., art. L. 214-49-13, nouv..
(30) Par exemple, les créances régies par le droit allemand ne pouvant être cédées qu'en application du droit allemand, elles ne pouvaient être directement transmises à un FCC : cela imposait soit de prévoir par avance que les créances générées par une entité allemande et devant être titrisées devaient être soumises à une loi autre que la loi allemande, soit de procéder à une double cession (d'abord, une cession de droit allemand à une entité autre qu'un FCC -tel un établissement de crédit-, puis une cession au FCC considéré).
(31) Sur le sujet, voir S. Praicheux, La transposition en droit français de la directive européenne sur les contrats de garantie financière (commentaire de l'ordonnance du 24 février 2005), Revue de droit bancaire et financier, 2005, n° 3, p. 56-65 ; Les garanties financières, sous la direction de H. Synvet, Revue de droit bancaire et financier, 2007, n° 1, p. 81 s..
(32) Loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économiques et financiers, art. 3.
(33) Loi n° 2003-706 du 1er août 2003, art. 64. A propos des comptes à affectation spéciale, on pourra se référer utilement à X. de Kergommeaux et C. VanA Gallebaert, Du compte à affectation spéciale, RTDFin., 2006, n° 3, p. 134 ; et modestement, à A. Bordenave, Retour sur l'affectation spéciale d'un compte bancaire, Lexbase Hebdo n° 304 du 15 mai 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N9006BEB).
(34) C. mon. fin., art. L. 214-46-1, nouv..
(35) C. mon. fin., art. L. 515-21, al. 2 (N° Lexbase : L3619HZ3).
(36) Dans le langage des agences de notation.
(37) C. mon. fin., art. L. 214-48 III, nouv.
(38) Par exemple, en étendant les dispositions du livre VI du Code de commerce aux professionnels libéraux (cf., notamment, C. com., art. L. 611-5 N° Lexbase : L4109HBS).
(39) Egalement dites, sur un ton des plus bucoliques, "waterfalls".
(40) C. mon. fin., art. L. 214-48 III, nouv..
(41) C. mon. fin., art., L. 214-43, al. 3, nouv..
(42) C. mon. fin., art. L. 214-43 al. 4, nouv..
(43) Charpente dont la consolidation résultera de la ratification, même implicite, du texte par le Parlement en application de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X).
(44) A. Lamartine, Le Lac (1820), in Méditations poétiques.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 23 juin 2008 au 27 juin 2008

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N4947BGC

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Indemnités de licenciement/Situation irrégulière des salariés

- Cass. soc., 26 juin 2008, n° 07-40.434, M. Bacaye Diarra, F-D (N° Lexbase : A3731D93) : pour débouter les salariés de leurs demandes d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, la cour d'appel, après avoir constaté que la lettre de licenciement invoquait comme motif de rupture la situation irrégulière des intéressés, a retenu que l'employeur ayant embauché les salariés dans l'ignorance de la falsification des cartes de résident présentées par ces derniers, les dispositions de l'article L. 341-6-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7837HBU, art. L. 8252-2, recod. N° Lexbase : L3285HXX) ne trouvaient pas à s'appliquer. En statuant ainsi, en ajoutant une condition supplémentaire pour l'application du régime mis en place par l'article L. 341-6-1 du Code du travail, que ce texte n'exigeait pas, le conseil de prud'hommes a violé, par fausse application, le texte susvisé .

  • Heures de délégation

- Cass. soc., 25 juin 2008, n° 06-46.223, Société Transports Hardy, F-D (N° Lexbase : A3622D9Z) : les heures de délégation peuvent être utilisées librement en dehors du temps de travail en heures supplémentaires, lorsque les nécessités des mandats du salarié le justifient, sans faire obstacle au respect de la réglementation sur la durée maximale du travail et le repos journalier. La cour d'appel, qui a constaté que le salarié pouvait prendre ses heures de délégations de manière à respecter le temps de repos journalier, et que la mesure critiquée lui avait été imposée en considération des conditions d'exercice de son activité syndicale, a légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 412-2, alinéa 1er (N° Lexbase : L6327ACC), devenu l'article 2141-5 du Code du travail .

  • Licenciement/Faute lourde/Intention de nuire

- Cass. soc., 25 juin 2008, n° 07-42.373, Mme Sylvie Baffrey, F-D (N° Lexbase : A3754D9W) : pour dire que le licenciement reposait sur une faute lourde, l'arrêt retient que les manquements volontaires de la salariée à ses obligations contractuelles étaient révélateurs d'une intention de nuire, dés lors qu'ils exposaient l'employeur aux sanctions prévues par le Code des douanes et, en cas de cumul d'emplois prohibé, par le Code du travail. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire, la cour d'appel a violé l'article L. 223-14, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L5916AC4), devenu l'article L. 3141-26 .

  • Ordre des licenciements/Catégorie professionnelle

- Cass. soc., 25 juin 2008, n° 07-42.541, F-D (N° Lexbase : A3757D9Z) : la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. En se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si les différentes fonctions de la catégorie professionnelle à laquelle elle rattachait les salariés, dont l'employeur alléguait qu'ils n'étaient pas polyvalents, supposaient, dans ces différents secteurs d'activité, la même formation professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision .

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Rémunération

[Jurisprudence] La rémunération, toujours et encore plus contractuelle !

Réf. : Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-41.910, Société Corporate Express, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2113D97)

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N4903BGP

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

En ces temps de pouvoir d'achat menacé, l'attention portée à la rémunération du salarié ne cesse de s'accroître. Alors qu'est actuellement mis sur pied un avant-projet de loi sur les revenus du travail, la Chambre sociale de la Cour de cassation n'a pas l'intention de demeurer en reste. Par un arrêt frappé du sceau "P+B+R+I", la Cour décidait, le 18 juin dernier, que "le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail". Cette décision, de la plus haute importance, impose à l'employeur de fournir au salarié les éléments nécessaires à ce calcul, sans pouvoir lui opposer l'intérêt de l'entreprise pour garder le silence (I). En outre, elle confirme avec force le rôle central et essentiel que tient la rémunération dans la relation contractuelle de travail, ce qui ne manque pas de contraster avec le mouvement de "décontractualisation" subi par d'autres éléments, jusqu'ici considérés comme contractuels (II).
Résumé

Le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.

Commentaire

I - L'information du salarié quant aux modalités de calcul de sa rémunération

  • Le mode de calcul de la rémunération

La rémunération du salarié constitue la contrepartie de la prestation de travail à laquelle celui-ci s'engage par la conclusion du contrat de travail (1). En ce sens, conformément à la théorie générale des obligations et, spécialement, à l'article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L1229AB7), le salaire constitue l'objet de l'obligation de l'employeur et doit, en conséquence, être déterminé ou déterminable.

La rémunération et son mode de calcul sont, le plus souvent, décidés par fixation pure et simple dans le contrat de travail. Le renvoi aux grilles conventionnelles de salaire est des plus fréquents et exclut la plupart des difficultés relatives à la détermination du mode de calcul de la rémunération.

  • Les conditions d'une variabilité de la rémunération

Cependant, la Cour de cassation décide, depuis fort longtemps, que la rémunération peut comporter une partie variable (2), à condition, toutefois, que l'ensemble de la rémunération ne puisse être inférieur aux minima légaux ou conventionnels (3). Les clauses du contrat de travail qui organisent de tels modes de rémunération sont appelées clauses de variation ou clauses de variabilité de la rémunération (4). Elles sont strictement encadrées car, contrairement aux règles gouvernant la détermination du prix dans les contrats de distribution (5), la jurisprudence refuse que la modification de la rémunération puisse être décidée unilatéralement par l'employeur (6). Les éléments entrant dans le mode de calcul de la rémunération doivent, par conséquent, être objectivement déterminés par le contrat de travail.

Si l'objectivité des éléments de calcul de la variation de la rémunération permet d'éviter que la variation de la rémunération soit soumise à la potestativité de l'employeur, il restait, encore, à savoir si le salarié devait être en mesure de vérifier que le mode de calcul accepté avait bien été respecté.

  • En l'espèce : information quant aux variations induites par le mode de calcul de la rémunération

Dans cette affaire, deux salariés, relevant du statut des VRP, étaient rémunérés de manière variable, selon un mode de calcul passablement complexe, le salaire de base et les commissionnements y afférent étant directement dépendants du pourcentage du chiffre d'affaires de l'entreprise et du nombre ou de la hauteur des commandes passées. Se prévalant de l'impossibilité de vérifier la justesse du commissionnement versé par rapport à celui qui est effectivement dû, les deux salariés avaient pris acte de la rupture de leur contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes, comme la cour d'appel, avait estimé que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement. Le précieux communiqué diffusé sur le site de la Cour de cassation précise que les juges du fond avaient jugé que le salaire constitue un "élément essentiel du contrat de travail" et que "l'un des droits fondamentaux du salarié était de connaître les bases de calcul de sa rémunération" (7).

Formant un pourvoi en cassation, l'employeur estimait que, sauf abus ou mauvaise foi, les "intérêts légitimes de l'entreprise", lui permettaient de refuser de communiquer aux salariés des données servant de base de calcul à leur rémunération (8). La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi par une décision fardée de nombreux atours démontrant sa plus haute importance (9). Elle décide, en effet, que "le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail", si bien que l'employeur ne pouvait retenir les informations nécessaires au calcul de sa rémunération.

  • Obligation d'informer le salarié et rôle circonscrit de l'intérêt de l'entreprise

Les enseignements les plus directs de cette solution sont multiples.

La Cour de cassation pose, en premier lieu, une obligation d'information à la charge de l'employeur, celui-ci devant mettre le salarié en mesure de vérifier que la rémunération qui lui a été versée correspond bien au mode de calcul établi par le contrat. Dans le cas d'espèce, c'est là une véritable obligation de communiquer aux salariés le chiffre d'affaires de la société. Ce n'est pas la première fois que l'employeur se voit imposer une obligation d'information à l'égard du salarié. On se souviendra, singulièrement, de l'obligation d'information de l'employeur en matière d'usage des NTIC dans l'entreprise (10) ou de celle visant à s'assurer que le salarié a eu connaissance de l'existence d'une convention collective et qu'il ait été mis en mesure d'en prendre connaissance pour que les sujétions contenues dans cette convention lui soient opposables (11). Il y a là une volonté de transparence absolue en matière de rémunération, qui trouve sa justification la plus aboutie dans le rôle central que souhaite donner la Cour de cassation à la rémunération dans le contrat de travail (12).

En second lieu, la Chambre sociale replace les "intérêts légitimes de l'entreprise" à leur juste place. Le moyen de l'employeur arguant de l'intérêt de l'entreprise pour refuser de communiquer au salarié les éléments nécessaires à la vérification de la justesse du calcul de sa rémunération est vigoureusement repoussé. En d'autres termes, la possibilité de connaître le calcul de sa rémunération n'est pas une simple liberté qui s'accommoderait d'un contrôle de nécessité et de proportionnalité sur le modèle de celles encadrées par l'article L. 1121-1 du Code du travail . Il s'agit d'un véritable droit, ce que confirme le communiqué de la Cour de cassation relatif à cet arrêt, lequel précise que les salariés disposaient d'un "droit élémentaire de connaître les bases de calcul de son salaire" (13).

Au-delà de l'arrêt lui-même, c'est sur le communiqué de la Cour de cassation qu'il est indispensable de se pencher tant celui-ci comporte -une fois n'est pas coutume- de nombreux enseignements sur les fondements profonds de cette solution.

II - La rémunération confirmée dans son statut d'élément essentiel du contrat de travail

  • La place centrale de la rémunération dans le contrat de travail

Si la simple lecture de l'arrêt permet seulement de relever que l'intérêt de l'entreprise ne suffit pas à priver le salarié du droit de se voir communiquer les informations nécessaires à la vérification du montant de sa rémunération, il en va bien autrement du communiqué de la Cour de cassation.

Ne se contentant pas de classer ce droit parmi les "droits élémentaires", les magistrats précisent, encore, que le salaire est "un élément essentiel du contrat de travail" (14). S'il ne faut guère s'étonner que l'existence d'une rémunération soit essentielle, celle-ci étant, d'ailleurs, une caractéristique du contrat à titre onéreux que constitue le contrat de travail, cette qualification d'élément essentiel aura, nécessairement, des répercussions en droit du travail, notamment, en matière de modification du contrat de travail et, par ricochet, de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Cette solution renforce, en effet, l'idée selon laquelle la rémunération appartient à ce socle contractuel minimal, mais parfaitement intangible, auquel l'employeur ne saurait apporter la moindre modification sans l'accord du salarié. Si la Chambre sociale avait accepté que l'intérêt de l'entreprise permette à l'employeur de taire certains éléments nécessaires au calcul de la rémunération, elle lui aurait insidieusement permis de modifier unilatéralement ces éléments de calcul sans que le salarié soit en mesure d'en prendre conscience ni, par conséquent, d'obtenir une quelconque forme de remise en état. La protection de l'élément essentiel "rémunération" interdit qu'un tel risque puisse être encouru, sans que la preuve de l'abus ou de la mauvaise foi avancée par l'employeur ne soit nécessaire.

  • Mise en perspective de la rémunération et de l'émergence des clauses informatives

On ne manquera, néanmoins, pas de remarquer qu'une telle volonté de marquer le caractère essentiel de la rémunération dans le contrat de travail contraste singulièrement avec le mouvement inverse que subissent différentes clauses du contrat de travail, lesquelles sont de plus en plus fréquemment qualifiées de simples clauses "informatives" (15). L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 disposait, comme un constat d'échec, que "le contrat de travail doit déterminer ceux des éléments qui ne pourront être modifiés sans l'accord du salarié" et montrait, ainsi, l'impossibilité, pour les partenaires sociaux, d'identifier, dans la jurisprudence fluctuante, les éléments appartenant toujours à la sphère du contrat de travail de ceux qui pouvaient, voire devaient, en être exclus (16). Certaines voix doctrinales avançaient, quant à elles, qu'il n'y aurait "donc pas d'élément 'contractuels par nature', mais, seulement, des éléments contractualisés par la volonté commune des parties" (17).

L'espèce commentée permet de s'assurer que la rémunération ne devrait pas sortir du socle minimal contractuel et que les clauses contractuelles relatives au montant, au mode ou au calcul de la rémunération devraient rester des "clauses normatives". La question qui reste en suspens est celle de savoir quels autres éléments seront classés parmi ces éléments essentiels car, par une interprétation a contrario, certes un peu rapide, on pourra, probablement, ainsi identifier la somme des éléments, qui ne constitueront que des informations des parties, identifier l'ensemble des clauses informatives du contrat de travail.


(1) Sur la rémunération et les règles qui la gouvernent, v., Ch. Radé, Rémunération : mode d'emploi, Lexbase Hebdo n° 133 du 9 septembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2730ABQ).
(2) Cass. soc., 20 février 1992, n° 89-40.154, M. Joseph Rossi c/ Société anonyme Relais d'usine John (N° Lexbase : A9750AYR).
(3) Cass. soc., 19 juillet 1995, n° 92-40.638, Groupement d'intérêt économique (GIE) Cevemi c/ M. Henri de Lavigne (N° Lexbase : A7523AXW).
(4) V., Ch. Radé, Haro sur le contrat. A propos de la prohibition des clauses de variation dans le contrat de travail, Dr. soc., 2001, p. 514 ; E. Dockès, La détermination de l'objet des obligations nées du contrat de travail, Dr. soc., 1997, p. 140.
(5) On se souviendra, pour mémoire, que l'article 1129 du Code civil n'est pas toujours applicable à l'objet de l'obligation de l'une des parties, comme cela est le cas en matière de détermination du prix dans les relations de distribution, depuis le célèbre arrêt de l'Assemblée plénière du 28 février 2002. V., Ass. plén., 1er décembre 1995, n° 93-13.688, Société Le Montparnasse c/ Société GST-Alcatel Bretagne (N° Lexbase : A8251AB9), D., 1996, juris., p. 13, concl. Jéol, note L. Aynès, JCP éd. G, 1996, II, n° 22565, concl. Jéol, note J. Ghestin, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd., 2000, par F. Terré et Y. Lequette, n° 151.
(6) Cass. soc., 30 mai 2000, n° 98-44.016, M. Lecur c/ Société Canon France (N° Lexbase : A6683AHY).
(7) Communiqué de la Cour de cassation.
(8) Un second moyen, qui ne sera pas étudié dans le cadre de ce commentaire en raison de son importance secondaire, portait sur un litige entre l'employeur et le salarié relatif au versement d'une indemnité de retour sur échantillonnage, prévue par l'ancien article L. 751-8 du Code du travail (N° Lexbase : L6781AC7, art. L. 7313-11 recod. N° Lexbase : L3170HXP).
(9) Outre son degré de publicité (P+B+R+I) et la diffusion du communiqué de la Cour susvisé, dont le contenu est particulièrement riche, il faut relever que l'arrêt comporte un chapeau posant la règle applicable, ce qui est bien plus coutumier pour les arrêts de cassation que pour les arrêts de rejet.
(10) V., Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, Compagnie IBM France c/ M. Michel Chatard, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9303DHZ) et les obs. de Ch. Radé, Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3898AI9).
(11) Sur ce thème, v. X. Carsin, La convention collective source de sujétions pour le salarié, JCP éd. S, 2007, 1015 ; A. Johansson, Les obligations conventionnelles face au silence du contrat de travail, JCP éd. S, 2006, 1304.
(12) V. les développements de la deuxième partie du commentaire.
(13) Communiqué de la Cour de cassation : La terminologie utilisée, ici, par la Cour de cassation est bien incertaine : qu'est-ce donc qu'un droit élémentaire... ? La seule véritable certitude, c'est que l'importance donnée à ce droit est moindre que celle donnée par les juges du fond, qui estimaient qu'il s'agissait là d'un véritable droit fondamental.
(14) Cette expression a, déjà, parfois, été retenue, s'agissant de la rémunération, de l'ancienneté ou de la qualification du salarié. V., par ex., Cass. soc., 8 mars 1995, n° 93-10.584, M. Paul Machet et autres c/ Compagnie nationale Air France, société anonyme et autres, inédit au bulletin (N° Lexbase : A6332CP9), Dr. soc., 1995, p. 508, obs. H. Blaise.
(15) Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-40.376, Mme Laetitia Suret c/ Société Coop Atlantique, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6993CK9) ; Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43.573, Société Résoserv c/ Mme Ariane Queniat, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6994CKA) et les obs. de S. Koleck-Desautel, La simple indication du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur d'information, Lexbase Hebdo n° 76 du 19 juin 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N7795AAX), Dr. soc., 2003, p. 884, obs. J. Savatier, JCP éd. G, 2003, II, 10165, note M. Véricel, D., 2004, p. 89, note C. Puigelier, RDC, 2004, p. 237, obs. J.-P. Chazal, p. 381, note Ch. Radé, RJS, 2004, p. 3, chr. J. Pélissier.
V., plus récemment, Cass. soc., 4 juillet 2007, n° 05-45.688, Société La Halle, F-D (N° Lexbase : A0749DXZ) et les obs. de Ch. Radé, Nouvelle application de la distinction entre les clauses informatives et la clause normative du contrat de travail : l'exemple de la mention du régime de prévoyance ou de retraite, Lexbase Hebdo n° 268 du 12 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7909BBK).
(16) V. Ch. Radé, Commentaire des articles 10, 11, 12 et 13 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : clarification des clauses spécifiques du contrat de travail et sécurisation dans sa rupture, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8238BDH).
(17) Ch. Radé, Nouvelle application de la distinction entre les clauses informatives et la clause normative du contrat de travail : l'exemple de la mention du régime de prévoyance ou de retraite, préc..


Décision

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-41.910, Société Corporate Express, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2113D97)

Rejet, CA Paris, 18ème ch., sect. E, 16 février 2007, n° 05/06879, Mme Marlène Obadia et autres c/ SA Corporate Express (N° Lexbase : A1714DY7)

Textes concernés : néant

Mots-clés : rémunération ; variation de la rémunération ; mode de calcul ; obligation de permettre au salarié de vérifier le mode de calcul.

Liens base : et

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Assurances

[Chronique] Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences

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N4868BGE

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, tous deux membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé). Seront traités ce mois-ci, d'une part, la double protection dont bénéficie l'assuré tant par le Code des assurances que par le Code de la consommation et, d'autre part, les règles de la réduction proportionnelle de l'indemnité en cas d'omission ou de déclaration inexacte par l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie.
  • La protection du droit des assurances n'est pas exclusive de celle du Code de la consommation... (Cass. civ. 1, 22 mai 2008, n° 05-21.822, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6678D8T)

Indiquer que l'application du droit des assurances n'est pas exclusive de celle du droit de la consommation n'est pas, de certains points de vue, l'annonce d'une véritable nouveauté. A diverses reprises, on s'en souvient, le législateur a édicté des règles de droit de la consommation applicables à tous les secteurs du droit, qui figuraient déjà, peu ou prou, dans le Code des assurances. De la même manière, on ne compte pas les arrêts de la Cour de cassation qui ont fait application du droit de la consommation. Mais une toute autre perspective s'ouvre lorsque l'on constate que certaines de ces règles se heurtent, en quelque sorte, les unes par rapport aux autres ; en témoigne cette décision en date du 22 mai 2008. Or, en prévoyant que cet arrêt fasse l'objet de la plus large information qui puisse être, la Cour de cassation atteste de sa volonté d'insister encore sur son souci d'offrir une protection efficace au cocontractant de l'assureur ou de tout intermédiaire de ce dernier, comme de donner une certaine suprématie au droit de la consommation (sur les aspects relatifs au droit des contrats de cette décision, lire les obs. de D. Bakouche, Illustration d'une application extensive de la protection des consommateurs, Lexbase Hebdo n° 310 du 6 juin 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N3807BG4).

Certes l'arrêt émane de la première chambre civile de la Cour de cassation et d'aucuns pourraient être tentés de faire observer que la majeure partie du contentieux en assurance n'incombant plus désormais à celle-ci, la portée de la décision devrait être relativisée. Toutefois, la vaste publicité effectuée en l'espèce démontre au moins le souci de cette chambre de rappeler quelle est sa position en ce domaine, puisqu'elle n'avait, récemment, pas eu l'occasion de se prononcer. Plus encore, il semble que cette décision, par sa généralité au regard des faits d'une totale banalité comparés à l'ensemble des litiges rencontrés depuis des années, mérite une attention soutenue. Enfin, les spécialistes n'auront pas manqué de relever que l'analyse de la première chambre civile s'inscrit ainsi plutôt dans la lignée de l'orientation qui semblait majoritaire depuis une longue période.

Grâce à nombre de règles du droit de la consommation, c'est parfois d'une double réglementation dont bénéficie l'assuré en général. Mais pour l'assuré particulier qu'est l'adhérent dans le cadre d'assurances de groupe, c'est davantage d'une protection accrue dont on doit parler. Et chacun en a, désormais, bien conscience, ne serait-ce qu'à l'examen du contentieux récent, sans qu'il soit encore nécessaire d'insister après plus de vingt ans où il occupe une place prépondérante (1) : les assurances de groupe suscitent incompréhension ou mauvaise information (2). Peut-être, le tort provient-il des souscripteurs eux-mêmes dont les connaissances juridiques en matière d'assurance ne seraient pas aussi pointues que dans d'autres cas et cadres. Quoi qu'il en soit, le législateur a instauré des règles dans le Code de la consommation qui contredisent presque parfois celles des articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances (N° Lexbase : L2643HWS).

La première chambre civile de la Cour de cassation a donc tranché dans le sens de la protection effective des adhérents de contrats d'assurance de groupe. En l'espèce, la société Cetelem avait consenti des prêts aux époux P. et à M. P. lui-même. Ce dernier avait adhéré au contrat d'assurance de groupe que la société Cetelem avait souscrit auprès de la compagnie d'assurances Cardif assurances risques divers. Ce contrat couvrait le risque d'invalidité permanente et totale. Quelques temps plus tard, M. P. a été déclaré inapte au travail et même placé en retraite anticipée. Il a alors sollicité de l'assureur la prise en charge du remboursement du solde de ses prêts. N'ayant pas obtenu satisfaction, il a assigné tant l'assureur que l'organisme de crédit, Cetelem.

L'adhérent aurait pu agir sur le fondement des articles L. 141-1 et suivants du Code des assurances. Devant la cour d'appel, c'est en s'appuyant sur les articles du Code de la consommation que le litige prospère. M. P. s'étant vu refuser la prise en charge du remboursement du solde du prêt, tente de démontrer que la clause du contrat d'assurance était abusive. Or, la cour d'appel avait considéré que cette clause, figurant dans un contrat conclu entre l'assureur et Cetelem, prêteur de deniers, ne permettait pas à l'adhérent de bénéficier des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6478ABK). La réaction de la Cour de cassation était donc à peu près certaine. De fait, elle écarte l'argument du pourvoi en commençant par rappeler, avec précision, le mécanisme juridique sur lequel repose l'assurance de groupe (3).

Et la Cour de cassation de poursuivre -longuement, avons-nous envie de préciser- , grâce à un moyen relevé d'office après avis donné aux avocats, en s'appuyant aussi sur l'article L. 133-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6646ABR) qui n'existait pas dans la loi du 10 janvier 1978. Selon ce dernier, "les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel". Or, l'assureur avait refusé sa garantie en arguant d'une clause dans le contrat d'assurance en vertu de laquelle aucune prise en charge de l'invalidité permanente et totale ne pouvait intervenir "dès la fin du mois où survenait l'un des trois événements suivants : liquidation de toute pension de retraite, départ ou mise en préretraite, cessation d'activité professionnelle".

Le moins que l'on puisse constater c'est que le libellé de l'arrêt n'était pas d'une limpidité totale. Deux interprétations au moins étaient envisageables. Essayant d'y voir plus clair et de simplifier, il nous semble que les deux conceptions retenues dans l'arrêt seraient les suivantes. Ou bien, la prise en charge ne pouvait être sollicitée après que l'assuré ait perçu une pension de retraite : c'est l'analyse de la cour d'appel. Ou bien, la clause ne pouvait être interprétée ainsi puisque l'invalidité était à l'origine de la décision de placer l'assuré en retraite anticipée : c'est la position de la Cour de cassation. En tous les cas l'interprétation des clauses contractuelles en assurances de groupe ne répond pas à seule logique des articles 1156 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L1258AB9), mais aussi de celles du Code de la consommation. Si ces solutions ne sont pas tout à fait novatrices (I), elles constituent tout de même un renforcement indubitable de la protection des adhérents de contrats d'assurances de groupe grâce au droit de la consommation venant reléguer au second plan le droit des assurances lui-même (II)

I - L'absence de complète nouveauté de certains aspects de la décision

Tout d'abord, la Cour de cassation rappelle que l'assurance de groupe repose sur une stipulation pour autrui voulue et conclue entre l'assureur et le souscripteur, en l'espèce un organisme de crédit : la société Cetelem. Pour autant, elle crée "un lien contractuel direct, de nature synallagmatique, entre l'adhérent et l'assureur" (4). Et la Cour de cassation de préciser, de manière claire et nette ici, que les stipulations de ce lien contractuel relèvent des dispositions de l'article L. 132-1 du Code des assurances, "notamment"... pourrions-nous ajouter aux propos de la Cour suprême. Par conséquent, en refusant d'en faire application la cour d'appel a violé ce texte. Rappelons que cet article, issu de la loi n° 78-23 du 1er janvier 1978, sur la protection et l'information des consommateurs, a été modifié par la loi n° 95-96 du 1er février 1995 (N° Lexbase : L2605DY7). Relatif aux clauses abusives, il s'applique dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels. Or, il est inutile d'insister sur le fait que l'assureur est un professionnel, l'organisme de crédit aussi, tandis que l'assuré comme l'adhérent d'une assurance de groupe n'ayant pas, sauf exception cette qualité, sont au contraire considérés comme profanes.

Que les assurances de groupe, notamment, reposent sur une stipulation pour autrui, la solution apparaît acquise depuis un certain temps désormais. La véritable question a plutôt été de savoir si cette seule assise juridique suffit à expliquer l'ensemble du mécanisme mis en oeuvre. Il n'est plus vraiment contesté, aujourd'hui, que les assurances de groupe supposent au moins une stipulation pour autrui voire deux ou trois, ou, plus exactement encore sur un contrat pour autrui et une stipulation pour autrui (5). Mais laissons ces considérations sur la nature juridique de l'opération, théoriques et techniques. Encore qu'il ne soit pas innocent et neutre de constater le soin que prend la première chambre civile de la Cour de cassation à rappeler ce point. Peut-être est-ce en raison de l'absence d'occasions récentes s'étant présentée à la deuxième chambre civile pour le confirmer.

Que le Code de la consommation s'applique aussi dans le cadre des assurances de groupe emprunteurs, là encore la solution n'est pas tout à fait nouvelle. Ce n'est certes pas le cas de toutes les dispositions du Code de la consommation ; néanmoins certaines d'entre elles vont même jusqu'à s'opposer au régime édicté par le législateur en matière d'assurances de groupe (6). On songe notamment à la présomption de mandat instituée par l'article L. 141-6 du Code des assurances (N° Lexbase : L2648HWY) en ce qui concerne justement l'information précontractuelle de l'adhérent. Ainsi, dans la présente affaire, la Cour de cassation considère que le Code de la consommation doit, en quelque sorte, prévaloir sur les règles du droit des assurances de groupe emprunteurs. Mais l'analyse ne surprend qu'à demi puisque des décisions antérieures le laissaient entendre.

En effet, à plusieurs reprises la Cour de cassation a admis que le Code de la consommation pouvait être invoqué pour permettre à l'assuré insatisfait d'obtenir réparation. Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt en date du 25 janvier 2007, que la cour d'appel avait violé l'article L. 312-9 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6771ABE) (Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 05-19.700, FS-P+B N° Lexbase : A6827DTZ). Selon ce texte, créé par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, "lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective qu'il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées. 1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance...." (7).

Mais surtout, le 5 juillet 2006, la première chambre civile avait mis en oeuvre l'article L. 132-1 du Code de la consommation relatif au concept d'abus de puissance économique dans le cadre d'un contrat d'assurance (Cass. civ. 2, 5 juillet 2006, n° 04-10.273, FS-P+B N° Lexbase : A3619DQ4). D'après ce texte, modifié par une ordonnance n° 2001-741 en date du 23 août 2001, "dans les contrats conclu entre professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties". La première chambre civile confirme donc l'analyse qu'elle avait déjà adoptée. Elle persiste et signe et va même au-delà avec le second moyen développé, pour ne pas dire imposé...manière de renforcer la portée de ses propos. Or, c'est sans doute ce dernier qui retient davantage l'attention.

II - L'interprétation des clauses contractuelles

En énonçant, dans un attendu qui prend des allures de principe, que "les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel", la première chambre de la Cour de cassation se conforme à un arrêt identique, rendu quelques temps plus tôt, le 13 juillet 2006 par la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-18.104, FS-P+B N° Lexbase : A4624DQC). Celle-ci avait statué, également, en faveur de l'assuré en considérant que l'article L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation s'appliquait et que les clauses des contrats proposés par des professionnels aux consommateurs devaient être analysées dans le sens le plus favorable à ces derniers.

La Cour de cassation voulait cette décision. Outre le fait d'avoir relevé un moyen d'office, elle impose le fondement juridique en insistant : attendu, selon ce texte (l'article L. 133-2 du Code de la consommation) "applicable en la cause". Or, on ne voit guère dans quelles circonstances cet article ne pourrait pas être mis en oeuvre. Par conséquent, la première chambre civile de la Cour de cassation indique qu'elle s'émancipe, non seulement du Code des assurances et des articles relatifs aux assurances de groupe, mais aussi des dispositions spécifiques à l'interprétation des conventions énoncées aux articles 1156 et suivants du Code civil. Et parmi ces derniers, le principe énoncé en premier selon lequel "on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes" est donc écarté. En revanche, se trouverait ainsi presque réhabilité -car assez peu souvent cité-l'article 1162 du Code civil (N° Lexbase : L1264ABG) en vertu duquel : "dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation". Mais la suprématie du droit de la consommation est telle depuis quelques années qu'elle relègue au second plan tant le droit des assurances de groupe que le droit commun (8)... Les assureurs ne vont pas manquer de méditer la leçon réitérée.

Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", Membre de l'Institut de Recherche en Droit Privé (IRDP) 

  • Du bon usage de la règle de réduction proportionnelle de l'article L. 113-9 du Code des assurances (Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 07-13.508, F-P+B N° Lexbase : A5338D89)

La publication de cet arrêt de censure permet de rappeler, aux juges du fond comme à tout juriste conduit à "arpenter " le droit des assurances, les règles de la réduction proportionnelle de l'indemnité en cas d'omission ou de déclaration inexacte par l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie, en application de l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN). Une telle omission ou déclaration inexacte procèdera tantôt d'une erreur commise au moment de la souscription du contrat, qu'on pourrait qualifier d'erreur originelle, tantôt d'une omission ou inexactitude commise à l'occasion d'une modification du risque initial ou de l'ajout d'un risque nouveau, qu'on pourrait qualifier d'erreur subséquente. Il faut alors conjuguer l'article L. 113-9 à l'article L. 113-2-3° du Code des assurances (N° Lexbase : L0061AAI). Tel était le contexte de l'arrêt étudié, justement rendu au double visa des articles précités.

En l'espèce, une société immobilière est assurée pour les dommages pouvant survenir à son matériel informatique. Bien que l'arrêt ne le spécifie pas, il est probable que la couverture des risques informatiques relevait, ici, d'une garantie incluse dans un contrat couvrant plus généralement les biens de cette société immobilière (9). Les entreprises de taille plus importantes ou celles dont l'utilisation des technologies est plus "cruciale" se voient souvent proposer des polices couvrant spécifiquement les risques d'exploitation informatique (cf. polices "Tous risques informatiques", "globale informatique", etc.). Ces polices ne couvrent pas seulement les dommages matériels directs subis par le matériel informatique (destructions et détériorations accidentelles, tel le bris occasionné par chute, comme dans l'arrêt ici étudié, ou par suite d'un incendie, dégât des eaux, acte de malveillance, vol, rupture d'électricité, etc..), qui se traduisent par des coûts de remplacement du matériel, mais aussi les dommages consécutifs à un dommage matériel direct (tels frais de reconstitution des informations ou les pertes d'exploitation, c'est-à-dire la baisse du chiffre d'affaires subie par l'entreprise assurée suite à la réduction ou même à l'interruption de son activité consécutive à un endommagement de son matériel informatique) (10).

Comme on l'aura compris, il s'agissait ici d'un sinistre occasionné par la chute d'un matériel informatique dont l'assuré "venait de recevoir livraison". L'assureur a refusé sa garantie au motif que son assuré "ne s'était pas conformée aux dispositions contractuelles qui l'obligeaient, notamment, à informer l'assureur dès que le plafond du matériel assuré était, en raison de l'adjonction d'un matériel supplémentaire, dépassé de 10 %". Chacun perçoit aisément l'économie du contrat d'assurance, qu'on qualifie parfois de contrat "d'extrême bonne foi", en ce qu'il repose sur la loyauté de l'assuré lors de la déclaration initiale (11) comme ultérieure en cas de modification ou d'ajout(s) de risque(s). Si l'article L. 113-2-3° du Code des assurances fait obligation à l'assuré de déclarer toute modification du risque initial ou adjonction de risque(s) nouveau(x) c'est pour permettre à l'assureur de réagir par voie de conséquence, soit par réclamation d'une surprime, soit par une résiliation s'il se refuse à couvrir un tel risque, solutions alternatives envisagées par l'article L. 113-4 (N° Lexbase : L0063AAL) du même code. On constatera que le contrat litigieux précisait bien les conditions dans lesquelles cette obligation de déclaration d'une modification du risque en fixant un seuil de "souffrance" : toute modification par ajout d'un matériel informatique supplémentaire inférieure à 10 % de la valeur des matériels assurés initialement ne nécessitait pas de déclaration modificative. Franchi ce seuil, l'obligation légale s'imposait.

Le Code des assurances a prévu des sanctions qui assortissent un manquement à l'obligation de déclaration du risque : nullité en cas de réticence ou fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré (cf. L. 113-8 [LXB= L0064AAM]) et sanction moindre en cas de bonne foi de l'assuré (laquelle est présumée), l'article L. 113-9 distinguant selon que l'omission ou la déclaration inexacte est constatée avant tout sinistre (auquel cas il est encore temps de réparer cette erreur par maintien du contrat moyennant surprime ou, si mieux n'aime l'assureur, par résiliation du contrat) ou bien après sinistre. C'est alors la règle de la réduction proportionnelle de l'indemnité "en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues" qui trouve à s'appliquer.

L'espèce étudiée se prêtait bien à l'application de ce mécanisme. Or, curieusement, la cour d'appel avait, ici, rendu un arrêt infirmatif reprochant au premier juge une application "non fondée en droit", au motif d'une "absence de souscription de la moindre garantie pour le matériel déclaré endommagé". La Cour de cassation redresse heureusement l'analyse en soulignant "que le contrat d'assurance autorisait l'adjonction d'un nouveau matériel sous réserve d'informer l'assureur du dépassement d'un plafond fixé sur l'année à 10 % du montant déjà assuré". Comment ne pas approuver cette motivation ?

La clause susmentionnée obligeant l'assuré à indiquer à son assureur toute modification qui fasse excéder la valeur des biens assurés de 10 % implique, par nature, qu'un matériel nouveau, par définition non déjà couvert, ne soit pas considéré comme un risque exclu mais comme un risque (informatique) "aggravé". La logique de la cour d'appel équivaut à rayer d'un trait de plume la règle proportionnelle de l'article L. 113-9. Le respect des textes conduit, au contraire, à la solution selon laquelle l'ajout d'un matériel nouveau, excédant le seuil conventionnel, implique que le risque concernant ce nouveau matériel est bien couvert, comme le risque initial qu'il est venu aggravé, mais que l'indemnité due par l'assureur est proportionnellement réduite, à hauteur du prorata entre prime modificative et prime initiale.

On pourra donc légitimement fustiger la cour d'appel. Toutefois le premier reproche à formuler s'adresse à l'assureur qui a refusé, ici, toute garantie, sans proposer, spontanément, à son assuré une indemnité réduite en application de l'article L. 113-9. L'attitude de l'assureur revenait à opposer un refus de garantie alors que l'hypothèse ne relevait nullement d'une fausse déclaration intentionnelle de mauvaise foi de l'assuré propre à conduire à la nullité du contrat en vertu de l'article L. 113-8. L'assureur avait cherché à obtenir un résultat voisin sans avoir à supporter la preuve de la mauvaise foi de l'assuré. Celle de l'assureur ne fait guère de doute...

Au titre des suites de l'arrêt, on signalera qu'il incombera à la cour d'appel de renvoi d'appliquer l'article L. 113-9 et, pour cela, d'établir le ratio déterminé par la prime qui aurait été fixée par rapport à la prime initiale. S'il appartient, en principe, à l'assureur d'arrêter la prime qu'il aurait appliquée si l'assuré avait régulièrement déclaré l'aggravation du risque, c'est, toutefois, au juge de déterminer souverainement le taux de prime qui était dû et de le mettre en rapport avec la prime initiale pour en déduire la réduction proportionnelle (12). On peut, toutefois, penser que si l'assuré ne discute pas le prorata qui en résulte, le juge devrait, en principe, appliquer la réduction telle que déterminée par l'assureur (13).

L'article L. 113-9 du Code des assurances pose sans doute moins de difficultés que son alter ego, l'article L. 113-8, dont les conditions sont à la fois plus nombreuses (mauvaise foi ; changement du risque ou de l'opinion de l'assureur) et plus complexes (cf., notamment l'application aux contrats multirisques (14)) Ce n'est pas pour autant que toute question quant à l'interprétation de cet article ait été résolue. Ainsi, la doctrine s'interroge-t-elle sur le point de savoir si un contrat d'assurance pourrait déroger à l'article L. 113-9, malgré son caractère impératif (n'étant pas visé dans la liste des dispositions supplétives fixée à l'article L. 111-2 du même code), par une clause dite "d'incontestabilité" en vertu de laquelle l'assureur renoncerait à contester les déclarations de son assuré. Bien que la solution soit favorable à l'assuré, sa validité nous semble douteuse car, d'une part, on ne peut renoncer à un droit d'ordre public (même de protection) avant qu'il ne soit acquis et, d'autre part, la jurisprudence a retenu une impossibilité de renoncer de manière anticipée à l'article L. 113-8... (15)

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Faculté de droit de Nantes, Membre de l'IRDP (Institut de Recherche en Droit Privé)


(1) Voir nos obs., Précisions sur les clauses de durée minimum et maximum d'emploi, chron., Recueil Dalloz, 1995, pp. 278 et s..
(2) Voir nos obs., "Lorsque Royal Canin montre les crocs" ou l'importance de la remise de la nnotice d'information en assurances de groupe, note sous Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 07-14.354, Société Royal Canin N° Lexbase : A5357D8W), in Chronique en droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur, avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences, Lexbase Hebdo n° 307 du 5 juin 2008 - édition privée générale.
(3) Sur le plan jurisprudentiel, voir : Cass. civ. 1, 7 juin 1989, n° 87-14.648, Compagnie Via assurances-vie c/ Association de prévoyance des commerçants, artisans, professions libérales, industriels et leurs salariés et autre (N° Lexbase : A9679AAQ), Bull. civ. I, n° 233, p. 155 ; RGAT, 1989, p. 623, note J. L. Aubert. L'arrêt est le premier à indiquer de manière aussi claire et explicite que : "L'adhésion au contrat d'assurance de groupe, bien que conséquence d'une stipulation pour autrui, n'en crée pas moins un lien contractuel direct entre l'adhérent et l'assureur". Puis, sous le visa de l'article 1121 du Code civil (N° Lexbase : L1209ABE) : Cass. civ. 1, 14 novembre 1995, n° 93-15.309, M. Ricord c/ Société de mobilisation et d'avances et autres (N° Lexbase : A7801ABK), Bull. civ. I, n° 404, p. 282. Sur le plan doctrinal, voir : V. Nicolas, Essai d'une nouvelle analyse du contrat d'assurance, Thèse, dacty. 1994, LGDJ, 1996, préf. Jacques Héron, spéc. n° 453 et s., p. 199 et s. ; L. Mayaux in Traité de droit des assurances : les assurances de personnes, sous la dir. de J. Bigot, Tome 4, LGDJ, 2007, n° 818 et s., p. 655 et s..
(4) L. Mayaux in Traité de droit des assurances : les assurances de personnes, sous la dir. de J. Bigot, Tome 4, LGDJ, 2007, n° 824 et s., p. 660 et s.. C'est ce que certains auteurs nomment la conception "éclatée" de l'assurance collective. Même si elle n'a pas été adoptée par tous les auteurs, c'est celle qui semble s'imposer en jurisprudence, comme en témoigne le présent arrêt.
(5) V. Nicolas, Essai d'une nouvelle analyse du contrat d'assurance, Thèse, dacty. 1994, préc., spéc. n° 453 et s., p. 199 et s..
(6) L. Mayaux in Traité de droit des assurances : les assurances de personnes, préc., n° 809, p.645.
(7) Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, art. 16 (N° Lexbase : L6478ABK), JORF du 25 août 2001.
(8) Cass. civ. 1, 21 janvier 2003, n° 00-13.342, M. Manuel Cordeiro c/ Société La Préservatrice Foncière assurances (PFA) Vie, F-P+B (N° Lexbase : A7395A4N), Bull. civ. I, n° 19 ; D., 2003, p. 2600, note Claret ; Dr. et patr., mai 2003, p. 112, obs. Chauvel ; RCA, 2003, chron. 13, par G. Courtieu ; RTDCiv., 2003, p. 292, obs. J. Mestre et B. Fages ; RGDA, 2003, p. 442, note J. Kullmann. Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, préc., Bull. civ. I, n° 214 ; CCC, 2006, n° 209, note G. Raymond ; RDC, 2007, p. 347, obs. Fenouillet.
(9) Les mutuelles du Mans, ici concernées, proposent un contrat multirisques professionnels (là-dessus, cf. le site internet de cet assureur).
(10) Là-dessus, cf. Lamy Assurances, 2008, spéc. n° 3424 et s..
(11) Les lecteurs de cette chronique savent, toutefois, que derrière l'obligation de déclaration des risques initiaux se cache, en réalité, une obligation pesant sur l'assureur de se renseigner par un questionnaire circonstancié, toute absence de précision de son questionnaire se retournant contre lui (là-dessus, cf. V. Nicolas, Pas de pitié pour l'assureur n'ayant pas élaboré un questionnaire complet et précis, note sous Cass. civ. 2, 15 février 2007, n° 05-20.865, FS-P+B (N° Lexbase : A2138DUQ), in Chronique en droit des assurances, Lexbase Hebdo n° 251 du 4 mars 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N2992BA3).
(12) Cf. Cass. civ. 1, 24 juin 2003, n° 98-13.334 ; adde, Cass. civ. 1, 6 juin 2000, n° 97-19.241, M. Moins c/ Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) (N° Lexbase : A3485AUM), Bull. civ. I, n° 171 ; RGDA, 2000, p. 806, note Favre-Rochex.
(13) Là-dessus, cf. Lamy assurances, 2008, op. et loc. cit..
(14) Pour une présentation des différents mouvements jurisprudentiels qui conduiront à une analyse in concreto par rapport à chaque risque et indépendamment du sinistre, depuis Cass. civ. 1, 3 janvier 1996, n° 93-18.812, M. Di Meglio c/ Les Assurances mutuelles de France (N° Lexbase : A9416ABD), Bull. civ. I, n° 4, RCA, 1996, n° 101, obs. H. Groutel ; JCP éd. G, 1996, p. 77, rapp. P. Sargos, cf. jurisprudence ss L. 113-9 in Code des assurances, Litec, 2ème édition.
(15) Cf. Cass. civ. 1, 20 juin 2000, n° 98-10.655, M. Robert Blanchard et autres c/ Crédit foncier communal d'Alsace et de Lorraine, société anonyme et autres (N° Lexbase : A6572CXP), RGDA, 2000, p. 813, note Favre-Rochex.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Nature de l'indemnité compensatrice versée au titre d'un accord de réduction du temps de travail

Réf. : Cass. civ. 2, 19 juin 2008, n° 07-16.135, Société Omnium de gestion et de financement (OGF), FS-P+B (N° Lexbase : A2263D9P)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La nature juridique de l'indemnité différentielle versée (éventuellement) par un employeur, pour compenser la baisse de rémunération induite par la réduction du temps de travail, a donné lieu à des prises de position divergentes de la Cour de cassation et du législateur jusqu'au vote de la loi de financement de la Sécurité sociale (loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 N° Lexbase : L9963HDD), qui a clos le débat. La matière n'a pas suscité de grands débats doctrinaux (1), alors même que les employeurs étaient sensibilisés par les enjeux financiers de cette question : de la nature de l'indemnité (salaire ou dommages et intérêts) dépend son sort au regard de leur assujettissement aux cotisations de Sécurité sociale (ou, au contraire, leur exonération). Un arrêt du 19 juin 2008 témoigne des enjeux financiers que représentent, pour les employeurs, la nature juridique de ces indemnités compensatrices RTT, et des enjeux proprement juridiques sur la qualification de telles indemnités. En l'espèce, une société de gestion et de financement avait réclamé à l'Urssaf le remboursement des cotisations et contributions sociales afférentes aux sommes versées à ses salariés au titre de la compensation des pertes de rémunération résultant de la réduction de leur temps de travail, depuis l'entrée en vigueur de l'accord conclu le 15 juin 1999. Elle a contesté le refus de l'Urssaf devant la juridiction de Sécurité sociale. Les juges du fond ont dénié à ces indemnités compensatrices le caractère de dommages et intérêts. L'employeur s'est pourvu devant la Cour de cassation contre l'arrêt rendu le 3 avril 2007 par la cour d'appel de Versailles (5ème chambre, section A) et la Cour de cassation rejette le pourvoi. Les solutions jurisprudentielles et législatives ont beaucoup fluctué, faute pour le législateur (au titre des lois de "Robien", "Aubry I" ou "Aubry II") de s'être donné la peine d'apporter des précisions sur le régime social des indemnités compensatrices RTT. La Cour de cassation avait clairement pris position en 2004, pour une nature indemnitaire : le législateur (loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006), conscient des effets financiers, probablement, sérieux pour les Urssaf, qui auraient dû rembourser aux entreprises des cotisations qu'elles avaient encaissé à tort pendant quelques années, a mis un terme au débat, en décidant que l'indemnité compensatrice RTT avait la nature d'un salaire et non pas de dommages et intérêts. Il faut donc envisager la question dans sa dimension temporelle, c'est-à-dire avant ou après l'application de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (art. 14, 1° du II).
Résumé

Il résulte de l'article L. 242 1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0113HGB), dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006, que sont soumises à cotisations toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les sommes compensant les pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail. Peu importe le caractère prioritaire, ou non, de l'objectif d'éviter des licenciements, le recours à une hausse du taux horaire ou à des versements à plus longue échéance de la compensation des pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail ou, enfin, la présence ou l'absence de mention expresse du caractère indemnitaire des sommes litigieuses.

Commentaire

I - Nature de l'indemnité compensatrice RTT avant la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (art. 14, 1° du II)

A - Avant la jurisprudence "Société Durand c/ Urssaf de Mayenne" (2)

  • Jurisprudence "Beghin-say c/ Urssaf Lille"

Une importante décision rendue par la Cour de cassation en 1994 (3) retient la nature non de salaire, mais de dommages et intérêts à une indemnité compensant le préjudice subi par le salarié lorsque son emploi à temps plein est transformé en emploi à temps partiel. Selon la Cour de cassation, les indemnités versées aux salariés ayant accepté la transformation de leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel, dans le cadre d'un plan social, ont le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né pour les intéressés de la réduction de leur temps de travail. En conséquence, elles ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations. Cette jurisprudence revêt, pourtant, une dimension et une portée limitées, parce que la nature juridique de l'indemnité versée aux salarié doit son caractère de dommages et intérêts (et non de salaire) plus au fait qu'elle est versée dans le cadre d'un plan social, qu'en raison de son mécanisme (indemnité compensant le passage d'un temps plein à un temps partiel).

  • Lettre circulaire Acoss n° 97-051 du 2 juillet 1997 et lettre ministérielle du 17 mars 1997 (Dir. SS 17 mars 1997)

La jurisprudence "Beghin-say c/ Urssaf Lille" (supra) a déclenché une réaction du ministère de la Santé et des Affaires sociales (lettre ministérielle du 17 mars 1997), ainsi que de l'Acoss (lettre circulaire n° 97-051 du 2 juillet 1997). L'Acoss décidait que l'indemnité compensatrice versée par l'employeur à l'occasion d'une mesure de réduction du temps de travail ne peut revêtir le caractère de dommages et intérêts (et non, de salaire) qu'à la double condition que le préjudice soit avéré et qu'elle soit mise en place dans le cadre d'un plan social.

En revanche, le ministère de la Santé et des Affaires sociales prenait une position bien plus favorable aux Urssaf, puisque l'administration décidait que l'exonération de cotisations s'applique, dès lors que le préjudice est avéré et que la réduction du temps de travail intervient afin d'éviter des licenciements pour motif économique (lettre ministérielle du 17 mars 1997, diffusée par lettre circulaire Acoss n° 97-051 du 2 juillet 1997).

L'exonération ne trouve pas à s'appliquer dans le cadre de dispositifs de réduction du temps de travail mis en place en vue de créer des emplois (volet offensif). Toute somme versée au salarié compensant cette réduction est pleinement assujettie aux cotisations sociales, compte tenu de l'aide apportée par l'Etat. Cette décision d'assujettir ces sommes à cotisations est motivée, selon l'administration du travail, par le fait que l'employeur a bénéficié, par ailleurs, d'une aide de l'Etat prenant la forme d'un allègement dégressif de cotisations patronales de sécurité sociale applicable pendant une durée maximale de 7 ans. De même, les sommes versées dans le cadre des dispositifs de réduction du temps de travail destinés à éviter des licenciements (volet défensif), pour lesquels l'employeur bénéficie d'une aide de l'Etat prenant la forme d'un allègement dégressif de cotisations patronales de sécurité sociale, ne doivent pas être exclues de l'assiette des cotisations (lettre circulaire Acoss n° 2006-063, 21 avril 2006 N° Lexbase : L5850HII, infra, n° 24).

  • Circulaire 3 mars 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (4)

La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail ("Aubry II") (N° Lexbase : L0988AH3), comporte des précisions spécifiques à la question de l'indemnité compensatrice éventuellement versée aux salariés en cas de réduction du salaire. La compensation salariale de la réduction du temps de travail peut être assurée par un complément différentiel de salaire ou par une hausse du taux horaire. La loi a défini la garantie applicable aux salariés payés au SMIC sur la base de la compensation par complément différentiel. Cependant, ce choix n'interdit pas aux entreprises de retenir, y compris pour leurs salariés payés au SMIC, la modalité de la hausse du taux horaire, dès lors qu'elles respectent les montants de la garantie applicable aux salariés payés au SMIC et les revalorisations qui s'appliqueront à cette garantie.

Le complément différentiel a la même nature que la partie de salaire versée sur la base de la durée du travail après réduction. Il n'a pas un caractère indemnitaire. Il est soumis à cotisations sociales et doit être mentionné, sur le bulletin de paye dans les éléments de salaire soumis à ces cotisations. Sa mise en place ne modifie donc pas les droits à prestations sociales des salariés. La Cour de cassation s'est prononcée sur la nature des indemnités compensatrices à la RTT en affirmant que la compensation pour réduction d'horaire a la nature de majoration de salaire à intégrer au salaire de base à comparer au minimum garanti, que celui-ci soit légal ou conventionnel (Cass. soc., 19 mars 1985, supra). Si, dans un arrêt du 7 avril 1994 ("Béghin Say", supra), la Cour de cassation a estimé que les indemnités compensatrices, allouées dans le cadre d'un plan social aux salariés à temps complet qui acceptent de travailler à mi-temps, ont la nature de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la réduction de leur temps de travail et ne doivent donc pas être soumises à cotisations, cette position ne peut être appliquée, selon la circulaire du ministère de l'Emploi du 3 mars 2000 (préc.) s'agissant de la réduction du temps de travail effectuée dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 ("Aubry I") ou de la loi n° 98-461 du 19 janvier 2000, d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ("Aubry II") (N° Lexbase : L7982AIH). La jurisprudence récente confirme que très rares peuvent être les circonstances dans lesquelles les sommes destinées à maintenir un salaire peuvent être exclues de l'assiette des cotisations sociales (Cass. soc., 25 novembre 1999, n° 97-13.063, Urssaf de la Somme c/ Association Le Temps du Jazz N° Lexbase : A3261AAZ et circulaire du 3 mars 2000, préc.).

B - Depuis la jurisprudence "Société Durand c/ Urssaf de Mayenne"

  • Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, Société Durand c/ Urssaf de Mayenne

En 2004, la Cour de Cassation a considéré que les sommes versées aux salariés en compensation de la perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail présentent le caractère de dommages et intérêts. A ce titre, elles doivent être exclues de l'assiette des cotisations et contributions de Sécurité sociale (5). Destinées à compenser les pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail, les sommes versées aux salariés en application de l'accord d'entreprise défensif (prévu par l'article 39-1, alinéa 2, de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle N° Lexbase : L7486AI4) ont le caractère de dommages-intérêts. La cour d'appel a exactement décidé que les indemnités litigieuses n'entraient pas dans les prévisions de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale et qu'elles devaient être exclues de l'assiette des cotisations sociales.

  • Lettre circulaire Acoss n° 2004-175 du 28 décembre 2004 ([LXB=L5406H7D])

La lettre circulaire n° 2004-175 du 28 décembre 2004 a précisé la portée de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la nature juridique de dommages et intérêts d'une indemnité compensatrice RTT (Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, préc.). Selon la lettre circulaire Acoss n° 2004-175 du 28 décembre 2004, l'exclusion des sommes versées aux salariés en compensation de la perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail de l'assiette des cotisations et contributions de Sécurité sociale s'applique aux seuls accords défensifs de Robien, à l'exclusion des accords conclus en application de l'article 3 V de la loi "Aubry I". "En raison de la motivation très générale de cet arrêt [Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, préc.] et des termes clairs du dispositif de la décision, cette jurisprudence doit être appliquée aux accords de Robien défensifs au titre des indemnités destinées à compenser les pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail allouées aux salariés pour lesquels le préjudice est avéré".

L'Acoss en tire la conclusion que ces indemnités de compensation RTT sont exonérées de cotisations sociales pendant toute la durée d'application de l'accord de Robien défensif et tant que dure le préjudice subi par le salarié en raison de la baisse de sa rémunération. En revanche, selon l'Acoss, ne peuvent prétendre à une exonération de charges sociales, en application de cette jurisprudence, les salariés qui perçoivent une compensation RTT, mais qui appartiennent à l'une des deux catégories suivantes : salariés qui étaient à temps partiel lors de la conclusion de l'accord de Robien et dont la durée de travail reste inchangée ; salariés embauchés ultérieurement à la conclusion de l'accord de Robien, qu'ils soient à temps partiel ou pour une durée de travail, au moins, égale à la nouvelle durée du travail réduite.

L'Acoss décide que seule la compensation de la perte de rémunération se traduisant par le versement d'une indemnité préjudicielle présente le caractère de dommages et intérêts à l'exclusion d'un maintien du niveau de rémunération par l'augmentation du taux horaire.

II - Nature de l'indemnité compensatrice RTT depuis la loi de financement de la Sécurité sociale du 19 décembre 2005

A - Nature juridique de salaire, en application de la loi

  • Loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (art. 14, 1° du II)

Le législateur a précisé la nature des sommes ainsi versées aux salariés. Selon le premier alinéa de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, la compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est considérée comme une rémunération et non des dommages et intérêts, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire. Cette règle est applicable aux compensations salariales versées à compter du 1er janvier 2006 dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996. Cette date d'entrée en vigueur s'entend sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, qui produisent leurs effets jusqu'à la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives ; et des instances en cours au 20 décembre 2005, date de publication de la loi de financement pour 2006.

  • Circulaire DSS/5B/2006/60 du 14 février 2006 (6)

Il résulte de la législation nouvelle que les sommes versées aux salariés en compensation de la perte de rémunération induite par une réduction du temps de travail ont la même nature que les autres éléments de rémunération : dès lors, elles sont assujetties à cotisations et contributions de sécurité sociale dans les conditions de droit commun. La législation nouvelle est applicable aux compensations salariales versées à compter du 1er janvier 2006 dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996. Cette date d'entrée en vigueur s'entend sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, qui produisent leurs effets jusqu'à la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives ; et des instances en cours au 20 décembre 2005, date de publication de la loi de financement pour 2006.

  • Lettre circulaire Acoss n° du 21 avril 2006

La lettre circulaire ACOSS apporte d'importantes précisions sur le régime juridique des indemnités compensatrices RTT versées par l'employeur au titre de la loi de Robien n° 96-502 du 11 juin 1996.

- Type d'accords visés

La nouvelle disposition s'applique aux sommes versées à compter du 1er janvier 2006 en application d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996. Compte tenu de la formulation large retenue par la loi, celle-ci vise, outre les sommes versées dans le cadre des dispositifs légaux, tous les accords collectifs réduisant la durée du travail et prévoyant une compensation salariale, quel que soit le niveau auquel ils ont été conclus. Sont, ainsi, visés : le dispositif de Robien (loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, modifiée par la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail N° Lexbase : L7981AIG) ; les accords de réduction du temps de travail conclus dans le cadre des lois n° 98-461 du 13 juin 1998 ("Aubry I") (conclues pour une durée de cinq ans, ces conventions peuvent produire leurs effets jusqu'au 31 décembre 2006 en ce qui concerne l'allègement) et n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ("Aubry II") ; d'une manière générale tout accord collectif réduisant la durée du travail et prévoyant une compensation salariale.

- Modalités de compensation

La règle d'inclusion dans l'assiette des cotisations et contributions sociales s'applique quelle que soit la modalité retenue pour la compensation : le maintien de la rémunération ou une indemnité différentielle.

B - Nature juridique de salaire, selon la jurisprudence

- En l'espèce, selon l'employeur, une mesure de réduction du temps de travail entraîne nécessairement, à défaut de compensation, une diminution de salaire. Devraient avoir le caractère de dommages-intérêts les sommes destinées à compenser la perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail décidée afin d'éviter des licenciements. Elles devraient être exclues de l'assiette des cotisations sociales, dès lors qu'elles ont été versées avant le 1er janvier 2006, la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 ayant prévu leur assujettissement à compter de cette date seulement.

Or, en l'espèce, l'accord du 15 juin 1999, conclu dans le cadre d'un plan social afin d'éviter des licenciements, prévoyait que la réduction du temps de travail de 39 heures à 35 heures n'entraînerait pas de réduction corrélative du salaire et qu'il en résulterait une augmentation du taux horaire de 11,43 %. Cette augmentation du taux horaire était destinée à compenser la baisse du salaire de base qui, à défaut, aurait résulté, pour les salariés, de la réduction de leur temps de travail : les sommes versées par ce biais aux salariés avaient le caractère de dommages-intérêts et, ayant été versées avant le 1er janvier 2006, devaient être exclues de l'assiette des cotisations.

La cour d'appel avait décidé, au contraire, que les sommes versées aux salariés n'étaient pas destinées à compenser un préjudice induit par la réduction du temps de travail. De plus, ces sommes avaient été versées par le biais d'une hausse du taux horaire et non par la formule de "l'allocation d'une prime indemnitaire" ou "de maintien du salaire à caractère résorbable". Enfin, pour considérer que les sommes versées aux salariés ne pouvaient avoir un caractère indemnitaire, les juges du fond ont relevé que, dans l'arrêt du 20 janvier 2004 (Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, préc.), le litige portait sur des sommes versées aux salariés en application d'un accord d'entreprise conclu au titre du volet défensif de la loi "Robien", tandis que l'accord du 15 juin 1999, ayant décidé la réduction du temps de travail au sein de la société, était un accord sui generis échappant à toute disposition législative ou réglementaire.

L'analyse de la cour d'appel est confirmée par la Cour de cassation par l'arrêt rapporté : il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, que sont soumises à cotisations toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les sommes compensant les pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail. Peu importe le caractère prioritaire, ou non, de l'objectif d'éviter des licenciements, le recours à une hausse du taux horaire ou à des versements à plus longue échéance de la compensation des pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail ou enfin, la présence ou l'absence de mention expresse du caractère indemnitaire des sommes litigieuses.

- Date d'effet de la nature de salaire des indemnités compensatrices RTT par application de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005

La nouvelle nature juridique des indemnités compensatrices RTT est applicable aux compensations salariales versées à compter du 1er janvier 2006 dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996. Selon les dispositions réglementaires prises en application de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (7), la nouvelle disposition s'applique aux compensations salariales versées à compter du 1er janvier 2006 -dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996- sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de la publication de la loi.

Lorsqu'un accord de réduction du temps de travail a été conclu antérieurement au 1er janvier 2006 (et à compter du 1er octobre 1996), les sommes versées postérieurement au 1er janvier 2006 doivent être soumises aux cotisations et contributions sociales quelle qu'ait pu être la pratique retenue antérieurement par l'employeur y compris dans l'hypothèse où une décision de justice est venue entériner cette pratique.

Les deux réserves, qui tendaient à limiter la portée rétroactive du texte (sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de la publication de la loi.), retenue dans la première version du projet de loi, ont été maintenues dans la rédaction du texte. Elles n'apportent, toutefois, aucune restriction à la portée de la nouvelle disposition qui reconnaît la nature de salaire aux compensations salariales versées à compter du 1er janvier 2006. Les décisions de justice définitives, rendues ou à venir dans le cadre d'instances en cours au 20 décembre 2005, ne peuvent concerner par hypothèse que des périodes antérieures à l'application du nouveau texte. Or, une décision de justice n'est applicable qu'aux seuls éléments -période et sommes- objets du litige, soumis à l'appréciation de la juridiction. Par conséquent, la nouvelle loi s'applique aux compensations salariales versées postérieurement au 1er janvier 2006, y compris lorsque le cotisant bénéficie, au titre d'une période antérieure, d'une décision favorable devenue définitive.

Or, la Cour de cassation paraît donner une interprétation contra legem à la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, puisqu'elle décide, par l'arrêt rapporté, qu'il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2005 1579 du 19 décembre 2005, que sont soumises à cotisations toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les sommes compensant les pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail. La lecture de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, est personnelle à la Cour de cassation, car cet article ne mentionne, à aucun moment, l'indemnité compensatrice RTT (qui aurait donc vocation à être assujetti aux cotisations de Sécurité sociale). Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation donnerait, ainsi, une portée rétroactive à la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, laquelle avait, pourtant, expressément défini son champ d'application dans le temps et écarté, précisément, une telle rétroactivité.

Mais, l'interprétation par la Cour de cassation de la loi n° 2005-1579 peut-être envisagée sous un autre angle et l'on peut avancer qu'elle n'est pas, à proprement parler, contra legem, en ce sens que le législateur a défini le champ d'application de la loi n° 2005-1579 (la qualification de salaire aux indemnités compensatrices RTT s'applique à compter du 1er janvier 2006), mais le législateur n'exclut pas, expressis verbis, qu'une autre qualification soit retenue pour les indemnités compensatrices RTT versées antérieurement au 1er janvier 2006 : en d'autres termes, le juge étant seul compétent pour donner une qualification juridique à une indemnité, il lui appartient, souverainement, de décider si une indemnité compensatrice RTT revêt, dans l'espèce qui lui est soumis, la nature juridique de salaire ou de dommages et intérêts.

L'arrêt rapporté statue dans le même sens qu'un arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation, visant une indemnité compensatrice versée, cette fois, non pas en application de la loi "Aubry I", mais de la loi "Aubry II".


(1) H.-G. Bascou et O. Boijoly, Assujettissement des sommes versées en compensation de la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi Robien, Travail et protection sociale, 1997, p. 4 ; G. Bélier, Quelques questions autour de la loi Robien, Dr. soc., 1996, p. 1008 ; G. Bélier et F. Favennec-Héry, Accords de réduction du temps de travail et compensation financière, Dr. soc., 1998, p. 970 ; F. Favennec-Héry, Loi Robien : création d'emplois ou alternatives au licenciement, Dr. soc., 1996, p. 999 ; F. Guiomard, Temps de travail et emploi, un objet conventionnel problématique (loi du 11 juin 1996 dite Robien), Dr. soc., 1997, p. 1052.
(2) Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Mayenne c/ Société Durand, FS-D (N° Lexbase : A8828DA9) et nos obs., L'indemnité compensatrice versée en contrepartie de la RTT est exclue de l'assiette des cotisations sociales, Lexbase Hebdo n° 108 du 18 février 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0539ABL).
(3) Cass. soc., 7 avril 1994, n° 91-22.147, Société Beghin Say c/ URSSAF de Lille (N° Lexbase : A0873ABX), Bull. civ. V, n° 142 p. 95, JCP éd. E, 13 octobre 1994, n° 41, p. 188, note Fr. Taquet, Travail et protection sociale, novembre 1997, n° 11 p. 4, note H.-G. Bascou et O. Bonijoly, RJS, 6/94 n° 751.
(4) Circulaire du 3 mars 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail, en application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ("Aubry II") (Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, MES/CAB/2000 003, 3 mars 2000, Fiche n° 22 : Réduction du temps de travail et rémunération) (N° Lexbase : L5404H7B).
(5) Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, préc., RJS, 4/04 n° 419.
(6) Circulaire DSS/5B/2006/60 du 14 février 2006, relative au régime social des sommes versées aux salariés en compensation de la perte de rémunération consécutive à la mise en place d'une mesure de réduction du temps de travail.
(7) Lettre Circulaire ACOSS n° du 21 avril 2006.
Décision

Cass. civ. 2, 19 juin 2008, n° 07-16.135, Société Omnium de gestion et de financement (OGF), FS-P+B (N° Lexbase : A2263D9P)

Cassation CA Versailles, 5ème ch., sect. A, 3 avril 2007

Textes visés : loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L9963HDD) et CSS, art. L. 242-1 (N° Lexbase : L7529HBH)

Mots-clefs : sommes destinées à compenser la perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail décidée afin d'éviter des licenciements ; nature juridique ; dommages et intérêts (non) ; salaire (oui) ; assujettissement aux cotisations sociales (oui).

Lien base : (N° Lexbase : E3636AU9)

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Fonction publique

[Jurisprudence] Des difficultés liées à la coexistence statutaire de mesures de suspension à caractère conservatoire et à caractère disciplinaire

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 16 avril 2008, n° 286585, M. Jehannin (N° Lexbase : A9482D7C)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

Dans l'hypothèse où un fonctionnaire s'est rendu coupable d'une faute grave et dans la mesure où la préservation de l'image et du fonctionnement du service exige une réaction immédiate de l'administration, il est, en général, indispensable de lui retirer son service avant même toute démonstration de culpabilité. C'est l'objet de la procédure de suspension. En conséquence, et afin de préserver la continuité satisfaisante du service, l'autorité disciplinaire peut, avant de déclencher les poursuites disciplinaires, prononcer contre le fonctionnaire une mesure de suspension. La suspension incite à penser, mais à tort, qu'elle augure d'une sanction disciplinaire quasi-inévitable et, elle est, à cet égard, souvent confondue avec une sanction disciplinaire. De plus, la suspension peut, dans certains cas, à la fois se présenter sous la forme d'une mesure administrative conservatoire et sous la forme d'une mesure disciplinaire, ce qui ajoute à la confusion quant au régime juridique applicable. Ce dernier pose parfois de réelles interrogations et conduit souvent à des problématiques fort différentes. En témoigne l'arrêt d'espèce du Conseil d'Etat en date du 16 avril 2008, rendu à propos d'un membre du personnel enseignant et hospitalier exerçant dans l'un des 27 centres hospitaliers universitaires (CHU) français. La caractéristique essentielle du statut de personnel enseignant et hospitalier est de reposer sur l'articulation entre les activités d'enseignement et de recherche et une activité professionnelle de soins, celle-ci ne pouvant s'exercer que dans le cadre hospitalier. Ainsi, l'article L. 952-21 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9945ARR) dispose que les membres du personnel enseignant et hospitalier des CHU "exercent conjointement les fonctions universitaire et hospitalière [...]. Ils consacrent à leurs fonctions hospitalières, à l'enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues par leur statut".

Il existe trois catégories de personnels assurant cette triple fonction de soins, d'enseignement et de recherche : les personnels titulaires groupés en quatre corps (celui des professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH) et maîtres de conférences des universités - praticiens hospitaliers (MCU-PH), auxquels il faut rajouter les professeurs et maîtres de conférence des disciplines pharmaceutiques) ; les praticiens hospitaliers universitaires (PHU) qui exercent leurs fonctions à titre temporaire (1) ; les personnels non titulaires qui comprennent les chefs de clinique des universités - assistants des hôpitaux (CCA) et les assistants hospitaliers universitaires (AHU) dans les disciplines biologiques, mixtes et pharmaceutiques (2).

Leur double appartenance, hospitalière et universitaire, est une caractéristique commune qui a des conséquences sur leur statut, leur rémunération et leur protection sociale.

En conséquence, les personnels mentionnés constituent des corps distincts des autres corps enseignants des universités et des praticiens hospitaliers et sont, de ce fait, soumis à un statut et un régime juridique spécifique (décret n° 84-135 du 24 février 1984, portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires N° Lexbase : L3820HP8).

Les membres du personnel enseignant et hospitalier sont, par exemple, soumis, pour leur activité hospitalière comme pour leur activité universitaire, à une juridiction disciplinaire unique instituée sur le plan national. Cette juridiction est présidée soit par un conseiller d'Etat, soit par un professeur d'enseignement supérieur, désigné conjointement par les ministres chargés de l'Enseignement supérieur et de la Santé ; elle est composée de membres pour moitié élus par les personnels intéressés et pour moitié nommés à parts égales par les mêmes ministres (3).

Enfin, ils peuvent aussi faire l'objet, à cet égard, de deux types de mesures de suspension, respectivement à statut conservatoire mais aussi à statut disciplinaire (décret n° 84-135, art. 19 et 25)

La juridiction disciplinaire a prononcé, dans l'arrêt d'espèce et à l'encontre d'un professeur des universités -praticien hospitalier de chirurgie infantile, chef de service de chirurgie pédiatrique-, une sanction disciplinaire de suspension de ses fonctions, avec privation de la moitié de sa rémunération. Cette décision ne fixait pas de durée à la suspension prononcée. En 2005, l'intéressé a donc demandé aux ministres chargés de la Santé et de l'Enseignement supérieur de mettre un terme à la mesure de suspension prise à son encontre en 1999, et de le réintégrer dans ses fonctions hospitalières. Les ministres ont refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que sa situation administrative soit réexaminée à la suite de la suspension dont il a fait l'objet. Ce sont ces décisions implicites des ministres qui sont attaqués par le requérant qui en a demandé l'annulation devant le tribunal administratif. Le président de ce dernier a transmis sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui a poursuivi l'instruction de l'affaire, le dossier relevant de sa compétence.

Il ressort de la décision prise par la Haute autorité que la suspension des fonctions prévue par le statut spécial des personnels enseignants et hospitaliers (décret n° 84-135, art. 19) doit, par sa nature même, avoir un caractère temporaire. Ainsi, lorsque la juridiction disciplinaire a omis d'assortir sa décision de suspension d'un délai, il appartient, en conséquence, aux ministres chargés de la Santé et de l'Enseignement supérieur, soit de leur propre initiative, soit à la demande du praticien sanctionné, de saisir conjointement la juridiction disciplinaire pour qu'elle fixe un délai ou qu'elle se prononce sur la levée de la suspension. Par suite, l'agent est fondé à demander l'annulation des décisions implicites de rejet des ministres ayant refusé de faire droit à sa demande. En application des dispositions permettant à la juridiction administrative d'assortir sa décision d'une mesure d'injonction (CJA, art. L. 911-1 N° Lexbase : L3329ALU), le Conseil d'Etat a enjoint les ministres concernés de saisir dans un délai de deux mois la juridiction disciplinaire compétente afin que celle-ci fixe le délai de la suspension de l'agent dans ses fonctions hospitalo-universitaires et que les ministres concernés en tirent les conséquences sur sa situation administrative.

On peut dire, ainsi, que cette décision est surtout révélatrice des confusions qui peuvent parfois exister dans certains contentieux disciplinaires quant à la réelle valeur de la mesure de suspension. En effet, le régime et les conséquences juridiques ne sont pas les mêmes suivant que la mesure se définit comme une mesure conservatoire ou une mesure disciplinaire. Or, le statut particulier des personnels enseignants et universitaires amène à confondre les deux types de suspension dans la mesure où elles sont prévues respectivement à titre conservatoire et à titre disciplinaire (I). Il y a, immanquablement et par la suite, des confusions possibles quant au régime juridique applicable à la mesure prononcée (II).

I - Un statut particulier qui amène à confondre les notions de suspension conservatoire et de suspension disciplinaire

Le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers s'avère particulier au niveau du prononcé possible de la mesure de suspension, mesure qui peut être prise à titre disciplinaire comme à titre conservatoire. Dans ce cadre, un tel régime dépasse celui qui est fixé au niveau du statut général (A) et opère une confusion dangereuse entre les fonctions conservatoire et disciplinaire de la mesure (B).

A - Une fonction claire de la suspension préalable dans le régime général

Aucun texte ne définit positivement la suspension du fonctionnaire, le statut général et les statuts particuliers se contentant, en effet, de décrire les conditions dans lesquelles elle peut être prononcée. L'article 30 du statut général (4), qui constitue le droit commun de la suspension des fonctions, dispose : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline". La doctrine définit la suspension comme "une mesure non pas disciplinaire, mais d'urgence (ou "conservatoire") destinée, dans l'intérêt du service, à interdire à titre provisoire l'exercice de ses fonctions à un agent public auquel une faute grave est reprochée, de façon à ce que sa présence ne risque pas de troubler le fonctionnement du service" (5).

La suspension est donc une mesure provisoire justifiée exclusivement par des présomptions de faute ou d'infraction pesant sur un agent, la suspension ne préjugeant en rien des suites disciplinaires ou pénales données aux faits qui lui sont reprochés. Son caractère provisoire implique que ses effets juridiques soient limités dans le temps, et postule le maintien du lien entre le fonctionnaire et son service.La suspension du fonctionnaire lui interdit temporairement d'exercer son exercice.

De manière constante, la jurisprudence rappelle que la suspension de fonctions est une mesure administrative, dépourvue de caractère disciplinaire. A ce titre, elle n'est pas entourée des garanties qu'offre la procédure disciplinaire et ne donne pas lieu à l'application du principe du respect du droit de la défense : droit à un défenseur de son choix, consultation de la commission consultative paritaire compétente ou consultation du dossier.

Le statut général prévoit aussi que la suspension est prononcée pour une durée maximale de quatre mois au terme de laquelle, si aucune décision n'est prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'agent est automatiquement rétabli dans ses fonctions. Les statuts autonomes prévoient un dispositif similaire, étant précisé que la durée maximale peut varier selon le statut de l'agent concerné. Le statut des personnels enseignants et hospitaliers prévoit, quant à lui, une durée de trois mois (décret n° 84-135, art. 25). L'arrêté de suspension n'a pas à indiquer formellement la durée de la mesure (6), contrairement donc à ce qui est prévu en matière disciplinaire. Par définition, la suspension conservatoire ne peut avoir de durée déterminée, ce qui la différencie de la suspension disciplinaire prise dans le cas d'espèce et justifie le caractère temporaire du prononcé d'une telle suspension.

Si aucune décision de prolongation n'intervient, la suspension prend automatiquement fin à l'expiration de la durée légale prévue par les textes applicables, sachant que l'autorité compétente peut mettre fin à la suspension à tout moment (7).

B - Une confusion dangereuse dans le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers

De manière générale déjà, la frontière entre suspension et sanction disciplinaire n'est pas toujours aisée à délimiter, tant dans l'opinion publique que dans la pratique administrative. En effet, le fonctionnaire peut d'abord être suspendu, puis faire l'objet d'une sanction disciplinaire, de sorte que sa suspension est vécue par ce dernier comme une pré-sanction.

Le décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut du personnel enseignant et hospitalier prévoit, en son article 25, que "lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être prononcée par arrêté conjoint des ministres respectivement chargés des Universités et de la Santé". L'article 19 de ce même texte, dans le chapitre III consacré à la "discipline", énonce, quant à lui, que figure parmi les peines applicables aux personnels titulaires "la suspension avec privation totale ou partielle de la rémunération". Cette évocation de la mesure de suspension au titre de sanctions disciplinaires peut surprendre dans la mesure où elle est plus que rarement établie à ce titre.

On sait que, à l'inverse de ce qu'il en est pour les fautes disciplinaires, les sanctions pouvant être prononcées par l'autorité disciplinaire sont prédéterminées par les textes en application du principe consacré en matière répressive nulla poena sine lege. Il ne peut donc y avoir de sanction disciplinaire sans texte (8). S'agissant de la fonction publique hospitalière, l'article 81 du titre IV précise l'échelle des sanctions pouvant être infligées aux agents fautifs en les répartissant en 4 groupes selon leur degré de gravité :

- 1er groupe : l'avertissement, le blâme ;
- 2ème groupe : la radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 15 jours ;
- 3ème groupe : la rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 3 mois à 2 ans ;
- 4ème groupe : la mise à la retraite d'office, la révocation.

Dans le 2ème et le 3ème groupe, il est parlé d'exclusion temporaire des fonctions respectivement pour une durée maximale de 15 jours ou pour une durée de 3 mois à 2 ans. C'est cette sanction-là qui correspond normalement, au titre des mesures disciplinaires, à la mesure de suspension prévue par le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers. La suspension conservatoire doit, en ce sens, ne pas être confondue avec cette exclusion temporaire des fonctions. Or cette confusion est faite, en l'espèce, par le pouvoir réglementaire ce qui se révèle préjudiciable, au final, quant à la détermination du régime juridique applicable.

II - Un statut particulier qui laisse subsister des conséquences juridiques difficilement déterminables quant aux deux types de suspension

Le statut des personnels enseignants et hospitaliers, en disposant de deux types de mesures de suspension, amène à certaines difficultés quant à l'identification réelle de la mesure en cause, mais aussi quant aux conséquences juridiques qui se rattachent aux différentes mesures. En l'occurrence, il existe des conséquences différentes attachées à la situation du fonctionnaire suspendu à titre conservatoire ou à titre disciplinaire (A), comme il existe certaines conséquences quant à l'exercice conjoint de la suspension à titre conservatoire et du contentieux disciplinaire pouvant découler de la prise de la première mesure (B).

A - Les conséquences attachées à la situation du fonctionnaire suspendu à titre conservatoire ou disciplinaire

Le statut général de la fonction publique et les statuts autonomes ne précisent pas la situation du fonctionnaire suspendu vis-à-vis de son service, mais la jurisprudence considère que le fonctionnaire suspendu doit être assimilé à un fonctionnaire en position d'activité (9). La suspension conservatoire ne rompt pas le lien unissant l'agent à son administration. Il est réputé poursuivre normalement sa carrière comme s'il exerçait effectivement ses fonctions. La période de suspension doit être prise en compte pour son avancement et pour le calcul de sa retraite et de ses droits à congé annuels (10).

Inversement, que ce soit pour la suspension disciplinaire ou l'exclusion temporaire des fonctions, elle emporte privation du traitement du fonctionnaire et les services non réalisés à raison de cette sanction disciplinaire ne sont pas pris en compte, ni pour son ancienneté, ni pour sa pension. L'agent suspendu au titre de la mesure conservatoire conserve sa rémunération par exception à la règle du service fait, ainsi que les prestations familiales obligatoires (11) et son traitement ne peut, en principe, faire l'objet d'une retenue alors que tel a été le cas en l'espèce dans la mesure où il s'agit d'une mesure disciplinaire. Il peut, cependant, exister une certaine confusion dans la mesure où le statut particulier du personnel enseignant et hospitalier prévoit que c'est la "décision prononçant la suspension qui précise si l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers ou détermine la quotité de la retenue qu'il subit" (12), étant précisé qu'en tout état de cause, l'agent "continue à percevoir la totalité des suppléments pour charge de famille".

Pour autant, le traitement de l'agent suspendu à titre conservatoire pourra, néanmoins, faire l'objet d'une retenue si la mesure de suspension est prolongée en raison des poursuites pénales dont il peut faire l'objet. Le statut général autorise le maintien de la suspension au-delà du délai de 4 mois lorsque le fonctionnaire est poursuivi pénalement, ainsi qu'une retenue de son traitement qui ne peut excéder la moitié de celui-ci. Le statut autonome du personnel enseignant et hospitalier prévoit, quant à lui, que : "lorsqu'aucune décision n'est intervenue dans le délai de 3 mois à compter de la suspension, l'intéressé reçoit de nouveau l'intégralité de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers sauf s'il est l'objet de poursuites pénales" (décret n° 84-135, art. 19, al. 3). De manière générale, l'autorité disciplinaire décide discrétionnairement de procéder ou non à une retenue sur traitement, mais elle doit respecter la quotité maximale légale (13).

Concernant le rappel de traitement en l'absence de sanction, il existe un principe général du droit au remboursement des retenues sur traitement en l'absence de condamnation pénale ou disciplinaire, qui est reconnu aux agents non titulaires par la jurisprudence, mais il bénéficie aussi aux fonctionnaires titulaires même si le statut général ne le prévoit pas expressément. Le statut autonome des personnels enseignants et hospitaliers prévoyant lui que "lorsque l'intéressé n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme ou si à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, il n'a pu être statué sur son cas, il a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement universitaire".

B - Les conséquences attachées à l'exercice conjoint de la suspension conservatoire et du contentieux disciplinaire

La suspension des fonctions n'étant pas un acte préparatoire à la sanction disciplinaire ou à la condamnation pénale, elle ne préjuge en rien de la sanction à venir. L'engagement de la procédure de suspension est indépendant de l'engagement de la procédure disciplinaire. L'article 30 du statut général prévoit lorsqu'une suspension intervient que "l'autorité ayant pouvoir disciplinaire saisit, sans délai, le conseil de discipline". Aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire et ne fait obligation à l'autorité compétente d'engager cette procédure. La jurisprudence considère, en effet, de manière constante que le délai de 4 mois de la suspension de droit commun a seulement pour objet de limiter dans le temps les conséquences de cette mesure. Ce délai étant de 3 mois concernant la suspension touchant les personnels enseignants et hospitaliers. La saisine du conseil de discipline comme le prononcé d'une sanction disciplinaire peuvent, ainsi, intervenir après l'expiration du délai (14). L'administration n'a, d'ailleurs, pas l'obligation de saisir le conseil de discipline immédiatement après le prononcé de la mesure de suspension (15).

Il est, à cet égard, intéressant de faire un rapprochement entre la suspension des fonctions telle qu'elle existe dans le cas d'espèce avec le droit commun des salariés. En effet, le Code du travail prévoit une mesure de mise à pied conservatoire que l'employeur peut adopter lorsque l'agissement du salarié la rend indispensable (16). Comme pour la suspension du fonctionnaire, l'agissement du salarié doit présenter un caractère suffisant de gravité pour justifier sa mise à pied conservatoire à effet immédiat. Or cette mesure conservatoire peut être prononcée au préalable, tant d'un licenciement que d'une mise à pied disciplinaire (17), sa durée étant indéterminée et cessant avec le prononcé de la sanction.

On retrouve ici la coexistence entre une mesure à caractère conservatoire et une mesure à caractère disciplinaire, avec les mêmes dangers quant à la confusion des régimes juridiques. On retrouve aussi des problèmes identiques quant à l'incidence de la durée de la mise à pied dans la qualification de sanction disciplinaire. Un rapprochement peut être fait ici avec le cas d'espèce lié à la suspension disciplinaire. La Cour de cassation a ainsi décidé "qu'une mise à pied conservatoire qui ne peut être justifiée que par une faute grave est nécessairement à durée indéterminée quelle que soit la qualification que lui donne l'employeur" (18). Cette solution étant parfaitement logique puisque la mise à pied conservatoire a pour terme un événement indéterminé dans le temps consistant, soit dans la connaissance suffisante des circonstances des faits ayant conduit à la mise à pied, soit dans la réalisation de la procédure de licenciement. Il en résulte aussi qu'une mise à pied prononcée pour un temps déterminé présente nécessairement un caractère disciplinaire (19) de sorte qu'un salarié mis à pied pour 3 jours puis licencié pour le même motif que celui retenu pour la mise à pied a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits en application de la règle non bis in idem (20).


(1) Praticiens hospitaliers détachés dans le corps des PHU pour une période n'excédant pas 8 ans y compris les années de clinicat.
(2) Ils sont nommés pour une période de deux ans avec la possibilité de deux renouvellements d'une année chacun.
(3) C. éduc., art. L. 952-22 (N° Lexbase : L9946ARS).
(4) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), JO, 14 juillet 1983, p. 2174.
(5) R. Chapus, Droit Administratif, Montchrestien, 2001, t. II, n° 404.
(6) CAA Versailles, 16 décembre 2004, n° 02VE00330, M. K..
(7) CE, 13 novembre 1981, n° 27805, Commune de Houilles (N° Lexbase : A5926AKP), Rec. CE, p. 410.
(8) Cf. CE, Ass., 30 mars 1962, Bertaux, Rec. CE, p. 237.
(9) CE, sect., 8 avril 1994, n° 145780, Gabolde et ministre de l'Economie (N° Lexbase : A0673ASQ), RFDA, 1994, p. 465, concl. Fratacci.
(10) TA Lyon, 8 février 1990, n° 40462, Garrigues.
(11) L'article du statut général précité impose le maintien du traitement ainsi que de l'indemnité de résidence, du supplément familial de traitement et des prestations familiales obligatoires. Les statuts autonomes prévoient le maintien de la rémunération dans des conditions analogues.
(12) La quotité de la retenue ne peut être supérieure à la moitié du montant total du traitement universitaire et des émoluments hospitaliers (décret n° 84-135, art. 19, al. 2, préc.).
(13) CE, 22 novembre 1969, Commune de Canari, Rec. CE, p. 585.
(14) CE, 28 janvier 1998, n° 178823, Rougelet (N° Lexbase : A6138AS7).
(15) CE, 1er mars 2006, n° 275408, Ministre de l'Education nationale contre M. P. X. (N° Lexbase : A4007DNQ).
(16) C. trav., art. L. 122-41 (N° Lexbase : L5579ACM, art. L. 1332-2, recod. N° Lexbase : L0255HXQ).
(17) C. trav., art. L. 122-40 (N° Lexbase : L5578ACL, art. L. 1331-1, recod. N° Lexbase : L0252HXM).
(18) Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-43.012, M. Daniel Larcher c/ Société Onet, F-P (N° Lexbase : A0675AXB), Bull. civ. IV, n° 338.
(19) Cass. soc., 12 février 2003, n° 00-46.433, Mme Sophie Bousquet c/ M. Yves Rodriguez, F-D (N° Lexbase : A0128A7U), JCP éd. G, 2003, II, 10153.
(20) Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-42.709, Société Fabenrev c/ M. Bernard Dubois, FS-P (N° Lexbase : A0989AXW), JCP éd. G, 2001, IV, n° 3081.

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