La lettre juridique n°312 du 10 juillet 2008

La lettre juridique - Édition n°312

Éditorial

Modernisation du marché du travail : curieuse Curia Regis

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N5204BGT

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


D'abord, il y eut la loi du 30 décembre 2006, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, qui a, notamment, habilité le Gouvernement à procéder à une recodification à droit constant du Code du travail. La recodification a bel et bien été opérée par ordonnance du 12 mars 2007, pour la partie législative, et par décret du 7 mars 2008, pour la partie réglementaire, pour une application au 1er mai de cette année. Elle reprend, sous un autre découpage et de manière plus cohérente, les dispositions de l'ancien code et y adjoint, pour consolider l'ensemble, plusieurs décisions jurisprudentielles dont une codification emportera force de loi aux divers principes fondamentaux dégagés ces dernières années.

Ensuite, il y eut la loi du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui a assuré la transposition de plusieurs Directives communautaires en matière d'égalité de traitement.

Enfin, il y eut la loi du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, qui "transpose" (sic) ou "transcrit" (sic bis) l'accord arrêté le 11 janvier 2008, signé par la majorité des organisations nationales interprofessionnelles représentatives des salariés et des employeurs. Il s'agit, là, de la première application positive de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, qui a établi une procédure de concertation et, le cas échéant, de négociation préalable aux réformes dans les domaines des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Soulignons, de manière surabondante, que l'avant-projet de loi a été élaboré en concertation avec la Commission nationale de la négociation collective le 11 mars 2008. Cette semaine, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose une édition spéciale dirigée par Christophe Radé, Professeur à l'Université de Bordeaux IV, afin d'aborder l'ensemble des nouveaux dispositifs (création d'une période d'essai interprofessionnelle ; abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités maladie complémentaires ; encadrement et sécurisation des licenciements ; création d'une procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail ; création d'un contrat de travail dont le terme est déterminé par la réalisation d'un objet défini ; mutualisation de l'indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude ; définition et organisation du portage salarial ; abrogation du CNE et requalification des contrats en cours, etc.).

D'abord, il y a la consolidation des normes législatives et de la jurisprudence : le Parlement joue alors un rôle d'unification du droit, reprenant sous forme d'articles les solutions de jurisprudence.

Ensuite, il y a l'enregistrement de la lex regis, fruit du souverain du moment ; il s'agit tantôt du pouvoir exécutif lui-même, tantôt de l'écu européen, tantôt du peuple souverain par le truchement des partenaires sociaux.

Les lois ainsi transcrites sont alors applicables et opposables aux tiers ; et on a beau jeu de dire que le Parlement possède un droit de remontrance : un lit de justice (49-3, procédure d'infraction communautaire, grève générale), et hop ! C'est la séance de la flagellation bis repetita. La souveraineté a-t-elle quitté le Palais Bourbon pour revenir aux... nouveaux "Bourbons" ? Alors, de mauvaises langues diront que le Parlement n'est plus qu'une chambre d'enregistrement... Reste à la réforme des institutions de changer tout cela, si tant est que les intéressés veuillent bien de l'autonomie de la volonté chère au contrat social qui unit le peuple à ses représentants directs.

Pour l'heure, ce retour aux anciens Parlements aura la satisfaction de l'efficacité normative (avant d'en voir l'efficacité économique) : la "modernisation" juridique avance à pas de charge... après le marché du travail, bientôt l'économie, rien de moins !

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Sociétés

[Textes] Présentation de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire

Réf. : Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (N° Lexbase : L7047H77)

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N5221BGH

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

Tout est dit, ou presque, dans l'intitulé de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, publiée au Journal officiel du 4 juillet 2008. Elle vient, ainsi, mettre notre droit interne en conformité avec les textes communautaires : transpositions de la Directive 2005/56 (1) et de la Directive 2006/46/CE (2), adaptation de la législation nationale permettant l'application du Règlement n° 1435/2003 (3), mais aussi modification de certaines dispositions du Code de commerce relatives aux fusions nationales et à la société européenne, afin, notamment, de tirer les conséquences de l'ordonnance du 25 mars 2004 (4), qui a ouvert la possibilité aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) d'émettre des obligations nominatives et de préciser la mission du commissaire à la transformation lors de la constitution d'une société européenne (SE) par transformation d'une société anonyme.
Reprenons donc point par point les principales modifications apportées par le texte. I - Les dispositions applicables aux fusions de sociétés commerciales

La loi du 3 juillet 2008 contient deux séries de dispositions relatives aux fusions de sociétés commerciales : d'une part, elle transpose la Directive sur les fusions transfrontalières et, d'autre part, elle simplifie les fusions et les scissions des sociétés commerciales.

A - Les fusions transfrontalières

Ne nous méprenons pas : la réalisation de fusions transfrontalières entre sociétés de capitaux de différents types relevant de législations d'Etats membres différents était réalisable dans la plupart des Etats membres de l'Union européenne avant la Directive 2005/56 et sa transposition en France. Toutefois, l'absence d'harmonisation rendait une telle opération juridiquement complexe et économiquement coûteuse, et ce malgré la neutralité fiscale imposée par la Directive 90/434 (5).

La Directive, ayant alors pour objectif de gommer ces barrières pratiques, contient des dispositions relatives au projet de fusion, aux rapports des organes d'administration et des experts indépendants, aux effets de la fusion, au contrôle de légalité et, enfin, à la participation des travailleurs au sein des organes d'administration de la société absorbante ou résultant de la fusion transfrontalière. En revanche, s'agissant des formalités de publicité et des régimes de protection des salariés, des actionnaires et des créanciers, le texte communautaire renvoie à la législation des Etats membres.

  • Sociétés concernées :

Le nouvel article L. 236-25 du Code de commerce liste les sociétés commerciales pouvant participer à une fusion avec une ou plusieurs sociétés, lorsque deux d'entre elles au moins relèvent de la législation d'Etats membres différents. Ainsi, seules les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés européennes pourront participer à ces opérations sous la forme de fusion par absorption ou de fusion par constitution de société nouvelle avec des sociétés de capitaux immatriculées dans un autre Etat membre de forme équivalente ou d'une autre forme.

  • Versement d'une soulte en espèces :

L'article 3 de la Directive dispose, quant à lui, que le texte s'applique également aux fusions transfrontalières lorsque la législation d'au moins un des Etats membres concernés permet que le versement de la soulte en espèces visée dépasse 10 % de la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, du pair comptable de ces titres ou parts représentant le capital de la société issue de la fusion transfrontalière. Or, en droit interne, le quatrième alinéa de l'article L. 236-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6351AI3) prévoit que le montant de la soulte ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées. Par conséquent, la loi du 3 juillet 2008 introduit une dérogation à ce texte, dans un nouvel article L. 236-26 du Code de commerce, aux termes duquel le traité de fusion peut prévoir une soulte supérieure à 10 % lorsque la législation nationale à laquelle est soumise au moins une des sociétés y participant le prévoit.

A défaut de versement d'une telle soulte en espèces, les associés pourront se voir attribuer le pair comptable. Cette notion est, également, définie par le nouvel article L. 236-26 : "le pair comptable est [..] la quote-part du capital social représentée par une action ou une part sociale".

  • Information et consultation des représentants des salariés ou des salariés eux-mêmes :

Le droit français, relatif aux fusions nationales, prévoit que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion . En d'autres termes, dans les entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise -seules celles employant plus de cinquante salariés sont tenues à la mise en place d'une telle instance-, le droit français ne prévoit pas de consultation des salariés ou de leurs représentants.

Afin de tenir compte des prescriptions de la Directive, un nouvel article L. 236-27 est inséré dans le Code de commerce qui prévoit, d'une part, l'établissement d'un rapport écrit par l'organe de gestion, d'administration ou de direction mis à la disposition des salariés, des délégués du personnel ou, à défaut, des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

Il convient de remarquer que, dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que, "outre les obligations prévues à l'article L. 432-1 du Code du travail [ancienne numérotation, obligations désormais prévues à l'article L. 2323-19], le rapport mentionné au dernier alinéa de l'article L. 236-9 [du Code de commerce N° Lexbase : L6359AID] est mis à la disposition des représentants des salariés ou, à défaut, des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat". Or, le renvoi à l'article L. 236-9 du Code de commerce pouvait être interprété en ce sens que cette mise à disposition n'était imposée qu'aux sociétés anonymes. Aussi l'Assemblée nationale a proposé un amendement, accepté par le Gouvernement, destiné à lever tout doute sur le fait que le rapport en cause devrait être établi par l'organe de gestion, d'administration ou de direction de chaque société de capitaux qui fusionne, afin de soumettre, sans nul doute possible les SARL à cette obligation.

Enfin, le dernier alinéa du nouvel article L. 236-27 prévoit que l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, l'avis des délégués du personnel est, s'il est transmis dans des délais prévus par le Conseil d'Etat, annexé au rapport rédigé par l'organe de gestion, d'administration ou de direction. Cette disposition fait, néanmoins, écho au dernier alinéa de l'article L. 225-105 du Code de commerce (N° Lexbase : L5976AI8) qui précise que l'avis du comité d'entreprise sur les modifications juridiques ou économiques de la société est communiqué à l'assemblée générale des actionnaires appelée à statuer sur le projet de fusion.

  • Droit des associés au moment de leur décision sur la fusion :

L'article L. 236-28 du Code de commerce consacre deux prérogatives importantes aux associés appelés à se prononcer sur une fusion transfrontalière. Il leur octroie, en effet :
- d'une part, la possibilité de subordonner la réalisation de la fusion à leur approbation des modalités de participation des salariés à la gestion dans la société issue de la fusion ;
- d'autre part, le droit de se prononcer par une résolution spéciale sur la mise en oeuvre de procédures d'analyse et de modification du rapport d'échange des titres ou d'indemnisation des associés minoritaires, lorsque la législation applicable aux associés de l'une des sociétés participant à la fusion le permet.

  • Contrôle de la légalité de la fusion

L'article 10 de la Directive dispose que "chaque Etat membre désigne le tribunal, le notaire ou toute autre autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion transfrontalière pour la partie de la procédure relative à chacune des sociétés qui fusionnent et qui relèvent de sa législation nationale".

Le législateur français a choisi de confier ce contrôle de légalité au greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel la société participant à l'opération est immatriculée. Il doit, après avoir procédé aux vérifications d'usage, délivrer une attestation de conformité des actes et des formalités. Il devra, notamment, préciser si une procédure d'analyse et de modifications du rapport d'échange des titres ou d'indemnisation des associés minoritaires est en cours.

En confiant aux greffiers des tribunaux de commerce, ou des tribunaux mixtes -dans les départements et collectivités d'outre-mer-, le contrôle de conformité, le nouvel article L. 236-29 du Code de commerce fait preuve de cohérence, non seulement avec les dispositions actuelles relatives aux fusions internes (C. com., art. L. 236-6 N° Lexbase : L6356AIA, auquel d'ailleurs l'article L. 236-29 renvoie pour déterminer les modalités des vérifications effectuées), mais également avec celles concernant la constitution par fusion des sociétés européennes (C. com., art. L. 229-3 N° Lexbase : L3831HBI).

A ce niveau, il convient de ne pas confondre le contrôle de conformité des formalités préalables à la réalisation de la fusion, qui sont effectuées pour la constitution d'une SE par voie de fusion, comme pour toute fusion interne ou transfrontalière par le greffier, du contrôle de légalité de la réalisation de la fusion qui, pour la constitution d'une SE par voie de fusion, est effectué par le notaire.

S'agissant des fusions transfrontalières, l'article L. 236-30, nouveau, du Code de commerce précise que l'autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion et la constitution de la société qui en est issue est "un notaire ou le greffier du tribunal dans le ressort duquel la société issue de la fusion sera immatriculée". A l'origine, le projet de loi a souhaité confier l'exercice de ce contrôle aux notaires, en parfaite adéquation avec les règles applicables à la constitution d'une société européenne par voie de fusion de sociétés anonymes. Les députés ont préféré confier cette mission au greffier. C'est finalement un compromis qui est consacré par le texte publié.

La solution tendant à donner une compétence concurrente, ou plutôt alternative, aux greffier et aux notaires pour procéder à ce contrôle, peut surprendre et ne sera pas sans conséquence pratique en terme de recours contre la décision ou en terme de responsabilité.

  • Prise d'effet de la fusion

L'article 12 de la Directive 2005/56 imposait seulement aux Etats que la date de prise d'effet de la fusion transfrontalière soit "postérieure à l'exécution" du contrôle de légalité de l'opération. Il laissait, toutefois, aux Etats le soin de déterminer cette date

Les parlementaires ayant modifié le texte initial, le nouvel article L. 236-31 prévoit que la date d'effet de la fusion interviendra :
- en cas de création d'une société nouvelle, conformément aux dispositions de l'article L. 236-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L6354AI8), c'est-à-dire à la date d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés ;
- en cas de transmission à une société existante, selon les prévisions du contrat, sans pouvoir être antérieure au contrôle de légalité, ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la société bénéficiaire pendant lequel a été réalisé ce contrôle (la précision est importante car en droit interne la solution est différente, puisqu'il s'agit de l'exercice au cours duquel a été votée la fusion).

  • Restriction à la nullité de la fusion

Reprenant en termes identiques les dispositions de l'article 17 de la Directive 2005/56, l'article L. 236-31, dernier alinéa, dispose que "la nullité d'une fusion transfrontalière ne peut être prononcée après la prise d'effet de l'opération".

  • Obligation pour la société nouvelle d'adopter un statut permettant la participation des salariés

A l'instar des dispositions applicables aux sociétés européennes et aux sociétés coopératives européennes, et tirant les conséquences de l'article 6 de la Directive 2005/56, l'article L. 236-32 du Code de commerce prévoit que lorsque l'une des sociétés participant à l'opération est soumise à un régime de participation des salariés et que tel est également le cas de la société issue de la fusion, cette dernière adopte une forme juridique permettant l'exercice de cette participation. En droit français parmi les sociétés pouvant participer à une fusion transfrontalière, seules les sociétés à responsabilité limitée ne comportent pas un organe collégial permettant d'accueillir des administrateurs salariés et la mise en place d'un système de participation des salariés à leur gestion. Si une SARL fusionne avec une société de droit étranger associant les salariés à sa gestion, lors de la définition des statuts de la nouvelle société issue de la fusion, ils devront donc opter pour une forme sociale autre que la SARL.

La loi du 3 juillet 2008 modifie en conséquence le Code du travail afin d'inclure un nouveau titre relatif à la participation des salariés dans les sociétés issues de fusions transfrontalières, que nous ne détaillerons pas ici. Le régime mis en place par les nouveaux articles L. 2371-1 à L. 2375-1 du Code du travail est très proche de celui existant pour la SE et la SCE : création d'un groupe spécial de négociation (GSN), dont le fonctionnement et l'organisation sont précisés, signature d'un accord par le GSN, détermination de l'implication des salariés en l'absence d'accord, organisation et fonctionnement du comité de la société issue de la fusion transfrontalière.

  • Exclusion des SICAV et des SPPICAV du régime des fusions transfrontalières

L'article 3 de la Directive 2005/56 exclut de son champ d'application toute société dont l'objet est le placement collectif des capitaux recueillis auprès du public "dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques et dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de cette société".

Pour satisfaire à ces prescriptions, les articles L. 214-18 (N° Lexbase : L9945DYY) et L. 214-125 (N° Lexbase : L7276HZI) du Code monétaire et financier se voient complétés par un alinéa précisant que les articles L. 236-25 à L. 236-32 du Code de commerce ne s'appliquent ni aux SICAV, ni aux SPPICV. Il ne leur est pas impossible de procéder à des fusions transfrontalières, mais il leur revient d'observer les règles spéciales qui les concernent.

  • Entrée en vigueur des dispositions relatives aux fusions transfrontalières

Les dispositions relatives aux fusions transfrontalières s'appliquent aux opérations de fusion dont le traité est signé après la publication de la loi, soit après le 4 juillet 2008.

B - Mesures de simplification des fusions et des scissions de sociétés commerciales

La loi du 3 juillet 2008 contient d'importantes "mesures de simplification des fusions et scission des sociétés commerciales" concernant, en particulier, les rapports que les commissaires ad hoc sont appelés à établir dans le cadre de telles opérations (6).

  • Les fusions "normales" :

Antérieurement à la loi du 3 juillet 2008, l'article L. 236-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L6360AIE) imposait la désignation en justice d'un ou plusieurs commissaires à la fusion aux fins d'établir, sous leur responsabilité, un rapport écrit sur les modalités de la fusion.

Or, l'article 8 de la Directive européenne sur les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux impose qu'en cas de fusion entre sociétés relevant d'Etats différents, un rapport "d'expert indépendant", dont le contenu est identique à celui prévu par l'article L. 236-10 du Code de commerce, soit mis à la disposition des actionnaires des sociétés participantes. Il permet d'éviter l'examen du projet de fusion et le rapport d'expert, si tous les actionnaires de chacune des sociétés participant à l'opération le décident.

Traduisant cette possibilité, l'article 8 de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire modifie l'article L. 236-10 du Code de commerce. Ainsi, désormais, les actionnaires des sociétés participant à une opération de fusion peuvent décider de ne pas désigner un commissaire à la fusion, cette décision devant être prise, selon le II de ce texte, à l'unanimité des actionnaires de toutes les sociétés participant à l'opération.

A cette fin, les actionnaires devront être consultés "avant que ne commence à courir le délai exigé pour la remise de ce rapport préalablement à l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion", soit plus d'un mois avant la date de cette assemblée, puisque l'article R. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5099HZU) impose que le rapport du commissaire à la fusion soit mis à la disposition des associés "au moins un mois avant la date de l'assemblée générale".

La dérogation prévue par ce texte se limitant au seul rapport sur les modalités de la fusion, un commissaire à la fusion devra toujours être désigné pour évaluer les éventuels apports en nature ainsi que les avantages particuliers consacrés dans le cadre de la fusion (C. com., art. L. 223-9, al. 1 N° Lexbase : L5834AIW, sur renvoi de C. com., art. L. 223-33 N° Lexbase : L5858AIS pour les SARL ; C. com., art. L. 225-147, al. 2 N° Lexbase : L8400GQ8 pour les SA).

  • Les fusions "simplifiées" :

Pour les sociétés anonymes, l'article L. 236-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L6361AIG) prévoit une procédure de fusion n'exigeant pas le même formalisme que la procédure de droit commun, en cas d'absorption par une société anonyme ou une société à responsabilité limitée ou par une société en commandite par actions d'une ou plusieurs de ses filiales à 100 %. La procédure de fusion ainsi simplifiée dispense les sociétés, notamment, des rapports des commissaires à la fusion ou encore de réunir l'assemblée générale extraordinaire de la société absorbée. Toutefois, le Code de commerce exigeait que l'assemblée générale de la société absorbante statue "au vu du rapport du commissaire aux apports".

Or, ni la Directive 78/855 (7), ni la Directive 2005/56 ne prévoient l'élaboration d'un tel rapport.

Dans ces conditions, l'article 9 de loi du 3 juillet 2008 supprime la troisième phrase de l'article L. 233-11 et donc la nécessité d'établir un rapport sur l'évaluation des apports en nature. En fusion simplifiée, la société absorbante peut, désormais, procéder à l'absorption de sa filiale à 100 % sans qu'aucun rapport de commissaire ne soit établi.

II - Les dispositions applicables aux sociétés européennes

La loi du 3 juillet 2008 apporte des modifications ponctuelles aux sociétés européennes, s'inspirant de recommandations formulées par Noëlle Lenoir en mars 2007, dans son rapport sur l'évaluation du statut de la société européenne (8).

En premier lieu, l'article 11 de la loi modifie l'article L. 225-245-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3896HBW), relatif à la transformation d'une SA en société européenne et à la mission des commissaires à la transformation. Il prévoyait, notamment, que ceux-ci doivent établir sous leur responsabilité un rapport destiné aux actionnaires de la société se transformant attestant que les "capitaux propres sont au moins équivalents au capital social". C'est cette dernière expression qui est modifiée par la loi portant adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.

Dans son rapport, Noëlle Lenoir relevait que cette formulation ne répondait pas aux dispositions du Règlement communautaire (9), qui impose que l'expert atteste que la société anonyme "dispose d'actifs nets au moins équivalents au capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer".

Dans sa nouvelle mouture, l'article L. 225-245-1, tel qu'issu de la loi du 3 juillet 2008, reprend donc exactement les termes du Règlement.

En second lieu, l'article 12 complète l'article L. 229-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L3832HBK), qui prévoit la possibilité pour le procureur de la République de s'opposer, pour des raisons d'intérêt public au transfert hors de France du siège d'une société européenne immatriculée en France ou à la constitution d'une société européenne par voie de fusion entraînant un changement de droit applicable pour les actionnaires français.

Il est ajouté deux alinéas à ce texte :
- le premier précise les personnes habilitées à saisir le procureur de la République (il peut se saisir lui-même ou être saisi par toute autorité ou toute personne estimant que l'opération est contraire à un intérêt public) ;
- le second donne une compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître des recours formés contre la décision du procureur de la République.

III - Les dispositions applicables aux sociétés coopératives européennes

Le droit commun des sociétés coopératives en France n'est fixé ni par le Code civil, ni par le Code de commerce mais par la loi du 10 septembre 1947 (10). En outre, le Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003 (11) a créé le statut de la société coopérative européenne, afin de permettre aux sociétés coopératives ayant une activité dépassant le cadre national d'adopter un statut unique pour la société mère et ses filiales dans l'Union européenne. Ce Règlement a été complété par la Directive 2003/72 (12) qui a été transposée à part -on pourra s'en étonner- par une loi du 30 janvier 2008 (13), complétée par les dispositions réglementaires issues de deux décrets du 7 mai 2008 (14).

L'article 13 de la loi du 3 juillet 2008, qui est, d'ailleurs, le plus long du texte, puisqu'il ne fait pas moins de 8 pages, insère un nouveau titre au sein de la loi du 10 septembre 1947, afin de donner une assise juridique nationale à la société coopérative européenne. Il entre dans un certain degré de détail, puisqu'il comporte 7 chapitres constitués de 40 articles.

On listera donc rapidement le contenu de ces dispositions.

A titre liminaire, l'article 26-1 de la loi du 10 septembre 1947 affirme que la SCE jouit de la personnalité morale à compter de son immatriculation et opte pour l'impossibilité de dissocier le siège de l'administration centrale de la SCE

  • La constitution des SCE

Les articles 26-2 à 26-8 déterminent les conditions de constitution des SCE, que se soit par voie de fusion (articles 26-2 à 26-6) ou par voie de transformation (articles 26-7 et 26-8).

S'agissant de la constitution par voie de fusion on relèvera que :
- la désignation de commissaires à la fusion lors de la constitution de la coopérative européenne est obligatoire, étant précisé qu'ils sont désignés par décision de justice ;
- les autorités du contrôle de la conformité préalable des opérations et du contrôle de la légalité de l'opération sont les mêmes que pour les fusions transfrontalières (greffier du tribunal de commerce tout d'abord, notaires ou greffiers ensuite) ;
- de même, en adéquation avec les règles sur les fusions transfrontalières, la nullité de la fusion ne peut plus être prononcée après l'immatriculation de la SCE ou la prise en compte des inscriptions modificatives la concernant ;
- le procureur de la République est désigné comme autorité ayant compétence pour s'opposer, pour des raisons d'intérêt public, au transfert de siège entraînant un changement de droit applicable ou à la constitution d'une SEC par voie de fusion (les personnes pouvant le saisir sont les mêmes que pour la constitution par voie de fusion d'une SE et la cour d'appel est seule compétente pour connaître des recours contre sa décision).

Pour la constitution d'une SCE par voie de transformation, la loi du 3 juillet 2008 prévoit les mesures d'adaptation permettant la transformation d'une coopérative nationale en coopérative européenne et organise la protection des porteurs de parts à intérêt particulier ou des titulaires de certificats d'investissement ou d'associés lors de cette opération. En outre, le projet de transformation d'une coopérative en SEC doit être adopté à une majorité des deux tiers par le conseil d'administration et, le cas échéant, par le conseil de surveillance, lorsque la participation des travailleurs est organisée.

  • Transfert du siège social

L'article 26-9, introduit par la loi du 3 juillet 2008, autorise, tout d'abord, une coopérative européenne immatriculée en France à transférer dans un autre Etat membre de l'Union européenne son siège social, puis définit les conditions préalables à la réalisation de ce transfert. Il est, notamment, prévu que les associés coopérateurs peuvent se retirer de la coopérative et obtenir le remboursement de leurs parts et que les créanciers non-obligataires peuvent obtenir soit des garanties supplémentaires, soit le remboursement de leurs créances.

Enfin, l'article 26-14 désigne les notaires pour délivrer un certificat attestant de la légalité de la procédure de transfert.

  • Le fonctionnement de la SCE

Les articles 26-15 à 26-28 envisagent les dispositions relatives à la direction et à l'organisation de la coopérative européenne :
- possibilité pour les SCE immatriculées en France de prévoir soit une organisation de type moniste, avec un conseil d'administration, soit de type dualiste, avec un directoire et un conseil de surveillance ;
- dans les SEC de type moniste l'organe social chargé de représenter la société à l'égard des tiers est, en principe, le conseil d'administration, les statuts pouvant y déroger en confiant ce pouvoir au président du conseil ou à un directeur général ;
- dans les SEC de type dualiste, la société est dirigée par un directoire sous le contrôle du conseil de surveillance qui nomme et révoque les membres du directoire ;
- possibilité de prévoir dans les statuts un régime applicable aux conventions passées entre la société et ses dirigeants identique à celui des sociétés anonymes ;
- l'acquisition de la qualité d'associé est soumise à un agrément dont les modalités sont déterminées par les statuts ;
- obligation de certification des comptes annuels par au moins un commissaire aux comptes et certification des comptes consolidés ou combinés par au moins deux commissaires aux comptes.

  • Dissolution et liquidation de la SCE

Les articles 26-32 à 26-37 prennent les mesures d'adaptation permettant de prévenir et de sanctionner la dissociation du siège statutaire et de l'administration centrale dans deux Etats membres différents. A cet effet, le procureur de la République est désigné comme l'autorité chargée d'informer l'autorité compétente de l'autre Etat membre ou devant être informé par elle, en cas de violation de cette interdiction de dissociation. Ainsi, dans l'hypothèse où le siège social et l'administration centrale seraient dissociés dans deux Etats membres différents, tout intéressé pourrait demander au tribunal la régularisation sous astreinte et à défaut de régularisation le tribunal doit prononcer sa dissolution.

  • Transformation de la SCE en société coopérative

L'article 26-35 de la loi de 1947 prévoit, désormais, que toute SCE peut se transformer en société coopérative, si au moment de sa transformation, elle est immatriculée depuis plus de deux ans et a fait approuver le bilan de ses deux premiers exercices.

Les articles suivants déterminent la procédure applicable à une telle transformation.

IV - Transparence et transposition de la Directive 2006/46

Si les règles du droit français étaient déjà largement compatibles avec les dispositions la Directive 2006/46, leur application nécessitait quelques modifications s'agissant des informations fournies aux actionnaires en matière de gouvernement d'entreprise.

  • Rapport sur le contrôle interne dans les sociétés anonymes faisant appel public à l'épargne

Dans les sociétés anonymes de type moniste et dualiste admises aux négociations sur un marché réglementé, le rapport du président -du conseil d'administration ou du conseil de surveillance- doit contenir certaines informations relatives au contrôle interne et au gouvernement d'entreprise, tels que prévues par les article L. 225-37 (N° Lexbase : L2674HWX) -SA à conseil d'administration- et L. 225-68 du Code de commerce (N° Lexbase : L2675HWY) -SA à conseil de surveillance et directoire-.

Or, la Directive du 14 juin 2006 impose des obligations plus précises que celles prévues par le droit français. Le texte communautaire prévoit, notamment, que toute société dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé inclut une déclaration sur le Gouvernement d'entreprise dans son rapport de gestion. Cette déclaration forme une section spécifique du rapport de gestion et contient la désignation du code de gouvernement d'entreprise auquel la société est soumise, et/ou du code de gouvernement d'entreprise que la société a décidé d'appliquer volontairement, et/ou de toutes les informations pertinentes relatives aux pratiques de gouvernement d'entreprise appliquées allant au-delà des exigences requises par le droit national, ainsi qu'une description des principales caractéristiques des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de la société dans le cadre du processus d'établissement de l'information financière.

Afin de satisfaire à ces exigences, les articles 26 et 27 loi du 3 juillet 2008 ont donc modifié, en circonstance, les articles L. 225-37 et L. 225-68 du Code de commerce.

Désormais, en plus des informations déjà exigées, le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance devra rendre compte :
- de la composition, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil et des procédures de gestion des risques mises en place ;
- une attention particulière doit être apportée aux procédures relatives à l'élaboration et au traitement de l'information financière pour les comptes sociaux et les comptes consolidés, qui doivent être "détaillées" ;
- si la société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise, des dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été, le lieu où ce code peut être consulté devant, également, être mentionné ;
- si la société ne se réfère pas à un tel code, les règles retenues en complément des exigences requises par la loi et les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code ;
- les modalités particulières relatives à la participation des actionnaires à l'assemblée générale, le rapport pouvant sur ce point renvoyer aux dispositions des statuts qui y sont relatives.

En outre, l'exigence de rédiger un tel rapport est étendue dans les sociétés en commandite par actions faisant appel public à l'épargne. Désormais, un nouvel article L. 226-10-1 impose au président du conseil de surveillance d'établir un rapport sur le gouvernement d'entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 225-68 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 3 juillet 2008.

Enfin, l'article L. 621-18-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2639HWN) est modifié afin que les nouvelles informations sur le gouvernement d'entreprise, qui sont requises en application des articles 26 et 27 de la loi, soient également soumises aux obligations de publicité découlant de ce texte, à l'exception de l'information relative à la participation des actionnaires à l'assemblée générale, puisque l'article L. 621-18-3 dans sa nouvelle rédaction ne renvoie qu'aux alinéas 6, 7 et 9 des articles L. 225-37 et L. 225-68 du Code de commerce.

  • Attestation des commissaires aux comptes sur l'établissement des informations relatives à la gouvernance des sociétés anonymes

L'article 29 de la loi du 3 juillet 2008 impose l'attestation par les commissaires aux comptes de la société anonyme que les informations relatives au gouvernement d'entreprise devant être présentées aux actionnaires dans le cadre du rapport y figurent bien. Il complète à cette fin l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L2867HC8), par une seule phrase : "Ils attestent l'établissement des autres informations requises aux articles L. 225-37 et L. 225-68".

On rappellera qu'à l'origine, le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyait que les commissaires aux comptes attestaient également la publication de ces informations. Cette obligation a été supprimée par le Parlement, à juste titre, puisque l'attestation délivrée par les commissaires aux comptes est par nature antérieure à la publication.

Enfin, la loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de six mois, soit avant le 4 janvier 2009, les dispositions nécessaires à la transposition de la Directive 2006/43 (15).


(1) Directive 2005/56 du 26 octobre 2005, relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (N° Lexbase : L3532HD8).
(2) Directive 2006/46 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006, modifiant les Directives du Conseil 78/660 concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, 83/349 concernant les comptes consolidés, 86/635/CEE concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques (N° Lexbase : L5114HKM).
(3) Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (N° Lexbase : L4748DIP).
(4) Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises (N° Lexbase : L4315DPI).
(5) Directive 90/434 du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents (N° Lexbase : L7670AUM).
(6) Pour un commentaire sur ces mesures du projet de loi, lire, G. de Foresta, Rapports du commissaire à la fusion : formalités inutiles ou bien inutilité de la réforme ?, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8682BDW).
(7) Directive 78/855 du 9 octobre 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (N° Lexbase : L9347AUQ).
(8) N. Lenoir, Pour une citoyenneté européenne de l'entreprise, rapport remis au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 19 mars 2007.
(9) Règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (N° Lexbase : L1040AWG).
(10) Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération (N° Lexbase : L4471DIG).
(11) Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC).
(12) Directive 2007/72 du 22 juillet 2003, complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs (N° Lexbase : L9527CK3).
(13) Loi n° 2008-89 du 30 janvier, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (N° Lexbase : L7902H33).
(14) Décret n° 2008-439 du 7 mai 2008, relatif à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne (N° Lexbase : L8878H39) et décret n° 2008-440 du 7 mai 2008, relatif à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne (N° Lexbase : E6404A8P).
(15) Directive 2006/43 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les Directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la Directive 84/253/CEE du Conseil ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2415045, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Directive n\u00b0 2006/43 du Parlement europ\u00e9en et du Conseil du 17-05-2006, concernant les contr\u00f4les l\u00e9gaux des comptes annuels et des comptes consolid\u00e9s et modifiant les direct, art. 40 ", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L9916HI4"}}).

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Fonction publique

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat précise la condition d'aptitude physique exigée des postulants à un emploi dans la fonction publique

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 299943, Union générale des syndicats pénitentiaires CGT (N° Lexbase : A9577D89)

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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice

Le 07 Octobre 2010

Par une décision en date du 6 juin 2008 (CE 3° et 8° s-s-r., 6 juin 2008, n° 299943, Union générale des syndicats pénitentiaires CGT, à paraître aux Tables), le Conseil d'Etat vient de rappeler que l'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières pour l'admission dans des corps de fonctionnaires ne pouvait porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès (cf., dans le même sens, CE, 29 décembre 1995, n° 141064, Ministre de l'Intérieur N° Lexbase : A0246B9Y, aux Tables p. 850). Surtout, le Conseil a ajouté que, si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions pouvait prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle devait aussi tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir l'affection ou de bloquer son évolution. Le Conseil a, en conséquence, jugé qu'en interdisant la candidature aux concours ouverts pour le recrutement, dans les corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, à toute personne atteinte d'une "affection médicale évolutive" pouvant ouvrir droit aux congés de longue maladie et de longue durée prévus par les dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sans qu'il ne soit fait aucune référence à l'état de santé du candidat et aux traitements suivis par lui, au moment de l'admission, les dispositions du 4° de l'article 1er de l'arrêté du 26 septembre 2006, relatif aux conditions d'aptitude physique pour l'admission dans le corps de commandement et dans le corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire (N° Lexbase : L0271HT9), avaient méconnu les dispositions de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L5232AHA), ainsi que les dispositions de l'article 22 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation de médecins agrées, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de reforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires (N° Lexbase : L7446A4K).

Les personnes atteintes d'une affection médicale évolutive susceptible d'ouvrir droit à un congé de longue maladie ou de longue durée pourront, en conséquence, se porter candidates aux concours de l'administration pénitentiaire. Elles n'en seront exclues qu'en cas d'incompatibilité effective, compte tenu des traitements médicaux suivis, avec les fonctions auxquelles elles postulent. La compatibilité de l'état de santé d'un individu avec les fonctions auxquelles il postule doit ainsi être examinée au cas par cas et de manière dynamique, c'est-à-dire en tenant compte de l'évolution prévisible de la pathologie en cause.

I - Une appréciation concrète et relative de la condition d'aptitude physique

A - Si, depuis l'adoption du statut général de la fonction publique de 1983, aucune affection ne constitue, en elle-même, un obstacle absolu à l'exercice d'un emploi de la fonction publique...

La règle selon laquelle les candidats à la fonction publique doivent remplir les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction est traditionnelle. La jurisprudence a admis de longue date que l'administration pouvait poser cette exigence (CE, 12 janvier 1938, Pélissier, au Recueil p. 12). L'objectif de cette règle est clair : il s'agit d'éviter que ne soit entravée la continuité du service public. Ainsi que l'indiquait le commissaire du Gouvernement, M. Rougevin-Baville, dans ses conclusions sous une décision d'Assemblée du 24 janvier 1975 (CE Contentieux, 24 janvier 1975, n° 93052, Association française des hémophiles N° Lexbase : A6430B8N, au Recueil p. 52, RTDSS, 1975, p. 381) : "indépendamment des charges financières qu'ils feraient peser sur les contribuables, de tels recrutements sont évidemment préjudiciables à la bonne marche des services publics, car il n'est pas toujours possible de remplacer du jour au lendemain un agent" et M. Rougevin-Baville d'ajouter avec un certain humour : "Il n'est pas évident qu'il faille identifier l'Etat-employeur et l'Etat chargé de la protection sociale des citoyens, ni que cette protection puisse être obtenue de manière valable en remplissant les bureaux de podagres et de valétudinaires". De manière plus laconique, R. Chapus résume ainsi les choses : "On ne saurait confier une fonction, publique ou privée, à une personne physiquement incapable de l'exercer" (Droit administratif général, tome II, § 172, Montchrestien, 2001).

L'ancien statut de la fonction publique fixé par l'ordonnance du 4 février 1959 exigeait, ainsi, que le candidat fût reconnu indemne de toute affection tuberculeuse, cancéreuse ou nerveuse (article 16) ou de poliomyélite (décret n° 59-310 du 14 février 1959, art. 36-3° et 13 N° Lexbase : L1131G8E). S'agissant, plus précisément, de la tuberculose, le Conseil d'Etat avait jugé, sous l'empire de l'article 51 de la loi du 30 mars 1929 qui contenait la même règle, que l'interdiction du recrutement d'un candidat atteint d'une telle affection était absolument générale et s'appliquait, notamment, aux bénéficiaires des lois sur les emplois réservés (CE, 4 février 1938, De Barberis, au Recueil p. 130). L'ordonnance du 4 février 1959 précisait, en outre, que, si le candidat avait souffert d'une affection tuberculeuse, cancéreuse ou nerveuse, il devait apporter la preuve qu'il était définitivement guéri au moment de son entrée dans la fonction publique. Enfin, l'article 13 du décret n° 59-310 du 14 février 1959 prévoyait que, pour un certain nombre de maladies limitativement énumérées (notamment, lèpre, maladie cérébro-vasculaire, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, infarctus du myocarde, spondylite ankylosante, troubles neuro-vasculaires, polyarthrite chronique évolutive), les candidats devaient produire un certificat médical attestant qu'ils se trouvaient dans une période de rémission durable. Quant aux autres candidats, ils devaient produire un certificat médical attestant qu'ils n'étaient atteints d'aucune infirmité incompatible avec l'exercice des fonctions correspondant à l'emploi postulé.

Au total, l'ancien statut de la fonction publique se distinguait donc par l'exclusion absolue de certains candidats (ceux atteints d'une affection tuberculeuse, cancéreuse ou nerveuse ou de poliomyélite, quel que soit le stade de cette affection), ainsi que par la fixation d'une liste limitative de maladies en principe, c'est-à-dire a priori incompatibles avec l'exercice d'un emploi dans la fonction publique, mais dont la compatibilité avec un tel emploi pouvait être reconnue si l'intéressé se trouvait en état de rémission. Eu égard à la progression lente des sciences médicales, l'ancien statut de la fonction publique pouvait, ainsi, être centré sur la pathologie du candidat plus que sur l'emploi qu'il avait vocation à exercer. Par la suite, l'évolution beaucoup plus rapide de ces sciences a conduit à rendre curables de nombreuses maladies autrefois fatales et a rendu impossible toute exclusion de principe de candidats atteints de certaines maladies. C'est pourquoi l'actuel statut général de la fonction publique est désormais centré, non plus sur une telle exclusion, mais sur l'adéquation de l'état de santé du candidat avec l'emploi qu'il a vocation à exercer.

Le statut général de 1983-1984 n'a donc pas repris la règle du statut de 1959 qui exigeait des candidats à la fonction publique qu'ils fussent reconnus indemnes de toute affection tuberculeuse, nerveuse, cancéreuse ou poliomyélitique, ou définitivement guéris. La loi du 13 juillet 1983 a, ainsi, abandonné cette énumération qui paraissait stigmatiser des affections particulières dont la gravité était en réalité très variable et, en outre, relative à l'emploi postulé. L'article 5 de cette loi se borne donc à poser le principe selon lequel nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire "s'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap". Le principe est, ainsi, également posé d'une possibilité de compenser l'inadaptation à l'emploi qu'entraîne l'affection dont est atteint le candidat. La notion d'aptitude physique est, cependant, à prendre dans son sens le plus général. Ainsi, une inaptitude d'ordre psychiatrique constitue une inaptitude physique et peut justifier légalement un refus de titularisation à condition que les faits soient matériellement établis (CAA Nantes, 7 mars 1996, n° 94NT00609, Lelong N° Lexbase : A0833BHC, aux Tables pp. 961 et 963). Plus généralement, le principe n'est donc plus que certaines maladies sont absolument ou en principe incompatibles avec un emploi dans la fonction publique, mais que toutes les maladies sont, en principe, c'est-à-dire a priori, compatibles avec un tel emploi.

Ajoutons que l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, relative à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L4930AH3), de même que l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L6968AHK), donnent, désormais, des conditions d'octroi d'un congé de longue maladie une définition concrète et non pas limitée à certains maux : il n'est donc plus fait référence à une liste limitative d'affections mais à certains critères auxquels la maladie doit correspondre (la loi exige que la maladie mette l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rende nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée). Enfin, diverses règles sont fixées par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime des congés de maladie des fonctionnaires, décret plusieurs fois modifié (par le décret n° 89-396 du 14 juin 1989 N° Lexbase : L3261H8B et le décret n° 2000-610 du 28 juin 2000 N° Lexbase : L3260H8A). L'article 20 de ce texte prévoit, ainsi, que les candidats à l'entrée dans la fonction publique doivent fournir un certificat établi par un médecin agréé, l'administration pouvant imposer une contre-visite par un autre médecin agréé : ce certificat doit attester que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité, ou que les maladies ou infirmités constatées, qui doivent être indiquées à son dosser médical, ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions postulées. Le décret du 14 mars 1986 prévoit, également, que, lorsque les avis médicaux sont contestés soit par l'intéressé, soit par l'administration, le comité médical (ministériel ou départemental) est saisi.

B - ...la jurisprudence, examinant les conséquences que peut emporter l'affection en cause sur l'emploi postulé, permet à l'administration d'écarter certains candidats en raison de l'affection dont ils sont atteints

Bien qu'il soit parfois délicat d'apprécier ce que sont les handicaps (naturels ou résultant de maladie ou accidents) de nature à faire obstacle à l'occupation normale d'un emploi, et sans doute pour éviter de laisser à l'administration une marge de manoeuvre trop importante, le juge administratif exerce son contrôle normal sur la qualification juridique des faits, c'est-à-dire vérifie si le handicap considéré est effectivement de nature à faire obstacle à l'exercice de la fonction postulée. Il a eu, ainsi, l'occasion de préciser qu'un ministre avait pu légalement refuser d'intégrer dans le cadre des employés de bureau dactylographes une personne atteinte de surdité (CE, 6 février 1952, Cazarre, au Recueil p. 87). De même, est légale la décision d'un préfet de police estimant incompatible une scoliose avec l'exercice de fonctions relevant des services actifs de la police (CE, 16 octobre 1991, n° 105116, Préfet de police Paris c/ Callo N° Lexbase : A2367AR4). Le Conseil d'Etat a, cependant, jugé que la cécité n'était pas un obstacle aux fonctions de l'enseignement supérieur (CE, 25 juillet 1952, Loubeyre, au Recueil p. 397, Dalloz, 1953, jurispr., p. 5, conclusions Guionin) et que le fait d'être doté d'un avant-bras artificiel était compatible avec les obligations de service d'un inspecteur des postes et télécommunications (CE, 6 avril 1979, n° 9510, Picot N° Lexbase : A9537AI3, aux Tables p. 768, AJDA, 20 juillet 1979, p. 41, note S. S., RDP, 1979, p. 1499).

En revanche, et cela souligne l'examen par le juge, non pas de la gravité intrinsèque de l'affection en cause mais de l'adéquation ou de l'inadéquation de cette affection avec l'emploi postulé, l'amputation du bras droit provoque l'inaptitude à exercer les fonctions de chef de service d'une maternité (CE Section, 12 novembre 1965, n° 57650, Daveo N° Lexbase : A8898B7P, au Recueil p. 610). De même, si le fait d'être hémophile ne peut être une cause d'exclusion de principe de la fonction publique (CE Assemblée, 24 janvier 1975, Association française des hémophiles, précité), une telle affection peut constituer une cause d'exclusion d'espèce, lorsqu'elle concerne par exemple une personne postulant à un emploi hospitalier.

Ajoutons que le juge administratif contrôle bien sûr l'exactitude matérielle des faits et vérifie, ainsi, si l'aptitude physique justifie le report de la nomination d'un préposé (CE, 19 mars 1993, n° 104810, Ministre des Postes et Télécommunications c/ Roudaut N° Lexbase : A9776AMZ). Par ailleurs, le licenciement d'un stagiaire de la fonction publique est illégal lorsque cette décision est prise après un avis du comité médical déclarant apte l'intéressé, même si précédemment ce comité avait émis un avis contraire (CE, 25 novembre 1992, n° 117460, Commune de Pernois c/ Lemaire N° Lexbase : A8502ARC). En outre, le Conseil d'Etat a précisé qu'il n'appartenait pas au jury d'apprécier l'aptitude physique d'un candidat à un concours (CE, 21 janvier 1991, n° 103427, Stickel N° Lexbase : A9810AQE, au Recueil p. 21). Enfin, soulignons qu'il n'existe aucune règle particulière en ce qui concerne l'affection du SIDA : l'appréciation du juge est la même que celle à laquelle il se livre pour les autres affections (cf., à cet égard, O. Schrameck, Le SIDA et la fonction publique, AJDA, 1988, p. 270). Ainsi, si les conditions d'accès peuvent prévoir un test de dépistage, la CJCE estime qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), garantissant le droit au respect de la vie privée, le candidat est libre de refuser de s'y soumettre (CJCE, 5 octobre 1994, aff. C-404/92, M. X. N° Lexbase : A0030AWZ D., 1995, jurisp., p. 421, note Clergerie).

Plus récemment, le Conseil d'Etat a explicité sa conception de la condition d'aptitude physique qui est fondée sur une appréciation concrète et relative (à l'emploi postulé) de l'affection en cause. Le Conseil d'Etat rappelle que l'appréciation de l'aptitude physique des candidats à un concours se fait au cas par cas et que, "si l'administration peut, dans son appréciation de l'état de santé d'un candidat à un emploi public, prendre en compte les séquelles possibles d'une intervention chirurgicale" (en l'espèce, une ligamento-plastie au genou), "elle ne saurait se référer dans cette appréciation à des statistiques d'ensemble, sans procéder à un examen particulier pour chaque candidat des conséquences prévisibles de l'opération subie et de leur incidence sur son aptitude à remplir les fonctions auxquelles il postule" (en l'espèce, gardien de la paix). Le Conseil d'Etat a, ainsi, annulé le refus qu'avait opposé le préfet au requérant, lequel n'avait gardé aucune séquelle de l'opération subie (CE, 29 décembre 1995, Ministre de l'intérieur, précité). Au total, il n'y a donc pas place, en ce qui concerne l'examen de la condition d'aptitude physique prévue pour l'entrée dans la fonction publique, pour une appréciation abstraite de la pathologie en cause, c'est-à-dire, d'une part, générale et non reliée à l'état de santé particulier du candidat et donc à la traduction concrète et individuelle de la pathologie et, d'autre part, absolue et non relative aux conséquences pratiques de cette pathologie sur la capacité du candidat à exercer l'emploi auquel il postule.

II - La décision du 6 juin 2008 retient un critère temporel et matériel d'appréciation des conséquences de l'affection sur l'emploi postulé et affirme le caractère dynamique de cette appréciation

A - La fixation d'un critère temporel et matériel d'appréciation

Dans sa décision en date du 6 juin 2008, le Conseil d'Etat indique que l'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières (conditions prévues par l'article 22 du décret du 14 mars 1986), pour l'admission dans des corps de fonctionnaires, ne peut porter "que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès". Le Conseil d'Etat fixe, ainsi, un double critère temporel et matériel d'appréciation des conséquences de l'affection sur l'emploi postulé. Selon le critère temporel d'appréciation, c'est au moment de l'admission, et non au moment de l'admissibilité, ou au moment encore antérieur de la présentation d'un dossier de candidature ou de l'inscription à l'examen permettant l'entrée dans l'emploi en cause, que doit s'effectuer la prise en compte de l'affection dont est atteint l'intéressé. Cela a donc pour conséquence, selon nous, que l'administration ne peut empêcher un candidat présentant une affection qu'elle estime incompatible avec l'emploi proposé de présenter sa candidature ou de concourir. C'est donc seulement dans le cas où l'intéressé a passé avec succès les épreuves d'admissibilité, et est en passe d'être admis, que l'administration pourra lui opposer l'incompatibilité de l'affection dont il est atteint avec l'emploi en cause.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat confirme le critère d'appréciation matériel dont il fait application pour examiner le respect de la condition d'aptitude physique pour l'entrée dans la fonction publique : l'appréciation de l'état de santé du candidat doit être individuelle et concrète, et non pas fondée sur une prise en compte abstraite de la pathologie dont il est atteint, cette appréciation devant être effectuée au regard et en fonction de l'emploi auquel il postule. Le Conseil d'Etat précise ainsi, en ce qui concerne le premier point, qu'il doit être fait référence "à l'état de santé du candidat et aux traitements suivis par lui, au moment de l'admission". L'évidence vaut d'être rappelée : ce n'est pas telle ou telle pathologie qui peut faire obstacle à l'entrée dans la fonction publique, mais les conséquences d'une pathologie sur l'état de santé de tel ou tel candidat. La décision du 6 juin 2008 confirme, ainsi, qu'aucune pathologie ne peut être considérée comme une cause d'exclusion absolue de la fonction publique et qu'en la matière tout est affaire d'espèce, c'est-à-dire de répercussions concrètes d'une pathologie sur un individu déterminé et de compatibilité de ces répercussions avec l'emploi postulé par cet individu.

Ainsi donc que le soulignait le commissaire du Gouvernement, M. Rougevin-Baville, dans ses conclusions sous une décision d'Assemblée du 24 janvier 1975 (Association française des hémophiles, précité) : "aucune des affections donnant droit à congé de longue maladie n'est par elle-même et in abstracto incompatible avec l'exercice de toute fonction publique : il n'y a donc pas de place pour une exclusion ou une restriction de principe, mais seulement pour l'appréciation in concreto de l'aptitude physique de chaque candidat à l'emploi précis qu'il postule".

Cette solution est d'ailleurs cohérente avec l'obligation qu'a l'Etat employeur, obligation qu'il partage avec les employeurs privés, de recruter une proportion minimale de travailleurs handicapés, proportion fixée à 6 % par l'actuel article L. 5212-2 du Code du travail entré en vigueur le 1er mai 2008 . Ainsi, les handicapés reconnus comme tels par les Commission techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) peuvent être engagés comme contractuels pour une période d'un an renouvelable, après quoi ils seront titularisés s'ils ont manifesté leur aptitude à l'exercice de leur fonction : dans cette hypothèse, les conditions ordinaires d'aptitude physique sont écartées et la candidature aux concours ne peut être refusée que si la COTOREP déclare le handicap incompatible avec l'emploi. Précisons que pour les personnes atteintes d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, des expériences d'insertion professionnelle peuvent être réalisées, ainsi que des aménagements de poste. Sous l'empire de l'ancienne loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées (loi n° 75-534, 30 juin 1975 N° Lexbase : L6688AGS), le Conseil d'Etat a indiqué que la commission devait tenir compte de ces éléments : aussi ne peut-elle écarter la candidature d'un invalide à 80 % pour déficience visuelle lorsque les stages effectués ont démontré sans doute possible la capacité de ce candidat professeur à assumer ses fonctions avec un appareil de lecture informatique et l'assistance d'une tierce personne (CE, 29 juillet 2002, n° 238516, M. Houama N° Lexbase : A9948B8X, aux Tables). On le voit donc, la logique est ici la même que pour les candidats non handicapés : loin de se prononcer sur un handicap en tant que tel, le juge tient, en effet, essentiellement compte de la compatibilité du handicap en cause avec l'emploi postulé et de la possibilité dont dispose ou non l'intéressé de compenser ce handicap par l'utilisation de certaines techniques.

B. Une appréciation dynamique de l'affection dont peut être atteint le candidat à un emploi dans la fonction publique

La décision du Conseil d'Etat en date du 6 juin 2008 est, en outre, remarquable en ce qu'elle indique que "si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle doit aussi tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir ou de bloquer son évolution". Le Conseil d'Etat explicite, ainsi, l'appréciation dynamique à laquelle doit se livrer le juge administratif lorsqu'il est amené à examiner la légalité d'une décision administrative écartant une personne d'un emploi dans la fonction publique en raison de l'affection dont il est atteint : cette appréciation dynamique complète, et compense également, l'application d'un critère temporel strict selon lequel l'appréciation des conditions d'aptitude physique doit être faite au moment de l'admission. En effet, il appartient, de plus, au juge de se livrer à une double anticipation puisqu'il lui revient, non seulement d'anticiper l'évolution de la pathologie mais aussi d'anticiper les résultats prévisibles qu'auront les traitements suivis par l'intéressé, au moment de l'admission, sur cette évolution. Sur ce second point, il faut souligner que c'est au candidat qu'il appartient de prouver qu'il suit un ou plusieurs traitements contre la pathologie en cause au moment de l'admission : à défaut d'apporter une telle preuve, le juge ne pourra, en effet, tenir compte des résultats prévisibles de ce (ou ces) traitement(s) sur cette pathologie, puisque le requérant ne pourra s'en prévaloir.

Là encore, l'appréciation du juge est concrète et non pas abstraite : il n'a pas à examiner les conséquences que peut avoir un traitement qui, au moment de son admission, n'est pas suivi par le candidat ; autrement dit, pour prouver son aptitude à exercer l'emploi postulé, celui-ci ne peut se prévaloir que du traitement qu'il suit en pratique au moment de la postulation, et il ne peut se prévaloir d'un traitement qu'il envisage de prendre une fois qu'il aura été admis à entrer dans la fonction publique.

Dès lors que cette condition est remplie, le juge administratif doit se livrer à une anticipation équilibrée et si l'on peut dire "contradictoire" de l'avenir puisqu'il doit anticiper aussi bien une éventuelle aggravation de la pathologie qu'une éventuelle amélioration de l'état de santé du candidat, avant de réaliser une sorte de bilan entre ces deux tendances : dès lors que le bilan est favorable à l'amélioration de l'état de santé, c'est-à-dire dès lors que la pathologie de l'intéressé a plus de chances d'être guérie ou stoppée que de s'aggraver, le juge pourra estimer que la condition d'aptitude physique est remplie. En revanche, dans le cas où aucune amélioration ni stabilisation de l'état de santé du candidat n'est à prévoir, soit que le traitement qu'il suit ne puisse enrayer l'aggravation de sa pathologie, soit qu'il ne suive aucun traitement destiné à contrer cette pathologie au moment de son admission, il est probable que le juge administratif estimera que la condition d'aptitude physique n'est pas remplie.

Ainsi, si l'existence de la pathologie et d'un éventuel traitement destiné à la juguler doit être appréciée au moment de l'admission, il n'en est pas de même pour la gravité relative de cette pathologie et l'efficacité relative de ce traitement. Autrement dit, pour apprécier la gravité relative de cette pathologie et l'efficacité relative de ce traitement, le juge doit faire un saut dans l'avenir et se placer, ainsi, à un horizon indéterminé, en tout cas postérieur à la décision prise par l'administration d'admettre ou de ne pas admettre l'intéressé dans un emploi de la fonction publique. Ce raisonnement est logique : l'existence d'une pathologie et d'un traitement ne peut, en effet, donner lieu à interprétation ou projection, elle est ou n'est pas ; en revanche, l'aggravation, la stabilisation ou l'amélioration de l'état de santé de l'intéressé peuvent et doivent donner lieu à interprétation et projection, puisqu'elles relèvent et résultent toutes trois de simples hypothèses.

Ce raisonnement n'est, en outre, pas nouveau puisque le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Lyon avaient déjà estimé que l'administration ou le juge administratif, ce dernier pouvant à cet égard se fonder sur le rapport d'un expert désigné par lui, pouvait anticiper l'effet prévisible et inévitable que l'exercice des fonctions aurait sur la santé de l'agent, et refuser sa nomination sur un poste déterminé, lorsque l'aggravation progressive de son état de santé était certain et le rendrait inapte à exercer ses fonctions (cf., respectivement, CE 29 décembre 1995, précité et CAA Lyon, 3 décembre 1996, n° 95LY00132, Youssoufian N° Lexbase : A8955BEE, aux Tables p. 961 : la Cour relève que, "contrairement à ce que soutient le requérant, l'expert n'a pas outrepassé les limites de sa mission en étendant son examen aux conséquences dans le temps des efforts physiques que requiert l'exercice de la profession de préposé sur l'état de santé de l'intéressé").

L'intérêt de la décision du 6 juin 2008 est, cependant, d'affirmer nettement qu'une telle anticipation est un devoir et non une possibilité pour l'administration et pour le juge. Il est vraisemblable que cette obligation amènera ce dernier à recourir aux services d'un expert seul à même d'examiner l'interaction entre l'évolution propre de la pathologie et l'efficacité des traitements suivis par le candidat, ce qui aura probablement pour effet de rallonger les délais de jugement.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des associations auxquelles sont confiés des mineurs pour les dommages causés par ceux-ci

Réf. : Cass. civ. 2, 19 juin 2008, n° 07-12.533, Société GAN assurances IARD, FS-P+B (N° Lexbase : A2186D9T)

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N5260BGW

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

En dépit des interventions répétées de la Cour de cassation, l'importance du contentieux relatif à la mise en oeuvre du principe général de responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), ne se dément pas. Ainsi, près de quinze ans après l'admission, par l'arrêt "Blieck" de l'Assemblée plénière du 29 mars 1991 (1), en dehors des cas spéciaux du Code civil, d'une responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, précisément, de nombreuses questions continuent de se poser, auxquelles la jurisprudence s'efforce, tant bien que mal, et au fur et à mesure, de répondre. Pour preuve, une fois encore, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 juin 2008, à paraître au Bulletin. En l'espèce, un juge des enfants avait confié, pour une durée d'un an, à une association une mission d'assistance éducative en milieu ouvert à l'égard d'un mineur, avant que l'enfant ne soit, ensuite, confié à un tiers par une ordonnance aux fins de placement provisoire. Or, précisément, alors que l'enfant était auprès de ce tiers, il avait provoqué un incendie et endommagé l'immeuble occupé par sa famille d'accueil. L'assureur, qui avait indemnisé le propriétaire et les locataires du préjudice subi, avait assigné l'association en responsabilité et remboursement des sommes ainsi versées. Le pourvoi reprochait aux juges du fond d'avoir rejeté cette demande alors que, selon le moyen, la personne physique ou morale à qui le juge des enfants a confié la garde du mineur se voit transférer la garde juridique de ce mineur et est responsable sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil des actes accomplis par celui-ci tant qu'une décision judiciaire n'a pas suspendu ou mis fin à sa mission. La Cour de cassation rejette, cependant, le pourvoi, faisant valoir que l'association n'est pas responsable du dommage causé par le mineur alors qu'il avait été, au moment du dommage, confié à un tiers par une ordonnance aux fins de placement provisoire, et ce au motif que l'association "ne s'était vu confier qu'une mesure d'action éducative en milieu ouvert dont l'objet est d'apporter aide et conseil à la famille et de suivre le développement de l'enfant", une telle mesure n'étant "pas de nature à transférer à l'association tout ou partie de l'autorité parentale". Et la Cour d'ajouter que "lors des faits dommageables, [l'association] n'avait aucun pouvoir effectif de direction et de surveillance sur le mineur, dont elle ne pouvait contrôler le mode de vie". En somme, l'association, "qui n'était pas investie de la charge d'organiser, de diriger et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur, ne pouvait être déclarée responsable des dommages causés par celui-ci".

Nul n'ignore plus que, à la suite de l'arrêt "Blieck" ayant déclaré civilement responsable des dommages causés par un handicapé mental une association ayant accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé (2), la Cour de cassation a, non seulement, jugé que les associations auxquelles sont confiés par le juge des enfants des mineurs en danger par application de l'article 375 du Code civil (N° Lexbase : L8338HWQ) sont responsables des dommages causés par ceux-ci (3), mais aussi, donnant un élan certain à l'admission d'une responsabilité du fait d'autrui sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, considéré que les associations sportives ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de leurs membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables, au sens de ce texte, des dommages qu'ils causent à cette occasion (4). Et l'on sait que la Cour a même encore amplifié ce mouvement en décidant, pour retenir la responsabilité d'une association de majorettes pour le dommage causé par l'un de ses membres au cours d'une manifestation qu'elle avait organisée, qu'il n'y a pas lieu, pour mettre en oeuvre l'article 1384, alinéa 1er, de tenir compte de la dangerosité potentielle de l'activité exercée (5).

S'agissant du cas qui nous intéresse ici, celui de la responsabilité d'associations auxquelles sont confiés par le juge des enfants des mineurs en danger par application de l'article 375 du Code civil, on rappellera, comme le soutenait le pourvoi, qu'une association chargée par décision d'un juge des enfants, d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur est responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative (6). Mais encore faut-il, pour qu'il en aille ainsi, qu'elle se soit effectivement vue confier la mission "d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur". On remarquera que l'arrêt du 19 juin 2008 ajoute même, dans cette définition du pouvoir exercé sur autrui (autrement dit de la "garde" d'autrui), le pouvoir de "diriger" le mode de vie du mineur. Or, selon la Cour, ces pouvoirs de contrôle, de direction et d'organisation faisaient, en l'espèce, défaut, si bien que l'association ne pouvait pas être civilement responsable des dommages causés par le mineur : elle n'exerçait pas, au moment des faits dommageables, un pouvoir effectif de direction et de surveillance sur le mineur. Il y a là une dose de subtilité qui pourrait bien ne faire qu'ajouter au contentieux déjà existant, en introduisant dans ce que l'on tenait pour une définition juridique de la "garde" d'autrui des considérations plus matérielles.


(1) Ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231, Consorts Blieck (N° Lexbase : A0285AB8), Bull. civ. n° 1 ; JCP éd. G, 1991, II, 21673, concl. D.-H. Dontenwille, note J. Ghestin ; D., 1991, p. 324, note Ch. Larroumet ; RTDCiv., 1991, p. 541, obs. P. Jourdain ; Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 11ème éd. par F. Terré et Y. Lequette, n° 218.
(2) Ass. plén., 29 mars 1991, préc..
(3) Cass. crim., 10 octobre 1996, n° 95-84.186 (N° Lexbase : A0906ACK), JCP éd. G, 1997, II, 22833, note F. Chabas ; Cass. crim., 26 mars 1997, n° 95-83.956 (N° Lexbase : A0528CKR), Bull. crim. n° 124, JCP éd. G, 1997, II, 22868, note F. Desportes, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 219 ; Cass. civ. 2, 9 décembre 1999, n° 97-22.268, Association Montjoie et autre c/ Groupe des assurances nationales (GAN) et autre (N° Lexbase : A5342AWR), Bull. civ. II, n° 189 ; Cass. civ. 2, 20 janvier 2000, n° 98-17.005, Mlle X c/ Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) et autre (N° Lexbase : A5508AWW), Bull. civ. II, n° 15 ; Cass. civ. 2, 6 juin 2002, n° 00-12.014, Association de la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence c/ Mme Elodie Dominguez, épouse Deberge, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8500AYH), Bull. civ. II, n° 120, D., 2002, p. 2750, note Huyette ; Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-15.607, Fabien Sdao c/ Association Foyer Matter, FS-P+B (N° Lexbase : A8259BSP), Bull. civ. II, n° 129 ; Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 03-16.078, Société Azur assurances c/ Mme Christiane Rivoallan, épouse Sallafranque, FS-P+B (N° Lexbase : A5763DDS), Bull. civ. II, n° 453.
(4) Cass. civ. 2, 22 mai 1995, deux arrêts, n° 92-21.197, Union des assurances de Paris (UAP) et autre c/ M. Rendeygues et autre (N° Lexbase : A7402ABR) et n° 92-21.871, Union sportive du personnel électricité gaz de Marseille c/ Fédération française de rugby et autres (N° Lexbase : A5655CIB), Bull. civ. II, n° 155, JCP éd. G, 1995, II, 22550, note J. Mouly, RTDCiv., 1995, p. 899, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 2, 3 février 2000, n° 98-11.438, Association Amicale sportive et culturelle d'Aureilhan c/ M. Dubarry et autre (N° Lexbase : A5426AWU), Bull. civ. II, n° 26, JCP éd. G, 2000, II, 10316, note J. Mouly.
(5) Cass. civ. 2, 12 décembre 2002, n° 00-13.553, Société Axa assurances IARD c/ Mlle Nathalie Yvon, FS-P+B (N° Lexbase : A4005A44), Bull. civ. II, n° 289, JCP éd. G, 2003, I, 154, n° 49, obs. G. Viney, RTDCiv., 2003, p. 305, obs. P. Jourdain ; Comp., sur la responsabilité d'une association de scouts, CA Paris, 9 juin 2000, Resp. civ. et assur., 2001, comm. 74, obs. L. Grynbaum.
(6) Cass. civ. 2, 6 juin 2002, préc. ; Cass. civ. 2, 7 mai 2003, préc..

newsid:325260

Droit financier

[Jurisprudence] Affaire "Marionnaud", un parfum de présomption d'innocence

Réf. : CA Paris, 1ère ch., sect. H, 25 juin 2008, n° 2007/16197, M. Marcel Frydman, M. Gérard Frydman, Société Marionnaud Parfumeries, SA (N° Lexbase : A3049D9S)

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N5173BGP

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 07 Octobre 2010

Alors que le rapport "Coulon" sur la dépénalisation du droit des affaires (cf. Réflexions sur les aspects de droit des marchés financiers du rapport "Coulon", Lexbase Hebdo n° 300 du 10 avril 2008 - Edition Privée générale N° Lexbase : N6659BED), qui évoque distinctement la nécessité d'une réforme des sanctions boursières, a récemment été remis au Garde des Sceaux, l'épineuse question de la violation des libertés fondamentales à l'occasion des décisions de sanction de l'autorité des marchés financiers ("AMF") vient, de nouveau, d'être avancée devant le juge. A la suite de l'appel interjeté contre la décision de sanction rendue dans l'affaire "Marionnaud", la cour d'appel de Paris vient, ainsi, de rejeter, le 25 juin 2008, le recours formé par les dirigeants de la société, dont l'argument principal reposait sur la violation de la présomption d'innocence.

En dépit du rejet de ces prétentions, la question posée à la cour était, toutefois, assez complexe pour pouvoir, éventuellement, donner lieu à débat. Les appelants prétendaient, en effet, qu'une notification de griefs, intervenue alors qu'une autre procédure était en cours, était susceptible, en raison du "préjugé" sur la culpabilité qu'elle pouvait faire naître, d'atteindre à la présomption d'innocence.

Outre ce moyen, les autres prétentions des requérants s'avéraient moins étayées et, vraisemblablement, insusceptibles de prospérer (I), au regard de l'évolution des procédures de sanctions qui a marqué, ces dernières années, les réformes du fonctionnement de l'AMF. Cette évolution, cependant, risque de montrer ses limites, puisque la décision commentée fait ressortir l'existence de fragilités résiduelles en matière de procédure, lorsque des libertés fondamentales, telles la présomption d'innocence (II), sont invoquées dans des circonstances particulières devant le juge judiciaire. I - Des moyens d'appel insusceptibles de prospérer

L'analyse de l'arrêt de la cour d'appel permet de souligner que la vulnérabilité des décisions de sanction de l'AMF à des moyens de procédure, qui a marqué la dernière décennie, semble appartenir au passé. En effet, tant en matière probatoire (A), que sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux (B), les arguments des appelants échouent face à l'évolution de l'encadrement juridique de la procédure de sanction.

A - Présomption de connaissance du caractère faux ou trompeur des informations et administration de la preuve.

La société Marionnaud, durant l'année 2004 (1), avait différé par trois fois la publication de ses résultats, justifiant ces retards en invoquant, d'abord, la nécessité pour les commissaires aux comptes de pouvoir terminer leurs travaux de révision, ensuite, l'existence d'ajustements comptables et, enfin, l'impossibilité, compte tenu des "erreurs passées", de présenter à temps des comptes conformes. L'AMF, qui avait fait suspendre, à la suite de ces problèmes, le cours de l'action le 10 décembre 2004, décidera, alors, d'ouvrir une enquête sur l'information financière et le marché du titre Marionnaud, le 3 janvier 2005. A la suite de cette enquête, des griefs seront notifiés à la société, à ses dirigeants, MM. Marcel et Gérard F., ainsi qu'aux commissaires aux comptes. II sera reproché à toutes ces personnes d'avoir manqué à l'obligation d'information du public, en publiant des informations inexactes dans différents communiqués de presse et dans des documents de référence, ces informations étant étayées par des manipulations comptables : la majoration indue de produits à recevoir et de stocks.

La commission des sanctions prononcera, en conséquence, des sanctions pécuniaires contre toutes les personnes poursuivies et infligera, surtout, une sanction d'un million d'euros à M. Marcel F.et de 500 000 euros à M Gérald F. et à la société Marionnaud. C'est cette décision de la commission des sanctions qui faisait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris, les appelants s'appuyant sur deux séries de griefs.

La première, portant sur le fond, reposait sur les dispositions de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF , qui établit que la personne poursuivie au titre de la diffusion d'informations inexactes ou trompeuses ne peut être condamnée que si elle "savait ou aurait dû savoir" l'inexactitude ou le caractère dolosif de l'information. En l'espèce, les appelants ne discutaient pas la matérialité des faits constatés par l'AMF, mais leur imputabilité, soutenant qu'ils n'avaient jamais eu connaissance de l'inexactitude de l'information. Sur ce point, la cour d'appel relèvera que le dirigeant, par ses fonctions, "est supposé maîtriser la communication de l'entreprise et que, lorsqu'une information est communiquée, il doit en principe en répondre, à moins que des circonstances particulières, dont il lui appartient de démontrer la réalité, ne l'aient privé de l'exercice, total ou partiel, de ces fonctions". En l'espèce, le juge d'appel relèvera que M. Marcel F. n'alléguait aucune circonstance justifiant qu'il aurait été mis dans l'impossibilité de veiller à l'exactitude des données traitées par les services de la société "dans le cadre d'une organisation dont il lui appartient [...] de répondre". Le juge adoptera le même raisonnement pour M. Gérald F., relevant que ce dernier n'invoquait "aucune circonstance propre à justifier son ignorance prétendue de la fausseté des données relatives" aux manipulations comptables.

Indépendamment des autres arguments, soulevés par la société Marionnaud, et ceux qui étaient invoqués pour contester le montant de la sanction infligée, l'arrêt permet, ainsi, de souligner l'étendue de la responsabilité de la société et de ses dirigeants, en matière de communication d'informations. Il pèse sur les dirigeants, à raison même de leurs fonctions et des compétences que la loi et/ou les statuts leur attribuent, une présomption de connaissance du caractère faux et trompeur des informations. Ils ne peuvent, donc, invoquer la méconnaissance des caractéristiques des informations qu'ils communiquent, sauf à démontrer que des circonstances particulières les ont privés de l'exercice, total ou partiel, des fonctions qu'ils exerçaient à l'époque des faits reprochés.

B - Des arguments obsolètes sur le non-respect des droits fondamentaux

Les aspects relatifs à la procédure, sont, par comparaison aux prétentions des appelants sur le fond, davantage tournés vers la critique des actes de l'autorité boursière. Ce ne sont, en effet, pas moins de cinq griefs relatifs à la procédure et aux droits fondamentaux qui vont être successivement soulevés. C'est, en premier lieu, la nullité de désignation des enquêteurs qui va être invoquée, puis la nullité du rapport d'enquête et, en second lieu, la violation de la présomption d'innocence, du principe de séparation des phases d'instruction et de sanction et de l'obligation de motivation de la décision. Face à ces différentes prétentions, le juge d'appel tranchera en faveur de l'AMF, relevant que la procédure suivie par cette dernière ne souffrait d'"aucune irrégularité".

S'agissant, d'abord, de la désignation des enquêteurs, aussi bien que de la prétendue nullité du rapport d'enquête, la cour d'appel écartera ces deux arguments, trop peu étayés, et ce, de façon laconique. La violation supposée, en revanche, du principe de séparation des phases d'instruction et de sanction et de l'obligation de motivation retiendra davantage l'attention du juge.

Sur le premier point, ce dernier avait, en effet, à répondre à l'interprétation que les appelants faisaient des articles R. 621-39 (N° Lexbase : L4579HCL) et R. 621-40 (N° Lexbase : L4580HCM) du Code monétaire et financier. Ils estimaient qu'il se déduisait desdits articles, que le rapporteur désigné par la commission des sanctions ne pouvait : "évoquer l'expression de sentiments personnels sur l'issue de la procédure". Or, en l'espèce, ledit rapporteur avait donné son avis sur les sanctions susceptibles d'être infligées. Au surplus, les appelants soulevaient la violation du principe d'impartialité posé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH), estimant qu'en donnant son avis sur les sanctions, le rapporteur avait "entretenu une confusion" entre les fonctions d'instruction et de jugement, méconnaissant, au surplus, l'interdiction de participation du rapporteur au délibéré.

La réponse du juge, face à ces arguments de procédure, se décompose en deux points. Il rejette, d'une part, l'interprétation extensive de l'article R. 621-40 du Code monétaire et financier, qui prévoit que le rapporteur "présente" l'affaire. Cette rédaction n'interdit pas, selon lui, que le rapporteur évoque les sanctions à cette occasion. D'autre part, la cour relève que les appelants ont été en mesure de se défendre sur l'intégralité du rapport et que "le rapporteur n'a pas participé au délibéré de la décision déférée", de sorte que la situation dénoncée n'a pas fait grief aux appelants.

Sur le second point, concernant l'absence de motivation de la décision, M. Marcel F. prétendait que la décision ne permettait pas de vérifier que les arguments qu'il avait soulevés pour démontrer son absence de responsabilité avaient été pris en considération et avaient "été écartés pour des raisons valables". La cour d'appel répondra à cet argument de façon détaillée, relevant que la décision répondait, en tout point, aux exigences d'examen des circonstances de fait et de droit, caractérisant les inexactitudes dans les informations communiquées au public et examinant l'imputabilité des faits à chacune des personnes mises en cause. La rédaction, selon le juge, était, en l'espèce, fondée sur des "motivations suffisamment intelligibles" pour permettre de démontrer que M. Marcel F., à raison de ses fonctions, savait ou devait savoir que les informations litigieuses étaient inexactes ou trompeuses.

Ce bref exposé des arguments avancés par les appelants permet de souligner l'aspect résolument procédural du recours, à l'appui de raisonnements dont on pouvait s'attendre à ce qu'ils aient peu de chance de prospérer. On rappellera, brièvement, que, s'agissant des aspects procéduraux de son fonctionnement, l'AMF et la Commission des opérations de bourse, avant elle, ont connu de nombreuses réformes visant à garantir le respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies. En dernière date, l'édiction d'un nouveau texte relatif au fonctionnement de la commission des sanctions est venu, par la loi du 17 décembre 2007 (2), parachever une lente évolution, désormais garante, semble-t-il, de l'impartialité et de la sécurité procédurale. Le raisonnement des appelants se développe, de la sorte, dans un contexte peu opportun. Là où certains des points soulevés auraient pu déboucher sur une annulation de la sanction, il y a une dizaine d'années, le plaideur est face, désormais, à une construction peu susceptible d'être remise en question, car fruit d'une adaptation continue aux exigences posées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

II - La présomption d'innocence toujours en question

Il demeure que l'affaire "Marionnaud" a donné l'occasion de mesurer les limites de cette adaptation, lorsque des situations particulières apparaissent, comme, en l'espèce, lorsqu'une procédure a été disjointe (A) et que certains actes, nécessaires au déroulement de l'instruction, risquent, alors, d'être pris à contretemps. Dans ce contexte, la présomption d'innocence peut prendre une portée particulière (B), qui pourrait, éventuellement, remettre en question la cohérence procédurale qui semble caractériser, désormais, le fonctionnement de la commission des sanctions.

A - Présomption d'innocence et procédures disjointes

La véritable difficulté qu'avait, ainsi, à affronter le juge d'appel consistait à répondre aux arguments de M. Marcel F., concernant la violation prétendue de la présomption d'innocence. L'appelant s'appuyait, en l'espèce, sur le fait que le secrétaire général de l'AMF avait, le 17 août 2005, disjoint l'enquête, scindant, d'une part, les investigations sur le marché du titre Marionnaud et, d'autre part, celles qui portaient sur l'information financière. Les deux enquêtes suivant leur cours, elles aboutiront, s'agissant de l'information financière, à la production d'un rapport établi le 5 juillet 2005, puis, d'une notification des griefs le 28 septembre 2005. Pour l'enquête sur le marché du titre, en revanche, ce n'est que le 22 février 2007 que M. Marcel F. se verra notifier un grief lui reprochant d'avoir vendu les titres Marionnaud alors qu'il connaissait, en sa qualité de principal dirigeant, le caractère inexact ou trompeur de l'information communiquée au public.

M. Marcel F. soutenait, en conséquence, que la seconde notification, intervenue le 22 février 2007, l'avait été, alors qu'une autre procédure, dans laquelle il contestait avoir connu la fausseté de l'information, était encore en cours. Il prétendait, ainsi, que le second grief, "tenant pour acquis" sa connaissance du caractère inexact ou trompeur de la même information, avait violé la présomption d'innocence. La question, ainsi posée à la cour d'appel, consistait à savoir si une notification de griefs, intervenue alors qu'une autre procédure était en cours, était susceptible, en raison du "préjugé" sur la culpabilité qu'elle pouvait faire naître, d'atteindre à la présomption d'innocence. Le juge y répondra par la négative, en s'appuyant sur les motifs suivants :

- ayant, d'une part, pour objet d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie, la notification n'emporte, ni déclaration de culpabilité, ni "préjugement", aboutissant, au contraire, à l'ouverture de la phase contradictoire de l'instruction et de permettre la défense ;

- d'autre part, même si la notification d'un nouveau grief, faite en cours d'une autre procédure, s'appuie sur certains faits constitutifs du grief ayant donné naissance à la première procédure, cette circonstance ne change rien à la nature de la notification.

La cour d'appel rejettera, donc, par ces motifs, le moyen soulevé par M. Marcel F.. On comprendra qu'en l'espèce, la nécessité constante de sécuriser le fonctionnement des marchés boursiers impose de privilégier la rapidité et l'efficacité de la procédure de sanctions devant l'AMF, même au prix de l'amoindrissement des aspects purement formels de la procédure. Il demeure que cette solution donnée à la question de la présomption d'innocence ne manque pas de susciter des interrogations.

B - Quelle portée pour la présomption d'innocence en droit des marchés financiers ?

Le problème de droit soulevé à cette occasion est d'autant plus délicat à appréhender que le principe de la présomption d'innocence peut, parfois, sembler protéiforme et faire l'objet d'une protection hétérogène. Profondément codifié dans notre droit depuis la loi n° 2000-516 (dite "Guigou") du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (N° Lexbase : L0618AIQ), le principe figure dans le Code de procédure pénale, dans un article préliminaire et dans le Code civil (sous sa nouvelle forme) à l'article 9-1 (N° Lexbase : L3305ABZ).

En l'espèce, la procédure de sanction suivie devant l'AMF, sanction boursière, c'est-à-dire, administrative et non pénale, n'entre pas dans le champ d'application de l'article préliminaire du Code de procédure pénale. Il échappe, semblablement, à celui du Code civil, qui, dans son article 9-1, n'envisage la présomption d'innocence que pour une personne "faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire". La Cour de cassation devait préciser, à ce titre, en 1996, que l'atteinte visait à présenter comme coupable, avant condamnation, une personne "poursuivie pénalement" (3). C'est, donc, sur le fondement de la CESDH que l'appelant pouvait exclusivement fonder son moyen, en s'appuyant sur son article 6, § 2 (N° Lexbase : L7558AIR), qui établit que : "toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie". Ainsi, ce texte a déjà été utilisé avec efficacité contre l'AMF et, notamment, contre son président, l'article 9-1 interdisant, selon la Chambre commerciale de la Cour de cassation, que le président de la COB déclare une personne coupable d'une infraction, avant que les juges compétents ne se soient prononcés (4).

La question de la présomption d'innocence doit, cependant, se trouver écartée, en l'espèce, puisque le droit interne la limite, comme nous venons de le rappeler, aux sanctions pénales. Mieux encore, la Cour européenne des droits de l'Homme, de jurisprudence constante, restreint, également, le champ d'application du texte du traité à la matière pénale. A cette occasion, on imagine que le juge d'appel aurait pu, pour motiver sa décision, s'appuyer sur les solutions données par la Cour européenne (5) pour écarter l'examen de contentieux civils ou administratifs. Pourtant, cette solution risquait, à notre sens, de constituer un raccourci dangereux pour rejeter le moyen, l'argument permettant de faire ressortir une ambiguïté particulièrement fâcheuse, quant à l'interprétation divergente que le droit interne et la Cour européenne des droits de l'Homme donnent de la matière pénale.

En effet, à la différence de l'appréciation restrictive retenue en France, la Cour assimile, depuis 1984 (6), toute matière punitive à la matière pénale. L'application de la Convention, dans l'absolu, serait, ainsi, envisageable en matière boursière, si la France n'avait introduit une réserve d'interprétation lors de la ratification de la Convention. Cette réserve lui permet de circonscrire le champ d'application de l'article 6, § 2, de la Convention aux matières dont connaissent les tribunaux statuant en matière pénale (7). Ainsi, la réserve de ratification née de cette divergence d'interprétation protège l'AMF contre des recours portés contre ses décisions administratives, mais la matière est suffisamment sensible pour justifier la réponse apportée par le juge d'appel.

Il conviendra, donc, en définitive, de ne retenir que la seule solution donnée par l'arrêt du 25 juin 2008. Ainsi, la notification de grief n'emporte, d'une part, ni déclaration de culpabilité, ni "préjugement" et, d'autre part, la circonstance qu'une notification, faite au cours d'une procédure antérieure, s'appuie sur certains faits constitutifs du grief ayant donné naissance à la première procédure, ne change rien à la nature de la notification.

Il serait hasardeux, en revanche, d'imaginer que cette argumentation confère un caractère définitif à la question de la présomption d'innocence dans le cas de disjonction de procédure. La question de la dépénalisation du droit des affaires est, en effet, particulièrement paradoxale, puisque, et l'affaire "Marrionnaud" en est un parfait exemple, la mise en oeuvre du droit pénal en lieu et place de sanctions administratives aurait eu pour effet, s'agissant du droit des marchés financiers, de conférer des garanties supplémentaires au justiciable.


(1) Avant son retrait obligatoire de la cote le 19 octobre 2005, à la suite d'une offre publique d'achat.
(2) Loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (N° Lexbase : L5471H3Z), qui a introduit une procédure de récusation des membres de la commission des sanctions de l'AMF.
(3) Cass. civ. 1, 6 mars 1996, n° 93-20.478, Monsieur X. et autre c/ Monsieur Z. et autre (N° Lexbase : A9460ABY), Bull. civ., I, n° 123 ; Dalloz, 1997, Somm. 73, obs. J. Dupeux.
(4) Cass. com., 1er décembre 1998, n° 96-20.189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor (N° Lexbase : A8925AHZ), Bull. civ., IV, n° 283.
(5) Pour un exemple : Communication du Comité des Droits de l'Homme n° 207/1986, 28 juillet 1989, Yves Morael c/ France, CCPR/C/36/D/207/1986.
(6) "La matière pénale s'entend de toute matière punitive et ayant une certaine gravité" (CEDH, 21 février 1984, Req. 8544/79, Öztürk N° Lexbase : A5092AYA).
(7) Cette divergence d'interprétation a, ainsi, conduit la France à libeller cette réserve dans l'instrument de ratification de la Convention, déposé le 17 février 1986, de la façon suivante : "le Gouvernement de la République française déclare que seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) à 4 (N° Lexbase : L4775AQW) du présent Protocole".

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Rel. individuelles de travail

[Textes] Articles 1, 3, 6 de la loi portant modernisation du marché du travail : CDI, CDD à objet défini et abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité complémentaire à l'indemnité journalière en cas de maladie du salarié

Réf. : Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B)

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N5250BGK

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Publiée au Journal officiel du 26 juin 2008, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, procède aux modifications de nature législative rendues nécessaires pour la mise en oeuvre de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 21 janvier 2008.
Les principales dispositions de cette loi concernent : la période d'essai ; la création d'un CDD pour la réalisation d'un objet défini pour les ingénieurs et cadres ; l'information du CE ou des DP sur le recours aux CDD, à l'intérim ou au portage salarial ; l'instauration d'une possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail ; l'abrogation des dispositions du Code du travail relatives au contrat "nouvelles embauches" ; la création d'un cadre légal pour le portage salarial. Concernant le licenciement le texte pose, notamment, le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Il dispose, par ailleurs, que l'ancienneté dans l'entreprise requise pour pouvoir bénéficier de l'indemnité légale de licenciement est d'une année et il redéfinit le contenu du solde de tout compte et les effets du reçu donné par le salarié. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, sur les articles 1, 3 et 6 de la nouvelle loi, intéressant le CDI, le CDD à objet défini et l'abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité complémentaire à l'indemnité journalière en cas de maladie du salarié. La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, dans ses articles 1 et 3 modifie plusieurs articles du Code du travail et, dans son article 6, crée un nouveau contrat de travail à durée déterminée.

L'article 1er pérennise le caractère de principe du contrat de travail à durée indéterminée et impose à l'employeur d'informer les représentants du personnel sur le recours passé et futur aux contrats précaires.

L'article 3 de cette loi abaisse l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité complémentaire en cas de maladie de trois ans à un an.

L'article 6, enfin, crée un nouveau contrat de travail à durée déterminée "expérimental " réservé aux ingénieurs et cadres.

Bien qu'il faille saluer la démarche retenue pour l'élaboration de cette loi, elle n'est pas exempte de toute critique.

I - Affirmation du caractère de principe du contrat de travail à durée indéterminée (article 1)

Le premier article de cette loi modifie l'article L. 1221-1 du Code du travail .

Dans son premier alinéa, cet article prévoit, désormais, que "le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail".

Ce principe n'est pas nouveau, il était implicitement contenu dans l'article L. 1221-1 du Code du travail. Cette formulation nouvelle et expresse du principe n'est pas de nature à modifier, de quelque manière que ce soit, sa force obligatoire et, singulièrement, n'est pas suffisante pour lutter contre la précarité. Comme cela a été souligné à l'occasion des débats parlementaires, cette disposition reste un pur postulat de principe. Il s'agit de la légalisation d'un principe généralement admis en la matière.

Le contrat de travail de droit commun est le contrat de travail à durée indéterminée. Par exception, il est possible de recourir à d'autres types de contrats dans les formes et dans le respect des conditions expressément prévues par le législateur (C. trav., art. L. 121-5, anc. N° Lexbase : L5447ACQ).

Le but de l'introduction de cette disposition est d'augmenter le nombre de contrats de travail à durée indéterminée conclu et de réduire le nombre de contrats précaires.

Mais l'objectif fixé n'est pas atteint et n'est pas à même de l'être avec cette disposition et ce, pour plusieurs raisons.

En premier lieu, cet ajout est, à notre sens, pervers puisque, en légitimant le caractère de principe du contrat de travail à durée indéterminée, il légitime, par là même, le recours aux contrats précaires, lorsque les conditions pour y faire appel sont réunies.

Nous l'avons dit, la légalisation de ce principe reste, en second lieu, sans effet sur le principe lui-même. Force est, en effet, de constater qu'il s'agit d'un simple postulat sans réelle force obligatoire. Aucune sanction n'est attachée au non respect de ce principe et les "nouvelles prérogatives" données aux représentants du personnel par cet article 1er ne sont pas de nature à inverser cette tendance.

L'article 1er, en effet, complète les articles L. 2313-5 , L. 2323-47 (N° Lexbase : L0750HX3) et L. 2323-51 du Code du travail et, singulièrement, impose à l'employeur d'informer respectivement les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise sur les contrats précaires.

Le premier texte complété par l'article 1er de la loi du 25 juin 2008 est l'article L. 2313-5 du Code du travail. Ce texte est situé dans un chapitre III du titre I du livre III de la 2ème partie, qui a trait aux attributions des délégués du personnel. Le nouvel alinéa impose à l'employeur, en l'absence de comité d'entreprise, d'informer, une fois par an, les délégués du personnel des éléments qui ont conduit à faire appel au titre de l'année écoulée et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrat de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.

Les délégués du personnel bénéficieront donc d'une information a posteriori et a priori sur les contrats précaires dans l'entreprise, puisque l'employeur devra les informer sur les contrats passés et sur les contrats à venir.

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre sa place, cette disposition ne donne aucune nouvelle prérogative aux délégués du personnel.

L'intervention des délégués du personnel reste, en premier lieu, subsidiaire, puisque l'obligation d'information ne pèse sur l'employeur que s'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'entreprise.

Leur intervention est, en second lieu, limitée, puisque l'employeur n'est tenu que d'une simple obligation d'information des délégués. Ils ne disposent donc d'aucun pouvoir de décision et ne peuvent exiger aucune explication supplémentaire de l'employeur. Ils n'ont, enfin, aucun pouvoir de contrainte spécifique vis-à-vis de l'employeur qui ne fournirait pas les éléments qui l'ont conduit à faire appel aux contrats précaires.

Il convient, en outre, de s'interroger sur la nature de ces éléments. Le législateur ne vient aucunement les définir. Comment, dans cette mesure, l'employeur pourra-t-il savoir s'il a bien satisfait à ses obligations ? Corrélativement, comment les délégués du personnel pourront savoir si l'employeur les a bien informés à l'aide des éléments requis ?

Les mêmes critiques se font jour concernant les articles L. 2323-47 et L. 2323-51 du Code du travail. Ces deux dispositions concernent les informations et consultations des délégués du personnel dans toutes les entreprises (C. trav., art. L. 2323-47) et dans les entreprises de 300 salariés et plus (C. trav., art. L. 2323-51).

L'article 1er de la loi du 25 juin 2008 crée un 3° dans l'article L. 2323-51 du Code du travail par lequel, dans les entreprises de 300 salariés et plus, l'employeur se trouve contraint d'informer les membres du comité d'entreprise chaque trimestre des éléments qui ont conduit à faire appel, au titre de la période écoulée, et qui pourraient conduire à faire appel, pour la période à vernir, à des contrats de travail à durée déterminée, des contrats de mission ou des contrats avec des entreprises de portage salariale.

De la même manière, l'article L. 2323-47 du Code du travail est complété par un alinéa 2. Il impose, ainsi, à l'employeur, dans les entreprises de moins de 300 salariés, d'informer annuellement le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit ou vont le conduire à faire appel à des contrats précaires.

L'obligation est donc la même, à cette exception près qu'elle est trimestrielle pour les grosses structures, cette trimestrialité semblant plus à même de lutter contre le recours abusifs aux contrats précaires.

On peut se demander pourquoi l'obligation est trimestrielle pour le comité d'entreprise des grosses structures et annuelle lorsque l'entreprise n'a pas de CE ou moins de 300 salariés ? Qu'est-ce qui justifie cette différence ? Imposer une telle information trimestrielle aux entreprises de moins de 300 salariés aurait quelque peu modifié le contenu "économique" de l'information trimestrielle des membres du CE dans les entreprise de moins de 300 salariés , mais l'"évolution des commandes", qui doit faire l'objet d'une information trimestrielle, ne peut-elle pas avoir une incidence sur le recrutement de salariés sous contrat de travail à durée déterminée ou CTT... ? Les petites entreprises n'ont-elles pas les mêmes obligations que les grosses en matière de lutte contre la précarité ?

On peut, également, s'interroger sur les entreprises de moins de 11 salariés. Aucune obligation n'est mise à la charge de l'employeur dans ces structures, les salariés de l'entreprise ne peuvent obtenir aucune information.

II - Abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnité complémentaire à l'indemnité journalière en cas de maladie du salarié (article 3)

L'article 3 abaisse l'ancienneté requise pour bénéficier du maintien du salaire en cas de maladie. Cet article, qui n'est que la transposition de l'article 5 de l'ANI du 11 janvier 2008, a été adopté sans modification.

L'article L. 1226-1 du Code du travail , dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, limitait le bénéficie de l'indemnité complémentaire à l'indemnité journalière de sécurité sociale prévue à l'article L. 321-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0743G9E) aux salariés ayant au moins trois ans d'ancienneté dans l'entreprise.

L'article L. 1226-1 du Code du travail, dans sa nouvelle rédaction, abaisse l'ancienneté requise à 1 an.

Désormais, tout salarié ayant un an d'ancienneté, dans la mesure où il n'est ni travailleur à domicile, ni travailleur saisonnier, ni travailleur intermittent, ni travailleur temporaire et qu'il respecte les conditions posées par les 1°, 2° et 3° de ce texte (envoi du certificat médical sous 48 heures...) pourra bénéficier de l'indemnité complémentaire versée par l'employeur. Quelle incidence sur le champ des bénéficiaires du complément ?

Pour répondre à cette interrogation, un amendement avait été proposé afin de préciser la notion d'ancienneté et, partant, d'imposer la prise en considération de tous les contrats conclus au sein de l'entreprise quelle que soit leur nature, qu'il s'agisse de CDI, CDD.... Cet amendement n'a pas été retenu.

L'article L. 1226-1 du Code du travail, prévoyant sans distinction que "tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise...", implique d'ouvrir le bénéfice de l'indemnité complémentaire à tout salarié, quelle que soit la nature du contrat qui le lie avec l'employeur. Le bénéfice de cette disposition était antérieurement fermé aux salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, puisque les durées maxima pour les contrats de travail à durée déterminée ne leur permettaient jamais d'être éligibles à l'indemnité complémentaire à l'allocation journalière.

III - Le nouveau contrat de travail à durée déterminée réservé aux cadres pour la conclusion d'un objet défini (article 6)

Il s'agit, sans doute, de l'une des dispositions les plus contestées et certainement de la plus paradoxale de la loi du 25 juin 2008. Il faut, en effet, admettre que cela est amusant de trouver, dans la loi du 25 juin 2008, un nouveau CDD, alors que l'objectif premier (notamment au niveau de la place qui lui a été réservé) de ce texte est la pérennisation et le développement de la relation de travail à durée indéterminée (cf. article 1er de la loi).

Ce nouveau contrat de travail à durée déterminée est un contrat à durée déterminée conclu pour la réalisation d'un objet défini.

Ce nouveau contrat de travail à durée déterminée est soumis à un accord collectif préalable et est entouré de conditions particulières qui entrent en concours avec celles générales applicables à tout contrat de travail à durée déterminée et permettent d'y déroger dans un sens pas toujours favorable au salarié.

A - Condition préalable au recours par l'entreprise à ce type de contrat : un accord collectif

Pour que ce type de contrat puisse être conclu entre un employeur et un ingénieur ou un cadre, il faut que cette possibilité soit prévue et que le régime soit fixé par un accord de branche étendu ou par un accord d'entreprise.

On peut regretter que les entreprises sans représentation et qui entrent dans le champ d'un accord de branche qui ne prévoit pas cette possibilité ne puissent y avoir recours.

La convention de branche étendue ou l'accord d'entreprise doivent, non seulement, prévoir la possibilité de recourir au contrat de travail à durée déterminée à objet défini, mais ils doivent, encore, en fixer le régime.

L'article 6 impose un contenu minimun à l'accord.

L'accord de branche étendu ou l'accord d'entreprise devra, ainsi, contenir les mentions ou définitions suivantes :

- les nécessités économiques auxquelles ce type de contrat sera susceptible d'apporter des solutions adaptées... Aucune précision n'est donnée sur ces "nécessités économiques". Chaque branche ou entreprise définira donc ses propres nécessités. La généralité peut être une bonne chose, elle est même indispensable, compte tenu des différences existantes entre les différentes branches ou entreprises, mais il aurait été utile, voire intéressant, que le législateur donne quelques exemples afin de guider les partenaires sociaux qui seront chargés de négocier ;

- les aides et les conditions pour ces salariés de bénéficier des aides post emploi : reclassement, validation des acquis de l'expérience, priorité de réembauchage, accès à la formation professionnelle continue et les moyens qu'ils peuvent utiliser au cours de leur délai de prévenance pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;

- enfin, l'accord devra prévoir les conditions dans lesquelles les salariés titulaires de ce type de contrat de travail à durée déterminée pourront bénéficier d'une priorité d'accès aux contrats de travail à durée indéterminée dans l'entreprise.

B - Conditions entourant la conclusion d'un contrat pour la réalisation d'un objet défini : forme et fonds

Le recours à ce type de contrat est limité aux ingénieurs ou cadres.

Lors des travaux parlementaires, il a été invoqué la possibilité d'étendre le dispositif à tous les salariés. Cet amendement a, toutefois, été rejeté puisque, pour les autres salariés, l'employeur dispose déjà de 36 contrats précaires (...un de plus ne serait pas raisonnable) et que les salariés autres que les ingénieurs et les cadres sont les plus précarisés.

Ce nouveau contrat permet donc d'étendre aux cadres et ingénieurs un type de contrat (le contrat de travail à durée déterminée), qui ne les concernait pour l'instant que peu. Faut-il s'en féliciter ?

Ce nouveau contrat est soumis, comme tout contrat de travail à durée déterminée, à l'exigence de l'écrit, il doit être conclu pour une durée "encadrée" et dispose d'un régime particulier.

  • 1. Un écrit complet et précis

L'article 6 précise que ce contrat est soumis, aux mêmes principes et aux mêmes règles de forme que tout CDD.

Ce contrat devra faire l'objet d'un écrit et contenir toutes les mentions obligatoires du contrat de travail à durée déterminée. Il devra, en outre, compte tenu de sa spécificité, contenir des mentions particulières qui sont énumérées par l'article 6 et qui viennent s'ajouter aux clauses générales.

Il devra, ainsi, en plus des mentions générales inhérentes à la conclusion de tout contrat de travail à durée déterminée , impérativement préciser qu'il s'agit d'un contrat de travail à durée déterminée à objet défini. Il devra faire référence à l'accord de branche ou d'entreprise qui autorise le recours à ce type de contrat.

Il devra, également, contenir une clause descriptive du projet mentionnant la durée prévisible du contrat, un article consacré aux tâches du salarié, un autre article relatif à l'événement ou le résultat objectif déterminant la fin du contrat, enfin un article concernant le préavis de rupture et éventuellement la clause permettant la rupture à la date anniversaire.

  • 2. Une durée encadrée

La durée ne pourra être inférieure à 18 mois et ne pourra dépasser 36 mois. Il ne sera pas renouvelable.

La durée effective du contrat semble ne pas devoir être fixée par avance, puisque dans les mentions obligatoires du contrat, déterminées par l'article 6 de la loi du 25 juin 2008, doit figurer la "durée prévisible" du contrat.

Le salarié ne pourra donc connaître, au moment de la conclusion de son contrat, sa durée réelle. Seule l'arrivée de l'événement ou du résultat objectif déterminera la fin de la relation contractuelle. La durée effective du contrat pourra, ainsi, être supérieure comme inférieure à la durée prévisible... la situation du salarié s'en trouve d'autant plus précarisée.

Ce dernier ne disposera, en outre, que de deux mois pour se retourner, le préavis étant, en principe, de deux mois. Bien que cette durée de deux mois soit un minimum, le délai de prévenance devant être, selon l'article 2, "au moins égal à deux mois", il y a de fortes chances qu'il constitue également un maximum dans les contrats conclus.

  • 3. Un régime particulier : application cumulative des règles propres du contrat de travail à durée déterminée de droit commun et des règles spéciales applicables au contrat de travail à durée déterminée à objet défini

Le principe est la soumission de ce contrat conclu pour un objet défini aux règles applicables à tout contrat de travail à durée déterminée. L'article 6 dispose, en effet, que ce contrat est soumis au titre IV du livre II... relatif au contrat de travail à durée déterminée, à l'exception des dispositions spécifiques prévues par l'article 6.

Il convient donc de faire application des règles générales applicables à tout contrat de travail à durée déterminée et des règles spéciales propres au contrat de travail à durée déterminée à objet défini, de manière cumulative pour les règles ne portant pas sur le même objet, et de manière alternative et impérative pour les règles portant sur le même objet ou la même cause que celles prévues par la réglementation générale.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce cumul n'est pas favorable au salarié et aboutit à une plus grande précarité de sa situation.

C. Une rupture facilitée

La précarité de ce contrat réside, principalement, dans sa rupture, même si le salarié bénéficie d'une indemnité inconditionnée en cas de rupture à l'initiative de l'employeur.

  • 1. Rupture anticipée élargie à tout motif réel et sérieux

Il s'agit d'un contrat particulièrement précaire, puisque s'il prend, en principe, fin par la réalisation du projet pour lequel il a été conclu, les parties peuvent à l'intérieur du contrat prévoir une rupture anticipée du contrat pour un motif réel et sérieux.

Il convient, toutefois, de souligner le manque de clarté du texte.

L'alinéa 4 de l'article 6 dispose que le contrat peut être rompu par l'une ou l'autre des parties au bout de 18 mois, puis à la date anniversaire de sa conclusion. Ceci suppose qu'aucune rupture ne peut intervenir avant 18 mois. La rupture peut donc intervenir au bout de 18 puis de 24 mois.

Dans l'article 6, alinéa 5, 7° qui énumère les clauses devant obligatoirement figurer dans le contrat à durée déterminée conclu pour un objet défini, il est prévu qu'"une clause prévoyant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre des parties [...]" devra y figurer. Dans ce cas la rupture devrait pouvoir intervenir au bout de 12 mois, puis de 18 mois, puis de 24 mois.

La différence est importante, notamment, pour le salarié. Que faut-il appliquer ?

En outre, le législateur ne définit pas cette notion de motif réel et sérieux. Faudra-t-il se limiter aux motifs réels et sérieux de rupture du CDD (après tout, l'article 6 revoit sur le principe aux règles applicables au CDD), ou, eu égard à la terminologie employée, recourir aux éléments reconnus comme cause réelle et sérieuse en matière de licenciement ? Comment, en effet, trouver les motifs réels et sérieux dans les articles consacrés au CDD ?

L'exclusion des hypothèses de rupture anticipée du CDD est confirmée par le caractère unilatéral de la rupture, ce qui ne va pas sans rappeler le licenciement ou la démission... et les termes employés.

La rupture sera souple, alors qu'elle est strictement encadrée pour le CDD.

  • 2. Indemnité de précarité élargie à toute rupture à l'initiative de l'employeur

Si l'on s'en tient à la lettre du texte, seul le contrat allant à son terme ouvrira au salarié le droit de bénéficier de l'indemnité de précarité.

L'article 6 prévoit, en effet, que, "lorsqu'à l'issue du contrat, la relation contractuelle ne se poursuit pas [...] le salarié a droit à une indemnité égale à 10 % de sa rémunération totale brute". Ceci implique donc que, lorsque le contrat ne va pas à échéance, donc ne dure pas la durée initialement prévue pour la réalisation de son objet, le salarié ne pourra prétendre à aucune indemnité...

En fait, cette indemnisation du salarié dont le contrat est rompu avant terme est prévue, mais il faut attendre les mentions obligatoires du contrat pour un objet précis pour que le principe en soit fixé (7° des mentions obligatoires du contrat conclu pour un objet déterminé). L'article prévoit, en effet, in fine, que, lorsque la rupture est à l'initiative de l'employeur, le salarié a droit à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.

Faut-il combiner cet article avec les règles générales applicables à tout contrat de travail à durée déterminée, ce qui aboutirait à priver le salarié du bénéfice lorsque la rupture est due à sa faute grave. Le renvoi de l'article 6 aux dispositions générales applicables à tout contrat de travail à durée déterminée devrait conduire à une telle exclusion. Le montant de l'indemnité est, en outre, le même que celui de l'indemnité de fin de contrat pour tout contrat de travail à durée déterminée...

Le législateur ayant gardé le silence, il est, également, possible de considérer que le salarié aura droit à l'indemnité quel que soit le motif ayant motivé la rupture anticipée de son contrat. Le législateur n'ayant pas pris soin de le préciser et ayant même affirmé la généralité de son versement, il semble difficile d'en priver, même partiellement, les salariés "remerciés".

Ce CDD d'un nouveau type n'est pas, pour l'instant, intégré dans le Code du travail. Il s'agit d'un dispositif expérimental mis en place pour une durée de 5 ans. A l'issue de cette période, le Gouvernement devra présenter au Parlement un bilan élaboré conjointement avec les parties signataires de l'ANI et, en fonction de ce bilan, le dispositif sera, ou non, pérennisé.

newsid:325250

Contrat de travail

[Textes] Article 8 de la loi portant modernisation du marché du travail : consécration légale du portage salarial

Réf. : Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B)

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N5333BGM

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Publiée au Journal officiel du 26 juin 2008, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, procède aux modifications de nature législative rendues nécessaires pour la mise en oeuvre de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 21 janvier 2008.
Les principales dispositions de cette loi concernent : la période d'essai ; la création d'un CDD pour la réalisation d'un objet défini pour les ingénieurs et cadres ; l'information du CE ou des DP sur le recours aux CDD, à l'intérim ou au portage salarial ; l'instauration d'une possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail ; l'abrogation des dispositions du Code du travail relatives au contrat "nouvelles embauches" ; la création d'un cadre légal pour le portage salarial. Concernant le licenciement le texte pose, notamment, le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Il dispose, par ailleurs, que l'ancienneté dans l'entreprise requise pour pouvoir bénéficier de l'indemnité légale de licenciement est d'une année et il redéfinit le contenu du solde de tout compte et les effets du reçu donné par le salarié. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, sur l'article 8 de la nouvelle loi, consacrant le portage salarial. La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, porte-t-elle bien son nom ? Si l'on s'en tient à deux de ses dispositions (consécration du portage salarial et abrogation du contrat nouvelles embauches), on peut rester dubitatif. D'une part, parce que la "modernisation", qui fut en son temps "sociale" (on se souvient de la loi n° 2002-73 "de modernisation sociale" du 18 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9) porte, désormais, sur le marché du travail, alors même que les objectifs, messages et intentions de chacune de ces deux lois (celle du 18 janvier 2002 et celle du 25 juin 2008) diffèrent sensiblement. D'autre part parce que la loi n° 2008-596 opère, sur la question du portage salarial, une modernisation a minima : le portage salarial est consacré, certes, mais le législateur s'est contenté de donner une existence légale au portage, sans lui donner de régime juridique, opération laissée aux bons soins des partenaires sociaux.

Le portage salarial étant une pratique en développement rapide, la loi n° 2008-596 s'est attachée à le définir et à fixer ses modalités d'organisation par le dialogue social. Le législateur a transcrit les stipulations de l'article 19 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, intitulé "Sécuriser le portage salarial" (1). Si le portage salarial n'est pas un phénomène nouveau, ses acteurs ne se sont pas organisés en branche professionnelle. Aussi, l'accord et le projet de loi essaient-ils simplement de donner une existence juridique au portage salarial en confiant cette mission à une branche existante.

I - Définition légale

Les partenaires sociaux avaient conscience que le portage salarial est considéré comme entachée d'illégalité, mais ils avaient estimé que cette forme d'activité répond à un besoin social, dans la mesure où elle permet le retour à l'emploi de certaines catégories de demandeurs d'emploi, notamment, des seniors. Ils avaient souhaité l'organiser afin de sécuriser la situation des portés, ainsi que la relation de prestation de service. Ils définissaient le portage salarial comme une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente ; la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté ; la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente ; la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail.

Le jugement du TGI de Paris du 18 mars 2008 (TGI Paris, 18 mars 2008, n° 06/08817, Madame Marie-Alice Christian et autres c/ Assedic de Paris N° Lexbase : A9156D7A) (2) montrait la fragilité des montages juridiques mis en place par les société de portage, dont la doctrine a largement rendu compte (3), justifiant la nécessité d'un encadrement de leurs activités, qu'il soit conventionnel ou législatif. La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 8-I) consacre le portage salarial, qu'elle définit (C. trav., art. L. 1251-64) comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant, pour la personne portée, le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle.

La loi est moins précise que l'ANI sur la définition du type de relations contractuelles qui se noue entre la société de portage, le porté et les clients. La loi n° 2008-596 mentionne, sans plus de précision, un ensemble de relations contractuelles, alors que l'ANI indique clairement que le contrat entre la société de portage et le client est un contrat de prestation de services et le contrat entre la société de portage et le porté un contrat de travail (4).

II - Exercice de l'activité de portage salarial

A -Législation sur le prêt de main d'oeuvre

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 8-II) met le portage salarial à l'abri de poursuites pénales pour prêt illicite de main d'oeuvre en le mentionnant parmi les pratiques auxquelles ne peut être opposée l'interdiction générale des opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre. Cette disposition, qui n'est pas demandée par l'ANI du 11 janvier 2008, constitue un élément de sécurisation juridique.

B - Conditions d'exercice de l'activité de portage

Le législateur a, finalement, supprimé la disposition adoptée par le Sénat, qui autorisait les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de portage salarial. Cet amendement de suppression est motivé par le souci de respecter l'ANI du 11 janvier 2008, qui ne prévoit pas une telle disposition. Autoriser, dès à présent, les entreprises d'intérim à faire du portage salarial aurait conduit, en outre, à anticiper sur le résultat de la négociation qui doit s'ouvrir pour organiser cette activité (5).

La loi n° 2008-596 garantit, en outre, les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. Même si le sens de cette formule reste à préciser, elle laisse entendre que la société de portage ne pourrait, par exemple, dessaisir une personne portée d'une mission qu'elle aurait négociée avec un client pour la confier à une autre personne portée. L'entreprise cliente serait liée à une personne portée en particulier, celle qui a négocié le contrat, non à l'entreprise de portage en tant que telle. Cette disposition ne reprend pas, exactement, les termes de l'ANI, qui garantit au porté une rémunération pour son apport de clientèle, laissant, ainsi, la porte ouverte à une possible mutualisation des missions au sein de l'entreprise de portage en échange d'une rémunération (6).

III - Négociation d'un accord national de branche

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 8-III) prévoit que, par exception aux dispositions de l'article L 2261-19, alinéa 2, du Code du travail (selon lequel pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré) et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la loi n° 2008-596, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et par accord de branche étendu, le portage salarial.

En d'autres termes, la négociation se fera avec le syndicat des entreprises de travail temporaire, Prisme (Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi), lequel s'est engagé à consulter les entreprises de portage salarial (7).

La stipulation de l'ANI du 11 janvier 2008, attribuant à la branche de l'intérim la mission d'organiser, par accord collectif, la branche du portage salarial, est dérogatoire au droit commun de la négociation collective, qui définit les règles de représentativité permettant aux organisations syndicales de conclure valablement des accords collectifs. En particulier, l'article L. 2261-19 du Code du travail dispose que les accords de branche, pour pouvoir être étendus, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire composée des organisations représentatives dans la branche. La mise en oeuvre de l'ANI du 11 janvier 2008 exige donc une base légale autorisant une dérogation à cet article : tel est l'objet de l'article 8 de la loi n° 2008-596, qui prend le soin de limiter la durée de cette dérogation à deux ans, pendant lesquels un accord national interprofessionnel étendu (c'est l'ANI du 11 janvier dernier qui est visé) peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial (ce qui doit être lu comme visant la branche de l'intérim du fait de la ressemblance de la relation triangulaire) la mission d'organiser ce dernier (8).

Au final, la négociation annoncée va revêtir une importance cruciale tant les questions qui restent à trancher sont délicates : quels seront précisément les droits et les obligations respectifs du porté, de la société de portage et du client ? Faut-il prévoir une liste limitative de cas de recours, comme pour l'intérim ? Comment éviter que se développe la fraude aux Assedic, la distinction entre une personne qui n'a pas réussi à trouver de mission et une personne qui a décidé de se reposer aux frais de l'assurance chômage pouvant être malaisée à effectuer ? (9)


(1) Voir les obs. de G. Auzero, Commentaire des articles 1, 9 et 19 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : contrats de travail, GPEC et sécurisation du portage salarial, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8211BDH).
(2) Voir nos obs., Le TGI de Paris requalifie en contrat de travail l'activité des portés' d'une société de portage salarial, Lexbase Hebdo n° 303 du 8 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8880BEM).
(3) L. Casaux-Labrunée, Le portage salarial : travail salarié ou travail indépendant ?, Dr. soc., 2007, p. 58 ; L. Casaux-Labrunée (dir.), Le portage salarial - Fraude ou nouvelle forme d'organisation du travail ?, SSL., supplément n° 1332, 10 décembre 2007 ; J.-Y. Kerbourc'h, Le portage salarial : prestation de service ou prêt de main d'oeuvre illicite ?, Dr. soc., 2007, p. 72 ; P. Morvan, Eloge juridique et épistémologique du portage salarial, Dr. soc., 2007, p. 607 ; J.-J. Dupeyroux, Le roi est nu Réponse à P. Morvan, Dr. soc., 2007, p. 616.
(4) P. Bernard-Reymond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), 30 avril 2008.
(5) P. Bernard-Reymond et D. Dord, Sénat, Rapport n° 364 (2007-2008), fait au nom de la commission mixte paritaire, 3 juin 2008.
(6) P. Bernard-Reymond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), préc..
(7) P. Bernard-Reymond et D. Dord, Sénat, Rapport n° 364 (2007-2008), préc..
(8) D. Dord, Rapport Assemblée Nationale n° 789, 8 avril 2008.
(9) P. Bernard-Remond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), préc..

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Internet - Bulletin d'actualités n° 6

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juin 2008

Lecture: 8 min

N5249BGI

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, d'une part, la présentation en Conseil des ministres, le 18 juin 2008, du projet de loi "création et internet" et, d'autre part, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes, le 4 juin dernier, qui a condamné les sociétés eBay France et eBay International AG, prises en leur double qualité d'hébergeurs et d'éditeurs de services de communication en ligne, à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de sacs de la marque Hermès.
  • La ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, a présenté, le 18 juin 2008, en Conseil des ministres, le projet de loi "création et internet" qui prévoit, notamment, la création d'une autorité administrative indépendante chargée de prononcer des sanctions graduées à l'encontre d'internautes téléchargeant des oeuvres piratées

Texte :

Le projet de loi baptisé "création et internet" reprend les termes de l'accord conclu le 23 novembre 2007 à l'Elysée, sur la base du rapport "Olivennes", entre l'Etat, les principaux fournisseurs d'accès à internet et les représentants de l'audiovisuel, du cinéma et de la musique. Il a essentiellement pour objet de garantir l'équilibre des droits de chacun : d'une part, le droit de propriété et le droit moral des créateurs et, d'autre part, la protection de la vie privée des internautes.

Le projet de loi prévoit la création d'une autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et la mise en place de sanctions graduées à l'encontre des internautes qui téléchargent illégalement des contenus sur Internet.

1. Création de la HADOPI

Le projet de loi institue la HADOPI, autorité administrative indépendante, dont la composition et le fonctionnement font l'objet de multiples garanties d'indépendance, d'impartialité et de confidentialité.

Le projet de loi détaille les principales missions de la HADOPI qui consistent notamment à veiller à la prévention et éventuellement, à la sanction du piratage des oeuvres protégées et à assurer la régulation des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres protégées.

2. Mise en place de sanctions graduées

Le projet de loi vise essentiellement à détourner les ayants droit et les internautes de la voie pénale, le seul recours actuellement offert aux entreprises consistant à invoquer le délit de contrefaçon. Désormais, la lutte contre les pirates sera davantage pédagogique puisque deux avertissements précèderont toute sanction.

Le premier avertissement de la HADOPI prendra la forme d'un courriel et le second d'une lettre recommandée, de façon à s'assurer que l'abonné a bien pris connaissance et conscience du manquement reproché. En cas de renouvellement du manquement, les sanctions encourues par les internautes prendront la forme d'une suspension d'abonnement pour une durée de trois mois à un an, forme moins répressive que les sanctions pénales actuelles, qui peuvent atteindre jusqu'à 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende.

En outre, le projet de loi permet aux internautes de réduire la durée de suspension de leur abonnement internet en acceptant une transaction par laquelle ils s'engagent à ne plus renouveler leur comportement.

Par ailleurs, dans le cas des entreprises pour lesquelles la suspension de l'abonnement à internet aurait des effets excessifs, le projet de loi prévoit une mesure alternative. L'employeur sera, en effet, invité par la HADOPI à installer des "pare-feux" empêchant le piratage par les salariés à partir des accès à internet de l'entreprise.

Enfin, le recours au juge restera possible, mais il s'inscrira en complémentarité du nouveau dispositif. Il servira à traiter le cas des fraudeurs massifs qui se livrent au piratage dans un but lucratif ou encore qui développent des techniques destinées à permettre le piratage. Les sanctions prononcées unilatéralement par la HADOPI pourront également faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant le juge judiciaire.

Commentaire :

Le projet de loi a pour ambition de faire cesser l'hémorragie des oeuvres culturelles sur internet et de créer le cadre juridique indispensable au développement de l'offre légale de musique, de films et, plus généralement, de programmes audiovisuels.

Le projet de loi va ainsi prendre le relais de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) (N° Lexbase : L4403HKB), la ministre de la Culture et de la Communication estimant que cette loi a été un échec car elle n'a pas été assez efficace face aux téléchargements illégaux d'oeuvres.

En raison de l'embouteillage législatif, le projet de loi qui devait être présenté au Parlement cet été, sera vraisemblablement examiné à l'automne.

Les réactions sur ce projet de loi sont mitigées.

Selon le directeur général du syndicat national des éditeurs phonographiques, le projet de loi pourrait "permettre de stopper la chute, d'environ 15 à 20 % par an, des ventes de disques" et de "développer considérablement l'offre légale de musique".

A l'inverse, l'association de consommateurs UFC Que Choisir a affirmé que le projet de loi contre le piratage sur internet est "un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur intérêt exclusif". L'UFC Que Choisir dénonce un système "inefficace et très coûteux" et dans lequel "il sera quasiment impossible de déterminer avec certitude que la personne accusée est bien la personne qui a téléchargé. Imposer en 2008 la suspension de la connexion haut débit pour toute une famille alors qu'internet est en passe de devenir un service universel, c'est-à-dire jugé essentiel au même titre que l'électricité, est une bourde monumentale". L'UFC Que Choisir prépare une mobilisation contre ce texte dès la rentrée.

  • Dans une décision du 4 juin 2008, le tribunal de grande instance de Troyes a condamné les sociétés eBay France et eBay International A.G., prises en leur double qualité d'hébergeurs et d'éditeurs de services de communication en ligne, à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de sacs de la marque Hermès (TGI de Troyes, 4 juin 2008, n° RG 06/02604, Société Hermès International c/ Madame Cindy F., SA eBay France et eBay International AG N° Lexbase : A0327D9Y)

Faits :

La société Hermès International a constaté la vente de sacs contrefaisant certaines de ses marques figuratives et semi-figuratives sur le site d'enchères en ligne exploité par les sociétés eBay France et eBay International.

Des opérations de saisies, effectuées au cours de l'année 2006, ont révélé qu'une utilisatrice, Madame F., achetait et revendait de manière habituelle et consciente des contrefaçons de sacs Hermès sur le site d'enchères en ligne exploité par eBay.

A la suite d'un constat d'huissier effectué le 17 octobre 2006 et de diverses dénonciations par Hermès du caractère manifestement illicite de ces annonces, dénonciations restées sans effet, Hermès a assigné le 26 septembre 2007 devant le TGI de Troyes, les sociétés eBay et l'utilisatrice en question, Madame F., pour contrefaçon de plusieurs de ses marques figuratives et semi-figuratives.

Hermès a demandé au TGI de Troyes de juger que Madame F. et les sociétés eBay se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de certaines marques détenues par Hermès.

Reconnaissant les faits pour lesquels elle était poursuivie, Madame F. demandait simplement au TGI de rejeter les demandes de dommages et intérêts de Hermès à son encontre.

Pour leur défense, les sociétés eBay considéraient, non seulement, que Hermès n'avait pas qualité à agir à son encontre, mais surtout que leur responsabilité ne pouvait être engagée dans la mesure où les sociétés eBay étaient uniquement hébergeurs du site internet. En cette qualité, elles ne pouvaient donc pas voir leur responsabilité engagée au regard des contenus mis en ligne à défaut de notification du caractère manifestement illicite des annonces dans les formes prescrites par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) (N° Lexbase : L2600DZC)

Décision :

Le TGI de Troyes a, le 4 juin 2008, retenu la responsabilité de Madame F. et des sociétés eBay pour actes de contrefaçon et les a ainsi condamnées in solidum à payer à Hermès la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le TGI de Troyes a considéré que Madame F., en offrant à la vente des sacs et des accessoires de marque Hermès sur le site www.ebay.fr, et les sociétés eBay, en ne veillant pas, dans la mesure de leurs moyens, à l'absence d'utilisation dudit site internet à des fins répréhensibles, avaient commis des actes de contrefaçon, par reproductions et imitations, au préjudice de Hermès.

Le TGI a estimé que la responsabilité des sociétés eBay devait être engagée d'une part, en leur qualité non-contestée d'hébergeurs et, d'autre part, en leur qualité d'éditeurs de services de communication en ligne.

Le TGI a exclu toute prétention fondée sur la qualification d'éditeur de contenus au sens donné par la LCEN dans la mesure où aucun élément ne démontrait que les sociétés eBay avaient opéré "un choix éditorial sur les contenus hébergés".

Cependant, le TGI a relevé que "en tant qu'elles mettent à disposition des vendeurs des outils de mise en valeur du bien vendu, organisent des cadres de présentation des objets sur leur site en contrepartie d'une rémunération, et créent les règles de fonctionnement et l'architecture de leur site d'enchères, les sociétés eBay doivent être considérées comme des éditeurs de services de communication en ligne à objet de courtage". C'est donc sur le régime de cette qualité "qui ne recoupe pas celui d'éditeur de contenus" que le TGI a, également, engagé la responsabilité des sociétés eBay pour contrefaçon de marques et les a condamnées à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Commentaire :

Les décisions relatives à la qualification d'un exploitant d'une plate-forme de partage en ligne se sont multipliées. Depuis quelques mois, la jurisprudence a confirmé la qualification d'hébergeur attribuée aux exploitants de telles plates-formes en ligne (notamment, dans deux jugements du tribunal de grande instance de Paris du 15 avril 2008, affaire "Lafesse" N° Lexbase : A4124D8A et affaire "Omar et Fred", cf. Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mai 2008, Lexbase Hebdo n° 308 du 12 juin 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N2541BG9).

Or, le TGI de Troyes, dans cette décision du 4 juin 2008, ouvre une nouvelle voie permettant d'engager la responsabilité des exploitants de plateformes de courtage en ligne en retenant que "dans la gestion de son service de courtage en ligne, eBay assume deux rôles différents : hébergeur et éditeur de services de communication en ligne".

C'est, à notre connaissance, la première fois qu'un tribunal distingue les notions d'éditeur de contenus et d'éditeur de services de communication en ligne, et soumet ce dernier à une obligation de moyens de surveillance.

En l'espèce, les sociétés eBay engagent leur responsabilité en cette qualité d'éditeur de services de communication en ligne pour ne pas avoir satisfait à leur obligation de veiller à l'absence d'utilisation de leur site internet à des fins répréhensibles. Cette décision semble établir une nouvelle obligation de surveillance pour les exploitants de courtage en ligne, obligation qui semble quelque peu se cumuler avec l'obligation de surveillance mise à la charge des hébergeurs pour tout contenu notifié comme manifestement illicite dans les formes prescrites par la LCEN (T. com., Paris, 20 février 2008, Flach Film c/ Google, et lire Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Avril 2008, Lexbase Hebdo n° 304 du 15 mai 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N8980BEC).

Les sociétés eBay viennent également d'être condamnées par le tribunal de commerce de Paris, par trois décisions en date du 30 juin 2008, au paiement de la somme de 40 millions d'euros à l'égard de LVMH, Christian Dior Couture et quatre des filiales parfums de LVMH (Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo) du fait d'avoir permis aux internautes, en connaissance de cause, de vendre sur leurs sites des produits contrefaits, faux sacs, bâtons de rouge à lèvres, flacons de parfum ou encore vêtements de prêt-à-porter (T. com., Paris, 30 juin 2008, 3 jugements, aff. n° 2006065217, SA Parfums Christian Dior et autres c/ eBay Inc. N° Lexbase : A4241D9X, aff. n° 2006077799, SA Louis Vuitton Malletier c/ eBay Inc. N° Lexbase : A4242D9Y et aff. n° 2006077807, Société Christian Dior Couture c/ eBay Inc. N° Lexbase : A4243D9Z).

Les sociétés eBay ont fait appel de ces deux décisions.

(note à l'attention des lecteurs : le prochain Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies paraîtra courant octobre en raison de la trêve estivale)

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

newsid:325249

Licenciement

[Textes] Article 4 de la loi portant modernisation du marché du travail : dispositions relatives au droit du licenciement

Réf. : Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B)

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N5223BGK

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Publiée au Journal officiel du 26 juin 2008, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, procède aux modifications de nature législative rendues nécessaires pour la mise en oeuvre de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 21 janvier 2008.
Les principales dispositions de cette loi concernent : la période d'essai ; la création d'un CDD pour la réalisation d'un objet défini pour les ingénieurs et cadres ; l'information du CE ou des DP sur le recours aux CDD, à l'intérim ou au portage salarial ; l'instauration d'une possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail ; l'abrogation des dispositions du Code du travail relatives au contrat "nouvelles embauches" ; la création d'un cadre légal pour le portage salarial. Concernant le licenciement le texte pose, notamment, le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Il dispose, par ailleurs, que l'ancienneté dans l'entreprise requise pour pouvoir bénéficier de l'indemnité légale de licenciement est d'une année et il redéfinit le contenu du solde de tout compte et les effets du reçu donné par le salarié. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, sur l'article 4 de la nouvelle loi, intéressant les dispositions relatives au droit du licenciement. I - Motivation du licenciement


Article 4

"Le titre III du livre II de la première partie du Code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :

"Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

"Il est justifié par une cause réelle et sérieuse." ;

2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :

"Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre."

"Il est justifié par une cause réelle et sérieuse".


L'article 4 de la loi (N° Lexbase : L4999H7B) modifie les deux articles, créés à l'occasion de la recodification du Code du travail, et qui exprimaient, de manière positive, l'obligation faite à l'employeur de justifier le licenciement pour motif personnel (1) et pour motif économique par une cause réelle et sérieuse (2).

Désormais, à cette exigence classique issue de la loi du 13 juillet 1973 (loi n° 73-680, modifiant le Code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée N° Lexbase : L3576H3T), est ajoutée la référence à la motivation du licenciement.

Cette modification est sans incidence pratique, dans la mesure où, contrairement à ce qui avait été envisagé dans l'accord de modernisation du marché du travail signé le 11 janvier 2008, le législateur n'a pas modifié les règles de motivation du licenciement et, singulièrement, la sanction du défaut, ou de l'insuffisance, de motivation (article 11). On se rappellera, en effet, que l'accord envisageait "que soient examinés les moyens conduisant le juge à rechercher dans ce cas la cause du licenciement et à statuer sur son caractère réel et sérieux".

En l'absence de disposition en ce sens dans la loi nouvelle, il convient de s'interroger sur le devenir de la jurisprudence "Rogie", qui traite comme dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement insuffisamment motivé (3) et dont on sait qu'elle a pu être contestée en raison de son caractère automatique et, parfois, injuste (4).

On peut penser que la Cour de cassation ne modifiera pas sa jurisprudence, destinée à garantir l'effectivité de l'obligation de motivation et à limiter les contestations prud'homales. Cette interprétation sévère de la sanction du défaut ou de l'insuffisance de motivation est confortée, il est vrai, par le Parlement, qui a finalement choisi de ne pas reprendre ces dispositions de l'accord interprofessionnel. Mais, dans la mesure où ce sont les partenaires sociaux, eux-mêmes, qui avaient souhaité l'abandon de cette jurisprudence, ne faudrait-il pas souhaiter que la Cour de cassation respecte ce voeu en permettant à l'employeur de prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement, en dépit d'une lettre de notification insuffisamment motivée ?


II - Indemnité légale de licenciement


Article 4

"3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les mots : "deux ans" sont remplacés par les mots : "une année" ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : "calcul", sont insérés les mots : "de cette indemnité".


L'article 4 de la loi modifie les conditions du droit à l'indemnité légale de licenciement. L'article L. 1234-9 du Code du travail en subordonne, actuellement, le bénéfice à une condition d'ancienneté de deux ans ; la loi ramène cette durée de service ininterrompue au service du même employeur à un an.

Les modalités de détermination du taux de l'indemnité sont, également, modifiées. Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73, N° Lexbase : L1304AW9), ce taux variait selon que le salarié avait été licenciement pour motif personnel (un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté (5) ou économique (deux dixièmes de mois de salaire par année d'ancienneté (6)).

Le principe de ce double taux est supprimé, ce qui impose, désormais, d'attribuer une indemnité dont le montant sera identique, quel que soit le motif du licenciement.

Ce retour à l'état du droit antérieur à 2002 n'est pas sans faire difficulté.

En premier lieu, on ne sait pas si le pouvoir réglementaire, à qui il appartient de préciser ce taux, choisira le taux "simple" du motif personnel ou le taux "double" du motif économique. On peut penser que, conformément au souhait des partenaires sociaux, c'est le montant le plus "haut", jusque-là applicable en présence d'un licenciement économique, qui sera choisi, soit un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.

En second lieu, la loi étant, à défaut de dispositions contraires, applicable à tous les licenciements notifiés à compter du 27 juin 2008, on se demande quel taux appliquer, dans l'attente d'un nouveau décret, dans la mesure où la loi a supprimé le principe de la double indemnité, privant, ainsi, les dispositions réglementaires actuelles de base légale. La prudence commandera de continuer à faire application des règles actuelles, en espérant la publication rapide du décret d'application.


III - Reçu pour solde de tout compte


Article 4

4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :

"Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées".


Jusqu'à la loi du 17 janvier 2002, le reçu pour solde de tout compte, qui n'avait pas été dénoncé par le salarié dans les deux mois de sa signature, produisait un effet libératoire pour l'employeur pour les sommes qu'il mentionnait. La loi de modernisation sociale avait supprimé cet effet libératoire pour ne plus attribuer au reçu qu'un simple effet probatoire.

C'est cet effet libératoire qui se trouve rétabli par l'article 4, comme l'avaient souhaité les partenaires sociaux, le délai reconnu au salarié pour le dénoncer ayant été "porté" à six mois.

Les solutions jurisprudentielles dégagées avant 2002 vont donc redevenir pertinentes. Ainsi, seules les sommes détaillées dans le reçu seront concernées par l'effet libératoire ; les sommes qui n'y figurent pas pourront donc être contestées, et les reçus contenant des formules générales seront sans valeur (7), seule une transaction rédigée en des termes généraux étant susceptible de produire pareil effet (8).


Article 7

"Après l'article L. 1226-4 du Code du travail, il est inséré un article L. 1226-4-1 ainsi rédigé :

"Art. L. 1226-4-1. - En cas de licenciement prononcé dans le cas visé à l'article L. 1226-4, les indemnités dues au salarié au titre de la rupture sont prises en charge soit directement par l'employeur, soit au titre des garanties qu'il a souscrites à un fonds de mutualisation.

"La gestion de ce fonds est confiée à l'association prévue à l'article L. 3253-14".


L'article L. 1226-4 du Code du travail dispose qu'à l'issue de la déclaration d'inaptitude du salarié, l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour procéder au reclassement du salarié ou à son licenciement, à défaut de quoi il devra reprendre le paiement du salaire.

L'article 7 de la loi prévoit, désormais, la possibilité, pour l'employeur, de faire prendre en charge le paiement des indemnités dues au salarié par un fonds de mutualisation, dont la gestion est confiée à l'AGS.

Il conviendra d'attendre les décrets d'application de la loi pour en savoir plus sur ce fonds.


(1) C. trav., art. L. 1232-1 .
(2) C. trav., art. L. 1233-2 .
(3) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution (N° Lexbase : A9329AAR), D., 1991, p. 99, note J. Savatier.
(4) V. nos obs., Maladie et motivation de la lettre de licenciement : lorsque la justice se fait... injustice !, Lexbase Hebdo n° 122 du 27 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1722ABE).
(5) C. trav., art. R. 1234-2. Un quinzième était accordé pour les années au-delà de dix.
(6) C. trav., art. R. 1234-3. Deux quinzième étaient accordées pour les années au-delà de dix.
(7) Cass. soc., 30 juin 1998, Dr. soc. 1998, p. 841, obs. J. Savatier.
(8) Ass. plén., 4 juillet 1997, n° 93-43375, M. Gaudinat c/ Société Ermeto, (N° Lexbase : A0745CAT), JCP éd.G, 1997, II, 22952, note D. Corrignan-Carsin.

newsid:325223

Contrat de travail

[Textes] Article 9 de la loi portant modernisation du marché du travail : abrogation du CNE

Réf. : Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B)

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N5334BGN

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Publiée au Journal officiel du 26 juin 2008, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, procède aux modifications de nature législative rendues nécessaires pour la mise en oeuvre de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 21 janvier 2008.
Les principales dispositions de cette loi concernent : la période d'essai ; la création d'un CDD pour la réalisation d'un objet défini pour les ingénieurs et cadres ; l'information du CE ou des DP sur le recours aux CDD, à l'intérim ou au portage salarial ; l'instauration d'une possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail ; l'abrogation des dispositions du Code du travail relatives au contrat "nouvelles embauches" ; la création d'un cadre légal pour le portage salarial. Concernant le licenciement le texte pose, notamment, le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Il dispose, par ailleurs, que l'ancienneté dans l'entreprise requise pour pouvoir bénéficier de l'indemnité légale de licenciement est d'une année et il redéfinit le contenu du solde de tout compte et les effets du reçu donné par le salarié. Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose de revenir, avec Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, sur l'article 9 de la nouvelle loi, portant abrogation du CNE. La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail, porte-t-elle bien son nom ? Si l'on s'en tient à deux de ses dispositions, très médiatisées (consécration du portage salarial et abrogation du contrat nouvelles embauches), on peut rester dubitatif. D'une part, parce que la modernisation, qui fût en son temps, sociale (on se souvient de la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9) porte, désormais, sur le marché du travail, alors même que les objectifs, messages et intentions de chacune de ces deux lois (celle du 17 janvier 2002 et celle du 25 juin 2008) diffèrent sensiblement. D'autre part, parce que la loi n° 2008-596 opère, sur les questions du portage salarial et du CNE, une modernisation a minima : concernant le CNE, la modernisation consiste, en l'occurrence, purement et simplement, à supprimer un dispositif, pourtant, récent (mis en place par l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP).

La suppression du CNE intervient à la suite de plusieurs décisions de justice qui ont mis en doute sa conformité avec la convention n° 158 de l'OIT, dans le prolongement du rapport BIT rendu public en 2007, alors même que la doctrine était très divisée (1).

I - Polémiques et contentieux du CNE

Le Conseil d'Etat a jugé, dans une décision rendue le 19 octobre 2005 (2), que le CNE était conforme aux exigences posées par la Convention OIT n° 158, car l'article 2 de la convention OIT n° 158 permet aux Etats membres d'exclure de son champ d'application les salariés qui effectuent une période d'essai ou qui n'ont pas l'ancienneté requise, à condition que la durée fixée soit raisonnable. Le Conseil d'Etat a estimé qu'en l'espèce, la durée de deux ans était raisonnable, eu égard à l'objectif poursuivi par le CNE de réduction rapide du chômage.

Mais, le Conseil de prud'hommes de Longjumeau avait écarté l'application de l'ordonnance n° 2005-893 en raison de son incompatibilité avec la Convention n° 158 de l'OIT (CPH Longjumeau, sec. Activités diverses, 28 avril 2006, RG n° 06/00316, Mlle De Wee c/ M. Samzun N° Lexbase : A3873DTM). L'ordonnance n° 2005-893 étant contraire à la Convention n° 158 de l'OIT, elle est privée d'effet juridique. Le contrat nouvelles embauches pris sur le fondement d'un texte non valable s'analyse en contrat à durée indéterminée de droit commun, soumis à toutes les dispositions du Code du travail. En effet, les termes de l'ordonnance n° 2005-893 sont contraires à la Convention n° 158 de l'OIT qui impose l'existence d'une procédure contradictoire préalable au licenciement, d'un motif valable de licenciement et d'un recours effectif devant les juridictions pour contrôler l'existence de ce motif valable.

Certains juges du fond ont pu décider que l'appréciation judiciaire de la conformité de l'ordonnance n° 2005-893 à la Convention n° 158 de l'OIT relève de la compétence du juge judiciaire : il n'y a donc pas question préjudicielle qui doit être soumis à l'examen du juge administratif (CA Paris, 18ème ch., sect. E, n° 06/06992, 20 octobre 2006, M. le Procureur de la République près le TGI d'Evry c/ Mlle De Wee et M. Samzum N° Lexbase : A0480DSL) (3). Le 18 juin 2007, la cour d'appel de Bordeaux a jugé que le CNE était contraire à la Convention de l'OIT, considérant que le délai de deux ans était excessif. Le 6 juillet 2007, la cour de Paris a rendu un arrêt allant dans le même sens : elle a considéré le CNE non conforme aux dispositions des articles 4 et 7 de la Convention, ainsi qu'à celles de l'article 9 sur l'office du juge, et juge que l'exception prévue à l'article 2 ne pouvait être invoquée en raison du caractère déraisonnable du délai de deux ans.

Enfin, dans un rapport adopté par le conseil d'administration de l'OIT le 6 novembre 2007, le comité chargé d'examiner la réclamation présentée par Force ouvrière a déclaré qu'une durée aussi longue que deux ans prévue par le CNE n'est pas raisonnable (4). Le comité OIT a noté que la durée normalement considérée comme raisonnable de la période d'ancienneté requise n'excède pas six mois en France. Au final, le comité OIT a conclu qu'il n'existe pas de base suffisante pour considérer que la période de consolidation peut être assimilée à une période d'ancienneté requise d'une durée raisonnable, au sens de l'article 2 § 2 justifiant l'exclusion des travailleurs concernés de la protection de la convention pendant cette durée.

On mentionnera enfin, pour mémoire, l'arrêt rendu par la CJCE le 16 janvier 2008. Contrairement aux situations prévues par la Directive 80/987/CEE (N° Lexbase : L9435AUY et n° 2002/74/CE N° Lexbase : L9629A4E), ainsi que par les Directives 91/533/CEE (N° Lexbase : L7592AUQ) et 2002/14/CE (N° Lexbase : L7543A8U), la situation du titulaire d'un CNE caractérisée par la rupture du contrat de travail de ce dernier en l'absence de communication du motif de son licenciement ainsi que par le non-respect de la procédure ordinaire de licenciement, n'est pas régie par le droit communautaire. La réglementation applicable (ordonnance n° 2005-893) concerne une situation qui ne relève pas du champ d'application du droit communautaire. La CJCE n'est donc pas compétente (5).

II - Abrogation du CNE, anticipée par le désaveu du BIT

Comme le relèvent très justement les travaux parlementaires (6), la suppression du CNE est motivée par des considérations de droit (le CNE est frappé d'une très grande insécurité juridique qui rend hasardeuse la signature de nouveaux contrats) et par des considérations politiques. Après la crise du contrat première embauche au printemps 2006, la décision de supprimer le CNE marque l'échec d'une tentative de réforme du droit du licenciement qui visait à le transformer en un mécanisme purement indemnitaire, assorti d'une taxe. Cette tentative n'a pas été comprise par l'opinion publique et a été combattue par les syndicats. La remise en cause de l'obligation de motivation du licenciement, introduite en 1973, a été perçue comme une régression portant atteinte à un droit essentiel du salarié, celui d'être informé des raisons qui conduisent l'employeur a envisager son licenciement et de pouvoir, ensuite, en discuter avec lui.

La loi n° 2008-596 tire toutes les conséquences de l'article 11 de l'ANI du 11 janvier 2008, selon lesquelles tout licenciement doit être fondé sur un motif réel et sérieux qui doit être porté à la connaissance du salarié concerné. Les parties signataires à l'ANI du 11 janvier 2008 ont demandé aux pouvoirs publics de prendre les dispositions pour que ce principe soit appliqué à tous les contrats de travail, dont le CNE (7).

A - Suppression du CNE pour l'avenir

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 9- I) supprime purement le CNE. Depuis la publication de la loi n° 2008-596, les sections 1 du chapitre III du titre II et 1 du chapitre VI du titre III du livre II de la première partie , la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie , le 4 de l'article L. 5423-24, ainsi que les articles L. 6322-26 et L. 6323-4 du Code du travail sont abrogés.

B - Suppression du CNE pour le présent : requalification du CNE en CDI

En application de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (art. 9- II), les contrats nouvelles embauches en cours à la date de publication de la loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun dont la période d'essai est fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, à l'article L. 1221-19 du Code du travail.

Même si la position du BIT n'a que la valeur d'une recommandation, le maintien du CNE, dans ce contexte, devenait politiquement et juridiquement délicat. Les partenaires sociaux en ont pris acte et demandé aux pouvoirs publics, à l'article 11 de l'ANI, d'arrêter les mesures nécessaires pour que l'obligation de motiver le licenciement s'applique à tous les contrats, y compris donc au CNE. Sur ce point, la loi n° 2008-596 va plus loin que l'ANI, puisqu'il propose la suppression du CNE, pour l'avenir, mais aussi pour les contrats en cours.

Sans s'opposer à la suppression du CNE pour l'avenir, la CGPME a contesté la requalification en CDI des CNE en cours. Le syndicat considère, en effet, que cette mesure risque d'affaiblir la confiance que les employeurs et des salariés peuvent avoir dans le système légal : comment pourraient-ils s'engager pour l'avenir si leurs conventions légalement constituées sont remises en cause par une loi postérieure ? La CGPME a proposé donc que les CNE déjà signés aillent jusqu'à leur terme, en précisant seulement que leur rupture, dans les deux premières années, devra être motivée afin de se conformer aux décisions de justice. Bien que sensible à cette préoccupation, le législateur a estimé que le maintien des CNE en cours serait difficile à justifier. Le CNE reposait sur un équilibre, l'absence de motivation du licenciement étant compensée par une indemnisation supérieure du salarié en cas de rupture. Dès lors qu'un point essentiel du CNE est remis en cause, l'équilibre est rompu et il est préférable d'en tirer les conséquences en supprimant ce contrat pour le présent et pour l'avenir (8).


(1) T. Aubert-Monpeyssen, Contrat 'nouvelles embauches' et droit du travail : quelques interrogations techniques, JCP éd. E, 2005, 1495 ; P. Bouaziz, Un contrat nommé 'nouvelles embauches', D., 2005, chron. p. 2907 ; K. Berthou, Contrat nouvelles embauches et droit communautaire, SSL, 2005, n° 1224, p. 8 ; B. Gomel, Contrat nouvelles embauches : un retour vers quel emploi ?, Dr. soc., 2005, p. 1120 ; T. Grumbach, P. Lanquetin, P. Lyon-caen, C. Michel et C. Zbinden, Contrat nouvelles embauches : un leurre pour les salariés et les employeurs, SSL, 20 février 2006, p. 9 ; B. Junod, C. Lagarenne, C. Minni et L. Berné, Le contrat nouvelles embauches, DARES, 1ères informations, 1ères synthèses, juin 2006, n° 25.4 ; A. Mazeaud, Du contrat nouvelles embauches, de la fléxisécurité, etc..., Dr. soc., 2006, p. 591 ; S. Martin-Cuenot, Le contrat nouvelles embauches, mode d'emploi, Lexbase Hebdo n° 179 du 1er septembre 2005  - édition sociale (N° Lexbase : N7758AI8) ; P. Morvan, Le contrat de travail nouvelles embauches, JCP éd. S, 2005 n° 11, 6 septembre 2005, p. 7 ; C. Pierchon, Le contrat de travail nouvelles embauches : quel contentieux prud'homal ?, D., 2005, p. 2982 ; C. Roy-Loustaunau, Le contrat nouvelles embauches : la flexi-sécurité à la française, Dr. soc., 2005, p. 1103 ; F. Saramito, Une régression : le contrat 'nouvelles embauches', Dr. ouvr., février 2006, p. 65 ; J. Savatier, La rupture pour motif disciplinaire des contrats nouvelles embauches, Dr. soc., 2005, p. 957 ; Y. Viala, contrat nouvelles embauches et CPE : des projets similaires en Allemagne, JCP éd. S, 2006, n° 1534, 4 juillet 2006, p. 12.
(2) CE, 19 octobre 2005, Requête n° 283471, 284421, 284473, 284654, 285374, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9977DKQ), RJS, 12/05, n° 1240 ; JCP éd. E, 2005, n° 1652, note P. Morvan ; JCP éd. S, 2005, n° 1317, p. 37, R. Vatinet ; D., 2005, p. 629, note G. Borenfreund ; C. Devys, conclusions sous CE 19 octobre 2005, CGT, préc., JCP éd. S, 2005, n° 1317, p. 27 ; G. Koubi, L'ordonnance de l'incertitude sociale... (observations à partir de CE sect., 19 octobre 2005, CGT et autres), Dr. ouv., février p. 75 ; C. Landais et F. Lenica, AJDA, 2005, chron. p. 2162.
(3) JCP éd. S, 2006, n° 1876, note P. Morvan.
(4) V. nos obs., Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).
(5) V. nos obs, Incompétence de la CJCE pour apprécier la conformité du CNE à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, à la Convention n° 158 de l'OIT et à la Charte sociale européenne (CJCE, Ordonnance septième chambre 16 janvier 2008, affaire C-361/07), Lexbase Hebdo n° 292 du 29 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0861BEM).
(6) P. Bernard-Remond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), 30 avril 2008.
(7) D. Dord, Rapport Assemblée Nationale n° 789, 8 avril 200.
(8) P. Bernard-Remond, Rapport Sénat n° 306 (2007-2008), 30 avril 2008.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 30 juin 2008 au 4 juillet 2008

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N5258BGT

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Le 28 Août 2014

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Pouvoir de direction / Entreprise d'accueil / Convention de mise à disposition

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-41.075, M. Frédéric Farret, F-D (N° Lexbase : A5000D93) : pour dire la société CGFTE Béziers bus occitan employeur commun avec l'association Béziers Deveze de M. F., la cour d'appel a énoncé qu'il ressort des pièces du dossier que les directives étaient données par la société CGFTE Béziers et que c'était elle qui exerçait un pouvoir de direction sur les emplois-jeunes. La cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision car elle a simplement caractérisé l'exercice par l'entreprise d'accueil de l'autorité qui résulte nécessairement d'une convention de mise à disposition .

  • Prise d'acte de la rupture prématurée

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-41.372, M. Daniel Khiat, F-D (N° Lexbase : A5010D9G) : lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La cour d'appel, analysant l'ensemble des faits allégués par M. K. au soutien de sa prise d'acte, a constaté que, si ce dernier était justifié à revendiquer un rappel de commissions et d'heures supplémentaires, conformément aux dispositions liées au transfert de son contrat de travail, la prise d'acte de la rupture avait été pour le moins prématurée. La cour en a déduit qu'en l'absence de faits suffisamment graves eu égard aux revendications du salarié et aux sommes finalement accordées, pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, la prise d'acte du salarié avait les effets d'une démission .

  • Convention collective applicable

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-41.473, M. Bernard Decelle, F-D (N° Lexbase : A5012D9I) : aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1837G9W) relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable. Si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie. Cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire. Ayant retenu que l'employeur apportait la preuve que la seule convention collective applicable au regard de l'activité principale de l'entreprise était celle du commerce de détail non alimentaire et que la mention portée sur les bulletins de paie procédait d'une erreur manifeste, la cour d'appel a pu décider que M. D., ès qualités, ne pouvait prétendre à l'application de la Convention collective de la fabrication de l'ameublement .

  • Période d'essai stipulée postérieurement au commencement de l'exécution du contrat

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-40.883, Société Synergis Pharma, F-D (N° Lexbase : A4997D9X) : lorsqu'une période d'essai est stipulée postérieurement au commencement de l'exécution du contrat, la durée ainsi exécutée est déduite de cette période d'essai. En l'espèce, la salariée ayant de fait pris ses fonctions le 1er octobre 2003, il s'en déduisait qu'une période de plus de trois mois s'était écoulée depuis cette date au moment de la rupture du contrat de travail par l'employeur .

  • Démission / Absence de volonté réelle de démissionner

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-40.942, Société Cibie recyclage, F-D (N° Lexbase : A4999D9Z) : il résultait des arrêts de travail du salarié pour syndrome dépressif, antérieur et postérieur à sa démission, de son hospitalisation en établissement psychiatrique intervenue deux semaines après sa démission, dont il s'est rétracté par la suite, ainsi que des témoignages et certificats qui lui étaient soumis, que M. K. avait rédigé sa lettre de démission alors qu'il était sujet à un état dépressif et psychotique de nature à altérer son consentement. La cour d'appel a pu déduire de ces seules constatations que le salarié n'avait pas manifesté une volonté réelle de démissionner .

  • Démission / Absence de volonté claire et non équivoque

- Cass. soc., 2 juillet 2008, n° 07-41.325, Société Sodeleg, F-D (N° Lexbase : A5008D9D) : le salarié a établi sa lettre de démission dans les locaux de l'entreprise et en présence de sa hiérarchie, après avoir été convoqué à plusieurs entretiens au cours desquels il avait été informé de sa mise en cause dans des vols commis au sein de l'entreprise et menacé d'un dépôt de plainte à son encontre. La cour d'appel a pu déduire de ces seules constatations que la démission de M. R. ne procédait pas d'une volonté claire et non équivoque .

  • Temps de trajet pour se rendre à une journée de formation professionnelle

- Cass. soc., 3 juillet 2008, n° 06-43.241, MGEN-Mutuelle générale de l'éducation nationale, F-D (N° Lexbase : A4823D9I) : le temps de déplacement des salariées dérogeant au temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, la cour d'appel a pu décider à bon droit qu'il s'agissait d'un temps de travail effectif devant être pris en compte en tant que tel, sans référence à la circulaire n° 1044 du 30 août 2002 relative à l'indemnisation des temps de déplacement .

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