La lettre juridique n°310 du 26 juin 2008

La lettre juridique - Édition n°310

Éditorial

"Pléthorique, complexe et inadaptée" : nécessité d'une réforme de la prescription

Lecture: 4 min

N3795BGN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323795
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de publication

Le 27 Mars 2014




"Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
"
(Apollinaire).

C'est précisément parce qu'une société a besoin d'oublier ses peines, sans pour autant les effacer trop promptement de sa mémoire, car elles participent de sa construction, que la prescription est un domaine sensible, aux aspects certes techniques, mais aux implications sociales débordantes. "La technicité du sujet ne doit pas masquer son importance pour la vie de nos concitoyens et la compétitivité de notre droit, enjeu stratégique dans une économie moderne" acte d'emblée le rapport du Sénat sur la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile.

En matière civile, la prescription fait de l'écoulement du temps, dans les conditions déterminées par la loi, un moyen d'acquérir un droit ou de se libérer d'une dette. La prescription répond, ainsi, à un impératif de sécurité juridique : le titulaire d'un droit resté trop longtemps inactif est censé y avoir renoncé ; la prescription sanctionne sa négligence tout autant qu'elle évite l'insécurité créée par la possibilité d'actions en justice tardives ; elle joue également un rôle probatoire, en permettant de suppléer la disparition éventuelle des preuves et en évitant à celui qui s'en prévaut d'avoir à les conserver trop longtemps.

Malgré ce rôle déterminant au sein de notre système juridique, les règles relatives à la prescription en matière civile se sont diversifiées et complexifiées à un point tel que leur manque de lisibilité et de cohérence était unanimement dénoncé et alimentait les contentieux. En 2004, un groupe de travail présidé par M. Jean-François Weber, président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, recensait ainsi plus de deux cent cinquante délais de prescription différents dont la durée variait de trente ans à un mois. Cette disparité était source d'incertitudes et d'incohérences. Les modalités de computation des délais de prescription s'avéraient complexes en raison des incertitudes entourant parfois leur point de départ et des possibilités multiples d'interruption ou de suspension de leur cours. Les délais de la prescription se révélaient inadaptés au nombre et à la rapidité, croissants, des transactions juridiques, pouvait-on lire en parcourant la doctrine.

Aussi, la réforme prend en compte nombre de propositions formulées par le chapitre de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription rédigé par le professeur Philippe Malaurie sous l'égide du professeur Pierre Catala ; la modernisation du droit de la prescription civile s'inscrit bien, alors, dans le vaste chantier à venir de la réforme du droit des obligations. La loi nouvellement adoptée repose sur trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive ; la simplification de leur décompte ; et l'autorisation encadrée de leur aménagement contractuel. Enfin, l'une des innovations majeures de la loi consiste à créer un délai butoir qui conduit à la déchéance du droit d'agir. Ce délai butoir prévoit donc que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Si certaines controverses ont pu être mises de côté, comme celle relative au régime unitaire des prescriptions qui oppose les professeurs Catala et Malaurie, d'une part, et Bénabent, d'autre part ; l'émoi est venu de la réduction sensible du délai de droit commun (ex. : pour les actions personnelles ou mobilières le délai est de 5 ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par 10 ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé) et de l'impact de la loi sur l'action en réparation des discriminations en matière sociale (la question de la durée et le point de départ de l'action du salarié, et celle de la réparation du préjudice). Aspects de droit social sur lesquels se propose de revenir, cette semaine, Sébastien Tournaux, Ater à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV. Les aspects proprement civils de la loi feront, bien entendu, l'objet d'une prochaine publication dans nos colonnes.

Pour certains députés, la diminution de 30 à 5 ans du délai au terme duquel les actions en matière civile sont prescrites risquerait, ainsi, de placer brutalement l'ensemble des relations contractuelles dans un rapport de forces inégal. En outre, la possibilité offerte par le texte de négocier les délais de prescription comporterait, en elle, le germe d'une déstabilisation des relations contractuelles, cette éventualité ne pouvant concrètement jouer qu'à la baisse des délais au profit des acteurs économiques les plus puissants, vis-à-vis desquels les autres parties se trouvent dans une situation de dépendance. D'autres parlementaires pronostiquent que le déroulement des procès en discrimination portera essentiellement, désormais, sur la prescription, les accusés actionnant ce motif pour tenter d'échapper à leur responsabilité, la HALDE s'étant, elle-même, inquiétée des problèmes engendrés par la loi.

Il conviendra donc, comme pour toute réforme, d'attendre quelques années pour en saisir tout l'impact : les effets bénéfiques de simplification et d'intelligibilité, comme les effets "pervers" à l'avantage de ceux qui n'ignorent pas la loi... portant réforme de la prescription en matière civile.

newsid:323795

Licenciement

[Jurisprudence] Le fait que licenciement économique soit notifié par le débiteur en redressement judiciaire ne suffit pas à le priver de cause réelle et sérieuse

Réf. : Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.352, Société Vogt et compagnie Tréfileries et a. c/ M. Jacques Mezzarobra et a., F-P+B (N° Lexbase : A0623D9X)

Lecture: 7 min

N3739BGL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323739
Copier

par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, le Code de commerce permet de procéder à des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable. Ces derniers, soumis à l'avis des représentants du personnel et préalablement autorisés par le juge-commissaire, sont, ensuite, notifiés, en vertu de la loi elle-même, par l'administrateur judiciaire éventuellement nommé. Ce dernier dispose donc, en la matière, d'un droit propre, qui ne saurait, a priori être exercé par le débiteur. L'arrêt rendu le 11 juin 2008 donne l'occasion à la Cour de cassation de préciser que la circonstance que le licenciement prononcé au visa de l'ordonnance du juge-commissaire ait été notifié par le débiteur, au lieu de l'administrateur, ne suffit pas à le priver de cause réelle et sérieuse, mais ouvre droit à indemnisation pour inobservation de la procédure.
Résumé

Si, en application de l'article L. 621-37 du Code de commerce (N° Lexbase : L6889AIY, art. L. 631-17, nouv., N° Lexbase : L4028HBS, créé par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT), après autorisation donnée par ordonnance du juge-commissaire, il appartient à l'administrateur judiciaire de procéder aux licenciements pour motif économique présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la circonstance que le licenciement prononcé au visa de cette ordonnance ait été notifiée par le débiteur ne suffit pas à le priver de cause réelle et sérieuse, mais ouvre droit à indemnisation pour inobservation de la procédure.

Commentaire

I Licéité des licenciements économiques prononcés pendant la période d'observation

  • Principe et procédure

Lorsqu'une société est placée en redressement judiciaire, l'activité est, par principe, poursuivie et les contrats de travail sont, de ce fait, continués. Toutefois, les difficultés constatées peuvent, dès l'ouverture de la période d'observation et pendant toute sa durée, justifier la rupture immédiate de certains contrats de travail.

Plus précisément, et ainsi que l'affirme la loi, "lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé, par le juge-commissaire, à procéder à ces licenciements" (1).

Préalablement à la saisine du juge-commissaire, l'administrateur se doit, dans un premier temps, de consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 du Code du travail . Cette étape achevée, l'administrateur doit, dans un deuxième temps, informer l'administration du travail (2).

Enfin, et dans un troisième et dernier temps, l'administrateur adresse une demande au juge-commissaire. Dans sa requête, il expose la situation, justifie le caractère urgent, inévitable et indispensable des licenciements requis par la loi, indique le nombre de salariés et les catégories professionnelles concernées. A l'appui de sa demande, il joint l'avis recueilli auprès des représentants du personnel et les justifications de ses diligences en vue de faciliter l'indemnisation et le reclassement des salariés.

  • L'autorisation de licenciement

Ainsi qu'il l'a été mentionné précédemment, le licenciement pour motif économique envisagé au cours de la période d'observation est subordonné à l'autorisation préalable du juge-commissaire. Par suite, le licenciement prononcé avant la demande d'autorisation est injustifié (3). L'ordonnance du juge-commissaire indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées (4). En revanche, une liste nominative des salariés licenciés n'a pas à être dressée par le juge-commissaire et se trouve dépourvue d'effet (5).

Muni de l'autorisation du juge-commissaire, l'administrateur est en mesure de prononcer les licenciements. Il est important de rappeler que la lettre de notification doit comporter le visa de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements économiques. A défaut, en effet, le licenciement est, là encore, réputé sans cause réelle et sérieuse (6).

Lorsque ces prescriptions ont été respectées, le licenciement est, en principe, valide et ne peut donner lieu à contestation devant le juge prud'homal, compte tenu de la décision préalable du juge-commissaire (7). La Cour de cassation considère, toutefois, que l'autorisation délivrée par ce dernier n'interdit pas à la juridiction prud'homale de statuer sur les demandes des salariés licenciés au regard de leur situation individuelles (8).

Pour en venir à l'espèce qui nous intéresse, l'ensemble de ces exigences semblait avoir été respecté, si ce n'est que, postérieurement à l'autorisation délivré par le juge-commissaire, un salarié avait été licencié, non pas par l'administrateur, mais par le débiteur lui-même, en l'occurrence, le directeur général de la société. Pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué avait retenu que, en période de redressement judiciaire, seul l'administrateur judiciaire a qualité pour notifier le licenciement pour motif économique autorisé par le juge-commissaire et que le licenciement prononcé par une personne dépourvue de qualité pour y procéder est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation qui, après avoir visé les articles L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9), devenu l'article L. 1235-1 du Code du travail et L. 621-37 du Code de commerce, considère que si, en application de ce dernier texte, "après autorisation donnée par ordonnance du juge-commissaire, il appartient à l'administrateur judiciaire de procéder aux licenciements pour motif économique présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la circonstance que le licenciement prononcé au visa de cette ordonnance ait été notifié par le débiteur, au lieu de l'administrateur, ne suffit pas à la priver de cause réelle et sérieuse mais ouvre droit à indemnisation pour inobservation de la procédure".

II Licéité des licenciements économiques prononcés par le débiteur

  • Une prérogative propre de l'administrateur

Si, ainsi que nous allons le voir, la solution retenue par la Cour de cassation peut être justifiée, elle n'avait, cependant, rien d'évident, au moins au regard des règles relevant du droit des entreprises en difficulté.

En phase de redressement judiciaire, la nomination d'un administrateur ne rime pas nécessairement avec le dessaisissement du débiteur (9) et, si l'administrateur se voit conférer des prérogatives spécifiques par la loi, sa mission est définie au cas par cas par le tribunal. Parmi les pouvoirs qui lui sont reconnus de plein droit, indépendamment de sa mission judiciaire, figure la prérogative de licencier certains salariés, telle qu'elle a été décrite précédemment. A ce titre, on peut considérer, avant comme après la loi de 2005, que le pouvoir de licencier est un pouvoir propre de l'administrateur (10).

Le fait que l'administrateur soit, ainsi, investi par la loi du pouvoir de licencier les salariés pour motif économique pendant la période d'observation signifie, au premier chef, que celui-ci n'a nullement besoin du concours du débiteur pour agir. Mais, en allant au-delà, on peut considérer que le débiteur, qui agit en lieu et place de l'administrateur, dépasse ses pouvoirs et vient empiéter sur ceux que la loi reconnaît expressément à ce dernier. Les dispositions légales étant d'ordre public, cet empiètement pourrait être sanctionné par la nullité.

Pour être soutenable au regard du droit des entreprises en difficulté, cette assertion l'est-elle, également, au regard du droit du travail ? On est tenté de répondre par la négative, dans la mesure où la nullité du licenciement suppose classiquement l'existence d'un texte la prévoyant ou, à tout le moins, une atteinte à une liberté fondamentale (11). Toutefois, dans un arrêt en date du 13 septembre 2005, la Cour de cassation a décidé que "l'absence de qualité à agir du signataire d'une lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement" (12). Pour certains auteurs, il n'y a pas lieu de s'offusquer d'une telle solution dans la mesure où "la cour considère que l'absence de qualité à agir du signataire d'une lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond. Or, une irrégularité de fond affecte, en principe, la validité de l'acte lui-même et entraîne sa nullité. C'est pourquoi, la Cour de cassation estime qu'en l'espèce, le licenciement est nul. Elle ne se place pas sur le terrain de la cause du licenciement puisqu'en toute hypothèse la décision de licenciement est censée n'avoir jamais existé" (13).

Au vu de cette décision, on peut être surpris de la solution retenue dans l'arrêt rapporté, d'autant plus que, nous l'avons vu, c'est la loi elle-même qui reconnaît au seul administrateur la qualité pour agir. Non seulement, la Cour de cassation ne prononce pas la nullité du licenciement, mais elle refuse de considérer qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

  • Le caractère justifié des licenciements prononcés par le débiteur

Ainsi que le signifie la Chambre sociale dans l'arrêt rapporté, la seule circonstance que les licenciements aient été notifiés par le débiteur ne suffit pas à les priver de cause réelle et sérieuse. Cette solution peut être approuvée. En effet, il serait, pour le moins, excessif d'affirmer que la notification des licenciements par l'administrateur a trait aux garanties de fond dont bénéficie le salarié ou, pour le dire autrement, relève de l'exigence d'une cause réelle et sérieuse. Ce qui importe, à ce titre, en la matière, c'est que les licenciements présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable, que le juge-commissaire les ait autorisés et que les lettres de notification visent cette autorisation.

Par voie de conséquence, le fait que les licenciements soient notifiés par le débiteur constitue un simple vice de forme qui ouvre droit, ainsi que le précise la Chambre sociale, à une indemnisation pour inobservation de la procédure.

Il reste, cependant, pour le moins difficile de concilier cette solution avec celle retenue dans l'arrêt précité du 13 septembre 2005. On pourrait, certes, avancer que cette décision, n'ayant pas fait l'objet d'une publication, seule celle retenue par l'arrêt sous examen devrait, aujourd'hui, l'être. Par suite, l'absence de qualité à agir du signataire d'une lettre de licenciement constituerait, désormais, dans tous les cas, une simple irrégularité de forme. Il nous semble, toutefois, possible de concilier les deux solutions, en affirmant que les licenciements économiques prononcés pendant la période d'observation doivent faire l'objet d'un traitement particulier. En effet, et ainsi que nous l'avons vu, même si un administrateur est nommé, la loi autorise à laisser une certaine place au débiteur dans la procédure (14). La décision commentée en constituerait une nouvelle illustration. En outre, compte tenu de l'intervention du juge-commissaire pour autoriser les licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et le nécessaire visa de son ordonnance dans la lettre de notification, on peut considérer que le salarié bénéficie de solides garanties de fond.

Cela étant, et compte tenu du pouvoir propre reconnu en la matière à l'administrateur par la loi, il n'aurait pas été choquant d'admettre que le licenciement prononcé par le débiteur soit sanctionné par la nullité ou, à tout le moins, par l'absence de cause réelle et sérieuse. Cette solution aurait, cependant, produit de graves conséquences pratiques pour une entreprise dont la survie est, par définition, menacée et qui cherche à se redresser.


(1) Enoncée par l'article L. 621-37 du Code de commerce, antérieurement à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, cette règle figure, désormais, à l'article L. 631-17 du même code.
(2) Dans la mesure où le procès-verbal de la réunion des représentants du personnel doit être transmis à l'administration du travail, la consultation des premiers doit nécessairement précéder l'information de la seconde.
(3) Cass. soc., 3 mai 2001, n° 99-41.813, M. Robert Taguet c/ Imprimerie Douriaut (N° Lexbase : A5335AGP), Bull. civ. V, n° 151.
(4) Cette ordonnance est notifiée au comité d'entreprise, à défaut, aux délégués du personnel ou, le cas échéant, au représentant des salariés. Elle est transmise au ministère public, à l'administrateur et au mandataire judiciaire (C. com., art. R. 631-26 N° Lexbase : L1009HZE). Elle peut faire l'objet d'un recours.
(5) Cass. soc., 5 octobre 2004, n° 02-42.111, Société Etablissements Levrat, F-P+B (N° Lexbase : A5636DD4), Bull. civ. V, n° 244.
(6) Ass. plén., 24 janvier 2003, n° 00-41.741, M. Robert Galay c/ Société Wirth et Gruffat (N° Lexbase : A7381A47), Bull. civ., n° 1 et les obs. de P.-M. Le Corre, Le visa de l'ordonnance du juge-commissaire dans la lettre de licenciement du salarié en période d'observation, Lexbase Hebdo n° 58 du 12 février 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N5939AA9).
(7) V., par ex., Cass. soc., 10 mai 2005, n° 03-40.623, M. Patrick Boulet c/ Société civile professionnelle (SCP) Guérin et Diesbecq, F-D (N° Lexbase : A2300DIZ).
(8) V., notamment : Cass. soc., 8 juin 1999, n° 96-44.811, Mme Pouplin c/ Société Soparcos et autres (N° Lexbase : A7555AX4). Le juge peut, ainsi, vérifier que l'obligation de reclassement a été respectée ou, encore, la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi.
(9) Il faut rappeler que la nomination d'un administrateur n'est pas toujours obligatoire.
(10) V., en ce sens, C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, Domat Montchrestien, 4ème éd., 2001, § 496.
(11) Sans parler des conséquences pratiques d'une telle nullité, qui exigerait la réintégration de salariés et/ou l'indemnisation de salariés travaillant dans une entreprise dont la survie apparaît compromise et qui cherche à se redresser.
(12) Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 02-47.619, Caisse régionale de Crédit mutuel du Sud-Ouest c/ M. Christian Grzeskiewiez, F-D (N° Lexbase : A4399DK7). En l'espèce, l'employeur faisait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que la signature de la lettre de licenciement par une personne ayant reçu délégation du directeur général de la Caisse Régionale, en violation de l'article 31 de la Convention collective des employés, gradés et cadres de la fédération du Crédit mutuel du Sud-Ouest, qui donne pouvoir au seul conseil d'administration de la Fédération régionale de décider des licenciements, constitue un simple vice de forme ouvrant droit à des dommages-intérêts.
(13) S. Béal et M.-N. Rouspide, L'absence de qualité à agir du signataire d'une lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement, JCP éd. S, 2005, 1397.
(14) Débiteur qui, normalement, aurait eu qualité pour licencier les salariés.

Décision

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.352, Société Vogt et compagnie Tréfileries et a. c/ M. Jacques Mezzarobra et a., F-P+B (N° Lexbase : A0623D9X)

Cassation de CA Colmar (ch. soc., sect. A), 23 novembre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9, art. L. 1235-1, recod. N° Lexbase : L9997HW8) et C. com., art. L. 621-37 (N° Lexbase : L6889AIY)

Mots clefs : redressement judiciaire ; période d'observation ; licenciements économique ; qualité pour agir ; notification par le débiteur ; vice de forme.

Lien base :

newsid:323739

Social général

[Textes] Les incidences en droit du travail de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription civile

Réf. : Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I)

Lecture: 8 min

N3769BGP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323769
Copier

par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

En dépit de son intitulé portant à croire que la loi commentée ne modifierait que des dispositions civiles en matière de prescription, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription civile, comporte quelques dispositions spécifiques au droit du travail. Pour l'essentiel, le texte modifie la durée de principe de la prescription extinctive, qui passe de trente à cinq ans, les hypothèses de prescription trentenaire devenant, désormais, exceptionnelles. La loi réaménage l'ensemble des causes de suspension ou d'interruption de la prescription. Elle permet, en outre, un aménagement contractuel, dans certaines limites, du délai de prescription (1). S'agissant, plus précisément, du droit du travail, c'est l'article 16 de la loi du 17 juin 2008 qui apporte quelques modifications relatives à la prescription. Si la quasi-totalité des modifications se contente de mettre à jour les renvois aux articles du Code civil modifiés ou déplacés (2), les paragraphes II et III de l'article comportent des dispositions normatives concernant la prescription en matière de salaires et de discrimination (3). Afin de bien comprendre l'incidence qu'aura cette réforme sur le droit du travail, il sera donc utile d'étudier, dans un premier temps, les conséquences des modifications du Code civil sur le droit du travail (I) puis, dans un second temps, d'analyser les modifications apportées par la loi au Code du travail (II). I - La modification du délai de prescription de droit commun et ses conséquences en droit du travail
  • Modification des délais de prescription

Avant cette réforme, il était habituellement enseigné que le délai de prescription de droit commun, en matière civile, était fixé à trente ans, par application de l'ancien article 2262 du Code civil (N° Lexbase : L2548ABY) (4). A côté de ce délai de droit commun existaient de nombreux délais d'exception. Parmi les plus courants, on trouvait le délai de dix ans pour les actions en responsabilité civile extra-contractuelle (C. civ., art. 2270-1, anc. N° Lexbase : L2557ABC) ou pour les actions exercées contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice (C. civ., art. 2277-1, anc. N° Lexbase : L2565ABM), etc. ; le délai de cinq ans pour les salaires, les arrérages des rentes, les pensions alimentaires, les loyers, les intérêts de sommes versées et "généralement, de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus court" (C. civ., art.2277, anc. N° Lexbase : L5385G7L). La répartition de ces délais a été profondément bouleversée.

L'article 1-III de la loi du 17 juin 2008 crée une nouvelle section première au chapitre II du titre XX du livre III du Code civil relatif à la prescription extinctive, section qui s'intitule "Du délai de droit commun et de son point de départ" et qui comprend un article unique (C. civ., art. 2224, nouv.), lequel dispose que les "actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans". Le délai de prescription de droit commun devient donc le délai quinquennal, des exceptions étant ménagées pour les actions immobilières (trente ans, C. civ., art. 2227, nouv.) et des actions en responsabilité nées à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel (dix ans ou vingt ans, C. civ., art. 2226, nouv.) (5).

  • Disparition de la prescription trentenaire en droit du travail

En raison de l'existence d'un délai de prescription spécifique en matière de rémunération en droit du travail, les règles de prescription du Code civil y trouvent assez peu à s'appliquer (6). Pourtant, dans quelques hypothèses, plus ou moins marginales, le juge faisait appel à la prescription trentenaire de droit commun dont il devra, désormais, se séparer.

En effet, la prescription trentenaire étant, désormais, réservée aux actions immobilières, il n'est plus question de pouvoir l'appliquer au paiement d'indemnités de licenciement (7). De la même manière, les créances que pouvait avoir l'employeur contre le salarié, jusque-là soumises à une prescription de trente ans, devront, désormais, être poursuivies dans un délai de cinq ans (8).

  • Conséquences de l'amenuisement du champ de la prescription décennale

Le nouvel article 2226 du Code civil prévoit, désormais, que "l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage". Le délai de prescription décennal s'en trouve, ainsi, très largement circonscrit puisqu'il concernait, avant la réforme, l'ensemble des actions de responsabilité extra-contractuelle.

Cette évolution aurait suffit, à elle seule, à mettre fin aux atermoiements de la Chambre sociale de la Cour de cassation en matière de répétition de l'indu en droit du travail, ce quasi contrat relevant clairement de la responsabilité extra-contractuelle (9). Rappelons que la jurisprudence distingue, en la matière, entre l'action en paiement, prescrite après cinq ans, et l'action en répétition des salaires, prescrite après trente ans. La nouvelle organisation des délais de prescription aurait probablement poussé la Chambre sociale à réduire ce délai à cinq ans. En outre, comme l'avait annoncé le Professeur Radé (10), l'article 16-II de la loi vient modifier l'article L. 3245-1 du Code du travail et prévoit, désormais, que "l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans".

Si les modifications introduites en matière civile ne concernent donc qu'assez marginalement le droit du travail, l'article 16 de la loi est intégralement consacré à la modification de dispositions du Code du travail et, plus particulièrement, à l'élaboration d'un régime de prescription spécifique en matière de discrimination.

II - L'introduction dans le Code du travail de nouvelles règles relatives à la prescription en matière de discrimination

  • Vue générale des dispositions modifiant le Code du travail

Comme cela vient d'être évoqué, l'article 16 de la loi du 17 juin 2008 unifie, tout d'abord, les délais de prescription des actions en paiement et en répétition des salaires.

L'article comporte, également, une mise à jour d'un renvoi opéré par le Code du travail vers le Code civil. En effet, la référence à l'ancien article 2274 du Code civil opérée par l'article L. 3243-3 du Code du travail (11) est supprimée.

Mais, c'est surtout le paragraphe III de l'article 16 de la loi qui apporte la modification la plus remarquable. Ce texte crée un nouvel article L. 1134-5 au Code du travail dans le Chapitre IV (intitulé "Actions en justice") du Titre troisième du Livre premier, titre relatif aux discriminations.

  • Raccourcissement du délai de prescription en matière de discrimination

La Cour de cassation appliquait, depuis quelques années déjà, la prescription trentenaire de droit commun à l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination (12). Cette solution n'avait pas manqué de soulever la critique. En effet, s'il était parfaitement justifié de ne pas appliquer la prescription quinquennale relative aux salaires à des sommes de nature indemnitaire, il était, en revanche, contestable de ne pas limiter la prescription à dix ans, l'action étant manifestement délictuelle plutôt que contractuelle (13).

Les modifications apportées par la loi vont, pourtant, bien plus loin qu'un simple retour de l'action en réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination dans le giron de la responsabilité délictuelle. Le premier alinéa de l'article L. 1134-5 dispose, en effet, que "l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination". Cette réduction drastique du délai de prescription a, au moins, le mérite de l'homogénéité puisque, nous l'avons vu, seules les actions en responsabilité réparant l'atteinte à un dommage corporel conservent un délai de prescription de dix ans.

Pour le reste, il faut bien avoir conscience que ce nouveau délai fermera la porte à de nombreuses actions relatives à des faits anciens. Il contraindra les salariés victimes de discrimination à introduire rapidement une action après le constat des faits, alors même, probablement, que leur relation contractuelle sera toujours en cours. Cette mesure s'inscrit donc en faux de la politique actuelle visant, au moins en apparence, à lutter contre les traitements discriminatoires dans l'entreprise.

Bien heureusement, la loi met en place deux garde-fous, qui permettront de limiter les effets néfastes de la réduction de la prescription et de les concilier avec une diminution espérée du contentieux en la matière.

  • La réparation de l'entier préjudice subi pendant toute la durée de la discrimination

La réduction du délai de prescription aurait pu avoir un effet indirect sur le montant de l'indemnisation perçue par le salarié à la suite de son action, puisque seuls les faits de discrimination s'étant produits moins de cinq ans après leur révélation auraient dû pouvoir faire l'objet d'une réparation.

Pour éviter une telle conséquence, le troisième alinéa du nouvel article L. 1134-5 met en place une distorsion peu habituelle entre le délai d'action et la durée sur laquelle les faits de discriminations doivent être pris en compte si l'action est recevable. En effet, le texte dispose que "les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée".

A première vue, une telle assertion peut paraître surprenante puisque, s'agissant d'une action de responsabilité délictuelle, c'est bien le principe de réparation intégrale du préjudice qui doit normalement s'appliquer. En étendant la prise en compte du préjudice subi à toute la durée de la discrimination, le législateur ménage la chèvre et le chou. D'un côté, il réduit le risque de conflictualité pour l'employeur ayant fait subir des discriminations à ses salariés, ce dont il faut se féliciter au vu de la longueur de l'ancien délai de trente ans auquel il était astreint (14). De l'autre, il permet aux salariés victimes de discriminations d'invoquer des faits qui, normalement, auraient dû être prescrits.

Il reste que des questions pratiques ne manqueront pas de se poser quant à l'application concrète de cette distinction. Les comportements discriminatoires ne sont, en effet, pas nécessairement continus. Un salarié peut avoir, par exemple, été écarté d'une phase de promotion dans l'entreprise il y a quinze ans et ne plus avoir subi d'autres discriminations pendant plus de dix ans. Si, pour autant, intervient un nouveau comportement discriminatoire, le salarié qui introduira une action devra-t-il se contenter d'invoquer le dernier fait allégué, entrant dans le délai de prescription, ou pourra-t-il, en outre, invoquer les faits s'étant produits quinze ans auparavant ? On perçoit aisément les difficultés que peuvent générer la distorsion entre délai d'action et durée sur laquelle les faits doivent être pris en compte.

La loi semble mettre en place un second garde-fou en interdisant l'aménagement contractuel du délai de prescription.

  • L'interdiction de l'aménagement contractuel du délai de prescription

Parmi les dispositions générales de la loi du 17 juin 2008 figure, aux nouveaux articles 2254 et suivants du Code civil, la possibilité d'un aménagement conventionnel des délais de prescription. Le délai peut, ainsi, être abrégé ou allongé par les parties, à la condition, toutefois, de ne pas "être réduit à moins d'un an ni étendu à plus de dix ans". Le texte exclut ces possibilités d'aménagement pour les délais autrefois encadrés par l'article 2277 du Code civil (salaires, loyers, intérêts, etc.). D'autres exceptions ont été mises en place, comme c'est le cas pour les actions en réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination.

En effet, le paragraphe II de l'article 16 de la loi, créant le second alinéa de l'article L. 1134-5 du Code du travail, prévoit que le délai de cinq ans prévu au premier alinéa "n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel". Autrement dit, il s'agit d'un délai d'ordre public absolu, si l'on veut bien entendre derrière le terme "conventionnel" à la fois le contrat de travail et les conventions collectives.

Le premier sentiment à la lecture de cette disposition consiste à penser qu'une telle mesure devrait être favorable aux salariés. L'impossibilité d'aménager ce délai permettra d'éviter qu'un contrat ou une convention ne le réduise au minimum prévu par l'article 2254 du Code civil, c'est-à-dire à un an. Pour autant, une analyse plus approfondie démontre que cette interdiction de tout aménagement est plutôt favorable aux employeurs.

En effet, rappelons que les conflits de normes en droit du travail sont habituellement et, sauf exception, réglés par le principe de faveur (15). Si aucune interdiction d'aménagement du délai n'avait été prévue par le texte, le résultat aurait été favorable aux salariés. En effet, si un contrat de travail ou une convention collective avait prévu un délai plus long, celui-ci aurait pu être appliqué aux salariés de par son caractère plus favorable. Au contraire, le contrat de travail ne pouvant comporter de dispositions moins favorables que la loi et l'accord collectif ne pouvant être dérogatoire qu'à la condition que le législateur l'ait expressément prévu, le raccourcissement de ce délai n'aurait pas été applicable aux salariés.

Or, en interdisant tout aménagement conventionnel du délai de prescription, c'est à la fois l'allongement -favorable aux salariés- mais, aussi, le raccourcissement -favorable à l'employeur- qui sont proscrits. L'employeur sera donc prémuni contre toute tentative de négociation, principalement au niveau conventionnel, visant à allonger les délais de prescription, alors même que, concrètement, cette limitation ne change rien aux droits des salariés. Ce qui pouvait donc paraître comme constituant une limite aux effets néfastes du raccourcissement du délai de prescription de trente à cinq ans n'est donc, en réalité, qu'un trompe-l'oeil.


(1) L'ensemble de ces modifications emporte, au passage, un véritable chambardement de la numérotation du Titre XX du Livre Troisième du Code civil.
(2) C'est, également, le cas de l'article 17 de la loi, qui modifie un renvoi opéré par le Code de la Sécurité sociale au délai trentenaire de l'ancien article 2262 du Code civil.
(3) Le paragraphe IV, classé avec les dispositions relatives au droit du travail, concerne la discrimination dans la fonction publique, signe des temps, s'il en fallait encore, du rapprochement du statut des travailleurs des entreprises privées et des statuts de la fonction publique.
(4) V. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 9ème éd., n° 1477.
(5) On remarquera, au passage, que ne sont plus visées les actions en responsabilité extra-contractuelle, mais, seulement, les actions réparant un dommage corporel, ce qui conduira nécessairement à réduire le champ de la prescription décennale à chaque fois que la responsabilité civile sera engagée pour réparer un préjudice matériel, voire un préjudice moral.
(6) C. trav., art. L. 3245-1 .
(7) Appliquant la prescription trentenaire, v. Cass. soc., 4 mars 1992, n° 88-45.753, Société Sergent Guy c/ M. Boulay, publié (N° Lexbase : A9363AAZ) ; CE Contentieux, 29 juillet 1998, n° 146319, Fédération générale des clercs de notaire - fédération des services CFDT (N° Lexbase : A7895AS9).
(8) Appliquant, là encore, la prescription trentenaire, v. Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-46.618, Mlle Sandrine Thouron c/ Société MSM, FS-P+B (N° Lexbase : A5504DMS) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Prescription des rémunérations : salaire 5, autres sommes 30, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4102AK7), RJS, 2006, n° 445.
(9) V., Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-14.386, Assedic Aquitaine c/ M. Jean Descamps, F-D (N° Lexbase : A9186D4Y) et les solutions variables selon les chambres de la Cour de cassation retracées par Ch. Radé, Prescription des actions en paiement et en répétition des sommes indûment payées : bientôt l'éclaircie ?, Lexbase Hebdo n° 294 du 28 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2175BEB).
(10) Ibid., note 16.
(11) Texte refusant au bulletin de salaire la valeur de compte arrêté ou réglé permettant la fin anticipée du délai de prescription.
(12) Cass. soc., 11 octobre 2000, n° 98-43.472, Société Renault véhicules industriels c/ Mme Micheline Bujard, inédit (N° Lexbase : A9860ATD) ; dans le même sens, Cass. soc., 30 janvier 2002, n° 00-45.266, Société Peugeot Citroën automobiles (PCA) c/ M. Jean-Claude Travel, F-D (N° Lexbase : A8781AXI) ; Cass. soc., 15 mars 2005, n° 02-43.560, M. Patrick Monange, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2741DHY) et les obs. de Ch. Radé, L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans, Lexbase Hebdo n° 161 du 31 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N2499AIE), Gaz. Pal., 22 juin 2005, p. 8, obs. D. Allix ; Cass. soc., 22 mars 2007, n° 05-45.163, Société Alcatel, F-D (N° Lexbase : A7483DUP).
(13) En ce sens, v. Ch. Radé, préc..
(14) Délai certainement trop long pour le monde de l'entreprise. On se souviendra, à titre de comparaison, du tollé qu'avait provoqué l'arrêt "La Samaritaine", en raison, justement, des conséquences que pouvait avoir, de nombreuses années après les faits, le prononcé de la nullité des licenciements et, surtout, les réintégrations qui les accompagnaient. V. Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.875, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre (N° Lexbase : A9112AAQ), Bull. civ. V, n° 64, D., 1997, p. 171, note A. Lyon-Caen, Dr. soc., 1997, p. 254, concl. av. gén. P. de Caigny, Dr. ouvrier, 1997, p. 96, note P. Moussy ; JCP éd. S, 1997, II, 22843, chron. F. Gaudu.
(15) A. Jeammaud, Le principe de faveur. Enquête sur une règle émergente, Dr. soc., 1999, p. 115 ; J. Pélissier, Existe-t-il un principe de faveur en droit du travail, in Mélanges dédiés à M. Despax, 2001, p. 289.

newsid:323769

Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier

Lecture: 7 min

N3803BGX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323803
Copier

par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris. Au premier plan de cette chronique, sera présenté le premier jugement rendu, par le tribunal administratif de Paris le 20 mai dernier, en matière de droit au logement opposable. A l'honneur également, un arrêt du 5 juin 2008 par lequel la Cour de cassation énonce que le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi "Hoguet".
  • Référé suspension en matière de droit au logement opposable : la commission de médiation doit revoir sa copie ! (TA Paris, ord. 20 mai 2008, n° 0807829, Mme F. et Association Droit au Logement-Paris et ses environs N° Lexbase : A7414D84) :

Par une ordonnance du 20 mai 2008, le tribunal administratif de Paris, saisi d'un référé suspension exercé dans le cadre de l'instruction d'un dossier "Droit au logement opposable", a suspendu l'avis défavorable de la commission de médiation, laquelle avait estimé que le demandeur de logement devait attendre la fin du contrat de séjour en centre de réinsertion pour pouvoir faire une demande au titre du droit au logement opposable (condition non prévue par la loi). Le tribunal fait, en outre, injonction à la commission de réexaminer le dossier de l'intéressé.

Il s'agit de l'une des premières décisions rendues en matière de droit au logement opposable, droit issu de la loi du 5 mars 2007 (loi n° 2007-290, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7).

Il convient, toutefois, de souligner que cette décision a été prononcée sur le fondement du texte applicable au référé suspension devant la juridiction administrative et non sur un texte institué par la loi susvisée.

En l'espèce, Madame F. était hébergée depuis juin 2006, avec ses deux enfants, dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Elle a, le 4 janvier 2008, saisi la commission de médiation de Paris afin de se faire reconnaître par celle-ci, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8321HW4), comme prioritaire pour l'attribution d'urgence d'un logement.

La commission a rendu un avis défavorable à cette demande en motivant exclusivement cette position par l'obligation pour la requérante de mener à son terme, préalablement, son contrat de séjour au centre de réinsertion.

C'est dans ces circonstances que Madame F., ainsi qu'une association, sollicitaient la suspension provisoire de cet avis et la délivrance d'une injonction à la commission de médiation afin que le dossier de celle-ci soit réexaminé.

Le tribunal précise, dans un premier temps, que, dès lors qu'il prive le demandeur des bénéfices attachés à la reconnaissance du caractère prioritaire de l'attribution d'urgence d'un logement, dans le cadre défini par la loi précitée, l'avis émis par la commission de médiation présente le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir et d'une demande de suspension provisoire.

Il analyse, ensuite, la recevabilité de la requête présentée par l'association.

Rappelant les termes de l'article L. 441-2-3-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8322HW7), le tribunal en fait une lecture stricte et indique que l'assistance du demandeur par une association ne peut être recevable que dans la procédure contentieuse spéciale que ce texte institue.

Ainsi, aux termes de cette décision, l'assistance du demandeur par une association dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ou par une association de défense des personnes en situation d'exclusion n'est recevable devant le tribunal administratif que dans l'hypothèse où le demandeur a été reconnu prioritaire par la commission de médiation, mais qu'il n'a pas reçu dans les délais fixés, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités.

Le tribunal analyse, enfin, le bien-fondé de la demande de suspension de l'avis défavorable émis par la commission de médiation, rappelant les deux critères d'application de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) relatif au référé suspension devant la juridiction administrative : l'urgence et le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Le tribunal retient l'existence du doute sérieux : il indique que la commission aurait dû faire une appréciation concrète de la situation de la requérante (donc apprécier la situation de l'intéressée au regard des autres demandes avec lesquelles elle se trouvait en concurrence, apprécier la durée du séjour de la requérante dans un centre d'hébergement et prendre en compte le terme prévu de ce séjour, s'informer de la possibilité de le prolonger et sur la pertinence de le faire eu égard aux contraintes qu'un tel hébergement impose et qui doivent être justifiées par un processus de réinsertion sociale, etc.).

Au lieu de procéder à une telle appréciation, la commission s'est contentée de subordonner un avis favorable à l'attribution d'urgence d'un logement à l'arrivée à terme du contrat d'hébergement et de réinsertion, condition non prévue par les dispositions légales précitées.

En cela, le doute sérieux sur la légalité de l'avis de la commission apparaît justifié.

Le tribunal estime, ensuite, que l'urgence est caractérisée dans la mesure où le contrat de séjour dont bénéficie la requérante auprès du centre de réinsertion arrive à échéance le 9 juin 2008 et qu'aucun autre hébergement n'a été proposé à l'intéressée, qui n'était, au demeurant, nullement tenue d'en solliciter un.

En conséquence, le tribunal ordonne la suspension provisoire de l'avis défavorable de la commission de médiation au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête présentée par Madame F. ou jusqu'à ce qu'il ait été satisfait à l'injonction faite à la commission de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance.

Même prononcée sur le fondement du texte de procédure administrative, cette décision n'en demeure pas moins intéressante puisqu'elle s'inscrit dans le cadre du très récent droit au logement opposable, issu de la loi du 5 mars 2007.

Rappelons que depuis le 1er janvier 2008, ont été mises en place dans chaque département des commissions de médiation chargées de se prononcer sur le caractère prioritaire et urgent des demandes de logement social.

L'introduction d'un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné le logement d'une personne dont la demande a été considérée comme prioritaire et urgente par la commission de médiation ne peut, néanmoins, intervenir que si une offre de logement "tenant compte de ses besoins et de ses capacités" n'a pas été faite dans les 6 mois (CCH, art. L. 441-2-3-1).

Ce recours ne sera ouvert qu'à compter du 1er décembre 2008 pour une première catégorie de demandeurs.

La décision du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2008 permet ainsi d'exercer des recours de droit commun à l'encontre des avis rendus par la commission de conciliation, le tribunal ayant pris soin de préciser que l'avis de la commission est une décision faisant grief.

  • Le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi "Hoguet" : la Cour de cassation persiste et signe ! (Cass. civ. 1, 5 juin 2008, n° 04-16.368, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9205D8G) :

Dans son arrêt datant du 5 juin 2008, destiné à une large publication, la Cour de cassation confirme le revirement de jurisprudence amorcé dans un précédent arrêt du 31 janvier 2008 (Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 05-15.774, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5980D4A), et précise que le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives issues de la loi "Hoguet" (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce N° Lexbase : L7536AIX).

En l'espèce, les locataires d'une maison à usage d'habitation avaient reçu d'un administrateur de biens un congé avec offre de vente. Ils ont déclaré accepter cette offre par lettre recommandée du 24 février 2000 tandis que, par correspondance du même jour, l'administrateur de biens leur faisait part du retrait de cette offre. Les locataires ont assigné le propriétaire de l'appartement loué et l'administrateur de biens en demandant qu'il soit constaté que la vente était parfaite. La cour d'appel a fait droit à leurs prétentions à l'encontre du propriétaire et a, par ailleurs, condamné l'administrateur de biens à payer certaines sommes à celui-ci à titre de dommages-intérêts. La Cour de cassation censure l'analyse des premiers juges.

Elle souligne que, pour décider que le propriétaire était engagé par l'offre de vente délivrée à ses locataires et que la vente était parfaite, la cour d'appel s'est fondée sur l'existence d'un mandat apparent en retenant que les locataires pouvaient légitimement croire que l'administrateur de biens avait le pouvoir de gérer le bien et de délivrer un congé pour vente au nom du bailleur.

La Cour de cassation estime que, ce faisant, la cour d'appel a violé les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 64 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP), dans leur rédaction applicable en la cause.

Par un attendu de principe, elle énonce que, selon les dispositions des deux premiers de ces textes, qui sont d'ordre public, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant leur concours, d'une manière habituelle, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la vente d'immeubles, doivent être rédigées par écrit. Selon le troisième texte, le titulaire de la carte professionnelle "transactions sur immeubles et fonds de commerce" doit détenir un mandat écrit précisant son objet et qui, lorsqu'il comporte l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée, fait expressément mention de celle-ci.

Au visa des principes rappelés par ces textes, la Cour de cassation énonce que le mandat apparent ne peut tenir en échec ces règles impératives. Aux termes de cet arrêt, les tiers ne pourront donc plus invoquer la croyance légitime qu'ils pouvaient avoir de l'engagement du mandant. Il leur appartiendra de s'assurer des pouvoirs formels de représentation du mandataire, pouvoirs étant seuls de nature à engager le mandant. De même, le mandataire devra, préalablement à toute initiative au nom de son mandant, formaliser ses relations avec ce dernier et encadrer son pouvoir de représentation.

newsid:323803

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Liberté des représentants du personnel pour l'utilisation des crédits d'heures

Réf. : Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.823, Société DPSA Ile-de-France c/ M. Koukoui, F-P+B (1er moyen) (N° Lexbase : A0632D9B)

Lecture: 7 min

N3806BG3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323806
Copier

par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Tout salarié titulaire d'un mandat représentatif (DP, membre du CE, représentant syndical au CE, délégués syndicaux, membre du CHSCT) au sein de l'entreprise dans laquelle il travaille, bénéficie d'un crédit d'heures pour l'exercice de son mandat. Le nombre d'heures dont dispose chaque représentant varie en fonction du mandat dont il est investi et de l'effectif de l'entreprise. Le crédit d'heures peut être dépassé par le représentant s'il justifie de circonstances exceptionnelles (1) ou si une convention collective vient augmenter le contingent d'heures fixé par le législateur (Cass. soc., 23 juin 1999, n° 96-44.717, Société Motorola c/ Syndicat CFDT N° Lexbase : A4664AGT ; Cass. soc., 26 septembre 1990, n° 87-40.970, M. Delord et autres c/ Société Wanner Isofi Isolation N° Lexbase : A4272AC9).
De quelle latitude dispose le représentant pour utiliser les heures à l'intérieur du contingent ? Ces heures doivent-elles obligatoirement être prises sur le temps de travail effectif du salarié, ou peut-il les utiliser en dehors de son temps de travail habituel ? Le cas échéant doit-il prouver préalablement à tout paiement les circonstances justifiant l'utilisation des heures de délégation en dehors du temps de travail ?
C'est à ces questions que répond la Haute juridiction dans une décision du 11 juin 2008. Elle considère que les heures à l'intérieur du crédit d'heures de délégation peuvent être utilisées en dehors de l'horaire de travail et en sus du temps de travail effectif et que ces heures bénéficient d'une présomption d'utilisation conforme à leur objet.
Cette solution n'est pas nouvelle, mais la Haute juridiction vient la généraliser et, partant, élargir le champ de la présomption.
Résumé
Le crédit d'heures d'un représentant du personnel peut être pris en dehors de l'horaire normal de travail, en sus du temps de travail effectif, lorsque les nécessités du mandat le justifient. L'utilisation du crédit d'heures est présumée conforme à son objet.

Commentaire


I - Présomption de bonne utilisation des heures de délégation


  • Régime des heures de délégation


Les heures de délégations permettent aux représentants du personnel d'exercer leur mission sur leur temps de travail habituel.

Ces heures sont considérées comme du temps de travail effectif et rémunérées comme tel. Elles ne peuvent donc faire perdre au salarié une partie de sa rémunération. Un salarié qui travaillerait de nuit et percevrait, pour cette raison, une rémunération majorée bénéficierait de la rémunération de ses heures de délégations au même taux (Cass. soc., 14 mars 1989, n° 86-41.648, M. Denaetie c/ Etablissements Tiberghien N° Lexbase : A1330AAI).

Lorsque ces heures sont prises en dehors du temps de travail habituel, le salarié est fondé à obtenir le paiement d'heures supplémentaires (Cass. soc., 26 septembre 1990, n° 87-40.866, Ecole active bilingue Monceau c/ Mlle Guillochon N° Lexbase : A1434AAD).


  • Présomption de bonne utilisation des heures de délégation


Il existe pour les heures de délégation contenues à l'intérieur du contingent, une présomption de bonne utilisation des heures par le représentant. Le représentant est, ainsi, présumé utiliser les heures de délégations légales mais, également, conventionnelles conformément à leur objet ; donc pour l'exercice de son mandat de représentation.

La présomption ne joue pas pour les heures effectuées au-delà du contingent légal ou conventionnel en cas de circonstances exceptionnelles (Cass. soc., 26 juin 2001, n° 98-46.387, M. Fabrice Pône c/ Société ITT composants et instruments N° Lexbase : A7894ATK). Il appartient, dans ce cas, au salarié d'établir qu'il a utilisé les heures conformément à leur objet et l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du contingent, préalablement à tout paiement (Cass. soc., 29 janvier 1992, n° 88-44.227, Compagnie des Produits Industriels de l'Ouest c/ M. Boudigou et autres, P N° Lexbase : A9324AAL,Bull. civ. V, n° 56).


La présomption de bonne utilisation des heures à l'intérieur du contingent est une présomption simple. Ceci signifie que l'employeur qui conteste la bonne utilisation de ces heures devra les rémunérer (Cass. soc. 30 mai 1990, n° 86-43.583, Société Larive c/ M. Rodoreda N° Lexbase : A2526AHZ) et, ensuite, saisir le tribunal d'une contestation portant sur leur bonne utilisation (2). Le refus par l'employeur de payer les heures de délégation, est constitutif d'une faute pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts au profit du salarié (Cass. soc., 18 juin 1997, n° 94-43.415, Madame X... c/ Société Polyclinique Le Languedoc N° Lexbase : A1636ACL).


La jurisprudence considère qu'à l'intérieur du contingent, le salarié reste libre d'utiliser ces heures comme il l'entend. Il peut en faire usage pendant ou en dehors de son temps de travail lorsque les nécessités du mandat le justifie (Cass. soc., 26 septembre 1990, n°8740.866, Ecole active bilingue Monceau c/ Mlle Guillochon, préc.). L'employeur ne peut aucunement imposer au salarié d'effectuer ses heures pendant son temps de travail ni s'opposer à leur paiement pour quelque motif que ce soit. Dans la mesure où ces heures restent à l'intérieur du contingent (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 99.45.516, Société Eurodif c/ M. Hugues Moutou, FS-P+B N° Lexbase : A3021AYK et les obs. de D. Baugard, "Paiement des heures de délégation d'un représentant du personnel en préretraite", Lexbase Hebdo n° 17 du 4 avril 2002 édition sociale N° Lexbase : N2447AAU), elles sont présumées avoir été bien utilisées comme vient l'affirmer la Haute juridiction dans la décision commentée.


  • Espèce


Dans cette espèce, un salarié titulaire de divers mandats de représentation avait saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation portant sur l'utilisation et le paiement de ces heures.

La société établissait, en effet, des plannings mensuels faisant état des heures de délégation du salarié. La société arguait qu'il s'agissait simplement de plannings prévisionnels permettant d'anticiper la durée pendant laquelle le salarié ne serait pas en mesure de fournir un travail effectif.

Pour le salarié, ces plannings faisaient obstacle à la libre utilisation des heures de délégation.


La cour d'appel avait condamné la société. Elle lui avait imposé d'établir des plannings sans inclure les heures de délégation et l'avait condamnée à verser au salarié une somme au titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice occasionné par les restrictions portées aux fonctions représentatives du salarié.


La Cour de cassation confirme la solution retenue par la cour d'appel. Elle affirme que le crédit d'heures d'un représentant du personnel peut être pris en dehors de l'horaire normal de travail et en sus du temps de travail effectif, lorsque les nécessités du mandat le justifient, l'utilisation de ces heures étant présumée conforme à son objet.

Elle confirme donc la solution de la cour d'appel qui avait considéré que le fait pour l'employeur d'imputer par avance le contingent d'heures de délégations d'un représentant du personnel travaillant exclusivement la nuit sur la durée du travail en vigueur dans l'entreprise limitait sa liberté d'utilisation de son crédit d'heures de jour et de nuit.


Cette solution n'est pas totalement nouvelle. L'apport de cet arrêt est d'avoir permis sa généralisation à tout représentant quelle que soit la nature du contrat de travail qui le lie à l'employeur.


II - Elargissement de la portée de la présomption de bonne utilisation des heures de délégation


  • Une solution traditionnelle


La Haute juridiction a déjà eu l'occasion de se pencher sur la question et d'y apporter une réponse. Toutefois dans ces décisions, la particularité de la situation du salarié amenait à s'interroger sur la généralité de la solution.


Dans un arrêt du 20 mars 2002, la Cour de cassation avait, ainsi, affirmé pour les heures de délégations prises par un salarié en préretraite que "si le crédit d'heures dépasse le tiers du temps de travail mensuel, les heures de délégation qui sont prises en dehors de son temps de travail par le représentant du personnel pour l'exercice de son ou de ses mandats, doivent être considérées de plein droit comme temps de travail et payées comme tel, peu important que l'intéressé reçoive, en outre, une allocation au titre de la préretraite progressive, le temps de délégation étant un accessoire nécessaire du contrat de travail en cours et impliquant des contraintes qui doivent être spécialement rémunérées, lorsque les heures de délégation ne s'imputent pas sur le temps de travail effectif" (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 99-45.516, Société Eurodif c/ M. Hugues Moutou, FS-P+B, préc.).

Toutefois, pour cette espèce, c'est la loi qui imposait au salarié de venir prendre ses heures de délégation en dehors de son temps de travail. L'article L. 212-4-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7956AII, art. L. 3123-29, recod. N° Lexbase : L1261HXY), en effet, limite, pour les salariés à temps partiels, le nombre d'heures de délégation qui peuvent être prises sur le temps de travail. Ce texte prévoit que, dans la mesure où le salarié à temps partiel compte un nombre d'heures de délégation supérieur au tiers de son temps de travail, celui-ci peut les prendre en dehors de son temps de travail. L'utilisation des heures en dehors du temps de travail était donc pour ce type de salarié une "obligation" légale.


Quid du salarié titulaire d'un contrat de travail à temps plein ? L'absence de précision du législateur emportait-elle l'obligation pour ce dernier d'utiliser toutes ses heures sur son temps de travail effectif ?


  • Une liberté généralisée


C'est ce vide que comble la Haute juridiction dans la décision commentée. Il résulte de cette décision trois règles générales :

-les crédits d'heures peuvent être pris en dehors de l'horaire normal de travail.

-les heures peuvent être prises en plus du temps de travail effectif, lorsque les nécessités du mandat le justifient. Le représentant bénéficie, ainsi, de toute liberté pour utiliser les heures de délégation comme il l'entend, quand il l'entend et pour apprécier la nécessité d'utiliser ces heures en dehors de son temps de travail effectif.

-ces deux règles se voient appliquer la présomption d'utilisation des heures en conformité avec leur objet.

L'employeur est, alors, tenu de rémunérer le salarié pour les heures effectuées quel que soit le moment où elles sont prises et même si l'utilisation de ces heures en dehors des heures de travail conduit le salarié à faire des heures supplémentaires.

Il ne pourra que demander au salarié, une fois les heures payées des explications sur l'utilisation des heures et, notamment, les circonstances ayant justifié leur utilisation en dehors de son temps de travail.

Cette solution se situe dans la droite ligne des décisions rendues en matières de bons de délégations qui restent un moyen d'information pour l'employeur et non un moyen de contrôle de l'utilisation des heures (3). Si l'employeur peut demander à être informé du moment où les heures sont utilisées, il ne peut en aucun cas imposer au salarié de les effectuer quand il l'a décidé voire même les lui suggérer...


Un salarié représentant du personnel pourra donc, tout à fait, prendre l'intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail, sans que l'employeur ne puisse s'y opposer a priori, celui-ci devra les payer et, éventuellement, contester si cette utilisation en dehors du temps de travail n'est pas justifiée...



(1) C. trav., art. L. 2315-1, recod. , C. trav., art. L. 2315-2, recod. (N° Lexbase : L0684HXM), C. trav., art. L. 2315-3, recod. , C. trav., art. L. 2315-4, recod. ; voir, également, Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424 ; Cass. soc., 26 octobre 1977, n° 76-40058, Société Sarrion et Scida c/ Mayonove, Serres, P ([LXB=1139CKE]), Bull. civ. V, n° 568 ; Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 02-42.067, Société Mon Logis c/ M. Dominique Duval, FS-P (N° Lexbase : A0105DA7) et les obs. de S. Koleck-Desautel, "Les circonstances exceptionnelles ouvrant droit à dépassement de crédit d'heures", Lexbase Hebdo n° 95 du 20 novembre 1993 édition sociale (N° Lexbase : N9417AAZ).
(2) C. trav., art. L. 2143-13, recod. , art. L. 2143-14, recod. , art. L. 2143-15, recod. (N° Lexbase : L0445HXR), art. L. 2143-16, recod. , art. L. 2143-17, recod. , art. L. 2143-18, recod. , art. L. 2143-19, recod. ; sur ce point, voir, également, Cass. crim. 22 novembre 1988, n° 87-84.669, Mme Thérèse Villez (N° Lexbase : A1314AAW) et Cass. soc., 28 février 1989, n° 85-45.488, M. Martinez c/ Société Yokogawa Electrofact (N° Lexbase : A3752AA9).
(3) Cass. crim., 25 mai 1982, n° 81-93.443, Guggenheim, Juglar, Becart, Société Locatel (N° Lexbase : A3300ABT) ; Cass. soc., 10 mai 2006, n° 05-40.802, M. Eric Guillemot c/ Société Ti Group-Automotive Systems, FS-P+B (N° Lexbase : A3652DPX) et les obs. de G. Auzero, "Du bon usage des bons de délégation", Lexbase Hebdo n° 216 du 25 mai 2006 édition sociale (N° Lexbase : N8610AK4).
Décision


Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.823, Société DPSA Ile-de-France c/ M. Koukoui, F-P+B (1er moyen) (N° Lexbase : A0632D9B)


Cassation partielle sans renvoi de CA Versailles, 5ème ch., sect. B, 14 décembre 2006


Mots clefs : représentant du personnel ; heures de délégation ; utilisation des heures ; présomption de bonne utilisation des heures de délégation ; heures imputées sur le temps de travail effectif ; heures prises en dehors du temps de travail effectif ; application de la présomption à toutes les heures prises à l'intérieur du contingent.


Liens base :   et

newsid:323806

Baux commerciaux

[Chronique] Chronique de l'actualité des baux commerciaux

Lecture: 16 min

N3910BGW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323910
Copier

par Julien Prigent - Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de baux commerciaux. Se trouve, au premier plan de cette actualité, un arrêt de la Cour de cassation relatif à la prescription de l'action d'un occupant d'un local commercial, qui se prévaut de la qualité de preneur, tendant à faire déclarer inopposable un congé qui ne lui a pas été notifié. Sont, également, commentés un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui rappelle que le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond, et un autre arrêt de la même formation qui précise la forme du refus à une demande de déspécialisation plénière.
  • De la prescription en matière de bail commercial (Cass. civ. 3, 28 mai 2008, n° 07-12.277, FS-P+B N° Lexbase : A7850D8A)

Se prescrit par deux années, l'action d'un occupant d'un local commercial, qui se prévaut de la qualité de preneur, tendant à faire déclarer inopposable un congé qui ne lui a pas été notifié. Il peut, néanmoins, invoquer cette inopposabilité par voie d'exception à l'action reconventionnelle du bailleur en expulsion des locaux loués. Tel est le double enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2008.

En l'espèce, par acte du 28 avril 1976, un propriétaire avait donné à bail à une personne des locaux à usage commercial et d'habitation. Par acte du 20 novembre 1976, le preneur et son épouse, commune en biens, ont acquis un fonds de commerce exploité par un tiers dans les locaux loués. Par acte du 26 mai 1989, le preneur avait fait signifier à la commune, qui était devenue propriétaire de l'immeuble, une demande de renouvellement. La commune lui ayant signifié un refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, le preneur l'avait assignée pour obtenir la nullité du congé et, subsidiairement, le paiement d'une indemnité d'éviction. Le locataire étant décédé le 2 décembre 1992, ses héritiers étaient intervenus à la procédure le 4 janvier 1996. Un jugement du 27 février 1997, confirmé par un arrêt devenu irrévocable du 19 novembre 1998, avait déclaré l'instance périmée. Par acte du 23 novembre 2001, l'épouse du preneur décédé avait fait assigner la commune aux fins de faire constater qu'elle était cotitulaire du bail commercial consenti à son époux et que, n'ayant reçu aucun congé, elle était en droit d'occuper les locaux loués dans lesquels elle exploitait le fonds de commerce acquis en commun avec son mari, du vivant de celui-ci. La commune avait demandé reconventionnellement son expulsion des lieux et de tous occupants de son chef. L'épouse du preneur en titre ayant été déclarée irrecevable en son action et, sur la demande reconventionnelle de la commune, jugée sans droit ni titre sur l'immeuble litigieux, elle s'est pourvue en cassation sur le fondement de différents arguments. L'un était relatif au pouvoir du maire de délivrer un congé dans le cadre du bail commercial. Sur ce point, la Cour de cassation a affirmé qu'un maire a le pouvoir de délivrer un tel acte sans avoir à être préalablement autorisé par une délibération du conseil municipal (sur cet aspect, voir nos observation, Sur les pouvoirs du maire en matière de bail commercial, Lexbase Hebdo n° 308 du 12 juin 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N2524BGL).

Un autre argument de l'occupante des lieux loués reposait sur sa prétendue qualité de locataire. Elle soutenait, en effet, que le congé lui était inopposable faute de lui avoir été signifié alors qu'elle était cotitulaire du bail. Il est vrai que la Cour de cassation avait eu l'occasion d'approuver les juges du fond qui avaient considéré qu'ils ne pouvaient se prononcer sur une demande d'expulsion alors que le congé n'avait pas été délivré à l'un des colocataires (Cass. civ. 3, 21 novembre 1968, n° 65-14.464, Fontalive c/ Consorts Bordas N° Lexbase : A1044AU9), à moins qu'ils se soient engagés solidairement à l'égard du bailleur (Cass. civ. 3, 21 octobre 1992, n° 90-21.738, Epoux Brazier c/ Consorts Robillard et autre N° Lexbase : A3301ACA). Un congé ne saurait, en outre, être jugé valide alors qu'il n'a pas été signifié à chacun des copreneurs, même lorsque cette qualité ne résulte pas du bail initial (comme dans l'espèce rapportée) mais de la transmission de ce dernier, par exemple aux héritiers du preneur en titre décédé (Cass. civ. 3, 2 novembre 2005, n° 04-16.311, F-D N° Lexbase : A3460DLQ).

Au préalable, se posait néanmoins la question de la prescription de l'action en inopposabilité du congé exercée par l'occupante, dans la mesure où ce congé avait été délivré plusieurs années avant l'exercice de cette action. En effet, toutes les actions exercées en vertu des dispositions du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID).

La Cour de cassation, approuvant les juges du fond, a considéré, tout d'abord, que cette action, dans la mesure où elle dérivait du statut des baux commerciaux, était soumise à la prescription biennale. Toutefois, la qualité de cotitulaire d'un bail ne résulte pas, a priori, des dispositions du statut des baux commerciaux mais du droit commun des obligations et du contrat de louage. Il pourrait ainsi être soutenu que l'action de l'occupant qui tendrait uniquement à se voir reconnaître la qualité de copreneur devrait en conséquence être soumise à la prescription de droit commun, soit, initialement trente années (C. civ., anc. art. 2262 N° Lexbase : L2548ABY) ou, à certaines conditions, dix années pour les actions entre commerçants (C. com., anc. art. L. 110-4 N° Lexbase : L5548AIC) et, depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I), cinq années (C. civ., art. 2224, nouv. et C. com., art. L. 110-4, nouv.). Ainsi, a-t-il pu être jugé que n'est pas soumise à la prescription de deux ans, édictée par l'article L. 145-60 du Code de commerce, l'action en résiliation pour inexécution des obligations contractuelles n'ayant pas son fondement dans des dispositions statutaires (Cass. civ. 3, 12 juillet 1989, n° 88-10.159, Commune de Villeurbanne c/ Madame Bornuat et autre N° Lexbase : A9985AA3) ou l'action du bailleur en exécution d'un congé, dont la régularité n'est pas contestée (Cass. civ. 3, 26 octobre 2004, n° 03-15.507, F-D N° Lexbase : A7409DDR).

Toutefois, ce n'est pas seulement la qualité de titulaire du bail qu'invoquait l'occupante, mais également les conséquences attachées à cette qualité, à savoir, le fait qu'un congé aurait dû lui être signifié. Or, la nécessité même d'un congé et ses modalités (forme et délais de préavis) sont réglementées par des dispositions du statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L5737AIC). Il pouvait ainsi être affirmé que l'action tendant à voir déclarer le congé inopposable était soumise à la prescription biennale.

En l'espèce, la Cour de cassation a considéré que l'action était prescrite, dans la mesure où l'assignation avait été délivrée le 23 novembre 2001 et que l'occupante avait eu nécessairement connaissance du congé litigieux à compter de son intervention à l'instance périmée en qualité d'héritière de son mari, soit le 4 janvier 1996. Il est intéressant de relever qu'implicitement, le point de départ du délai choisi n'est pas la date du congé litigieux, mais celle à laquelle l'occupante en a eu connaissance. La solution est similaire à celle consacrée par la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, pour le délai de droit commun qui court à compter "du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d'exercer [l'action]" (C. civ., art. 2224, nouv.).

Cependant, en l'espèce, le bailleur ne se contentait pas de s'opposer à l'action en inopposabilité du congé de l'occupante, mais il sollicitait également à titre reconventionnel son expulsion. L'occupante se trouvait ainsi en position de défenderesse par rapport à cette demande. Or, en vertu de l'adage quae temporalia sunt agendum perpetua sunt ad excipiendum, si la prescription éteint l'action en justice, elle n'éteint pas l'exception corrélative. Cet adage a vocation à s'appliquer, également, en présence de la prescription biennale du statut des baux commerciaux (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 18 juin 2002, n° 01-03.209, F-D N° Lexbase : A9429AYU).

L'application de cet adage a suscité deux catégories de difficultés. La première est liée à la qualification d'exception du moyen défense opposé par le défendeur. Ainsi, il a été jugé que la demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité d'éviction ne constituait pas une exception à une action en expulsion qui a fait suite à un congé (Cass. civ. 3, 5 février 1971, n° 69-12.040, Société des transports automobiles Clément c/ Dame Martinier N° Lexbase : A6635AGT). La seconde difficulté tient à la détermination de la position procédurale, demandeur ou défendeur, de celui auquel est opposé la prescription, ce point n'étant, au demeurant, pas sans lien avec la qualification d'exception du moyen de défense. Il a été jugé que le preneur ne pouvait invoquer la nullité d'une clause relative à la révision du loyer alors qu'il avait assigné le bailleur en révision du loyer (Cass. civ. 3, 1er février 1983, n° 81-10.317, Société des Bazars du Var c/ Société d'Exploitation et de Gestion Industrielle et Commerciale SEGIC N° Lexbase : A7550AGQ), cette demande du locataire impliquant nécessairement la nullité de la clause de renonciation insérée au bail et le preneur n'étant donc pas défendeur en opposant cette nullité au bailleur (Cass. civ. 3, 19 juillet 1984, n° 83-12.355, Compagnie d'Assurances La Populaire c/ Société Primistères N° Lexbase : A7648AGD). En revanche, si le bailleur a pris l'initiative de solliciter la révision du loyer en se prévalant d'une clause nulle, le preneur peut, malgré la prescription, invoquer la nullité de cette clause (Cass. civ. 3, 18 juin 2002, n° 01-03.209, préc.). Dans une espèce où, à la suite d'un congé sans offre d'indemnité d'éviction délivré par le bailleur, le preneur avait assigné ce dernier en nullité de la clause du bail qui accordait au bailleur une faculté de résiliation sans indemnisation, il a été jugé que le preneur ne pouvait échapper à la prescription de son action, dans la mesure où il avait assigné et qu'il n'était donc pas défendeur (Cass. civ. 3, 24 novembre 1999, n° 98-12.694, Epoux Simon c/ Epoux Deiber N° Lexbase : A8710AH3). La Cour de cassation semble ainsi s'en tenir à une approche stricte de la notion de défense à une action. La partie qui a pris l'initiative du procès ne pourrait se prévaloir d'un droit "prescrit" dont elle demande la reconnaissance, quand bien même sa demande constituerait également une défense à une demande reconventionnelle de l'autre partie et ce, même dans l'hypothèse où cette demande n'aurait pas été formée expressément mais serait un préalable implicite à sa prétention. Il doit néanmoins être relevé que, dans l'arrêt du 24 novembre 1999, n'est pas évoquée la demande en expulsion que le bailleur n'a pourtant pas dû manquer de former à titre reconventionnel.

L'arrêt rapporté semble assouplir cette approche restrictive. En effet, l'occupante avait pris l'initiative du procès en assignant et en sollicitant expressément l'inopposabilité du congé. Or, si elle a été jugée irrecevable à agir par voie principale, il lui a été reconnu le droit de se prévaloir de la qualité de preneur par voie d'exception à l'action reconventionnelle en expulsion des locaux loués. La situation peut être comparée à celle qui avait donné lieu aux arrêts des 1er février 1983 (Cass. civ. 3, 1er février 1983, n° 81-10.317, préc.) et 19 juillet 1984 (Cass. civ. 3, 19 juillet 1984, n° 83-12.355, préc.). Le preneur prend l'initiative procédurale (action en révision du loyer impliquant la nullité de la clause de révision du bail/inopposabilité du congé) ; le bailleur, à titre reconventionnel, demande le rejet de cette prétention qui constitue le préalable à sa propre demande (demande de révision fondée sur la clause litigieuse/demande d'expulsion). Dans les deux arrêts précités, la demande du preneur tendant à voir déclarer nulle la clause est jugée irrecevable tandis que, dans l'arrêt du 28 mai 2008, le preneur a pu solliciter l'inopposabilité du congé à titre d'exception tendant au rejet de la demande d'expulsion. Il est vrai que les configurations de chacune de ces espèces ne sont pas parfaitement symétriques puisque l'action en expulsion est une demande hétérogène par rapport à celle tendant à voir déclarer un congé inopposable, même si elle implique sa validité, tandis que la demande de révision du bailleur a la même nature que celle que le preneur avait formé par voie principale.

Il ne suffit toutefois pas qu'une action soit recevable pour que la demande soit accueillie. En l'espèce, la Haute cour a approuvé les juges du fond d'avoir décidé que l'occupante n'était pas cotitulaire du bail à la date du congé et que sa demande, formée par voie d'exception et en conséquence recevable, ne pouvait prospérer au fond.

  • Rappel sur l'auteur de l'infraction pouvant justifier un refus de renouvellement pour motif grave et légitime (Cass. civ. 3, 11 juin 2008, n° 07-14.256, FS-P+B N° Lexbase : A0576D99)

Le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2008.

En l'espèce, par acte du 26 mars 1994, un local commercial avait été donné à bail. Le bailleur avait cédé, le 29 novembre 2002, l'immeuble dans lequel était exploité le fonds donné à bail. Il semble en conséquence que ce fonds de commerce ait été mis en location-gérance. Le preneur avait, ensuite, demandé le renouvellement de son bail le 17 juillet 2003. Le 22 octobre 2003, le nouveau propriétaire lui avait donné congé avec refus de renouvellement et refus d'indemnité d'éviction sur le fondement, selon toute vraisemblance, d'un motif grave et légitime. Le preneur avait alors saisi le tribunal d'une demande de renouvellement du bail et avait cédé son fonds de commerce le 23 février 2004. Les juges du fond ayant considéré que le refus de renouvellement du bail était non justifié, ils ont déclaré nul le congé du 22 octobre 2003 et dit que le bail s'était renouvelé à son échéance. Le bailleur s'est alors pourvu en cassation.

Le preneur, même en cas de mise en location-gérance de son fonds, à la condition qu'elle soit régulière, dispose, à certaines conditions, d'un droit au renouvellement de son bail qui se traduit par l'obligation pour le bailleur de lui régler une indemnité d'éviction s'il refuse le renouvellement (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII). Le bailleur ne sera cependant pas tenu au paiement de cette indemnité "s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant" à la condition, sauf exception, de l'avoir préalablement mis en demeure de cesser l'infraction (C. com., art. L. 145-17 N° Lexbase : L5745AIM).

Dans la mesure où les locaux, de manière "régulière", peuvent être occupés par une personne différente du locataire en titre mentionné au bail, la question s'est posée de savoir à qui le bailleur pouvait reprocher des manquements justifiant un refus de renouvellement pour des motifs graves et légitimes. La question se pose de manière symétrique en présence d'un changement de bailleur, par exemple, à la suite d'une vente de l'immeuble comprenant les locaux loués.

Sur ce dernier point, il a été jugé qu'il ne pouvait être refusé à l'acquéreur de l'immeuble la faculté de se prévaloir d'un infraction du preneur antérieure à la vente alors que celle-ci s'est poursuivie après cet acte (Cass. com., 9 janvier 1967, n° 65-10.732, Epoux Levy c/ SociétéE d'atomisation de produits alimentaires (SAPRA) N° Lexbase : A2904AU4). Cette décision ne permet pas de déterminer si, à défaut de poursuite de l'infraction, le nouveau bailleur aurait pu se prévaloir d'une infraction antérieure.

En ce qui concerne l'auteur de l'infraction, deux cas sont à envisager : celui où le bail change de titulaire et celui où, bien que le titulaire reste identique, les lieux sont occupés par un tiers. Ces deux situations peuvent ne pas être exclusives comme le démontre la décision commentée.

La Cour de cassation a, tout d'abord, précisé, s'appuyant sur la lettre de l'article L. 145-17 du Code de commerce qui vise le "locataire sortant", que le cessionnaire ne peut se voir refuser le renouvellement du bail sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime fondé sur une infraction commise par le cédant (Cass. civ. 3, 4 octobre 2000, n° 99-12.722, Société Rox Mariel c/ Mme Lagrue N° Lexbase : A7742AH9), même s'il a reconnu avoir pris connaissance du congé portant refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction et qu'il s'est engagé à faire son affaire personnelle du litige sur ce point avec le bailleur (Cass. civ. 3, 10 janvier 2007, n° 05-20.634, FS-D N° Lexbase : A4815DTI). Le cessionnaire pourra se voir toutefois refuser le renouvellement pour un motif grave et légitime, précédemment imputable au cédant, s'il a perpétué l'infraction (Cass. civ. 3, 30 janvier 2002, n° 00-16.284, FS-P+B N° Lexbase : A8948AXP).

S'agissant de l'occupation des lieux par un tiers au contrat de bail, la Haute cour a également précisé que le bailleur pouvait valablement reprocher au preneur les infractions au bail commises par un sous-locataire, "le locataire principal étant tenu vis-à-vis du propriétaire de l'exécution des obligations du bail comme s'il occupait lui-même" (Cass. civ. 3, 13 juin 1969, n° 67-14.101, SARL Perrette et Cottigny c/ Compagnie d'assurances La Nationale-Vie N° Lexbase : A3143ATL). Dans cette décision, l'infraction de l'occupant du chef du preneur avait été sanctionnée par la résiliation du bail, mais, compte tenu de la généralité des termes employés, il pourrait être soutenu que l'infraction commise par un sous-locataire pourrait également fonder un refus de renouvellement pour motif grave et légitime.

Il a été, enfin, jugé que le bailleur pouvait se prévaloir de toutes les infractions au bail, qu'elles aient été commises par le locataire ou par le gérant libre que celui-ci a introduit dans les lieux (Cass. civ. 3, 9 novembre 1981, n° 80-11.067, Société civile particulière Mazagran c/ Société Cristal Hôtel SARL N° Lexbase : A7478AG3 et Cass. civ. 3, 29 mai 1991, n° 89-20.432, Mme Longhi c/ Consorts Farhi N° Lexbase : A4848AHZ).

L'arrêt commenté rappelle cette dernière solution, tout en la généralisant, en affirmant que "le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond". En l'espèce, les juges du fond s'étaient contentés de relever qu'aucun manquement ne pouvait être reproché au locataire lui-même, alors que, semble-t-il, les lieux étaient occupés par un locataire-gérant qui pouvait être l'auteur des infractions.

Il n'est, toutefois, pas à exclure a priori que les juges du fond aient refusé le renouvellement au motif que le cessionnaire, d'ailleurs partie à la procédure, n'avait pas commis d'infraction. Néanmoins, ce n'est pas ce dernier qui devrait pouvoir se prévaloir d'un droit au renouvellement, puisqu'en l'espèce, il semble que la cession soit intervenue postérieurement à la demande du preneur, au refus du bailleur et à la date d'expiration du bail et que, en outre, c'est à la date du refus de renouvellement qu'il convient de se placer pour apprécier les griefs (Cass. com., 18 décembre 1961, n° 58-12.973, Borie c/ Noiret et autres N° Lexbase : A9641AG8). Le cessionnaire pourrait seulement devenir rétroactivement un occupant sans droit ni tire puisque le bail prétendument cédé n'existerait plus à la date de la cession. La question se pose toutefois de la faculté pour le bailleur de refuser un renouvellement pour des infractions postérieures au congé et à la date d'expiration du bail qui auraient été commises par le cessionnaire, dans la mesure où il est possible pour le bailleur d'invoquer, en cours d'instance, des motifs non connu lors de la délivrance du congé (Cass. civ. 3, 17 novembre 1981, n° 80-12.242, Ponthieu c/ Dame Ouspensky N° Lexbase : A7479AG4). Bien que le bail puisse avoir cessé, il pourrait être soutenu que le cessionnaire est précisément une personne dont le preneur doit répondre tant que son droit au renouvellement n'est pas consacré. Le cédant pourrait ainsi perdre son droit au renouvellement du fait des agissements du cessionnaire pendant cette période qui à son tour perdrait son droit au bail.

  • La forme du refus à une demande de déspécialisation plénière (Cass. civ. 3, 11 juin 2008, n° 07-14.551, FS-P+B N° Lexbase : A0581D9E)

Le bailleur qui, dans les trois mois, ne signifie pas son refus à une demande de déspécialisation plénière par acte extrajudiciaire est réputé avoir acquiescé à cette demande. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2008.

Le preneur d'un bail commercial est tenu en principe, de se conformer à la destination contractuelle du bail et il ne peut modifier cette dernière sans autorisation du bailleur, à peine de résiliation du bail (Cass. civ. 3, 5 juin 2002, n° 00-20.348, FS-P+B N° Lexbase : A8535AYR) ou de refus de renouvellement pour motif grave et légitime (Cass. civ. 3, 5 juillet 1995, n° 93-12.188, M. Bernard, Louis, Hubert Durville et autres c/ Mme Caroline Fredenucci, veuve Spinosi et autres N° Lexbase : A6857AHG). Il existe cependant certaines exceptions à ce principe (voir l’Ouvrage "baux commerciaux", Les exceptions légales à l'obligation pour le preneur de respecter la destination du bail commercial N° Lexbase : E5236AZX). Il peut ainsi, par exemple, bénéficier, à certaines conditions, d'un droit à la déspécialisation qui peut être partielle (C. com., art. L. 145-47 N° Lexbase : L5775AIQ) ou totale (C. com., art. L. 145-48 N° Lexbase : L5776AIR).

En matière de déspécialisation totale, encore qualifiée de plénière, le preneur peut être autorisé, sur sa demande, à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier (C. com., art. L. 145-48).

Cette demande doit, à peine de nullité, comporter l'indication des activités dont l'exercice est envisagé et elle doit être formée par acte extrajudiciaire (C. com., art. L. 145-49 N° Lexbase : L5777AIS). L'article L. 145-49, dernier alinéa, du Code de commerce précise qu'à défaut par le bailleur d'avoir, dans les trois mois de la demande, "signifié" son refus, son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord, il est réputé avoir acquiescé à la demande.

L'arrêt rapporté précise que ce refus doit être formé par acte extrajudiciaire. Cette solution peut se justifier par l'emploi du terme "signifié" à l'article L. 145-49 du Code de commerce. En effet, aux termes de l'article 651 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2917ADE), la signification est une notification par faite par acte d'huissier de justice. Le refus du bailleur doit donc être notifié par acte d'huissier de justice.

En conséquence, le refus formé par lettre recommandé avec demande d'avis de réception, selon l'arrêt commenté, n'est susceptible d'entraîner aucun effet et la situation est identique à celle dans laquelle le bailleur aurait gardé le silence. Il sera ainsi réputé avoir accepté la demande du preneur, à tout le moins s'il ne régularise pas ce refus par lettre recommandée par un acte d'huissier dans le délai de trois mois.

newsid:323910

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Les aides aux succursales d'une filiale étrangère : une possibilité limitée

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2008, n° 281033, Société anonyme Guerlain (N° Lexbase : A8668D78)

Lecture: 15 min

N3935BGT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323935
Copier

par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)

Le 07 Octobre 2010

Par une décision en date du 11 avril 2008, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur l'intérêt pour une société mère de consentir des abandons de créances aux succursales de sa filiale étrangère. Il a, en particulier, fondé son appréciation sur l'intérêt commercial de la mère au développement de ses succursales, mais prend également en compte les capacités de financement de sa filiale. Il a ainsi jugé que les abandons de créance consentis aux succursales de Singapour et d'Australie de la société française Guerlain, succursales dépourvues de personnalité juridique, l'avaient été nécessairement à la filiale Guerlain Pacific Asia Ltd à laquelle ces succursales appartenaient. C'est ainsi au regard des relations entre la société française et sa filiale, et non au regard des relations entre cette société et les succursales de cette dernière, que doit s'apprécier le caractère déductible ou non des abandons de créance. Le Conseil d'Etat a donc expressément tenu compte, pour déterminer si les abandons de créance consentis constituaient ou non un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L1594HLM), de l'intérêt stratégique et commercial que pouvaient représenter les marchés d'Australie et de Singapour pour la distribution des produits de la société Guerlain ainsi que les besoins allégués de la filiale Guerlain Pacific Asia Ltd de disposer de fonds propres nécessaires au développement d'autres marchés en Asie pour ces mêmes produits. Même si, en l'espèce, les abandons de créance litigieux pouvaient légitimement être considérés comme constitutifs d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI, la décision du 11 avril 2008 tend à élargir la catégorie des abandons de créance non constitutifs d'un tel transfert puisque le Conseil d'Etat apprécie le caractère normal ou non des abandons de créances consentis aux succursales d'une filiale étrangère en prenant en compte non plus seulement l'intérêt commercial de la société mère au développement de ces structures mais également les besoins de financement de la filiale pour mener à bien son développement dans d'autres pays.

1. S'inscrivant dans le régime classique des avantages consentis par des sociétés mères à leurs filiales...

1.1. Le régime des avantages consentis par une société à ses filiales

Ce régime juridique est souvent appelé régime des abandons de créance, mais il s'étend, au-delà des abandons de créance proprement dits, à toutes les aides financières ponctuelles permettant à une société de venir en aide à des filiales en difficulté. Les sommes dont la déductibilité est demandée peuvent donc être de simples subventions ou bien, comme en l'espèce, une provision pour risque de non-recouvrement d'avances consenties à une filiale. La jurisprudence, établie avec beaucoup de fermeté au début des années quatre-vingts, distingue les aides accordées selon qu'elles ont une finalité commerciale ou financière. L'objectif recherché est qualifié de commercial lorsque les difficultés de la filiale risquent de compromettre le volume des ventes de la société mère, de financier lorsque celle-ci cherche à maintenir la valeur de son portefeuille de participations.

Une société mère peut donc venir en aide à une filiale en difficulté sans commettre d'acte anormal de gestion. L'aide accordée (abandon de créances, subvention, avances sans intérêts...) est jugée normale lorsqu'elle répond à l'intérêt commercial de la société mère (cas notamment où celle-ci entretient des relations commerciales avec sa filiale et entend maintenir ses sources d'approvisionnement ou débouchés) ou à son intérêt financier (cas où les difficultés financières de la filiale sont de nature à porter atteinte à son renom ou à entraîner la mise en jeu de sa responsabilité). Il peut également être de l'intérêt financier d'une société mère de consentir une aide à une sous-filiale en difficulté indépendamment du point de savoir si la filiale interposée avait pu elle-même réaliser l'opération (CE 3° et 8° s-s-r., 10 mars 2006, n° 263183, Société SEPT N° Lexbase : A4850DNX : RJF, 6/06, n° 678).

Dans le cas d'une aide à caractère financier, l'aide apportée à la filiale est normalement déductible si elle intervient dans le cadre d'une gestion normale mais elle est souvent compensée par la revalorisation des titres de participation. La jurisprudence considère en effet qu'une partie de l'aide se traduit par un accroissement d'une valeur d'actif, à condition que ce qu'elle appelle l'actif net de la filiale ne soit pas négatif, c'est-à-dire que le montant des créances détenues par des tiers, y compris celles de la société mère, ne soit pas supérieur à la valeur de réalisation de l'actif social.

Tout autre est le régime de la subvention motivée par un intérêt commercial, dont l'hypothèse classique est l'abandon de créance destiné à éviter le dépôt de bilan d'une filiale de distribution. Dans ce cas, la jurisprudence admet que la solution ne soit pas différente de celle qui s'appliquerait à une pratique similaire relevant de relations commerciales normales entre des sociétés juridiquement indépendantes. La charge est alors déductible, sans que l'on ait à s'interroger sur une éventuelle revalorisation des titres de participation (CE Contentieux, 27 novembre 1981, n° 16814 N° Lexbase : A5457AKC : RJF, 1/82, n° 7 avec conclusions J.-F. Verny p. 8 ; CE, 4 décembre 1985, n° 44323 : RJF, 2/86, n° 153). Notons que, dans la première de ces deux espèces, la filiale bénéficiaire de l'aide était implantée à l'étranger, ce qui selon le commissaire du Gouvernement ne modifiait pas sensiblement les règles applicables. Le régime est ici entièrement distinct de celui de l'aide à finalité financière. Non seulement la subvention est intégralement déductible, mais elle est prise en compte dans le calcul du bénéfice imposable de la filiale.

Pour apprécier le caractère normal ou non de l'aide accordée à une filiale, il n'y a pas lieu de distinguer selon qu'elle est française ou étrangère (CE Contentieux, 9 octobre 1991 n° 67642 et 69503, SA du laboratoire Goupil et ministre du Budget N° Lexbase : A8992AQ4 : RJF, 1991, n° 1355 ; CE Contentieux, 11 février 1994, n° 119726, SA Les Editions Jean-Claude Lattès N° Lexbase : A9752ARM : RJF, 1994, n° 396). La jurisprudence a par exemple reconnu le caractère normal des subventions versées par une société mère à des filiales en difficulté dont les déficits n'étaient pas de nature à exclure tout espoir de redressement (CE Contentieux, 12 juillet 1978, n° 2138 et n° 2769 N° Lexbase : A5131AIU : RJF, 1978, n° 401), des subventions d'équilibre versées par une société à des filiales qui étaient ses fournisseurs exclusifs et à qui elle imposait des normes strictes de fabrication et des contraintes de prix (CE Contentieux, 16 février 1983, n° 37868 N° Lexbase : A1931AMH : RJF, 1983, n° 492) et des aides accordées par une société à sa filiale afin qu'elle puisse assurer le financement de certains investissements décidés au niveau du groupe (CE Contentieux, 22 mars 1999, n° 163282, SA Alphamed N° Lexbase : A4538AXD : RJF, 1999, n° 534).

1.2. Le régime spécifique applicable aux relations entre les sociétés mères établies en France et leurs filiales établies à l'étranger

L'article 57 du CGI, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 (N° Lexbase : L2719HWM), prévoit que les bénéfices indirectement transférés par une entreprise française à une entreprise qu'elle contrôle et qui est située hors de France, doivent être réintégrés dans les résultats imposables de l'entreprise française. Un abandon de créance, ou plus généralement toute aide accordée par une société mère à l'une de ses filiales à l'étranger, peut constituer un transfert de bénéfices au sens de l'article 57. Cependant, il n'y a transfert de bénéfices que si l'aide n'a pas été consentie dans le cadre d'une gestion commerciale normale : la jurisprudence admet ainsi qu'une une société mère puisse accorder une aide à caractère commercial à sa filiale à l'étranger, afin de maintenir et de développer ses débouchés (CE Plénière, n° 52754, 30 mars 1987, SA Labo-Industries N° Lexbase : A2341APE : RJF, 5/87, n° 589, conclusions B. Martin-Laprade). Elle peut également accorder une aide à caractère financier, afin d'éviter la défaillance de sa filiale et préserver son propre renom (CE Contentieux, 11 février 1994, n° 119726, SA Les Editions Jean-Claude Lattès, précité : RJF, 1994, n° 396, chron. G. Goulard). Dans les deux cas, l'aide doit répondre à l'intérêt propre de l'entreprise exploitée en France.

Le caractère normal de ces aides est apprécié dans les mêmes conditions que s'il s'agissait d'avantages de même nature consentis à des filiales françaises. En revanche, l'application de l'article 57 fait jouer des règles de charge de la preuve différentes de celles applicables en matière d'acte anormal de gestion : dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance entre la société française et la société bénéficiaire de l'aide et l'existence d'un avantage accordé par la première à la seconde, il découle de l'article 57 une présomption de transfert de bénéfice, qu'il appartient à la société requérante de combattre en apportant la preuve que les avantages consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation (CE Contentieux, 27 juillet 1988, n° 50020, Société Boutique 2M N° Lexbase : A6610API : RJF, 10/88, n° 1139, conclusions O. Fouquet ; CE, 8 juillet 2005, SA Vetter : RJF, 8-9/05, n° 893, conclusions L. Vallée au BDCF 8-9/05, n° 108).

Dès lors qu'existe cette présomption, l'administration fiscale n'a donc pas à apporter la preuve de ce que les abandons de créance consentis ne relèvent pas d'une gestion commerciale normale.

2. ... la décision du 11 avril 2008 apporte cependant d'importantes précisions sur les relations complexes existant entre les sociétés mères, leurs filiales et les succursales de ces dernières

2.1. Le Conseil d'Etat refuse d'apprécier l'intérêt de la société mère à octroyer une aide aux succursales en se fondant sur ses seules relations avec elles

Dans la décision du 11 avril 2008, le Conseil d'Etat considère que le caractère normal des abandons de créances consentis par une société à des succursales de sa filiale établie à Hong-Kong doit être apprécié au regard des relations entre l'entreprise aidante et cette filiale, dès lors que les succursales sont dépourvues de personnalité juridique. Or, en l'espèce, la société mère ne justifie pas de son intérêt propre à consentir de tels abandons aux succursales situées en Australie et à Singapour. En effet, même si les marchés en cause présentent un intérêt stratégique et commercial pour la distribution de ses produits et si la filiale souhaite développer d'autres marchés en Asie pour ces mêmes produits, elle n'établit pas l'existence de besoins de financement répondant à l'intérêt du développement commercial de sa société mère. La filiale, dont les résultats sont bénéficiaires malgré les difficultés financières de ses deux succursales, a en effet versé à sa société mère des dividendes significatifs non soumis à l'impôt sur les sociétés.

Certes, la Haute assemblée avait déjà jugé qu'une société mère pouvait déduire de ses résultats imposables les pertes résultant des aides apportées à une succursale située à l'étranger avec laquelle elle entretenait des relations commerciales (CE Contentieux, 16 mai 2003, n° 222956, Société Télécoise N° Lexbase : A1629B99 : RJF, 2003, n° 823, chronique L. Olléon ; BDCF, 2003, n° 91, conclusions M.-H. de Mitjavile). Toutefois, elle n'étend pas cette solution au cas de succursales détenues par l'intermédiaire d'une filiale étrangère.

La portée de l'arrêt "Société Télécoise" est d'admettre qu'un abandon de créance puisse être accordé à une succursale implantée à l'étranger alors même que celle-ci n'a pas une personnalité juridique distincte de la société qui accorde l'abandon. Par rapport à la configuration particulière de l'arrêt "Société Télécoise", l'espèce jugée par le Conseil d'Etat le 11 avril 2008 se présentait de manière beaucoup plus simple, puisqu'il ne s'agissait pas d'un abandon à soi-même, mais d'un abandon consenti à une filiale. Sur le plan économique et sur le plan comptable, les succursales d'Australie et de Singapour formaient avec la filiale de Hong-Kong une société unique dont les résultats étaient consolidés. Ainsi, les deux abandons de créance consentis directement par la SA Guerlain aux succursales, constituaient en fait des aides accordées à la filiale qui détenait les succursales.

La société Guerlain soutenait, néanmoins, que la normalité de l'aide devait s'apprécier au niveau des succursales dans la mesure où celles-ci étaient dotées de la personnalité fiscale. Effectivement, les deux succursales constituaient des établissements stables fiscalement indépendants de la filiale de Hong-Kong où s'appliquait apparemment un principe de territorialité de l'impôt similaire à celui en vigueur en France. Fiscalement, les abandons de créance consentis aux succursales avaient probablement été intégrés dans les résultats des succursales taxés dans leur pays d'implantation.

Cependant, il n'en demeurait pas moins que ces aides étaient venues abonder les résultats de la filiale hongkongaise et que la nécessité de ces aides, donc leur normalité, devait être appréciée au niveau de l'entité économique que constituait la filiale. Des considérations d'optimisation fiscale, comme par exemple le fait que l'autonomie fiscale des deux succursales n'autorisait peut-être pas la filiale à leur accorder des aides en franchise de l'impôt dû à Hong-Kong, ne sauraient ainsi suffire à justifier l'octroi d'une aide par la mère française si la filiale disposait de ressources suffisantes pour soutenir ses propres succursales. Le juge de l'impôt doit donc prendre en compte la situation financière de la filiale pour apprécier la normalité des aides consenties par la mère.

Au total, les abandons de créances consentis aux succursales constituent en fait des aides accordées à la filiale qui les détient, et avec laquelle elles forment une société unique, alors que dans l'arrêt précité, il s'agissait d'un abandon de créance consenti "à soi-même", la succursale n'ayant pas de personnalité juridique distincte de celle de la société mère. Ainsi, le Conseil d'Etat refuse d'apprécier l'intérêt de la société mère à octroyer une aide aux succursales en se fondant sur ses seules relations avec elles, sans tenir compte de la situation financière de la filiale à laquelle elles appartiennent. La circonstance que les deux succursales sont les distributeurs exclusifs de ses produits en Australie et à Singapour, bénéficient d'un chiffre d'affaires important et en forte croissance mais connaissent des difficultés financières qui menacent leur pérennité n'est donc pas suffisante pour justifier les abandons de créances en cause.

2.2. Néanmoins, il prend en compte l'intérêt commercial que présentent les succursales pour la société mère et les besoins de financement de sa filiale

Le Conseil d'Etat ne se limite pas à prendre en considération la seule situation de la filiale. On rappelle, à cet égard, que le caractère normal des aides accordées à des filiales étrangères est apprécié dans les mêmes conditions que pour les filiales françaises.

La Haute assemblée retient une troisième approche. Si elle se fonde effectivement sur l'absence de personnalité juridique des succursales pour juger que les abandons de créances que leur a consentis la société française l'ont été nécessairement à sa filiale étrangère, elle prend en compte l'intérêt commercial que présentent les succursales pour la société mère et les besoins de financement de sa filiale.

Ainsi, le Conseil d'Etat apprécie en l'espèce l'aide en considérant, d'une part, l'intérêt stratégique et commercial des marchés d'Australie et de Singapour pour la distribution des produits de la société française et, d'autre part, l'intérêt que présente pour elle le développement commercial de sa filiale sur d'autres marchés en Asie. Effectivement, il est bien de l'intérêt commercial de la société de maintenir ses distributeurs en Australie et à Singapour et de permettre à sa filiale d'ouvrir de nouvelles succursales dans d'autres pays pour créer de nouveaux débouchés. Toutefois, ayant relevé que la filiale n'avait en réalité pas besoin de l'intervention de la société mère pour aider ses succursales en difficultés puisqu'elle a été en mesure de lui verser des dividendes significatifs, le Conseil d'Etat juge en définitive que les abandons de créances ne répondent pas à l'intérêt de la société mère. Sans cet élément de fait -qui, selon le commissaire du Gouvernement, ôte toute crédibilité à l'argument selon lequel la filiale ne pouvait combler les pertes de ses succursales parce qu'elle devait conserver ses fonds propres pour ses projets de développement dans la région- il aurait sans doute été admis que les abandons de créances consentis aux succursales relevaient d'une gestion normale, sans que la filiale n'ait elle-même à faire état de difficultés financières.

En effet, à la différence des aides à caractère financier, l'octroi d'une aide à caractère commercial n'est pas subordonnée à un péril financier du côté de la société qui en bénéficie. Les aides commerciales doivent surtout apporter des contreparties commerciales suffisantes pour la société qui les accorde. Dans ses conclusions sous l'arrêt du 30 mars 1987 précité, "Société Labo-Industries" (RJF, 1987, n° 589, conclusions B. Martin-Laprade, p. 262), arrêt qui a consacré la possibilité de déduire une aide à caractère commercial versée par une société mère française à une filiale étrangère, B. Martin-Laprade avait tenté de théoriser les cas dans lesquels une telle aide pourrait être regardée comme déductible. Il proposait d'admettre en déduction les aides versées à une filiale assurant la distribution des produits de la mère, dès lors que les avantages accordés n'excéderaient pas ce qui aurait normalement été consenti à un client extérieur au groupe pour maintenir ce débouché. Selon lui, un producteur français ne commettrait jamais un acte de gestion anormal en accordant à son distributeur étranger des avantages lui permettant d'équilibrer une activité de distribution qui, sinon, aurait connu un déficit d'exploitation. La nécessité d'une aide pour équilibrer chez la fille l'activité de commercialisation des produits de la mère pourrait être établie par des éléments de comptabilité analytique si la filiale exerçait d'autres activités que celle intéressant directement la mère.

L'hypothèse envisagée par B. Martin-Laprade est très proche de l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 11 avril 2008. En effet, la filiale de Hong-Kong assurait, par l'intermédiaire de ses deux succursales, une activité de commercialisation des produits de la mère qui subissait des pertes d'exploitation. Cette activité était stratégique sur le plan commercial pour la mère à laquelle elle rapportait un chiffre d'affaires substantiel et en forte croissance. La mère avait donc un intérêt commercial à soutenir sa filiale pour qu'elle continue à assumer cette activité qui n'était, pour cette dernière, pas profitable. Par ailleurs, la création par la filiale de nouvelles succursales dans d'autres pays de la région était susceptible d'ouvrir pour la mère de nouveaux débouchés et répondait donc aussi à son intérêt commercial.

Ainsi, dans la mesure où la SA Guerlain aurait été capable de démontrer, grâce à des éléments financiers appropriés, la nécessité d'accorder des aides à sa filiale pour lui permettre de préserver l'activité de distribution des deux succursales et en même temps de se développer dans d'autres pays, il nous semble que les abandons de créance auraient pu être regardés comme répondant à une gestion normale pour la société mère. A cet égard, la seule circonstance que la filiale n'était pas elle-même en situation de difficulté financière n'aurait pas suffi à justifier la solution retenue par la cour.

Cependant, dans l'arrêt confirmé par le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Paris avait également retenu que la filiale avait versé des dividendes à la société mère d'un montant de 3,4 millions de francs (soit 518 326 euros) en 1989 et 6,5 millions de francs (soit 990 918 euros) en 1992. Ce versement de dividendes ôtait toute crédibilité à l'argument selon lequel la filiale ne pouvait combler les pertes des succursales parce qu'elle devait conserver ses fonds propres pour ses projets de développement dans la région. Dans ces conditions, la cour n'aurait pu se fonder à la fois sur l'absence de difficultés financières de la filiale et sur le versement de ces dividendes sans commettre d'erreur de qualification juridique des faits ou de contradiction de motifs.


Conclusion

La décision du 11 avril 2008 révèle que, malgré l'effort important de clarification qui a été à l'origine de la distinction fondamentale entre aide à caractère commercial et aide à caractère financier, l'application de principes pourtant anciens et stabilisés se révèle délicate dans certains cas particuliers. En effet, cette décision n'est pas une décision sur le problème des succursales (la question se serait posée dans les mêmes termes pour des filiales), ni sur la frontière entre intérêt commercial ou financier (puisque tout le monde s'accorde à reconnaître le caractère indéniable de l'intérêt commercial de la société mère française). Il s'agit d'une décision qui pose une nouvelle condition de déductibilité des charges à l'intérieur des groupes.

Ainsi, si la société de Hong-Kong était une société tierce, elle pourrait souhaiter fermer ses exploitations d'Australie et de Singapour même si ses ressources sont suffisantes pour verser des dividendes et financer son développement, dès lors qu'elle estime que la perspective d'un retour aux bénéfices est trop lointaine ou que ces deux exploitations ne s'inscrivent plus dans sa stratégie. Son fournisseur pourrait alors lui verser une subvention déductible, tenant compte des difficultés rencontrées en Australie et à Singapour, pour éviter la fermeture de ces deux exploitations. La déductibilité d'un tel versement suppose simplement qu'elle corresponde bien à l'intérêt du fournisseur et nullement au fait que le client en ait "besoin". Que cette subvention se matérialise par un abandon de créance ou un versement n'est alors qu'une modalité pratique de mise en oeuvre d'une réduction forfaitaire du coût des marchandises livrées.

Toutefois, le fait que la société de Hong-Kong soit détenue à 100 % par le fournisseur français modifie l'approche du Conseil d'Etat. En effet, l'actionnaire qui reçoit le dividende est aussi le fournisseur qui octroie l'aide commerciale et les deux flux de sens inverse sont du même ordre de grandeur. Le fait donc que l'actionnaire soit le fournisseur doit aboutir à ce que l'aide du fournisseur prenne obligatoirement la forme d'une renonciation au dividende pour que la base imposable correspondante reste en France. En d'autres termes, alors que la logique de l'article 57 du CGI consiste à localiser les bases imposables résultant de transactions intragroupe au même endroit que pour des transactions entre tiers, il faut déroger à ce principe lorsque le traitement fiscal en résultant se révélerait favorable au groupe.

newsid:323935

Sociétés

[Jurisprudence] Absence de personnalité morale d'une société en participation : celle-ci ne peut être créancière d'une obligation

Réf. : Cass. com., 20 mai 2008, n° 07-13.202, Société Eiffage construction Ile-de-France Paris, venant aux droits de la société en nom collectif Entreprise Fougerolle, F-P+B (N° Lexbase : A7076D8L)

Lecture: 8 min

N3936BGU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323936
Copier

par Anne Lebescond - SGR Droit des affaires

Le 28 Août 2014

Aux termes de l'article 1871 du Code civil (N° Lexbase : L2069ABA), "les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite, alors, 'société en participation'. Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité". La société en participation n'étant pas une personne juridique -alors, pourtant, qu'elle se doit de réunir toutes les conditions propres aux contrats de société (C. Civ., art. 1871 N° Lexbase : L2069ABA)-, elle n'en possède aucun des attributs. Elle n'a, en effet, ni raison sociale (bien que cette règle connaisse un tempérament depuis la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 N° Lexbase : L1471AIC, cette société n'étant plus nécessairement occulte et pouvant, dès lors, être "nommée"), ni siège social (bien que les associés peuvent choisir de "localiser" leur activité commune), ni nationalité. De la même façon, parce que la société en participation n'est pas une personne juridique, elle ne peut être soumise à une procédure collective, agir en justice (1), ou faire l'objet d'une condamnation (2). A ce sujet, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 5 mars 1946 (3), s'est penchée sur la question de savoir comment un associé de la société en participation, titulaire d'une créance née dans le cadre du contrat de société, qui souhaite la voir régler, doit procéder. Elle décide que "lorsque l'un des participants s'estime créancier à l'encontre de la société en participation, il doit assigner tous les participants, et non le seul gérant qui ne saurait représenter un être moral inexistant".

La société en participation n'a pas, non plus, de patrimoine social et ne peut, en conséquence, souscrire aucun engagement personnel, que ce soit en qualité de débiteur ou de créancier. Notamment, elle ne peut ni détenir des biens, ni contracter un emprunt, ni consentir un prêt à une société (4). La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 4 avril 1997 (5), a énoncé à ce sujet qu'"une société en participation, dépourvue de la personnalité morale, ne souscrit aucun engagement personnel et ne peut être titulaire d'un compte courant". De la même façon, cette cour (6) a énoncé que "la société en participation, n'ayant pas la personnalité morale, n'a pas de patrimoine et ne peut s'engager envers des tiers par un acte de cautionnement". C'est cette règle qu'est récemment venue confirmer la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arret du 20 mai 2008.

Dans les faits rapportés, une société en participation a été constituée pour la réalisation d'un ensemble immobilier, entre deux entreprises, la société E. et la société B.. Celle-ci, après avoir fourni à ce titre certaines prestations, a cédé les créances correspondantes, selon les modalités des articles L. 313-23 (N° Lexbase : L9256DYH) et suivants du Code monétaire et financier, à une banque, la société L., qui a notifié ces cessions à la société E., associée et gérante de la société en participation. Toutefois, se prévalant des clauses du contrat de société, la société E. a refusé de payer, invoquant l'inexécution par la société B. de son obligation de fournir une caution bancaire de garantie de bonne fin, ainsi que la compensation avec une somme due par la société B. à la société en participation, au titre d'un appel de fonds lui ayant été adressé. La société L., cessionnaire des créances, assigne, alors, la société E. en paiement de celles-ci, demande accueillie en appel. Les juges du fond retiennent, en effet, pour écarter la compensation, que l'obligation invoquée ne bénéficie qu'à la société en participation, même s'il appartient à la société gérante de la mettre en oeuvre, de sorte que la société E. n'est pas créancière au titre de l'appel de fonds et ne peut, en conséquence, invoquer la compensation qui suppose des créances réciproques entre les deux mêmes personnes. L'arrêt retient, encore, pour écarter l'exception d'inexécution, que la société B. avait l'obligation de fournir une caution de garantie de bonne fin à la société en participation, privée de personnalité morale et, donc, inopposable aux tiers. En conséquence, selon la cour d'appel, l'inexécution d'une obligation bénéficiant à cette société n'est pas opposable au cessionnaire, la société L.. La Cour de cassation casse cette décision, énonçant que "la société en participation n'étant pas une personne morale, elle ne peut être créancière d'une obligation".

La Cour de cassation remet, ici, en cause le raisonnement de la cour d'appel qui, rappelant que la société en participation n'est pas dotée de la personnalité morale, n'en tire pas les conséquences. Les juges ont, d'abord, considéré que la société gérante de la société en participation n'était pas créancière des sommes devant être versées par la société B., "l'obligation invoquée ne bénéfic[iant] qu'à la société en participation". En réalité, l'obligation ne bénéficie pas à la société en participation, qui n'est qu'un contrat, et non une personne juridique, mais bien aux associés, qui sont en participation via un contrat de société. La cour d'appel réitère cette erreur et se place sur le terrain de l'inopposabilité, concernant l'argumentation lui permettant d'écarter l'exception d'inexécution, "l'inexécution d'une obligation bénéficiant à cette société [en participation] n'est donc pas opposable au Crédit Lyonnais". Ainsi, pour les juges du fond, la société en participation n'étant pas une personne morale, elle est inopposable aux tiers, et de la même façon, les actes y relatifs leur sont inopposables également.

Il ne s'agit, pourtant, pas, ici, d'un problème d'opposabilité des obligations bénéficiant à la société en participation, ceci, en premier lieu, car il existe des cas où ce contrat de société leur sera opposable.

A la différence d'une société en participation, une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés (ou au répertoire des métiers) est forcément opposable au tiers, en tant que personne juridique, puisqu'elle est dotée, à compter de son immatriculation, de la personnalité morale, et que les tiers ont été informés de la naissance de cette personne juridique via les diverses formalités auxquelles les fondateurs sont tenus de procéder, dont la plupart ont trait à la publicité (publicité dans un journal d'annonces légales et publicité au greffe du tribunal de commerce qui émet un extrait K-bis, à la disposition du public).

Une société en participation, parce qu'elle n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés et n'a, donc, de ce fait, pas la personnalité morale, ne sera jamais opposable au tiers en tant que personne juridique, ce en quoi les juges du fond n'avaient pas tort. Cela ne signifie pas, pour autant, que le contrat de société en participation passé entre les associés est inopposable au tiers du fait de cette absence d'immatriculation. Pour que le contrat de société ne soit pas opposable aux tiers, il doit demeurer occulte, ce qui n'est plus une obligation depuis la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978. Comme le précise le Professeur Chartier, "l'absence d'immatriculation était déjà une caractéristique de la société en participation ; mais elle n'était qu'un effet secondaire de son caractère occulte, alors qu'elle en constitue aujourd'hui le trait dominant" (7), le caractère occulte, désormais facultatif, ne l'étant plus. Ainsi, si les associés décident que le contrat de société en participation est occulte, et tant que ce contrat n'est pas révélé, il sera inopposable aux tiers et chaque associé sera tenu personnellement des actes qu'il aura accomplis dans le cadre de la société en participation. Au contraire, si les associés décident de révéler le contrat de société aux tiers, ceux-ci seront en droit de s'en prévaloir. Dans l'espèce rapportée, si la société est demeurée occulte, le défaut de versement des fonds par la société B. sera inopposable, en effet, à la banque cessionnaire. Par contre, si le contrat de société lui a été révélé, ce même appel de fonds lui serait opposable et l'exception d'inexécution pourra être plus aisément invoquée.

Quoi qu'il en soit, que l'appel de fonds soit opposable ou non à la banque cessionnaire des créances n'a aucune incidence sur l'issue du procès. Parce que la société en participation n'a pas la personnalité morale, elle ne peut souscrire des engagements, ni avoir de patrimoine et de ce fait être titulaire d'une créance. Une partie de la doctrine estime que cette règle se déduit implicitement du texte de l'article 1872-1, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2072ABD), qui dispose que "chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers".

En termes de responsabilité, cela signifie que là où la société dotée de la personnalité morale fait écran entre les associés et les tiers, voire, dans certains cas, entre les associés entre eux, dans le cas des sociétés en participation, cet écran n'existe pas. Ou, du moins, il a une nature différente : ce sont, ici, les associés qui font écran, puisqu'ils sont personnellement responsables des actes qu'ils accomplissent dans le cadre du contrat de société. De cette façon, la société n'est jamais tenue par ces actes passés par le gérant ou les associés. Il n'en va, toutefois, pas de même, si les autres associés révèlent -par une attitude positive (8)- leur participation dans la société, auquel cas, ils sont responsables -solidairement, si la société a un objet commercial, sans solidarité, si elle a un objet civil-. Leur responsabilité sera pareillement reconnue en cas d'immixtion de leur part dans l'opération, laissant croire qu'ils entendent s'engager à l'égard du tiers ou en tirer profit (C. civ., art. 1872-1, al. 3, N° Lexbase : L2072ABD). Une troisième exception a été introduite par la loi du 4 janvier 1978 (C. civ., art. 1872-1, al. 3, (9)) -rompant avec une jurisprudence antérieure (10)- qui reconnaît la responsabilité de l'associé, lorsque l'engagement litigieux a tourné à son profit.

Puisque la société n'a pas de patrimoine social, elle ne peut détenir en propre aucune créance, ni être débitrice d'aucune dette, mais ce sont bien les associés qui détiennent ces créances ou sont débiteurs de ces dettes. Le régime juridique de biens "apportés" à la société lors de la signature du contrat et par la suite est fixé à l'article 1872 du Code civil (N° Lexbase : L2071ABC) qui dispose qu'"à l'égard des tiers, chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société". Les associés ne concèdent, donc, que la jouissance des biens, l'apport à la société en participation n'étant pas translatif de propriété (11). La jurisprudence est, rapidement, venue préciser à ce sujet que les associés ne conférant que la jouissance, ils peuvent disposer de ces biens (12), si bien que les créanciers peuvent, également, les saisir.

Les associés peuvent, toutefois, convenir que les biens apportés ou acquis pendant la durée de vie du contrat de société seront indivis, comme le précise le troisième alinéa de l'article 1872. A côté de cette indivision conventionnelle, il existe une indivision légale prévue au deuxième alinéa de cet article, les biens qui se trouvaient indivis avant d'être mis à la disposition de la société étant réputés indivis entre les associés. Enfin, le quatrième alinéa du texte, dispose qu'"il peut être convenu que l'un des associés est, à l'égard des tiers, propriétaire de tout ou partie des biens qu'il acquiert en vue de la réalisation de l'objet social", cette disposition permettant de préserver, si les associés le souhaitent, le caractère occulte de la société.

Les associés restant propriétaires des biens qu'ils apportent au contrat de société, c'est donc à leur encontre qu'il convient d'agir en paiement d'une créance résultant du contrat de société et détenue par un tiers. 


(1) Cass. civ. 2, 26 mars 1997, n° 94-15.528, Société Languedoc consultant c/ Société Pontus de la Gardie (N° Lexbase : A9875ABD) : "la société en participation n'est pas une personne morale et ne peut donc ester en justice : l'irrégularité d'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond qui ne peut être couverte".
(2) Cass. com., 22 avril 1977, n° 75-13.438, SA Neyrac Films c/ Hebey (N° Lexbase : A8443AYD) : "la société en participation étant dépourvue de personnalité morale, elle ne peut faire l'objet d'une condamnation. Elle n'est, en effet, pas tenue des actes accomplis par son gérant".
(3) CA Paris, 5 mars 1946, Gaz. Pal., 1946, I, p. 303.
(4) Bull. CNCC, 1994, n° 93, p. 149.
(5) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 4 avril 1997, n° 95/18792, Monsieur Galy Jacques c/ Société Banque Française (N° Lexbase : A2331A44).
(6) CA Versailles, 16ème ch., 28 octobre 1999, n° 530/97, Monsieur Antoine Ricour c/ Banque Nationale de Paris (BNP) (N° Lexbase : A4431DET).
(7) Professeur Chartier, La société dans le Code civil après la loi du 4 janvier 1978, JCP éd. G, 1978, I, n° 2917, n° 356.
(8) Cass. com., 15 juillet 1987, n° 86-10.787, M. Grégoire c/ Société CGIB et autres (N° Lexbase : A3944AG8).
(9) C. civ., art. 1872-1, al. 3 : "l'associé dont il est prouvé que l'acte a tourné à son profit engage sa responsabilité conjointe ou solidaire à l'égard des tiers selon que la société est civile ou commerciale".
(10) Cass. civ., 26 août 1879, DP, 1880, I, p. 120.
(11) TGI Carpentras, 22 mai 2001, n° RG 1250/99, Monsieur Gérald Fallecker c/ Madame Annie Courtade (N° Lexbase : A9255A4K) : "une société en participation, n'ayant pas la personnalité morale, n'a pas de patrimoine propre : ainsi, les apports faits par les associés ne sont jamais translatifs de propriété" et CA Paris, 4ème ch., sect. A, 4 juin 1991, n° 89/022555, Mme Christine Grimault épouse Corbin c/ Société Ezil CFB Communication (N° Lexbase : A9574A7Q) : "en l'absence de personnalité morale de la société en participation, chaque associé est réputé demeurer propriétaire des biens apportés : ainsi, en cas de dissolution de la société, les biens doivent revenir à l'associé qui les lui a remis".
(12) Cass. civ., 5 mai 1859, DP, 1859, I, 222 et Cass. req., 27 juin 1893, DP, 1893, I, 488.

newsid:323936

Sécurité sociale

[Jurisprudence] Action en recouvrement des cotisations d'assurance chômage

Réf. : Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-12.773, Office national interprofessionnel des fruits, FS-P+B (N° Lexbase : A9282D8B)

Lecture: 10 min

N3937BGW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323937
Copier

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Les partenaires sociaux ont conclu, le 4 février 1983, un accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, lequel a institué une structure financière, l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF). La convention d'assurance chômage du 24 février 1984 prévoyait (art. 10) qu'une partie (2 %) de la contribution des employeurs et des salariés serait affectée à l'ASF. Ce financement s'est, depuis, pérennisé. Le contentieux généré par ce mode de financement de la retraite des chômeurs indemnisés par le régime d'assurance chômage reste très rare : la Cour de cassation s'est prononcée une fois en 2006 (1) et vient de rendre un arrêt deux ans plus tard, le 5 juin 2008. En l'espèce, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR), ayant la qualité d'EPIC, employant du personnel relevant du régime d'assurance chômage, mais non des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco, a demandé au Groupement des Assedic de la région parisienne (GARP) le remboursement d'une partie des contributions d'assurance chômage, correspondant à la fraction de celles-ci affectées à l'ASF. VINIFLHOR fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris de déclarer son action en remboursement irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 5422-19 du Code du travail . La Cour de cassation rejette les prétentions de VINIFLHOR, en confirmant l'analyse faite par la cour d'appel de la contribution de 2 % à l'ASF, qualifiée de contributions à l'assurance chômage : l'affectation au financement des charges des régimes de retraite complémentaire d'une part de leur produit n'en affecte pas la nature juridique, qui reste celle d'une contribution au régime d'assurance chômage. A ce titre, l'action en justice de l'Office était soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage, instituée par l'article L. 5422-19 du Code du travail.
Résumé
La cotisation perçue par l'Unedic pour le compte de l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF) et finançant un régime de retraite complémentaire, n'a pas la nature d'une cotisation de retraite, mais doit être qualifiée de contribution à l'assurance chômage et en suivre le régime juridique, dont celui de la prescription (C. trav., art. L. 5422-19). L'action en justice de l'employeur est, alors, soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage, soit deux ans.


I - Qualification juridique de la contribution de 2 % à l'ASF


Les partenaires sociaux ont conclu, le 4 février 1983, un accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé. Cet accord a institué une structure financière, dénommée "Association pour la gestion de la structure financière" (ASF), ayant pour objet d'assurer le financement, notamment, au moyen de l'affectation à son profit de l'équivalent de deux points de contribution du régime d'assurance chômage, des allocations versées par le régime des garanties de ressources (en voie d'extinction) et des allocations servies par les régimes de retraite complémentaire obligatoires entre 60 et 65 ans (Agirc et Arrco).

VINIFLHOR, employant du personnel relevant du régime d'assurance chômage, mais non des régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco, a demandé au GARP le remboursement d'une partie des contributions d'assurance chômage versées entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1995 correspondant à la fraction de celles-ci affectées à l'ASF. Le GARP ayant rejeté sa demande, VINIFLHOR a saisi un tribunal de grande instance. La cour d'appel de Paris (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 05/04246, Office nationale interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture N° Lexbase : A5230DTU) avait déclaré l'action en remboursement de VINIFLHOR irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 351-6-1, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L6266AC3, art. L. 5422-19, recod.).


A - Termes de la qualification


  • Qualification de cotisation de retraite


Selon VINIFLHOR, la nature d'une cotisation dépend de l'objet de la prestation qu'elle finance, peu importe la circonstance que les assujettis ne relèvent pas du régime bénéficiaire de la prestation financée. La cour d'appel avait jugé, au contraire, que l'affectation de la contribution de 2 % au profit de l'ASF n'affectait pas la nature juridique de la cotisation qui, perçue sur les employeurs et travailleurs entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage, avait la nature de cotisation d'assurance chômage.


  • Qualification de cotisation d'assurance chômage

La cour d'appel, dont l'analyse est confirmée par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, relève que la cotisation destinée à l'ASF n'était pas constituée par un prélèvement distinct venant s'ajouter aux cotisations dues à l'Unedic au titre de l'assurance chômage, mais était incluse dans la contribution générale à l'assurance chômage. De plus, les missions financières de l'ASF tendant au financement d'une prestation de retraite et d'une prestation d'assurance chômage soit indissociables.

Au final, pour la Cour de cassation, doivent être qualifiées de contributions à l'assurance chômage les sommes versées au titre de l'ASF (soit 2 %). De plus, l'affectation au financement des charges des régimes de retraite complémentaire d'une part de leur produit (2 %) à l'ASF n'en affecte pas la nature juridique, qui reste celle d'une contribution au régime d'assurance chômage, et non celle d'une cotisation de retraite.


B - Enjeux de la qualification


La qualification de contribution au régime d'assurance chômage de la contribution de 2 % à l'ASF implique que le régime juridique des contributions au régime d'assurance chômage s'applique, dont la règle de la prescription définie par l'article L 5422-19 du Code du travail. Aussi, l'action en justice de VINIFLHOR était soumise à la prescription de l'action en remboursement des contributions au régime d'assurance chômage (instituée par l'article L. 5422-19 du Code du travail) soit deux ans.


Bref, la solution retenue par la Cour de cassation, qui doit être approuvée, appelle deux observations :

Première observation - Nul ne peut se prévaloir de ses turpitudes : il appartenait à VINIFLHOR de faire une action en justice dans les délais, c'est-à-dire, avant la fin de la période de prescription, soit deux ans.
Seconde observation - L'employeur, VINIFLHOR, aurait pu se prévaloir de la jurisprudence élaborée par la Cour de cassation en 2006 (2) .
A l'origine de cette affaire, une situation équivalente à celle de VINIFLHOR : en l'espèce, le personnel navigant professionnel de l'aviation civile étant affilié au régime de retraite complémentaire obligatoire prévu par le Code de l'aviation civile, des syndicats, des salariés et des employeurs avaient saisi les juges d'une demandes de nullité de l'article 10 de la convention d'assurance-chômage du 24 février 1984 selon lequel une partie, égale à 2 %, de la contribution des employeurs et des salariés destinée à la couverture des dépenses relatives au régime d'assurance chômage et au régime de garantie de ressources est affectée à l'ASF. Ils demandaient aussi que l'Unedic et l'ASF soient condamnées à restituer aux salariés et aux employeurs les cotisations indûment prélevées.

La Cour de cassation leur avait donné raison, en décidant que les parties à la négociation d'une convention, qui ne sont habilitées, par l'article L. 351-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8886G7A), qu'à prendre des mesures d'application des dispositions légales relatives à l'assurance chômage ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, prévoir le versement d'une partie de la contribution des employeurs et des salariés, dont le taux est calculé de manière à garantir l'équilibre du régime, à une association ayant, notamment, pour objet de financer les dépenses des régimes de retraite complémentaire des salariés institués par la Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et par l'accord national interprofessionnel de retraite du 8 décembre 1961.


II - Régime juridique du recouvrement des contributions au régime d'assurance chômage


A titre comparatif, il faut rappeler que l'action en paiement des allocations ou des autres créances, qui doit être obligatoirement précédée du dépôt de la demande, se prescrit par deux ans, à compter de la date de notification de la décision prise par l'Assedic (Règl. 1er janvier 2001, art. 50 ; loi n° 2001-624, 17 juillet 2001, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel (DDOSEC) N° Lexbase : L1823ATP ; C. trav., art. L. 351-6-2 N° Lexbase : L8914ATC, art. L. 5422-4, recod. N° Lexbase : L2311HXU).

Ce dispositif conventionnel qui a été annulé par le Conseil d'Etat (CE, 11 juillet 2001, TPS 2001, comm. 302) comme incompatible avec la législation en vigueur à la date de la signature de l'accord, a été ensuite validé par l'adoption de la loi DDOSEC n° 2001-624 du 17 juillet 2001 (A. agrément 4 septembre 2001).


A - Régime de l'action en recouvrement des contributions et des majorations de retard par les Assedic


Toute action intentée ou poursuite engagée contre un employeur manquant aux obligations résultant des dispositions régissant le régime d'assurance chômage est obligatoirement précédée d'une mise en demeure, invitant l'intéressé à régulariser sa situation dans les 15 jours. Si, à l'expiration de ce délai, l'employeur demeure débiteur de contributions ou majorations de retard, le directeur de l'Assedic lui décerne une contrainte pour le recouvrement de ces créances.

A défaut d'opposition de l'employeur devant le tribunal compétent, dans les conditions et délais fixés par décret, la contrainte produit les effets d'un jugement et confère, notamment, le bénéfice de l'hypothèque judiciaire (C. trav., art. L. 351-6 N° Lexbase : L6265ACZ, art. L. 5422-15, recod. N° Lexbase : L2322HXB ; Convention assurance chômage 1er janvier 2004, Règlement annexé, art. 64 ; Convention assurance chômage, 18 janvier 2006, art. 68).


B - Régime de la demande de remboursement des contributions et majorations de retard indûment versées par les employeurs


La demande par un employeur, de remboursement des contributions et majorations de retard indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle ces contributions et majorations ont été acquittées (C. trav., art. L. 351-6-1, rédaction L. 17 juillet 2001, art. 4, II, art. L. 5422-19 nouveau code ; Règl. annexé, Conv. 1er janvier 2001, art. 67 ; Règl. annexé, Conv. 1er janvier 2004, art. 66 ; Règl. annexé, Conv. 18 janvier 2006, art. 70-2).

Il faut préciser que chaque Assedic peut, dès lors que l'employeur débiteur en formule la demande, accorder une remise partielle ou totale des contributions restant dues par un employeur bénéficiant d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, lorsqu'il estime qu'une telle remise préserve les intérêts généraux de l'assurance chômage ; accorder une remise partielle des contributions restant dues par un employeur en redressement ou liquidation judiciaire, lorsqu'il estime qu'un paiement partiel sur une période donnée préserve mieux les intérêts du régime qu'un paiement intégral sur une période plus longue ; accorder une remise totale ou partielle des majorations de retard et des sanctions aux débiteurs de bonne foi ou justifiant de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés, en raison d'un cas de force majeure, de régler les sommes dues dans les délais impartis ; consentir des délais de paiement sous réserve que la part salariale des contributions ait préalablement été réglée (Règl. annexé, Conv. 18 janvier 2006, art. 69).


III - Gestion du recouvrement des contributions au régime d'assurance chômage


A - Bilan


Dans son rapport public de 1999 (3), la Cour des comptes avait évalué les performances respectives des institutions chargées du recouvrement des cotisations dans le régime d'assurance chômage et dans le régime général de la Sécurité sociale. Cette comparaison faisait ressortir pour l'assurance chômage des performances inférieures à celles du régime général. En 2006, la Cour des comptes (4) a rendu compte de nouvelles investigations menées en 2005. La Cour a constaté d'importantes améliorations dans la gestion du recouvrement par l'assurance chômage, au regard, notamment, des démarches de recouvrement amiable, de la simplification des appels de contribution ou de la renégociation des conditions bancaires qui ont permis des gains de trésorerie.

Selon la Cour des comptes, le "taux de restes à recouvrer" de l'exercice courant, qui mesure la capacité des Assedic à recouvrer les contributions pendant l'année au cours de laquelle elles ont été appelées, s'est, ainsi, très sensiblement amélioré.

A défaut d'un rapprochement plus complet entre les deux réseaux de recouvrement, il est au moins indispensable de corriger sur ce point la situation actuelle. Dans son rapport public de 1999, la Cour avait recommandé que les informations recueillies par les agents de contrôle des URSSAF puissent être communiquées aux institutions de l'assurance chômage.


B - Réforme introduite par la loi du 13 février 2008


S'inspirant des réflexions déployées par la Cour des comptes en 1999 et en 2006, le législateur (loi n° 2008-126, 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi N° Lexbase : L8051H3L) a confié aux Urssaf le recouvrement des cotisations d'assurance chômage, ainsi que des cotisations dues au titre de l'assurance de garantie des salaires (5). Les cotisations chômage seront recouvrées et contrôlées selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général de la Sécurité sociale, le contentieux afférent étant transféré aux tribunaux des affaires de sécurité sociale.

Cette nouvelle organisation se mettra en place progressivement (6). L'objectif est de répondre à l'inquiétude des personnels des Assedics affectés au recouvrement. Elle est particulièrement vive chez les cinq cents salariés du GARP, qui a été créé pour recouvrer les contributions dans toute l'Ile-de-France (7). Pour accompagner dans le temps ces reconversions ou reclassements de ces salariés des Assedic, une période transitoire est prévue : le transfert de la mission de recouvrement s'effectuera à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2012.

Ce transfert aux Urssaf présente des avantages : simplification des obligations des employeurs, qui ne devraient plus avoir qu'une déclaration et un paiement à effectuer à la fois pour les cotisations de sécurité sociale et celles d'assurance chômage ; compte tenu de la très grande proximité des métiers et des règles de recouvrement des cotisations du régime général de Sécurité sociale et de l'assurance chômage, la réunion des deux missions permettra des économies d'échelle, un seul circuit se substituant à deux.

Dans la mesure où les cotisations de sécurité sociale et d'assurance chômage ont des assiettes très proches, la coexistence de deux réseaux de collecte -Urssaf et Assedic- est peu justifiée. Cette réforme permettra de réaliser des économies et simplifiera les démarches administratives des entreprises qui n'auront plus qu'une déclaration à effectuer. L'Acoss, qui pilote au niveau national le réseau des Urssaf, accueille très favorablement ce transfert, qui ne devrait pas lui poser de difficultés de mise en oeuvre : les opérations de recouvrement étant largement automatisées, il n'aura qu'un impact mineur sur les besoins de recrutement des Urssaf ; ses inspecteurs sont déjà habilités, depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, à vérifier, dans le cadre de leurs contrôles, l'assiette, le taux et le calcul des contributions d'assurance chômage et des cotisations de l'AGS.



(1) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 03-15.835, Mme Janine Spalanzani, FS-P+B (N° Lexbase : A7637DRB) et nos obs., Régime du financement des retraites complémentaires des chômeurs par l'Unedic, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4623ALS).
(2) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 03-15.835, Mme Janine Spalanzani, FS-P+B, préc..
(3) Cour des comptes, Rapport public annuel 1999, p. 833 s..
(4) Rapport public thématique L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au retour à l'emploi, mars 2006.
(5) V. nos obs., Présentation de la loi du 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 294 du 27 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2376BEQ).
(6) J.-M. Boulanger, Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008, IGAS, avril 2008.
(7) C. Procaccia, Sénat, Rapport n° 154 (2007-2008), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 janvier 2008.
Décision
Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-12.773, Office national interprofessionnel des fruits, FS-P+B N° Lexbase : A9282D8B)

Rejet, CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 05/04246, Office nationale interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (N° Lexbase : A5230DTU)

Textes visés : accord relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite dans les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, 4 février 1983 ; C. trav., art. L. 5422-19

Mots-clefs : Contribution ; régime d'assurance chômage ; contribution à l'ASF ; nature juridique ; cotisation retraite (non) ; cotisation assurance chômage (oui) ; effets ; prescription.

Liens bases :

newsid:323937

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 16 juin 2008 au 20 juin 2008

Lecture: 6 min

N3772BGS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3210344-edition-n-310-du-26062008#article-323772
Copier

Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Suspension du contrat de travail d'un salarié pour arrêt maladie / Obligation de loyauté

Cass. soc., 12 juin 2008, n° 07-40.307, Société Soleco, F-D (N° Lexbase : A2292D9R) : la cour d'appel, qui a relevé que la salariée s'était bornée à apporter une aide à son compagnon au sein de la pizzeria exploitée par ce dernier, a pu décider qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de loyauté .

  • Durée du travail / Convention de forfait

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 06-42.546, M. Jean-Claude Subileau, F-D (N° Lexbase : A2153D9M) : ayant constaté, d'une part, que la convention de forfait, ayant pour seul objet la rémunération des heures supplémentaires accomplies entre la 36ème et la 39ème heure, n'impliquait pas, de la part de l'employeur, l'engagement d'appliquer au salarié l'ensemble des dispositions légales relatives à la durée du travail, et relevé, d'autre part, que le système de récupération des heures supplémentaires institué par l'accord d'entreprise du 1er décembre 1999 était applicable à l'ensemble du personnel, la cour d'appel a déduit, à bon droit, de la qualité de cadre dirigeant de l'intéressé, l'impossibilité pour lui d'obtenir le paiement des heures effectuées au-delà de la 39ème heure de travail et dont il n'établissait pas qu'il aurait été empêché par l'employeur de les récupérer .

  • Durée du travail

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 06-43.382, M. Guy Malbaux, F-D (N° Lexbase : A2156D9Q) : toutes les heures de travail accomplies par un salarié pour le même employeur au cours d'une période déterminée doivent, même si elles procèdent de contrats de travail distincts, être prises en considération pour vérifier si l'employeur s'est conformé aux dispositions générales et d'ordre public relatives à la durée du travail. La cour d'appel a violé les articles L. 212-1, alinéa 1er (N° Lexbase : L5835AC4), L. 212-1-1 et suivants (N° Lexbase : L5837AC8), et L. 721-1 et suivants (N° Lexbase : L6718ACS), recodifiés respectivement sous les numéros L. 3131-10 , L. 3171-4 et suivants , L. 7412-1 , L. 7411-1 et L. 7422-1 du Code du travail, alors d'une part, que la dissociation de la durée du travail qu'elle opérait en fonction de la nature des contrats de travail conjoints liant le salarié à son employeur aboutissait à éluder les dispositions précitées, et d'autre part, que le versement de primes ne peut tenir lieu de règlement d'heures supplémentaires .

  • Temps partiel / Modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 06-45.379, Mme Horia Dekouche, F-D (N° Lexbase : A2164D9Z) : la clause contractuelle accordant à l'employeur le pouvoir de modifier les horaires en fonction des besoins de l'entreprise et ne précisant pas la nature de cette modification ne correspond pas aux exigences légales. Selon l'article L. 212-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7888HBR), le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne, notamment, la durée de travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit, en outre, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification. Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement .

  • Principe "à travail égal, salaire égal"

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-40.800, Société nationale de télévision France 3, F-D (N° Lexbase : A2297D9X) : si c'est à tort qu'elle a fait état d'une discrimination alors, que, en l'absence de référence à l'un des critères de discrimination visés à l'article L. 122-45 (N° Lexbase : L3114HI8), devenu L. 1132-1 du Code du travail , elle était, en réalité, saisie d'une demande sur le fondement du principe "à travail égal, salaire égal", la cour d'appel, qui a constaté que depuis plusieurs années le salarié n'avait pas obtenu de primes "G et T" attribuées annuellement à certains journalistes, a retenu que l'employeur, seul titulaire du pouvoir de direction dans l'entreprise, ne pouvait s'abriter derrière la décision d'une commission paritaire pour se soustraire à ses responsabilités quant à l'attribution de l'avantage litigieux .

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 06-46.061, Société Vialtis, F-D (N° Lexbase : A2169D99) : la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur ne démontrait pas que les différences de diplômes et d'expériences aient été déterminantes lors de l'embauche des trois salariées, a constaté que, depuis 1997, celles-ci occupant le même poste de secrétaire bilingue, puis promues, à quelques mois d'intervalles, "gestionnaires portefeuille", se trouvaient, ainsi, dans une situation identique, a estimé à bon droit qu'aucun élément objectif pertinent ne justifiait l'inégalité de rémunération qu'avait subie Mme B. par rapport à ses collègues, Mmes J. et P. .

  • Lien effectif de subordination

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-41.888, Société Académie des arts chorégraphiques (AAC), F-D (N° Lexbase : A2311D9H) : la cour d'appel qui a constaté, appréciant les conditions effectives d'exercice des professeurs, qui n'avaient pas le choix des congés et dont les absences étaient contrôlées et, éventuellement, sanctionnées, qu'ils étaient tenus, à partir de cinq élèves, d'assurer leurs cours selon les impératifs des plannings et les horaires fixés par la société, de recueillir les coupons délivrés aux élèves par la société AAC lors de leur règlement et de vérifier la présence de ceux-ci, a caractériser l'existence d'un lien effectif de subordination .

  • Absence de lien de subordination

Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-42.845, M. Alain Cortes, F-D (N° Lexbase : A2316D9N) : la cour d'appel, qui, après avoir exactement énoncé qu'il appartient à la partie contestant l'existence du contrat de travail écrit de rapporter la preuve de son caractère fictif, a constaté que l'intéressé, dont la réalité de la prestation de travail au profit de la société N. n'était pas contestée, exerçait ses fonctions seul, en toute autonomie, sans faire aucun compte-rendu d'activité, ni se conformer à aucune directive, sans aucune contrainte quant aux conditions matérielles d'exécution de son travail, n'avait pas de supérieur hiérarchique, que les sommes qu'il avait encaissées, soit 3 000 euros en décembre 2003 et 7 000 euros en mai 2004, ne correspondaient nullement au montant du salaire prévu au contrat de travail, dont l'absence de paiement était effectif depuis l'origine du contrat et n'avait provoqué aucune protestation, et que M. C. se qualifiait lui-même, dans un courrier, de "consultant", a pu en déduire que les relations des parties s'inscrivaient dans le cadre de collaboration d'affaire exclusive de tout lien de subordination et que le caractère fictif du contrat de travail était démontré .

  • Prise en charge de frais de téléphone fixe

Cass. soc., 19 juin 2008, n° 07-41.352, M. Emile Charles Czermann, F-D (N° Lexbase : A2306D9B) : pour débouter le salarié de sa demande de prise en charge de frais de téléphone fixe, la cour d'appel retient que l'employeur ayant mis à sa disposition un téléphone portable, ne doit pas payer ces frais. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les frais de téléphone fixe avaient réellement été exposés dans le cadre de ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale .

  • Remboursements de frais / Prise d'acte de la rupture pour modification du contrat de travail

Cass. soc., 19 juin 2008, n° 07-41.516, Société Jund, F-D (N° Lexbase : A2308D9D) : la cour d'appel, après avoir relevé que le contrat de travail de 1984 et celui de 1998 n'imposaient pas de remettre des comptes journaliers d'activité, ni de prendre son travail au siège avant de partir en tournée de prospection, ni de revenir au siège en fin de journée, ni de produire un justificatif quotidien détaillé des frais kilométriques, a constaté que l'employeur, dans un courrier du 30 juin 2003, avait exigé des justificatifs de frais kilométriques selon une présentation nouvelle et avait, ainsi, imposé un contrôle qui n'existait pas antérieurement et ce, avec effet rétroactif. Par conséquent, le salarié n'avait pas pu percevoir sa rémunération de juillet 2003, ainsi que le règlement de ses frais professionnels à compter de juin 2003. Ainsi, la cour d'appel a pu décider que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail ce qui justifiait la prise d'acte de la rupture, car il était établi que l'employeur n'avait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail .

newsid:323772

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.