Jurisprudence : CE 6/2 SSR, 29-07-1998, n° 146319

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 146319

FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE FEDERATION DES SERVICES CFDT

Lecture du 29 Juillet 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 6ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu 1°) sous le n° 146319, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 19 mars 1993 et 19 juillet 1993, présentés pour la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE, dont le siège est 31 rue du Rocher à Paris (75008), représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 93-82 du 15 janvier 1993 portant application de l'article 1er ter de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 et relatif aux notaires salariés ;

Vu 2°) sous le n° 146337, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 22 mars 1993 et 15 juillet 1993, présentés pour la FEDERATION DES SERVICES CFDT, dont le siège est 47/49, avenue Simon Bolivar à Paris (75019), représentée par son secrétaire général, domicilié en cette qualité audit siège ; la FEDERATION DES SERVICES CFDT demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 93-82 du 15 janvier 1993 portant application de l'article 1er ter de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 et relatif aux notaires salariés ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 modifiée relative au statut du notariat ;

Vu l'ordonnance n°45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°53-934 du 30 septembre 1953, et la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme de Silva, Maître des Requêtes, - les observations de Me Brouchot, avocat de la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES SERVICES CFDT, - les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête présentée par la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE et celle présentée par la FEDERATION DES SERVICES CFDT sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les moyens de légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er ter de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, et notamment les règles applicables au règlement de litiges nés à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail après médiation du président de la chambre des notaires (...)" ; qu'en prenant le décret attaqué, qui énonce, aux termes de son article 14, que "le président de la chambre des notaires est saisi en qualité de médiateur de tout litige né à l'occasion de l'exécution du contrat de travail" et, aux termes de son article 16, que le conseil des prud'hommes ne peut être saisi, à peine d'irrecevabilité, que si le demandeur justifie de la tentative de médiation préalable, le gouvernement, loin de modifier, comme l'allèguent les requérantes, les dispositions précitées, s'est borné, ainsi qu'il y était habilité par lesdites dispositions législatives, à définir les règles applicables aux notaires salariés dans les domaines ainsi définis ; que dès lors le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de l'acte doit être rejeté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution du décret ; qu'aucune des mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution du décret attaqué ne doit être signée ou contresignée par le ministre chargé du travail ; que, par suite, l'absence de contreseing par le ministre chargé du travail n'entache pas la légalité du décret attaqué ;

Considérant qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, un conseil supérieur du notariat est établi auprès du garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance précitée :"Le conseil supérieur représente l'ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics" et, "siégeant en l'une ou l'autre de ses formations, donne son avis chaque fois qu'il en est requis par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les questions professionnelles entrant dans ses attributions" ; que le moyen tiré du défaut de consultation du conseil supérieur du notariat sur le décret attaqué ne saurait être accueilli dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait une telle consultation ;

Sur les moyens de légalité interne : Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, et notamment les règles applicables au règlement de litiges nés à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail après médiation du président de la chambre des notaires (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en prévoyant en son article 16, pour le règlement des litiges nés à l'occasion de l'exécution d'un contrat de travail, une procédure de médiation, confiée au président de la chambre des notaires ou à son suppléant et préalable à la saisine du conseil de prud'hommes, à peine d'irrecevabilité de celle-ci, le décret attaqué n'a pas excédé l'habilitation législative ; Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précité : "Un décret en Conseil d'Etat fixe les règles ... relatives au licenciement du notaire salarié et, dans ce cas, les conditions dans lesquelles il peut être mis fin aux fonctions d'officier public du notaire salarié" ; que le décret attaqué énonce, en son article 17, que "l'exercice de ses fonctions d'officier public par le notaire salarié démissionnaire ou licencié, ainsi que celui de ses mandats professionnels, sont suspendus à compter du jour de la cessation du contrat de travail. De ce jour, il ne peut plus se prévaloir de la qualité d'officier public ou du titre de notaire" ; que cependant, l'article 17 dispose également, d'une part, que "pendant une période de cinq ans, l'intéressé peut reprendre, sans nouvelle nomination, des fonctions de notaire salarié en déposant une simple déclaration auprès du procureur de la République, accompagnée d'une copie du contrat de travail" et, d'autre part, que, si "le procureur de la République peut, dans le délai de quinze jours, faire opposition, par décision motivée, à l'effet de cette déclaration" et que "dans ce cas, l'intéressé doit, pour exercer ses fonctions, solliciter une nouvelle nomination dans les conditions prévues aux articles 9 à 12", le notaire "peut être dispensé de cette procédure par le garde des sceaux, ministre de la justice" ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le décret attaqué n'a pas, sur ce point, méconnu l'intention du législateur, ni illégalement porté atteinte à l'indépendance professionnelle du notaire salarié, garantie par l'alinéa 2 de l'article 1er de l'ordonnance précitée ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret attaqué : "Tout licenciement envisagé par le titulaire de l'office d'un notaire salarié est soumis à l'avis d'une commission instituée par le garde des sceaux, ministre de la justice, dans le ressort d'une ou plusieurs cours d'appel" ; qu'en vertu du même article, cette commission est composée d'un magistrat, de deux notaires titulaires d'office ou associés, et de "deux notaires salariés exerçant dans le ressort de la cour, désignés sur proposition des organisations syndicales de salariés du notariat, ayant parmi leurs membres des notaires salariés, les plus représentatives" ; que ces dernières dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les conditions de représentation des organisations syndicales au sein de la profession ; que, par suite, les requérantes ne sauraient, en tout état de cause, utilement invoquer à leur encontre la règle prévue à l'article L.412-4 du code du travail aux termes de laquelle "tout syndicat affilié à une organisation représentative sur le plan national est considéré comme représentatif dans l'entreprise" ; que les dispositions contestées de l'article 19 du décret, qui n'ont pas d'incidencesur la constitution des syndicats, n'affectent ni le principe de représentativité ni celui de la liberté syndicale, qui n'exclut pas que les organisations qui prétendent participer à la désignation de représentants aux commissions évoquées ci-dessus aient à justifier, le cas échéant, leur représentativité ; que les dispositions susrappelées, en prévoyant des procédures distinctes pour la désignation des représentants des notaires titulaires d'office ou associés, d'une part, et des notaires salariés, d'autre part, n'ont pas par ailleurs méconnu le principe d'égalité, dès lors que les catégories concernées ne se trouvent pas dans des situations comparables ; Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 2262 du code civil : "Toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans..." ; qu'il résulte de ces dispositions que l'action du salarié tendant au paiement d'une indemnité de licenciement se prescrit par trente ans ; qu'ainsi, en prévoyant que le notaire salarié ne pourrait contester son licenciement devant le conseil de prud'hommes que dans les deux mois de la notification qui lui en est faite, l'article 23 du décret attaqué a illégalement dérogé à la règle législative précitée ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 23 du décret susvisé du 15 janvier 1993 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE et de la FEDERATION DES SERVICES CFDT est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION GENERALE DES CLERCS DE NOTAIRE, à la FEDERATION DES SERVICES CFDT, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.