La lettre juridique n°298 du 27 mars 2008

La lettre juridique - Édition n°298

Éditorial

Obligation de sécurité à la charge du transporteur : l'aiguillage nécessaire de la Haute juridiction

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N4676BEW

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Qu'il est loin le temps où lorsqu'un voyageur tombait d'un train... on pouvait le repêcher sur les rives de la Loire à quelques encablures. Le "train", en ce temps là, c'est-à-dire avant le rail, naviguait à voile et convoyait des bateaux solidaires les uns des autres, entraînés par une "locomotive", bateau portant la plus haute voile, en tête du cortège fluvial. Non pas que les risques d'accident n'existaient pas, mais ils étaient, sans doute, moins spectaculaires, quand le courant du fleuve en emportait toute trace.

Depuis, Richard Trevithick conduisit les premiers passagers ferroviaires vers Merthyr Tydfil, au Pays de Galles, en 1804, et le droit de la responsabilité se découvrait un nouvel embarcadère : celui des transports ; un droit qui ne sera consacré, pourtant, qu'un siècle plus tard, en 1911, par un arrêt de la Cour de cassation qui posa les jalons d'une obligation de sécurité de résultat dont les effets se rappellent, toujours, à nous, à l'occasion de drames accidentels mettant en oeuvre la responsabilité du transporteur ferroviaire historique.

Et, le caractère relatif de cette obligation aura vécu : sur le plan contractuel, l'obligation de sécurité de résultat est absolue ou ne saurait souffrir de partialité qu'en cas avéré de force majeure. Tel est l'enseignement à retenir d'un arrêt rendu le 13 mars dernier par la première chambre civile, sur lequel revient, cette semaine, David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit. Reste que sur le plan délictuel, le créancier transporteur peut en être exonéré partiellement ; mais, lorsque l'accident intervient pleinement en cours de voyage, c'est le terrain contractuel qui obligera le transporteur à une indemnisation totale, même en présence d'une faute incontestable du passager-victime.

Faisant montre d'ironie, Jules Renard écrivit : "je n'ai jamais eu la chance de manquer un train auquel il soit arrivé un accident". La sévérité de la Cour de cassation à l'encontre d'une exonération, même partielle, du transporteur appellerait, si le sujet pouvait prêter à rire, tous les voyageurs à connaître la même malchance que l'écrivain.

Enfin, puisqu'en matière d'obligation contractuelle de sécurité, c'est "tout ou rien", imaginez que la projection aux premiers spectateurs de L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, en 1895, par les frères Lumière, eut entraîné quelque préjudice à la suite de l'effroi et du mouvement de panique engendrés par le réalisme troublant du court métrage ? Là aussi, il s'agissait des débuts d'un transporteur-voyagiste...

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] L'impossibilité pour le transporteur tenu d'une obligation de sécurité de résultat de s'exonérer partiellement de sa responsabilité

Réf. : Cass. civ. 1, 13 mars 2008, n° 05-12.551, Mme Nouria Ibouroi, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3908D7U)

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N4705BEY

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

La mise en oeuvre de la responsabilité civile du transporteur a suscité de nombreuses interrogations, portant pour l'essentiel sur le domaine et la nature, contractuelle ou délictuelle, de la responsabilité. La jurisprudence, après avoir, selon la formule consacrée, "découvert" dans le contrat de transport une obligation de sécurité à la charge du transporteur (1), a précisé que cette obligation contractuelle de sécurité n'existe que pendant l'exécution du contrat de transport, c'est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu'au moment où il achève d'en descendre (2). Et elle a finalement décidé, après quelques hésitations, que, en dehors de l'exécution du contrat, la responsabilité du transporteur à l'égard du voyageur est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle (3). Tout cela est suffisamment connu pour ne pas avoir à y insister davantage. Des incertitudes demeuraient cependant sur le point de savoir à quelles conditions le débiteur pouvait s'exonérer de sa responsabilité et, plus précisément, quelle était l'incidence de la faute de la victime ? Sans doute le fait de la victime exonère-t-il totalement le débiteur lorsqu'il présente les caractères de la force majeure ; mais qu'en est-il dans l'hypothèse dans laquelle le fait de la victime ne constitue pas un cas de force majeure : le débiteur est-il partiellement exonéré ? Ou bien n'est-il pas du tout exonéré ? Nul n'ignore que ces questions se sont posées en matière délictuelle à propos, notamment, de la mise en oeuvre de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS). Et l'on sait que la jurisprudence, en dehors de ce que l'on pourrait familièrement appeler "l'épisode Desmares", décide que la faute de la victime qui ne présente pas les caractères de la force majeure exonère partiellement le gardien (4). La solution a paru moins évidente sur le terrain contractuel. L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 mars dernier, à paraître au Bulletin et en ligne sur le site de la Cour, apporte en tout cas une réponse très nette à cette question.

En l'espèce, le passager d'un train était descendu sur le quai d'une des gares desservies pendant le parcours et, tombé sous le convoi en tentant de remonter précipitamment dans le wagon tandis qu'il commençait à s'ébranler, avait eu la jambe sectionnée au-dessus du genou. Il avait, dans ces circonstances, assigné la SNCF en réparation de son préjudice. Les juges du fond, pour décider d'un partage de responsabilité et, donc, ne condamner le transporteur qu'à réparer à hauteur de la moitié le préjudice subi, avaient fait valoir, d'une part, que la victime avait commis une faute en tentant de remonter dans le train qui était alors en marche et, d'autre part, que, de son côté, la SNCF n'avait pas mis en place les moyens suffisants destinés à éviter ce type d'accident (absence de système interdisant l'ouverture des portes pendant la marche, absence de système permettant de visualiser et surveiller l'ensemble du quai et du train, absence d'avertissement sonore préalable de départ, absence d'un nombre suffisant d'agents sur le quai, etc.). En somme, les juges, qui, certes, avaient considéré que la victime avait bien commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage, s'étaient efforcés de démontrer, en caractérisant un certain nombre de manquements imputables au transporteur, que la faute de la victime ne présentait pas les caractères de la force majeure et n'était pas la cause exclusive de l'accident. On sait en effet que, selon la jurisprudence, le transporteur ne peut s'exonérer de son obligation de sécurité qu'en démontrant que l'accident est dû à la faute exclusive de la victime présentant le caractère de la force majeure (5).

Mais, ici, la question n'était pas de savoir si la faute de la victime, qui en tant que telle n'était d'ailleurs pas discutée, présentait ou non les caractères de la force majeure totalement exonératoire pour le transporteur. En tout état de cause, on peut raisonnablement penser que la faute de la victime ne présentait pas de tels caractères et n'était donc pas susceptible de produire un effet totalement exonératoire pour le débiteur. La rigueur de la jurisprudence à l'égard de la SNCF ne fait d'ailleurs sans doute que conforter cette appréciation (6). En réalité, la question était de savoir quel pouvait être, à l'égard du débiteur, l'effet de la faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure. Et les juges du fond avaient considéré que la faute de la victime, dans l'hypothèse dans laquelle elle ne constituerait pas un cas de force majeure, exonère partiellement le débiteur de sa responsabilité. Leur décision est cassée, sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1276ABU) : la Haute juridiction affirme en effet, dans un attendu de principe, "qu'en statuant ainsi, quand le transporteur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers un voyageur ne peut s'en exonérer partiellement et que la faute de la victime, à condition de présenter le caractère de la force majeure, ne peut jamais emporter qu'une exonération totale, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

La solution est importante. On enseignait, en effet, traditionnellement que "si le fait [non fautif] du créancier n'est pris en considération que s'il présente les caractères de la cause étrangère et, en conséquence, entraîne exonération totale du débiteur, le fait non imprévisible ni inévitable du créancier peut constituer une cause d'exonération partielle, s'il présente un caractère fautif" (7). Dans l'hypothèse des rapports transporteurs/voyageurs, ces solutions sont remises en cause par l'arrêt commenté qui exclut catégoriquement toute exonération partielle du débiteur d'une obligation contractuelle de sécurité de résultat. Autrement dit, l'exonération du débiteur obéit dans ce cas de figure, pour reprendre la formule évocatrice qui avait été utilisée par monsieur le Professeur G. Durry à la suite de l'arrêt "Desmares", au système du "tout ou rien" : ou bien exonération totale si la faute de la victime constitue une cause étrangère ; pas d'exonération du tout si cette faute ne constitue pas une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure. Les solutions ne sont donc pas les mêmes, à présent, sur le terrain contractuel -lorsque l'obligation est de sécurité de résultat- et sur le terrain délictuel.

Il ne faut sans doute pas s'en étonner outre mesure. Tout un courant de pensée fait en effet valoir, depuis quelques années déjà, qu'il y a une certaine injustice "à sanctionner des victimes, déjà affligées par le dommage souffert et souvent lourdement frappées dans leur chair, alors que le responsable assuré ne supportera pas les conséquences de ses fautes" (8). Aussi bien a-t-on proposé de ne reconnaître d'effet exonératoire partiel qu'à la faute grave ou même inexcusable (9). Il faut relever que ces considérations ont emporté l'adhésion des rédacteurs de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription. Ils ont, en effet, décidé que, "en cas d'atteinte à l'intégrité physique, seule une faute grave peut entraîner une exonération partielle" (projet art. 1351 nouv. C. civ.). L'arrêt commenté du 13 mars dernier s'inscrit bien  dans cette tendance.


(1) Cass. civ., 21 novembre 1911, Compagnie Générale Transatlantique c/ Zbidi Hamida ben Mahmoud (N° Lexbase : A8928C88), Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 11ème éd., par F. Terré et Y. Lequette, n° 262.
(2) Cass. civ. 1, 1er juillet 1969, n° 67-10.230, SNCF c/ Caramello (N° Lexbase : A2255AZK), Bull. civ. I, n° 260 ; Cass. civ. 1, 15 juillet 1999, n° 97-10.268, Compagnie British Airways c/ M A Mohamed et autres (N° Lexbase : A5131AWX), Bull. civ. I, n° 242.
(3) Cass. civ. 1, 7 mars 1989, n° 87-11.493, M. Valverde c/ Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et autres (N° Lexbase : A8872AAT), Bull. civ. I, n° 118, D., 1991, p. 1, note Ph. Malaurie.
(4) Cass. civ. 2, 6 avril 1987, n° 85-12833, Mme Chauvet c/ Consorts Lutgen (N° Lexbase : A3033CGG), Bull. civ. II, n° 86, JCP éd. G, 1988, II, 20828, note F. Chabas ; Cass. civ. 2, 8 mars 1995, n° 93-14.059, M. Manovelli c/ Epoux Quilichini et autres (N° Lexbase : A7711AB9), Bull. civ. II, n° 82.
(5) Cass. civ. 1, 26 juin 1990, n° 88-12.937, SNCF c/ Mme Rouches et autre (N° Lexbase : A4868AAK), Bull. civ. I, n° 181.
(6) Voir, not., Cass. civ. 1, 2 avril 1996, n° 93-17.181, Mme Bekkrar c/ Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et autre (N° Lexbase : A9378ABX), Bull. civ. I, n° 170 ; Cass. civ. 1, 12 décembre 2000, n° 98-20.635, Société nationale des chemins de fer français (SNCF) c/ M. Peyronnaud (N° Lexbase : A3741AU4), Bull. civ. I, n° 323 ; Cass. civ. 1, 3 juillet 2002, n° 99-20.217, Société nationale des chemins de fer français (SNCF) c/ Joseph Tassito, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0623AZ4), Bull. civ. I, n° 183 ; Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-10.783, Société nationale des chemins de fer français (SNCF), P+B (N° Lexbase : A5231DSK), et nos obs., La subsistance d'ambiguïtés dans l'appréciation de la force majeure exonératoire de responsabilité en matière contractuelle, Lexbase Hebdo n° 239 du 7 décembre 2006 - édition privée générale (N° Lexbase : N2815A97).
(7) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 584, p. 575 ; comp. Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3ème éd., n° 958, p. 516, selon lesquels "lorsqu'il existe à la fois faute du créancier et faute du débiteur, il n'y a exonération partielle du débiteur que si le fait de la victime constitue, quelle que soit la nature de l'obligation contractuelle, une faute relativement grave".
(8) G. Viney et P. Jourdain, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3ème éd., n° 426, p. 328.
(9) Voir not., en ce sens, les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9) en matière d'accidents de la circulation, spéc. art. 3.

newsid:314705

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Régime applicable au salarié inapte : principes et conditions

Réf. : Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-40.039, Société JP Ryckaert, FS-P+B (N° Lexbase : A4093D7Q)

Lecture: 7 min

N4677BEX

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Il est de principe d'affirmer que le salarié déclaré inapte est soit licencié, soit reclassé, soit payé... Ce principe supporte, cependant, des exceptions, comme en témoigne la décision rendue par la Cour de cassation le 12 mars dernier. N'est pas salarié inapte au sens de l'article L. 122-24-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1401G9R) qui veut... Pour bénéficier des dispositions protectrices, il faut que l'inaptitude ait été régulièrement déclarée. Cela ne veut pas dire que le salarié inapte ne peut prétendre à rien. Cela signifie que, en étant soumis à une procédure irrégulière, le salarié se trouve écarté du champ d'application des règles propres à l'inaptitude et ne peut obtenir la reprise du versement de son salaire, en application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail. La Haute juridiction affirme, en effet, que, si l'employeur a commis une faute en ne faisant pas passer à la salariée de second examen médical, cette faute ouvre droit, au profit de celle-ci, à une indemnisation en fonction du préjudice subi, sur le fondement du droit commun de la responsabilité. Le fait pour la salariée de ne pas avoir subi une seconde visite médicale de reprise n'a pas permis de fixer la date à laquelle la période de suspension du contrat de travail prenait fin et, corrélativement, interdit toute condamnation de l'employeur au versement des salaires entre la visite et la rupture, sur ce fondement. Cette solution, malgré son caractère peu favorable au salarié, doit, en tous points, être approuvée.
Résumé

Le dommage subi par une salariée, déclarée inapte à son emploi, qui n'a pu, pendant un an, ni travailler, ni obtenir la rupture de son contrat, lui ouvre droit à une indemnité dont le montant est calculé en fonction du préjudice subi.

Cette indemnisation est due lorsque l'inaptitude n'a pas fait l'objet d'une déclaration régulière et conforme aux prescriptions des articles L. 122-24-4 et R. 241-51 (N° Lexbase : L9928ACP) du Code du travail et, notamment, lorsque la salariée n'a pas été convoquée à une seconde visite médicale à la suite de la première ayant conclu à son inaptitude.

Commentaire

I - Indemnisation du salarié régulièrement déclaré inapte

  • Retour du salarié d'une période de suspension visée par l'article R. 241-51 du Code du travail

L'employeur est tenu, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie professionnelle, après un congé maternité, après une absence d'au moins 8 jours pour cause d'accident du travail, après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et en cas d'absences répétées pour raison de santé, de faire pratiquer un examen médical de reprise. Cet examen, qui a pour seul objet d'apprécier l'aptitude du salarié à reprendre son emploi, doit être pratiqué au moment de la reprise du travail ou, au maximum, dans les 8 jours de cette reprise (C. trav., art. R. 241-51).

Cette visite peut aboutir à deux situations distinctes. Soit le salarié est déclaré apte à reprendre son poste, dans ce cas, il retrouve son emploi. Soit il est déclaré inapte, s'engage, alors, une procédure particulière.

Lorsque le médecin conclut, à l'issue de cette visite, à l'inaptitude du salarié, il doit, en effet, sauf danger immédiat pour la santé du salarié, effectuer une seconde visite dans les deux semaines (C. trav., art. R. 241-51-1 N° Lexbase : L9929ACQ). Si, à l'issue de cette seconde visite, le médecin maintien son avis d'inaptitude, l'employeur n'a que deux solutions : reclasser ou licencier. Cette seconde visite fixe, en effet, la date à laquelle le contrat de travail cesse d'être suspendu et, partant, le point de départ des délais impartis à l'employeur pour déterminer le sort du salarié.

  • Conséquence de la déclaration d'inaptitude délivrée par le médecin du travail


L'article L. 122-24-4 du Code du travail dispose que, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident ou de maladie, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses nouvelles capacités, compte tenu des conclusions du médecin et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé.

Si le salarié n'est pas reclassé dans le délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.

L'employeur n'a donc que deux solutions, le reclassement du salarié dans un emploi compatible avec ses nouvelles capacités ou le licenciement du salarié inapte pour impossibilité de reclassement. Le cas échéant, passé le délai d'un mois, si l'employeur ne reclasse pas ou ne licencie pas, il devra reprendre le versement des salaires.

Quid lorsque cette seconde visite fait défaut ? Est-il possible, pour un salarié, d'obtenir, néanmoins, la reprise du versement de ses salaires ?

Non, vient répondre la Cour de cassation, la faute de l'employeur consistant à ne pas avoir convoqué à une seconde visite médicale ouvre droit, au profit du salarié, non pas au paiement de salaires sur le fondement de l'article L. 122-24-4 du Code du travail, mais à une indemnisation, fonction du préjudice subi, sur le fondement du droit commun de la responsabilité.

  • Espèce

Dans cette espèce, une salariée, qui avait été victime d'un accident du travail, était en arrêt maladie. Quelques jours avant l'expiration de son dernier arrêt de travail, l'employeur lui avait fait passer une visite médicale au cours de laquelle la salariée avait été déclarée définitivement inapte à son poste de travail, le médecin du travail précisant n'y avoir pas lieu à une seconde visite, mais ne visant pas l'article R. 241-51 du Code du travail.

Un an plus tard, après deux procédures de licenciement qui n'avaient pas abouties, l'employeur avait demandé à la salariée de se rendre à une nouvelle visite médicale, puis à une seconde.

A l'issue de ces deux visites médicales, la salariée avait été déclarée, par le médecin du travail, inapte à son poste, mais apte à un poste sans port de charges. Quelques jours plus tard, l'employeur l'avait licenciée pour impossibilité de reclassement.

La salariée avait, alors, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement des salaires pour la période allant de la fin du mois suivant la première convocation à la date de la rupture du contrat de travail. La cour d'appel avait fait droit à sa demande.

La Cour de cassation ne voit pas les choses de cette façon. Elle considère, en effet, que, si l'employeur a commis une faute en ne faisant pas subir à la salariée un second examen médical, comme le prescrit l'article R. 241-51-1 du Code du travail, le fait de ne pas lui avoir fait subir ce second examen exclut l'application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail et, partant, interdit aux juges de se fonder sur cette disposition pour condamner l'employeur à verser à la salariée l'intégralité des salaires entre l'expiration du mois suivant la première visite et la rupture. La salariée a uniquement droit à une indemnisation en fonction du préjudice subi.

Cette solution, qui semble a priori injuste, doit être pleinement approuvée.

II - Indemnisation du salarié irrégulièrement déclaré inapte

Force est de constater que la Haute juridiction a raison. Il est, en effet, impossible, dans ce cas, pour le salarié, de se prévaloir des dispositions de l'article L. 122-24-4 du Code du travail, l'absence de seconde visite empêchant de fixer la date à laquelle la période de suspension du contrat de travail prend fin, tout comme l'omission par le médecin des mentions prescrites par la jurisprudence en cas d'examen unique.

  • L'exception de la visite unique

La solution aurait pu être totalement différente, si le médecin n'avait pas omis de faire référence à l'article R. 241-51 du Code du travail dans l'avis délivré. Si tel avait été le cas, la salariée aurait été fondée à demander, et obtenir, le paiement des salaires allant jusqu'à la rupture.

Par exception au principe de la double visite, l'article R. 241-51-1 du Code du travail prévoit que, en cas de danger immédiat pour la santé du salarié, la seconde visite est facultative. La jurisprudence impose, toutefois, dans cette hypothèse, que le médecin du travail précise le caractère unique de la visite et vise l'article R. 241-51-1 du Code du travail dans son avis (Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-45.174, F-P+B N° Lexbase : A2359DI9, D., 2005, IR 1587, obs. Chevrier). Lorsque le document établi par le médecin du travail fait état de ces deux éléments, s'engage la procédure normale, c'est-à-dire que l'employeur dispose d'un mois à compter de cette visite pour licencier, reclasser ou, le cas échéant, verser la rémunération.

Lorsque, au contraire, l'un ou l'autre de ces deux éléments fait défaut, l'exception de la visite unique ne peut être retenue et, donc, la date d'expiration de la période de suspension du contrat de travail fixée. C'était tout le problème de la décision commentée, puisque, faute pour le médecin d'avoir fait figurer dans l'avis d'inaptitude les mentions impératives, une seconde visite devait avoir lieu dans les 15 jours de la première, seule cette seconde visite pouvant permettre le déclenchement de l'application des règles protectrices du salarié inapte.

  • L'objet de la seconde visite

L'objet de la visite médicale de reprise est de mettre un terme à la période de suspension du contrat de travail, et ce, quelle que soit la situation dans laquelle se trouve le salarié et, singulièrement, même si celui-ci continue à bénéficier d'un arrêt de travail (Cass. soc., 19 janvier 2005, n° 03-41.479, F-P+B N° Lexbase : A0933DGN, RJS, 2005, n° 267 ; lire nos obs., L'inaptitude corrompt tout, Lexbase Hebdo n° 153 du 2 février 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4457ABP). En présence d'un avis d'inaptitude, c'est la seconde visite de reprise qui fixe la date à laquelle prend fin la période de suspension du contrat de travail. Si cette seconde visite n'a pas lieu, le contrat est toujours suspendu ; le salarié ne peut donc pas, logiquement, se prévaloir des dispositions de l'article L. 122-24-4 du Code du travail.

Il est, de principe, en effet, que le délai d'un mois imparti à l'employeur pour licencier ou reclasser court à compter de la date de la seconde visite de reprise. Or, c'est le fait que la période de suspension du contrat de travail soit terminée qui emporte l'obligation pour l'employeur de reprendre le versement des salaires. Tant que le contrat de travail est suspendu, ce dernier ne peut y être tenu.

Comme vient justement le souligner la Cour de cassation, la faute de l'employeur ne pouvait que, dans ce cas, trouver son fondement dans le droit de la responsabilité civile. Ce dernier n'ayant pas exécuté ses obligations, il devra verser au salarié des dommages et intérêts dont le montant sera déterminé en fonction du préjudice subi par le salarié. Cette solution devrait aboutir à une somme peu éloignée de celle qu'il aurait touché si l'inaptitude avait régulièrement été déclarée...

Décision

Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-40.039, Société JP Ryckaert, FS-P+B (N° Lexbase : A4093D7Q)

Cassation partielle de CA Versailles, 5ème ch., sect. B, 26 octobre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 122-24-4 (N° Lexbase : L1401G9R) et R. 241-51 (N° Lexbase : L9928ACP)

Mots clefs : salarié inapte ; seconde visite médicale ; omission de la référence à l'article L. 241-51 du Code du travail ; poursuite de la suspension du contrat de travail ; impossibilité de faire application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail ; refus de verser au salarié ses salaires ; faute de l'employeur ; indemnisation du salarié.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Les conditions de renouvellement du CDD : entre classicisme et évolution potentielle

Réf. : Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-40.093, Mme Christel Katz, FS-P+B (N° Lexbase : A4095D7S)

Lecture: 7 min

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Les conditions et le régime juridique des contrats de travail à durée déterminée ont été fortement encadrés dans le Code du travail, notamment afin d'éviter qu'il puisse y être fait recours dans le dessein de pourvoir à des emplois durables de l'entreprise. Pourtant, certaines activités nécessitent que ces règles soient aménagées, si bien que le législateur a, parfois, introduit des régimes dérogatoires au "droit commun" des CDD. C'est sur l'un de ces statuts particuliers, celui des contrats à durée déterminée conclus entre un médecin et un établissement de soin privé à but non lucratif, que la Chambre sociale de la Cour de cassation était amenée à se prononcer, par un arrêt rendu le 12 mars 2008. Il lui était posé la question de savoir si les règles habituelles du renouvellement du contrat à durée déterminée étaient applicables à ce contrat dérogatoire. La Cour tire des conclusions des plus classiques du caractère exceptionnel de ce contrat à durée déterminée (I), même si l'on peut percevoir, dans son raisonnement, les germes d'une évolution potentielle s'agissant, d'une manière plus générale, des règles gouvernant le renouvellement de tout CDD (II).
Résumé

Si les établissements de santé privés à but non lucratif peuvent, par dérogation aux dispositions des articles L. 122-1 (N° Lexbase : L5451ACU), L. 122-1-1 (N° Lexbase : L9607GQU) et L. 122-1-2 (N° Lexbase : L9608GQW) du Code du travail, recruter des praticiens par contrat à durée déterminée pour une période égale, au plus, à quatre ans, les conditions de renouvellement de ces contrats doivent donner lieu à un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu et répondre, à l'exception de la disposition relative à l'énonciation du motif du recours, aux exigences de l'article L. 122-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9625GQK).

Commentaire

I - Les médecins engagés par des établissements de santé privés à but non lucratif : un CDD d'exception

  • Les conditions classiques des contrats à durée déterminée

Le législateur a doté le contrat de travail à durée déterminée de conditions relativement strictes, surtout si on les compare au consensualisme et la liberté contractuelle persistants du contrat de travail à durée indéterminée.

Ainsi, les articles L. 122-1-1 et L. 122-2 (N° Lexbase : L5454ACY) du Code du travail prévoient un nombre restreint de motifs que l'employeur peut invoquer, afin de conclure un tel contrat, l'ensemble s'inscrivant dans l'objectif que ce contrat ne puisse "avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise" (1). De la même manière, le législateur impose que le contrat à durée déterminée soit rédigé par écrit et comporte un certain nombre de clauses obligatoires (2). Le Code a, enfin, encadré la durée de ces contrats de travail qui, habituellement, ne peuvent dépasser une durée de dix-huit mois (3).

  • Les contrats à durée déterminée dérogatoire des médecins employés par des établissements de soin à but non lucratif

Il advient, pourtant, de manière exceptionnelle, que cette durée maximale ait été aménagée. Tout d'abord, l'article L. 122-1-2, II, du Code du travail prévoit certaines hypothèses dans lesquelles cette durée maximale peut être, selon les cas, réduite ou accrue. Ensuite, la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation a permis, dans le cas de contrats de travail assortis d'un terme dit incertain ou de renouvellement de contrats permettant de parer l'absence d'un salarié, que la durée totale d'exécution du contrat excède les dix-huit mois (4). Enfin, certains secteurs spécifiques ont amené le législateur à introduire des exceptions particulières pour certaines relations de travail.

Cela fut, notamment, le cas pour les médecins engagés par des établissements de santé privés à but non lucratif, pour lesquels l'ancien article L. 715-7 du Code du travail devenu, au gré d'une ordonnance du 2 mai 2005 (ordonnance n° 2005-406, simplifiant le régime juridique des établissements de santé N° Lexbase : L3453G8E), l'article L. 6161-7, alinéa 4, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9911G8L), prévoit une durée maximale de quatre années (5).

Ce texte comporte, en réalité, une double dérogation au régime des contrats à durée déterminée de droit commun puisque, en sus de l'allongement de la durée maximale à quatre ans, le Code de la santé publique permet expressément de déroger aux articles du Code du travail imposant l'existence d'un cas de recours précis au contrat à durée déterminée. L'énumération des dérogations au régime de droit commun s'arrête, cependant, là et il n'est, par exemple, pas permis à ces entreprises de déroger aux dispositions de l'article L. 122-3-1, exigeant que le contrat soit rédigé par écrit et qu'il comporte certaines clauses obligatoires.

  • En l'espèce

Dans cette affaire, un praticien hospitalier avait été recruté par un établissement de soin à but non lucratif en remplacement d'une salariée en congé parental. Le contrat initial avait donné lieu à deux renouvellements portant la durée totale de la relation de travail à un peu moins de trois ans. L'exigence d'une durée maximale de quatre ans était bien respectée. La salariée saisit, néanmoins, le conseil de prud'hommes, afin de voir requalifiée la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, principalement en raison du non-respect des règles relatives au renouvellement des contrats de travail à durée déterminée.

Adoptant une interprétation particulièrement large des dispositions du Code de la santé publique, la cour d'appel de Versailles estima que "les dérogations générales, ainsi prévues, aux principes fondamentaux du régime du contrat de travail à durée déterminée permettent de déroger au formalisme du renouvellement du contrat à durée déterminée prévu par l'article L. 122-1-2 [du Code du travail], selon lequel les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu".

  • Le formalisme du renouvellement applicable à ces contrats dérogatoires

La Chambre sociale de la Cour de cassation sanctionne, fort logiquement, une telle argumentation, en estimant que, si ces relations de travail spécifiques bénéficient d'un régime dérogatoire en matière de durée du contrat et de cas de recours, "les conditions de renouvellement des contrats à durée déterminée ainsi conclus doivent donner lieu à un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu et répondre, à l'exception de la disposition relative à l'énonciation du motif du recours, aux exigences de l'article L. 122-3-1 du Code du travail".

Les règles relatives au renouvellement du contrat de travail à durée déterminée sont édictées par l'article L. 122-1-2 du Code du travail, lequel est, également, le siège de la détermination de la durée maximale de droit commun. Un raisonnement un peu rapide pouvait laisser penser que, puisque le Code de la santé publique dérogeait à ces limites maximales de durée, c'était, en réalité, une dérogation intégrale à l'article du Code du travail qui était opérée, excluant ainsi le formalisme du renouvellement. Néanmoins, deux arguments très nets inclinaient à ne pas exclure ces règles.

  • Retour à l'interprétation des règles édictées par le législateur

Le premier argument relève d'une lecture exégétique du quatrième alinéa de l'article L. 6161-7 du Code de la santé publique. Le texte dispose, en effet, que les établissements de santé peuvent "par dérogation aux dispositions des articles L. 122-1, L. 122-1-1 et L. 122-1-2 du Code du travail, recruter des praticiens par contrat à durée déterminée pour une période égale au plus à quatre ans". Le législateur fait donc référence, d'un côté, à des articles du Code du travail intégralement exclus du régime de ces contrats et, de l'autre, à une simple règle de fond relative à la durée maximale. S'il avait souhaité exclure l'intégralité des règles comportées par l'article L. 122-3-1 du Code du travail, il ne se serait pas limité à préciser que la durée était allongée jusqu'à un délai de quatre ans (6).

Le second argument relève des règles classiques d'interprétation. Les juges d'appel avaient, en effet, probablement omis, à l'occasion de leur décision, que l'une des règles les plus élémentaires de l'interprétation des lois réside dans l'adage exceptio est strictissimae interpretationis, en vertu duquel les exceptions doivent toujours s'interpréter strictement. Autrement dit, si le législateur avait souhaité cantonner le régime dérogatoire des contrats à durée déterminée de ces médecins à l'existence d'un motif et à une durée maximale étendue, il n'était pas du ressort du juge d'étendre ce régime exceptionnel au formalisme imposé par le régime de droit commun en cas de renouvellement du contrat.

II - D'une interprétation stricte des textes vers un renforcement du formalisme du renouvellement des CDD ?

  • Les règles du Code du travail relatives au renouvellement du contrat

Il reste que la formule employée par la Chambre sociale de la Cour de cassation peut paraître, à l'analyse, un peu insuffisante en ce qu'elle pourrait donner l'impression qu'elle comporte, en germe, une évolution du régime du renouvellement des contrats de travail à durée déterminée.

En effet, les Hauts magistrats estiment que le renouvellement doit "donner lieu à un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu". Par le caractère restrictif de cette formule, la Chambre sociale laisse de côté l'autre hypothèse habituellement reconnue aux parties pour prévoir un renouvellement, celle d'une clause spécifique prévue dans le contrat initial (7). Cette faculté est aussi bien prévue par l'article L. 122-1-2, I, du Code du travail, que par la circulaire relative au contrat de travail à durée déterminée et au travail temporaire édictée en application de la loi du 12 juillet 1990 ayant introduit ce texte dans le code.

Au sujet du contrat initial, la Cour se contente de rappeler que l'article L. 122-3-1 impose qu'une telle clause soit présente dans le contrat de travail initial pour qu'il puisse être renouvelé, à l'image de ce qui se produit en matière de période d'essai, qui ne peut être renouvelée que si le principe initial d'un tel renouvellement avait été envisagé (8). Mais la formulation alternative de l'article L. 122-1-2, I, laissait jusqu'ici penser qu'une telle clause pouvait se suffire à elle-même, sans que la conclusion d'un avenant soit indispensable.

  • Un potentiel renforcement du formalisme des renouvellements de contrats à durée déterminée

Il n'est évidemment pas question de considérer qu'une argumentation si restrictive soit le signe de l'évincement de l'obligation de prévoir le principe du renouvellement dans le contrat de travail initial, d'autant que la Chambre sociale fait expressément référence à ces clauses impératives.

En revanche, il est possible d'interpréter la solution en ce que la Chambre sociale entendrait renforcer, à l'avenir, le formalisme du renouvellement du contrat à durée déterminée en exigeant systématiquement qu'un avenant soit conclu avant l'expiration de la durée initiale.

On sait que, jusqu'à présent, la Cour de cassation, comme les juridictions du fond, n'exigeaient pas, de manière indispensable, qu'un tel avenant soit conclu (9). Là encore, le mécanisme du renouvellement de la période d'essai pourrait être imité, puisqu'il est conditionné par l'accord exprès du salarié (10). La rationalité de l'encadrement du renouvellement du contrat de travail à durée déterminée et de la période d'essai sont très proches puisqu'il s'agit, dans les deux cas, de se prémunir contre une forme de fraude à la durée maximale de ces périodes. Ce double formalisme aurait, alors, pour principale vertu, de s'assurer que le contrat de travail initial ne comporte pas une durée bien plus longue qu'il ne le prévoit, le renouvellement étant finalement décidé dès le départ de la relation.


(1) C. trav., art. L. 122-1.
(2) C. trav., art. L. 122-3-1.
(3) C. trav., art. L. 122-1-2, II.
(4) Sur ce dernier point, v., Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 95-43.101, Société Nice Matin c/ Mme Vaché Irjud, publié (N° Lexbase : A1155AAZ), D., 1998, p. 126, note J. Mouly ; Cass. soc., 8 février 2006, n° 04-41.279, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Centre France c/ Mlle Sandrine Larue, FS-P+B (N° Lexbase : A8510DM7) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Réduction du champ de la requalification en matière de contrat à durée déterminée : illustration, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4848AKR).
(5) Ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005, simplifiant le régime juridique des établissements de santé (N° Lexbase : L3453G8E).
(6) Lequel texte prévoit que "ce contrat peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée [...]. Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu".
(7) V., circulaire DRT n° 18/90 du 30 octobre 1990, travail, emploi et formation professionnelle (N° Lexbase : L2859AIQ).
(8) Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 96-41.579, Mme Champion c/ M. Zowczak (N° Lexbase : A4570AGD), RJS, 1998, p. 881, n° 1442 ; Cass. soc., 17 février 1999, n° 97-41.012, Mme Christine Journois c/ Société Les Airelles, société à responsabilité limitée (N° Lexbase : A3071AGT).
(9) Pour la Cour de cassation, v., Cass. soc., 10 juin 1992, n° 88-43.688, ECOFIH c/ Mme Pierron (N° Lexbase : A1556AAU). Pour les juridictions du fond, v., CA Aix-en-Provence, 16 mai 1988 ; CA Paris, 30 septembre 1988 ; CA Paris, 6 octobre 1989.
(10) Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-46.406, Mlle Andrea Guidoni c/ Société Générale, F-P+B (N° Lexbase : A6142DNS) et nos obs., L'accord exprès du salarié au renouvellement de la période d'essai, Lexbase Hebdo n° 208 du 30 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6317AK8).

Décision

Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-40.093, Mme Christel Katz, FS-P+B (N° Lexbase : A4095D7S)

Cassation partiellement sans renvoi, CA Versailles, 17ème ch., 27 octobre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 122-1-2 (N° Lexbase : L9608GQW), L. 122-3-1 (N° Lexbase : L9625GQK), L. 122-3-10 (N° Lexbase : L9643GQ9) ; C. santé publ., art. L. 6161-7 (N° Lexbase : L9911G8L)

Mots-clés : contrat de travail à durée déterminée ; régime dérogatoire ; médecins employés par des établissements de santé à but non lucratif ; renouvellement ; formalisme.

Liens base :

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Preuve de la représentativité et régularité des opérations électorales

Réf. : Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-60.282, Syndicat Sud commerces et services Ile-de-France c/ Société Lehwood Montparnasse et a., F-P+B (N° Lexbase : A4115D7K)

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N4628BE7

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Lorsque le juge de l'élection est saisi d'une demande d'annulation des élections par un syndicat, qui ne bénéficie pas de la présomption légale de représentativité et qui fait valoir que ses candidats ont été écartés au premier tour des élections, il lui appartient d'apprécier la représentativité de ce syndicat, seule de nature à avoir une influence sur la régularité des élections, à la date du dépôt des listes de candidatures. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 mars dernier. Si cette position n'est pas nouvelle, elle n'en continue pas moins de susciter d'importantes interrogations. En effet, alors même qu'elle paraît préserver les prérogatives des syndicats représentatifs en matière d'élections professionnelles, elle laisse entendre que le fait, pour un employeur, de retirer les listes présentées par un syndicat, ne bénéficiant pas d'une représentativité par affiliation, n'entraîne pas nécessairement l'annulation des élections. Pourtant, la Chambre sociale a pu décider, par le passé, qu'un syndicat ne peut être écarté du processus électoral tant qu'il n'a pas été statué sur sa représentativité.
Résumé

Il appartient au tribunal saisi d'une demande d'annulation des élections par un syndicat, qui ne bénéficie pas de la présomption légale de représentativité et qui fait valoir que ses candidats ont été écartés au premier tour des élections, d'apprécier la représentativité de ce syndicat, seule de nature à avoir une influence sur la régularité des élections, à la date du dépôt des listes de candidatures.

Commentaire

1. L'exigence de représentativité

  • Monopole syndical au premier tour des élections

Si les syndicats ont le monopole de la présentation des listes de candidats au premier tour des élections professionnelles, cette prérogative est réservée aux seuls syndicats représentatifs (C. trav., art. L. 423-2 N° Lexbase : L6360ACK, L. 423-14 N° Lexbase : L6374AC3, L. 433-2 N° Lexbase : L9121HD8 et L. 433-10 N° Lexbase : L6427ACZ).

De manière fort classique, il convient de distinguer selon que le syndicat est affilié, ou non, à une confédération reconnue représentative sur le plan national. Dans le premier cas, le syndicat est, de plein droit, considéré représentatif, tandis que, dans le second, il doit faire la preuve de sa représentativité.

  • Preuve de la représentativité

Il importe, tout d'abord, de rappeler qu'un syndicat n'a à prouver sa représentativité qu'en cas de contestation. En d'autres termes, le syndicat n'est jamais tenu de l'établir a priori (1) et, si elle n'est pas contestée, il n'aura jamais à la prouver (2).

Ensuite, et pour en venir au cas particulier qui nous intéresse, la preuve de la représentativité doit, conformément au principe de concordance, être établie dans l'entreprise ou l'établissement (3) et dans chacun des collèges où le syndicat présente des candidats (Cass. soc., 8 novembre 1988, n° 87-60.326, Syndicat national des cadres supérieurs de la SNCF et autre c/ M. Durand et autres N° Lexbase : A1487AAC).

En outre, il est de jurisprudence constante que la représentativité doit être appréciée à la date du dépôt des candidatures (v., notamment, Cass. soc., 21 septembre 1993, n° 92-60.253, Syndicat démocratique des banques BNP Paris c/ Syndicat CFDT du personnel de banques et sociétés financières de la région parisienne N° Lexbase : A2471CY8). Il en résulte que le juge doit se placer avant les élections pour déterminer si une organisation peut présenter des candidats à cette élection et non tirer du résultat de ces élections la preuve de la représentativité.

Si les règles qui viennent d'être évoquées sont claires, leur mise en oeuvre pratique suscite d'importantes difficultés. Celles-ci sont, principalement, liées au fait que, bien souvent, les opérations électorales s'ouvrent alors que le juge ne s'est pas encore prononcé sur la représentativité du syndicat. La tentation peut être grande, alors, pour l'employeur d'écarter purement et simplement la liste de candidats présentée par le syndicat.

C'est, semble-t-il, ce qui s'était passé dans l'espèce rapportée. En effet, consécutivement à la mise à l'écart, par l'employeur, de la liste de candidats qu'il avait présentée dans le cadre des élections de délégués du personnel et du comité d'entreprise, le syndicat Sud commerces et services avait saisi le tribunal d'instance, après le déroulement du scrutin, d'une demande en annulation des élections.

2. L'annulation des élections pour défaut de représentativité

  • Le rôle du juge de l'élection

Pour débouter le syndicat de sa demande en annulation, le tribunal d'instance avait énoncé que, à la date du dépôt des candidatures, le syndicat Sud commerces et services n'avait pas encore été déclaré judiciairement représentatif et qu'il ne pouvait donc présenter de listes de candidats, ni solliciter sur ce moyen l'annulation des élections. Il est, pour le moins, difficile de se satisfaire d'une telle décision qui, d'une part, conduit, éventuellement, à dénier à un syndicat représentatif le droit d'exercer une prérogative légale et qui, d'autre part, revient à valider le comportement d'un employeur qui, en quelque sorte, se fait justice à lui-même.

Aussi, ne s'étonnera-t-on pas que la Cour de cassation vienne censurer le jugement déféré au visa des articles L. 133-2 (N° Lexbase : L5695ACW), L. 433-11 (N° Lexbase : L6428AC3), L. 435-6 (N° Lexbase : L6451ACW) et L. 423-15 (N° Lexbase : L6375AC4) du Code du travail et sur le fondement du motif de principe reproduit ci-dessus. Ce faisant, la Chambre sociale vient préciser l'office du juge de l'élection saisi d'une demande d'annulation par un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité et qui fait valoir que ses candidats ont été écartés au premier tour des élections.

Dans une telle hypothèse, le tribunal d'instance se doit d'apprécier la représentativité de ce syndicat à la date du dépôt des listes de candidatures, qui est seule de nature à avoir une influence sur la régularité des élections. Cette solution n'est pas nouvelle et avait déjà été énoncée, dans des termes très proches, dans une décision en date du 13 septembre 2005 (Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 04-60.449, Société Renault c/ Syndicat Sud Renault Cergy Pontoise N° Lexbase : A4543DKH, Dr. soc., 2006, p. 235, obs. P.-Y. Verkindt). Elle n'en suscite, pas moins, d'importantes interrogations.

  • Une solution problématique

On peut, de prime abord, se satisfaire de la solution retenue par la Cour de cassation, dans la mesure où, à l'évidence, elle préserve les prérogatives des syndicats représentatifs lors des élections professionnelles. Toutefois, on peut juger critiquable l'affirmation selon laquelle seule la représentativité du syndicat à la date du dépôt des listes de candidats est de nature à avoir une influence sur la régularité des élections. En effet, et sauf à se méprendre sur le sens de la solution retenue, la Cour de cassation tend, par là même, à signifier que le fait pour un employeur de retirer les listes présentées par un syndicat ne bénéficiant pas d'une représentativité par affiliation n'entraîne pas nécessairement l'annulation des élections.

Ainsi que n'ont pas manqué de le souligner certains auteurs, cette position paraît difficile à concilier avec l'affirmation antérieure qu'un syndicat ne peut être écarté du processus électoral tant qu'il n'a pas été statué sur sa représentativité (4). Au vu de l'arrêt rapporté, on est, en réalité, tenté de considérer que cette dernière jurisprudence n'a plus lieu d'être aujourd'hui (5).

Cela est quelque peu gênant, dans la mesure où l'on peut se demander si cela ne revient pas à autoriser, peu ou prou, l'employeur à se faire juge de la validité d'une candidature (6). Sans doute, n'est-ce pas le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation puisque, en tout état de cause, le dernier mot reviendra au juge.

Il n'en reste pas moins vrai que, dans l'hypothèse où un employeur écarterait une liste de candidats présentée par un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité, les élections ne seront pas annulées si le juge de l'élection constate lui-même que, au moment du dépôt de la liste de candidats, ce syndicat n'était pas représentatif (7). Dans une telle situation, l'employeur fait, en quelque sorte, un "pari sur l'avenir". Aussi serait-il, sans doute, préférable qu'il saisisse le juge d'une contestation de la représentativité de ce syndicat et attende la décision de ce dernier avant de lancer le processus électoral.


(1) C'est-à-dire avant d'exercer la prérogative qui y est attachée. Appliqué à l'hypothèse qui nous intéresse, cela signifie que le syndicat n'a pas à prouver sa représentativité avant de déposer une liste de candidats. Cette preuve ne sera exigée que si l'employeur ou une autre organisation syndicale conteste cette représentativité.
(2) V., en ce sens, J. Pélissier, A. Supiot et A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 23ème éd., 2006, p. 670 et la jurisprudence citée.
(3) En fonction du niveau auquel les élections sont organisées.
(4) J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, ouvrage préc., § 621, qui citent : Cass. soc., 9 février 2000, n° 98-60.599, Syndicat Sud Eurest c/ Société Eurest France et a. (N° Lexbase : A6323AGB), Bull. civ. V, n° 61, et Cass. soc., 13 octobre 2004, n° 03-60.236, Société Onyx Languedoc Roussillon c/ Syndicat Sud Collecte Propreté urbaine (N° Lexbase : A6183DDD), RJS, 1/05, n° 60.
(5) Sauf à considérer qu'il faille distinguer selon que la représentativité a été contestée en justice, auquel cas, il conviendrait d'attendre la décision du juge ou que l'employeur s'est contenté d'écarter la liste de candidats présentée par le syndicat sans que sa représentativité ait été contestée.
(6) Alors que la Cour de cassation affirme, par ailleurs, le contraire. V., en dernier lieu, Cass. soc., 26 avril 2006, n° 05-60.285, Société Experian c/ M. Jacques Fritz (N° Lexbase : A2211DPL).
(7) Il est vrai que l'on peut, également, considérer que cette solution découle de la règle prétorienne selon laquelle l'annulation des élections ne peut être prononcée que si l'irrégularité a pu directement influencer les résultats (v., par ex., Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-60.905, Syndicat CGT Aventis Propharm c/ Société Aventis Propharm (N° Lexbase : A7967BSU). Si l'employeur a commis une irrégularité en écartant de son propre chef la liste litigieuse, cette irrégularité n'a pas eu d'effet direct sur les résultats, puisque le juge a, lui-même, constaté que le syndicat n'était pas représentatif.


Décision

Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-60.282, Syndicat Sud commerces et services Ile-de-France c/ Société Lehwood Montparnasse et a., F-P+B (N° Lexbase : A4115D7K)

Cassation de TI Paris, 13ème (contentieux des élections professionnelles), 3 mai 2007

Textes visés : C. trav., art. L. 133-2 (N° Lexbase : L5695ACW), L. 433-11 (N° Lexbase : L6428AC3), L. 435-6 (N° Lexbase : L6451ACW) et L. 423-15 (N° Lexbase : L6375AC4)

Mots-clefs : élections professionnelles ; premier tour ; listes de candidats ; syndicat représentatif ; preuve de la représentativité ; annulation des élections ; rôle du juge.

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Social général

[Jurisprudence] Une discrimination positive au profit des femmes est contraire au droit communautaire

Lecture: 8 min

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La question des discriminations génère une production normative aussi volumineuse que récurrente, en droit communautaire comme en droit interne. En témoigne l'adoption par l'Assemblée nationale, le 25 mars 2008, d'un projet de loi transcrivant en droit français trois Directives destinées à lutter contre les discriminations (origine, âge, sexe, orientation sexuelle, engagement syndical, santé et handicap...). L'ordonnance rendue par la Cour de justice des Communautés européennes (septième chambre, affaires jointes C-128/07 à C-131/07) le 16 janvier 2008 montre que les inégalités entre hommes et femmes sont observées aussi bien en France que dans d'autres pays membres (en l'espèce, l'Italie). Les demandes de décision préjudicielle portaient sur l'interprétation de la Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH) (à laquelle la Cour avait déjà procédé, voir, CJCE, 21 juillet 2005, aff. C-207/04, Paolo Vergani c/ Agenzia Entrate Ufficio Arona N° Lexbase : A1660DKP, Rec. p. I-7453 (1) ) et de la Directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 (Directive (CE) 79/7 du Conseil du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de Sécurité sociale N° Lexbase : L9364AUD). La CJCE, par son arrêt rendu le 21 juillet 2005, avait, alors, décidé que la Directive 76/207/CEE doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition qui accorde aux travailleurs qui ont atteint l'âge de 50 ans, s'il s'agit de travailleurs féminins, et de 55 ans, s'il s'agit de travailleurs masculins, à titre d'incitation au départ volontaire, un avantage constitué par l'imposition à un taux réduit de moitié des sommes allouées à l'occasion de la cessation de la relation de travail. En l'espèce, les demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant des salariés ayant adhéré à un dispositif de préretraite, tous de sexe masculin, aux services fiscaux italiens, à propos du refus de ceux-ci de leur accorder une réduction fiscale sur les sommes qu'ils avaient reçues de leur employeur au titre de l'"incitation au départ volontaire" (équivalent du dispositif français des préretraites).

Résumé

Il incombe aux autorités de l'Etat membre concerné de prendre les mesures générales ou particulières propres à assurer, sur leur territoire, le respect du droit communautaire. Ces autorités conservent le choix des mesures à prendre pour que le droit national soit mis en conformité avec le droit communautaire et qu'il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent de ce dernier. Lorsqu'une discrimination contraire au droit communautaire a été constatée, aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d'appliquer aux membres de la catégorie défavorisée le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l'autre catégorie.

I - Qualification juridique d'une réduction fiscale sur une incitation au départ volontaire

Les demandeurs avaient reçu, entre les mois de mai et de novembre de l'année 2002, à la suite de la cessation de leur relation de travail avec leur employeur, des sommes versées à titre d'incitation au départ volontaire. Ils étaient, alors, âgés de 53 à 54 ans. L'employeur a précompté la retenue au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sans appliquer la réduction de 50 % prévue à l'article 17 § 4 bis, du décret présidentiel n° 917/86. En se fondant sur l'arrêt "Vergani" (précité) les demandeurs ont saisi les services fiscaux italiens aux fins d'obtenir le remboursement de la moitié des sommes qui ont été retenues par l'employeur au titre dudit impôt. Les services fiscaux n'ayant pas fait droit à leurs demandes, ils ont, alors, introduit devant la juridiction de renvoi des recours. Les services fiscaux ont soutenu que, dans l'arrêt "Vergani", la CJCE s'est bornée à affirmer l'illégalité de la fixation de limites d'âge différentes pour les hommes et les femmes aux fins de bénéficier d'un avantage fiscal, mais elle ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si le législateur italien aurait dû étendre aux hommes âgés de 50 à 55 ans le bénéfice de la réduction fiscale accordée aux femmes relevant de cette même tranche d'âge.

La Commission a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE les questions préjudicielles suivantes : l'arrêt "Vergani" doit-il être interprété en ce sens que le législateur italien aurait dû étendre aux hommes le bénéfice de la limite d'âge plus favorable reconnu aux femmes ? Convient-il, en l'espèce, de dire pour droit qu'il y a lieu d'appliquer, dès l'âge de 50 ans pour les hommes, aux indemnités versées au titre de l'incitation au départ volontaire un taux d'imposition égal à 50 % de celui qui est appliqué pour l'imposition du traitement de fin de relation de travail ?

A - Critères de la qualification de la réduction fiscale

La loi n° 155 du 23 avril 1981 autorise les salariés à bénéficier de l'admission à la préretraite à l'âge de 55 ans pour les hommes et de 50 ans pour les femmes. L'article 17 § 4 bis du décret n° 917 du président de la République, du 22 décembre 1986 (tel que modifié par le décret législatif n° 314 du 2 septembre 1997) dispose que, pour les sommes versées à l'occasion de la cessation de la relation de travail, afin d'encourager le départ volontaire des travailleurs qui ont atteint l'âge de 50 ans pour les femmes et de 55 ans pour les hommes, visées à l'article 16 § 1-a, l'impôt s'applique au taux égal à la moitié de celui qui est appliqué pour l'imposition du traitement de fin de relation de travail et des autres indemnités et sommes mentionnées au § 1-a, de l'article 16.

B - Effets de la qualification : impossibilité de déroger au droit communautaire (Directive 79/7)

L'article 7 § 1-a de la Directive 79/7 dispose que la prohibition de toute discrimination ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les Etats membres d'exclure de son champ d'application la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations.

La juridiction de renvoi italienne demande à la CJCE si les sommes versées au titre de l'incitation au départ volontaire ont le caractère de prestations de sécurité sociale et si, par conséquent, la différence de traitement entre les hommes et les femmes en cause au principal est susceptible d'être couverte par la dérogation prévue à l'article 7 § 1- a de la Directive 79/7. Celui-ci ne peut, selon la CJCE (arrêt rapporté, point 26) s'appliquer qu'à la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations relevant de la Sécurité sociale.

Or, la CJCE avait déjà jugé (arrêt "Vergani", précité, point 33) que cette exception à l'interdiction de discriminations fondées sur le sexe n'est pas applicable à un allègement fiscal, tel que celui prévu à l'article 17 § 4 bis du décret présidentiel n° 917/86, qui ne constitue pas une prestation de sécurité sociale. En conséquence, selon la CJCE (arrêt rapporté), la dérogation prévue à l'article 7 § 1-a de la Directive 79/7 n'est pas applicable à une mesure fiscale telle que celle prévue à l'article 17 § 4 bis du décret présidentiel n° 917/86.

II - Une discrimination positive (au profit des femmes) est contraire au droit communautaire

La juridiction de renvoi demande, en substance, quelles sont les obligations que l'arrêt "Vergani" impose au législateur italien et si il est tenu d'écarter l'article 17 § 4 bis du décret présidentiel n° 917/86 et d'appliquer aux hommes âgés de 50 à 55 ans, à la date du versement des sommes allouées au titre de l'incitation au départ volontaire, le même régime fiscal que celui réservé aux femmes pour l'imposition de telles sommes.

A - Le régime fiscal des préretraites italiennes est contraire au principe d'égalité hommes-femmes

La CJCE avait jugé que l'article 5 § 1 de la Directive 76/207 ne confère nullement aux Etats membres la faculté de soumettre à des conditions ou de restreindre l'application du principe de l'égalité de traitement dans son champ d'application propre.

Cette disposition est suffisamment précise et inconditionnelle pour être invoquée par les particuliers devant les juridictions nationales et permettre à ces dernières d'écarter l'application de toute disposition nationale non conforme à l'article 5 § 1 (CJCE, 26 février 1986, aff. C-152/84, M. H. Marshall c/ Southampton and South-West Hampshire Area Health Authority (Teaching) N° Lexbase : A7241AHN, (2), Rec. p. 723, point 55 (3)).

Dans l'arrêt "Vergani", la CJCE avait décidé que la Directive 76/207 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition telle que celle prévue par l'article 17 § 4 bis du décret présidentiel n° 917/86 (qui accorde aux travailleurs qui ont atteint l'âge de 50 ans, s'il s'agit de travailleurs féminins, et de 55 ans, s'il s'agit de travailleurs masculins, au titre de l'incitation au départ volontaire, un avantage constitué par l'imposition à un taux réduit de moitié des sommes allouées à l'occasion de la cessation de la relation de travail).

Il faut noter que la situation en droit interne français est totalement différente. Non seulement le régime fiscal des préretraites ne discrimine pas selon l'appartenance du salarié à un sexe ou à un autre, mais en plus, depuis 2003, le législateur, le pouvoir réglementaire et les partenaires sociaux se sont engagés dans la voie d'une politique de vieillissement actif, se traduisant, notamment, par un durcissement du régime social et fiscal des indemnités versées au titre des préretraites. Ainsi, l'article L. 137-10 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7769DKX) institue, à la charge des employeurs et au profit du Fonds de solidarité vieillesse, une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés à d'anciens salariés directement par l'employeur (4). Le taux de cette contribution est actuellement fixé à 24,15 %, en application d'un mécanisme prévu par le II de l'article L. 137-10. L'article 16 VIII et IX de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 modifie ce dispositif, en portant le taux de cette contribution à 50 % (loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la sécurité sociale pour 2008 N° Lexbase : L5482H3G).

B - Conséquences attachées à la reconnaissance du caractère discriminatoire du régime fiscal des préretraites italiennes

En cas d'incompatibilité d'une législation nationale avec le droit communautaire, il incombe aux autorités de l'Etat membre concerné de prendre les mesures générales ou particulières propres à assurer sur leur territoire le respect du droit communautaire (CJCE, 7 janvier 2004, aff. C-201/02, The Queen, à la demande de Delena Wells, c/ Secretary of State for Transport, Local Government and the Regions N° Lexbase : A8562DAD (5), Rec. p. I-723, points 64 et 65 (6) ; CJCE, 25 mars 2004, aff. C-495/00, Azienda Agricola Giorgio, Giovanni e Luciano Visentin e.a c/ Azienda di Stato per gli interventi nel mercato agricolo (AIMA) N° Lexbase : A6164DBW, Rec. p. I-2993, point 39 (7) ; CJCE, 21 juin 2007, aff. C-231/06, Office national des pensions c/ Emilienne Jonkman, non encore publié au Recueil, point 38 N° Lexbase : A8522DWK (8)).

Ces autorités conservent le choix des mesures à prendre pour que le droit national soit mis en conformité avec le droit communautaire et qu'il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent de ce dernier (CJCE, 21 juin 2007, Jonkman e.a., précité, point 38).

Selon la CJCE, dans des cas de discriminations contraires au droit communautaire, aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le respect du principe d'égalité ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée.

Le juge national est, alors, tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l'autre catégorie (CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-408/92, Constance Christina Ellen Smith et autres c/ Avdel Systems Ltd N° Lexbase : A0014AWG, Rec. p. I-4435, points 16 et 17 (9) ; CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-442/00, Rodríguez Caballero (10), Rec. p. I-11915, points 42 et 43 (11) ; CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-81/05, Anacleto Cordero Alonso c/ Fondo de Garantía Salarial (Fogasa) [LXB= A9492DQM], Rec. p. I-7569, points 45 et 46 (12) ; CJCE, 21 juin 2007, Jonkman e.a., préc., point 39 (13)).

Pour conclure, à la suite de l'arrêt "Vergani", dont découle l'incompatibilité d'une législation nationale avec le droit communautaire, il incombe aux autorités de l'Etat membre concerné de prendre les mesures générales ou particulières propres à assurer, sur leur territoire, le respect du droit communautaire, lesdites autorités conservant le choix des mesures à prendre pour que le droit national soit mis en conformité avec le droit communautaire et qu'il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent de ce dernier. Lorsqu'une discrimination contraire au droit communautaire a été constatée, aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d'appliquer aux membres de la catégorie défavorisée le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l'autre catégorie.


(1) Voir, L. Idot, Egalité de traitement et imposition d'une indemnité de départ, Europe, 2005, octobre, nº 339, p. 24 ; F. Kessler, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2005, p. 832-835 ; J. Cavallini, Discrimination fiscale découlant d'une différence quant à l'âge légal de départ en préretraite, Revue de droit fiscal, 2006, Comm. 71, p. 169 ; J. Viegas, L'exception autorisant les Etats membres à exclure les règles de fixation de l'âge de la retraite du champ d'application de la directive sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale est d'interprétation stricte, Gazette du Palais, 2006, nº 102, I, Jur. p. 33.
(2) Voir, S. Atkins, Equal Treatment and Retirement Age, The Modern Law Review, 1986, p. 508-513.
(3) L'article 55 de la Directive 76/2007 ne confère nullement aux Etats membres la faculté de conditionner ou de restreindre l'application du principe de l'égalité de traitement dans son champ d'application propre. En l'espèce, la disposition est suffisamment précise et inconditionnelle pour être invoquée par les particuliers devant les juridictions nationales pour écarter l'application de toute disposition nationale non conforme (arrêt préc., point 55.
(4) Lire nos obs., LFSS 2008 : réforme des exonérations de charges sociales et des mesures d'âge, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6093BDZ).
(5) Voir D. Simon, Effet direct et primauté, Europe, 2004, Comm., nº 63 p. 12-13.
(6) Il ressort d'une jurisprudence constante que, en vertu du principe de coopération loyale prévu à l'article 10 CE , les Etats membres sont tenus d'effacer les conséquences illicites d'une violation du droit communautaire (CJCE, 16 décembre 1960, aff. C-6/60, Jean-E. Humblet c/ Etat belge N° Lexbase : A2332AWB, Rec. p. 1125, 1146 ; CJCE, 19 novembre 1991, aff. C-6/90, Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres c/ République italienne N° Lexbase : A5783AYT, Rec. p. I-5357, point 36). Une telle obligation incombe, dans le cadre de ses compétences, à chaque organe de l'Etat membre concerné (CJCE, 12 juin 1990, aff. C-8/88, République fédérale d'Allemagne c/ Commission des Communautés européennes, Rec. p. I-2321, point 13). Il appartient aux autorités compétentes d'un Etat membre de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires, générales ou particulières, pour que les projets soient examinés, afin de déterminer s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et, dans l'affirmative, qu'ils soient soumis à une étude de celles-ci (CJCE, 24 octobre 1996, aff. C-72/95, Aannemersbedrijf P.K. Kraaijeveld BV e.a. c/ Gedeputeerde Staten van Zuid-Holland [LXB= A4978AWB], Rec. p. I-5403, point 61).
(7) Conformément aux principes généraux qui sont à la base de la Communauté et qui régissent les relations entre celle-ci et les Etats membres, il appartient à ces derniers, en vertu de l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE), d'assurer, sur leur territoire, l'exécution des réglementations communautaires. Pour autant que le droit communautaire, y compris les principes généraux de celui-ci, ne comporte pas de règles communes à cet effet, les autorités nationales procèdent, lors de l'exécution de ces réglementations, en suivant les règles de forme et de fond de leur droit national (CJCE, 23 novembre 1995, aff. C-285/93, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau c/ Hauptzollamt Rosenheim N° Lexbase : A0117AWA, Rec. p. I-4069, point 26 ; CJCE, 13 avril 2000, aff. C-292/97, MM. Karlsson, Gustafsson et Torarp N° Lexbase : A1937AWN, Rec. p. I-2737, point 27).
(8) A la suite d'un arrêt rendu sur demande de décision préjudicielle dont découle l'incompatibilité d'une législation nationale avec le droit communautaire, il incombe aux autorités de l'Etat membre concerné de prendre les mesures générales ou particulières propres à assurer sur leur territoire le respect du droit communautaire (CJCE, arrêts Wells, 7 janvier 2004, préc., points 64 et 65 ; CJCE, 25 mars 2004, Azienda Agricola Giorgio, Giovanni et Luciano Visentin e.a., préc., point 39). Tout en conservant le choix des mesures à prendre, lesdites autorités doivent, notamment, veiller à ce que, dans les meilleurs délais, le droit national soit mis en conformité avec le droit communautaire et qu'il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent du droit communautaire.
(9) Dans l'arrêt du 7 février 1991, "Nimz" (CJCE, 7 février 1991, aff. C-184/89, Helga Nimz c/ Freie und Hansestadt Hamburg N° Lexbase : A9822AUC, Rec. p. I-297, points 18 à 20), la CJCE a précisé que le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par la négociation collective et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs, régime qui, à défaut d' exécution correcte de l'article 119 du Traité en droit national, reste le seul système de référence valable (point 16). Il en résulte que, une fois qu'une discrimination en matière de rémunération a été constatée par la CJCE et aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées par le régime, le respect de l'article 119 ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée (point 17).
(10) CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-442/00, Angel Rodríguez Caballero c/ Fondo de Garan tía Salarial (Fogasa ) (N° Lexbase : A0414A7H), Recueil 2002, p. I-11915.
(11) Dès lors qu'une discrimination, contraire au droit communautaire, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le respect du principe d'égalité ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Dans une telle hypothèse, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs (CJCE, 7 février 1991, préc., points 18 à 20 ; CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-408/92, Constance Christina Ellen Smith et autres c/ Avdel Systems Ltd N° Lexbase : A0014AWG, Rec. p. I-4435, point 16) (arrêt commenté, point 43).
(12) Dès lors qu'une discrimination, contraire au droit communautaire, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le respect du principe d'égalité ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée (CJCE, 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, préc., point 42) (point 45). Dans une telle hypothèse, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs (CJCE, 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, préc., point 43 et jurisprudence citée). Cette obligation lui incombe indépendamment de l'existence, en droit interne, de dispositions lui conférant la compétence pour le faire (arrêt commenté, point 46).
(13) Aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le respect du principe d'égalité ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Dans une telle hypothèse, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l'autre catégorie (CJCE, 28 septembre 1994, Avdel Systems, préc., points 16 et 17 ; CJCE, 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, préc., points 42 et 43 ; CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-81/05, Anacleto Cordero Alonso c/ Fondo de Garantía Salarial (Fogasa) N° Lexbase : A9492DQM, Rec. p. I-7569, points 45 et 46).

Décision

CJCE, ordonnance, septième chambre, 16 janvier 2008, affaire C-128/07 à C-131/07, Molinari

Textes visés : Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (N° Lexbase : L9232AUH) ; Directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de Sécurité sociale (N° Lexbase : L9364AUD)

Mots-clefs : égalité de traitement entre hommes et femmes ; indemnité de départ ; avantage fiscal octroyé à un âge différent selon le sexe des travailleurs.

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Collectivités territoriales

[Jurisprudence] Des difficultés d'admettre les autorisations de plaider au nom d'une commune

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 3 décembre 2007, n° 300922, M. Scuderim (N° Lexbase : A0224D3P)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

Il est des procédures anciennes assez curieuses dans notre droit des collectivités territoriales, dont la justification du maintien pourrait paraître sujette à discussion. Au rang de celles-ci, figure, notamment, la possibilité pour un contribuable d'une commune de se substituer à sa collectivité défaillante pour engager, en son nom et pour son compte, une action en justice, devant le juge judiciaire ou administratif, qu'il estime nécessaire à la défense des intérêts de la commune. Instaurée sous Louis Philippe (1), cette procédure est, par la suite, tombée en désuétude jusqu'à ce qu'en 1992 le Conseil d'Etat rende plusieurs décisions fondamentales (2), quelques mois après une réforme réalisée par un décret du 26 février 1992 (3) venu modifier la procédure dans le sens de la simplification. La procédure comportait antérieurement deux recours : d'une part, un recours administratif devant le Premier ministre statuant par décret en Conseil d'Etat qui constituait un préalable obligatoire (4) et, d'autre part, un recours juridictionnel devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux contre le décret du Premier ministre. Ce dernier présentait la nature d'un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d'Etat n'exerçant alors qu'un contrôle restreint de l'erreur manifeste d'appréciation. Le décret précité du 26 février 1992 supprime le recours administratif devant le Premier ministre, la décision administrative du tribunal administratif faisant alors l'objet d'un recours contentieux, le Conseil d'Etat tirant les conséquences de ce nouveau régime, tant du point de vue du recours juridictionnel que des conditions d'obtention de l'autorisation de plaider (5).

Depuis une dizaine d'années, son utilisation est ainsi devenue plus fréquente, jusqu'à alimenter un contentieux relativement abondant. Régie aujourd'hui par les articles L. 2132-5 (N° Lexbase : L8673AAH) à L. 2132-7 du Code général des collectivités territoriales, cette "autorisation de plaider" oblige le contribuable à un dialogue avec la collectivité. Il lui adresse, en effet, une demande d'exercer une action, qui est examinée par le conseil municipal. Si ce dernier a refusé, explicitement ou implicitement, d'exercer l'action, le contribuable adresse alors un mémoire au tribunal administratif, qui statue comme autorité administrative (6). Le maire soumet ce mémoire au conseil municipal lors de sa plus proche réunion. Le Conseil d'Etat, pour sa part, intervient dans le cadre d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif.

En l'espèce, le requérant demandait l'autorisation d'intenter deux types d'action en justice. La première concernait le dépôt d'une plainte au pénal avec constitution de partie civile pour le compte de la commune, concernant des infractions au Code de l'urbanisme imputées à un agent communal. Etait, notamment, en cause la transformation illégale d'un bâtiment agricole en local à usage d'habitation. La seconde tendait à mettre en cause la responsabilité pour faute personnelle de l'auteur réel ou apparent d'un permis de lotir modificatif.

Le tribunal administratif de Nice lui a refusé l'autorisation d'exercer ces actions au nom de la commune, le Conseil d'Etat rejetant ensuite sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif. Selon la Haute juridiction administrative, les dispositions de l'article L. 2132-5 précité visent les seules actions de la commune que celle-ci refuse ou néglige d'exercer. Or, lorsqu'une collectivité publique estime avoir subi un préjudice en raison de la faute personnelle d'un de ses agents, il lui appartient d'émettre directement, si elle s'y croit fondée, un titre exécutoire à l'effet de fixer le montant des sommes qu'elle estime lui être dues par cet agent. A charge pour ce dernier, s'il conteste son obligation, d'en saisir la juridiction administrative du fait des rapports de droit public. Il suit de là qu'une action en justice tendant à mettre en cause la responsabilité personnelle d'un agent de la commune ne saurait être regardée comme une action appartenant à celle-ci.

A l'appui de sa demande d'autorisation, le contribuable fait aussi valoir que le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile permettrait d'obtenir la démolition des constructions irrégulières et la réparation des préjudices résultant pour la commune des participations d'urbanisme impayées, ainsi que de la soustraction d'une parcelle de 5 000 m² à sa vocation agricole. Pour le juge, la démolition des constructions litigieuses ne présente pas, pour la commune, un intérêt matériel, seul susceptible de justifier l'action d'un contribuable sur le fondement de l'article L. 2132-5 précité. Il n'est pas davantage établi que le fait d'avoir soustrait 5 000 m² de terrain réservé à l'agriculture par la transformation d'un bâtiment agricole en local à usage d'habitation ait causé un préjudice matériel à la commune. La requête est donc rejetée.

L'arrêt d'espèce est donc un témoignage de plus de l'interprétation stricte des conditions que doit remplir l'action envisagée pour être autorisée. Ces conditions ont notamment été rappelées dans le considérant de principe des décisions précitées d'Assemblée et de Section des 26 juin et 22 juillet 1992 : il faut que l'action demandée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle ait une chance de succès (II). Encore faut-il, pour que l'autorisation puisse être accordée, que la commune ait été réellement défaillante à exercer cette action (I).

I - L'interprétation stricte de la négligence de la commune à défendre ses intérêts

Le refus d'agir de la commune est un préalable obligatoire à la saisine du tribunal administratif. Le Conseil d'Etat prend en compte la nature subsidiaire de l'autorisation de plaider. En vertu de l'article L. 2132-2 du code précité (N° Lexbase : L8670AAD), c'est, en effet, au maire qu'il appartient, après délibération du conseil municipal, de représenter en justice la commune, et c'est uniquement par dérogation à cette règle que le contribuable peut plaider au nom de la commune. La saisine du tribunal administratif doit donc être précédée d'un refus ou d'une négligence de la commune. C'est à un véritable contrôle d'opportunité que se livre alors le juge administratif (A), ce dernier allant même jusqu'à adopter, dans certains cas, la jurisprudence du "bilan coût/avantage" (B).

A - Un contrôle d'opportunité

Le mécanisme de l'autorisation de plaider repose sur l'idée d'une substitution des contribuables à une défaillance de la commune, mais encore faut-il, pour que la substitution puisse être autorisée, qu'il y ait eu négligence de la commune à défendre les intérêts de la collectivité.

Ce n'est évidemment pas le cas lorsque la commune a intenté l'action demandée (7), mais le contrôle opéré par le juge administratif s'apparente à un réel contrôle d'opportunité. La négligence n'est pas établie du seul fait de l'absence d'une action juridictionnelle. L'action peut s'exercer par une autre voie, sous réserve, bien sûr, que les chances de sauvegarde des intérêts de la commune soient crédibles compte tenu de la procédure utilisée. Ainsi, le Conseil d'Etat a déjà relevé, dans un cas où il était demandé au conseil municipal de saisir le juge d'une action en déchéance d'un concessionnaire, que le conseil municipal avait engagé des négociations avec la société d'éclairage électrique en vue d'amener celle-ci à une meilleure exploitation, et ne pouvait, dès lors, être accusé d'inertie ou de négligence dans la défense des intérêts de la collectivité (8).

Plus récemment, il a été fait application du même raisonnement concernant, là encore, une action en déchéance d'un concessionnaire qui aurait été omise par la commune pour défendre les intérêts de la collectivité, à la suite de difficultés nées de l'exécution du contrat. Le Conseil d'Etat relève que la commune a pris diverses mesures pour lui permettre d'engager, avec son concessionnaire, la recherche de "solutions rationnelles et équitables" pour remédier aux conditions d'exécution de la convention, et que des pourparlers entre la commune et la société concessionnaire avaient été noués depuis (9). La commune n'était donc pas restée inactive devant les difficultés nées de l'exécution du contrat, et ne pouvait être, ainsi, regardée comme s'étant désintéressée de l'affaire ou comme ayant fait preuve de négligence (10).

L'arrêt d'espèce va dans ce sens, énonçant qu'une action à exercer au nom de la commune n'est pas recevable si celle-ci pourrait être menée directement sans saisir le juge. Les personnes publiques ne peuvent demander au juge de prononcer une mesure qu'elles pourraient prendre elles-mêmes et, précisément, la commune pouvait ici émettre un état exécutoire à l'encontre de l'agent (11). Les personnes publiques disposent, en effet, d'un pouvoir remarquable à l'encontre de ceux dont elles s'estiment, à juste titre ou non, créancières. En présence d'un débiteur récalcitrant, elles ne sont pas, comme les personnes privées, dans la nécessité de faire juger leurs prétentions. Elles ont le pouvoir de le constituer débiteur en émettant, à son encontre, un "ordre de recettes" qui, longtemps désigné par l'expression significative d'"état exécutoire", est actuellement appelé "titre de perception". Dans le cas particulier où il s'agit de recouvrer des deniers publics, la personne publique prendra à l'encontre du détenteur de tels deniers "un arrêté de débet".

B - Un "bilan coût/avantage"

Le juge administratif, dans son contrôle de l'opportunité, va même, mutatis mutandis, jusqu'à adopter la jurisprudence du "bilan coût/avantage" (12). Ainsi, par exemple, et comme c'est le cas en l'espèce, une action en justice n'est pas opportune lorsque la commune dispose d'autres moyens que la voie contentieuse pour voir ses intérêts préservés. Il en va, de même, si le préjudice subi par la commune trouve sa contrepartie dans l'opération délictueuse dont elle a été victime (13), ou encore si l'action envisagée présenterait des inconvénients qui ne sauraient être compensés par les résultats éventuels de la décision à intervenir (14).

Dans le même sens, un particulier qui justifie d'un intérêt pour agir, en son nom propre, ne peut demander l'autorisation d'exercer une action au nom de la commune. Dans un arrêt récent du 28 avril 2006 "Cassinari" (15), un contribuable a demandé, en appel, l'autorisation d'engager pour le compte de sa commune une action en justice, à l'encontre d'une décision préfectorale rejetant la demande d'adhésion de sa commune à une communauté d'agglomération. Le Conseil d'Etat lui oppose une fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un recours parallèle. En règle générale, pour la très grande majorité des demandes, on ne peut opposer au contribuable cette exception, puisque dans le cadre de ce recours parallèle, il agirait en son nom propre avec des intérêts qui peuvent être différents de ceux de la commune. Pour autant, le rejet pour irrecevabilité de l'autorisation de plaider s'appuie sur l'existence d'un recours de droit commun, qu'en l'espèce le demandeur pouvait exercer, le contribuable justifiant d'un intérêt à agir lui permettant d'exercer lui-même un recours pour excès de pouvoir contre la décision préfectorale. Le choix du Conseil d'Etat repose alors sur des considérations pratiques qui emportent l'adhésion. L'annulation de l'acte peut être obtenue par l'exercice d'un simple recours pour excès de pouvoir. Elle ne nécessite pas la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation de plaider qui doit rester un droit exceptionnel et qui, en tout état de cause, conduit exactement au même résultat.

Le contrôle du Conseil d'Etat statuant au contentieux est ainsi renforcé, le juge administratif exerçant à la fois un contrôle d'opportunité et de légalité. Il peut arriver au Conseil d'Etat d'apporter ainsi des garanties au contribuable. Il a pu affirmer que "les textes qui régissent les actions engagées par les contribuables au nom des collectivités territoriales ne limitent pas les catégories d'action susceptibles d'être engagées par cette voie ; ainsi, rien ne fait obstacle à ce qu'une autorisation de plaider soit sollicitée pour l'engagement d'une procédure de référé expertise. L'action envisagée doit toutefois remplir les conditions habituelles pour que l'autorisation soit accordée, et notamment celle tenant à l'existence d'un intérêt suffisant pour la commune" (16).

Enfin, il arrive au Conseil d'Etat de déjouer les manoeuvres destinées à piéger le contribuable. Dans une décision du 13 octobre 2003 "Ville de Tarascon" (17), le conseil municipal avait autorisé la commune à se constituer partie civile dans l'affaire. Toutefois, selon les termes mêmes de cette délibération, il était expressément demandé à l'avocat mandaté par la commune d'intervenir, afin qu'il soit donné acte que la commune déclare n'avoir subi, dans cette affaire, aucun préjudice. Or, pour le Conseil d'Etat, "il résulte des énonciations mêmes de cette délibération, par laquelle le conseil municipal mandate son avocat pour soutenir que la condition à laquelle l'article 85 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8627HWG) subordonne la constitution de partie civile n'est pas remplie, que la commune ne peut être regardée comme ayant exercé l'action demandée par les intéressés".

II - L'interprétation stricte de l'exigence de l'intérêt de l'action pour la commune

Le juge procède à un contrôle restreint de l'appréciation de la "chance de succès" de l'action envisagée (B), d'autant plus acceptable, en regard même du principe de subsidiarité de l'action considérée, qu'il est contrebalancé par un contrôle très poussé de l'opportunité pratiqué en ce qui concerne la suffisance de l'intérêt de l'action pour la commune (A).

A - Le contrôle renforcé de l'intérêt suffisant de la commune

Il s'agit là de la manifestation la plus révélatrice du caractère subsidiaire, et donc restrictif, de la procédure justifiant le contrôle profond du juge de l'action envisagée. La négligence des autorités municipales ne doit être surmontée par la procédure d'autorisation de plaider, que si celle-ci est de nature à porter une atteinte grave aux droits de la commune. L'examen de la jurisprudence montre que l'intérêt en cause doit, avant tout, être matériel : un simple intérêt moral ne suffit pas pour obtenir une autorisation de plaider, cela suppose donc, a priori, qu'un intérêt pécuniaire de la commune ait été lésé. Le Conseil d'Etat a ainsi déjà pu insister sur "le préjudice matériel" occasionné à la commune, et autoriser une plainte avec constitution de partie civile, en vue de la réparation du préjudice résultant pour la commune de l'octroi à une société de garages d'une indemnité excessive par la société d'aménagement de la ville (18). Il a fait de même concernant l'action en réparation du préjudice résultant pour une commune du fait qu'une société bénéficiaire d'un permis de construire ne s'est pas acquittée de ses obligations financières (19).

Toutefois, l'on peut dire que l'intérêt matériel ne se limite pas exclusivement à un intérêt financier, en témoigne un certain nombre de décisions rendues à propos de demandes tendant à ce qu'il soit mis fin à des occupations irrégulières du domaine public (20). Le préjudice financier ici ne va pas de soi, sauf dans l'hypothèse où les parcelles auraient été endommagées, précisément du fait de cette occupation irrégulière. En l'espèce, était invoqué, à cet égard, un préjudice lié à la soustraction de 5 000 m² de terrain réservés à l'agriculture par la transformation d'un bâtiment agricole en local à usage d'habitation, préjudice non retenu par le juge.

Par ailleurs, il ne suffit plus que cet intérêt existe aujourd'hui (21), encore faut-il qu'il soit "suffisant". L'action ne sera pas autorisée, alors même qu'un préjudice matériel a été causé à la commune, si l'enjeu du litige apparaît trop mince. On peut citer par exemple une demande d'autorisation de dépôt de plainte avec constitution de partie civile, en raison de prise en charge par la commune des frais d'organisation de la fête annuelle, qui, selon le contribuable, devaient incomber à une association (22). En sens inverse, peuvent se révéler d'un intérêt suffisant, par exemple, la demande du contribuable désirant exercer une action en rescision pour lésion. Dans l'arrêt "Lepage-Huglo" précité, il résultait incontestablement, au vu d'un rapport d'expert, que la commune avait ainsi été lésée. La même solution sera retenue dans l'arrêt "Grapin" précité, alors qu'il s'agissait d'une vente à une société d'économie mixte, et que, de surcroît, la commune en était actionnaire à 80 %. A un autre titre, le juge estime qu'est fondée la demande de constitution de partie civile, en tant que l'information judiciaire est susceptible de faire apparaître la participation d'autres personnes au maniement irrégulier des deniers de la ville (23).

B - Le contrôle limité des chances de succès de l'action

L'action que le contribuable envisage d'exercer doit présenter une chance de succès, en ce sens que la commune ne saurait être engagée dans une action qui n'aurait aucune chance d'aboutir, et même qui pourrait se retourner contre elle. S'il fallait à l'origine que l'action présente une chance "sérieuse" de succès, le juge administratif n'exerce plus qu'un contrôle limité à la "chance de succès" de l'action. Ce contrôle est facile à exercer si l'action envisagée relève du juge administratif mais il est, en revanche, plus difficile dans le cadre d'une action judiciaire, qu'elle soit envisagée devant le juge civil ou le juge pénal, la procédure n'étant pas familière au juge administratif. Le rôle du tribunal administratif ne doit pas être confondu avec celui du juge du fond. Saisi en tant qu'autorité administrative, il ne dispose, en effet, pas des mêmes éléments d'appréciation (24), et il ne peut préjuger du fond et empiéter sur les compétences du juge de l'action.

Une jurisprudence très nuancée s'est développée, le juge prenant soin de préciser qu'il ne se substitue pas au juge de l'action, mais qu'il se borne à exercer un contrôle de la vraisemblance ou des probabilités de chance qu'a l'action d'aboutir à un résultat favorable. Dès lors que l'action demandée devant un juge paraît avoir une chance de prospérer, l'action est considérée comme "n'étant pas dépourvue de toute chance de succès", formule doublement négative qui marque la retenue du juge des autorisations de plaider. Dans deux décisions précitées (25), le Conseil d'Etat a accordé l'autorisation d'exercer une action en rescision pour lésion. L'article 1674 du Code civil (N° Lexbase : L1784ABP) prévoit que le vendeur peut demander la rescision s'il a été lésé de plus des 7/12èmes dans le prix d'un immeuble. Dès lors que, dans ces affaires, les contribuables produisaient au dossier des pièces tendant à démontrer que la condition fixée par l'article 1674 pouvait être remplie, le Conseil d'Etat, nonobstant la présence au dossier d'éléments contradictoires, s'est borné à constater que l'action envisagée ne pouvait "être regardée comme dépourvue de chance de succès". Le juge administratif se montre donc relativement prudent.

D'une façon plus générale, c'est "au vu des éléments qui leur sont fournis" que le tribunal administratif, puis le Conseil d'Etat se prononcent. Il ne s'agit pas d'exiger du contribuable qu'il apporte la preuve absolue et définitive de l'existence des faits délictueux, mais les allégations du demandeur doivent être recoupées par des éléments objectifs. Ainsi, dans les affaires précitées concernant la ville de Marseille, les demandeurs se référaient également à "d'autres faits relatifs à divers marchés non spécifiés de la ville de Marseille". L'Assemblée a estimé que ces allégations n'étaient pas assorties des précisions nécessaires pour en apprécier la portée. De même, si le requérant n'appuie sa demande que sur ses propres allégations (26), ou s'il n'apporte pas de précisions suffisantes (27), l'autorisation pourra difficilement être accordée, le juge n'ayant à sa disposition que des éléments purement subjectifs.

L'arrêt d'espèce ne fait que confirmer cette souplesse d'appréciation du juge dans ce cas particulier puisque, s'agissant du préjudice résultant des participations d'urbanisme impayées, censées justifiées le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, le juge relève que "le requérant ne fournit aucun élément permettant d'en apprécier la réalité".


(1) L'article 49 de la loi municipale en date du 18 avril 1837 était rédigé comme suit : "Cependant, tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer à ses frais et risques, avec l'autorisation du Conseil de préfecture, les actions qu'il croirait appartenir à la commune ou section, et que la commune ou section préalablement appelée à en délibérer refuserait d'exercer. La commune ou section sera mise en cause et la décision qui interviendra aura effet à son égard ".
(2) Cf. des décisions du Conseil d'Etat par des arrêts d'Assemblée (CE, ass., 26 juin 1992, n° 134980, MM. Pezet et San Marco N° Lexbase : A7250ARX ; n° 133901, M. Monnier-Besombes N° Lexbase : A7249ARW ; n° 137345, Mme Lepage-Huglo, M. Lenoir, Mme Sicard-Martin N° Lexbase : A7255AR7 ; n° 137343, M. Le-Mener N° Lexbase : A7253AR3, AJDA 1972, p. 477 et p. 506, concl. Gilles Le Chatelier) et des arrêts de Section (CE, 22 juillet 1992, n° 134976, M. Raymond Avrillier, N° Lexbase : A7579AR7 ; n° 134986, M. Grapin N° Lexbase : A7580AR8 ; n° 137344, Commune de Neuilly-sur-Seine c/ M. Sulzer N° Lexbase : A7581AR9)
(3) Décret n° 92-180 du 26 février 1992, relatif à l'exercice, par un contribuable, des actions en justice appartenant à la commune (N° Lexbase : L7979HTP) (JO, 27 février 1992, p. 2983).
(4) Cf. CE, 16 décembre 1925, Binet, Rec. CE, p. 1021.
(5) Cf. les arrêts précités de 1992 du Conseil d'Etat.
(6) En ce sens, le tribunal administratif rend une décision à caractère administratif et non juridictionnel.
(7) Cf. CE, 9 décembre 1904, Leclercs et Dubosc, Rec. CE, p. 801.
(8) CE, 22 juin 1922, Mériot, S., 1924, III, p. 25, note Hauriou. Le Conseil d'Etat a aussi appliqué le même raisonnement concernant l'examen de l'effectivité matérielle de l'action engagée par la commune : CE, 7 avril 1993, n° 137831, Commune de Vélizy-Villacoublay c/ M. Trani (N° Lexbase : A9214AM9).
(9) Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal avait fait appel à un consultant juridique extérieur, que la commune avait décidé de faire procéder à un audit financier de la société concessionnaire afin de déceler d'éventuelles anomalies d'ordre financier ou comptable, ou encore que la commune cherchait à obtenir une augmentation du montant de la redevance ou un engagement du concessionnaire sur un plan d'investissements.
(10) CE, 28 juillet 1999, n° 202144, Syndicat des hôteliers, cafetiers, restaurateurs de Val-d'Isère et autres (N° Lexbase : A3512AXD).
(11) Voir, également, en ce sens, CE 1° et 6° s-s-r., 2 juillet 2007, n° 294393, Commune de Lattes (N° Lexbase : A2882DXZ).
(12) Cette théorie a été initiée par l'arrêt "Ville nouvelle-Est" (CE, ass., 28 mai 1971, n° 78825, Ministre de l'Equipement et du Logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé "Ville nouvelle Est" N° Lexbase : A9136B8U, Rec. CE, 1971, p. 409, concl. Braibant). La Haute assemblée, allant au-delà du simple examen des conditions traditionnellement vérifiées d'une expropriation pour cause d'utilité publique, a apprécié si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs, eu égard à l'intérêt public que présente l'opération. Le juge met ainsi en balance l'utilité publique et l'atteinte à la propriété privée, ainsi que le coût financier et le coût social de l'opération, et admet la légalité de l'expropriation si les inconvénients en résultant ne l'emportent pas sur son intérêt.
(13) TA Nice, 23 mars 1988, Loisel (N° Lexbase : A2745BTT), Rec. CE, Tables, p. 679.
(14) CE, 18 novembre 1899, Dame Pambrun, Rec. CE, p. 795.
(15) CE, 28 avril 2006, n° 280878, Cassinari (N° Lexbase : A2008DP3).
(16) CE 1° et 6° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 265403, Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (N° Lexbase : A6323DDK).
(17) CE 1° et 2°s-s-r., 13 octobre 2003, n° 253804, M. Predon (N° Lexbase : A8504C9T).
(18) CE, 7 février 1994, n° 147335, M. Quémar (N° Lexbase : A9466ARZ), Rec. CE, p. 58.
(19) CE, 7 avril 1993, Commune de Vélizy-Villacoublay c/ M. Trani, précité.
(20) Cf. CE, 10 juin 1994, n° 109358, Ministre de l'Intérieur c/ Mlle Chalard (N° Lexbase : A1320ASP). Cet arrêt admet que présente un intérêt suffisant pour une commune la démolition d'un portail élevé par des particuliers, et interdisant l'accès à un chemin appartenant à cette commune.
(21) CE, 14 février 1931, Brun-Philippon, Rec. CE, p. 1175, ou CE, 18 juin 1932, Sieur Rous, Rec. CE, p. 1176.
(22) CE 1° et 6° s-s-r., 9 novembre 2007, n°296743, Commune de Puttelange-aux-lacs (N° Lexbase : A4120DZM).
(23) CE, 22 juillet 1992, n° 135720, Ville de Nice (N° Lexbase : A7534ARH).
(24) Lorsqu'il se prononce au moment de la demande d'autorisation, le juge ou l'autorité administrative risque de ne pas avoir les mêmes éléments que le juge du fond, d'autant plus qu'il ne peut demander, à ce dernier, la transmission du dossier en cause.
(25) Cf. décisions précitées : CE Ass., n° 137345, 26 juin 1992, Mme Lepage-Huglo, Rec. CE, p. 246 et CE, sect., 22 juillet 1992, n° 134986, M. Grapin.
(26) CE, 22 juillet 1992, n° 137344, Commune de Neuilly-sur-Seine, précité.
(27) CE, 4 novembre 1992, n° 137869, Commune de Yerres c/ M. Prats (N° Lexbase : A8345ARI), Rec. CE, Tables, p. 824. Les faits allégués n'étaient pas de nature à permettre d'apprécier si l'action envisagée présentait un intérêt suffisant pour la commune et une chance de succès.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Le pacsé n'est pas un conjoint

Réf. : Cass. civ. 2, 5 mars 2008, 5 arrêts, n° 08-60.229, F-P+B (N° Lexbase : A3429D77), n° 08-60.231, F-D (N° Lexbase : A3431D79), n° 08-60.232, F-D (N° Lexbase : A3432D7A), n° 08-60.228, F-D (N° Lexbase : A3428D74) et n° 08-60.230, F-D (N° Lexbase : A3430D78)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Par une salve de cinq arrêts rendus le 5 mars 2008, la Cour de cassation confirme la radiation de cinq personnes des listes électorales d'une commune corse, au motif qu'elles ne peuvent prétendre à la qualité de conjoint d'un contribuable, étant seulement liées à ce dernier par un pacte civil de solidarité. La Cour affirme solennellement, par un attendu identique dans les différents arrêts, que "les conjoints étant, en l'état de la législation française, les personnes unies par les liens du mariage, les dispositions de l'article L. 11, 2° du Code électoral (N° Lexbase : L0552HWD) en faveur du conjoint ne s'étendent pas aux personnes vivant maritalement et ne peuvent être invoquées par le partenaire d'un pacte civil de solidarité". Enjeu de la définition du conjoint. La définition de la notion de conjoint donnée par la Cour de cassation dans ces cinq arrêts va bien au-delà de l'enjeu particulier du litige, initié par des électeurs. Elle s'applique évidemment au droit de la famille et plus généralement à toutes les hypothèses, nombreuses, dans lesquelles le conjoint bénéficie d'un avantage particulier. On peut, à titre d'exemple, citer évidemment le droit de la nationalité, le droit du travail ou de la Sécurité sociale. En droit de la famille, la question de savoir si la notion de conjoint pouvait être étendue à la personne liée par un pacte civil de solidarité s'est particulièrement posée en matière d'adoption. L'adoption de l'enfant du conjoint fait, en effet, l'objet de dispositions particulières permettant, notamment, d'éviter le transfert de l'exercice de l'autorité parentale du parent par le sang à l'adoptant. Les concubines homosexuelles, liées par un pacte civil de solidarité, ont tenté d'obtenir, par analogie, le bénéficie de ces dispositions spécifiques. Certains juges du fond ont abondé dans leur sens (1), n'hésitant pas considérer que le partenaire d'un pacte civil de solidarité devait être assimilé au conjoint pour ce qui est des effets de l'adoption de l'enfant de son partenaire, permettant ainsi un partage de l'autorité parentale entre le parent par le sang et l'adoptant.

Le contentieux électoral, qui relève de la compétence du juge judiciaire en vertu des dispositions du Code électoral, fournit à celle-ci l'occasion de définir le conjoint de manière restrictive (I), ce qui n'est pas sans susciter des interrogations quant à la possible discrimination que le statut privilégié de celui-ci est susceptible de provoquer (II).

I - Une définition stricte du conjoint

Un conjoint est un époux. La formule de la Cour de cassation ne laisse place à aucune ambigüité : "en l'état de la législation française", les conjoints sont obligatoirement des époux. La précision relative à l'état actuel de la législation française, constitue un rappel de la limite du rôle du juge qui ne saurait donner à une notion contenue dans des dispositions légales, une définition qui ne correspond ni à la lettre, ni à l'esprit des textes.

Exclusion du pacsé. Cette définition légaliste que l'on trouvait déjà dans un arrêt de la cour d'appel de Riom du 27 juin 2006 (2), rendu à propos de l'adoption de l'enfant de la concubine (cf. supra TGI de Clermont-Ferrand qu'elle infirme), a évidemment un effet exclusif : les personnes qui ne sont pas liées par les liens du mariage ne sont pas des conjoints. Il en va ainsi des simples concubins, mais également des personnes liées par un pacte civile de solidarité qui ne saurait être assimilé au mariage, même si la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (loi portant réforme des successions et des libéralités N° Lexbase : L0807HK4) a largement rapproché ces deux modes de conjugalité. Il n'en reste pas moins que l'extension d'un effet du mariage aux autres formes de couples, concubins ou pacsés, nécessite une modification du texte qui le prévoit. Tel n'était pas le cas de l'article L. 11, 2° du Code électoral qui visait le seul conjoint. Il était, par conséquent, tout à fait illégal d'admettre que la personne liée par un pacte civil de solidarité à un contribuable de la commune puisse bénéficier, en qualité de conjoint, d'une inscription sur les listes électorales de ladite commune. Il en va différemment lorsque le texte vise non pas précisément le conjoint, mais plus largement les membres de la famille. La Cour de cassation a ainsi pu appliquer au partenaire d'un pacte civil de solidarité conclu avec un fonctionnaire, l'article L. 30 du Code électoral (N° Lexbase : L2668AA3) qui permet à ce dernier, et aux membres de sa famille domiciliés avec lui, d'être inscrits sur les listes électorales en dehors des périodes de révision de celles-ci en cas de départ à la retraite ou de mutation (3).

Les arrêts du 5 mars 2008 incitent à se demander si une telle différence de traitement entre conjoint et partenaire d'un pacte civil de solidarité peut être qualifiée de discrimination et par voie de conséquence contestée.

II - Une possible discrimination

Pouvoir du juge d'écarter la loi. Le constat d'une discrimination permettrait au juge -à condition qu'on le lui demande- d'écarter la loi qui la contient sur le fondement de dispositions supra-législatives et particulièrement de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4747AQU) (4). Dans les arrêts du 5 mars 2008, la Cour de cassation aurait pu considérer que la différence de traitement entre le conjoint et le signataire d'un pacte civil de solidarité, était injustifiée et passer outre la lettre du texte (5). Encore aurait-il cependant fallu qu'elle admette que le conjoint et le partenaire étaient placés dans une situation identique ou analogue.

Absence de situation analogue. La discrimination se définit comme une différence de traitement entre personnes placées dans une situation analogue. Il s'agit donc de savoir si l'époux et le partenaire étaient dans la même situation au regard du Code électoral. Seule une réponse positive permettrait de conclure à une discrimination entre l'un et l'autre. Or, le mariage implique très clairement une obligation de communauté de vie (C. civ., art. 215 N° Lexbase : L2383ABU), qui parait plus discutable entre les partenaires d'un pacte civil de solidarité nonobstant la formule de l'article 515-1 du Code civil (N° Lexbase : L8514HWA), selon lequel le pacs est un contrat conclu entre deux personnes pour organiser leur vie commune. Il ne paraît donc pas tout à fait illogique qu'une disposition fondée sur la résidence commune des deux membres du couple soit réservé aux époux, même si on pourrait considérer que, dans la majeure partie des hypothèses les personnes liées par un pacte civil de solidarité vivent ensemble. Plus généralement, le Conseil d'Etat (6), comme la Cour de justice des Communautés européennes (7) ont admis que le législateur pouvait légitimement réserver aux époux certains avantages, justement accordés en raison du mariage et de ses spécificités.

Adoption de l'enfant du conjoint ou du concubin. Il n'en va, toutefois, pas de même dans toutes les hypothèses dans lesquelles le conjoint et le concubin sont traités de manières différentes. C'est sans doute le cas en matière d'adoption de l'enfant du conjoint ou du concubin. Lorsque ce dernier partage le quotidien de l'enfant concerné depuis plusieurs années, voire parfois depuis sa naissance et même avant -c'est le cas des concubines qui ont formé ensemble un projet commun d'enfant-, sa situation est équivalente à celle d'un époux. Il est difficile d'admettre que l'adoption de l'enfant par le concubin, qui plus est lié par un pacte civil de solidarité au parent de l'enfant, ait les mêmes effets que l'adoption de l'enfant par un étranger, alors que ces effets sont très différents lorsque l'adoptant est marié avec le parent de l'adopté. Dans l'arrêt "Emonet c/ Suisse" du 13 décembre 2007 (CEDH, 13 décembre 2007, Req. 39051/03 N° Lexbase : A0601D3N) (8), la Cour européenne des droits de l'Homme énonce clairement que la différence de régime entre l'adoption de l'enfant du conjoint et l'adoption de l'enfant du concubin "n'est plus forcément pertinente de nos jours et qu'il convient d'aller vers une adoption par le concubin du parent de l'enfant qui ne fasse pas perdre à ce dernier ses droits à l'égard de son enfant".

Congés pour évènements familiaux. Le cantonnement de certains privilèges au conjoint en matière de congés familiaux a également été qualifié de discrimination par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Selon la HALDE, "les dispositions de la convention collective qui réservent le bénéfice de congés pour événements familiaux aux seuls salariés mariés et qui instituent une prime liée au mariage doivent être considérées comme constituant une discrimination en raison de la situation de famille des salariés" (9).

Harmonisation ponctuelle. Le législateur procède, pas à pas, matière par matière à une extension des dispositions relatives au conjoint au signataire d'un pacte civil de solidarité. La loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité, avait, dès l'origine, prévu cette extension en matière de bail, de congés familiaux, de prestations sociales, ou encore de rapprochement de fonctionnaires (10). Des lois subséquentes ont poursuivi cette harmonisation, notamment, en matière de droit de mutation à titre gratuit (11) ou d'imposition sur le revenu (12). Il reste, cependant, encore des domaines dans lesquels le statut du conjoint n'est pas applicable au partenaire pacsé, particulièrement en droit de la nationalité et des étrangers.

Les arrêts de la Cour de cassation du 5 mars 2008 pourraient être interprétés comme une incitation du législateur à gommer toute différence de traitement en matière électorale...


(1) TGI de Clermont-Ferrand, 24 mars 2006, AJ, Famille, 2006, p. 2456, obs. F. Chénédé.
(2) Dr. fam., 2006, comm. n° 204, obs. P. Murat ; Gaz-pal., 15-16 septembre 2006, p. 6, note C. Mécary.
(3) Cass. civ. 2, 25 mars 2004, n° 04-60.134, M. François Nestor André Raucq, FS-P+B (N° Lexbase : A6267DBQ), RTDCiv., 2004, p. 489, obs. J. Hauser.
(4) Voir, par exemple, l'extension de l'action en retranchement de l'article de l'article 1527 du Code civil (N° Lexbase : L1026ABM) à l'enfant naturel : Cass. civ. 1, 29 janvier 2002, n° 99-21.134, Mlle Virginie Rolland c/ Mme Micheline Fourtier, FS-P (N° Lexbase : A8624AXP), Dr. fam., 2002, comm. n° 45, obs. B. Beignier.
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 8 juillet 2005, n° 267636, M. Gilland (N° Lexbase : A0054DK9), qui déclarait illégal un arrêté n'ayant pas tiré les conséquences de la loi du 15 novembre 1999 (loi n° 99-944, relative au pacte civil de solidarité N° Lexbase : L7500AIM) et accordé au partenaire les mêmes avantages qu'au conjoint, D., 2006, p. 1422, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; RTDCiv., 2005 p. 760, obs. J. Hauser.
(6) CE 28 juin 2002, n° 220361, M. Villemain (N° Lexbase : A0211AZT), AJDA, 2002, p. 586 ; JCP éd. G, 2003, I, 101, obs. H. Bosse-Platière.
(7) CJCE, 31mai 2001, aff. C-122/99, D. et Royaume de Suède c/ Conseil de l'Union européenne (N° Lexbase : A5932AYD), AJDA, 2001, p. 941 ; D., 2001 p. 3380, note C. Nourrissat et A. Devers.
(8) JCP éd. G, 2008, I, 110, obs. F. Sudre ; AJ, Famille, 2008, p. 76, obs. F. Chénédé.
(9) Délibération n° 2007-366 du 11 février 2008 (N° Lexbase : X0539AEP).
(10) JO n° 265 du 16 novembre 1999, p. 16959.
(11) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (N° Lexbase : L2417HY8).
(12) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, de finances pour 2005 (N° Lexbase : L5203GUA).

newsid:314789

Urbanisme

[Manifestations à venir] Droits de préemption : enjeux du rapport du Conseil d'Etat - nouveau cadre juridique et actualité jurisprudentielle

Lecture: 1 min

N4851BEE

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Le 07 Octobre 2010

Les éditions Dalloz organisent le jeudi 17 avril prochain une matinale sur le thème "Droits de préemption : enjeux du rapport du Conseil d'Etat - nouveau cadre juridique et actualité jurisprudentielle". Les droits de préemption définis par le Code de l'urbanisme sont aujourd'hui victimes de leur succès. La dernière décennie a été marquée par le renforcement de cette technique et la banalisation de sa mise en oeuvre. Cette nouvelle donne, de nature à affecter très sensiblement le droit de propriété, suscite, néanmoins, toute une série de questions relatives, notamment, au principe même de la préemption et à l'utilisation qui en est faite. A l'occasion de la sortie du rapport du Conseil d'Etat sur le droit de préemption, prévue mi-avril 2008, l'AJDA et Dalloz vous proposent de faire le point sur les principales évolutions textuelles et jurisprudentielles intervenues en 2007 et en 2008 et d'analyser les différentes recommandations prévues par le rapport.
  • Thèmes abordés

- Instauration des différents droits de préemption : droit de préemption sur les fonds de commerce et les baux (décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007 N° Lexbase : L6840H3Q) ; DPU, DPU renforcé, ZAD ; exception d'illégalité de l'acte instituant le droit de préemption ; les nouveaux biens soumis au droit de préemption parts de SCI, baux commerciaux...

- Ediction de la décision de préemption : motivation, motivation par référence, motivation et réserves foncières, avis des domaines... ; objet de la décision, difficultés liées à l'exigence d'un projet réel et précis, perspectives d'évolution... ; titulaires du droit de préemption, délégations, délais.

- Contentieux de la décision de préemption : intérêt à agir ; délais de recours et notification de la décision ; intérêt du référé suspension ; la fixation du prix par le juge de l'expropriation.

- Rétrocession : conditions de mise en oeuvre ; obstacles à la rétrocession.

  • Intervenants

Rozen Noguellou, Professeur agrégée à la Faculté de droit de Nantes, et secrétaire générale de la RDI
Jean-François Struillou, chargé de recherche au CNRS
Yves Pittard, avocat honoraire, chargé d'enseignement à la Faculté de droit et des sciences politiques de Nantes

  • Date et lieu

Jeudi 17 avril 2008
9h00 - 13h00

Hôtel Concorde Montparnasse
40, rue du Commandant Mouchotte
Place Catalogne
75014 Paris

  • Tarifs

Avant le 4 avril 2008 : 405 euros HT
Après le 4 avril 2008 : 450 euros HT

  • Renseignements et inscription

Virginie Peltier
Tel. : 01 40 64 53 22 / 52 85
Fax : 01 40 64 54 69

formation@dalloz.fr

Editions Dalloz
31-35 rue Froidevaux
75685 Paris Cedex 14

newsid:314851

Informatique et libertés

[Jurisprudence] Illégitimité d'un site de notation de professeur au regard de la loi "informatique et liberté"

Réf. : TGI Paris, 3 mars 2008, n° RG 08/51650, Syndicat National des Enseignements du Second degré - Fédération Syndicale Unitaire (SNES-FSU) c/ SARL Note2be.com (N° Lexbase : A1955D7K)

Lecture: 5 min

N4725BEQ

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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef du pôle "Presse"

Le 07 Octobre 2010

Le 29 janvier dernier, à l'instar de ce qui se fait outre-Manche (Ratemyteacher.com), outre-Atlantique (Ratemyprofessor.com) et outre-Rhin (Spickmich.com), un site internet gratuit et dédié aux enfants et adolescents était mis en ligne, afin de leur permettre de noter et de porter des appréciations sur les professeurs et les établissements scolaires, avec pour slogan "Prends le pouvoir, note tes profs !". Les élèves y sont allés et ont donc donné à leurs enseignants une note allant de 0 à 20 et portant sur six catégories différentes (intéressant, clair, disponible, équitable, respecté et motivé), et un forum était mis à disposition sans modération préalable. Mais, et c'était là le problème, les élèves -comme il leur était demandé- dévoilaient l'identité des professeurs ainsi que l'établissement et la classe où ils travaillent... La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a reçu près de 17 plaintes et 160 signalements émanant de syndicats et d'enseignants. Elle a, dès lors, effectué, en urgence, des contrôles sur place les 13 et 18 février 2008 en vertu de son pouvoir de contrôle conformément à l'article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés telle que modifiée (N° Lexbase : L8794AGS). Et tant le syndicat national des enseignements de second degré que la fédération syndicale unitaire sont allés plus loin et ont assigné, le 18 février 2008, la société Note2be.com et l'un de ses co-gérants. Le jugement a été rendu le 3 mars dernier et le tribunal a ordonné la cessation des traitements de données nominatives. Et, trois jours plus tard, le 6 mars 2008, c'était au tour de la CNIL de rendre sa décision, à savoir que le site était illégitime au regard de la loi "informatique et liberté". Le SNES et la FSU, rejoints par d'autres syndicats intervenants volontaires à l'action, considéraient que le principe de fonctionnement du site Note2be.com constituait un trouble manifestement illicite au regard des dispositions de la loi "informatique et libertés". En effet, le site procédait à la constitution d'un fichier nominatif de personnes objets d'appréciations, sans avoir obtenu le consentement des personnes dont les données étaient ainsi utilisées. Les demandeurs invoquaient, également, une violation de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), relatif au droit au respect de la vie privée. Enfin, il était reproché au site de procéder à l'évaluation des professeurs de manière subjective et potentiellement préjudiciable puisque les appréciations pouvaient être accompagnées de commentaires à connotation favorable ou défavorable sans aucune modération préalable à la mise en ligne au public.

De leur cotés, la société et le co-gérant justifiaient le fonctionnement de leur site par la possibilité laissée aux personnes dont les données étaient utilisées d'exercer leurs droits d'accès, de rectification et d'opposition conformément aux articles 38 à 40 de la loi "informatique et libertés". Toute atteinte au droit au respect à la vie privée des enseignants et professeurs ainsi notés était contestée par les défendeurs qui, s'appuyant sur une décision rendue par la justice allemande, faisaient valoir que les appréciations portées par les élèves ne concernaient que la vie professionnelle et n'emportaient pas de jugement de valeur à l'encontre des enseignants, de nature à porter atteinte à leur vie privée (à noter que cette décision allemande n'ayant pas été traduite elle n'a pu être retenue). De plus, ils affirment que, contrairement à ce qu'invoquent les demandeurs, le procédé de notation mis en place n'a pas pour objectif de se substituer au système organisé au sein de la fonction publique.

Dans son jugement du 3 mars, le tribunal de grande instance va donner raison aux syndicats d'enseignants et à la trentaine d'enseignants. Il a ainsi estimé que le traitement des données nominatives opéré par le site Note2be.com violait les dispositions de la loi "informatique et libertés" dans la mesure où le dispositif mis en place présentait, "faute de précautions suffisantes, un risque de déséquilibre au détriment de la nécessaire prise en compte du point de vue des enseignants".

Le tribunal rappelle qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, le traitement de données à caractère personnel à défaut d'avoir reçu le consentement de la personne concernée doit satisfaire à des conditions précisément et strictement définies. Si le tribunal reconnaît que les élèves disposent d'une liberté d'expression et d'information (C. éduc., art. L. 511-2 N° Lexbase : L9641ARI), il énonce que cette liberté a pour limite de ne pas porter atteinte aux activités d'enseignement. En conséquence, le tribunal estime que la liberté d'expression des élèves, dans la mesure où elle se trouve déjà assurée au sein des établissements, peut, de ce fait, subir sur le site en cause une limitation raisonnable en présence des droits et intérêts légitimes des enseignants. Ainsi, le tribunal a ordonné à la société Note2be.com de suspendre sur son site toute utilisation de données nominatives d'enseignants "aux fins de leur notation et leur traitement, ainsi que leur affichage sur les pages du site en question, y compris sur le forum de discussion qui devra comporter une modération préalable".

De son côté, la CNIL, dans sa décision en date du 6 mars 2008, a adopté une position similaire en considérant que le site était illégitime au regard de la protection des données personnelles dans la mesure où la société Note2be.com poursuivait une activité commerciale reposant sur l'audience d'un site internet dont le principe était susceptible de créer une confusion dans l'esprit du public avec un système officiel de notation des enseignants. Il est, par ailleurs, relevé que les notes étaient attribuées de façon subjective par des tiers dont la qualité ne pouvait être vérifiée. Conformément à ce que prévoit l'article 7 de la loi informatique et libertés, les enseignants doivent, en effet, être en mesure d'exprimer leur consentement. Dès lors, selon la CNIL, la société note2be.com ne saurait se prévaloir d'un "intérêt légitime" pour justifier l'absence de recueil du consentement des enseignants dont les données seraient diffusées sur son site internet. Ceci étant, tenant compte de la publication de l'ordonnance du juge des référés du 3 mars 2008, la formation contentieuse de la CNIL, lors de sa séance du 6 mars 2008, n'a pas jugé utile de faire usage de son pouvoir de sanction. Néanmoins, la mise en ligne sur internet de la notation d'enseignants et de leur établissement d'activité étant susceptible de porter atteinte à leur vie privée en diffusant une affectation qu'ils ont pu souhaiter conserver confidentielle pour protéger leur vie privée, leur famille ou leur intégrité physique, la CNIL se réserve la possibilité d'user de son pouvoir de sanction en cas de nouveau manquement constaté.

La société Note2be.com a immédiatement fait savoir qu'elle interjetait appel de cette décision. Pour cela, elle envisage de s'appuyer notamment sur la décision allemande qu'elle avait invoquée devant le juge des référés (concernant le site Spickmich.com) et qui autorisait des sites allemands de même nature sans retenir de violation du droit au respect de sa vie privée ou au respect de ses données personnelles.

Mais ce phénomène de notation s'étend dorénavant à d'autres domaines... Le 15 mars dernier, était lancé le site dénommé www.note2bib.com proposant aux internautes de pouvoir noter leur médecin. Mais Note2bib.com a pris soin de ne pas donner la possibilité aux internautes d'évaluer les compétences professionnelles d'un médecin. Il demande à ses utilisateurs de renseigner des champs très objectifs comme le fait de savoir si le médecin accepte la CMU (couverture médicale universelle), la télétransmission par carte vitale ou encore la carte bancaire. Des informations utiles qui pourraient  permettre à un patient de s'orienter vers un professionnel de santé plutôt qu'un autre. 3 jours avant, le 11 mars, c'était au tour du site demedica.com -toujours sur la notation de médecin- de se lancer sur la toile avec comme petites spécificités, d'une part, d'être hébergé à l'île Maurice, échappant par là même au droit français. Un contournement de la loi "informatique et libertés" que les fondateurs comptent bien exploiter, puisqu'ils prévoient le lancement, dans les semaines à venir, de deux nouveaux sites, DeJuridica et DeDomestica, qui permettent respectivement la notation des professions juridiques et administratives (avocat, comptable, expert-comptable...), et des métiers de la maison et du bâtiment (plombier, électricien...).

Les sites de notation n'ont décidemment pas fini de faire parler d'eux...

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales

Lecture: 13 min

N4834BER

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédures fiscales réalisée par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris. Au sommaire de cette chronique, est abordée, tout d'abord, la question de l'impartialité de l'interlocuteur départemental (CAA Paris, 7ème ch., 12 décembre 2007, n° 06PA01237, Société anonyme MJM), puis celle des actes interruptifs de prescription (CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 286397, M. Genin). La chronique traite, également, d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 21 février 2008, dans lequel elle a retenu la non-conformité à la CESDH de la procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du LPF (CEDH, 21 février 2008, req. 18497/03, Ravon et a. c/ France). Enfin, il convenait de revenir sur une instruction du 6 mars dernier relative au contrôle fiscal des comptabilités informatisées (BOI 13 L-2-08 du 6 mars 2008).
  • Droits et garanties des contribuables : impartialité de l'interlocuteur départemental (CAA Paris, 7ème ch., 12 décembre 2007, n° 06PA01237, Société anonyme MJM N° Lexbase : A9299D3S)

Un contribuable ne peut invoquer l'absence d'impartialité de l'interlocuteur départemental quand bien même ce dernier aurait, avant de prendre ses fonctions, exprimé son sentiment, cette fois en qualité de directeur divisionnaire chargé du contrôle fiscal, sur certains redressements subis par le contribuable qui s'était ensuite adressé à lui. Pour en décider ainsi, la cour distingue entre l'obligation d'impartialité "subjective", à laquelle est soumis ce fonctionnaire, de l'obligation d'impartialité "objective" qui pèse sur les membres d'une juridiction.

1. La garantie de procédure permettant à un contribuable vérifié de soumettre le litige à l'interlocuteur départemental

1.1. Nature de la garantie

La charte du contribuable prévoit que le contribuable vérifié, qui rencontre des difficultés lors du déroulement du contrôle (de comptabilité ou de situation personnelle) a le droit de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur et, ensuite, à l'interlocuteur départemental désigné par le directeur des services fiscaux. Ce recours n'existe que dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire (on remarquera, cependant, la position divergente d'une cour administrative d'appel : CAA Bordeaux, 4ème ch., 11 décembre 2003, n° 99BX02678, Mme Monique Chaput N° Lexbase : A6734DAN). Cette garantie est une garantie substantielle. Autrement dit, le non-respect de cette garantie se traduit par l'irrégularité de la procédure et l'annulation des redressements. En revanche, le nom de l'interlocuteur ne doit pas figurer obligatoirement sur l'avis de vérification (CE 3° et 8° s-s-r., 5 janvier 2005, n° 254556, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Raffypack N° Lexbase : A2265DGY). Cette saisine de l'interlocuteur est totalement indépendante de l'autre voie de recours que constitue la saisine de la commission départementale des impôts directs. Elle doit être analysée comme une voie de recours interne, alors que la demande d'avis de la commission est une procédure de conciliation. Ainsi, l'interlocuteur départemental peut être saisi sans date butoir. En pratique, pour avoir une certaine utilité, cette saisine doit intervenir avant la mise en recouvrement, c'est-à-dire durant la phase de vérification ou de redressement.

1.2. Conditions de la garantie

Le contribuable doit demander la saisine. Il ne peut se prévaloir de la méconnaissance de cette garantie s'il n'a pas sollicité une entrevue. De surcroît, cette demande ne peut être effectuée qu'après, d'une part, confirmation des redressements par le vérificateur et, d'autre part, une demande préalable d'entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur (CE 9° s-s., 27 octobre 2004, n° 264493, SARL SIFRAL N° Lexbase : A5808D7A).

2. L'obligation d'impartialité de l'interlocuteur

2.1. Exigence d'impartialité

Cette exigence, imposée par le juge comme condition de fond de la régularité de la procédure, procède tant du respect des droits de la défense (Cons. const., 30 décembre 1997, n° 97-395 DC N° Lexbase : A8445ACR) que du devoir de loyauté que le juge impose à l'administration fiscale. Or, ce devoir de loyauté n'est pas respecté lorsque, par exemple, après avoir pris parti sur les redressements en tant que membre de la commission départementale des impôts, un agent, désigné comme interlocuteur départemental, est sollicité, en cette qualité, par le contribuable vérifié (CAA Nancy, 2ème ch., 7 juin 2007, n° 05NC00609, SA Agora Location N° Lexbase : A8396DWU). On remarquera que l'absence d'impartialité de la commission départementale des impôts est, à juste titre, relevée lorsque, après avoir pris position sur l'affaire en qualité d'interlocuteur, un agent participe aux débats de cette commission en tant que membre (CE Contentieux, 9 mars 1990, n° 52260, Consorts Dupré N° Lexbase : A4712AQL). De même, selon la juridiction judiciaire, le principe d'impartialité, ainsi que les droits de la défense tels que consacrés par les dispositions de l'article L. 10 du LPF (N° Lexbase : L3904AL8) et celles de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), sont violés lorsque l'interlocuteur départemental désigné dans l'avis de vérification avait demandé le contrôle et jugé que les impositions supplémentaires qui pouvaient en découler seraient fondées (Cass. com., 23 avril 2003, n° 00-19.539, Société civile immobilière (SCI) Les Capucins c/ Direction des services fiscaux d'Eure-et-Loir, FS-P N° Lexbase : A4989BMQ).

2.2. Nature de cette impartialité

Dans l'affaire soumise récemment à la cour administrative d'appel de Paris, cette dernière a précisé la nature de cette impartialité. Selon la cour, l'interlocuteur est soumis à une obligation générale d'impartialité subjective, distincte de l'obligation d'impartialité objective qui, dans le cadre de la théorie de l'apparence, s'applique aux membres d'une juridiction. En conséquence, le fait que, avant d'être sollicité en tant qu'interlocuteur départemental, un agent ait déjà exprimé son sentiment sur certains points en discussion en tant que directeur divisionnaire chargé du contrôle fiscal en vue de la réunion de la commission départementale des impôts, à laquelle il n'avait pas participé, n'implique pas qu'il ait manqué à son obligation d'impartialité. Le juge n'étend donc pas l'exigence d'une impartialité objective imposée en matière de formation d'une décision de justice à la procédure fiscale. On sait que, en matière d'équité de la procédure, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) s'appuie sur la théorie de l'apparence. Le justiciable doit avoir la garantie que les juges qui délibèrent ne sont pas influencés par une personne qui, ayant déjà donné son opinion sur le litige, participe ensuite au délibéré. Tel est le cas, et l'impartialité objective de la juridiction peut être soupçonnée, ce qui constitue une violation de l'article 6, § 1 de la convention, lorsque, devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat, le commissaire du Gouvernement assiste, même de façon passive, au délibéré (CEDH, 5 juillet 2005, req. 55929/00, Marie-Louise Loyen et autre c/ France N° Lexbase : A1577DKM). Le justiciable doit avoir la garantie que le commissaire du Gouvernement ne puisse pas, par sa présence et les propos qu'il pourrait tenir, exercer une influence sur l'issue du délibéré. Au nom de la théorie des apparences, il ne peut être distingué selon que le commissaire est simplement présent ou qu'il participe effectivement à l'élaboration du jugement, sous la forme d'un vote, par exemple. A notre connaissance, c'est l'une des premières fois que cette jurisprudence de la Cour européenne est intégrée dans une décision rendue par le juge administratif français.

  • Actes interruptifs de prescription : reconnaissance successive de la même dette par le contribuable (CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, n° 286397, M. Genin N° Lexbase : A1489D3K)

Une déclaration rectificative qui énonce sans ambiguïté le montant de la plus-value réalisée par un contribuable emporte reconnaissance par l'intéressé de la dette fiscale correspondante et interrompt la prescription.

1. L'interruption de la prescription par la reconnaissance de sa dette par le contribuable et ses conséquences

Aux termes de l'article L. 189 du LPF (N° Lexbase : L8757G8T), la prescription est interrompue notamment par une proposition de rectification et par tout acte comportant reconnaissance des redevables. Cette reconnaissance peut être expresse ou tacite. Expresse, elle résulte d'une simple lettre ou d'une déclaration tardive. Ainsi, l'acte notarié contenant dissolution et partage d'une société dans lequel il est indiqué faussement que cette dernière a acquitté le solde de la TVA due au titre d'une livraison à soi-même d'immeuble constitue un acte interruptif (TA Lyon, 21 mai 2002, n° 98-2125, Mathey). Tacite, elle résulte de tout acte du débiteur impliquant sans équivoque son aveu de la créance de l'administration, comme le versement d'un acompte ou une demande de constitution de garanties (Doc. adm. 13 L 1211 n° 33 du 1er juillet 2002). Cependant, cette reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. S'agissant des conséquences, l'interruption a pour effet d'annuler la prescription commencée et de faire courir, à compter de l'acte interruptif, une prescription de même durée que celle à laquelle elle se substitue.

2. L'hypothèse de reconnaissance successive de la même dette

Dans l'affaire examinée récemment par les juges du Palais Royal, un contribuable avait indiqué sur sa déclaration rectificative concernant ses revenus de l'année 1994, souscrite le 19 avril 1995, une plus-value de cessions de valeurs mobilières d'un montant de 5 882 980 francs (896 854 euros). L'année suivante, soit les 28 février et 5 avril 1996, en réponse à une demande du service des impôts, il avait confirmé l'exactitude des renseignements mentionnés sur sa déclaration rectificative. Ce n'est que tardivement, soit le 30 avril et le 15 juin 1999, que l'administration avait mis en recouvrement les sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée. Or, en matière d'impôt sur le revenu, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Au cas particulier, le juge a décidé que la déclaration rectificative emportant reconnaissance de la dette fiscale, le délai de reprise expirait le 31 décembre 1998. Selon lui, les lettres dans lesquelles le contribuable confirmait les données de sa déclaration rectificative ne constituaient pas reconnaissance d'une dette déjà régulièrement déclarée. Ainsi, le point de départ du délai de reprise ne pouvait être repoussé à la date de ces courriers. On doit, donc, déduire de cette décision qu'il ne saurait y avoir, sauf hypothèse d'une modification du quantum de la dette, de reconnaissance successive d'une même dette. En tout état de cause, la condamnation de la position de l'administration, qui défendait la thèse d'une reconnaissance successive, a été sans influence sur le litige. En effet, avant le 31 décembre 1998, le service avait interrompu, de son côté, la prescription en adressant au contribuable, le 19 novembre 1996, une notification de redressements dans laquelle il était fait mention de la plus-value dont le contribuable avait reconnu l'existence dans sa déclaration rectificative !

  • Droit de contrôle : procédure de visite et de saisie, prévue à l'article L. 16 B du LPF, non conforme à la CESDH (CEDH, 21 février 2008, req. 18497/03, Ravon et a. c/ France N° Lexbase : A9979D4D)

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) vient de décider que la procédure de visite et de saisie, prévue à l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L8235DNC), méconnaît les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR), qui accorde à toute personne une voie de recours, c'est-à-dire le bénéfice d'un contrôle juridictionnel effectif, en vertu d'un droit à un procès équitable.

1. La non-conformité de la procédure de l'article L. 16 B à l'article 6 § 1 de la CESDH

1.1. L'application de l'article 6 § 1 à la procédure de visite et de saisie

Selon la Cour européenne, la procédure de visite et de saisie n'est pas conforme à l'article 6 § 1 de la CESDH. La circonstance que le droit interne prévoit que l'autorisation de procéder à ces visites domiciliaires soit délivrée par un juge ne suffit pour considérer que le contribuable soumis à cette procédure a bénéficié d'un contrôle juridictionnel effectif portant sur la régularité cette décision d'autorisation. De même, ne peut être assimilé à un contrôle juridictionnel effectif le fait que l'ordonnance soit susceptible d'un pourvoi en cassation puisque ce recours ne permet pas un examen des éléments de fait fondant l'autorisation. Autrement dit, la cour considère que, au vu de la procédure actuelle, les requérants n'ont pas accès à un tribunal pour obtenir une décision sur leur contestation de la régularité des visites et saisies opérées au regard de leur droit au respect du domicile. Cette décision tranche dans un sens contraire à celle rendue par la même Cour, s'agissant de l'application de l'article 8 de la convention (N° Lexbase : L4798AQR). En effet, la cour avait jugé que les visites domiciliaires ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article 8 qui exige que les mesures portant atteinte à l'inviolabilité du domicile soient nécessaires au bien-être économique du pays ou à la prévention des infractions pénales, dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale (CEDH, 8 janvier 2002, req. 51578/99, Keslassy c/ France N° Lexbase : A9798DDA et Cass. com., 9 février 1993, n° 91-21.699, M. Feingold c/ Directeur général des Impôts N° Lexbase : A6628AB4).

1.2. Les conséquences de la décision sur la procédure de l'article L. 16 B

Dans la mesure où les Etats signataires de la Convention européenne se sont engagés à se conformer aux arrêts définitifs de cour dans lesquels ils sont parties, une modification de l'article L. 16 B paraît s'imposer. Cependant, elle ne pourrait concerner que le déroulement des opérations et non sa mise en oeuvre. En effet, comment concilier le droit à un contrôle effectif par le juge avant le début des opérations et l'esprit du texte qui réside dans le contrôle inopiné ? A défaut de mise en compatibilité, le contribuable pourrait uniquement invoquer ce fait dans le cadre d'un pourvoi en cassation afin d'obtenir l'annulation de l'ordonnance autorisant les visites, ce qui interdirait, ensuite, à l'administration fiscale d'utiliser les informations recueillies au cours de la procédure.

2. L'immixtion de la Convention européenne dans le droit fiscal interne

Les recours fondés sur l'absence de conformité d'un dispositif fiscal à la CESDH sont en développement. Mais leur issue demeure incertaine. La Cour européenne des droits de l'Homme a admis l'applicabilité de l'article 6 § 1 pour les litiges portant sur des lois fiscales de validation rétroactive, avant de considérer que le contentieux fiscal échappe au champ de droits et obligations de caractère civil visés à l'article 6 § 1 de la Convention, en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables (CEDH, 12 juillet 2001, req. 44759/98, Ferrazzini N° Lexbase : A7683AWH). Les décisions internes sont défavorables. Ainsi, le mécanisme du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune a été jugé conforme à l'article 1er du Premier protocole à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) (Cass. com., 25 janvier 2005, n° 03-10.068, FS-P+B+I N° Lexbase : A1245DG9 ; cf. Jean-Marc Priol, Le mécanisme du plafonnement de l'ISF reconnu conforme à l'article 1 du premier protocole à la CESDH, paru dans Lexbase Hebdo n° 154 du 10 février 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4587ABI). De même, l'article 164 C du CGI (N° Lexbase : L2839HLQ), qui instaure une imposition sur l'habitation dont les non-résidents disposent en France ne constitue pas une atteinte au droit de propriété protégé par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention (CAA Paris, 2ème ch., sect. B, 6 décembre 2002, n° 98PA04089 et n° 99PA00622, M. Von Bernewitz N° Lexbase : A7450A4P).

  • Adaptation du contrôle fiscal des comptabilités informatisées (BOI 13 L-2-08 du 6 mars 2008 N° Lexbase : X0549AE3)

L'administration vient de publier l'instruction qui commente l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 2007 (loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 N° Lexbase : L5490H3Q). Cet article prévoyait, notamment, dans un objectif de simplification et d'adaptation des techniques contemporaines de transmission, de moderniser les modalités de représentation des documents comptables informatisés.

1. Les règles spécifiques relatives au contrôle des comptabilités informatisées

Selon les termes de l'article L. 13 du LPF (N° Lexbase : L6794HWK), lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatiques, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le CGI ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. Les obligations concernant la conservation des données informatiques, la présentation de la comptabilité et les modalités spécifiques de mise en oeuvre des traitements informatiques dans le cadre du contrôle ont été explicitées dans une instruction du 24 janvier 2006 (BOI 13 L-1-06). Ainsi, les agents vérificateurs peuvent être conduits à effectuer leur contrôle en recourant à des traitements informatiques des données conservées, afin de "remonter" des écritures comptables jusqu'aux opérations élémentaires. On distingue trois modalités de réalisation de ces traitements. Tout d'abord, les agents peuvent effectuer la vérification et les traitements requis sur le matériel utilisé par le contribuable. Les contribuables peuvent demander à effectuer eux-mêmes tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Ils peuvent, également, demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise, auquel cas des copies des documents, données et traitements soumis au contrôle sont transmis à l'administration qui ne doit pas, elle-même, en établir de copies.

2. La modernisation des modalités de représentation des documents comptables informatisés et des traitements informatiques

La loi de finances rectificative pour 2007 a modifié la rédaction de l'article L. 47 A du LPF (N° Lexbase : L8262AEQ) afin de moderniser les modalités permettant au contribuable, dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, de répondre à son obligation de présentation des documents comptables. L'instruction du 6 mars 2008 précise, d'une part, dans quelles conditions le contribuable peut satisfaire son obligation, d'autre part, les modifications apportées à la réalisation des traitements informatiques.

2.1. La possibilité de remettre une copie des fichiers

Lorsque le contribuable choisit de remettre au vérificateur une copie des fichiers des écritures comptables, il peut graver un exemplaire des fichiers sur cédérom, ou permettre au vérificateur d'en prendre copie sur un support externe (disque dur externe, clef USB). Cette présentation sur support informatique doit permettre, d'une part, d'alléger la présence sur place des vérificateurs, d'autre part, de faciliter le contrôle exercé par ces derniers, puisqu'ils pourront effectuer sur les fichiers toutes opérations simples telles que des tris, classements ou tous calculs permettant de s'assurer de la concordance des documents comptables avec les déclarations déposées.

2.2. Modification apportées à la réalisation des traitements informatiques

Les agents de impôts doivent, désormais, indiquer par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées, et ce dernier doit formaliser par écrit son choix parmi les trois options de traitement précédemment évoquées. Lorsque le contribuable choisit de réaliser lui-même les traitements informatiques nécessaires au contrôle, il doit en remettre les résultats sous une forme dématérialisée. En revanche, lorsque le traitement n'est pas effectué sur le matériel de l'entreprise, l'administration doit en communiquer les résultats au contribuable. Enfin, dans cette hypothèse, l'administration doit rendre au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers qui lui ont été fournies.

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Social général

[Evénement] Mobilité internationale : aspects techniques et opportunités d'optimisation de la rémunération des cadres dirigeants

Lecture: 8 min

N3534BEM

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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social

Le 07 Octobre 2010

Le 7 février dernier, Ernst and Young organisait, à Bordeaux, un atelier dédié à la mobilité internationale des salariés, plus spécifiquement axé sur ses conséquences dans les domaines du droit du travail, du droit de la Sécurité sociale et du droit fiscal. Cyril Crugnola, avocat de la ligne de services Human Capital, menait les débats, accompagné d'Anne France Oulié, avocat de la ligne de services Droit social, et de Virginie Téchené, juriste en droit social, du bureau de Bordeaux. Cet atelier visait à sensibiliser son public aux problématiques liées à la mobilité internationale des salariés et, tout particulièrement, à mettre en exergue les outils qui sont à la disposition des employeurs et qui servent de levier à la motivation des salariés, en l'occurrence cadres, pour une mutation hors de nos frontières. Cyril Crugnola appartient à l'équipe pluridisciplinaire "Human capital" d'Ernst and Young, composée de 80 professionnels en France (avocats et advisors) et présente dans plus de 130 pays, laquelle poursuit plusieurs objectifs : anticiper et optimiser la gestion des salariés en situation de mobilité internationale ; contribuer à la stratégie de ressources humaines à l'international ; diagnostiquer les risques fiscaux et sociaux inhérents à la situation de mobilité internationale des salariés ; définir la couverture sociale des salariés expatriés et, enfin, optimiser la rémunération des salariés et des cadres dirigeants à l'international. La branche "Human capital" intervient dans cinq domaines en particulier, que sont le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale, le droit fiscal, le droit de l'immigration et, enfin, les ressources humaines. I. Aspects techniques de la mobilité internationale
  • Droit du travail

L'employeur désireux de proposer une mutation à l'étranger à l'un de ses salariés doit, avant toute chose, s'attacher au formalisme juridique qui fera vivre cette relation de travail.

En droit du travail, il n'existe pas de définition légale du détachement ou de l'expatriation.

Le salarié détaché, outre le fait qu'il continue à travailler pour le compte de la société d'origine, est celui qui est mis à disposition à l'étranger pour une durée limitée par une entreprise ayant son siège social en France.

Ainsi, en principe, le salarié conserve un lien juridique avec son entreprise d'origine. Autrement dit, il reste salarié de son entreprise. Il appartient à l'effectif de la société, reste rémunéré par la société d'origine et bénéficie exclusivement de l'application du contrat de travail initialement conclu avec l'employeur d'origine, bien que son contrat s'exécute à l'étranger dans une autre société.

La notion d'expatriation est, quant à elle, généralement employée pour des salariés envoyés à l'étranger pour une mission de longue durée. Le lien de subordination avec l'entreprise d'origine est, en outre, très atténué, voire rompu, et un contrat local est conclu avec l'entreprise d'accueil.

La loi applicable à la relation de travail est choisie selon le principe de l'autonomie de la volonté. Autrement dit, les parties choisissent, en principe, librement, la loi qu'elles souhaitent voir appliquée au contrat. Une limite, toutefois, est posée à ce principe d'autonomie de la volonté des parties : l'ordre public du pays d'accueil, auquel il est impossible de déroger. En outre, si les parties ont recours à la loi française, les conventions collectives afférentes devront, également, recevoir application.

Le contrat de travail doit contenir un certain nombre de clauses obligatoires et prendre la forme d'un écrit. Au titre des clauses devant figurer dans ce contrat, on relèvera, tout particulièrement, l'identité des parties, le lieu de travail, le titre du salarié ou la description sommaire du travail, la date de début du contrat, sa durée prévisible, la durée des congés payés ou les modalités d'attribution de ces congés, la durée du préavis, les divers éléments de rémunération et la périodicité de versement de cette rémunération, la durée du travail journalière et hebdomadaire et, le cas échant, les conventions et accords collectifs applicables.

Le contrat de travail des expatriés, dont la durée d'expatriation est supérieure à 1 mois, devra, en outre, contenir des clauses relatives à la durée de l'expatriation, à la devise servant au paiement de la rémunération, aux avantages en espèce et en nature et, enfin, aux conditions de rapatriement.

Les situations de détachement, dans leur généralité, sont régies par la Directive européenne du 14 octobre 1991 (Directive du Conseil 91/533/CEE du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail N° Lexbase : L7592AUQ).

Puis, si certaines clauses ne sont pas obligatoires, elles sont, selon Cyril Crugnola, largement recommandées. Sont, ici, visées les clauses relatives au droit applicable et à la juridiction compétente, l'objet du contrat de travail et les conditions suspensives (obtention des titres de séjour et de travail), le sort du contrat d'origine, le cas échéant, les conditions d'exécution de la mission à l'étranger, le salaire de référence du salarié, éventuellement la prévision d'un mécanisme dit d'égalisation fiscale et/ou sociale, lui permettant de ne pas supporter un montant de charges sociales ou d'impôt supérieur à celui qu'il supporterait s'il était resté en France, le statut social et fiscal du salarié, les différents frais liés au voyage, au déménagement et au rapatriement et, enfin, tout ce qui concerne la rupture du contrat de travail.

Peuvent, bien entendu, s'ajouter à cette liste, la clause d'exclusivité, la clause relative au secret professionnel et la clause de non-concurrence. Cette dernière est importante dans la mesure où l'employabilité de certaines catégories de salarié (notamment ingénieurs) augmente compte tenu de l'expérience internationale acquise dans le cadre de la mission à l'étranger.

  • Protection sociale

L'employeur doit assurer au salarié candidat à la mobilité une couverture sociale adéquate et identifier les optimisations réalisables en ce qui concerne le coût et l'étendue de la couverture sociale.

C'est en droit de la Sécurité sociale que les notions de détachement et d'expatriation prennent tout leur sens juridique.

En vertu du principe de territorialité en matière de Sécurité sociale, l'expatriation est la règle. En ce sens, le salarié est normalement assujetti au régime de Sécurité sociale du lieu d'exercice de son activité.

En cas de détachement, le salarié bénéficie du maintien au régime de Sécurité sociale de son pays d'origine. Ce maintien s'effectue soit par le jeu de dispositions communautaires (et, notamment, le Règlement CE n° 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de Sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté N° Lexbase : L4570DLT), si le salarié est envoyé en Europe, soit par le biais de conventions bilatérales de Sécurité sociale éventuellement conclues entre les pays, soit par celui de dispositions de droit interne français.

Le détachement ne doit pas excéder une certaine durée, qui est variable selon le pays au sein duquel le salarié est détaché. Ainsi, la durée maximale d'un détachement d'un salarié d'un Etat membre de l'Union européenne vers un autre Etat membre de l'Union européenne est, en principe, de douze mois, renouvelable une fois si la mission n'a pas été achevée à la suite de circonstances exceptionnelles. Cette durée peut, également, être supérieure pour les détachement dits exceptionnels, en vertu de l'article 17 du Règlement CE précité.

La durée maximale d'un détachement d'un salarié d'un Etat membre de l'Union européenne vers un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne est souvent prévue par des traités bilatéraux de Sécurité sociale. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, le détachement est d'une durée de cinq ans en application de la convention bilatérale conclue avec la France. En l'absence de convention bilatérale avec la France, les dispositions du droit français sont applicables.

Par application des articles L. 761-2 (N° Lexbase : L5701ADI) et R. 761-1 (N° Lexbase : L8371ADE) du Code de la Sécurité sociale, la durée maximale du détachement est de 3 ans renouvelable une fois, soit une durée maximale de 6 ans.

En revanche, si le salarié est expatrié, il est, alors, assujetti au système de Sécurité sociale du pays d'accueil et pourra opter, pour compléter l'étendue de sa couverture le cas échéant, pour une affiliation volontaire à des organismes tels que la Caisse des Français à l'Etranger (CFE).

Contrairement au détachement, l'expatriation n'est soumise à aucune limitation de durée.

En pratique, l'expatriation est souvent plus avantageuse pour l'employeur compte tenu du coût que représente la Sécurité sociale en France. Si l'employeur opte effectivement pour une expatriation, alors il peut recomposer la protection sociale de son salarié en adhérant à certains organismes proposant des solutions intéressantes dans ce domaine qui peuvent aller du contrat groupe au contrat individuel, chaque risque pouvant faire l'objet d'un contrat d'assurance indépendamment de tous les autres. Le salarié peut lui-même souscrire des contrats d'assurance à titre individuel, sans participation de son employeur.

  • Droit fiscal

En matière de fiscalité, l'analyse procède d'une toute autre démarche. Dans ce domaine, il n'existe pas, par exemple, de "choix" en ce qui concerne le statut applicable au salarié. Seule compte la résidence fiscale de celui-ci afin de déterminer l'étendue de ses obligations tantôt "illimitées", s'il est résident fiscal du pays concerné, tantôt "limitées", s'il est non-résident.

Là encore, le jeu des conventions internationales prend toute son importance. En effet, elles permettent, notamment, de trancher les éventuels conflits de résidence entre plusieurs pays dans lequel le salarié exercerait, par exemple, une activité.

Ensuite, ces conventions permettront, au besoin, de déterminer à quel pays appartient le droit d'imposition de telle ou telle catégorie de revenu.

Enfin, en cas de double imposition d'un même revenu, les conventions permettront d'en éliminer ou d'en atténuer les effets selon deux méthodes : l'octroi d'un crédit d'impôt ou le taux effectif.

Que cela soit en matière fiscale ou sociale, la combinaison de ces dispositions avec celles de droit interne pourra offrir, le cas échéant, un certain nombre d'opportunités de réduction du coût fiscal et/ou social de la situation de mobilité du salarié.

II. Illustrations en ce qui concerne les mécanismes d'optimisation

A titre d'illustration, il est, ainsi, possible de citer les exemples suivants sans que ceux-ci n'aient forcément de lien entre eux :

- La mise en place de contrats multiples ou "split contracts" / "split payroll" :

Cette technique consiste à éclater la rémunération entre différents pays, dans lesquels les salariés exercent une activité effective et peuvent être rémunérés. Elle s'adresse le plus souvent à des cadres dirigeants. Afin que le mécanisme soit efficace au plan fiscal, il convient, notamment, que la rémunération versée au titre de l'activité exercée à l'étranger soit imposable à l'étranger en vertu de la convention fiscale applicable, que la méthode d'élimination prévue par la convention soit favorable au contribuable (mécanisme du taux effectif), et que le taux d'imposition dans le pays étranger soit moins élevé que dans le pays d'origine.

En raison de l'organisation parfois fastidieuse résultant de la mise en place ou de la gestion du mécanisme (existence de plusieurs contrats, systèmes de paie, etc.), cette technique doit seulement être envisagée pour des personnes ayant une rémunération significative.

- Pluri-activité dans un contexte communautaire :

De par le jeu des dispositions du Règlement communautaire n° 1408/71, et notamment l'article 14.2 b) ii), la rémunération d'un salarié, bien que celui-ci réside dans un pays où le montant des cotisations sociales est important, pourra être intégralement assujettie à un régime de protection sociale plus favorable en terme de coûts. Ce sera le cas, par exemple, d'une personne qui réside en France, mais qui exerce une activité professionnelle sur le territoire de plusieurs Etats membres (par exemple l'Italie et l'Allemagne) autres que celui de sa résidence, pour le compte d'un seul employeur localisé par exemple au Royaume-Uni. Dans ce cas, la rémunération afférente à cette activité devra être soumise au régime de Sécurité sociale du lieu du siège de l'employeur, à savoir le Royaume-Uni.

L'octroi de jetons de présence dans un contexte France / Royaume-Uni

Selon des circonstances bien particulières et en l'état actuel de la convention fiscale conclue entre les deux pays, ce mécanisme peut présenter un intérêt significatif en termes d'impôt et de cotisations sociales.

- L'octroi de primes dites "d'expatriation" ou "de mobilité" au sens de l'article 81A II du Code général des impôts (N° Lexbase : L2447HNX)

Selon le cas, et sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, ces dispositions permettent de faire échapper à l'impôt sur le revenu une partie non négligeable de la rémunération octroyée.

- L'exonération d'éléments de rémunérations liés à une situation d'impatriation en France (CGI, art. 81 B N° Lexbase : L2448HNY) :

Sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, ces dispositions permettent à des cadres impatriés en France de bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu sur certains éléments de leur rémunération.

L'utilisation de ces dispositions peut présenter un certain intérêt pour les entreprises dans le cadre de négociations salariales en net après impôt.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 17 mars 2008 au 21 mars 2008

Lecture: 4 min

N4730BEW

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Reclassement/Salarié inapte/Refus

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 07-40.327, M. Pierre Garcia, F-D (N° Lexbase : A4955D7N) : ne peut être abusif le refus, par un salarié, du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5523ACK), dès lors que la proposition de reclassement entraîne une modification du contrat de travail .

  • Licenciement/Absence prolongée/Appréciation

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-46.501, Mme Myriam Benrabah, F-D (N° Lexbase : A4807D78) : appréciant exactement la situation à la date du licenciement et, souverainement, l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel a, d'une part, constaté l'existence de perturbations, résultant de l'absence prolongée de la salariée, ne pouvant plus être résolues par un emploi précaire, et, d'autre part, caractérisé la nécessité pour l'employeur de remplacer définitivement cette salariée en procédant à l'embauche d'un nouveau salarié en CDI, dont le caractère fictif n'était pas établi. Sans inverser la charge de la preuve, ni devoir procéder à des recherches que ses constatations et énonciations rendaient inopérantes, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision .

  • Mise en inactivité anticipée/Situation familiale/Régimes spéciaux

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-43.585, M. Michel Vadet, F-D (N° Lexbase : A4770D7S) : aucune disposition statutaire ne subordonne l'octroi, à un agent public des industries gazières et électriques, d'une mise en inactivité anticipée avec perception immédiate d'une pension, à la preuve, par ce même agent, qu'il a assuré l'éducation effective de ses enfants et subi un retard de carrière ou une interruption d'activité du fait de la prise en charge de cette éducation. Dès lors, l'arrêt, qui a retenu que l'agent public masculin, père de famille de trois enfant ou plus, ne peut prétendre au bénéfice d'une mise en inactivité anticipée avec perception immédiate d'une pension que s'il justifie s'être trouvé dans une situation de carrière comparable à celle des agents féminins mères de famille, c'est-à-dire si, d'une part, il a effectivement assuré l'éducation de ses enfants et si, d'autre part, le fait d'élever ses enfants a généré pour lui des désavantages professionnels dans les mêmes termes que ceux que subit une mère de famille en raison des charges éducatives qu'elle assume généralement au détriment de sa carrière, doit être cassé .

  • Mise en inactivité/Engagement unilatéral de l'employeur

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-44.509, Société Electricité de France, F-D (N° Lexbase : A4776D7Z) : aucun engagement de l'employeur ne peut résulter de simples commentaires figurant dans un document de travail interne sans valeur normative. Dès lors, la cour d'appel qui, pour juger que la mise en inactivité d'un agent constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a retenu que, par application de l'article 111-1 du chapitre 263 du "manuel pratique des questions de personnel", valant engagement unilatéral de l'employeur, l'exigence que, au moment de son départ, cet agent soit encore affecté à un poste classé actif ou reconnu insalubre, doit être cassé .

  • Clause de confidentialité

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-45.434, Société Planaxis technologies France, F-D (N° Lexbase : A4791D7L) : pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur ne peut reprocher à la salariée d'avoir violé la clause de confidentialité figurant dans son contrat de travail, dès lors, d'une part, que l'employeur l'avait précédemment autorisée à se faire adresser, par l'intermédiaire de l'ordinateur professionnel de son concubin, des documents internes à l'entreprise et, d'autre part, que cette clause ne peut la priver du droit de se procurer des documents de l'entreprise, dont elle avait connaissance dans l'exercice de ses fonctions, pour assurer sa défense dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique dont elle faisait l'objet. En statuant ainsi, alors que l'employeur n'avait pas autorisé la salariée à adresser à un tiers à l'entreprise les informations, confidentielles, visées dans la lettre de licenciement et que les documents, pour la plupart sans rapport avec la situation économique de l'entreprise, n'étaient pas strictement nécessaires à la défense de l'intéressée dans un futur litige portant sur son licenciement, la cour d'appel a violé les dispositions du Code du travail .

  • Licenciement/Ethylisme

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 06-45.212, Société Damien technologie, F-D (N° Lexbase : A4786D7E) : le fait, pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite d'un véhicule automobile, de se voir retirer son permis de conduire pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle. Dès lors, l'arrêt qui, pour décider que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, retient que la mesure de suspension de permis de conduire infligée au salarié, intervenue dans le cadre de sa vie personnelle et, de surcroît, pendant ses congés payés, n'avait eu aucun effet sur la relation contractuelle de travail, doit être cassé .

  • Harcèlement moral

- Cass. soc., 19 mars 2008, n° 07-40.026, Société Eurogroup, F-D (N° Lexbase : A4951D7I) : pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité de licenciement et pour harcèlement moral, la cour d'appel, qui a retenu que, dès lors que le salarié a été privé de toute mission pendant huit mois, il est établi qu'il a subi les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont eu pour objet, ou pour effet, une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, n'a pas donné de base légale à sa décision .

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