La lettre juridique n°282 du 22 novembre 2007

La lettre juridique - Édition n°282

Éditorial

Tabou et responsabilité des fabricants de tabac

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N1963BD3

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


"Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre". Ah qu'il est loin le temps où Molière avait pu introduire ainsi son Dom Juan, sans emporter les foudres des pouvoirs publics ! Et sans doute que Sganarelle eut été censuré et le vers eut dû alors disparaître de l'oeuvre, jugé comme trop prosélyte en faveur du tabac. Pourtant, malgré les campagnes anti-tabac et les constantes hausses des taxes et droits d'accises, il y a un pas que la jurisprudence française n'a toujours pas franchi : celui de la responsabilité civile des fabricants.

On se souvient qu'entre avril 1994, date à laquelle les fabricants de tabac américains témoignaient devant le Congrès pour défendre l'usage de la cigarette, affirmant qu'il n'y avait aucun risque de dépendance, et le 14 juillet 2000, date à laquelle un jury de Floride a condamné cinq fabricants de tabac à verser 145 milliards de dollars en dommages et intérêts à 500 000 plaignants réunis dans une plainte collective, le droit états-unien avait nettement évolué en défaveur des industriels du secteur, jusqu'à leur interdire, récemment, d'employer le vocable "light" sur les paquets de cigarettes. Et des films, comme Tabac de Nadia Collot ou Thank You for Smoking de Jason Reitman, marquent, désormais, sans concession, l'engagement cinématographique dans la dénonciation de pratiques promotionnelles des industriels du tabac.

La France que l'on accuse, pourtant, d'un américanisme renaissant, ne suit toujours pas cette voie de mise en cause de la responsabilité civile des fabricants de tabac ; la Cour de cassation exonérant, une nouvelle fois, un fabricant de cigarettes de sa responsabilité dans le développement d'une maladie liée au tabac, aux termes d'un arrêt rendu le 8 novembre dernier. Comme le souligne, cette semaine, David Bakouche, Professeur agrégé des facultés de droit, la Haute juridiction fait ici écho à une jurisprudence établie depuis 2003 et se place délibérément sur le terrain de la causalité. Le fumeur, victime d'une maladie liée à la prise de tabac, semblait parfaitement averti des conséquences de cette prise nocive. Et c'est cet acte de volonté clair et répété, malgré les campagnes de santé publique orchestrées depuis 1976, qui constitue la cause directe du développement de la maladie. Le fondement juridique est difficilement contestable ; sur le plan judiciaire, cette décision porte un coup d'arrêt à toutes les actions individuelles (et futures actions collectives, sans doute) qui viendraient engorger les tribunaux français. Pour autant, sur un plan social, la décision ici rapportée a de quoi surprendre, tant l'hallali sur le tabac est fort retentissant et la lutte anti-tabac porte même sur les lieux publics. Sans doute qu'une décision en faveur de la responsabilité des fabricants de tabac ouvrirait la boîte de Pandore, et mettrait à mal l'ensemble des acteurs du secteur, dont l'Etat français lui-même accusé, parfois, de financer l'action publique grâce à la consommation du tabac (environ 12 milliards d'euros de recettes fiscales annuelles). Mais, il n'est pas le lieu d'évoquer, ici, le principe de réalité fiscale qui ne conduit, en rien, à promouvoir une activité commerciale, en particulier, mais uniquement à tirer les conséquences du principe d'égalité devant la charge publique pour taxer toute activité économique fût-elle licite, morale ou non.

"L'Ancien Régime, pour quelques-uns c'est une tabatière d'argent, une prise de tabac et une pichenette au jabot" (Jules Renard, Extrait de son Journal 1893-1898) : est-ce là, la marque de la différence entre le Nouveau monde et le Vieux continent ?

newsid:301963

Immobilier et urbanisme

[Jurisprudence] Précisions en matière de contestation d'assemblée générale de copropriétaires ou de résolutions non inscrites à l'ordre du jour

Réf. : Cass. civ. 3, 14 novembre 2007, n° 06-16.392, Société Jean-Paul, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A5887DZ3) et Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-17.361, Syndicat des copropriétaires du 121 boulevard Saint-Michel, FS-P+B (N° Lexbase : A4189DZ8)

Lecture: 3 min

N1979BDN

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Deux arrêts récents de la Cour de cassation méritent l'attention des praticiens en ce qu'ils apportent des précisions dans des domaines peu explorés jusque là. Par un arrêt du 14 novembre 2007, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a, ainsi, précisé que seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué pouvant se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale, le moyen de nullité invoqué par une SCI copropriétaire relatif au point de départ du délai de convocation d'un autre copropriétaire ne pouvait être accueilli et fondé l'annulation de l'assemblée. Dans un second arrêt du 7 novembre 2007, la même chambre de la Cour de cassation a indiqué qu'une résolution adoptée à l'unanimité des copropriétaires même non inscrite à l'ordre du jour ne peut être contestée par un copropriétaire qui ne s'y est pas opposé, seuls les copropriétaires défaillants ou opposants étant recevables à la critiquer.
  • Délai de convocation et annulation de l'assemblée générale

Il sera rappelé que le délai de convocation de l'assemblée a été porté par le décret du 1er mars 2007 à vingt et un jours (décret n° 2007-285 du 1er mars 2007, modifiant le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L5808HUN). L'initiative de la convocation appartient normalement au syndic.

En vertu de l'article 64 du décret de 1967 (N° Lexbase : L8032BB4), le point de départ du délai de convocation de l'assemblée est, en toute circonstance, "le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire".

L'absence de respect de ce délai de convocation est, en principe, sanctionnée par la nullité de l'assemblée (Cass. civ. 3, 25 novembre 1998, n° 96-20863, Société de l'Yvette c/ Société Pierre Cheruy et autres N° Lexbase : A0106CK7), nullité qui peut être invoquée dans le délai de deux mois prévu par l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 (Cass. civ. 3, 28 février 2006, n° 05-11.409, Mme Françoise Courthieu, épouse de Courteix c/ Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Floralies (N° Lexbase : A4295DNE).

Si ces règles sont désormais bien établies, la question demeurait de savoir qui peut invoquer l'irrespect du délai de convocation à l'assemblée générale : tout copropriétaire y a-t-il intérêt ou seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué ?

Dans l'arrêt commenté du 14 novembre, la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de la seconde solution et précise que seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué peut se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale.

En l'espèce, une SCI copropriétaire était assignée par le syndicat des copropriétaires pour lui voir interdire la poursuite de travaux qu'elle avait entrepris sans autorisation dans son lot.

La SCI assignait en retour le syndicat des copropriétaires aux fins de voir déclarer nulle l'assemblée au cours de laquelle le syndic avait été mandaté pour agir contre la SCI.

Pour seul argument, elle se fondait sur l'absence de respect du délai de convocation à l'assemblée d'un autre copropriétaire.

Cet argument, non retenu par les juges du fond, a, également, été écarté par la Cour de cassation qui retient que seul le copropriétaire en l'espèce irrégulièrement convoqué peut se prévaloir de l'irrégularité relative au délai de convocation.

Cette décision restreint les modalités de contestation des assemblées dans la mesure où il avait été précisé jusqu'alors que le copropriétaire demandant la nullité n'avait pas à justifier de l'existence d'un grief, ce qui impliquait que tout copropriétaire avait intérêt à veiller à l'application des règles -notamment de forme- du fonctionnement de la copropriété.

  • Ordre du jour et contestation d'une résolution

La convocation à l'assemblée générale des copropriétaires "contient l'ordre du jour qui précise chacune des questions soumises à la délibération de l'assemblée" (décret du 17 mars 1967, art. 9).

En vertu de l'article 13 du décret du 17 mars 1967, l'assemblée ne délibère valablement que sur les questions inscrites à l'ordre du jour. Ainsi, l'ordre du jour définit-il la compétence de l'organe délibérant qui ne peut, en principe, connaître que des questions qui y sont inscrites.

En principe, les décisions prises sur des questions ne figurant pas à l'ordre du jour sont nulles. Seule la nullité de la délibération est encourue, non pas celle de l'assemblée elle-même.

Dans l'arrêt commenté du 7 novembre dernier, des copropriétaires avaient assigné le syndicat des copropriétaires en annulation d'une résolution l'assemblée générale des copropriétaires qui devait porter sur le projet d'aménagement de la façade et du local gauche en rez-de-chaussée de l'immeuble.

Pour déclarer cette demande recevable, les juges du fond avaient retenu que, selon l'ordre du jour adressé aux copropriétaires en vue de l'assemblée générale, seul devait être discuté l'aménagement de la façade. La modification du règlement de copropriété ne figurait pas à l'ordre du jour. Les premiers juges en avaient déduit qu'il résultait de la convocation à l'assemblée générale, du procès-verbal de l'assemblée générale, des travaux entrepris postérieurement, que les copropriétaires contestants avaient été victimes d'une "escroquerie intellectuelle".

La Cour de cassation ne suit pas leur raisonnement et indique que la décision ayant été votée à l'unanimité, les copropriétaires contestataires qui ne sont pas opposants, ne sont pas recevables à la contester.

Il s'agit là d'une application rigoureuse des termes de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants.

Ainsi résulte-t-il d'une jurisprudence constante que les copropriétaires qui ont voté en faveur d'une décision ne peuvent plus la contester, quel que soit le motif sur lequel ils se fondent.

newsid:301979

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Révocation de mandats syndicaux : prédominance de la notification à l'employeur !

Réf. : Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-13.702, Mme Fabienne Vernet épouse Malidor, FS-P+B (N° Lexbase : A4164DZA)

Lecture: 7 min

N1865BDG

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Rares sont les décisions de la Cour de cassation ayant l'occasion de se pencher sur le régime juridique applicable à la révocation des délégués syndicaux et des représentants syndicaux au comité d'entreprise. L'intérêt d'une décision portant sur ce thème est encore renforcé par le caractère bien peu prolixe du Code du travail sur la question. Il était donc important de se pencher sur cet arrêt rendu le 7 novembre 2007 par la Chambre sociale, arrêt par lequel elle prend une position plutôt surprenante s'agissant des différentes notifications qui doivent intervenir en matière de révocation d'un mandat syndical. En effet, elle donne nettement la primauté à l'information de l'employeur par rapport à l'information du mandataire syndical (1), solution dont on ne parvient à trouver l'explication que dans une lecture un peu rapide du Code du travail (2).

Résumé

La salariée titulaire d'un mandat de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise perd le bénéfice de son mandat à l'égard de l'employeur à compter du moment où celui-ci est informé par le syndicat de la révocation des mandats, peu importe la régularité de la révocation dans les rapports entre le syndicat et la salariée.

1. La primauté de la notification à l'employeur de la révocation

  • La représentation syndicale s'inscrit dans un ensemble de relations complexe

Lorsqu'il s'agit d'étudier le rôle et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, se pose fréquemment la question de savoir si cette représentation doit s'apparenter à une représentation civile, dont l'avatar le plus abouti est le contrat de mandat, ou s'il faut plutôt la rapprocher de la représentation politique (1). Le rapprochement au mandat civil implique une relation complexe, dans laquelle il faut nécessairement faire une place au tiers.

Le délégué syndical et le représentant syndical au comité d'entreprise sont, au vu des dispositions de l'article L. 412-11 du Code du travail (N° Lexbase : L6331ACH), des représentants du syndicat auprès de l'employeur. Cette relation semble donc être tripartite. Le délégué syndical est mandataire d'un syndicat qui constitue le mandant dans ses relations avec le tiers qu'est l'employeur. Cette relation peut donc être rapprochée de celle qui gouverne les relations entre mandant, mandataire et tiers en droit civil.

Le caractère complexe de cette relation peut emporter des difficultés quant à la mise en place du représentant et, comme en l'espèce, lors de la cessation de son mandat.

  • La révocation des mandats syndicaux

Il faut, au préalable, constater que la question de la révocation des mandats syndicaux n'est que très rapidement abordée dans le Code du travail et, en outre, qu'elle n'a que très rarement été traitée par la Cour de cassation.

S'agissant du délégué syndical, seul le troisième alinéa de l'article L. 412-16 du Code du travail (N° Lexbase : L6336ACN) évoque la cessation de ses fonctions en imposant une publicité identique à celle qui s'impose lors de sa désignation (2). Les délégués syndicaux peuvent être librement révoqués par le syndicat qui les a désignés. Mais, la rareté du contentieux relatif à cette question reflète la faible importance de cette voie pour mettre fin au mandat. Il est plus fréquent que le mandat soit interrompu du fait de la cessation de la relation de travail, par démission ou licenciement.

S'agissant du représentant syndical au comité d'entreprise, le droit du travail est encore plus laconique puisque seule l'assimilation opérée dans les entreprises de moins de 300 salariés entre le délégué syndical et ce représentant a permis, par analogie, d'identifier le régime de sa révocation (3). On considère donc, généralement, que, comme le délégué syndical, le représentant au comité peut être librement révoqué par le syndicat (4).

Les mandataires syndicaux sont donc révoqués par le syndicat. Pour autant, le tiers tient, ici, une place toute particulière, comme l'illustre parfaitement la décision commentée.

  • En l'espèce

La salariée, déléguée syndicale et représentante syndicale au comité d'entreprise, avait continué à bénéficier des heures de délégation liées à ses mandats alors même que le syndicat qui l'avait désignée avait notifié à l'employeur sa révocation. La salariée soutenait que, n'ayant pas été informée de la révocation, elle ne pouvait produire d'effet à son égard et, partant, les heures de délégation devaient lui être rémunérées.

La Cour de cassation, confirmant la solution rendue par les juges du fond, estime que la notification par le syndicat à l'employeur de la révocation des mandats fait perdre à la salariée le bénéfice de ses mandats. Autrement dit, quoique la révocation n'ait pas été notifiée à l'intéressée, le mandat avait pris fin et la salariée ne pouvait plus légitimement bénéficier des heures de délégation.

Par cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation distingue très nettement la dualité de relation qui caractérise la représentation syndicale dans l'entreprise. En effet, par le jeu de cette représentation, le syndicat est impliqué dans deux relations juridiques distinctes, l'une avec le salarié désigné, l'autre avec l'employeur tiers. La fin du mandat a donc nécessairement des effets à l'égard du tiers qui ne doit plus pouvoir être soumis aux obligations que le droit du travail met à sa charge tant que le mandat est actif.

Cette solution paraît très sérieusement discutable. La Chambre sociale de la Cour de cassation semble, en effet, donner plus d'importance à la notification de la révocation à l'employeur, pourtant tiers à la relation, plutôt qu'à la notification au mandataire.

La comparaison de cette solution avec le régime juridique guidant le mandat civil met encore un peu plus en lumière les incohérences de la solution.

2. La révocation d'un mandat syndical influencée par une lecture rapide du Code du travail

  • Les règles issues du Code du travail

Comme nous l'avons déjà évoqué, seul l'article L. 412-16 du Code du travail s'intéresse à la révocation du représentant syndical. Cette disposition ayant pour seul objet la notification à l'employeur par le syndicat de la révocation, ainsi que certaines règles de publicité (5), on pouvait penser que l'essentiel résidait dans la notification à l'employeur de la cessation du mandat.

Pourtant, ce raisonnement nous paraît un peu rapide. En effet, avant qu'il puisse y avoir notification de la révocation, encore faut-il qu'il y ait révocation ! En l'absence de règles gouvernant le régime de la révocation du mandat syndical en droit du travail, il convient probablement de se tourner vers le droit commun du mandat.

Il est possible d'objecter, quoiqu'il ne s'agisse pas là d'une question soulevée par l'arrêt, qu'il paraît douteux que la salariée n'ait pas été informée de la cessation de ses mandats puisque l'employeur devait procéder à des formalités de publicité dans pareille situation. L'affichage dans l'entreprise de la cession du mandat aurait dû suffire à porter la situation à la connaissance de la salariée. Il n'empêche que la salariée n'avait reçu aucune notification de la révocation provenant du syndicat.

Quoiqu'il en soit, cette primauté donnée à la notification à l'employeur semble tout à fait contraire aux règles applicables au mandat civil.

  • La révocation du mandat civil

Les articles 2003 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L2238ABI) organisent la cessation du contrat de mandat entre le mandant et le mandataire. Ils prévoient, également, de quelle manière le tiers peut, ou non, être affecté par l'extinction de la représentation.

Ainsi, par exemple, le tiers ne peut se voir opposer la fin de la représentation s'il n'en a pas été dûment informé. Cette règle trouve son pendant en droit du travail, puisque l'article L. 412-16 du Code du travail prévoit explicitement que l'employeur doit être informé de la cessation du mandat.

Une règle inverse protège le mandataire lorsqu'il effectue des actes de représentation alors qu'il n'avait pas connaissance de la cessation du mandat. Ainsi, l'article 2008 du Code civil (N° Lexbase : L2243ABP) prévoit-il que "si le mandataire ignore la mort du mandant ou l'une des autres causes qui font cesser le mandat, ce qu'il a fait dans cette ignorance est valide".

Or, on peut avoir l'impression dans cet arrêt que, contrairement à ce qui est classiquement jugé pour la révocation du mandat civil (6), la révocation du mandat syndical serait un acte juridique non réceptice. Le mandat syndical prendrait fin non pas au moment où le salarié est informé de la révocation, mais au moment où le syndicat émet la volonté d'y mettre fin. Si les règles classiques du mandat avaient été appliquées, il aurait fallu considérer qu'il n'y avait pas de révocation, qu'il ne pouvait y avoir notification à l'employeur d'un acte inexistant et, partant, que l'usage d'heures de délégation était valable.

  • Une dissociation apparente entre mandat civil et mandat syndical

L'application de l'article 2008 du Code civil au mandat syndical aurait, à première vue, permis de rendre une solution différente dans cette affaire. En effet, les actes effectués par le mandataire non informé de la révocation restant valable, on aurait pu considérer que l'usage fait par la salariée de ses heures de délégation devait, également, être considéré comme justifié.

Malgré tout, la Cour précise explicitement que, si la révocation fait perdre au salarié les bénéfices qu'il tirait de la représentation à compter du moment où l'employeur est informé de la fin du mandat, l'employeur n'avait "pas à s'interroger sur la régularité, dans les rapports du syndicat et de sa mandante [sic], de la révocation intervenue".

On peut voir, en filigrane, de cette affirmation, la potentialité d'un recours de la salariée contre le syndicat n'ayant pas assumé une véritable notification de la révocation. La salariée n'étant pas correctement informée, elle a continué à utiliser ses heures de délégation. Mais la responsabilité de cet usage injustifié ne repose pas sur les épaules de l'employeur ou de la salariée. C'est le syndicat qui devrait supporter la responsabilité de ce défaut de notification.

Si une action en responsabilité de la salariée contre le syndicat s'avère possible, la salariée pourra probablement obtenir le recouvrement des sommes perdues du fait du non-paiement des heures de délégation. Il s'agirait, cependant, là, d'une application bien cavalière de l'article 2008 du Code civil, pour lequel les actes effectués par le mandataire dans cette situation sont censés être valides.

  • Une solution alternative envisageable

Une autre solution aurait pu être envisagée. La Cour aurait pu estimer que la révocation n'ayant pas été notifiée, ses actes demeuraient valides, et les heures de délégation pouvaient donc être utilisées.

Ce faisant, c'est l'employeur qui aurait été lésé et il aurait fallu permettre une action en responsabilité de l'employeur contre le syndicat pour ne pas avoir correctement révoqué la mandataire syndicale. Les dispositions de l'article 2008 auraient alors été respectées à la lettre.

Dans cette hypothèse, c'est l'employeur, tiers à la relation, qui aurait subi les conséquences des défaillances syndicales. Mais, les dispositions du Code civil concernant les tiers se limitent à leur protection en cas de mandat apparent, c'est-à-dire de croyance légitime que le mandat n'avait pas été révoqué. L'employeur aurait pu prendre ses dispositions et informer la salariée que son mandat avait été révoqué par le syndicat, quoique cela ne rentre manifestement pas dans ses fonctions.

La Cour de cassation applique donc une analogie très adaptée du régime du mandat civil au mandat syndical, alors même que le Code du travail ne prescrit pas de régime autonome de ce mandat. Preuve, s'il en fallait encore, de la difficulté d'assimiler totalement les deux techniques.


(1) V. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., 2006, p. 637. S'agissant des salariés disposant de mandats syndicaux, il fallait, d'ailleurs, au préalable, que soit réglée la question de savoir s'ils constituaient bien des institutions représentatives du personnel. Malgré les doutes résidant dans la rédaction du premier alinéa de l'article L. 412-11 du Code du travail (N° Lexbase : L6331ACH), une réponse positive fut apportée par la Cour de cassation en 2002, v. Cass. soc., 19 février 2002, n° 00-40.657, Société Cibox c/ M. Jean-Pierre Arnoux, FS-P (N° Lexbase : A0340AYA) ; Dr. soc. 2002, p. 1073, note F. Petit.
(2) Sur ce formalisme, v. Cass. soc., 20 novembre 2002, n° 00-42.673, Société Screg c/ M. Pierre Poujade, F-D (N° Lexbase : A0446A4B) et les obs. de A. Garat, Vers un renforcement de la portée des formalités de cessation des fonctions d'un délégué syndical ?, Lexbase Hebdo n° 50 du 5 décembre 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N4992AA7).
(3) Assimilation prévue par l'article L. 412-17 du Code du travail (N° Lexbase : L6337ACP).
(4) J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc., p. 829.
(5) Le texte prévoit l'affichage dans l'entreprise de la révocation et la notification de celle-ci à l'inspection du travail.
(6) V., par ex., Cass. civ. 3, 28 février 1984, n° 82-15.062, SA Sireco c/ Brethaux, Biltgen (N° Lexbase : A0329AAG).
Décision

Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-13.702, Mme Fabienne Vernet épouse Malidor, FS-P+B (N° Lexbase : A4164DZA)

Rejet (CA Fort-de-France, chambre civile, 5 décembre 2005)

Texte concerné : néant.

Mots-clés : mandats syndicaux ; révocation ; date de la révocation ; employeur destinataire de la notification.

Lien bases :

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Précisions quant à la possibilité de réduire conventionnellement la durée du mandat des représentants du personnel

Réf. : Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 07-60.041, Syndicat des transports CFDT Lorraine du sud, FS-P+B (N° Lexbase : A4296DZ7)

Lecture: 4 min

N1824BDW

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Tout en fixant la durée du mandat des délégués du personnel à 4 ans, la loi du 2 août 2005 en faveur des PME (loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises N° Lexbase : L7582HEK) a expressément permis aux conventions et accords collectifs de réduire celle-ci jusqu'à 2 ans. Pour être ainsi expressément autorisée, la dérogation conventionnelle doit, cependant, être strictement entendue. Tel est le sens d'un important arrêt rendu le 7 novembre 2007 par la Cour de cassation, dans lequel celle-ci a refusé de faire produire effet à un accord conclu antérieurement à la promulgation de la loi précitée, qui prévoyait, pourtant, que les délégués du personnel sont élus pour 2 ans. Il faut ainsi comprendre, au-delà de la solution en cause, que seul un accord conclu postérieurement à la publication d'une loi peut valoir dérogation aux dispositions de cette dernière.

Résumé

Une convention collective conclue en 1994, qui, conformément à la loi en vigueur à l'époque de son adoption, fixait à 2 ans la durée du mandat des délégués du personnel, ne peut valoir dérogation aux nouvelles dispositions de l'article L. 423-16 du Code du travail (N° Lexbase : L7794HBB), tel qu'issu de la loi du 2 août 2005.

1. La faculté de réduire conventionnellement la durée du mandat des délégués du personnel

  • Durée du mandat

Depuis la promulgation de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, les délégués du personnel sont élus pour 4 ans (loi n° 2005-882, art. 96 ; C. trav., art. L. 423-16, al. 1er). Il en va de même des représentants élus au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 433-12 N° Lexbase : L7723HBN), au comité d'établissement, au comité central d'entreprise (C. trav., art. L. 435-4 N° Lexbase : L7784HBW) et au comité de groupe (C. trav., art. L. 439-3 N° Lexbase : L7719HBI) (1).

La réforme précitée a donc eu pour effet d'allonger la durée du mandat de ces représentants du personnel qui, jusqu'à cette date, étaient élus pour 2 ans (2). Ainsi qu'il avait été affirmé lors des travaux parlementaires ayant précédé la loi de 2005, le passage de 2 à 4 ans du mandat des représentants du personnel répondait, à la fois, à un "besoin de simplification et de stabilité" (3) (v. notre art., Brefs propos sur l'allongement de la durée du mandat des représentants du personnel, Lexbase Hebdo n° 182 du 22 septembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N8565AI3).

  • L'autorisation des aménagements conventionnels

L'article 96 de la loi du 2 août 2005 précise expressément, en son paragraphe VIII, "qu'un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'entreprise, comités d'établissement, comités centraux d'entreprise et comités de groupe comprise entre deux et quatre ans" (4).

Cette précision législative était nécessaire, dans la mesure où la Cour de cassation considère que la durée du mandat des représentants du personnel, telle qu'elle est fixée par la loi, présente un caractère d'ordre public absolu (Cass. soc., 8 novembre 1994, n° 94-60.113, Société Ricoh c/ Union des syndicats de travailleurs de la métallurgie CGT, publié N° Lexbase : A1455ABI ; D. 1995, somm. comm., p. 354, obs. J. Frossard). Faute d'habilitation législative expresse, les partenaires sociaux auraient donc été impuissants à modifier la durée des mandats des représentants du personnel, telle que fixée par la loi. Soulignons que pour être autorisée, la dérogation est encadrée puisque la norme conventionnelle ne peut ni allonger la durée des mandats, ni la réduire au-dessous de 2 ans (5).

Pour en venir à l'arrêt sous examen, était précisément en cause la réduction de la durée du mandat des délégués du personnel à 2 ans.

2. Une dérogation soumise à la conclusion d'un accord nouveau

  • La solution

En l'espèce, lors de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral, un différend avait opposé l'employeur à un syndicat représentatif quant à la durée du mandat des délégués du personnel. Le premier voulait faire application des dispositions de l'article L. 423-16, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2005, aux termes duquel, rappelons-le, ce mandat est de 4 ans sauf dérogations prévues par un accord collectif, tandis que le second faisait valoir que, précisément, les dispositions de la convention applicable, conclue en 1994 et fixant cette durée à 2 ans, constituaient un accord dérogatoire et devaient continuer à recevoir application.

La question était ainsi de savoir si une convention conclue antérieurement à la loi du 2 août 2005 pouvait valoir dérogation à l'article L. 423-16 du Code du travail. Confirmant la décision des juges du fond, la Cour de cassation vient y répondre de manière négative. Ainsi qu'elle l'affirme, "le tribunal d'instance a exactement décidé qu'une convention collective, conclue en 1994, qui, conformément à la loi en vigueur à l'époque de son adoption, fixait à deux ans la durée du mandat des délégués du personnel, ne pouvait valoir dérogation aux nouvelles dispositions de l'article L. 423-16 du Code du travail tel qu'issu de la loi du 2 août 2005". Par suite, le tribunal saisi du litige a pu fixer à 4 ans la durée des mandats des délégués du personnel à élire.

En d'autres termes, seul une convention ou un accord collectif conclu en application de la loi du 2 août 2005, c'est-à-dire postérieurement à sa publication, peut réduire le mandat des délégués du personnel de 4 à 2 ans.

  • Son fondement

Afin de donner un fondement juridique à la solution retenue dans l'arrêt commenté, on est évidemment tenté de se tourner vers les principes applicables au conflit de lois dans le temps. De ce point de vue, et compte tenu du fait que la convention collective est, avant tout, un contrat, c'est sans doute l'application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir des situations contractuelles antérieurement constituées qui paraît devoir être retenue (6). Le problème, on le devine, réside dans le fait que la loi nouvelle permet précisément à la norme conventionnelle de réduire le mandat des délégués du personnel à 2 ans. Cela ne saurait, cependant, faire oublier qu'antérieurement à la loi du 2 août 2005, le mandat des délégués du personnel était fixé à 2 ans et non 4 comme aujourd'hui. Par suite, une convention conclue avant cette date ne peut valoir dérogation aux dispositions impératives de l'article L. 423-16 du Code du travail, alors même que ses stipulations restent dans les limites de la dérogation permise par le texte nouveau.

On pourrait ajouter qu'il n'est nullement certain que les parties à la convention collective conclue en 1994 aient souhaité faire entrer dans le champ conventionnel le contenu de la loi applicable à cette époque. Plus vraisemblablement, ont-ils entendu faire simplement un renvoi formel à une loi existante (7).

A dire vrai, cette distinction importe peu lorsqu'un texte d'ordre public autorise la dérogation conventionnelle. Seul une convention ou un accord collectif conclu en application de ce texte peut valoir dérogation. Ce qui signifie qu'il doit avoir été conclu après sa promulgation.


(1) Les représentants du personnel au comité de groupe ne sont pas élus mais désignés par les syndicats représentatifs.
(2) En vertu de la loi n° 93-1313 (loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle N° Lexbase : L7486AI4) qui avait, quant à elle, porté cette durée de 1 à 2 ans.
(3) S. Poignant et M.-L. Chatel, Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi, adopté par le Sénat en faveur des PME : Rapp. AN n° 2429, juillet 2005, p. 281.
(4) On pouvait regretter que cette disposition n'ait pas été codifiée. Cette carence a été réparée par la recodification du Code du travail .
(5) Pour une première application de la faculté de dérogation conventionnelle à la durée des mandats, v. Cass. soc., 24 mai 2006, n° 05-60.351, Société Speedy France c/ Syndicat CFTC de la métallurgie 92, FS-P+B (N° Lexbase : A7697DPR) ; adde notre chron., Aménagements conventionnels de la durée du mandat des représentants du personnel : de l'importance du respect des dispositions légales, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N9490AKP).
(6) V., par ex., sur cette règle, J.-L. Aubert, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Sirey Université, 11ème éd., 2006, § 109.
(7) V., sur cette distinction, les obs. préc. de J. Frossard.
Décision

Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 07-60.041, Syndicat des transports CFDT Lorraine du sud, FS-P+B (N° Lexbase : A4296DZ7)

Rejet (TI Remiremont, 23 janvier 2007)

Textes concernés : C. trav., art. L. 423-16 (N° Lexbase : L7794HBB) ; article 96, VIII de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK). 

Mots-clefs : délégués du personnel ; mandat ; durée ; réduction conventionnelle.

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Entreprises en difficulté

[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

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N1983BDS

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, une décision rendue le 30 octobre 2007, par laquelle la Cour de cassation a apporté un éclairage sur les modalités procédurales de contestation de la désignation du mandataire spécial appelé à continuer une action à laquelle était partie un commissaire à l'exécution du plan de cession. Un arrêt du même jour, rendu en matière de représentation mutuelle des coobligés et de prescription de l'action contre le codébiteur solidaire, mérite également une attention toute particulière.
  • Les modalités procédurales de contestation de la désignation du mandataire spécial appelé à continuer une action à laquelle était partie un commissaire à l'exécution du plan de cession (Cass. com., 30 octobre 2007, n° 06-16.129, FS-P+B 1er moyen N° Lexbase : A2327DZ9)

Le plan de cession est une technique de transmission judiciaire d'entreprise qui permet de sauver une entreprise et les emplois qui y sont attachés, moyennant le paiement d'un prix de cession généralement très faible, mais qui ne permet pas de désintéresser les créanciers. Le législateur affiche, d'ailleurs, clairement la couleur en évoquant un "apurement du passif", terme technique qui désigne l'extinction des créances avec ou sans paiement. En présence d'un plan de cession, ce sera le plus souvent sans paiement. On comprend, dès lors, la tentation des organes de la procédure collective d'essayer de "solvabiliser" le dossier en faisant supporter une partie du passif à un tiers, auquel sera reproché soit une rupture des concours, soit, au contraire, un soutien abusif.

L'action en responsabilité contre un tiers est une action tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers. En cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, cette action appartient au représentant des créanciers ou au liquidateur, organe ayant exclusivement en charge la défense de l'intérêt collectif des créanciers.

Par une interprétation pour le moins audacieuse, pour ne pas dire contra legem, la Cour de cassation a cru devoir attribuer au commissaire à l'exécution du plan, le droit de défendre l'intérêt collectif des créanciers, une fois le plan de continuation ou de cession arrêté. A cette période, en effet, le représentant des créanciers cesse d'être investi du rôle de défenseur de l'intérêt collectif des créanciers. S'il demeure en fonction, ce n'est que pour terminer les opérations de vérification du passif, toute autre prérogative lui étant ôtée.

Lorsque l'action en responsabilité contre un tiers a été engagée par le représentant des créanciers, organe ayant qualité à agir, l'action, énonce l'article L. 621-68, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : A2327DZ9), peut être continuée par le commissaire à l'exécution du plan. En réalité, le texte de l'article L. 621-68, alinéa 2, du Code de commerce vise également l'action engagée par l'administrateur judiciaire, pour décider qu'une telle action peut être poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan. Mais les actions en cause ne tendent pas nécessairement à l'engagement de la responsabilité des tiers. Les actions en responsabilité contre les tiers ne sont pas du pouvoir de l'administrateur judiciaire, dépourvu de qualité à agir pour défendre l'intérêt collectif des créanciers (1).

Lorsque l'action a été engagée par le représentant des créanciers et qu'elle a été poursuivie par le commissaire du plan, une difficulté particulière se présente si elle n'est pas encore terminée lorsque survient l'expiration de la durée de la mission du commissaire à l'exécution du plan. Envisageant pareille hypothèse, l'article 90 du décret du 27 décembre 1985, dans la rédaction que lui donne le décret du 21 octobre 1994 (N° Lexbase : L5392A4H), prévoit que "les instances auxquelles est partie l'administrateur ou le représentant des créanciers et qui ne sont pas terminées lorsque la mission de ces derniers a pris fin, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de redressement judiciaire".

Ainsi, un mandataire spécial, que la pratique désigne sous le vocable de mandataire ad hoc, peut être désigné pour poursuivre l'action qui a, elle-même, été poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan.

Les modalités de la désignation de ce mandataire spécial ont été l'occasion d'un contentieux relativement abondant, la difficulté tenant au moment de cette désignation. C'est une difficulté de cette nature qui est au centre de l'arrêt commenté.

En l'espèce, une société est placée en redressement judiciaire sur saisine d'un créancier. Le représentant des créanciers assigne en soutien abusif une banque qui avait autorisé un découvert en compte et une société financière qui avait accordé un prêt de restructuration. Un plan de cession est adopté le 3 mars 2000, fixant une durée de six mois. Le représentant des créanciers est nommé commissaire à l'exécution du plan. Il poursuit, en cette qualité, l'action qu'il avait introduite alors qu'il était représentant des créanciers. Le 27 septembre 2000, il présente une requête aux fins d'être désigné mandataire ad hoc pour poursuivre l'action. Le tribunal fait droit à sa requête et le désigne le 10 novembre 2000. C'est ainsi qu'il obtiendra des juges du fond la condamnation des deux établissements de crédit.

Ces derniers avaient, devant les juges du fond, entendu contester la validité de la désignation du mandataire ad hoc au motif que la demande déposée par le commissaire à l'exécution du plan, tendant à la désignation d'un mandataire spécial pour continuer l'action à laquelle le commissaire à l'exécution du plan était partie, avait été présentée tardivement, le commissaire à l'exécution du plan ayant cessé des fonctions, lesquelles étaient fixées à six mois par le jugement arrêtant le plan. Mais cette tentative fut vaine.

La question posée à la Cour de cassation se présentait ainsi : les personnes assignées en responsabilité peuvent-elles contester, devant la juridiction ayant à connaître de l'action en responsabilité, les conditions de la désignation du mandataire spécial appelé à continuer l'action du commissaire à l'exécution du plan ? A la question, la Cour de cassation va répondre par la négative. "Attendu que la décision désignant sur requête un mandataire de justice à l'effet de poursuivre les instances en cours lorsque les organes de la procédure ont cessé leurs fonctions ne peut être attaquée, s'agissant d'un intéressé, que par le recours en rétractation institué par l'article 496 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2741ADU) qui relève de la compétence exclusive du juge qui a désigné ce mandataire".

L'article 496 du Nouveau Code de procédure civile réglemente les recours à l'encontre des ordonnances sur requête. Nous sommes ici dans la matière gracieuse. L'article 493 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2738ADR) énonce, pour déterminer le périmètre de l'ordonnance sur requête, que celle-ci est une "décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse". L'article 496, alinéa 2, du code dispose que "s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance".

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser que la décision désignant un mandataire spécial pour continuer une action lorsque le commissaire à l'exécution du plan n'est plus en fonctions relevait de la matière gracieuse (2). L'arrêt commenté confirme la solution. Mais, jusqu'alors, il n'en avait pas été tiré de conséquence précise sur les recours ouvert contre cette décision. Voilà qui est fait.

Deux enseignements importants ressortent de l'arrêt commenté. Le premier enseignement, négatif, tient à l'irrecevabilité des moyens tendant à contester la désignation du mandataire spécial au cours de l'instance en responsabilité. L'habitude avait, en effet, été prise par les tiers assignés en responsabilité de soulever devant le tribunal ayant à connaître de l'action, au titre des exceptions, le moyen tiré du défaut de qualité à agir du commissaire à l'exécution du plan pour obtenir la désignation d'un mandataire spécial. Les tiers auront donc compris que cette démarche ne peut plus prospérer.

Le second enseignement, positif, tient à la précision de la juridiction devant laquelle la discussion devra être menée pour faire juger que le mandataire spécial n'a pas été correctement désigné. Il s'agit de la juridiction qui a désigné le mandataire spécial, c'est-à-dire la juridiction de la faillite. Observons que le tribunal de la faillite ne sera pas nécessairement le tribunal ayant à connaître de l'action en responsabilité contre les tiers, car cette action n'est pas de la compétence exclusive du tribunal (3). Cette action en responsabilité doit, en effet, être engagée soit devant le tribunal du domicile du défendeur, soit, puisque l'on est en matière délictuelle, devant le tribunal dans le ressort duquel s'est produit le dommage.

Si l'action en responsabilité est engagée devant le tribunal de la faillite, la discussion sera portée devant la même juridiction que celle qui a désigné le mandataire spécial, mais par une instance distincte, puisqu'il faut utiliser la technique de la rétractation. A cet égard, le droit à un procès équitable, donc au procès impartial, semble conduire à décider que les magistrats ayant à connaître de l'action en responsabilité ne doivent pas être les mêmes que ceux ayant à statuer sur la demande en rétractation.

La demande en rétractation est présentée par la voie qualifiée abusivement par la pratique de référé-rétractation. Le juge des référés n'est, en effet, pas nécessairement compétent, puisque la demande de rétraction doit être présentée devant le juge qui a rendu la décision. En revanche, doit être respectée la procédure du référé (4). Il en résulte que la décision est prononcée au terme d'un débat contradictoire, la procédure devenant contentieuse (5). Le tiers intéressé qui agit n'est enfermé dans aucun délai (6). Il peut agir même si le juge du fond est déjà saisi (7). Le juge qui statuera pourra rétracter son ordonnance ou la modifier en fonction des prétentions des parties. En l'espèce, soit il rejettera la demande, soit il rétractera son ordonnance, car on ne voit pas comment il pourrait modifier la décision initiale, faute pour le demandeur d'origine, le commissaire à l'exécution du plan, d'être encore en fonction pour présenter une quelconque demande.

Sur le fond, les deux arguments que peuvent invoquer les tiers recherchés en responsabilité civile délictuelle sont les suivants. Le premier argument tient à la fin de la mission du commissaire à l'exécution du plan lorsqu'il a demandé la désignation d'un mandataire spécial. Si, à cette date, ce qui semblait être le cas en l'espèce, selon la thèse des demandeurs au pourvoi, il n'était plus en fonction, la demande de désignation devait être déclarée irrecevable pour défaut de qualité agir. Le second argument pourrait tenir, compte tenu des termes de l'article 90 du décret du 27 décembre 1985, au fait que la demande de désignation du mandataire spécial l'a été par un commissaire à l'exécution du plan qui a introduit l'action, là où la disposition vise des actions "poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan". Indiquons, toutefois, que la Cour de cassation, symétriquement à sa condamnation pour violation du texte de l'article L. 621-68, alinéa 2, du Code de commerce, qui envisageait la possibilité pour le commissaire à l'exécution du plan de continuer une action engagée par le représentant des créanciers ou l'administrateur judiciaire, non de l'entamer, a admis la possibilité de désigner un mandataire spécial chargé de continuer l'action engagée par le commissaire à l'exécution du plan (8).

Terminons en indiquant que le cas de figure sur lequel la Cour de cassation a eu à statuer ne peut plus se présenter depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), qui, d'une part, a supprimé le commissariat au plan de cession, et, d'autre part, a enfermé les actions en responsabilité pour octroi de concours dans des conditions beaucoup plus strictes, le simple soutien abusif ne justifiant plus la responsabilité du fournisseur de crédit (C. com., art. L. 650-1 N° Lexbase : L4139HBW).

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)

  • Représentation mutuelle des coobligés et prescription de l'action contre le codébiteur solidaire (Cass. com., 30 octobre 2007, n° 04-16.655, F-P+B N° Lexbase : A2247DZA)

La procédure collective ouverte contre le débiteur peut avoir des effets notables sur la prescription de l'action contre le codébiteur resté in bonis. La lecture de l'arrêt appelé à la publication, rendu le 30 octobre 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, permet de s'en convaincre.

En l'espèce, une banque avait accordé deux prêts à des époux. Le mari ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, la banque avait déclaré ses créances puis avait été admise au passif par décision définitive du 12 mai 1992. Près de dix ans plus tard, la créance était cédée et le cessionnaire tentait, en juillet 2002, d'en obtenir le paiement en engageant une action en justice contre l'épouse. Accueillant la demande du créancier, la cour d'appel avait condamné la codébitrice solidaire au paiement des sommes restant dues au titre des prêts. Se pourvoyant en cassation, la codébitrice, revendiquant l'application de la prescription décennale du droit commercial, soutenait que l'action du créancier était prescrite. Elle considérait, en effet, que l'interruption de la prescription de l'action du créancier, réalisée par la déclaration à la procédure collective du débiteur principal, avait pris fin à l'égard de la codébitrice solidaire le jour de la décision d'admission et que l'action introduite contre l'épouse plus de dix ans après cette décision était prescrite. En outre, elle soutenait que, "si les codébiteurs solidaires peuvent, dans certains cas et à certaines conditions, se représenter mutuellement, cette représentation ne peut avoir pour effet de modifier ou d'altérer les droits que chaque débiteur tient de la loi en matière de prescription et, qu'en décidant le contraire, la cour d'appel avait violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR)". Ces arguments sont sèchement balayés par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par la codébitrice solidaire. Ce faisant, la Chambre commerciale rend un arrêt conforme avec la position qu'elle avait déjà adoptée en la matière (9).
Est, ainsi, encore consacrée la représentation mutuelle des coobligés. Selon cette théorie, la solidarité produit un effet de représentation mutuelle entre les coobligés solidaires. Il en résulte que la chose jugée entre le créancier et l'un des coobligés s'impose aux autres obligés solidaires, sensés être représentés à l'instance par l'un d'entre eux. L'existence même de la représentation mutuelle a été critiquée par certains auteurs. Sous la plume de la doctrine la plus éminente, on peut ainsi lire qu'"il n'y a aucune représentation des coobligés solidaires les uns par les autres" (10) et que la "prétendue" représentation mutuelle est une pièce de ce "folklore juridique que les auteurs se transmettent de génération en génération" car "sa justification relève plus de l'affirmation que de la démonstration" (11). Il n'en demeure pas moins que la Cour de cassation adhère totalement à cette théorie de la représentation mutuelle des coobligés. Les illustrations les plus topiques de son application se rencontrent en droit des procédures collectives. Au rang de celles-ci s'inscrit l'arrêt rapporté, par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation considère que "la décision d'admission des créances, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire tant en ce qui concerne l'existence et le montant des créances que la substitution de la prescription trentenaire à la prescription originaire".

Les choses sont donc parfaitement claires : l'effet relatif de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission au passif est étendu au codébiteur solidaire, lequel est réputé représenté à l'instance d'admission intervenue entre le créancier et le codébiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (12). Dès lors, l'admission de la créance au passif du codébiteur s'imposera à l'autre codébiteur solidaire et l'empêchera, en conséquence, lorsque celui-ci sera poursuivi par le créancier, d'opposer à ce dernier des exceptions communes aux codébiteurs, c'est-à-dire les exceptions relatives à l'existence et au montant des créances. Le codébiteur in bonis ne pourra, dans l'instance qui l'opposera au créancier, soulever que des exceptions qui lui seront purement personnelles, tenant, par exemple, aux règles de forme de son contrat ou encore au caractère vicié de son consentement.

Comme le souligne l'arrêt rapporté, la représentation mutuelle des coobligés imprime son effet sur la prescription. La décision d'admission au passif, faisant suite à la déclaration de créances, laquelle s'analyse en une demande en justice, a un effet interversif de prescription (13), laquelle devient trentenaire. Cette solution, posée à l'égard de la caution solidaire, tant sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967 (N° Lexbase : L7803GT8) (14), que sous l'empire de la législation ultérieure (15) est ici appliquée au coobligé solidaire.

Dans l'espèce rapportée, la prescription applicable à l'obligation initiale, jusqu'alors décennale, est devenue trentenaire par l'effet de l'interversion de la prescription attachée à la décision d'admission au passif. Cette interversion de la prescription est ici salutaire pour le créancier. En effet, l'action en paiement engagée par le créancier à l'encontre de la codébitrice in bonis l'avait été plus de dix ans après la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective de l'autre codébiteur.

Cette solution, conduisant à substituer à la prescription originaire la prescription trentenaire, était critiquée par le pourvoi, lequel invoquait une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cet argument est balayé par la Chambre commerciale qui considère que le droit à un procès équitable est respecté dès lors que "le codébiteur solidaire peut former réclamation à l'état des créances déposé au greffe du tribunal par le juge-commissaire". Le codébiteur ne se trouve, en effet, pas totalement prisonnier, enfermé dans la même cellule que celle du débiteur. Certes, la décision d'admission au passif, une fois passée en force de chose jugée, s'imposera au codébiteur solidaire qui, ainsi qu'il a été indiqué, ne pourra contester ni le principe, ni le quantum de l'admission, et se verra imposer la substitution de la prescription originaire.
Cependant, une échappatoire a été aménagée par le législateur afin de respecter le principe du droit au procès équitable. En effet, afin que le codébiteur solidaire ne se voie pas opposer la décision d'admission au passif, ce dernier pourra former une voie de recours. Celle-ci ne peut être l'appel, lequel n'est ouvert qu'aux parties, au rang desquelles ne figurera pas le coobligé solidaire dès lors, cependant, qu'il n'intervient pas à l'instance d'admission. Ce ne pourra pas non plus être la tierce-opposition dès lors que le coobligé solidaire est sensé être représenté à l'instance par le débiteur principal. La voie de recours qui lui sera ouverte est celle de la réclamation, ouverte à "tout intéressé" qui n'est pas une partie (C. com., art. R. 624-8 N° Lexbase : L0908HZN). La Cour de cassation réaffirme ici clairement que l'existence de cette voie de recours ouverte au codébiteur solidaire à l'encontre de l'ordonnance d'admission au passif empêche ce dernier de se prévaloir d'une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

La position adoptée par la Chambre commerciale doit conduire les cautions solidaires et coobligés solidaires à la plus grande vigilance à l'occasion de la procédure collective ouverte à l'égard du débiteur. Afin de ne pas être relégués au rang de spectateurs subissant le triste spectacle de l'admission de la créance et de l'effet interversif de prescription qui lui est attaché, il leur faudra être acteurs, soit en amont, en intervenant à l'instance d'admission, soit en aval, en formant réclamation à l'état des créances.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque de la faculté de Toulon


(1) Cass. com., 5 janvier 1999, n° 96-20.591, Société générale c/ Société Cristalleries et verreries d'art de Vianne et autres (N° Lexbase : A8680AHX), LPA 26 janvier 1999, n° 18, note P. M. ; D. Affaires 1999, 219, obs. A. L. ; RJ com. 1999, n° 1542, p. 414, note J.-L. Courtier.
(2) Cass. com., 9 juin 1998, n° 96-16.465, Banque Chaix et autres c/ Monsieur Fabre (N° Lexbase : A5479ACW), JCP éd. E et A, 1998, pan. 1334 ; RTD com. 1998, p. 931, obs. C. Saint-Alary-Houin ; RJDA 1998/10, p. 843, n° 1138.
(3) Cass. com., 3 juin 1997, n° 95-13.981, Banque fédérative du Crédit mutuel et autre (N° Lexbase : A1829ACQ), D. Affaires 1997, p. 834, n° 11-2.
(4) Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2005/2006, n° 324.74.
(5) Cass. civ. 2, 30 janvier 2003, n° 01-01.128, Société VH 85 c/ Société Studio canal licence, FS-P+B (N° Lexbase : A8355A49), Bull. civ. II, n° 25.
(6) Cass. civ. 2, 26 novembre 1990, n° 89-18.207, Société des travaux publics du littoral c/ Société de composant et d'isolation pour le bâtiment (N° Lexbase : A4730AHN), Bull. civ. II, n° 247.
(7) Cass. civ. 2, 6 janvier 1983, Carlet c/ Ambrosi (N° Lexbase : A0979C8R), Gaz. Pal. 1983, pan. 177, note S. Guinchard.
(8) Cass. com., 9 juin 1998, n° 96-16.465, Banque Chaix et autres c/ Monsieur Fabre (N° Lexbase : A5479ACW), Bull. civ. IV, n° 184 ; RTD com. 1998, 931, obs. C. Saint-Alary Houin, approuvant CA Montpellier, 19 mars 1996, D. 1996, IR p. 134 ; Rev. proc. coll. 1996, 377, obs. B. Soinne.
(9) Cass. com., 13 avril 1999, n° 96-12.620, Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) c/ Société civile immobilière (SCI) Chatelaines et autres (N° Lexbase : A0102AUC), Rev. proc. coll. 2000, 57, n° 6, obs. E. Kerckhove ; Cass. com., 15 octobre 2002, n° 99-14.394, Société Négociation achat de créances contentieuses c/ M. Guy Chatelain, F-D (N° Lexbase : A2646A3E), RD Banc. et fin. 2003/1, p. 30, n° 33, obs. F.-X. Lucas.
(10) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 8ème éd., n° 448.
(11) D. Veaux et P. Veaux-Fournerie, La représentation mutuelle des coobligés in mélanges Weill, Dalloz-Litec 1983, p. 547, n° 1 et 2 in fine.
(12) Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-14.410, M. André Garnier c/ M. Jacques Bonnisseau, F-D (N° Lexbase : A5190DKG) ; CA Paris, 8ème ch., sect. B, 4 décembre 2003, n° 2003/07691, Madame Zaidi divorcée Mahiout Zaia c/ Union Bancaire Du Nord (N° Lexbase : A9031DAQ).
(13) Sur la question V. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2006/2007, n° 682.31.
(14) Cass. com., 25 février 2004, n° 01-13.588, M. Bernard Fenies c/ Crédit lyonnais, F-P+B (N° Lexbase : A3961DBC)
(15) Cass. com., 13 avril 1999, précité, Rev. proc. coll. 2000, 57, n° 6, obs. E. Kerckhove ; Cass. com., 15 octobre 2002, précité, RD Banc. et fin. 2003/1, p. 30, n° 33, obs. F.-X. Lucas.

newsid:301983

Responsabilité

[Jurisprudence] La Cour de cassation confirme sa volonté de ne pas faire droit aux demandes des victimes du tabac

Réf. : Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 06-15.873, M. Christian Berger, FS-P+B (N° Lexbase : A4175DZN)

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N1900BDQ

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

On se souvient que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par un important arrêt du 20 novembre 2003 (1), avait refusé de condamner le fabricant de cigarettes SEITA (Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, devenue la société Altadis) pour le décès d'un fumeur à la suite d'un cancer. L'avocat général, dans ses conclusions, avait, d'ailleurs, estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à toute demande d'indemnisation et invité chacun à prendre ses responsabilités : "seules les personnes qui ont subi des préjudices en raison de faits indépendants de leur volonté" mériteraient réparation (2). L'un des commentateurs de l'arrêt avait, ainsi, considéré que la "deuxième chambre civile [avait] souhaité faire savoir qu'elle entendait débouter systématiquement les fumeurs agissant contre ceux qui leur ont fourni les moyens de contracter une maladie, voire de décéder d'un abus de consommation du tabac" (3). Un arrêt du 8 novembre dernier, rendu par la première chambre civile, et à paraître au Bulletin, semble assez largement conforter cette analyse. En l'espèce, en juillet 1995, Mme S. a appris qu'elle était atteinte d'un cancer bronchique. Elle est décédée en octobre 1996. Imputant sa maladie et son décès à sa consommation de cigarettes Gauloises brunes depuis l'âge de 13 ans, son mari et ses trois filles mineures ont assigné, le 23 décembre 1996, la SEITA, devenue la société Altadis.

Déboutés par la cour d'appel de Montpellier, ils se sont pourvus en cassation, faisant valoir trois séries d'arguments : les auteurs du pourvoi reprochaient, en effet, aux juges du fond, en premier lieu, de ne pas avoir donné de base légale à leur décision au regard de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), en écartant la responsabilité de la SEITA à raison d'un manquement à un devoir d'information, en deuxième lieu, d'avoir violé ce texte en présumant que le non-respect par la SEITA des exigences légales en matière d'avertissement sanitaire n'avait eu aucune incidence sur la consommation de tabac de la victime, et, en dernier lieu, d'avoir violé les articles 1135 (N° Lexbase : L1235ABD) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, en considérant que les cigarettes vendues par la SEITA ne pouvaient être regardées comme défectueuses.

Cette argumentation n'a, cependant, pas convaincu la Cour de cassation qui, pour rejeter le pourvoi, estime que la victime avait commencé à fumer à l'âge de 12-13 ans, soit en 1973-1974, c'est-à-dire peu avant l'entrée en vigueur de la loi de 1976 (loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme), et qu'à cette époque, il était déjà largement fait état par les médias des risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers engendrés par la consommation de tabac. De plus, alors adolescente, à défaut d'avoir été informée par ces moyens, elle avait nécessairement dû l'être par ses parents, titulaires de l'autorité parentale et chargés, selon l'article 371-2 du Code civil (N° Lexbase : L3937C39), de veiller à sa sécurité ainsi qu'à sa santé. Puis, devenue majeure, épouse et mère de trois enfants, elle avait, de même, nécessairement dû être informée lors du suivi médical de ses grossesses, des risques résultant, tant pour elle même que pour l'enfant à naître, d'une consommation excessive de cigarettes.

Aussi bien, la cour d'appel a-elle pu "déduire, à bon droit, l'absence de relation de causalité entre la faute imputée à la SEITA et le décès de [l'intéressée], laquelle ne pouvait légitimement s'attendre à la sécurité d'un tel produit".

La Cour reprend ici pour l'essentiel la motivation qui avait été celle de la deuxième chambre civile en 2003, en écartant tout manquement de la SEITA à l'obligation d'information précontractuelle, d'origine prétorienne, qui pesait sur le fabricant de tabac avant 1976, année de l'adoption de la loi "Veil", imposant un avertissement sanitaire sur les paquets de cigarettes, ainsi qu'en déniant l'existence de tout lien de causalité entre d'éventuelles fautes reprochées au fabricant après 1976 dans la mise en oeuvre de l'information (dénaturation de l'information et désinformation) et les dommages invoqués : la victime ne pouvait pas ignorer, dès son adolescence, les méfaits de l'usage abusif du tabac, si bien que, à suivre le raisonnement, et sans même avoir à imputer à la victime une véritable faute, la Cour peut considérer que le comportement de la victime était la seule cause du dommage, ce qui rendait inutile toute recherche consistant à savoir si, réellement, des fautes avaient été commises. Comme l'avait justement relevé un auteur particulièrement avisé, "du strict point de vue de la technique juridique, le raisonnement n'est guère contestable : le lien de causalité est une condition de la responsabilité à défaut de laquelle les victimes d'un dommage ne peuvent qu'être déboutées. Et l'on adhèrera volontiers à l'analyse des juges doutant du caractère causal des manquements reprochés". Et d'ajouter que, d'un point de vue de politique juridique, la solution pouvait se justifier par la volonté de la Cour de cassation de "fermer la porte du prétoire aux nombreuses victimes du tabac afin d'éviter l'encombrement des tribunaux" et, même, par le souci de "prévenir toute dérive à l'américaine dans l'indemnisation" consistant dans "une judiciarisation outrancière de la vie économique et sociale" (4). Tout cela est entendu.

Là où l'arrêt apporte une précision intéressante, par rapport à celui de la deuxième chambre civile de 2003, c'est en ce que, pour répondre au pourvoi qui faisait valoir que, au sens du droit interne, notamment, tel qu'interprété à la lumière de la Directive européenne du 25 juillet 1985 (Directive 85/374 N° Lexbase : L9620AUT), est défectueux un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il affirme que la victime "ne pouvait légitimement s'attendre à la sécurité d'un tel produit [les cigarettes en l'occurrence]".

En soi, invoquer le droit interne interprété à la lumière de la Directive de 1985 (autrement dit pour connaître de situations antérieures à la transposition de ladite Directive en droit français) n'étonne pas : on sait que la Cour de cassation a, notamment, affirmé, dans un arrêt du 28 avril 1998, que "tout producteur est responsable des dommages causés par un défaut de son produit, tant à l'égard des victimes immédiates [...] que des victimes par ricochet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles ont la qualité de partie contractante ou de tiers", précisant que les articles 1147 et 1384, alinéa 1er (N° Lexbase : L1490ABS), du Code civil devaient être "interprétés à la lumière de la Directive du 25 juillet 1985" (5). Et l'on n'ignore pas que, depuis la loi du 19 mai 1998 (loi n° 98-389, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux N° Lexbase : L2448AXX), l'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3) dispose qu'"un produit est défectueux [...] lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre". Sans doute certains auteurs ont-ils relevé que "la légitimité de l'attente du 'grand public' ne peut que susciter des hésitations et imposer des considérations personnalisées, notamment en matière médicale ou pharmaceutique" (6). On avouera, cependant, partager l'avis de la Cour de cassation : il ne paraît pas raisonnable de croire que la victime ait pu légitimement s'attendre à la sécurité du produit qu'elle consommait. Au demeurant, affirmer le contraire n'aurait pas été, d'un point de vue logique, compatible avec toute l'argumentation de la Cour consistant à convaincre de ce que la victime ne pouvait ignorer, depuis son adolescence jusqu'à l'âge adulte, les dangers inhérents à une consommation excessive de tabac...


(1) Cass. civ. 2, 20 novembre 2003, n° 01-17.977, Mme Lucette Gourlain c/ Société Seita, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1842DAH), Bull. civ. II, n° 355, D. 2003, p. 2902, concl. R. Kessous, note L. Grynbaum, RTDCiv. 2004, p. 103, obs. P. Jourdain ; et nos obs., Le tabac et la responsabilité civile : la Cour de cassation tranche !, Lexbase Hebdo n° 97 du 4 décembre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : A1842DAH).
(2) Conclusions de M. l'Avocat général R. Kessous.
(3) L. Grynbaum, note préc..
(4) P. Jourdain, préc..
(5) Cass. civ. 1, 28 avril 1998, n° 96-20.421, Epoux X... et autres c/ Centre Régional de Transfusion Sanguine de Bordeaux et autres (N° Lexbase : A2844ACC), JCP éd. G, 1998, II, 10088, rapp. Sargos.
(6) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 989.

newsid:301900

Social général

[Textes] L'entrée en vigueur d'une protection du salarié donneur d'alerte en matière de corruption

Réf. : Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007, relative à la lutte contre la corruption (N° Lexbase : L2607H3X)

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N1892BDG

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007, relative à la lutte contre la corruption, a été publiée au Journal officiel le 14 novembre suivant. Dans la ligne de la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000, modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale, relative à la lutte contre la corruption (N° Lexbase : L0648AIT), qui incrimine les pratiques de corruption d'agents publics étrangers dans certaines hypothèses, le nouveau texte permet d'achever d'adapter notre droit aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre la corruption. Parmi ses nombreux articles, deux intéressent directement le droit du travail. L'article 6 de la loi organise, en effet, les renvois des règles travaillistes aux dispositions nouvelles ou simplement renouvelées au Code pénal, qui définissent et sanctionnent les faits de corruption. L'article 9, pour sa part, introduit, dans le livre 1er de la première partie du Code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (N° Lexbase : L6603HU4), un nouveau titre VI intitulé "Corruption". Ce nouveau titre met la France en conformité avec les dispositions internationales et, singulièrement, l'article 9 de la Convention civile du Conseil de l'Europe du 4 novembre 1999 qui obligeait les Etats signataires à protéger, contre toute sanction, les salariés ayant révélé des faits de corruption. Il permet, également, à la France de répondre aux recommandations formulées par le Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) au sein du conseil de l'Europe et par le groupe de travail permanent de l'OCDE. Cette nouvelle section du Code du travail permet, désormais, à tout salarié qui, de bonne foi, relate à son employeur ou aux autorités des faits de corruption dont il aurait pu avoir connaissance dans l'exercice de ses fonctions, de bénéficier d'une protection légale. Aucun salarié ne pourra plus faire l'objet de rétorsion pour avoir dénoncé des faits de corruption. Cette disposition protectrice des salariés n'existait pas à l'origine, ce sont les députés qui ont permis son introduction.

Le dispositif est équilibré. S'il protège, en effet, le salarié, il tend à éviter les dénonciations abusives. Pour toutes ces raisons, le nouveau titre doit recevoir un accueil favorable.

1. Protection de toute personne dénonciatrice de bonne foi de faits de corruption

L'article 9 introduit dans le Code du travail un nouvel article L. 1161-1 qui, dans son premier alinéa, dispose qu'"aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait connaissance dans l'exercice de ses fonctions".

Cet alinéa fixe, tout à la fois, le champ et l'objet de la protection nouvelle accordée aux salariés.

1.1. Champ d'application de la protection

La protection offerte par le législateur à la personne attachée à l'entreprise ayant donné l'alerte est complète. Elle permet, non seulement au salarié, mais également à tout candidat à un emploi, voire, de manière plus générale, à toute personne participant ou souhaitant participer en quelque qualité que ce soit à l'activité de l'entreprise (candidat, stagiaire, personne en formation...), d'être protégé.

Le champ de la protection ici instituée n'est pas sans rappeler celui prévu en matière de discrimination (C. trav., art. L. 122-45 N° Lexbase : L3114HI8), matière disposant d'un champ de protection optimal. Il convient, sur ce point, de souligner que le premier alinéa de l'article L. 1161 du Code du travail est, dans sa première partie, identique à la première partie de l'alinéa 1er de l'article L. 122-45 du Code du travail.

Le champ d'application territorial de la protection est, également, total. La réforme s'applique à l'ensemble du territoire de la République. L'article 9 contient, à cet effet, un II et III qui rendent applicable la protection à Mayotte, où le titre préliminaire du Code du travail se voit complété par un nouvel article L. 000-5, identique à l'article L. 1161 du Code du travail métropolitain, ainsi que dans les Iles Wallis et Futuna et dans les terres australes et antarctiques françaises (nouvel article 30 bis de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un Code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d'outre mer N° Lexbase : L6236HXA).

1.2. Objet de la protection

La protection garantie par le législateur s'applique lorsque la personne attachée à l'entreprise relate ou témoigne, de bonne foi, à son employeur ou aux autorités judiciaire ou administrative, des faits de corruption dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Toute dénonciation ou alerte donnée est protégée, quel que soit son destinataire.

Plusieurs conditions doivent, néanmoins, être réunies. Il faut que la connaissance de ces faits ait eu lieu dans l'exercice des fonctions et qu'il ait donné l'alerte de bonne foi. Cette dernière condition constitue une limite au champ de la protection. Le fait que l'article L. 1161 du Code du travail précise que "la personne attachée à l'entreprise aura relaté ou témoigné, de bonne foi" signifie, a contrario, que, dans le cas contraire, il ne pourra bénéficier de la protection instituée par le législateur. Ceci semble être parfaitement normal, le législateur ayant, en effet, entendu éviter les dénonciations abusives.

Néanmoins, il convient de s'interroger sur les modalités de détermination de la bonne ou mauvaise foi du salarié et, singulièrement, sur les critères qui seront ou pourront être retenus. Qui devra, en outre, prouver cette bonne ou mauvaise foi ? L'employeur ou le salarié ? Le législateur n'a rien précisé sur ce point.

2. Sanction de la violation des dispositions protectrices du salarié

L'article L. 1161 nouveau du Code du travail contient deux autres alinéas. Le premier alinéa fixe les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions protectrices prévues dans le premier alinéa. Le troisième alinéa, notamment, résout les questions de preuve en cas de litige relatif à une sanction appliquée à un salarié ayant dénoncé des faits de corruption.

2.1. Sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions protectrices du salarié

Le deuxième alinéa dispose que "toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit". Le législateur a prévu une sanction forte, identique à celle applicable en cas de non-respect par l'employeur d'un droit ou d'une liberté individuelle. La nullité de l'acte est la sanction retenue et applicable à tout acte effectué en contravention des dispositions protectrices de la personne attachée à l'entreprise et ayant dénoncé des faits de corruption. Cette nullité entraîne des conséquences.

En matière de rupture du contrat de travail, la nullité emporte l'obligation pour l'employeur de réintégrer le salarié, avec toutes les difficultés pratiques que cela peut occasionner. L'employeur devra, de la même manière, revenir sur toute sanction qu'il aura appliquée à l'un de ses salariés, laquelle sera présumée ne jamais avoir existé.

Cette nullité nous semble difficilement applicable lorsque la personne concernée est, par exemple, un candidat au recrutement. Des difficultés matérielles et de preuve se posent dans ce cas. Comment le candidat pourra-t-il prouver qu'il a été écarté d'une procédure de recrutement parce qu'il s'est avéré qu'il avait dénoncé des faits de corruption ? Il en va de même pour le candidat à un stage ou à une formation.

Pourra-t-il, en outre, obtenir l'annulation du recrutement ? Une telle nullité nous semble difficile à mettre en oeuvre et particulièrement injuste pour la personne qui aura été recrutée à l'issue de la procédure de recrutement.

L'employeur ne se trouve, toutefois, pas privé du droit de licencier ou d'écarter du recrutement ou d'un stage une personne ayant dénoncé des faits de corruption. Il faut, dans ce cas, qu'il établisse que la rupture ou le défaut d'embauche est extérieur à l'alerte donnée.

2.2. Limite à la nullité

La nullité de l'acte touchant une personne ayant dénoncé des faits de corruption n'est pas absolue. Le recours à des éléments objectifs extérieurs ou étrangers aux faits protégés est repris, comme dans beaucoup d'hypothèses en droit du travail (voir le licenciement du salarié malade, voir, également, C. trav., art. L. 122-45, dernier al.).

Le troisième alinéa dispose, ainsi, qu'"en cas de litige relatif à l'application des deux premiers alinéas, dès lors que le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise établit des faits qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de faits de corruption, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers aux déclarations ou au témoignage du salarié. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d 'instruction qu'il estime utile".

Toute personne ayant relaté ou témoigné de faits de corruption peut se prévaloir des dispositions protectrices. Afin d'éviter que cette nullité ne soit systématique, et donc les discriminations positives au profit des "donneurs d'alertes", le législateur permet à l'employeur, auteur de l'acte contesté, d'établir que la mise à l'écart du salarié, la rupture, le défaut de recrutement du candidat ou du stagiaire est extérieure aux dénonciations auxquelles il a procédé.

La personne bénéficiaire de la protection n'est donc pas intouchable, elle reste un salarié, un candidat, un stagiaire comme les autres, qui bénéficie des mêmes règles de droit que les autres. Si l'employeur peut établir qu'il a traité cette personne comme il aurait traité toute autre personne de l'entreprise ou souhaitant y accéder, et que la rupture, le refus d'embauche ou de stage est fondé sur des éléments objectifs extérieurs aux dénonciations auxquelles a procédé le salarié, il n'y aura pas de nullité des actes effectués.

newsid:301892

[Jurisprudence] Le cautionnement par une société civile des dettes personnelles de son gérant

Réf. : Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 04-17.893, Société Christoni, F-P+B (N° Lexbase : A4132DZ3)

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N2029BDI

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par David Robine, Maître de conférences à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Par un arrêt du 8 novembre 2007, la première Chambre civile de la Cour de cassation a, une nouvelle fois, tranché un litige relatif à la validité d'un cautionnement donné par une société civile. En l'espèce, une société civile immobilière avait souscrit, par l'intermédiaire de son gérant, une caution hypothécaire. Cet acte présentait la particularité d'être donné en garantie de l'activité commerciale personnelle du dirigeant. Lorsque le créancier a entendu mettre en oeuvre la sûreté, la caution a soulevé divers arguments afin d'empêcher la saisie de l'immeuble. On ne s'intéressera ici qu'à celui examiné dans le second moyen de l'arrêt : le gérant avait-il le pouvoir d'engager la société (1) ? La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré que tel était le cas au motif que les statuts déterminent les représentant légaux de la société ainsi que leurs pouvoirs. On comprend que, selon les juges du fond, le dirigeant d'une société doté du pouvoir de la représenter a la capacité de l'engager par un cautionnement, sauf clause statutaire contraire.

Cette position est surprenante. Certes, il n'existe aucune disposition légale qui vienne interdire expressément le cautionnement par une société civile des dettes personnelles de son gérant ou de l'un de ses associés (2). Les magistrats aixois ont, cependant, du moins au regard de la motivation que laisse apparaître l'arrêt de la Cour de cassation, fait abstraction des dispositions légales qui viennent encadrer le pouvoir de représentation du gérant d'une société civile et, plus généralement, d'une société de personnes. Pour être valable, le cautionnement donné par une telle société doit entrer dans l'objet social et être conforme à l'intérêt social. La Cour de cassation exige, en outre, logiquement, qu'il n'y ait pas de collusion frauduleuse entre le créancier et le débiteur (3).

C'est donc sans surprise que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 8 juillet 2003 est cassé par un arrêt de la première chambre civile du 8 novembre 2007, rendu au visa des articles 1852 (N° Lexbase : L2049ABI) et 1854 (N° Lexbase : L2051ABL) du Code civil. La Haute juridiction énonce, en effet, que "le cautionnement donné par une société n'est valable que s'il entre directement dans son objet social ou s'il existe une communauté d'intérêts entre cette société et la personne cautionnée ou encore s'il résulte du consentement unanime des associés" et que, par conséquent, "sans préciser, à défaut d'une décision d'assemblée générale des associés, que le cautionnement remplissait l'une de ces conditions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés".

Ce faisant, la Haute juridiction, reproche donc clairement aux juges du fond de ne pas avoir établi que le cautionnement entrait dans l'objet social (I). La limite aux pouvoirs du gérant que constitue la conformité de l'acte à l'intérêt social n'est, en revanche, pas évoquée de façon aussi évidente (4) alors qu'elle est essentielle puisque la garantie porte sur une dette personnelle du dirigeant. Cette condition de conformité à l'intérêt social apparaît néanmoins en filigrane dans la solution retenue par la Cour de cassation (II).

I - La conformité à l'objet social

Le contrat de cautionnement doit a priori, pour être valable, respecter le principe de spécialité et donc être conforme à l'objet social de la société. Cette influence de l'entrée du cautionnement dans l'objet social sur la validité du contrat n'existe cependant, en réalité, que dans les sociétés à risque illimité. En effet, dans les sociétés à risque limité, le dépassement de l'objet social est inopposable aux tiers de bonne foi. Autrement dit, lorsqu'un cautionnement est octroyé par une SARL ou par une SAS, un tel dépassement ne peut entraîner la nullité du contrat (5). La situation du cautionnement donné par une société anonyme est, cependant, différente puisque l'article L. 225-35, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L5906AIL) exige que ce cautionnement soit autorisé par le conseil d'administration (6). Dans les sociétés de personnes, le principe de spécialité joue en revanche à plein. Ainsi, s'agissant plus particulièrement des sociétés civiles, l'article 1849 du Code civil (N° Lexbase : L2051ABL) dispose que "dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social" et cela vaut, bien sûr, pour le cautionnement.

Or, on peut se demander si le cautionnement par une société de la dette personnelle de l'un de ses dirigeants est susceptible d'entrer dans l'objet social. Un tel cautionnement ne doit-il pas être, de façon irréfragable, considéré comme étranger à cet objet social ? La Chambre commerciale de la Cour de cassation a paru, pendant un temps, en décider ainsi (7). Mais sa position sur ce point a évolué et, désormais, elle admet que le cautionnement d'une dette d'un associé ou d'un dirigeant puisse entrer dans l'objet social (8). L'arrêt commenté montre que telle est également la position de la première chambre civile.

Dans l'arrêt du 8 novembre 2007, la Cour de cassation reproche en effet aux juges du fond de ne pas avoir identifié le lien entre le cautionnement litigieux et l'objet social, ce qui sous-entend que ce lien était possible. Dans un objectif didactique, la première chambre civile énonce d'ailleurs plusieurs modalités de rattachement. La première modalité est la plus simple. Il s'agit du cas où le cautionnement "entre directement" dans l'objet social de la société. Cependant, cette modalité est assez théorique. Une société intègre en effet rarement la fourniture de cautionnements dans son objet social.

La Cour de cassation envisage, cependant, une autre modalité de rattachement, que l'on peut considérer comme direct, de l'acte à l'objet social : le consentement unanime des associés au cautionnement. Il s'agit là d'une jurisprudence constante (9). Elle est tout à fait logique puisque ce consentement unanime autoriserait la modification de l'objet social (10). De surcroît, l'article 1852 du Code civil, visé par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, dispose que "les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou en l'absence de telles dispositions, à l'unanimité des associés".

On notera, qu'en l'espèce, la Haute juridiction reproche aux juges du fond de ne pas avoir, "à défaut d'une décision de l'assemblée générale des associés" (11), identifié ce consentement. Cela signifie qu'une telle décision n'est pas nécessaire. Toutefois, il ne faut pas comprendre que le consentement des associés peut être pour autant établi par tous moyens. La Cour de cassation n'a en effet pas manqué de viser, dans l'arrêt du 8 novembre 2007, l'article 1854 du Code civil qui exige que le consentement de tous les associés soit exprimé dans un acte. Ainsi, ce consentement ne pourrait être déduit du mode de fonctionnement de la société (12). En revanche, il peut résulter du fait que le gérant était le mandataire de tous les associés (13) ou que le cautionnement a été signé par l'ensemble des associés en cette qualité (14).

La première chambre civile affirme également, dans l'arrêt commenté, que l'existence d'une communauté d'intérêts entre la société caution et le débiteur principal peut suffire à rendre le cautionnement valable. Il s'agit, là encore, d'une jurisprudence constante (15). Afin de caractériser une communauté d'intérêt, dont l'existence est appréciée souverainement par les juges du fond (16), plusieurs indices sont retenus. Les principaux sont l'identité d'associés et le fait que les relations d'affaires entre la société caution et le débiteur principal impliquent que la première avait intérêt à la pérennité de l'activité du second. Bien que constante, cette jurisprudence n'en est pas moins de prime abord surprenante. Le lien entre une communauté d'intérêts et l'objet social est loin d'être évident. Une telle communauté d'intérêts paraît, en effet, plutôt caractériser la conformité de l'acte à l'intérêt social. C'est effectivement le cas et il faut en réalité comprendre que, selon la Cour de cassation, la conformité à l'intérêt social entraîne un rattachement indirect à l'objet social (17). On notera que la solution pourrait, néanmoins, être critiquée dans la mesure où cette communauté d'intérêts ne se confond pas nécessairement avec l'intérêt social. On pense plus particulièrement à l'hypothèse où elle tiendrait à l'identité d'associés (18).

Quoi qu'il en soit, l'intérêt social permet de valider un cautionnement qui serait annulable si l'on ne prenait en compte que l'entrée directe dans l'objet social. Mais à l'inverse, la notion d'intérêt social permet aussi, on va maintenant le voir, de remettre en cause un cautionnement conforme à l'objet social (19).

II - La conformité à l'intérêt social

Pour que le cautionnement donné par une société soit valable, il ne suffit pas qu'il soit conforme à l'objet social. Encore faut-il qu'il soit dans l'intérêt de la société. Cette exigence apparaît au détour de l'article 1848 du Code civil (N° Lexbase : L2045ABD) qui dispose que "le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société". Ce texte précise toutefois qu'il s'applique dans "les rapports entre associés". Est-ce à dire que la contrariété à l'intérêt social ne pourrait être invoquée pour remettre en cause la validité d'un acte ? Une réponse négative s'impose. Un acte contraire à l'intérêt social peut être annulé car il constitue un abus ou un détournement de pouvoir du dirigeant (20). Cela suppose toutefois que le cocontractant ait été en mesure d'en avoir connaissance (21).

Cette exigence d'une conformité à l'intérêt social vaut bien sûr pour le cautionnement (22). Or, une telle conformité est loin d'être évidente s'agissant d'un acte a priori sans contrepartie directe. Cela l'est encore moins lorsque le cautionnement est donné en garantie des dettes personnelles d'un dirigeant de la société, comme c'était le cas en l'espèce. D'ailleurs, cet usage du crédit social (23) par un dirigeant ou, parfois, par un associé (24) est expressément prohibé pour certaines formes sociales. Tel est le cas pour les sociétés anonymes (25), les SARL (26), les SAS (27) et les sociétés en commandite par actions (28). Peut-on dégager des textes (29) propres à ces formes sociales un principe plus général de prohibition du cautionnement par une société des dettes personnelles de son dirigeant en raison d'une contrariété à l'intérêt social (30) ? La question est essentielle au regard de l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt commenté. Pourtant, la première chambre civile n'évoque pas clairement cette question de l'intérêt social dans sa solution.

Elle le fait, néanmoins, lorsqu'elle mentionne l'hypothèse où il existe une communauté d'intérêts entre la société caution et le débiteur principal. Dans ce cas, c'est l'intérêt social, à supposer que cette communauté d'intérêts le démontre (31), qui entraîne, on l'a vu, le respect de la condition relative au respect de l'objet social.

Il demeure, toutefois, que, s'agissant des autres modes de démonstration de la validité du cautionnement, la première chambre civile paraît se contenter d'une entrée directe de l'acte dans l'objet social ou de l'existence d'un consentement unanime des associés. Cela tient certainement au fait que la question de la conformité du cautionnement à l'intérêt social est en général subséquente à celle de la conformité à l'objet social. Soit l'acte n'entre pas dans l'objet social et alors il n'est pas valable, soit il y entre et alors la Cour de cassation paraît considérer que cela fait présumer (32) le respect de l'intérêt social (33).

La prise en compte par la Cour de cassation du seul consentement de tous les associés au cautionnement est ainsi constante (34). On pourrait toutefois y voir, non pas l'affirmation du principe selon lequel la conformité à l'objet social fait présumer la conformité à l'intérêt social, mais celui selon lequel les associés sont aptes à décider de ce qui est dans l'intérêt de la société. Une telle position pourrait prendre appui sur les articles 1852 et 1854 du Code civil, visés par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, selon lesquels les décisions qui excèdent les pouvoirs du gérant peuvent résulter du consentement de tous les associés. En effet, une décision contraire à l'intérêt social est sans aucun doute une décision qui excède les pouvoirs du gérant. Une telle interprétation paraît cependant contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation qui relève, on y reviendra, dans les espèces où il y avait eu consentement unanime des associés, que l'acte est valable dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'il serait contraire à l'intérêt social. De surcroît cela reviendrait, de façon selon nous contestable, à confondre l'intérêt commun des associés avec l'intérêt social. Il est vrai, cependant, que, dans le cas d'une société patrimoniale, une telle assimilation est concevable (35). On préférera néanmoins voir dans la prise en compte du consentement de tous les associés l'application du principe selon lequel la conformité à l'objet social fait présumer la conformité à l'intérêt social. Une telle interprétation est d'ailleurs confortée par le fait que, on l'a dit, la première chambre civile paraît se contenter du fait que l'acte entre directement dans l'objet social pour retenir sa validité. Il n'en reste pas moins que la condition de conformité à l'intérêt social demeure.

Ainsi l'entrée directe de l'acte dans l'objet social ne permet pas d'escamoter la question de l'intérêt social. Il est en effet toujours possible de combattre la présomption énoncée en prouvant que le cautionnement est, en réalité, contraire à l'intérêt de la société (36). Il convient, dès lors, de s'interroger : le fait que la dette cautionnée soit une dette personnelle d'un dirigeant suffit-il à établir une telle contrariété à l'intérêt social ?

On l'a dit, cette question n'est pas abordée directement par la première chambre civile dans l'arrêt commenté. On peut, cependant, relever que la cassation est prononcée pour manque de base légale. Autrement dit, le cautionnement aurait pu être considéré comme valable si les juges du fond avaient caractérisé la conformité à l'objet social. On pourrait en déduire que le fait que le cautionnement porte sur une dette personnelle du dirigeant n'entraîne pas nécessairement sa nullité pour contrariété à l'intérêt social.

Il n'existerait donc pas de prohibition de principe du cautionnement d'un dirigeant social par la société dirigée. Une telle solution, déjà retenue à propos du cautionnement de la dette personnelle d'un associé (37), est justifiée. Les dispositions spécifiques à certaines formes sociales sont, par définition, dérogatoires à un principe général de capacité des sociétés à donner tous types de cautionnements qui doit demeurer dès lors que de telles dispositions spécifiques font défaut et que les règles de droit commun en matière de pouvoir des dirigeants sont respectées (38).


(1) V. not. sur cette question : H. Hovasse, Les cautionnements donnés par les sociétés et l'objet social, Dr. & patrimoine 2001, n° 92, p. 76 ; P. Schultz, L'associé cautionné par la société, in Mélanges Simler, Dalloz-Litec 2006, p. 429.
(2) S'agissant des interdictions relatives à d'autres formes sociales v. infra 2.
(3) V. not. Cass. com. 14 décembre 1999, n° 97-15.554, Defrénois 2000, p. 505, obs. H. Hovasse ; Dr. sociétés 2000, n° 51, note Th. Bonneau ; Banque & droit mai /juin 2000, p. 37, obs. N. Rontchevsky.
(4) Cette question est néanmoins évoquée dans la mesure où, on le verra, la communauté d'intérêts montre que l'acte était dans l'intérêt de la société.
(5) V., toutefois, les dispositions interdisant certains cautionnements et pouvant être rattachées à la condition de conformité à l'intérêt social : infra 2.
(6) Dans les sociétés à structure dualiste l'autorisation est donnée, en vertu de l'article L. 225-68 du Code de commerce (N° Lexbase : L2675HWY), par le conseil de surveillance.
(7) V. Cass. com., 26 janvier 1993, n° 91-11.704, Société d'études et de montages (SDEM), société anonyme c/ Société Crédit commercial de France (CCF) (N° Lexbase : A5925AWD), Bull. Joly 1993, p. 482, § 138, note P. Le Cannu ; Rev. sociétés 1993, p. 396, note J.-F. Barbièri ; Defrénois 1994, art. 35674, p. 1455, obs. H. Hovasse ; Dr. Sociétés, 1993, comm. N° 65, obs. Th. Bonneau ; JCP éd. G, 1993, I, n° 3680, obs. Ph. Simler et Ph. Delebecque ; Banque, mai 1993, p. 92, obs. J.-L. Guillot ; Cass. com., 14 juin 2000, n° 96-15.991, Société Bernabé, société en nom collectif c/ Crédit lyonnais (N° Lexbase : A0120AUY), Bull. Joly 2000, p. 1054, note A. Couret.
(8) V. not. : Cass. com., 6 juin 2001, n° 98-19.040, Société Bernabé et compagnie c/ Société Natexis banque (N° Lexbase : A5128AT4), RJDA 2001/12, p. 1021 ; Dr. sociétés 2001, comm. n° 150, obs. F.-X. Lucas ; Cass. com., 18 mars 2003, n° 00-20.041, Crédit lyonnais c/ Société Alliance Santé, FS-P (N° Lexbase : A5454A77) Bull. civ. IV, n° 46 ; Bull. Joly 2003, p. 643, note J.-F. Barbièri ; JCP éd. E 2004, 29, n° 6, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; Cass. com., 3 décembre 2003, n° 02-11.163, M. Roland Bouvier c/ Société générale, F-D (N° Lexbase : A4316DA4), Bull. Joly 2004, p. 358, note A. Couret ; Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-15.503, M. Francis Leignel c/ Société Flandres contentieux, F-D (N° Lexbase : A5047DLI), Bull. Joly 2006, p. 339, note J.-F. Barbièri. V. toutefois : Cass. com., 25 janvier 2005, n° 02-18.287, Mme Muriel Amauger c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Charente-Martime Deux-Sèvres, F-D  (N° Lexbase : A6191DGE), RJDA, 2005/5, p. 493.
(9) V. not. en ce sens à propos d'une société civile immobilière : Cass. com., 28 mars 2000, n° 96-19.260, Société civile immobilière Jocmi c/ Union de crédit pour le bâtiment (UCB) (N° Lexbase : A3190AUP), Bull. civ. IV, n° 69 ; D. 2001, somm. p. 692, obs. L. Aynès ; Bull. Joly 2000 § 105, p. 501, note A. Couret ; JCP éd. N 2001, p. 1393, note S. Ferries. La même solution a été retenue en ce qui concerne une société en nom collectif : Cass. com., 18 mars 2003, précité.
(10) V., toutefois, les réserves tenant à une différence avec l'objet social réel : M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 20ème éd., 2007, n° 1114.
(11) Décision qui devrait intervenir en application de l'article 1852 du Code civil à l'unanimité. V. not. Cass. civ. 3, 25 mars 1998, n° 96-17.307, Banque Paribas et autre c/ Société Fluvib et autres (N° Lexbase : A5492ACE), Bull. Joly 1998, p. 635, note A. Couret ; RTD com. 1998, p. 875, note M.-H. Monsérié ; JCP éd. E, 1998, p. 1971, note J.-P. Garçon ; Banque Magazine févr. 1999, p. 70, obs. J.-L. Guillot.
(12) Cass. civ. 1, 21 mars 2000, n° 98-14.933, M. Le Garrec c/ M. Vincent, publié (N° Lexbase : A5483AWY), Bull. Joly 2000, § 150, p. 659, note P. Le Cannu ; D. 2000, p. 475, note Y. Chartier ; Defrénois 2000, p. 849, note B. Saintourens.
(13) Cass. civ. 1, 20 octobre 1992, n° 90-21.628, Société civile immobilière (SCI) La Claudine (N° Lexbase : A2180A4I), Bull. Joly 1992, § 426, p. 1311, note D. Lepeltier ; RJDA 1993, p. 120 ; RTD com. 1993, p. 333, n° 2, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(14) V. not. Cass. civ. 3, 25 septembre 2002, n° 00-22.362, Société Citibank international PLC c/ Société civile immobilière (SCI) OLMR, FS-D (N° Lexbase : A4911AZW), Bull. Joly, 2003, p. 27, note P. Le Cannu ; Cass. com., 12 octobre 2004, n° 03-13.999, SCI de Purette c/ Société Socordis, F-D (N° Lexbase : A6154DDB), Dr. sociétés 2005, n° 5, note F.-X. Lucas.
(15) V. not. Cass. civ. 1, 15 mars 1988, n° 85-18.312, Société civile immobilière Champion-Second c/ Société anonyme Volvo France (N° Lexbase : A7574AAR), Bull. civ. I, n° 75, Defrénois 1988, art. 34275, p. 850, note L. Aynès ; Rev. sociétés 1988, p. 415, note Y. Guyon ; Cass. civ. 1, 1er février 2000, n° 97-17.827, Société Soclan c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Nord-Est (N° Lexbase : A8156AG8), Bull. civ. I, n° 34, Rev. sociétés 2000, p. 301, note Y. Guyon ; D. 2001, p. 692, obs. L. Aynès ; JCP éd. E, 2000, n° 12, p. 490, obs. P. Bouteiller ; Bull. Joly 2000, p. 502, note A. Couret ; Banque & droit mai/juin 2000, p. 37, obs. F. Jacob. La Chambre commerciale l'a adopté plus tardivement : Cass. com., 3 décembre 2003 précité ; Cass. com., 8 novembre 2005, précité ; Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-10.766, Société civile immobilière (SCI) du Vasse, F-D (N° Lexbase : A9416DWN), Dr. sociétés 2007, n° 192, note R. Mortier.
(16) V. not., Cass. civ. 1, 1er février 2000, précité.
(17) V. not. : Cass. civ. 1, 15 mars 1988, précité, qui relève que "le cautionnement se rattache indirectement à l'objet social de la SCI en raison de la communauté d'intérêts unissant cette société à la société débitrice principale".
(18) M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, ouvrage précité, spéc. n° 1114.
(19) Sur ce double rôle de l'intérêt social, v., not., P. Schultz, article précité.
(20) V., not., sur ce point : G. Wicker, Rép. Civ. Dalloz, V° personne morale, n° 31.
(21) Cass. com., 26 janvier 1993, n° 91-12.566, M Arnaud, ès qualités de représentant des créanciers de la SNC c/ Crédit lyonnais et autres (N° Lexbase : A5593ABR), Bull. civ. IV, n° 34 ; Rev. sociétés, 1993, p. 396, note J.-F. Barbièri, Bull. Joly 1993, p. 482, note P. Le Cannu.
(22) V. not. sur ce point : G. Piette, Cautionnement et intérêt social. Les implications réciproques, JCP éd. G, 2004, I, n° 142.
(23) V. M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 8ème édition, 2007, n° 148.
(24) Tel est le cas s'agissant de la SARL.
(25) C. com., art. L. 225-43 (N° Lexbase : L5914AIU) et L. 225-91 (N° Lexbase : L5914AIU).
(26) C. com., art. L. 223-21 (N° Lexbase : L5914AIU).
(27) C. com., art. L. 227-12 (N° Lexbase : L6167AIA).
(28) C. com., art. L. 226-10 (N° Lexbase : L6151AIN).
(29) V., not., sur le lien entre ces textes et la question du respect de l'intérêt social : P. Schultz, article précité, spéc. n° 327.
(30) V., not., sur cette question : M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, ouvrage précité, spéc. n° 149.
(31) V. supra 1.
(32) Il s'agit, on le verra, d'une présomption simple.
(33) V., not., L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés. La publicité foncière, Defrénois 2ème éd. 2006, n° 218 ; D. Legeais, Cautionnement, Formation, Jcl. Com. fasc. 377, n° 71.
(34) V., not., Cass. com., 28 mars 2000 précité ; Cass. com., 18 mars 2003 précité.
(35) V. M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, ouvrage précité, spéc. n° 1114.
(36) V. par exemple Cass. com., 18 mars 2003, précité, qui casse un arrêt qui avait constaté "que les cautionnements en cause avaient été donnés avec l'accord unanime de tous les associés lors d'une assemblée générale extraordinaire et dès lors qu'il n'était pas allégué que ces garanties étaient contraires à l'intérêt social".
(37) V. la jurisprudence citée supra note 7.
(38) V. M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, ouvrage précité, n° 149.

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[Manifestations à venir] Présentation des travaux des ateliers de l'ADIJ en droit et technologies

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Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ) organise, dans le cadre du Salon Lexposia au CNIT Paris La Défense, une "Présentation des travaux des ateliers de l'ADIJ en droit et technologies", le vendredi 30 novembre 2007 de 9h00 à 12h00.
  • Programme

- Droit du travail et nouvelles technologies : Christine Baudoin, LMT Avocats, Avocat associé, spécialiste en droit social ;
E-learning, Knowledge et Droit : Denis Genest, Senior Manager, PricewaterhouseCoopers et Jean-François Figuié, Directeur Général Adjoint, CSP Groupe Editions Lefebvre Sarrut, Secrétaire Général de l'ADIJ ;
- Pratique de l'archivage du courrier électronique : Philippe Bazin, Avocat au Barreau de Rouen ;
- Loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) : mise en oeuvre et perspectives : Sophie Soubelet-Caroit, Avocat, spécialiste en droit d'auteur ;
- Le dossier numérique partagé : Philippe Blot lefevre, Fondateur de Hub2b et Expert en DLM (Digital Legal Management).

  • Date et lieu

Vendredi 30 novembre 2007
9h00 - 12h00

Salon Lexposia
CNIT - La Défense

  • Tarif

Pour la conférence ADIJ uniquement : 25 euros

  • Inscription et renseignements

Inscriptions avant le 26 novembre 2007
Mme Christiane Féral-Schuhl,
Fax : 01 70 71 22 22
e-mail : coordination-adij@feral-avocats.com

Cette manifestation est validée au titre de la formation continue obligatoire des avocats.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'annulation de la convention de cession de parts sociales non soumise à la consultation préalable du conseil de surveillance

Réf. : CA Paris, 3ème ch., sect. A, 12 juin 2007, n° 07/05264, M. Thierry Gisserot et autres c/ SA Caceis Bank (N° Lexbase : A1652DYT)

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N0125BDY

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par Deen Gibirila, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse I

Le 07 Octobre 2010

Eu égard à l'opposition directe ou indirecte d'intérêts pouvant naître à l'occasion de conventions conclues par une société, proches du "contrat avec soi-même", la position privilégiée occupée par le dirigeant agissant pour le compte de ladite société peut l'amener à faire prévaloir son propre intérêt aux dépens de l'intérêt social. Ainsi, peut-il être tenté de conclure des contrats onéreux ou exorbitants avec une autre société dans laquelle il est intéressé. Il n'est pas rare, en effet, qu'interviennent des tractations entre sociétés dotées de dirigeants communs enclins à favoriser l'une d'elles au détriment des autres. Le dirigeant peut, également, être incité à utiliser les crédits sociaux afin de garantir ses engagements personnels.
Le risque de voir des considérations d'ordre personnel l'emporter sur l'intérêt de la société demeure d'autant plus important que l'organe de direction ou de gestion est investi des pouvoirs les plus étendus et que l'adhésion à l'entreprise sociale est sous-tendue par la préoccupation de participer avec efficacité à la vie des affaires, sans que soit prise en considération la personnalité des autres membres et les liens particuliers d'estime ou de confiance pouvant exister entre eux.
Quelle que soit la forme sociétaire, qu'il s'agisse d'une société commerciale ou d'une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique, les conventions dites réglementées obéissent à une procédure fondée sur des conceptions identiques. Seules les modalités d'application connaissent des divergences liées à la spécificité de l'organisation de chaque société. En la matière, les différences ne se situent pas seulement au niveau de la procédure de contrôle des conventions réglementées. Elles se rencontrent, également, en ce qui concerne la sanction de l'inobservation des prescriptions légales et même statutaires. C'est à propos de ces deux questions mettant en cause une société par actions simplifiées, qu'a statué la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 12 juin 2007.

I - Le litige, objet de l'espèce, a pour origine des faits qui peuvent être exposés comme suit.
Une société (CDC EC), constituée en 1994 sous la forme d'une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, a été transformée, en avril 2003, en société par actions simplifiée dotée de ces mêmes organes de gestion et de contrôle, dont les attributions et les pouvoirs sont statutairement déterminés : d'une part, le directoire a compétence exclusive pour gérer l'activité d'investissement pour le compte des fonds dont ladite société assure la gestion ; d'autre part, le conseil de surveillance est compétent pour autoriser préalablement toutes conventions, autres que celles courantes et conclues dans des conditions normales, en particulier tout contrat de travail entre la société et tout membre du directoire.

Par ailleurs, les contrats de travail de directeurs d'investissement de cinq personnes, embauchées en 1998 et 1999 par une société du groupe CDC, ont été transférés en 2000 à la société CDC EC, dont ils sont devenus membres du directoire le 31 mars 2000. L'une d'elles a occupé le poste de président du directoire jusqu'à son remplacement en février 2004 par l'une des quatre autres personnes. Ces différentes personnes ont conclu, le 27 avril 2001, un engagement irrévocable de souscrire une quote-part de droits sociaux qu'ils ont acquis définitivement au terme de la période de souscription fixée au 30 juin 2002. En outre, des parts restantes, non distribuées en raison du défaut de création d'un cinquième poste de directeur d'investissement prévue en 2003, ont été acquises par les cinq personnes, par conventions datées du 9 juillet 2004 conclues entre elles et la société CDC EC. L'opération a été réalisée en dépit de la clause statutaire stipulant la soumission d'un tel accord à l'autorisation du conseil de surveillance.

Toutes ces personnes ont été révoquées de leurs fonctions de membres du directoire le 15 septembre 2004. Le nouveau directoire a procédé à leur mise à pied immédiate au titre de leurs fonctions de salariés, puis à leur licenciement pour faute lourde le 6 octobre 2004.

En définitive, le différend a trait à la cession de parts sociales qui est contestée par la société. Celle-ci a saisi, avec succès, aux fins d'en obtenir l'annulation, le tribunal de grande instance qui lui a accordé gain de cause par un jugement du 11 octobre 2005. Les appelants, cessionnaires desdites parts, sont déboutés, en l'espèce, par la cour d'appel de Paris, de leur demande tendant au virement en leur faveur des parts litigieuses inscrites au nom de la société CDC EC dans les livres de la société Caceis Bank.

II - Tout comme en première instance, les appelants invoquent, à l'appui de leurs prétentions, le pouvoir du directoire de répartir librement entre les membres de l'équipe de gestion les parts dont la société CDC EC s'est engagée à leur rétrocéder par une convention de portage conclue le 27 avril 2001. Selon eux, également, les cessions litigieuses ne constituent pas des conventions nouvelles, mais de simples modalités de mise en oeuvre d'accords préalables, tout à fait valables. De surcroît, ces cessions, bien que devant subir l'autorisation du conseil de surveillance, ne sont pas nulles pour autant. En effet, la sanction de l'inobservation par un représentant légal des dispositions statutaires limitatives des pouvoirs est la réparation du préjudice subi du fait de l'acte accompli en dépassement des pouvoirs, et non la nullité ou l'inopposabilité. Par ailleurs, ils ne se sont pas rendus coupables de "manoeuvres frauduleuses" ; bien au contraire, ils ont systématiquement informé le conseil de surveillance, notamment par une note du 14 mai 2004 et par un rapport du directoire du 15 juin 2004, du dénouement de l'opération de portage ; dès lors, l'autorisation de ce conseil n'était pas requise et une information s'avérait suffisante.

Cette argumentation n'emporte pas la conviction du tribunal de grande instance, ni celle de la cour d'appel. Selon cette dernière, ces conventions n'étant pas courantes et conclues dans des conditions normales, une simple information préalable ne suffit pas ; il faut, encore, une réelle autorisation préalable donnée par le conseil de surveillance.

Certes, la procédure de contrôle s'inspire, en principe, de celle applicable dans la société anonyme, mais, contrairement à celle-ci, il n'existe pas, dans la SAS, d'autorisation préalable analogue à celle donnée par le conseil. Néanmoins, en présence, comme en l'espèce, d'une SAS dotée, notamment, d'un conseil de surveillance, cet organe doit, avant le contrôle légal de l'assemblée générale des associés, autoriser toute convention réglementée, comme le précisent bien les statuts de la société CDC EC. Cette stipulation statutaire est corroborée par l'article L. 227-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L6169AIC), qui confère aux statuts la possibilité de subordonner toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société, en l'occurrence, le consentement préalable du conseil de surveillance traduisant l'approbation de la société.

Cela n'a, bien évidemment, pas été le cas en l'espèce dans la mesure où les intéressés, se contentant d'informer l'organe de contrôle de l'existence de la convention, n'ont pas sollicité son adhésion. Cette simple connaissance par les membres du conseil de surveillance ne saurait valoir approbation préalable de leur part. Pareille autorisation suppose une véritable délibération dudit conseil, à laquelle ne pourrait se substituer l'accord donné individuellement par chaque membre de cet organe. Il a même été jugé, à propos du conseil d'administration d'une société anonyme, mais transposable au conseil de surveillance de la SAS, que l'autorisation doit être précédée d'une discussion contradictoire suivie d'un vote exprès, le tout formellement indiqué dans le procès-verbal de la réunion (1).

S'agissant de la sanction applicable, l'article L. 227-10, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6165AI8) énonce qu'une convention non approuvée produit tout de même ses effets, à charge pour la personne intéressée, et le cas échéant pour le président et les autres dirigeants, d'en supporter les conséquences dommageables pour la société. Cette disposition ne s'applique, toutefois, que dans la mesure où la procédure d'autorisation a été effectivement respectée et que, passant outre le refus d'approbation, en l'occurrence celui du conseil de surveillance, le ou les intéressés ont exécuté la convention.

Cette situation n'est pas celle rencontrée dans la présente affaire. Exclut-elle pour autant la nullité comme sanction ? De plus, qu'en est-il lorsque, comme en l'espèce, le conseil de surveillance n'a pas été convié à débattre sur la convention ?

Par analogie avec le régime applicable à la société anonyme, en vertu de l'article L. 225-42, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L5913AIT), les conventions conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance, parce qu'il n'a pas été consulté, ce qui est ici le cas, ou parce qu'il n'a pas donné son autorisation, peuvent être annulées, mais seulement si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société (2). C'est dire le caractère facultatif de la nullité, qui n'est pas de plein droit, et que le juge a le loisir de prononcer ou non (3). La convention conserve toute sa validité jusqu'à la décision du tribunal (4). Il s'ensuit que le juge ne peut annuler la convention sans constater que celle-ci a eu des conséquences dommageables pour la société, en l'absence desquelles la nullité doit être écartée (5).

Reste à savoir si ces dispositions valent pour la société par actions simplifiée. Il ne le semble pas, à en croire le sens de l'article L. 227-1, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6156AIT), aux termes duquel sont applicables à la SAS, dès lors qu'elles sont compatibles avec les dispositions particulières relative à cette structure sociétaire, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception des articles L. 225-17 (N° Lexbase : L5888AIW) à L. 225-126 et L. 225-243 (N° Lexbase : L6114AIB) du Code de commerce, ce qui exclut l'article L. 225-42 précité.

Aussi, est-ce sur un tout autre terrain, celui du droit commun, que se placent, ici, les juges d'appel pour prononcer l'annulation des conventions critiquées. D'une part, ils se fondent sur l'article 1108 du Code civil (N° Lexbase : L1014AB8), en vertu duquel la validité d'une convention tient, entre autres, au "consentement de la partie qui s'oblige", la société ayant fait de l'autorisation du conseil de surveillance "un élément constitutif de son consentement auxdits actes, nécessaire à l'émission d'une volonté juridiquement efficace". D'autre part, ils s'appuient sur la notion de fraude, en ce que les membres du directoire, agissant de concert, ne pouvaient ignorer la nécessité d'obtenir l'autorisation préalable du conseil de surveillance afin de valider les cessions de parts contestées dans lesquelles les membres du directoire étaient directement intéressés.

Par ailleurs, en dépit de l'inopposabilité aux tiers des dispositions statutaires limitatives des pouvoirs du président de la SAS, posée par l'article L. 227-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6161AIZ), ce dernier, ainsi que les autres membres du directoire qui ne sont pas des tiers, ont l'obligation de veiller à l'application des statuts auxquels ils ont accepté de se soumettre.

Bien que louable, l'annulation des conventions réglementées, en application du droit commun, apparaît comme une solution quelque peu curieuse, voire discutable. En réalité, il suffirait d'alléguer les dispositions de l'article L. 227-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L6170AID), qui rendent nulle toute cession effectuée en violation des stipulations statutaires, même en l'absence de clause frauduleuse entre les parties. Outre la conformité à un texte spécifique du droit spécial des sociétés par actions simplifiée, cette solution s'avèrerait d'autant plus judicieuse qu'elle permettrait de faire l'économie du recours à la notion de fraude.


(1) CA Paris, 23 octobre 1965 ; D., 1966, jurispr., p. 199, note P. Didier ; JCP, 1966, II, 14491, note P. L..
(2) Cass. com., 19 mai 1998, n° 95-12.649, Société des nouvelles techniques automobiles c/ Société Adia France et autres (N° Lexbase : A2352AC4) ; RJDA, 8-9/1998, n° 996.
(3) Cass. com., 22 novembre 1977, n° 75-15.481, SA Laitière du Littoral c/ Union régionale des coopératives agricoles laitières, publié (N° Lexbase : A9849AGU) ; Bull. civ. IV, n° 276.
(4) Cass. com., 3 mai 2000, n° 97-10.960, Société Arco Plast, anciennement NSA Barbazange c/ Société Eurobarket (N° Lexbase : A8213AHN) ; BRDA, 11/2000, p. 4 ; RJDA, 9-10/2000, n° 881 ; Bull. Joly Sociétés, 2000, p. 947, note P. Scholer ; Dr. Sociétés, juillet 2000, n° 109, obs. D. Vidal.
(5) CA Paris, 25ème ch., sect. B, 17 octobre 2003, n° 2002/03107, SA Sydelis ingenierie c/ M. Thierry Luthi (N° Lexbase : A1452DAZ) ; RJDA, 3/2004, n° 314. V. aussi, pour l'exclusion de la nullité d'une convention profitable à la société, CA Paris, 21 mars 1990 ; Bull. Joly Sociétés, 1990, p. 527, note M. Jeantin et CA Versailles, 12ème ch., sect. 2, 7 juin 2001, n° 98/5924, Société Ingenia c/ M. Jean-Frédéric Mognetti (N° Lexbase : A9287A74) ; JCP éd. E, 2001, n° 42, p. 1649 ; RJDA, 2/2002, n° 167 ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 115, note A. Constantin.

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Social général

[Textes] Diviser pour mieux comprendre ?

Réf. : Décrets du 30 octobre 2007 : n° 2007-1548 (N° Lexbase : L8099HYM) ; n° 2007-1550 (N° Lexbase : L8101HYP) ; n° 2007-1549 (N° Lexbase : L8100HYN)

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N0381BDH

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Depuis le 1er novembre 2007, trois décrets en date du 30 octobre 2007 et relatifs aux élections prud'homales sont entrés en vigueur (décret n° 2007-1548, relatif aux élections prud'homales et modifiant certaines dispositions du Code du travail ; décret n° 2007-1550, relatif aux élections prud'homales et modifiant certaines dispositions du Code du travail ; décret n° 2007-1549, autorisant l'expérimentation et l'exploitation d'un fichier automatisé relatif aux listes électorales pour les élections prud'homales et modifiant certaines dispositions du Code du travail). Ils tendent à permettre une meilleure application des articles L. 513-1 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L9618GQB) et donc, à aboutir à un électorat en hausse aux élections prud'homales. Le décret n° 2007-1548 apporte des précisions relatives à l'établissement des listes électorales, aux missions du maire, au dépôt des listes électorales, au dépouillement des votes, ainsi qu'aux modalités de contestation de l'éligibilité des candidats et leur élection. Le décret n° 2007-1549 met en place une expérimentation. Il autorise, en effet, dans certaines villes (pour l'instant limitativement énumérées), la mise en place et l'exploitation d'un fichier automatisé relatif aux listes électorales pour les élections prud'homales.

Le décret n° 2007-1550 crée, dans le titre 1er du livre V du Code du travail, un nouveau chapitre, le chapitre III intitulé "Election des conseillers prud'hommes", comprenant les articles D. 513-1 (N° Lexbase : L1909H34) à D. 513-14 (N° Lexbase : L1922H3L), relatifs aux modalités d'application de l'article L. 513-3 (N° Lexbase : L4249HWB). Il précise, en outre, les modalités de vote par correspondance.

Force est de constater que ces décrets apportent peu de nouveauté par rapport à ce qui existait antérieurement, puisque la plupart des dispositions qu'ils contiennent figurait déjà dans le Code du travail. Très peu de changement donc, en dehors du fichier automatisé. On peut simplement souligner et saluer la simplification à laquelle ils procèdent, même si l'on doit, parfois, regretter leur trop grande simplicité et leurs trop nombreux renvois.

1. Electorat

1.1. Détermination de la section et du collège électoral

  • Personnel d'encadrement

L'inscription du personnel d'encadrement dans le collège employeur est subordonnée, comme antérieurement, à certaines conditions de direction. Le décret reprend l'ancienne obligation, pour que le salarié puisse prétendre être inscrit sur les listes employeurs, que soit produit un écrit matérialisant une délégation d'autorité. Il rappelle que cet écrit peut être le contrat de travail mais, également, tout écrit spécifique précisant la délégation d'autorité au profit des cadres.

Cette délégation et, partant, sa matérialisation, sont importantes puisque, en leur absence, les cadres ne peuvent être inscrits sur les listes employeurs. Ils relèvent, alors, des listes salariés.

Rien ne change ici, il s'agit de la reprise de l'article R. 513-9 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la réforme (N° Lexbase : L0491ADK).

Le décret prévoit, en outre, que le salarié, qui exerce une fonction d'encadrement (relevant de l'article L. 513-1, IV du Code du travail) et qui emploie entre un ou trois salariés, voit son activité déterminée par son activité salariale. Lorsqu'il emploie plus de trois salariés, il choisit l'activité principale (salariée ou employeur) qu'il entend faire prévaloir.

  • Employeur

L'article 5 du décret n° 2007-1548 reprend le droit antérieur. Il est prévu que, lorsque l'employeur exerce des activités multiples, la section, au titre de laquelle il est électeur, est déterminée par son activité principale. Cette dernière est définie comme étant celle pour laquelle l'employeur occupe le plus grand nombre de salariés.

L'article D. 513-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1911H38) offre la possibilité aux employeurs non salariés de s'inscrire sur les listes électorales en adressant une déclaration au centre de traitement.

  • Salariés

Pour le salarié, la détermination de la section se fait de la même manière que pour l'employeur, c'est l'activité principale qui la permet. Seule la définition de l'activité principale a été modifiée. Celle-ci se définit comme étant celle pour laquelle il a été effectué le plus grand nombre d'heures au cours du dernier trimestre de l'année précédant l'année de l'élection.

Pour ces deux dernières catégories d'électeurs (salariés non cadres et employeur), le décret rappelle la présomption d'activité principale qui existait auparavant. Ainsi, en vertu de l'article R. 513-7 nouveau du Code du travail (N° Lexbase : L1972H3G), l'activité principale des entreprises et établissements est présumée résulter du numéro de classement dans la nomenclature d'activités qui leur est attribué dans le répertoire tenu par l'institut national de la statistique et des études économiques. C'est un tableau qui permet de différencier les activités selon qu'elles relèvent des sections de l'industrie, du commerce et des activités diverses et de l'agriculture.

  • Demandeurs d'emploi

Pour les demandeurs d'emploi, l'inscription se fait dans la section du collège des salariés correspondant à leur dernière activité principale.

L'union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce communique au centre de traitement les données prud'homales mentionnées à l'article R. 513-15-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1982H3S), c'est-à-dire des données propres aux demandeurs d'emploi : noms, prénoms, date et lieu de naissance (commune, département pays), adresse, numéro d'inscription au répertoire national d'identification au répertoire des personnes physiques, le code APE du dernier employeur ainsi que la section prud'homale du dernier emploi.

Certains demandeurs d'emploi en sont, toutefois, exclus : ceux visés à l'article R. 351-26 du Code du travail (N° Lexbase : L0268ADB) (bénéficiaires de régimes spéciaux et les demandeurs d'emplois faisant leur déclaration mensuelle sur papier).

Ces deux dernières catégories de demandeurs d'emplois ne sont pas déclarées d'office et devront effectuer leur déclaration personnellement en l'adressant directement au centre de traitement des données.

1.2. Etablissement des listes électorales

  • Rôle de l'employeur

a) Déclaration des données sociales (décret n° 2007-1550)

L'article L. 513-3, I, alinéa 1, du Code du travail (N° Lexbase : L4249HWB) impose à l'employeur d'effectuer, chaque année, une déclaration annuelle des données sociales. Cette déclaration est destinée aux organismes ou caisses de sécurité sociale ainsi qu'aux caisses de la mutualité sociale agricole.

En l'absence d'une telle déclaration, l'article L. 513-3, I, alinéa 2, du même code impose à l'employeur d'adresser une déclaration "selon les modalités prévues par décret".

Le décret n° 2007-1550, dans son article 1er, précise la forme et le contenu de cette déclaration.

L'article D. 513-1 nouveau du Code du travail (N° Lexbase : L1909H34) impose aux employeurs d'adresser la déclaration annuelle des données sociales au plus tard à une date qui reste pour l'instant indéterminée au centre des données sociales. La déclaration devra contenir, pour chaque salarié, leurs noms et prénoms, date et lieu de naissance (département et commune ou pays), adresse de leur domicile et le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, le collège et la section prud'homale à laquelle ils appartiennent, la nature de leur emploi, leur qualification et le nombre d'heures travaillées. Afin de sécuriser la transmission des ces données, il est prévu que les déclarations adressées dans ce cadre le seront par voie électronique ou par lettre recommandée avec avis de réception.

Les employeurs des employés de maison ne sont pas soumis à cette déclaration (C. trav., art. D. 513-1, I, al. 1). Pour ces derniers, la transmission des données sera effectuée par les organismes de Sécurité sociale, lesquels devront faire parvenir les données prévues par l'article R. 513-15-2, III (N° Lexbase : L1982H3S), c'est-à-dire les noms et prénoms, date et lieu de naissance (commune et département ou pays), l'adresse du domicile, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, le numéro d'inscription à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (Urssaf) qui les transmettra au ministère du Travail.

b) Consultation des salariés et représentants du personnel de l'entreprise (décret n° 2007-1550)

Quelle que soit la forme que prend la déclaration, l'employeur devra effectuer une consultation des données transmises (C. trav., art. D. 513-2 N° Lexbase : L1910H37). Le décret n° 2007-1548 impose à l'employeur d'organiser la consultation des données prud'homales afin que les personnes mentionnées à l'article L. 513-3 du Code du travail (donc les électeurs) puissent en vérifier l'exactitude. Là encore, il ne s'agit que d'une reprise des dispositions antérieures. Il est, toutefois, précisé que la consultation doit être faite dans l'année qui précède l'élection, dans un délai de 10 mois à compter de la date limite de la transmission des données prud'homales.

Lorsque l'entreprise comporte plusieurs établissements, le décret prévoit que l'employeur doit mettre à la disposition des salariés de chaque établissement, l'année de l'élection, les données prud'homales prévues par le décret. Singulièrement, l'employeur devra établir une "liste" (non précisée) contenant, pour chaque salarié électeur qu'il a inscrit, les noms et prénoms, le domicile, le collège et sa commune d'inscription.

Le législateur ne prévoit pas les modalités de communication au personnel de la faculté de consultation ; est-elle individuelle ; une information collective sera-t-elle suffisante ?

Que l'entreprise comporte un seul établissement ou qu'elle en comporte plusieurs, la consultation devra débuter dans les 15 jours qui suivent la date limite de transmission des données prud'homales aux organismes concernés ou au centre de traitement. Les données devront rester à la disposition du personnel pendant un délai de 15 jours, lequel disposera d'un délai de 15 jours à compter de l'ouverture de la consultation pour lui faire part de ses observations (C. trav., art. D. 513-2, I, al. 2).

L'employeur devra transmettre ces observations au maire de la commune d'implantation de l'établissement. Là encore, il n'est pas précisé dans quelles conditions la transmission des observations des salariés devra se faire. Il n'est, en outre, pas précisé exactement ce que doit effectivement transmettre l'employeur.

Il faut savoir que les observations ne sont pas ici inutiles puisqu'elles devront être prises en compte dans la déclaration effectuée l'année suivante et prises en considération par la commission administrative chargée de l'établissement des listes électorales.

  • Intervention du centre de traitement des données

C'est le centre de traitement des données qui fait parvenir les données collectées dans les conditions fixées par les articles R. 513-15-1 (N° Lexbase : L1981H3R) à 5 (N° Lexbase : L1985H3W) (décret n° 2007-1549) et à leur envoi aux mairies des communes concernées.

Il est, toutefois, prévu, à titre expérimental, la mise en place d'un fichier automatisé permettant l'établissement des listes électorales. C'est le décret n° 2007-1549 qui met en place cette expérimentation. Une liste des villes concernées est établie par le décret à cet effet.

Les services du ministre chargé du Travail autorisent, par le décret n° 2007-1549, la mise en place d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel en vue de l'établissement des listes électorales pour les élections aux conseils de prud'hommes, ce fichier sera appelé fichier des listes électorales prud'homales. L'article R. 513-15-2 du Code du travail détermine les données qu'il est possible de recueillir. Diverses catégories sont prévues et les informations varient en fonction de la catégorie visée : salariés, employeur, employeur de personnel de maison, demandeur d'emploi. Toutes les données collectées ne seront pas systématiquement communiquées. Ces données seront envoyées aux agents de services des préfectures et des mairies chargées de l'établissement et ou de la vérification des listes en vue des élections au conseil de prud'hommes (sauf le numéro d'inscription au répertoire national d'identification de personnes physiques). Les agents du centre de traitement se verront, pour leur part, communiquer l'ensemble des informations afin d'éviter les inscriptions multiples.

Les informations concernant les employeurs seront communiquées aux agents des sections d'inspection du travail des directions départementales du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle. Les agents de service de l'inspection du travail de l'emploi et de la politique sociale, et les agents des services d'inspection du travail des transports.

Il est prévu un droit d'accès et de rectificatif auprès de la direction générale du Travail, seul le droit d'opposition n'est pas prévu pour les données collectées en application de l'article R. 513-15-2 du Code du travail.

Les données collectées ne pourront être conservées que pendant un an après la date des élections prud'homales Passé ce délai, elles seront transférées aux archives nationales, et ne pourra être conservée par les services du ministre du Travail qu'une copie anonymisée des fichiers (C. trav., art. R. 513-15-5).

  • Rôle du maire

a) Etablissement des listes de sa commune

- Rôle de la commission administrative

Le décret n° 2007-1550 dispose que l'établissement des listes est faite par le maire, éventuellement assisté d'une commission consultative. Le décret précise et prévoit les seuils d'assistance obligatoire (C. trav., art. D. 513-5 N° Lexbase : L1913H3A). Lorsqu'au moins 1 000 électeurs, travaillant dans au moins 10 établissements, étaient inscrits sur la liste électorale prud'homale de la commune lors des dernières élections prud'homales, l'assistance de la commission sera obligatoire. Il est prévu qu'en dessous de ce seuil, le recours à la commission n'aura rien d'impératif, mais il reste possible si les circonstances locales le justifient. C'est le maire qui décide de l'opportunité de recourir à la commission.

- Composition (décret n° 2007-1550 ; C. trav., art. D. 513-5)

La commission est composée comme antérieurement (C. trav., anc. art. R. 513-21 du Code du travail N° Lexbase : L0503ADY). Le maire est le président de la commission. Un délégué de l'administration désigné par le préfet, un représentant de chaque organisation professionnelle et syndicale les plus représentatives au plan national et un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance sont présents. Pour chacun, il est désigné un suppléant. Le maire peut demander à ce que le directeur du travail et de l'emploi soit présent ou représenté, ou créer des sous commissions.

L'article R. 513-16, 2° du Code du travail (N° Lexbase : L1986H3X) impose que la commission administrative chargée d'assister le maire pour l'élaboration des listes électorales soit installée dès la phase d'élaboration de la liste des établissements de la commune appelés à déclarer leurs salariés. Les membres disposent de la possibilité de retirer au moins cinq jours avant la réunion les documents nécessaires au travail de la commission (C. trav., art. R. 513-18, al. 3 N° Lexbase : L1987H3Y). Elle donne un avis au maire sur cette liste.

La commission est, en outre, chargée d'examiner les observations mentionnées sur la liste à la suite de la consultation par l'employeur des salariés de son entreprise (observations datant d'une année avant). La liste des électeurs, une fois établie, sera déposée à la mairie en vue de sa consultation. La date du dépôt sera prévue par arrêté (C. trav., art. R. 513-19 N° Lexbase : L1988H3Z).

Le maire devra informer, par voie d'affichage, les électeurs du dépôt de la liste à la mairie, de la date de sa clôture ainsi que des délais et voies de recours. Tout électeur, comme tout mandataire de liste, pourra prendre communication de la copie de la liste ou des listes de la commune. Cette demande doit être faite dans les 8 jours suivant l'affichage des résultats du scrutin, passé ce délai, la liste électorale ne peut plus être consultée.

- Contestation des listes établies par le maire

La contestation de l'électeur portant sur la liste électorale devra être écrite, préciser son objet les noms, prénoms et adresse du requérant et la qualité en laquelle il agit (C. trav., art. R. 513-21 N° Lexbase : L1990H34). Elle pourra émaner d'un mineur comme d'un majeur, étant ici précisé que le mineur, n'aura pas à être représenté. Si elle concerne une ou plusieurs autres personnes que le requérant, elle devra indiquer les noms prénoms et qualités de ces personnes. Le maire se prononcera sur la contestation et notifiera sa décision à son auteur dans les 10 jours de la réception de la contestation. Le silence gardé par le maire passé 10 jours équivaudra à un rejet de la demande. En cas de refus, la décision sera motivée par le maire.

La décision du maire sera susceptible de recours devant le tribunal d'instance dans le ressort duquel sera située la commune dont la liste est contestée, dans les 10 jours de la notification de la décision ou à la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. L'auteur d'une action en représentation devra néanmoins apporter par tous moyens la preuve de l'avertissement préalable du ou des électeurs concernés par la contestation et de leur non opposition à l'action engagée.

2. Organisation de l'élection (décret n° 2007-1550)

2.1. Déroulement du scrutin

Le décret précise que chaque bureau de vote devra contenir au moins un isoloir pour 500 électeurs inscrits.

2.2. Vote par correspondance

Le vote par correspondance pour les élections prud'homales sera possible. Ses modalités sont, en effet, précisément définies par le décret n° 2007-1550. Les articles D. 513-10 (N° Lexbase : L1918H3G) à D. 513-14 (N° Lexbase : L1922H3L) du Code du travail viennent prévoir ce type de vote. Les bulletins envoyés par correspondance selon les modalités prévues par l'article D. 513-10 du Code du travail, seront remis contre décharge à la mairie de la commune dans laquelle est installé le bureau de vote destinataire et conservés par le maire jusqu'au jour du scrutin. Le jour du vote, ils seront remis par le maire au président du bureau de vote. Pour être acceptés par le président du bureau, les plis devront impérativement contenir la mention officielle "vote par correspondance remis par les services de la mairie ou les services postaux". Une fois le scrutin terminé et avant le dépouillement, le président après avoir ouvert les enveloppes et contrôlé la validité de ces dernières, émargera pour le salarié.

Pour les votes non valables (plis parvenus après clôture du scrutin, remis par une personne autre que le maire ou les services postaux, électeurs non inscrits dans le bureau de vote, pli non cacheté, pli ne contenant pas de carte électorale ou une carte non signée, plis ne contenant pas d'enveloppe, carte ne correspondant pas à au conseil au collège ou à la section de l'électeur), il n'y aura aucun émargement, mention de l'irrecevabilité et de sa cause sera effectuée sur le procès verbal. Que le vote soit ou non recevable, l'enveloppe sera jointe aux listes d'émargement.

Les documents seront conservés pendant 4 mois après l'expiration des délais prescrits pour l'exercice des recours contre les élections (C. trav., art. D. 513-14)

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Social général

[Jurisprudence] La Cour de cassation et la protection des syndicats dans les conflits collectifs

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 06-14.074, Syndicat CGT / La Fédération nationale énergie, FS-D (N° Lexbase : A5867DZC)

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N1886BD9

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

A l'heure où le bras de fer entre le Gouvernement et les syndicats plonge la France dans la paralysie, il n'est pas inutile de s'arrêter quelques instants sur les conditions dans lesquelles la responsabilité civile des syndicats peut être engagée. Le moins que l'on puisse dire est que ces conditions sont extrêmement restrictives (1), comme le confirme un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 14 novembre 2007 (2).


Résumé

N'engage pas sa responsabilité civile le syndicat qui se borne à donner des directives pour la journée de grève, alors que les agissements fautifs ont été accomplis après la fin de la grève.

1. Le cadre de la responsabilité civile des syndicats

  • Principes

La responsabilité civile des syndicats dans les conflits collectifs se trouve régie par les dispositions du Code civil, et, singulièrement, par ses articles 1382 et suivants (N° Lexbase : L1488ABQ) (1).

Les conditions posées par la jurisprudence, pour que cette responsabilité soit engagée, ont été dégagées de longue date, et ce de manière extrêmement restrictive, afin de garantir aux syndicats une certaine sérénité à l'occasion de la gestion des conflits collectifs. En 1982, dans deux arrêts "Dubigeon Normandie" et "Trailor", la Cour de cassation a posé deux principes (2).

En premier lieu, un syndicat n'est jamais responsable que de ses propres fautes, et jamais des fautes commises par ses membres (3) ; le principe, dégagé à l'époque dans le cadre de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés, a été dernièrement confirmé sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), consacrant un "principe" de responsabilité du fait d'autrui (4). 

En second lieu, la responsabilité du syndicat n'est engagée que s'il a "effectivement participé à des agissements constitutifs d'infractions pénales ou à des faits ne pouvant se rattacher à l'exercice normal du droit de grève" (5). Le rôle de la Cour de cassation a, alors, été de préciser quels étaient ces faits susceptibles de se rattacher, ou de se détacher, de l'exercice normal du droit de grève. La Cour a, par la suite, adopté la formule selon laquelle "la responsabilité civile d'un syndicat, même s'il a soutenu une grève, ne peut être engagée que s'il a activement participé aux actes illicites commis à l'occasion de cette grève ou s'il en a été l'instigateur" (6).

  • Une jurisprudence protectrice des syndicats

La Cour de cassation a toujours refusé de condamner des syndicats pour des actes qu'il n'avait pas formellement incité les salariés à accomplir (7), ou en l'absence de rôle actif (8). Ainsi, n'a pas été considéré comme fautif "le tract [...] qui se borne à protester contre l'expulsion des grévistes [sans] aucune participation du syndicat aux obstacles apportés à la liberté du travail et à la résistance opposée à l'ordonnance d'expulsion" (9). En revanche, le syndicat qui donne des consignes précises aux grévistes engagera sa responsabilité civile (10), qu'il s'agisse d'appeler à déclencher une grève politique (11), de ne pas respecter l'exigence légale du préavis (12), d'exécuter de manière défectueuse leur contrat de travail (13) ou d'ériger des barrages routiers (14).

2. La confirmation des conditions très strictes de mise en cause de la responsabilité civile des syndicats

  • L'affaire

C'est dans ce cadre jurisprudentiel qu'intervient l'arrêt inédit rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 14 novembre 2007.

Dans cette affaire, le syndicat CGT et la Fédération nationale énergie avaient incité les salariés grévistes à procéder à des coupures ciblées d'électricité. La cour d'appel de Versailles avait fait droit aux demandes en réparation engagées par la direction d'EDF et condamné in solidum les deux syndicats à lui payer une somme correspondant aux frais d'intervention de remise en gaz et en électricité, après avoir relevé, d'une part, que, si les syndicats reconnaissent avoir appelé les agents grévistes à effectuer diverses actions, dont des coupures sur les réseaux de gaz et d'électricité, la preuve n'est pas rapportée qu'ils leur ont demandé d'effectuer de tels actes durant la nuit en dehors des périodes de grève, la faute invoquée à leur encontre n'étant pas démontrée et, d'autre part, que les coupures sauvages perpétrées dans la nuit s'analysaient comme des actes illicites, la responsabilité des syndicats devant être, dès lors, retenue pour avoir incité, en donnant des directives, à l'accomplissement des faits fautifs.

C'est cet arrêt qui se trouve ici cassé sans renvoi, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérant, au visa de l'article 1382 du Code civil, "qu'il résultait de ses propres constatations que le syndicat s'était borné à donner des directives pour la journée de grève et que les agissements fautifs avaient été accomplis après la fin de la grève".

  • Une solution discutable

Le moins que l'on puisse dire de cette décision est qu'elle s'inscrit délibérément dans un courant visant à protéger, autant que possible, l'exercice du droit syndical, singulièrement à l'occasion des conflits collectifs (15).

Même si le syndicat avait formellement donné des consignes aux grévistes pendant la durée des arrêts de travail, il ne faisait guère de doute que ces derniers avaient trouvé dans ces consignes syndicales la légitimité nécessaire pour procéder aux coupures illicites, le fait que celles-ci aient été opérées de nuit, à un moment où les salariés étaient censés être rentrés paisiblement chez eux, ne semblant pas de nature à atténuer l'implication des syndicats dans ces actes répréhensibles.

La référence à la notion juridique de grève, qui postule que les salariés soient sur leur temps de travail effectif (16), semblait écarter les actes commis sur le temps de repos des salariés, dont la nuit faisait ici partie. Mais, cette distinction entre grève et conflit masque, bien entendu volontairement, la mission réelle des syndicats qui est de guider le comportement des salariés pendant l'intégralité du conflit, dont la grève n'est que l'une des manifestations juridiques possibles. Il est, d'ailleurs, paradoxal que les syndicats, qui revendiquent généralement la paternité des conflits dans les entreprises, singulièrement lorsqu'elles gèrent un service public, minimisent avec une telle humilité l'influence qu'ils exercent réellement sur les salariés dès que certains d'entre eux commettent des exactions.

Dans ces conditions, on comprendra que la mise en cause de la responsabilité civile des syndicats, et plus généralement des grévistes, n'apparaisse pas comme un véritable outil de règlement des conflits collectifs qui doivent se dénouer dans le dialogue, et pas dans les palais de justice. La Cour européenne des droits de l'Homme a, d'ailleurs, dernièrement, statué autrement en affirmant "que l'engagement de la responsabilité civile" de grévistes défendant pacifiquement leurs conditions de travail n'était pas "nécessaire dans une société démocratique" (17).


(1) Sur ce sujet, notre ouvrage Droit du travail et responsabilité civile, LGDJ - Bibliothèque de droit privé, n° 282, préface J. Hauser, 1997.
(2) Cass. soc., 9 novembre 1982, n° 80-16.929, Société Dubigeon Normandie c/ Syndicat CGT de Dubigeon-Normandie, Syndicat CGT des Métaux de Nantes Le Floch, Union des syndicats des Métaux de Nantes Syndicat CFDT, Guihenneuf, Milpi, publié (N° Lexbase : A1596ABQ) ; Cass. soc., 9 novembre 1982, n° 80-13.958, Syndicat CGT Usine Trailor de Lunéville c/ Dame Abadie, Ancel, Arnaudo, Bachmann, Badina, Baillet, Baland, Bataillon, Bérard, Berg, Blaise et autres (N° Lexbase : A8144AYB) ; JCP éd. G, 1983, II, 19995, concl. Gauthier ; Dr. soc. 1983, p. 175 et s., chron. J. Savatier.
(3) Cass. soc., 9 novembre 1982, Dubigeon-Normandie, préc..
(4) Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 04-11.665, Société Supermarchés Match, FS-P +B (N° Lexbase : A0232DSE) ; lire nos obs., Les syndicats ne sont pas responsables de leurs membres, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5312ALC).
(5) Cass. soc., 9 novembre 1982, Trailor, préc..
(6) Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 00-22.290, Union départementale CGT de la Sarthe c/ Société ambulances Mancelles, FS-D (N° Lexbase : A8388A4G).
(7) Cass. soc., 26 juillet 1984, n° 82-14.355, Bez, Faverjon, Polge, Perrodon c/ Ets économiques du Casino Guichard Perrachon et Cie, publié (N° Lexbase : A0278AAK) : "Attendu que la responsabilité d'un syndicat dans les agissements illicites commis par des grévistes ne peut être retenue que si ses dirigeants ont incité ceux-ci à les commettre ; que l'arrêt attaqué, qui s'est borné à relever que le syndicat avait été l'organisateur de la manifestation, n'a pas constaté que ses représentants eussent incité les grévistes rassemblés devant le siège de la société à se rendre à Monthieu pour y bloquer les accès du supermarché".
(8) Cass. soc., 21 janvier 1987, n° 85-13.295, Union départementale des syndicats confédérés des Landes CGT et c/ Société escourcoise des bois, publié (N° Lexbase : A6445AAX) : "Pour déclarer l'Union départementale des syndicats des Landes responsable avec MM D. et P. des dommages causés à la société Escobois du fait de la grève, l'arrêt s'est borné à relever que la responsabilité de ce syndicat était inséparable de celle de MM D. et P. qui étaient ses mandataires ; attendu cependant que la responsabilité de l'Union des syndicats ne pouvait être engagée du seul fait de la qualité de mandataire des deux délégués syndicaux qui avaient exercé individuellement le droit de grève ; qu'en statuant ainsi, sans constater la participation effective de ce syndicat aux agissements abusifs constatés, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ; Cass. soc., 23 juin 1988, n° 86-12.327, SA Sapro c/ Mme Charbelet et autre, inédit (N° Lexbase : A1510ABK) : "Mais attendu, qu'après avoir énoncé qu'un syndicat, même s'il a appelé à la grève, ne peut être automatiquement tenu pour responsable des dommages causés par des actes abusifs, les juges du second degré ont constaté qu'outre l'existence de tracts soutenant la grève, il n'était reproché au permanent de l'union locale CFDT que le fait de s'être trouvé présent, alors que le personnel en grève faisait obstacle au chargement de camions ; qu'ils ont pu dès lors retenir que ce comportement exclusivement passif ne permettait pas de rechercher la responsabilité du syndicat".
(9) Cass. soc., 17 juillet 1990, n° 87-20.055, Syndicat des ouvriers et employés raffineurs de sucre de Marseille c/ Société Générale Sucrière, publié (N° Lexbase : A1405AAB) : "En se bornant à constater que les syndicats eux-mêmes avaient été les instigateurs de l'occupation de l'entreprise, sans constater que les organisations syndicales avaient, par instructions ou par tout autre moyen, été à l'origine des actes illicites commis au cours de cette occupation, notamment de la fermeture des portes de l'usine et de l'entrave apportée à la liberté du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
(10) Cass. soc., 30 janvier 1991, n° 89-17.332, Syndicat CGT des papeteries de Mauduit et autres c/ Société Les Papeteries de Mauduit, société anonyme (N° Lexbase : A1619AA9) : "Les juges du fond ont relevé que les entraves au libre accès de l'entreprise et à la liberté du travail avaient été effectuées sur les instructions du syndicat, qui a ainsi engagé sa responsabilité" ; Cass. soc., 26 janvier 2000, n° 97-15.291, Syndicat CGT du Centre EDF-GDF de Corse et autre c/ Electricité de France Gaz de France (EDF-GDF), publié (N° Lexbase : A4723AGZ) : "Les juges du fond, après avoir constaté que les syndicats avaient été constamment les instigateurs et les organisateurs de ce mouvement et qu'ils en avaient assuré la maîtrise et la poursuite, en incitant par des directives l'accomplissement des actes fautifs par les agents qui participaient au mouvement, ont justement retenu la responsabilité de ces syndicats" ; Cass. soc., 29 janvier 2003, préc..
(11) Cass. soc., 23 mars 1953, n° 53-01.398, Grenier c/ SNCF, publié (N° Lexbase : A6681CIB) ; JCP éd. G., 1953, II, 7709, note H. Delpech ; D. 1954, p. 89, note G. Levasseur.
(12) Cass. soc., 25 octobre 1979, n° 78-13.528, Société Uta c/ Syndicat national du personnel navigant commercial SNPNC, publié (N° Lexbase : A1629ABX) ; D. 1980, p. 313, note H. Sinay.
(13) Cass. soc. 16 janvier 1985, JCP éd. E, 1986, I, 15146, p. 53, n° 15, obs. B. Teyssié : le syndicat appelait à faire grève le 1er mai, jour que l'employeur avait refusé d'accorder comme congé (hypothèse d'"autosatisfaction" des revendications).
(14) Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-16.114, Fédération nationale des transporteurs routiers -FNTR- c/ Société Entrepôt pétrolier de la Gironde -EPG- société par actions simplifiée, FS-P (N° Lexbase : A3427DMU).
(15) Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, préc..
(16) Cass. soc., 18 décembre 2001, n° 01-41.036, Société Renault c/ M. Daniel Abdoune, F-P (N° Lexbase : A7055AXL) ; Bull. civ. V, n° 387 : "c'est à bon droit que le juge des référés, écartant la référence à une grève, qui ne peut concerner qu'une période de travail effectif, a condamné l'employeur à verser à titre de provision la somme indûment retenue".
(17) CEDH, 17 juillet 2007, Req. n° 74611/01, Satilmis et autres c/ Turquie (N° Lexbase : A0581DY8) (violation de l'article 11 de la CESDH N° Lexbase : L4744AQR) ; lire les obs. de S. Tournaux, L'évolution de l'action collective des salariés sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'Homme, Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2733BC9).
Décision

Cass. soc., 14 novembre 2007, n° 06-14.074, Syndicat CGT / La Fédération nationale énergie, FS-D (N° Lexbase : A5867DZC)

Cassation sans renvoi (CA Versailles, 1ère chambre civile, 7 février 2006)

Texte visé : C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ)

Mots-clefs : conflits collectifs ; syndicats ; responsabilité civile.

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Social général

[Jurisprudence] Statistiques ethniques : le Conseil constitutionnel censure la loi "Hortefeux"

Réf. : Cons. const., décision n° 2007-557 DC, du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (N° Lexbase : A5565DZ7)

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N1981BDQ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 juillet 2007, le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a été adopté par celle-ci le 19 septembre 2007, puis par le Sénat le 4 octobre 2007. Après la réunion d'une commission mixte paritaire, il a été définitivement adopté le 23 octobre 2007. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 octobre 2007 pour examiner la conformité de cette loi en ses deux dispositions les plus critiquées : celle relative aux tests ADN (art. 13), et celle portant sur une reforme des statistiques ethniques, visant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (art. 63) (N° Lexbase : L8794AGS). La loi, en date du 20 novembre 2007, a finalement été publiée au Journal officiel le lendemain (loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile N° Lexbase : L2986H3Y). Les entreprises soucieuses de lutter contre les discriminations et tentées par la mise en place d'outils statistiques permettant de les mesurer, notamment, celles à connotation raciste ou ethnique, étaient susceptibles de bénéficier de ce projet de loi, qui rendait possibles de telles études. Le Conseil constitutionnel ayant censuré l'article 63 de la loi adoptée, les entreprises restent donc soumises au statu quo ante, défini par les articles 8 et 25 de la loi du 6 janvier 1978, qui interdit une telle collecte de données considérées comme sensibles. En fin de compte, le débat sur les statistiques ethniques, tel que réactualisé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), en mai 2007 (1), reste ouvert, mais la contribution du Conseil constitutionnel est centrale.

Résumé

Si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L1277A98), reposer sur l'origine ethnique ou la race. L'amendement dont est issu l'article 63 de la loi déférée était dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet dont celle-ci est issue. L'article 63 ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière, il convient de le déclarer contraire à la Constitution

1. Les termes du projet de réforme des statistiques ethniques

L'Assemblée nationale avait adopté un amendement présenté par M. Tabarot et S. Huyghe, députés désignés par l'Assemblée nationale pour siéger à la Cnil, afin d'autoriser les traitements de données à caractère personnel nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des personnes, de la discrimination et de l'intégration.

1.1. Réforme du régime des données sensibles

Le projet de loi, voté le 23 octobre 2007 (art. 63), ouvrait une neuvième dérogation au principe d'interdiction de tout traitement des données dites "sensibles". La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (II de l'article 8) était complétée par une neuvième dérogation, comprenant les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration. La présentation des résultats du traitement de données ne pouvait, en aucun cas, permettre l'identification directe ou indirecte des personnes concernées.

De plus, le projet de loi du 23 octobre 2007 élargissait les organismes publics producteurs de données statistiques non soumis au régime de l'interdiction de tout traitement de données sensibles (portant, notamment, sur la race). Ainsi, ne sont pas soumis à cette interdiction, les traitements statistiques réalisés par l'Insee ou l'un des services statistiques ministériels dans le respect de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques (N° Lexbase : L8198AIH), après avis du Conseil national de l'information statistique. Le projet de loi adopté définitivement par les deux chambres le 23 octobre 2007 (7° du II de l'article 8, loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) prévoyait que, dans la mesure où la finalité du traitement l'exige pour certaines catégories de données, n'étaient pas soumis à l'interdiction les traitements statistiques réalisés par les services producteurs d'informations statistiques (2) définis par un décret en Conseil d'Etat, dans le respect de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951, après avis du Conseil national de l'information statistique (Cnis).

Enfin, le texte définitivement adopté le 23 octobre 2007 modifiait le régime de l'autorisation du traitement des données statistiques donnée par la Cnil (article 25, loi n° 78-17). Pouvaient être mis en oeuvre les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration, après autorisation de la Cnil. Lorsque la complexité de l'étude le justifiait, la Cnil pouvait saisir, pour avis, un comité désigné par décret. Le comité disposait d'un mois pour transmettre son avis. A défaut, l'avis était réputé favorable.

En résumé, l'article 63 du projet de loi modifiait les articles 8 et 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, afin d'autoriser les traitements de données à caractère personnel nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des personnes, de la discrimination et de l'intégration. La réalisation de ce traitement aurait été subordonnée à un accord préalable de la Cnil, après une éventuelle saisine pour avis d'un comité scientifique.

Ce dispositif mettait en oeuvre l'une des 10 recommandations du rapport de la Cnil de mai 2007 sur les statistiques ethniques et visait à améliorer la connaissance des diverses composantes de la société française et à mieux lutter, ainsi, contre les discriminations. En effet, le droit en vigueur proscrit le traitement des données sensibles, au titre desquelles figurent celles faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes. Cette interdiction de principe peut être levée si trois conditions sont réunies : la réalisation des enquêtes par l'Insee ou un service statistique ministériel, le recueil du consentement exprès (écrit) des personnes concernées et la mise en oeuvre du traitement pour des motifs d'intérêt public.

Pour certains parlementaires (3), le régime juridique de cette dérogation au principe général d'interdiction apparaît, aujourd'hui, inadapté.

- En premier lieu, il ne concerne que l'Insee ainsi que les services statistiques ministériels et exclut les autres services publics producteurs de statistiques.

- En deuxième lieu, comme l'a relevé la Cnil en 2005 et 2007, le consentement exprès des personnes ne constitue pas une garantie suffisante dans les entreprises, dans la mesure où le lien de subordination et la relation de travail hiérarchisée sont susceptibles d'affecter la sincérité de ce consentement.

- Enfin, "l'intérêt public" se révèle, parfois, délicat à caractériser. Il est, en effet, difficile de considérer que tous les projets d'études présentés à la Cnil émanant de sociétés privées de consultants, d'instituts de sondage, d'universités ou d'entreprises et qui ont pour objet de mesurer la diversité, de suivre les trajectoires des personnes et d'analyser les facteurs de discrimination relèvent de "l'intérêt public". Cette situation a conduit la Cnil à rejeter des études, pourtant fondées, mais ne poursuivant pas un motif "d'intérêt public" au sens de la loi.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Assemblée nationale avait décidé de faire évoluer le régime juridique des traitements sur la diversité, en les soumettant à un régime d'autorisation préalable de la Cnil, après avis éventuel d'un comité scientifique placé auprès du ministère de la Recherche, à l'instar de ce qui est prévu pour les fichiers de recherche médicale. Outre qu'elle faisait disparaître la notion ambiguë d'"d'intérêt public", cette solution subordonnait les traitements ethniques à l'approbation de la Cnil, quand bien même les personnes y auraient expressément consenti. Etaient, ainsi, préservés tant le caractère scientifique des enquêtes que les droits des personnes, d'autant qu'est maintenu le "droit d'opposition" exercé selon les modalités de droit commun prévues par la loi de 1978. Les personnes concernées pouvaient continuer à s'opposer à ce que leurs données soient collectées, même après l'autorisation de la Cnil.

1.2. Un débat très polémique et controversé

Contrairement à ce que suggéraient certains parlementaires (4), le dispositif proposé par l'Assemblée nationale et le Sénat n'a pas fait l'objet d'une large approbation.

Dans sa délibération n° 2007-233 du 24 septembre 2007, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a émis un avis favorable sur ce projet de réforme, sous réserve que ce texte soit complété afin que les garanties offertes aux personnes concernées soient expressément prévues par la loi. Certains sociologues (5) ont souligné, à cet effet, que l'absence de statistiques ethno raciales aboutirait à conforter et légitimer la réalité des inégalités et des discriminations. Cette ignorance de la réalité conforterait le phénomène du racisme et de la discrimination ethnique en entreprise. Faute de la connaissance nécessaire, le législateur n'aurait pas les moyens de lutter contre ces inégalités et ces discriminations liées à l'origine ethnique. Le refus de prendre en compte les catégories ethniques risquerait de conduire à sous-estimer des phénomènes sociaux qui existent et de freiner l'intervention des politiques publiques pour les compenser.

D'autres auteurs, institutions, organismes, syndicats (6) ou associations (7), au contraire, ont manifesté leur très forte réserve face à ce projet de loi modifiant le régime de la statistique ethnique. Les arguments sont connus : les statistiques ethniques ne seraient pas utiles pour atteindre l'objectif de lutte contre les discriminations. Nul besoin, en effet, de réhabiliter des catégories ethno raciales pour affirmer que les minorités "postcoloniales" souffriraient de discriminations devant l'emploi ou le logement. La méthode du "testing" suffirait à déterminer une telle réalité, comme le démontrent les enquêtes réalisées par J.-F. Amadieu dans le cadre de l'Observatoire des discriminations, ou les opérations menées par SOS Racisme (8).

Enfin, et surtout, le projet de loi ne réglait aucun des problèmes de fond que pose la statistique ethnique : son lien avec la lutte contre les discriminations (est-il vraiment nécessaire, notamment pour une entreprise, de disposer d'outils de connaissance statistiques du phénomène de discrimination, pour pouvoir mieux lutter contre le racisme ou la xénophobie ?) ; la définition de la race et de l'ethnie, préalable nécessaire à toute réflexion sur les discriminations raciales en entreprise (9).

2. Censure du Conseil constitutionnel

2.1. Censure pour cavalier législatif

L'article 63 de la loi déférée, qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, modifie le II de l'article 8 et le I de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978. Il permet, pour la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l'intégration, et sous réserve d'une autorisation de la Cnil, la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes. Selon les requérants, l'amendement dont cet article est issu était dénué de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi initial.

Conformément à sa jurisprudence (10), le Conseil constitutionnel, dans la décision sous examen, rappelle le principe selon lequel le droit d'amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement, doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne peut pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. De même, doivent être prohibées, en deuxième lecture, les adjonctions ou modifications qui ne sont pas en relation directe avec une disposition restant en discussion : dans le jargon des constitutionnalistes, il s'agit de la règle dite de "l'entonnoir", qui figure dans les règlements des assemblées, ainsi que celle de prohibition des "cavaliers législatifs".

Or, en l'espèce, le Conseil constitutionnel relève que, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, le projet de loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile comportait 18 articles : 15 de ces articles modifiaient exclusivement le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les trois autres articles n'ayant d'autre objet que de faire référence à ce code par coordination ou de prévoir des mesures d'application particulières pour les collectivités d'outre-mer. Ces dispositions étaient relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers, désireux de venir s'établir en France, peuvent bénéficier du regroupement familial. Les autres dispositions portaient essentiellement, comme l'indiquaient les intitulés des chapitres dans lesquels elles figuraient, sur l'asile et sur l'immigration pour motifs professionnels. Aussi, il faut bien admettre, avec le Conseil constitutionnel, que l'amendement dont est issu l'article 63 de la loi déférée était dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet dont celle-ci est issue. L'article 63 ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière, il est déclaré contraire à la Constitution.

2.2. Censure pour raisons de fond

Par un considérant de principe (n° 29), le Conseil constitutionnel donne une contribution très attendue et décisive au débat sur la pertinence du "monitoring" ethnique : si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race. Il faut rappeler qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Selon les Cahiers du Conseil constitutionnel, ces données objectives pourront, par exemple, se fonder sur le nom, l'origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française. Tant il est vrai qu'"en matière de statistiques, tout n'est néanmoins pas possible". Dans ses recommandations du 5 juillet 2005, la Cnil avait déjà estimé que les données relatives à la nationalité ainsi qu'au lieu de naissance des parents pouvaient être utilisées pour mesurer la diversité au sein des entreprises. S'agissant d'enquêtes au sein des entreprises, la réalisation d'enquêtes par voie de questionnaires pourrait être envisagée, comme le suggérait la Cnil dans ses recommandations du 5 juillet 2005. Dans ses nouvelles recommandations émises le 15 mai 2007, la Cnil relevait que l'intégration de questions sur la nationalité et le lieu de naissance des parents peut aussi être admise dans des enquêtes par questionnaires menées auprès des entreprises, si ces enquêtes s'inscrivent dans le cadre d'un programme national de lutte contre les discriminations, dont les modalités seraient validées par la Halde et par une instance d'expertise statistique (en lien avec le Cnis), si toutes précautions méthodologiques sont prises pour garantir la protection des données (Recommandation n° 2 : mesurer la diversité en utilisant les données "objectives" relatives à l'ascendance des personnes - nationalité et/ou lieu de naissance des parents).

S'agissant du nom, là encore, la Cnil s'était exprimée en mai 2007 (Recommandation n° 4 : permettre, sous certaines conditions, l'analyse des prénoms et des noms de famille). Pour la Cnil, le recours au prénom ainsi que, le cas échéant, au nom de famille pour détecter d'éventuelles pratiques discriminatoires dans le parcours professionnel, à l'exclusion de tout classement dans des catégories "ethno raciales", peut constituer un indicateur intéressant sur le plan statistique.

Cette décision du Conseil constitutionnel s'inscrit, ainsi, dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 1er de la Constitution. Là encore, selon une formule retenue par ces mêmes Cahiers, le Conseil constitutionnel veille au respect des principes annoncés dans la Déclaration de 1789 "qui interdisent tout communautarisme". Dans cet esprit, le Conseil fait une interprétation stricte des dispositions constitutionnelles particulières qui peuvent fonder des dérogations au principe d'égalité.


(1) Cnil, Recommandations, Rapport présenté le 15 mai 2007, Mesure de la diversité et protection des données personnelles, lire nos obs., Mesure de la diversité ethnique en entreprise : nouvelles recommandations de la Cnil, Lexbase Hebdo n° 262 du 31 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2002BBR).
(2) Cette disposition résulte d'un amendement de la commission des lois du Sénat, élargissant le champ des traitements statistiques sur la mesure de la diversité soumis à l'autorisation de la Cnil. Actuellement, cette autorisation n'est requise que pour les études réalisées par l'Insee ou l'un des services statistiques ministériels. Or, nombre de traitements statistiques sur la mesure de la diversité sont conduits dans le cadre de la statistique publique par des organismes de recherche publics, tels que l'Institut national des études démographiques (Ined). Il était donc proposé d'élargir le régime d'autorisation à toutes les enquêtes réalisées par l'ensemble des services producteurs d'informations statistiques. Ces derniers, définis à l'article 1er du décret n° 2005-333 du 7 avril 2005 (N° Lexbase : L2554G84), visent les administrations, les organismes publics ou dans lesquels des personnes publiques détiennent la majorité, des organismes privés chargés d'un service public assurant la collecte ou l'exploitation de données économiques et sociales, ainsi que les organismes privés assurant, grâce à des subventions publiques ou par accord avec des services publics, la collecte ou l'exploitation de données économiques et sociales.
(3) F.-N. Buffet, Rapport n° 470 (2006-2007) fait au nom de la commission des lois, 26 septembre 2007, Sénat.
(4) F.-N. Buffet, Rapport n° 470 (2006-2007), Sénat, préc..
(5) D. Schnapper, intervention au Colloque Statistiques "ethniques", 19 octobre 2006, in Les statistiques ethniques : éléments de cadrage (n° 3-2006), Rapports et documents, Centre d'analyse stratégique, La doc. Fr. 2007 ; V. aussi G. Felouzis, intervention au Colloque Statistiques "ethniques", selon lequel les statistiques font exister les inégalités en les introduisant dans le débat public. Les inégalités sociales à l'école n'existaient pas avant le panel de l'Ined de 1962. Le plafond de verre dont sont victimes les femmes dans les entreprises n'existait pas avant les recherches sur le sujet. Les formes d'inégalités qui ne sont pas connues, n'ont pas d'existence sociale et, de ce fait, n'accèdent pas au rang d'inégalités contre lesquelles il est légitime de lutter.
(6) Syndicats de l'Insee, CGT, CFDT, Sud CGT, Communiqué de presse 14 septembre 2007, Non à une statistique au service d'une pseudo-identité nationale ! ; Les statistiques ethniques, une fausse solution dans le cadre des luttes anti-discriminatoires, 15 janvier 2007.
(7) A l'initiative de SOS Racisme, une pétition a été lancée contre les statistiques ethniques, intitulée : "Fiche pas mon pote".
(8) Ch. Willmann, Lutte contre les discriminations et statistiques ethniques en entreprise, Mélanges J. Foyer, à paraître, Economica 2007, et réf. bibliographiques citées ; Colloque Statistiques "ethniques", 19 octobre 2006, in Les statistiques ethniques : éléments de cadrage (n° 3-2006), Rapports et documents, Centre d'analyse stratégique, La doc. Fr. 2007, préc. ; E. Keslassy, Loi sur l'immigration : les risques des statistiques, Libération, 15 novembre 2007.
(9) Ch. Willmann, Définir la "race" et l'ethnie, préalable à la lutte contre le racisme en entreprise, Dr. soc. 2007, p. 936.
(10) Cons. const., décision n° 2005-532 DC, du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 24, 25, 26, 29 et 30 (N° Lexbase : A3803DMS) ; Cons. const., décision n° 2006-533 DC, du 16 mars 2006, Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, cons. 2 à 5, 8 (N° Lexbase : A5902DNW) ; Cons. const., décision n° 2006-534 DC, du 16 mars 2006, Loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, cons. 12 à 14 (N° Lexbase : A5903DNX) ; Cons. const., décision n° 2006-535 DC, du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, cons. 29 à 33 (N° Lexbase : A8313DN9) ; Cons. const., décision n° 2007-546 DC, du 25 janvier 2007, Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, cons. 2 à 9 (N° Lexbase : A6365DTW) ; Cons. const., décision n° 2007-549 DC, du 19 février 2007, Loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, cons. 2 à 8 (N° Lexbase : A2285DU8) ; Cons. const., décision n° 2007-552 DC, du 1er mars 2007, Loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, cons. 1 à 8 (N° Lexbase : A4014DU9).

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