La lettre juridique n°228 du 21 septembre 2006

La lettre juridique - Édition n°228

Éditorial

"Conjoint collaborateur" : désormais plus collaborateur que conjoint du chef d'entreprise

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N2967ALH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


L'entreprise familiale est, certes, la forme entrepreunariale la plus ancienne et la plus répandue dans le monde, mais son adossement progressif aux canons de la concurrence, d'abord locale, puis internationale, et son inscription dans un contexte de modernisation et de formalisme de la gouvernance d'entreprise ont montré les limites de la simplicité de son mode d'organisation et d'exploitation. Dans les sociétés dites développées, la norme est à la reconnaissance de "statuts" particuliers conférant droits et obligations dont la convergence progressive et l'harmonisation semblent de mise -convenons que dans les pays dits en voie de développement, ces questions semblent prématurées ; l'entreprise familiale acteur quasi-unique du tissu économique devant, au préalable, jouer son rôle d'accélérateur de croissance-. C'est pourquoi, après avoir réglé, dans nos sociétés occidentales, la question vitale, de la reprise et de la continuation de ces entreprises familiales sur le plan juridique et fiscal, il s'est agi de régler la question, non poins épineuse, du statut du conjoint du chef d'entreprise travaillant au sein de celle-ci. En effet, chacun sait que la base du développement de ce type d'entreprise est constituée par la synergie créée au sein de la cellule familiale aux fins exclusives de prospérer. C'est pourquoi nombreux sont les conjoints menant une double vie professionnelle ou abandonnant leurs droits à un salaire ou à une couverture sociale complète. Jusqu'à présent la situation était "binaire". Soit, le conjoint était salarié ; et aux droits sociaux correspondaient le versement d'un salaire et de charges sociales pouvant grever lourdement les finances de l'entreprise familiale de petite taille (c'est-à-dire la grande majorité d'entre-elles). Soit le conjoint était associé ; et à l'absence de charge budgétaire pour l'entreprise correspondait une protection sociale précaire en qualité d'ayant droit du chef d'entreprise. Sur le fondement de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, le décret n° 2006-966 du 1er août 2006 dégage une ligne médiane entre ces deux statuts, en fixant les attributs d'un véritable statut du conjoint collaborateur. Le travail effectif du conjoint est reconnu, ses droits sociaux étendus et ses pouvoirs de représentativité accrus. Le droit des sociétés orchestre donc les conditions d'option et de publicité de ce nouveau statut ; et le droit social organise l'extension des protections maladie-maternité-vieillesse au profit du conjoint collaborateur. Aux fins de vous éclairer sur les nouveautés issues de ce décret, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire les commentaires de Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Précisions sur le statut du conjoint collaborateur (lire également, dans Lexbase Hebdo - édition privée générale, Vincent Téchené, secrétaire général de rédaction en droit des sociétés, La mise en oeuvre du statut du conjoint collaborateur). Dans un autre registre, mais tout aussi important, Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur agrégé, Directeur du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouvent, au premier plan de cette actualité, la liquidation judiciaire simplifiée, ainsi que la revendication et la direction de fait, pour un commentaire des premières incidences de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005.

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Procédures fiscales

[Focus] Paiement d'impôt pour autrui et action en restitution

Lecture: 8 min

N2933AL9

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Le paiement d'un impôt pour le compte d'autrui en l'absence de toute solidarité peut soulever quelques difficultés lorsque celui qui l'a payé veut en obtenir la restitution. En effet, dans une telle hypothèse, la question se pose de savoir de quels recours il dispose à cette fin. Si l'on considère justement qu'il n'est pas le contribuable, il lui sera alors difficile de soutenir l'existence d'un litige d'assiette et d'introduire un recours se rattachant à ce type de contentieux. De même, ne pouvant raisonnablement prétendre que se trouve en cause dans son litige l'obligation de payer, le montant de l'impôt ou son exigibilité ou encore la validité des actes de poursuites, il ne pourra prétendre rattacher son contentieux à celui du recouvrement. Il ne pourra pas plus revendiquer une action en remise gracieuse.
Si son recours ne se rattache ni au contentieux de l'assiette, ni à celui du recouvrement dans la mesure où il n'est soumis à aucune des règles relevant de l'un ou l'autre contentieux de nature fiscale, il lui reste à placer son recours en restitution dans le droit commun applicable en matière de plein contentieux.

L'exercice en la matière d'un recours de plein contentieux en restitution d'impôts, autre qu'un recours purement fiscal, a été confirmé par la Haute juridiction dans différentes affaires.

Ainsi, le Conseil d'Etat, aux termes d'un arrêt de section en date du 1er février 1974, a permis l'introduction d'un recours de plein contentieux en restitution par un tiers qui, indûment invité par les services fiscaux à régler la dette fiscale d'un autre contribuable, l'avait payée (CE, section, 1er février 1974, n° 82229, Dame Huber N° Lexbase : A1044B7S, Dupont 1974, p. 151).

Dans cette affaire, il ressortait "de l'instruction et notamment d'une lettre en date du 4 avril 1968 du receveur-percepteur des finances de Strasbourg que les impositions foncières établies pour les années 1962 à 1966 [...] au nom" d'un contribuable ayant acquis un immeuble et, "qui en était seul personnellement débiteur", avaient été payées par Mme Huber,"sur la sommation qui lui en a été faite" alors qu'elle n'était "ni personnellement débitrice, ni solidairement responsable" en sorte qu'elle "était [...] en droit d'en demander la restitution".

De même dans un autre arrêt, en date du 8 août 1990, le Conseil d'Etat a confirmé cette possibilité (CE, 7° et 9° s-s-r., 9 octobre 1981, n° 26590, Mme Virotte-Ducharme N° Lexbase : A3608AKT ; CE, 7° et 8° s-s-r., 8 août 1990, n° 71821, Mme Fériel N° Lexbase : A5290AQY, Dr. Fisc. 1991, n° 52 comm. 2565).

Dans la première affaire, le litige portait sur des sommes indûment payées par un nu-propriétaire à raison d'un avertissement d'impositions foncières, portant sur des propriétés bâties et non bâties, établies au nom d'un usufruitier qui avait été délivré à tort par le comptable du trésor au nu-propriétaire qui n'en était donc par débiteur, lequel a obtenu restitution de ses versements.

Dans la seconde affaire, le litige portait sur l'appréhension par voie d'avis à tiers-détenteurs par le Trésor d'un reliquat de cautionnement versé par un tiers pour la mise en liberté d'un contribuable, débiteur d'impôts et détenu préventivement à la suite d'une inculpation pour fraude fiscale. Le tiers contestait que le reliquat devenu disponible après condamnation de l'intéressé pour fraude fiscale ait pu être appréhendé par le Trésor pour apurer la dette d'impôt de ce dernier dans la mesure où ce reliquat lui appartenait en sorte qu'il se trouvait autoriser à en réclamer la restitution comme étant sa propriété.

La situation de paiement volontaire de la dette d'un tiers, hors le cas de la mise en jeu de la solidarité, est susceptible de recouvrir trois situations distinctes dont une seule est prise en définitive en compte par la jurisprudence lorsque celui qui a payé la dette d'impôt d'autrui entend en obtenir la restitution.

La première que paraît exclure d'emblée la jurisprudence correspond à la situation pour le moins peu concevable qui est celle du paiement spontané d'impôt d'autrui par des personnes ne disposant d'aucun titre et caractérisant en réalité une libéralité.

Ainsi, une action en restitution a été déclarée irrecevable dès lors qu'elle portait sur des sommes versées à tort spontanément par un tiers de son propre chef sans que l'administration lui ait demandé de les payer ou ait engagé à son encontre des poursuites (CE 8° s-s., 13 juillet 1963, n° 49296 ; CAA Lyon, 2ème ch., 22 avril 2004, n° 01LY01648, SA CVP N° Lexbase : A2017DD3, RJF 7/05 n° 757).

La deuxième correspond à la prise en charge du paiement d'impôts d'un tiers dans le cadre d'accords contractuels auxquels cas les litiges nés de leur prise en charge seront résolus par le juge civil dans le cadre de l'appréciation des obligations contractuelles des parties.

La troisième correspond à la situation ou une personne paie l'impôt d'autrui à tort, mais en raison d'une obligation juridique -à la suite d'un engagement de l'action des comptables du Trésor- à laquelle elle ne pouvait se soustraire. C'est dans cette dernière hypothèse que se trouve admise l'action en restitution d'impôts payés pour autrui par erreur relevant du contentieux de pleine juridiction laquelle doit être exercée dans les délais applicables à cette catégorie de contentieux.

Ainsi dans l'affaire "Mme Huber", selon les conclusions de M. le commissaire du Gouvernement Mandelkern, figurant sous cet arrêt, "le cas de Mme Huber se ramène, d'une façon générale, à celui des contribuables qui, pour une raison ou une autre, possèdent une créance sur le Trésor. Cette créance peut provenir,

- comme en l'espèce, d'une erreur des services du recouvrement ;

- mais elle peut résulter aussi d'autres circonstances ;

- il peut y avoir eu, par exemple, un trop perçu, notamment lorsque l'impôt est payé par voie d'acomptes calculés sur la base de l'impôt dû au cours de l'année précédente; après imputation des excédents sur les autres impôts exigibles, des difficultés peuvent s'élever sur le montant du remboursement à faire au contribuable ;

- on peut imaginer aussi un différent sur l'exécution par le comptable d'une décision de dégrèvement ou de remise prise par le Directeur, ou d'un jugement accordant la décharge".

Selon toujours le commissaire du Gouvernement Mandelkern, "les personnes qui se trouvent dans cette situation se distinguent des autres contribuables en ce sens que leur litige avec l'administration échappe aux procédures selon lesquelles peuvent être contestés l'établissement et le recouvrement de l'impôt. Elles se distinguent aussi des autres créanciers de l'Etat dans la mesure où ce litige a bien l'impôt pour origine et relève par nature du contentieux fiscal. Et il ne peut s'agir que d'un contentieux fiscal administratif [...]".

Il s'ensuit que, "pour en revenir aux restitutions en tant que telles, les demandes en ce sens soulèvent un litige relatif au payement d'une dette de l'Etat née d'une opération de puissance publique de nature fiscale et relevant donc bien du contentieux administratif [CE, 5 octobre 1960, n° 13559, Cie d'assurances générales, Lebon p. 517] et plus précisément du contentieux de l'impôt [...]", et "à défaut de dispositions particulières régissant la procédure à suivre, il y a lieu d'appliquer les règles du plein contentieux" : c'est ce qui a été jugé "[....]à propos des litiges relatifs à la décision d'assujettissement à la redevance instituée par l'article 1er de la loi du 2 août 1960 en matière de construction de locaux à usage de bureau ou à usage industriel dans la région parisienne" (CE Contentieux, 12 janvier 1973, n° 72098, Sieur Anselmo N° Lexbase : A8396B74, Lebon p. 35).

Toutefois, se pose encore le problème de savoir quelle est la procédure d'introduction de l'action ou du recours quels sont les délais applicables à cette procédure, dans la mesure ou l'action en question n'entre pas dans le champ d'application de la procédure fiscale classique.

La réponse à ces interrogations a encore été donnée par M. le commissaire du Gouvernement Mandelkern, dans ses conclusions figurant sous l'arrêt du Conseil d'Etat "Dame Huber" en s'exprimant de la manière qui suit sur le sujet : "C'est dire qu'il faudra que le contribuable lie le contentieux en présentant une demande à l'administration : on retrouve à cet égard la même démarche que celle qu'impose le Code général des impôts sous le nom de réclamation, mais sans les délais dans lesquels la réclamation est enfermée. Très naturellement, dans les situations que nous envisageons, cette démarche sera adressée aux services du recouvrement: mais elle pourra aussi bien l'être aux services d'assiette; c'est vers eux, que Mme Huber s'était d'abord tournée. Les seules restrictions dans le temps susceptibles d'être opposées à de telles demandes sont celles qui résultent de la déchéance quadriennale. Enfin, en ce qui concerne le recours contentieux, le délai de deux mois ne jouera qu'en cas de décision expresse de rejet".

Il sera observé que le délai pour réclamer la restitution d'une imposition d'un tiers payée à tort par une personne s'inscrit dans le cadre de la déchéance quadriennale (loi n° 68-1250, 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, art. 1er N° Lexbase : L6499BH8).

En effet, aux termes des dispositions régissant ladite déchéance, il est précisé que "sont prescrites, au profit de l'Etat [...], sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis".

C'est donc dans le délai de quatre ans que se trouve enfermé le recours en restitution de plein contentieux dont dispose pour réclamer celui qui a payé à tort l'impôt d'autrui et qui se matérialise avant tout recours devant le juge administratif par le dépôt préalable d'une réclamation devant le comptable ayant exercé le recouvrement forcé de la créance du tiers.

Il sera noté que l'article 6 des mêmes dispositions prévoit que, si les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription susvisée, "toutefois, par décisions de ces mêmes autorités compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier".

C'est donc la procédure prévue par l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8421GQX) qui trouve à s'appliquer (CE, 7° et 9° s-s-r., 9 octobre 1981, n° 26590, Mme Virotte-Ducharme, précité).

Cet article rappelle que "la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée".

Ainsi, le Conseil d'Etat précise, s'agissant de la particularité de ce type de recours "que l'action formée par le requérant a le caractère d'un litige de plein contentieux auquel sont applicables les dispositions de l'article 1er du décret n° 65-25 du 11 janvier 1965 aux termes duquel la juridiction administrative ne peut-être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée".

Toutefois, l'article R. 421-5 du CJA (N° Lexbase : L3025ALM) précise que "les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision".

Ainsi, le délai de recours contentieux ne commence pas à courir si la décision attaquée ne mentionne pas l'existence et la durée dudit délai de recours.

En l'absence de décision expresse à l'encontre de sa réclamation, l'intéressé devra en toute hypothèse initier son recours en arguant d'une décision implicite de rejet devant la juridiction administrative avant l'expiration du délai de quatre ans décompté à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la créance a été acquise.

En conclusion, dès lors qu'une imposition due par un contribuable a été supportée par un tiers, ce dernier dispose d'un droit à restitution des sommes ainsi indûment acquittées sous la condition qu'il soit en premier lieu véritablement un tiers non débiteur des impositions ou considéré comme tel par le service d'assiette, en second lieu ne pas être susceptible de voir sa responsabilité solidaire être mise en cause et en troisième lieu avoir fait l'objet d'une demande en paiement ou de poursuites de la part des comptables du Trésor (CE, 3° et 8° s-s-r., 25 juin 2003, n° 240817, Correia N° Lexbase : A2044C9L, RJF 10/03 n° 1171).

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Entreprises en difficulté

[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

Lecture: 15 min

N2919ALP

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouvent, au premier plan de cette actualité, la liquidation judiciaire simplifiée, ainsi que la revendication et la direction de fait.
  • La volonté simplificatrice de la Cour de cassation en matière de liquidation judiciaire simplifiée (Cass. avis, 10 juillet 2006, n° 06-00.006 N° Lexbase : A5762DQH)

La loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT) a apporté deux innovations majeures dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire.
La première tient à la possibilité d'arrêter en cette phase un plan de cession, ce qui conduira à retarder, du fait de la nécessaire surveillance de son exécution, la clôture de la liquidation judiciaire.
La seconde, dont l'objectif avoué est, au contraire, l'accélération de la clôture de la liquidation, tient à la création d'une liquidation judiciaire simplifiée.

Les dispositions concernant la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, issue de la loi du 26 juillet 2005, s'appliquent aux procédures en cours, lors de l'entrée en vigueur de la loi (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, art. 191-1, décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, art. 361 N° Lexbase : L3297HET).

La jurisprudence n'est pas encore formée sur cette question, mais rapidement les praticiens se sont interrogés sur ce corps de règles. Il n'est, dès lors, pas étonnant que la Cour de cassation ait été saisie pour avis sur l'application de ces textes, par le TGI de Thonon les Bains. La question posée est la suivante : "de la rédaction combinée de l'article L. 641-2, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L4045HBG), aux termes duquel la procédure de liquidation judiciaire simplifiée est applicable s'il résulte du rapport établi par le liquidateur que les trois conditions prévues audit article sont réunies, et de l'article L. 644-2 du même code  (N° Lexbase : L3947HBS) relatif aux modalités de réalisation des biens du débiteur lorsque le tribunal décide de l'application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée, faut-il admettre le caractère obligatoire de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ou doit-on considérer, qu'en raison du retour, à tout moment, toujours possible en application des dispositions de l'article L. 644-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4140HBX), à la procédure normale, le tribunal dispose de la faculté, si les circonstances de l'espèce le justifient, de ne pas faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ?".

Dans son avis du 10 juillet 2006, la Cour de cassation répond que "l'application de la liquidation judiciaire simplifiée prévue par l'article L. 641 2, alinéa 2, du Code de commerce est une faculté dont le tribunal peut faire usage dès l'ouverture de la procédure".

Cette réponse nous semble sans surprise.
Rappelons, d'abord, que la liquidation judiciaire simplifiée n'est accessible qu'à certaines entreprises. Trois critères cumulatifs ont été posés par l'article L. 641-2, alinéa 2 : l'absence d'immeuble à réaliser, le non-dépassement d'un certain nombre de salariés au cours des six mois précédant l'ouverture de la procédure -et l'absence de prononcé de la liquidation judiciaire-, et le non-dépassement d'un certain chiffre d'affaires, ces deux derniers critères devant être précisés par décret.
Le seuil prévu pour le chiffre d'affaires hors taxes est de 750 000 euros (décret du 28 décembre 2005, art. 223, al. 1). Le seuil prévu pour le nombre de salariés employés par le débiteur est fixé à 5 (décret du 28 décembre 2005, art. 223, al. 1).

Lorsque les critères d'application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée seront réunis, le tribunal dispose d'une simple faculté d'appliquer les règles de la liquidation judiciaire simplifiée. Ce caractère facultatif avait été affirmé lors des travaux parlementaires (Rapp. J.-J. Hyest, n° 335, p. 366). La lettre des textes apparaît en ce sens. Une circulaire ministérielle l'avait déjà préconisé, en indiquant que la juridiction "en apprécie souverainement l'opportunité" (Circ. 9 janvier 2006 N° Lexbase : L3711HP7, JCP éd. E, 2006, 1306).

L'intérêt de l'avis de la Cour de cassation est qu'il va au-delà de la question posée. En effet, la Cour de cassation croit bon de résoudre une autre grande difficulté d'interprétation du texte : celle de savoir si le tribunal a la possibilité d'appliquer, dès le jugement de liquidation judiciaire, les règles de la liquidation judiciaire simplifiée. Elle répond positivement et sans ambiguïté : c'est une faculté "dont le tribunal peut faire usage dès l'ouverture de la procédure".
Appliquer immédiatement les règles ne nous semblait pas faire difficulté en cas de conversion de la sauvegarde ou du redressement en liquidation judiciaire. En effet, il n'y avait pas, alors, place au rapport du liquidateur envisagé par l'article L. 641-2, alinéa 1, du Code de commerce, duquel résultent les informations sur l'existence des critères d'application des règles de la liquidation judiciaire. Il a, en effet, un lien indissoluble entre ce rapport du liquidateur et les critères de la liquidation judiciaire simplifiée. Ce lien est d'ailleurs tellement évident que l'article 312 du décret du 28 décembre 2005 prévoit que, c'est au vu du rapport du liquidateur que le tribunal décide d'appliquer les règles de la liquidation judiciaire simplifiée.
On pouvait donc penser, à la lecture des textes et à leur coordination, que deux situations méritaient d'être distinguées : le cas de la liquidation judiciaire immédiate nécessitant un rapport et semblant rendre impossible l'application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée avant communication au tribunal de ce rapport et le cas de la liquidation judiciaire prononcé sur conversion, cas dans lequel il n'y a pas besoin de rapport, ce qui rend possible alors l'application immédiate, dans le jugement prononçant la liquidation judiciaire, des règles de la liquidation judiciaire simplifiée.
La Cour de cassation a estimé que ces deux cas n'avaient pas à être distingués. Certes, elle n'a pas explicitement réglé le cas du jugement prononçant la liquidation judiciaire sur conversion. Mais un raisonnement a fortiori s'impose de toute évidence.
La Cour de cassation ne peut qu'être approuvée d'éviter les complications procédurales stériles dans une procédure dite simplifiée.

  • La fin de non-recevoir tirée de la présentation d'une requête en revendication avant expiration du délai de réponse à la demande en acquiescement de revendication (Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.659, FS-P+B N° Lexbase : A4544DQD)

Depuis la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises N° Lexbase : L9127AG7), l'action en revendication exercée par le propriétaire d'un meuble dans la procédure collective, qui tend à faire reconnaître opposable son droit de propriété et à lui permettre la reprise du bien, est enfermée dans un mécanisme à double détente.
Dans une première phase, il appartient au propriétaire, dans les trois mois de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc, de présenter une demande en acquiescement de revendication à l'organe compétent. Toutefois, si le contrat est en cours au jour du jugement d'ouverture, ce même délai est décalé à la date de l'arrivée du terme ou de la résiliation du contrat. A partir de la réception de la demande, l'organe compétent dispose d'un délai d'un mois pour accepter ou non la demande, c'est-à-dire pour acquiescer ou non à celle-ci. S'il n'acquiesce pas à la demande, soit parce qu'il ne répond pas à celle-ci, soit parce qu'il répond négativement dans le délai, le propriétaire doit, dans une deuxième étape, saisir le juge-commissaire d'une requête en indication, dans le mois qui suit l'expiration du mois imparti au mandataire de justice pour répondre, et cela même si l'organe compétent a répondu avant l'expiration de ce délai. A priori donc, à la lecture des textes, le propriétaire ne peut présenter sa requête avant expiration du délai imparti à l'organe compétent pour répondre.

En l'espèce, un propriétaire a saisi, le 11 décembre 2001, le liquidateur d'une demande en revendication de marchandises puis il a saisi par requête le juge-commissaire, le 21 décembre. Le juge-commissaire a fait droit à la demande, l'ordonnance ayant été confirmée à la suite du recours formé devant le tribunal par le liquidateur. La cour d'appel va confirmer le jugement et c'est dans ce contexte que le liquidateur se pourvoit en cassation. La Cour de cassation va rejeter en ces termes le pourvoi : "l'arrêt retient exactement que si le juge-commissaire ne peut accueillir la requête en revendication lorsque le délai prévu à l'article 85-1 du décret du 27 décembre 1985 dont dispose le mandataire pour répondre à la demande présentée devant lui n'est pas expiré, il peut, cependant, en application des dispositions de l'article 126 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2072AD4), statuer sur la requête dès lors que la cause d'irrecevabilité a disparu à la date où il statue ; [...] ayant constaté qu'aucun acquiescement n'avait été notifié à la société L. par le liquidateur et que le délai dont dispose ce dernier pour répondre expirait le 14 janvier 2002, l'arrêt en déduit, à bon droit, que le 22 février 2002, date à laquelle le juge-commissaire a statué, la cause d'irrecevabilité avait disparu".

L'importance de cet arrêt n'échappera pas aux praticiens. La solution qu'il pose n'est pas absolument nouvelle. Elle avait, en effet, été adoptée par certaines juridictions du fond qui avaient estimé que, si la requête en revendication est présentée en même temps que la demande en acquiescement, la cause d'irrecevabilité de la requête a disparu si le juge-commissaire statue après expiration du délai imparti au mandataire de justice pour répondre (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 22 janvier 1999, n° 98/12189, Me Michel Chavaux c/ Société OCP Répartition N° Lexbase : A0360DI8, D. Affaires 1999, p. 340 ; RTD civ. 1999, p. 441, obs. P. Crocq ; RTD com. 2000, p. 179, obs. A. Martin-Serf ; CA Paris, 5ème ch., sect. A, 22 mars 2005, n° 03/00975, Société OCP Répartition SA c/ Maître Philippe Bleriot N° Lexbase : A7383DHW, Gaz. proc. coll. 2005/2, p. 44, obs. E. Le Corre-Broly). Cette solution n'avait jamais été explicitement adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui avait, pour sa part, eu à connaître de l'hypothèse légèrement différente de celle de la présente espèce, puisque la demande au mandataire et la requête avaient été présentées simultanément. La Cour de cassation avait alors mis en avant, d'une part, le fait que la demande en acquiescement au mandataire de justice est un préalable obligatoire et, d'autre part, que si, dans le mois de cette demande, le propriétaire n'a pas eu d'accord sur sa demande, il doit, à peine de seconde forclusion, saisir dans le même délai le juge-commissaire (Cass. com., 28 janvier 2004, n° 01-03.240, F-D N° Lexbase : A0328DBR).
L'intérêt de l'arrêt commenté n'en est que plus grand, en ce que, s'il ne constitue pas un revirement de jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, faute d'identité de situations, la solution est, néanmoins, nouvelle au stade de la Cour de cassation et c'est pourquoi, afin que nul n'en ignore la solution, la Cour a décidé qu'il serait publié à son bulletin. L'arrêt est, en effet, affublé des lettres FS-P+B.

La solution ne peut qu'être approuvée.
Au plan de l'orthodoxie juridique, la solution n'est pas douteuse. La présentation d'une requête au juge-commissaire avant l'heure est une cause d'irrecevabilité de la demande en revendication. Pour sa part, l'article 126 du Nouveau Code de procédure civile dispose que, "dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue".

En l'espèce, la requête en revendication a été présentée au juge-commissaire avant expiration du délai du mois imparti au liquidateur pour se positionner sur la demande en revendication. La requête était donc irrecevable au moment de sa présentation. Toutefois, en l'espèce, lorsque le juge-commissaire a statué, le délai du mois imparti au liquidateur pour répondre à la demande en acquiescement était expiré et ce dernier n'avait pas apporté de réponse. La cause d'irrecevabilité avait donc bien disparu au moment où le juge-commissaire a statué. Ce n'est donc qu'une application stricte de l'article 126 du Nouveau Code de procédure civile à laquelle s'est livrée la Cour de cassation.

Au plan de l'opportunité, la solution ne peut également que recevoir l'approbation. En réformant le régime de l'action en revendication, le législateur du 10 juin 1994 avait entendu simplifier la tâche des propriétaires. Or, le mécanisme institué obligeant ce dernier à une double démarche, loin d'être une simplification, introduit une complication sérieuse de la procédure. Toutes les occasions de simplifier sont donc bonnes. Mais que le praticien ne s'y trompe pas. La simplification ici apportée est loin d'être complète. En effet, elle présuppose que le juge-commissaire ne statue pas avant l'expiration du délai imparti à l'organe compétent pour se positionner. S'il venait à statuer avant expiration de ce délai, la cause d'irrecevabilité de la demande n'aurait pas disparu au jour de sa décision et l'action en revendication serait déclarée irrecevable. En revanche, si après saisine du juge-commissaire, l'organe compétent pour répondre sur la demande en revendication apporte une réponse négative, l'article 126 du Nouveau Code de procédure civile permettra de réparer la malfaçon procédurale commise par le propriétaire.

Le mécanisme de revendication à double détente institué par la loi du 10 juin 1994 est toujours d'actualité sous l'empire de la législation de sauvegarde des entreprises. La solution ici posée par la Cour de cassation sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises pourra donc continuer à prospérer sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005.

  • La direction de fait par interposition de personne (Cass. com., 27 juin 2006, n° 04-15.831, FS-P+B+I +R N° Lexbase : A0973DQ4)

Etre administrateur sans apparaître officiellement comme tel, telle est la figure à laquelle ont eu à réfléchir successivement la cour d'appel de Versailles, dans une affaire qui a déjà fait l'objet de commentaires fournis et passionnés (CA Versailles, 13ème ch., 29 avril 2004, n° 03/04439, Monsieur Claude Chouraqui c/ Maître Didier Ségard, Rev. dr. bancaire et fin. 2004/4, p. 271, note F.-X. Lucas ; Bull. Joly 2004/10, p. 1201, §§ 245, note A. Constantin et Y. Lévy ; JCP éd. E., 2005, Jur. 32, p. 35, note M.-J. Campana ; Dr. sociétés novembre 2004, p. 20, n° 188, note J.-P. Legros. Adde Ph. Delebecque, L'administrateur de fait par personne interposée : une notion à définir, JCP éd. E, 2005, comm. 234, p. 220) et la Cour de cassation.

Par le passé, les établissements de crédit, qui prenaient des participations, directement ou par l'intermédiaire de filiales, dans des sociétés anonymes, avaient pris l'habitude d'intervenir directement en demandant leur nomination au sein du conseil d'administration. Cependant, à la suite d'affaires retentissantes -on pense spécialement à l'affaire "Nasa Electronique" (CA Paris, 3ème ch., sect. A, 18 juin 1991, JCP éd. E, 1991, I, chron. 87, n° 4, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Bull. Joly 1992, p. 277, § 82, note A. Couret)-, la qualité d'administrateur, dirigeant de droit de société anonyme, a été excipée contre l'établissement de crédit et, sur cette base, certains ont été lourdement condamnés à combler l'insuffisance d'actifs révélée dans les sociétés dirigées. Un établissement de crédit, dirigeant de droit est, pour s'exprimer au sein du conseil d'administration de la SA, tenu de désigner un préposé qui était alors qualifié de représentant permanent de la personne morale. Les textes régissant l'action en comblement de passif permettent de frapper non seulement le dirigeant de droit, c'est-à-dire l'établissement de crédit, mais également son représentant permanent, personne physique. Aussi, après quelques condamnations retentissantes, les établissements de crédit ont-ils eu le choix suivant : la première possibilité est qu'ils ne fassent plus partie du conseil d'administration des sociétés dans lesquelles ils ont directement, ou par l'intermédiaire de filiales, pris des participations. Leur investissement est alors sans contrôle de leur part, ce qui est pour le moins gênant et surtout ne correspond pas à la préoccupation normale d'un investisseur. Une autre possibilité a été utilisée, celle consistant en la nomination d'un préposé au sein du conseil d'administration, l'établissement de crédit n'étant plus alors dirigeant de droit et le préposé n'étant pas le représentant permanent de la personne morale dirigeante, mais bien le dirigeant de droit lui-même. C'est le schéma qui avait été mis en place dans l'affaire commentée.

La cour d'appel de Versailles avait condamné la banque, employeur des deux personnes, dirigeant de droit de la société sous procédure collective, à combler l'insuffisance d'actifs, en retenant que les personnes qui figuraient comme dirigeants dans le conseil d'administration d'une société n'étaient présentes que pour servir les intérêts du dirigeant de fait. La Cour de cassation, dans l'arrêt rapporté, va rejeter le pourvoi en ces termes en rendant un arrêt de principe : "de même qu'en vertu de l'article L. 624-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L7041AIM), les fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actifs d'une société en redressement ou liquidation judiciaires peuvent engager la responsabilité des personnes morales dirigeantes et celle de leurs représentants permanents, de même peut être déclarée responsable de ces fautes, sur le fondement de l'article L. 624-3 du même code (N° Lexbase : L7042AIN), la personne morale qui, sans être dirigeant de droit de la société en redressement ou liquidation judiciaire, a exercé en fait, par l'intermédiaire d'une personne physique qu'elle a choisie et qui a agi sous son emprise, des pouvoirs de direction sur la société".

La notion de dirigeant de fait par interposition de personnes est ainsi consacrée par la Cour de cassation. Elle s'inscrit parfaitement dans le concept classique de la direction de fait. Le dirigeant de fait est bien celui "qui accomplit en toute indépendance des actes positifs de direction et de gestion" (Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-19.577, F-D N° Lexbase : A3066DHZ ; Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-20.355, F-D N° Lexbase : A5027DNI, Gaz. proc. coll. 2006/3, p. 47, obs. T. Montéran).

Si la solution est sévère pour l'établissement de crédit, elle n'est cependant pas décalée au regard de la législation. En effet, le législateur lui-même, en droit des sociétés, utilise le concept d'interposition de personnes. Les articles L. 241-9 (N° Lexbase : L6414AIE), L. 245-16 (N° Lexbase : L6467AID) et L. 246-2 (N° Lexbase : L4007HBZ) du Code de commerce punissent d'une peine d'amende et de prison certaines infractions relatives à la constitution des sociétés à responsabilité limitée, des infractions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions et des infractions communes aux diverses formes de sociétés par actions. Le premier de ces textes (art. L. 241-9) prévoit que "les dispositions des articles L. 241-2 à L. 241-6 (N° Lexbase : L3102DYK) sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercer la gestion d'une société à responsabilité limitée sous le couvert ou au lieu et place de son gérant légal". Le deuxième de ces textes (art. L. 245-16), prévoit que "les dispositions du présent chapitre visant le président, les administrateurs, directeurs généraux et les gérants de sociétés par actions sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la direction, l'administration ou la gestion desdites sociétés sous le couvert ou au lieu et place de leurs représentants légaux". Enfin, le dernier de ces textes (art. L. 246-2) énonce que "les dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-29 et des articles L. 243-1 et L. 243-2 (N° Lexbase : L6446AIL) visant le président, les administrateurs ou les directeurs généraux de sociétés anonymes et les gérants de société en commandite par actions sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, a, en fait, exercer la direction, l'administration ou la gestion desdites sociétés sous le couvert ou au lieu et place de leurs représentants légaux". Ces trois textes prennent en compte l'interposition de personnes pour retenir la qualification de dirigeant. Ainsi, il apparaît qu'il n'y a pas de difficulté à utiliser l'interposition de personnes, en droit des sociétés, dans le cadre des procédures collectives pour affiner la notion de dirigeant de fait.

La Cour de cassation ne retient pas la seule qualité de salariés des deux personnes placées par la banque au conseil d'administration de la société au sein de laquelle une participation avait été prise. Plus largement, elle vise la personne physique qu'elle a choisie et qui a agi sous son emprise. La solution est donc incontestablement plus large que celle qui se cantonnerait au simple visa de salariés et peut signifier que, quelle que soit la qualification de l'intéressé, par exemple un mandataire, la même solution pourrait être retenue, dès lors qu'il est démontré que cette personne reçoit des instructions dans le cadre de son mandat d'administrateur.

La question pourrait se poser de savoir si, la personne morale qui figure, par le biais de ses préposés, au conseil d'administration d'une société, ne doit pas plutôt être considérée comme un dirigeant de droit. C'est, en effet, à cette solution que devrait aboutir le constat d'une interposition de personnes, qui ne constitue qu'une figure particulière de la simulation.

Cet arrêt, dont la solution pourra difficilement être ignorée -il s'agit d'un arrêt P+B+I+R- semble en tout cas sonner le glas de certaines pratiques bancaires, au demeurant fort compréhensibles. A moins que cette solution jurisprudentielle, qui semble bien aller à rebours de l'évolution du droit de la responsabilité bancaire, à l'heure où l'article L. 650-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4139HBW) pose un principe d'irresponsabilité du fournisseur de crédit, ne trouve un écho dans un statut particulier du capital risque, qui pourrait être légitimé par la volonté d'éviter sa disparition...

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Précisions sur le champ d'application de la législation communautaire en matière de licenciement pour motif économique

Réf. : CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-187/05 à C-190/05, Georgios Agorastoudis e.a. c/ Goodyear Hellas ABEE (N° Lexbase : A9483DQB)

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N2938ALE

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'importance des dispositions consacrées au licenciement pour motif économique dans le Code du travail français pourrait occulter le rôle du droit communautaire en la matière. Or non seulement le législateur français doit modifier régulièrement son droit national pour tenir compte des évolutions du cadre juridique de l'Union, mais le juge doit également interpréter son droit national à la lumière des arrêts de la Cour de justice, ce qui justifie pleinement que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg soit suivie de près. Dans un arrêt en date du 7 septembre 2006, qui concernait la conformité de la législation grecque en matière de licenciement économique (I), la Cour de justice nous livre une parfaite illustration de sa volonté d'élargir autant que possible le champ d'application des Directives relatives au licenciement pour motif économique (II).
Résumé

La Directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, est applicable en cas de licenciements collectifs résultant de la cessation définitive du fonctionnement d'une entreprise ou d'une exploitation, décidée à la seule initiative de l'employeur, en l'absence d'une décision de justice préalable.

Décision

CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-187/05 à C-190/05, Georgios Agorastoudis e.a. c/ Goodyear Hellas ABEE (N° Lexbase : A9483DQB)

Question préjudicielle

Textes concernés : article 1er, paragraphe 2, sous d), de la Directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L8301HNR, JO L 48, p. 29) ; Directive 92/56/CEE du Conseil, du 24 juin 1992 (N° Lexbase : L3818HP4, JO L 245, p. 3)

Mots clef : licenciement pour motif économique ; champ d'application de la Directive 75/129 ; exclusion des cessations d'activités déclarées judiciairement ; portée ; application de la Directive à la cessation volontaire d'activité

Liens base :

Solution

1° La notion de "licenciement" doit être interprétée en ce sens qu'elle englobe toute cessation du contrat de travail non voulue par le travailleur, et donc sans son consentement (§ 28).

La liste des dérogations communautaire à l'application de la Directive doit être interprétée strictement (§ 29).

La quatrième dérogation concernant l'hypothèse où la cessation des activités de l'établissement "résulte d'une décision de justice" doit être interprétée en ce sens que la non application de ladite Directive est permise uniquement lorsque la cessation des activités de l'établissement résulte d'une décision de justice, par exemple, de jugements prononçant la faillite ou la dissolution d'une entreprise (§ 31).

Dans tous les autres cas, notamment lorsque la cessation définitive des activités de l'entreprise concernée résulte de la seule volonté de l'employeur et qu'elle repose sur des appréciations de nature économique ou autres, les obligations de celui-ci, découlant de la Directive 75/129, restent entières (§ 32)

2° La Directive 75/129 doit être interprétée en ce sens qu'elle est applicable en cas de licenciements collectifs résultant de la cessation définitive du fonctionnement d'une entreprise ou d'une exploitation, décidée à la seule initiative de l'employeur, en l'absence d'une décision de justice préalable, sans que la dérogation prévue à l'article 1er, paragraphe 2, sous d), de cette Directive puisse en écarter l'application.

Commentaire

I - L'objet de la question préjudicielle

  • Teneur du droit communautaire en matière de licenciement pour motif économique

Le droit communautaire s'est très tôt intéressé au licenciement économique pour imposer le principe de l'information/consultation des représentants du personnel et de l'autorité administrative (Directive 75/129/CEE du Conseil, du 17 février 1975, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, modifiée par la Directive 92/56/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, et remplacée par la Directive n° 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 N° Lexbase : L9997AUS).

La Directive 75/129 définissait de manière très large le motif économique comme celui qui est "non-inhérent" à la personne des travailleurs, de manière à appliquer le plus possible les procédures d'information et de consultation des représentants des salariés.

Elle autorisait, toutefois, un certain nombre de dérogations (art. 1-2) qui concernait les "licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminées, sauf si ces licenciements interviennent avant le terme ou l'accomplissement de ces contrats" (a), les "travailleurs des administrations publiques ou des établissements de droit public (ou, dans les Etats membres qui ne connaissent pas cette notion, des entités équivalentes)" (b), les "équipages de navires de mer" (c) ainsi que "les travailleurs touchés par la cessation des activités de l'établissement lorsque celle-ci résulte d'une décision de justice" (d).

Cette dernière faculté générale de dérogation, qui concerne l'hypothèse d'une cessation d'activité résultant d'une décision de justice, a été modifiée par la Directive 92/56 du 24 juin 1992, cette faculté n'existant plus pour la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel et n'étant maintenue que pour l'obligation faite à l'employeur d'informer l'autorité administrative compétente.

C'est pourtant sur la portée de cette exclusion des "travailleurs touchés par la cessation des activités de l'établissement lorsque celle-ci résulte d'une décision de justice" que portait la question préjudicielle émanant d'une juridiction grecque.

Dans cette affaire, la Grèce avait transposé la Directive en 1983 (loi n° 1387/1983) en usant de la dérogation prévue par l'article 1-2 d), mais n'avait pas modifié sa législation nationale après l'adoption de la Directive 92/56 comme elle aurait dû le faire avant le 24 juin 1994.

  • L'affaire

Le 19 juillet 1996, l'assemblée générale des actionnaires de la société mère Goodyear, établie aux Etats-Unis, a décidé l'interruption de l'activité industrielle et la cessation définitive de l'activité de l'usine de Thessalonique à compter du 22 juillet 1996, entraînant la perte d'emploi de 340 personnes. Se fondant sur les termes de la loi Grecque qui dispensait l'employeur de toutes les procédures d'information lorsque la cessation d'activité résultait d'une décision de justice, l'entreprise n'avait pas mis en oeuvre les procédures légales. Saisie en cassation des actions engagées par les salariés, la Haute juridiction grecque avait décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Luxembourg une question préjudicielle visant à déterminer si la dérogation prévue à l'article 1-2 d) pouvait être invoquée lorsque l'employeur décide, de sa propre volonté et sans décision de justice, de cesser toute activité.

  • La solution

Faisant une application stricte de la Directive, la Cour apporte une réponse négative à la question posée et limite la faculté de dérogation à la seule hypothèse d'une cessation d'activité décidée judiciairement et impose le respect des procédures du licenciement économique en cas de cessation volontaire d'activité, au terme d'un raisonnement incontestable et riche d'enseignements.

II - Une conception large du champ d'application de la Directive

  • Une législation grecque non conforme

Le premier argument qui justifiait la réponse apportée à la question, et qui aurait d'ailleurs pu être suffisant, est que le point d) litigieux a été supprimé par la Directive 92/56, applicable à compter du 24 juin 1994. La cessation d'activité en cause ayant été décidée en 1996, les juridictions grecques auraient dû d'elle-même écarter toute possibilité d'envisager l'application de la faculté de dérogation encore permise dans leur droit national pour assurer le respect de la Directive (en ce sens, CJCE, 5 octobre 2004, aff. C-397/01, Bernhard Pfeiffer et a. N° Lexbase : A5431DDI, Rec. p. I-8835, point 113).

  • Une interprétation littérale de la faculté de dérogation

Le deuxième argument, tout aussi décisif, est que la faculté de dérogation présente dans la loi grecque, reprenant en cela les propres termes de la Directive, ne mentionnait que l'hypothèse d'une cessation judiciaire de l'activité, et nullement d'une cessation volontaire (§ 25). Or compte tenu de l'objectif de la Directive, qui est de "renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs", (voir CJCE, 7 décembre 1995, aff. C-449/93, Rockfon N° Lexbase : A0067AWE, Rec. p. I-4291, point 29, et CJCE, 17 décembre 1998, aff. C-250/97, Lauge e.a. N° Lexbase : A0509AWR, point 19), et de la méthode d'interprétation téléologique mise en oeuvre classiquement par la Cour, aucune extension de cette hypothèse par voie d'interprétation amplifiante n'était possible.

La solution est plus que nécessaire car permettre à l'employeur d'échapper à l'application du droit du licenciement pour motif économique en cessant volontairement son activité lui permettrait trop facilement de contourner la loi en anticipant sur une éventuelle procédure judiciaire, et favoriserait ainsi les délocalisations massives, en cause dans cette affaire comme dans d'autres.

  • Une conception large de la notion de licenciement pour motif économique

Le troisième argument qui justifie la solution retenue tient à la définition même du licenciement pour motif économique qui s'entend de manière très large comme "toute cessation du contrat de travail non voulue par le travailleur, et donc sans son consentement" (CJCE, 12 octobre 2004, aff. C-55/02, Commission c/ Portugal N° Lexbase : A5657DDU, Rec. p. I-9387, points 49 et 50).

Cette définition large désigne alors le licenciement économique moins comme la qualification applicable à la résiliation unilatérale du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, que comme le régime juridique applicable à la rupture du contrat de travail ne résultant pas d'une démission, comme cela a été montré depuis longtemps en droit français (notre thèse Droit du travail et responsabilité civile, Bibl. dr. privé n° 282, LGDJ, 1997, sp. n° 188). C'est d'ailleurs en ce sens qu'a été modifié l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3227DCI) en 1992 (loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 N° Lexbase : L7461AI8) pour imposer très largement l'application du livre III "à toute rupture du contrat de travaillant résultant" d'une cause économique, qu'elle que soit la forme prise par cette rupture.

On pourrait d'ailleurs se demander ici si une modification de ce texte, pour exclure les ruptures négociées du champ du livre III, comme cela avait été proposé au moment des débats qui ont accompagné le vote de la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 N° Lexbase : L6384G49), ne serait pas contraire au droit communautaire. Que vaudrait en effet le "consentement" des salariés sommés de choisir entre un licenciement et un départ "volontaire" de l'entreprise, au regard des objectifs du droit communautaire ?

La Cour a par ailleurs rappelé ici, comme elle avait eu l'occasion de le faire à de nombreuses reprises, que l'objectif de la législation européenne n'est pas d'interdire à l'employeur de licencier, et de porter ainsi atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, mais seulement de procéder à l'information des représentants du personnel et de l'autorité administrative (CJCE, 12 février 1985, aff. C-284/83, Nielsen & Søn N° Lexbase : A7965AUK, Rec. p. 553, point 10), ce qui justifie pleinement une application très large des procédures d'information et de consultation des représentants du personnel.

  • Questions de conformité du droit français

Reste à déterminer si la législation française est conforme à la jurisprudence de la Cour.

La réponse à cette question est assurément positive.

En premier lieu, la France a limité l'exclusion du droit commun du licenciement pour motif économique aux seules hypothèses de redressement ou de liquidation judiciaire (C. trav., art. L. 321-9 s. N° Lexbase : L0043HDX), et encore en garantissant aux salariés et aux représentants du personnel le respect d'un certain nombre de garanties, ainsi qu'aux fins de chantier (C. trav., art. L. 321-12 N° Lexbase : L6125ACT).

En dehors de ces hypothèses, au demeurant très limitées, la Cour de cassation a naturellement fait application du livre III toutes les fois que la rupture de contrats de travail résultaient de causes non-inhérentes à la personne du salarié, peu important les conditions dans lesquelles ces ruptures avaient pu avoir lieu. C'est, en effet, la présence de l'adverbe "notamment" dans la définition des causes économiques des suppressions ou transformations d'emploi, ou des modifications du contrat de travail, qui permet d'élargir le champ d'application de la législation en matière de licenciement pour motif économique (sauvegarde de la compétitivité, non renouvellement du bail commercial, décès de l'employeur), seul comptant, finalement, et comme le souligne la Cour de justice dans cet arrêt, le fait que la rupture du contrat de travail résulte d'un motif étranger à la personne du salarié.

newsid:92938

Électoral

[Textes] Histoire d'une tentative de simplification en matière électorale qui échoue !

Réf. : Décret n° 2006-889 du 19 juillet 2006 modifiant le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978 (N° Lexbase : L3218HKE)

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N2805ALH

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Le 07 Octobre 2010

Est paru au JO du 20 juillet 2006 un énigmatique décret relatif à la campagne radiodiffusée et télévisée pour les élections législatives. De quoi peut-il bien s'agir ?

La campagne officielle des candidats aux élections législatives est encadrée par les dispositions de l'article L. 167-1 du Code électoral (N° Lexbase : L9642DNG). Toute la problématique de ce texte est de passer des candidats aux formations politiques. C'est pourquoi il opère en deux temps, en distinguant les candidats relevant de partis représentés au Parlement de ceux relevant de partis non représentés. 1 - Le contexte avant 2003

Avant 2003, les formations politiques non représentées au Parlement souhaitant participer à la campagne officielle radiotélévisée des élections législatives générales devaient, pour y être autorisées, avoir présenté au moins 75 candidats et satisfaire aux conditions prévues par le III de l'article L. 167-1, lequel renvoie à des dispositions réglementaires non codifiées, en l'occurrence le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978, fixant les conditions de participation à la campagne radiodiffusée et télévisée pour les élections législatives des partis et groupements définis par l'article L. 167-1 du Code électoral (N° Lexbase : L7744AIN).

Aux termes de ce décret, une commission ad hoc instruisait, dans les formes et délais prévus par ce texte, les demandes des formations politiques. Le contrôle portait essentiellement sur l'existence d'au moins 75 candidats se recommandant d'une formation politique. Pour ce faire, le parti devait joindre l'attestation personnelle d'au moins 75 candidats. Par ailleurs, la commission vérifiait que ces 75 personnes étaient bien candidates, ce qui justifiait que cette commission siégeât au ministère de l'Intérieur.

Ces modalités étaient rendues publiques par un simple avis inséré au Journal officiel. En 2002, cet avis est paru, fort discrètement, au Journal officiel du 16 mai 2002 (avis relatif à la participation aux émissions radiodiffusées et télévisées prévues par l'article L. 167-1 (§ III) du Code électoral à l'occasion de la campagne des élections législatives [LXB=]).

Certains partis ont pu, dans le passé, rencontrer de réelles difficultés à démontrer l'existence de 75 candidats, puisque cette démarche devait alors être effectuée dans un délai antérieur à l'enregistrement définitif des candidatures, notamment, en cas de contestation de l'éligibilité de certains candidats. Mais c'est surtout l'aspect presque confidentiel du fonctionnement de la commission qui a suscité les critiques. Ainsi, trois grands partis (Les Verts, Chasse Pêche Nature et Tradition, et le Rassemblement du Peuple Français) ont été écartés de la campagne radiotélévisée des élections législatives de juin 2002 parce que leur demande était tardive, le juge confirmant la régularité de ce refus (1).

2 - L'esprit de la réforme de 2003

C'est pourquoi l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003, portant simplifications administratives en matière électorale (N° Lexbase : L1589DPK) a entendu simplifier ce dispositif. L'idée de départ était de permettre un recensement rapide des formations en se servant des déclarations de rattachement souscrites par les candidats au moment du dépôt des candidatures qui servent au calcul de l'aide publique versée annuellement par l'Etat aux partis politiques.

Les modalités d'établissement de la liste des partis habilités à participer à la campagne sont définies par l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L8358AGN) de la façon suivante, dans les termes modifiés par l'ordonnance :

"en vue de la répartition prévue aux alinéas précédents, les candidats à l'élection des députés indiquent, s'il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent. Ce parti ou groupement peut être choisi sur une liste établie par arrêté du ministre de l'intérieur publié au Journal officiel de la République française au plus tard le cinquième vendredi précédant le jour du scrutin, ou en dehors de cette liste. La liste comprend l'ensemble des partis ou groupements politiques qui ont déposé au ministère de l'intérieur au plus tard à dix-huit heures le sixième vendredi précédant le jour du scrutin une demande en vue de bénéficier de la première fraction des aides prévues à l'article 8".

Les travaux parlementaires préparatoires à la loi habilitant le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour simplifier le droit électoral (2) envisageaient clairement la suppression de cette commission.

3 - Le retour au statu quo ante

En définitive, il n'en est rien.

Car l'intérêt du décret paru au Journal officiel est de rappeler que le texte de 1978 n'est pas abrogé et que l'existence de la commission continue... comme avant, ce qui revient à prolonger l'usage de l'avis publié au Journal officiel. Il a le mérite de rappeler que cette procédure liée aux élections est définie pour l'essentiel ailleurs que dans le Code électoral.

Pas plus que par le passé, il n'est prévu de publication de la liste des partis retenus en définitive. Chaque parti reçoit une notification lui indiquant la suite de sa demande, ce qui paraît bien le moins, et seul le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel est rendu destinataire de façon obligatoire de la liste définitive.

Les formations politiques devaient naguère adresser une demande à la commission spécialisée qui vérifiait si les conditions légales étaient remplies. Maintenant, elles adressent une première demande pour figurer sur une liste indicative, ce qui a pour intérêt, à tout le moins, de fixer un intitulé "normalisé" de la formation politique. Puis elles en adressent une seconde à la même commission fonctionnant dans les mêmes conditions de discrétion.

4 - Le calendrier à retenir pour juin 2007

Comme l'ordonnance de 2003 avait modifié le calendrier des opérations préalables au scrutin de manière à permettre chronologiquement le nouveau dispositif, le texte du décret récent se borne à rendre compatible les anciens délais fixés réglementairement avec les nouveaux découlant de la loi.

Seule concession à l'air du temps, les formations sont dispensées de fournir des attestations personnelles des candidats qu'elles présentent !

Le calendrier de la procédure est en définitive désormais le suivant :

- décret de convocation des électeurs : 7ème semaine avant le premier tour de scrutin (3) ;

- date limite du dépôt de la demande au ministère de l'Intérieur pour figurer sur la liste proposée aux candidats : 6ème vendredi avant le scrutin (4) ;

- date limite de publication de la liste au Journal officiel : 5ème vendredi avant le scrutin (5) ;

- date limite de dépôt des candidatures : 4ème vendredi avant le scrutin (6) ;

- date limite de la demande par les formations politiques à la commission spécialisée pour participer à la campagne radiodiffusée et télévisée : 3ème lundi avant le scrutin (7) ;

- notification de la liste définitive par la commission au Conseil supérieur de l'audiovisuel : 3ème samedi avant le scrutin (8).

Ce dispositif donne en définitive une impression très curieuse. L'établissement d'une liste de partis pose toujours problème à l'administration, compte tenu de l'absence de définition générale hors du contexte des aides publiques. On voit ensuite ressurgir du passé un texte d'esprit manifestement antérieur à toutes les dispositions prises par le législateur et l'administration dans le sens de la transparence depuis 1978. Enfin, la simplification n'est guère apparente, que ce soit pour les usagers ou pour l'administration.

Guy Prunier
Chargé de mission au Conseil constitutionnel


(1) CE, 28 mai 2002, n° 247264, Les Verts (N° Lexbase : A3037A3U).
(2) Loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° Lexbase : L6771BHA), notamment, ses articles 16 à 18.
(3) C. élect., art. L. 173 (N° Lexbase : L9641DNE).
(4) Loi n° 88-227 du 11 mars 1988, art. 9.
(5) Loi n° 88-227 du 11 mars 1988, art. 9.
(6) C. élect., art. L. 157 (N° Lexbase : L9644DNI).
(7) Décret n° 78-21, art. 2 (version au 20 juillet 2006).
(8) Décret n° 78-21, art. 4 (version au 20 juillet 2006).

newsid:92805

Social général

[Textes] Précisions sur le statut du conjoint collaborateur

Réf. : Décret n° 2006-966, 1er août 2006, relatif au conjoint collaborateur (N° Lexbase : L4523HKQ)

Lecture: 6 min

N2884ALE

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Le 07 Octobre 2010

En vertu de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (loi n° 2005-882, du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises N° Lexbase : L7582HEK, JO du 3 août 2005), il est désormais fait obligation au conjoint du chef d'entreprise qui y exerce une activité professionnelle de façon régulière, d'opter pour l'un des trois statuts suivants : conjoint salarié, conjoint collaborateur ou conjoint associé (C. com., art. L. 121-4 N° Lexbase : L3845HBZ) (1). Faute de précisions réglementaires sur le statut de conjoint collaborateur, le choix de ce dernier restait cependant interdit au conjoint. Un décret du 1er août 2006, dont c'est peu dire qu'il se sera fait attendre, est venu lever cet obstacle (2). Désormais, le conjoint du chef d'une entreprise peut donc pleinement exercer l'option offerte par l'article L. 121-4 du Code de commerce (1), option qui doit ensuite faire l'objet de formalités de publicité (2) 1 - L'exercice de l'option
  • Définition

La définition des conjoints salarié et associé ne faisant guère de difficultés, au moins d'un point de vue théorique, restait à préciser celle de conjoint collaborateur. Tel est l'objet de l'article 1er du décret qui dispose qu'"est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint d'un chef d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale, qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ)". Il ne peut ainsi être opté pour le statut de conjoint collaborateur qu'à la double condition d'exercer une activité professionnelle régulière dans l'entreprise et de ne pas percevoir de rémunération.

S'agissant de la première condition, l'article 2 du texte sous examen souligne qu'"en vue de l'application de l'article L. 121-4 du Code de commerce, les conjoints qui exercent à l'extérieur de l'entreprise une activité salariée d'une durée au moins égale à la moitié de la durée légale du travail, ou une activité non salariée, sont présumés ne pas exercer dans l'entreprise une activité professionnelle de manière régulière". Il faut, ici, rappeler que l'article L. 121-4 du Code de commerce n'impose au conjoint le choix de l'un des statuts prévus que s'il exerce dans l'entreprise familiale une activité professionnelle de manière régulière.

Toute la difficulté est de déterminer ce qu'est une activité professionnelle régulière ou, plus exactement, à partir de quel moment une activité professionnelle devient régulière. Ainsi, et pour ne prendre qu'un seul exemple, le conjoint qui, chaque semaine, porte à la banque les chèques reçus par le chef d'entreprise exerce-t-il une activité professionnelle régulière au sein de cette dernière ? Sans doute peut-on apporter à cette question une réponse négative, mais il reste que, au-delà de ce cas, nombres de situations prêteront à discussion. De même, si l'exercice d'une activité salariée à mi-temps ou d'une activité non-salariée à l'extérieur de l'entreprise familiale fait présumer, en application du texte précité, l'absence d'activité professionnelle régulière au sein de celle-ci, il ne s'agit que d'une présomption simple.

En d'autres termes, il y a tout lieu de penser que c'est au juge que reviendra le soin de déterminer si le conjoint exerçait (4) une activité professionnelle régulière au sein de l'entreprise. En admettant que tel ait été le cas, et faute pour le conjoint d'avoir perçu une rémunération, le juge sera alors conduit a priori à décider que celui-ci aurait dû avoir le statut de conjoint collaborateur. Une telle issue n'a cependant rien d'inéluctable. Il faut, en effet, souligner que la Chambre criminelle n'a pas hésité à retenir la dissimulation d'emploi salarié dans l'hypothèse où un conjoint avait participé à l'entreprise de son époux à titre professionnel et habituel, en l'absence de toute rémunération (Cass. crim., 22 octobre 2002, n° 02-81.859, F-P+F N° Lexbase : A0440A43, Bull. crim., n° 192 ; JCP éd. E, 2004, p. 330, note C. Pomart ; Rev. sc. Crim. 2003, p. 804, obs. G. Giudicelli-Delage). Il faut donc comprendre que le fait de ne pas percevoir une rémunération n'est nullement exclusif de la qualification de conjoint salarié.

En définitive, si on doit savoir gré au législateur d'avoir voulu conforter la situation du conjoint participant de manière régulière à l'activité de son époux, le dispositif mis en place présente de nombreuses lacunes. Outre les questions précédemment évoquées, il faut encore souligner que si un choix doit être nécessairement opéré entre les trois statuts, aucune sanction n'a été prévue en l'absence de choix. C'est donc le juge qui devra, là encore, procéder à la qualification de la situation, au risque pour le chef d'entreprise de se voir condamné pour travail dissimulé...

  • L'exercice de l'option dans les sociétés

Ainsi qu'il l'avait été affirmé lors des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 2 août 2005, "l'objectif du gouvernement est de réserver le statut du conjoint collaborateur aux petites sociétés n'ayant pas les moyens financiers de donner au conjoint du chef d'entreprise un statut de salarié, compte tenu du coût en résultant, en terme de charges sociales notamment" (G. Cornu, Rapport au nom des Affaires économiques du Sénat, p. 71). A cela, on ajoutera prosaïquement qu'il en va également de l'intérêt du conjoint, qui est légitimement en droit de prétendre à une rémunération pour le travail fourni, dès lors que celle-ci est possible.

A ce titre l'article L. 121-4, II du Code de commerce réserve le statut de conjoint collaborateur au conjoint du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée répondant à des conditions de seuils. Tel est le sens de l'article 3 du décret du 1er août 2006 qui dispose que "le statut de conjoint collaborateur est ouvert au conjoint du chef d'une entreprise dont l'effectif n'excède pas vingt salariés" et que "l'appréciation de l'effectif est effectuée conformément aux articles L. 117-11-1 (N° Lexbase : L5421ACR) et L. 620-10 (N° Lexbase : L3112HI4) du Code du travail". On peut se demander s'il n'aurait pas été plus logique de fixer un seuil en terme de chiffre d'affaires, en lieu et place d'un simple seuil d'effectif. Il n'est en effet guère besoin de souligner qu'une société de moins de vingt salariés peut faire des bénéfices bien plus substantiels qu'une société d'une taille plus conséquente.

Toujours est-il que l'article 4 du décret prévoit que lorsque, sur une période de vingt-quatre mois consécutifs, l'effectif salarié dépasse le seuil précité, le chef d'entreprise doit, dans les deux mois, demander la radiation de la mention du conjoint collaborateur (5). A quoi on ajoutera que le chef d'entreprise doit alors conclure avec son époux un contrat de travail en bonne et due forme, pour peu que ce dernier continue d'exercer une activité professionnelle régulière dans la société. N'oublions pas, en effet, que le conjoint reste alors tenu d'opter pour l'un des statuts prévus. Celui de conjoint collaborateur étant exclu, et sauf à faire entrer le conjoint dans la communauté des associés, seul reste ouvert le statut de conjoint salarié.

2 - Publicité de l'option

Afin qu'il n'y ait aucun doute quant au choix du statut choisi par le conjoint du chef d'entreprise, celui-ci doit faire l'objet d'une publicité que le décret du 1er août 2006 décline de la façon suivante.

  • Centre de formalités des entreprises

Tout d'abord, et en application de l'article 5 du décret, le centre de formalités des entreprises reçoit, dans les conditions prévues par le décret du 19 juillet 1996 :
- dans le dossier unique de déclaration de création de l'entreprise, la déclaration de l'option choisie, le cas échéant, par le conjoint du chef d'entreprise en application du I de l'article L. 121-4 du Code de commerce ;
- la déclaration modificative portant mention que le conjoint exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du Code civil dans les deux mois à compter du respect de ces conditions ;
- la déclaration de radiation du conjoint collaborateur lorsque celui-ci cesse de remplir les conditions permettant le choix de ce statut, dans les deux mois à compter de la cessation du respect de ces conditions.

Le centre de formalités des entreprises notifie au conjoint collaborateur la réception de la déclaration d'option du statut de conjoint collaborateur et des déclarations de modification ou de radiation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (art. 5 du décret). Enfin, l'article 9 du décret précise que pour les conjoints collaborateurs de chefs d'entreprise non déclarés à la date de publication du décret, la déclaration de l'option choisie ou la déclaration modificative doit être faite au plus tard le premier jour du quatrième trimestre civil suivant cette date.

  • Répertoire des métiers

L'article 6 du décret du 1er août 2006 vient modifier l'article 14 du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 (N° Lexbase : L1473AIE), qui dispose désormais que "le conjoint collaborateur d'une personne physique, du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée immatriculée au répertoire des métiers qui remplit les conditions fixées par les articles 1er et 2 du décret n° 2006-966 du 1er août 2006 relatif au conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention à ce répertoire".

  • Registre du commerce et des sociétés

Désormais, dans la demande d'immatriculation des sociétés, devra être déclaré le conjoint du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée dans les conditions définies par le décret du 1er août 2006 relatif au conjoint collaborateur (art. 7 du décret, modifiant l'article 15 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 N° Lexbase : L6533BHG).

Enfin, le 1° de l'article 27 du décret du 30 mai 1984 est modifié afin de réserver la demande d'inscription comme conjoint collaborateur au seul assujetti.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Le législateur a, en outre, précisé les droits sociaux du conjoint travaillant dans l'entreprise familiale (Pour plus de détails sur cette question, v. notre art., Les dispositions à caractère social de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, Bull. Joly Sociétés 2005, § 242).
(2) Décret n° 2006-966 du 1er août 2006 relatif au conjoint collaborateur (JO du 3 août 2006, p. 11580).
(3) L'option pour l'un des trois statuts n'est donc pas ouverte au concubin ou au partenaire de Pacs. A supposer qu'il s'agisse d'un oubli du législateur, celui-ci ne peut qu'être regretté.
(4) L'emploi du passé est ici de rigueur dans le mesure où, bien souvent, le litige surgira postérieurement à la dissolution du lien matrimonial ou à la disparition de l'entreprise.
(5) Conformément aux prescriptions de l'article L. 121-4, II du Code de commerce, le choix effectué par le conjoint du gérant associé majoritaire de bénéficier du statut de conjoint collaborateur est porté à la connaissance des associés lors de la première assemblée générale suivant la mention de ce statut auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise.

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Concurrence

[Le point sur...] Les attributions de la cour d'appel de Paris en matière de concurrence : une mise au point

Lecture: 8 min

N2804ALG

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par André-Paul Weber, Professeur d'économie, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence

Le 07 Octobre 2010

La cour d'appel de Paris, saisie d'un recours en annulation ou en réformation d'une décision du Conseil de la concurrence validant une procédure d'enquête et infligeant des sanctions à des entreprises pour infraction à l'article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN), est tenue, en raison des articles L. 464-8 du Code commerce (N° Lexbase : L5404G7B) et des articles 561 (N° Lexbase : L2811ADH) et 562 (N° Lexbase : L2812ADI) du Nouveau Code de procédure civile, de statuer en fait et en droit sur les demandes des parties sollicitant l'annulation de l'enquête et de l'instruction ayant conduit à la décision qu'elle annule. Il lui appartient, encore, le cas échéant, de statuer sur les griefs notifiés et qui ont été maintenus dans le rapport sur le fondement duquel le Conseil de la concurrence a pris sa décision. Tel est le sens d'un arrêt de la Cour de cassation (Chambre commerciale) du 27 septembre 2005, jusqu'ici passé inaperçu (Cass. com., 27 septembre 2005, n° 04-16.677, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A6364DKW). Il ne fait pas de doute que la lecture des textes opérée à l'occasion de l'arrêt en cause n'est pas dénuée de conséquences. I - Une solution découlant d'un cheminement particulièrement long

En juillet 1994, le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles sur le marché du béton prêt à l'emploi de la région Provence Alpes Côte d'Azur et a demandé le prononcé de mesures conservatoires. Par la décision n° 94-MC-10 du 14 septembre 1994 (N° Lexbase : X5897ACE), le Conseil de la concurrence a, en commission permanente (formation constituée du président et des vice-présidents du Conseil, C. com., art. L. 461-3 N° Lexbase : L6623AI7), enjoint aux entreprises concernées de cesser de vendre du béton prêt à l'emploi à un prix inférieur à son coût moyen variable de production tel qu'évalué sur la base des comptabilités analytiques établies mensuellement par les entreprises. Pour l'anecdote, on notera que cette première décision a fait l'objet de recours rejetés par un arrêt de la cour d'appel en date du 3 novembre 1994. On notera encore que les pourvois contre cet arrêt ont également été rejetés par la Cour de cassation, chambre Commerciale, par arrêts du 4 février 1997 (Cass. com., 4 février 1997, n° 94-21.147 N° Lexbase : A2226CME ; n° 94-21.148 N° Lexbase : A2227CMG ; n° 94-21.232 N° Lexbase : A2230CMK).

S'agissant à présent du fond, par la décision n° 97-D-39 du 17 juin 1997 (N° Lexbase : X7780AC7), le Conseil de la concurrence devait infliger des sanctions pécuniaires à 13 entreprises pour un montant total de 88,2 millions de francs (environ 13,44 millions d'euros) pour fixation concertée de prix, répartition de marché et prix prédateurs et ordonner la publication de la décision dans différents organes de presse. Soumise à la censure de la cour d'appel, cette décision devait être entièrement confirmée. Mais, sur le pourvoi formé par les sociétés précitées, la Cour de cassation devait casser l'arrêt de rejet, non sur le motif, soutenu par les parties, que le rapporteur de l'affaire avait participé au délibéré, mais sur la circonstance que des membres du Conseil de la concurrence ont à la fois statué sur la demande de mesures conservatoires et, ultérieurement, sur la question de fond (Cass. com., 9 octobre 2001, n° 98-21.987, FS-P N° Lexbase : A2102AWR). Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l'article 2 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, relatif aux recours exercés devant la cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil de la concurrence (N° Lexbase : L6747G4N) que "lorsque la déclaration de recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ; que les sociétés [requérantes] n'ayant exposé les moyens d'annulation tirés de la présence du rapporteur au délibéré ni lors de leur déclaration de recours ni dans les deux mois suivant la notification de la décision, elles ne sont pas recevables à le faire pour la première fois devant la Cour de cassation et la cour d'appel n'était pas tenue de les relever d'office".

C'est, en revanche, parce que des membres de la formation de jugement avaient, antérieurement, statué sur la demande de mesures conservatoires que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de rejet de la cour d'appel. Se fondant sur l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) et sur l'article L. 464-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6639AIQ), parce que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, la Cour de cassation fait observer que "l'arrêt [de la cour d'appel] retient que les mesures conservatoires prononcées au début de la procédure, avant enquête approfondie sur le fond, pour faire cesser une pratique gravement préjudiciable à l'ordre public économique, ne sauraient être considérées comme un préjugement sur l'imputabilité de ces pratiques ; [...] qu'en statuant ainsi, alors que le Conseil de la concurrence s'était prononcé sur le caractère prohibé d'une partie des faits qui lui étaient dénoncés dans la procédure de mesures conservatoires, ce dont il devait être déduit qu'il ne pouvait, dans une formation comportant des membres ayant statué dans cette procédure, statuer à nouveau au fond, sans manquer objectivement au principe d'impartialité ci-dessus énoncé, l'arrêt a violé, par refus d'application, les textes susvisés".

En bref, la Cour de cassation, annulant l'arrêt rendu le 20 octobre 1998, renvoyait l'affaire devant la cour d'appel remettant "la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt".

A nouveau appelée à se prononcer sur l'affaire, la cour d'appel par un arrêt du 22 juin 2004 devait, soit dix années après la saisine d'origine, prononcer, de manière en principe définitive, la nullité de la décision n° 97-D-39 sur le double motif de la présence du rapporteur et du rapporteur général au délibéré et de la participation de membres du Conseil de la concurrence à la décision relative aux mesures conservatoires.

Appréciant les conséquences de l'annulation prononcée, la cour d'appel formule trois remarques portant sur ses choix procéduraux et conclut à l'annulation des sanctions pécuniaires prononcées à l'encontre des entreprises visées.

- En premier lieu, si, sur le fondement des articles L. 464-8 du Code de commerce et 561 du Nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a le pouvoir de statuer en fait et en droit sur les griefs notifiés au cours de la procédure ayant donné lieu à la décision annulée, elle affirme qu'"elle n'y est pas tenue".

- En deuxième lieu, au motif que l'auteur de la saisine, à savoir, on le rappelle, le ministre de l'Economie, s'est contenté de demander la réformation de la décision attaquée, aucune qualification des faits n'étant proposée à la cour, il est soutenu qu'il est de "bonne administration" de renvoyer l'affaire à la connaissance du Conseil de la concurrence.

- En troisième lieu, la cour réfute l'argument selon lequel le renvoi de l'affaire devant le Conseil de la concurrence, prolongeant la procédure, violerait l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, déjà citée, en ce que serait dépassé le délai raisonnable dans lequel la cause doit être entendue. A cet égard, la cour affirme qu'il n'y aurait violation de l'article 6, paragraphe 1, précité que dans la seule hypothèse où, en raison de la durée de la procédure, les parties se trouveraient dans l'impossibilité de présenter utilement leur défense. Et, de ce point de vue, la cour soutient qu'en l'état du dossier elle ne peut se déterminer.

Au total, la cour soutient que l'arrêt prononcé constitue un titre de restitution des sommes versées par les entreprises sanctionnées, les sommes devant être reversées avec intérêts au taux légal, les frais de publication de la décision devant également être remboursés.

Mais, par un nouvel arrêt en date du 27 septembre 2005, la Cour de cassation, opérant une lecture différente des articles L. 464-8 du Code de commerce et 561 et 562 du Nouveau Code de procédure civile a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 22 juin 2004 par la cour d'appel de Paris.

II - Le rappel des textes et les conséquences à en tirer

Les articles L. 464-7 (N° Lexbase : L6645AIX) et L. 464-8 du Code de commerce précisent que les décisions du Conseil de la concurrence prises en application des articles L. 464-1 (mesures conservatoires), L. 464-2 (N° Lexbase : L5682G49, sanctions pécuniaires pour infraction aux règles de la concurrence), L. 464-3 (N° Lexbase : L5680G47, sanctions pécuniaires pour irrespect des injonctions ou engagements), L. 464-5 (N° Lexbase : L6643AIU, sanctions pécuniaires applicable sur le fondement de la procédure dite simplifiée), L. 464-6 (N° Lexbase : L6643AIU, décisions de non-lieu à poursuivre une procédure) et L. 464-6-1 (N° Lexbase : L3097DYD, décisions de non-lieu concernant les accords d'importance mineure) peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris.

De leur côté, les articles 561 et 562 du Nouveau Code de procédure civile disposent respectivement que la procédure d'appel "remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit" (article 561).

"L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible" (article 562).

C'est sur le fondement de ces textes que la Cour de cassation a, une nouvelle fois, censuré la cour d'appel. L'arrêt du 27 septembre 2005 précise, en effet, que "saisie par des parties en cause d'un recours en annulation ou en réformation de la décision du Conseil, la cour d'appel [après avoir annulé cette décision] était tenue de statuer en fait et en droit sur les demandes des parties tendant à l'annulation de l'enquête et de l'instruction ayant conduit à la décisions qu'elle annulait et, le cas échéant, sur les griefs notifiés et maintenus dans le rapport".

Ce même arrêt renvoie l'affaire devant la cour d'appel "autrement composée".

En fait, au terme d'une procédure particulièrement laborieuse, la Cour de cassation n'a fait que rappeler un point qui, jusqu'à présent, n'avait pas eu lieu de se poser, la chose jugée en première instance se trouve remise en question devant la juridiction d'appel afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. La Cour de cassation considère que l'effet dévolutif inscrit à l'article 561 du NCPC a un caractère impératif pour la juridiction de second degré pour statuer sur le litige qui lui est déféré.

La solution retenue évite, sans doute, l'éventuelle censure de la décision que, potentiellement, le Conseil de la concurrence aurait pu rendre dans l'hypothèse où la Cour de cassation n'aurait pas cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel du 22 juin 2004.

On peut encore soutenir que la solution retenue a pour effet d'assurer un meilleur respect des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne concernant le délai raisonnable durant lequel la procédure doit être conduite.

Mais une question cruciale demeure. Comparant l'étendue des moyens dont, d'une part, dispose le Conseil de la concurrence et, d'autre part, le caractère plus limité des ressources dont la cour d'appel est dotée, on peut s'interroger sur la question de savoir si la solution juridique découlant des articles 561 et 562 du NCPC est la mieux appropriée.

A ce jour, la cour d'appel est appelée à se prononcer, pour la troisième fois, sur une saisine qui, on le rappelle, remonte à juillet 1994. Elle se trouve prisonnière des deux arrêts contradictoires qu'elle a rendus en octobre 1998 et juin 2004. Une fois de plus, le droit de la concurrence se caractérise par son imprévisibilité, or les entreprises ont besoin de sécurité.

newsid:92804

Internet - Bulletin d'actualités n° 7

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2006

Lecture: 11 min

N2867ALR

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies.

I - Informatique

  • Proposition de loi en date du 13 juin 2006, visant à définir le courrier électronique professionnel

Contenu :

Par une proposition de loi en date du 13 juin 2006, des sénateurs proposent de définir la notion de courrier électronique professionnel. En filigrane de cette proposition, se dessine la notion de courrier personnel soumis au secret de la correspondance privée.

Dans l'exposé des motifs, les sénateurs justifient la nécessité de cette proposition de loi par le besoin de renforcer la sécurité juridique tant des employés que des employeurs dès lors que la jurisprudence n'a pas trouvé de définition harmonisée aux notions de courriers électroniques privés ou professionnels.

La proposition de loi est composée de trois articles :

- l'article 1er définit le courrier électronique professionnel comme suit : "est considéré comme courrier électronique professionnel, tout courrier électronique dont le titre ou le nom du répertoire dans lequel il est archivé, est relatif à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, l'administration ou l'organisme qui emploie l'expéditeur ou le destinataire dudit courrier. Le courrier électronique professionnel n'est pas soumis au secret de la correspondance privée" ;

- dans un deuxième article, la proposition de loi oblige les employeurs à informer les détenteurs de messagerie électronique professionnel de la présente loi ;

- enfin, dans un troisième article, la proposition renvoie à un décret en Conseil d'Etat qui fixera les conditions d'application de la proposition de loi.

Commentaire :

L'enjeu de la distinction entre courrier électronique privé et courrier électronique professionnel est majeur puisque l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR), l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI) permettent aux employés de conserver le secret de leurs correspondances privées. En d'autres termes, les employeurs ne peuvent pas avoir accès aux courriers électroniques privés de leurs employés, "sauf risque ou événement particulier" (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT).

Cette proposition de loi sénatoriale n'est pas une création ex nihilo puisque tant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) que la Cour de Cassation se sont déjà intéressées à la distinction entre les courriers électroniques privés ou professionnels.

En effet, dans son célèbre arrêt "Nikon" en date du 2 octobre 2001, la Chambre sociale de la Cour de cassation sanctionnait un employeur pour avoir consulté des informations contenues dans un répertoire personnel de l'ordinateur de son employé au mépris du secret des correspondances (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof N° Lexbase : A1200AWD).

En mars 2004, la CNIL rédigeait un rapport relatif à la cybersurveillance sur les lieux de travail dans lequel elle préconisait qu'un message envoyé ou reçu depuis le poste de travail d'un employé revêtait un caractère professionnel "sauf indication manifeste dans l'objet du message ou dans le nom du répertoire où il pourrait avoir été archivé par son destinataire qui lui conférerait alors le caractère et la nature d'une correspondance privée protégée par le secret des correspondances". La CNIL ajoutait également qu'un moyen de preuve tiré d'un dispositif de contrôle n'est recevable que si l'employé a été informé de l'existence de ce dispositif.

La dichotomie entre courrier professionnel et courrier privé n'a pas été simplifiée par l'adoption de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 introduisant une autre catégorie de courriers (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC) : "les courriers électroniques au public".

L'article 1er de la loi du 21 juin 2004 les définit comme "toute mise à disposition au public, par un procédé de communication électronique, de signes de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".

Cette proposition de loi cherche ainsi à harmoniser la définition juridique du courrier professionnel tout en s'inspirant largement du rapport de la CNIL.

D'une part, la proposition de loi définit le courrier électronique professionnel comme tout courrier électronique qui se rattache à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, l'administration ou l'organisme qui emploie l'expéditeur ou le destinataire dudit courrier, tout en précisant que les courriers électroniques de nature professionnelle ne sont pas soumis au secret de la correspondance privée. Cette définition large du courrier électronique professionnel doit, semble-t-il, être lue à la lumière de la jurisprudence antérieure : les salariés devront indiquer dans l'objet du courrier électronique ou dans le répertoire dans lequel est classé ce courrier qu'il s'agit d'un courrier "personnel" ou veiller à ce qu'il ne puisse pas être rattaché à l'organisation, au fonctionnement ou aux activités de l'entreprise, de l'administration ou de l'organisme.

D'autre part, la proposition de loi précise que l'employeur devra informer les employés de la possibilité qu'il a de contrôler les courriels professionnels.

A ce jour, il est difficile de savoir si cette proposition a des chances, ou non, d'être adoptée.

II - Média

  • Le 30 mai 2006, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a émis une recommandation relative à la mention des prix dans les messages publicitaires en faveur des services téléphoniques surtaxés ou de services Short Message Services ("SMS") : recommandation n° 2006-3 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, du 30 mai 2006 (N° Lexbase : X7323ADL)

Contenu :

Constatant que des messages publicitaires télévisés en faveur de services téléphoniques surtaxés ou de services SMS, ou y faisant référence, ne mentionnaient pas clairement le coût des communications, le CSA a pris la recommandation n° 2006-3 du 30 mai 2006.

Ainsi, le CSA demande que la mention des prix relatifs aux messages publicitaires télévisés concernant les services téléphoniques surtaxés ou les services SMS apparaisse "de façon clairement lisible et intelligible et pendant un temps d'exposition permettant aux téléspectateurs de lire l'intégralité des informations présentées".

Commentaire :

Pour motiver sa recommandation, le CSA se fonde sur l'article 6 du décret du 27 mars 1992 (décret n° 92-280 N° Lexbase : L4584AQT) selon lequel "la publicité doit être conçue dans le respect des intérêts du consommateur", ainsi que sur l'article 14 de l'arrêté du 3 décembre 1987 (N° Lexbase : L7977DNR) précisant que le prix doit être indiqué de façon précise au consommateur, par tout moyen, avant la conclusion du contrat.

Rappelons, cependant, que l'article L. 113-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6523AB9) impose à tout vendeur d'informer le consommateur sur les prix des produits ou des services. Des arrêtés, et, notamment, l'arrêté du 3 décembre 1987, pris en application de cet article viennent préciser les modalités d'information du consommateur.

Le non-respect des dispositions de l'article L. 113-3 est puni d'une amende de 1 500 euros par infraction constatée (C. consom., art. R.113-1 N° Lexbase : L6824ABD).

Ainsi, il convient d'informer clairement le consommateur du prix des coûts de communication, aussi bien dans le cadre d'une publicité télévisée (tel que le rappelle le CSA) que sur tout autre support.

III - Responsabilité

  • Par une décision en date du 12 mai 2006, le tribunal de commerce de Paris condamne la société Tech Airport pour contrefaçon d'un logiciel dès lors qu'elle est ni signataire du contrat de licence, ni cessionnaire et ce sur la base du principe de l'effet relatif des contrats : tribunal de commerce de Paris, 15ème ch., 12 mai 2006, Arkad Informatique c/ Tech Airport (N° Lexbase : A1081DRH)

Faits :

La société Arkad Informatique a conclu avec la société OJ Perrin (devenue Sogeper) un contrat de licence d'utilisation d'un logiciel de gestion commerciale, en date du 27 novembre 1995, pour les besoins de la société OJ Perrin. Le groupe Swatch, auquel appartient la société Tech Airport, avait entamé des négociations avec la société Arkad Informatique afin de bénéficier de cette licence, négociations qui ont échouées.

La société Arkad Informatique constate, cependant, que la société Tech Airport utilise ce logiciel par l'intermédiaire de la société Sogeper.

Elle demande alors au tribunal de commerce de Paris de déclarer la société Tech Airport coupable de contrefaçon dudit logiciel et d'ordonner la cessation immédiate des actes de contrefaçon, la destruction de toute copie du logiciel et la réparation du préjudice subi qu'elle estime à 120 000 euros.

La société Tech Airport soutient, en défense, qu'elle a été autorisée à utiliser le logiciel par la société Sogeper et que, de ce fait, toute condamnation éventuelle de la société Tech Airport devrait être prononcée à l'encontre de la société Sogeper.

Décision :

Le tribunal de commerce rejette les arguments de la société Tech Airport au motif que la société Arkad est titulaire exclusif des droits d'auteur sur le logiciel en cause et sur son manuel d'utilisation et que dès lors "toute utilisation sans l'autorisation de la société Arkad est illicite et constitue un acte de contrefaçon".

Le tribunal de commerce condamne ainsi la société Tech Airport au paiement de dommages-intérêts de 60 000 euros, ordonne la cessation immédiate des actes de contrefaçon ainsi que la destruction de toute copie du logiciel.

Commentaire :

La décision du tribunal est une application fidèle du principe de l'effet relatif des contrats de l'article 1165 du Code civil (N° Lexbase : L1267ABK), selon lequel "les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties".

Ainsi, un contrat ne crée de droits et d'obligations qu'au profit et à l'encontre de ceux qui ont consenti à sa conclusion. Néanmoins, les parties peuvent désigner, dans le contrat de licence, des tiers pour lesquels le concédant autorise une utilisation du logiciel, par exemple.

En l'espèce, il est intéressant de noter que le tribunal, pour apprécier l'étendue de la licence concédée, constate que, aux termes du contrat, "l'utilisation du logiciel doit l'être pour ses besoins et qu'il s'agit en l'occurrence des besoins d'OJ Perrin seule signataire du contrat".

Cette décision permet de rappeler qu'un licencié ne peut autoriser un tiers et, notamment, un prestataire ou un sous-traitant, à utiliser un logiciel que si ce tiers a été dûment autorisé par le concédant ou si le contrat de licence autorise expressément le licencié à concéder une sous-licence des droits d'utilisation à un tiers.

  • La société CDiscount viole l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce en proposant sur son site internet des marchandises soldées à des clients habitant dans un département où la période des soldes n'était pas ouverte : TGI de Bordeaux, 4ème ch. corr., 9 janvier 2006, Cdiscount c/ Procureur de la République

Faits et procédure :

L'article L. 310-5, 3° du Code de commerce (N° Lexbase : L3164DYT) punit d'une amende de 15 000 euros le fait d'ouvrir les périodes de soldes avant la date prévue par l'arrêté préfectoral pris dans chaque département.

En l'espèce, la plupart des départements de France permettait de débuter les soldes à partir du 25 juin 2003, exception faite du département de la Gironde dont l'arrêté préfectoral en date du 6 juin 2003 avait fixé la date d'ouverture des soldes au 2 juillet 2003.

Conscient que la vente sur internet a un rayonnement national, CDiscount a interrogé l'administration, par téléphone, au début du mois de juin, afin de définir la date d'ouverture de ses soldes sur internet.

Malgré la mise en garde, faite par téléphone, de l'administration, CDiscount a commencé les soldes le 25 juin 2003 en précisant sur son site que "les clients habitant un département où la période des soldes n'était pas ouverte ne pourraient être livrés que le 2 juillet 2003".

Le Procureur de la République, en sa qualité de représentant de l'Etat, ouvre alors une action pénale à l'encontre de CDiscount sur le fondement de l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce.

Dès lors que les dates d'ouverture peuvent varier d'un département à l'autre, à quelle date une société de vente sur internet dont le rayonnement est national peut-elle débuter ses soldes ? Autrement dit, comment faut-il adapter la législation sur les soldes aux cyber-commerçants ?

Telle était la question posée à la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Décision :

Le tribunal de grande instance de Bordeaux déclare que CDiscount a commis le délit, sanctionné par l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce, en vendant des produits en soldes sur internet en dehors des périodes autorisées.

En effet, pour le tribunal, l'élément matériel de l'infraction est caractérisé par la présentation de l'offre le 25 juin 2003 dans un département où les soldes commençaient le 2 juillet 2003. Quant à l'élément intentionnel de l'infraction, le tribunal relève que CDiscount avait connaissance de la violation de l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce à la suite des échanges téléphoniques avec l'administration au début du mois de juin.

Par conséquent, le tribunal de grande instance condamne CDiscount à une amende de 10 000 euros dont la moitié avec sursis en raison de la précision apportée par CDiscount selon laquelle "les clients habitant un département où la période des soldes n'était pas ouverte ne pourraient être livrés que le 2 juillet 2003".

Commentaire :

Au sens de l'article L. 310-3, I du Code de commerce (N° Lexbase : L3163DYS), sont considérées comme des soldes "les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement de marchandise en stock".

Pour que les soldes ne contreviennent pas à l'article L. 310-5, 3° du Code de commerce, le vendeur doit respecter deux conditions cumulatives :

- la première condition est d'ordre matériel : pour ne pas être entachées d'irrégularité, les soldes doivent proposer à la vente des marchandises qui ont été payées depuis au moins un mois à la date du début des soldes ;

- la deuxième condition est d'ordre temporel : l'article L. 310-3 I du Code de commerce dispose que "ces ventes ne peuvent être réalisées qu'au cours de deux périodes par année civile d'une durée maximale de six semaines dont les dates sont fixées dans chaque département par l'autorité administrative compétente". Le décret n° 2004-275 ajoute que "l'autorité administrative compétente pour fixer la période des soldes est le préfet du département où les ventes seront réalisées" (décret n° 2004-275, 25 mars 2004, portant application de l'article 29 de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises N° Lexbase : L4314DPH).

L'autorisation de réaliser des soldes repose donc sur une logique frontalière puisque la date d'ouverture dépend du préfet de chaque département.

Cependant, les faits de l'espèce témoignent de la difficulté d'adapter cette logique frontalière aux cyber-commerçants qui, par définition, peuvent proposer des marchandises soldées au même instant dans n'importe quel département français.

Le tribunal de grande instance de Bordeaux avait le choix entre plusieurs méthodes pour déterminer la date d'ouverture des soldes sur internet.

Il pouvait retenir comme date d'ouverture des soldes la date fixée dans le département où est situé le siège social de la société souhaitant vendre par internet ; cette hypothèse a été rejetée par le tribunal.

Il pouvait également, et c'est l'option qui a été choisie, retenir la date d'ouverture des soldes du département où les marchandises sont accessibles par un client.

Ainsi, les marchandises en vente sur internet étant accessibles dans tous les départements français au même moment, les sociétés de vente sur internet devront commencer leurs soldes à la date la plus tardive prévue par les arrêtés préfectoraux.

Rappelons, cependant, que la loi pénale est d'interprétation stricte et que cette décision du tribunal de grande instance n'est donc pas surprenante.

Une adaptation de la législation sur les soldes serait peut-être souhaitable dans un contexte de développement des transactions par internet.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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