La lettre juridique n°566 du 10 avril 2014

La lettre juridique - Édition n°566

Éditorial

Censure de la loi "Florange" : le législateur confronté à l'économie réelle

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N1760BUQ

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 10 Avril 2014


Quand ils ne détricotent pas le linceul des Trente Glorieuses en attendant le retour de la croissance, partie l'on ne sait où depuis plus de vingt ans, les Gouvernements donnent l'illusion du mouvement et de l'action (ou plus volontiers de la réaction), à force de jeunesse, d'entrain, montant les escaliers de Matignon, quatre à quatre. "La trace d'un rêve n'est pas moins réelle que celle d'un pas" écrivait le regretté Georges Duby.

Mais, n'est pas Chaban-Delmas qui veut ! Et, même le petit général se sera cassé les dents sur sa "nouvelle société" qui n'était pas au goût de tout le monde et, notamment, des plus conservateurs. On pourra toujours dire que le mouvement était lancé et que les ricochets contemporains ne sont rien de moins que les fleurons de l'industrie française et les grandes lois sociétales et égalitaires de notre temps.

En attendant, d'aucuns confondent encore vitesse et précipitation : la censure de l'essentiel de la loi "Florange" en est, une nouvelle fois, un exemple patent. En vidant le texte de toute contrainte et de toute sanction en cas d'inobservation, le Conseil constitutionnel ne fait absolument pas de la résistance ; les Sages font montre, au contraire, de raison au regard du principe de la liberté d'entreprendre et de celui de la proportionnalité des peines. Le risque est grand, dans une économie mondialisée, à pénaliser l'action ou l'inaction des entrepreneurs et investisseurs. Le risque est d'autant plus grand quand la loi est mouvante et parfois inintelligible. L'ordre public de direction ne souffre plus "l'à peu près".

Alors certes, les nouvelles obligations de recherche d'un repreneur, qui visent à maintenir l'activité et à préserver l'emploi en favorisant la reprise des établissements dont la fermeture est envisagée lorsqu'elle aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, poursuivent un objectif qui tend à mettre en oeuvre l'exigence constitutionnelle du droit à l'emploi. Certes, l'obligation de communiquer des informations à toute entreprise concurrente se déclarant intéressée par la reprise de l'établissement dont la fermeture est envisagée n'impose pas la communication d'informations qui seraient susceptibles d'être préjudiciables à l'entreprise cédante ou qui porteraient sur d'autres établissements que celui dont elle envisage la fermeture, et ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Mais, que vaudra cette transparence, sans contrôle, ni contrainte adéquates ?

Au-delà du camouflet, qui sera vite camouflé sous un nouveau texte porté devant le Parlement "La Bruyère", c'est une méthode qui est, à nouveau, condamnée ; celle de la profusion et de la précipitation législatives. Pourtant, au cas d'espèce, la maturation de la loi, après un ANI et trois propositions, aurait dû conduire à ce que le texte final fut de meilleure facture afin d'avoir raison des objections pourtant prévisibles. Mais, le volontarisme législatif n'est pas tout.

Un nouveau pilote est dans l'avion, mais va-t-on arriver à bonne destination ? D'autant que l'on se souvient du sort de Chaban-Delmas, ayant par trop irrité le Président "bonhomme", avec son discours de présidentiable à la tribune de l'Assemblée nationale en 1969. Gageons que les querelles intestines n'affectent plus l'activité législative.

"Chaque époque rêve de la suivante" disait Walter Benjamin... Rien n'est moins certain.

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Agent immobilier

[Textes] La loi "ALUR" et la négociation immobilière

Réf. : Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY)

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N1712BUX

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par Jean-Marie Moyse, Avocat à la Cour, Cabinet Moyse & associés

Le 10 Avril 2014

La loi dite "ALUR" a été publiée au Journal officiel du 26 mars 2014. Un premier projet de loi étudié par l'ancienne majorité a été abandonné au grand dam des groupements, lesquels ont obtenu de la nouvelle majorité, la mise en forme d'une structure professionnelle proche d'un ordre professionnel réglementé. Cette loi a modifié les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi "Hoguet" (N° Lexbase : L7536AIX), laquelle règlemente les activités de négociation immobilière pour le compte de tiers tant en ce qui concerne l'étendu des personnes visées par la règlementation, les organismes de contrôle de la profession, les collaborateurs des agences, les contrats conclus avec des professionnels, les obligations constatées dans ces contrats. Les professions d'agent immobilier, d'administrateur de biens, de syndic de copropriété font donc l'objet de nouvelles dispositions légales en l'attente de dispositions règlementaires à intervenir par décret. Par ailleurs, les ventes de lot dépendant d'une copropriété vont être rendues difficiles en raison de l'obligation faite au professionnel d'annexer à l'acte de vente ou à l'avant-contrat des pièces permettant à un éventuel acquéreur, d'être renseigné sur l'état objectif et financier de l'immeuble dont dépend le lot de copropriété vendu (1). I - La nouvelle organisation des professions immobilières réglementées

Cette nouvelle organisation concerne tous les professionnels immobiliers règlementés à savoir les agents immobiliers, les administrateurs de bien, les syndics de copropriété.

A - Les raisons de la nouvelle organisation (loi du 2 janvier 1970, nouveaux articles 13 à 13-4)

Il convient de rappeler, ainsi que nous l'avions fait dans un précédent article (Gaz. Pal., 19/20 août 2011, n° 231 à 232, La négociation immobilière et ses incidences au regard de la loi et de la jurisprudence) qu'un syndicat d'agents Immobiliers représentatif, avait créé un Code de déontologie applicable à la transaction immobilière et à l'administration de biens.

N'ayant aucun moyen juridique d'obliger ses adhérents ou les tiers à respecter ces règles déontologiques, ses pouvoirs étant limités par l'article L. 2131-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2109H9Y) à la défense des intérêts collectifs de la profession, elle a demandé, et aujourd'hui obtenu, des pouvoirs publics, la création d'une structure nationale et de structures régionales, chargées d'élaborer et d'appliquer à toute la profession la déontologie et ceci sous peine de sanctions.

Comme nous l'évoquions dans l'article susvisé, une telle organisation est assimilable à un ordre professionnel virtuel, lequel est parfaitement inhabituel dans le secteur du commerce et de l'industrie : les ordres professionnels existants ne concernant habituellement que les professions civiles et libérales.

La composition paritaire de la commission nationale et des commissions régionales dont les membres seront nommés sur recommandation des groupements de la profession et les pouvoirs d'injonction et de sanctions qui leur sont reconnus, permettent de considérer que le législateur a donné naissance à une structure nouvelle, laquelle contrôlera désormais l'exercice de leurs activités, pour les commerçants qui en dépendent.

Cette structuration de la profession nous paraît s'harmoniser difficilement avec la Directive européenne dite "service" du 12 décembre 2006 (Directive 2006/123 N° Lexbase : L8989HT4), laquelle interdit qu'une activité commerciale de service puisse être autocontrôlée.

Nous nous trouvons donc en présence de dispositions posant de délicats problèmes d'adaptation par rapport au droit positif en vigueur, tant sur le plan national, que sur celui de la Communauté européenne.

B - Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière

Par analogie avec les ordres professionnels traditionnels, il est affirmé dans les articles 13-1 et suivants de la loi que le nouveau conseil a pour fonction de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités liées à la transaction et à la gestion immobilière.

Ce conseil aura pour mission de faire des propositions portant sur, la création d'un Code de déontologie pour les professionnels, les conditions d'aptitude professionnelle pour l'exercice des activités, les obligations de compétence, la formation continue, la désignation de personne de la profession ayant pris leur retraite susceptible de siéger dans la commission de contrôle régionale prévue par l'article 13-5 de la loi.

Ce conseil sera également consulté par le Gouvernement sur l'ensemble des projets législatifs ou règlementaires intéressants la transaction et la gestion immobilière.

Le conseil sera composé majoritairement de représentants des professionnels immobiliers qui seront proposés par les syndicats et unions de syndicats de professionnels représentatifs de la profession.

Le conseil comprendra également des représentants des consommateurs choisis parmi les associations ainsi que de plein droit des membres du Gouvernement. (article 13-2).

L'article 13-4 prévoit les sanctions qui pourraient être prises en cas de manquement au Code de déontologie, à la probité ou à l'honneur. Cet article prévoit que les manquements aux lois, aux règlements et aux obligations du Code de déontologie expose le professionnel à des poursuites disciplinaires.

L'article 13-5 prévoit, pour l'exercice de l'action disciplinaire, la création d'une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières en raison des faits commis dans son ressort.

Il est vraisemblable que le décret d'application portera création de commissions de contrôle sur la base d'une répartition départementale ou régionale.

En ce qui concerne la composition des commissions de contrôle, se trouveront a côté des retraités des professions immobilières, des représentants de l'Etat, un magistrat de l'ordre judiciaire, des membres d'une profession juridique ou judiciaire qualifiés dans le domaine de l'immobilier, des représentants des clients (dirigeants d'associations de consommateurs).

Des sections spécialisées pourront être créées au sein de la commission en fonction des activités professionnelles concernées.

Il résulte du rapprochement de toutes ces dispositions que les membres du Conseil national seront nommés sur proposition des groupes professionnels et que les membres des commissions régionales chargés d'appliquer des sanctions en cas de manquement déontologique, seront eux-mêmes nommés sur proposition du conseil, ce qui conforte la prépondérance des groupes professionnels, dans les commissions.

La place importante des groupements professionnels au sein du conseil national, même tempérée par la présence de fonctionnaires de l'Etat ou des universités permet de craindre un éclairage corporatiste des dispositions déontologiques qui pourront être adoptées après avis de cet organisme.

Ce risque se trouve aggravé à travers les commissions régionales dont les membres sont recommandés par le Conseil national et qui seront chargés de sanctionner les manquements des agents immobiliers ou des administrateurs de biens, aux règles déontologiques ou professionnelles.

II - Les commissions régionales de contrôle

L'article 13-5 de la loi donne compétence aux commissions régionales, vraisemblablement une par département, ou interrégionales pour plusieurs départements, pour connaître de l'action disciplinaire en raison des faits commis dans leur ressort.

Les sanctions qui seront prononcées iront de l'avertissement jusqu'à l'interdiction temporaire ou définitive de l'exercice professionnel (article 13-8).

Plus gravement, il est prévu en cas d'urgence une mesure conservatoire, pouvant être prise par le président de la commission, portant sur la suspension de l'exercice des activités du professionnel faisant l'objet des poursuites, et ceci pendant une durée maximum de un mois sauf prorogation pouvant aller jusqu'à trois mois.

Conscient des risques que peut présenter le pouvoir juridictionnel de la commission, le législateur croit nécessaire de rappeler que les sanctions ne peuvent prononcées sans que la personne poursuivie ait pu prendre connaissance du dossier fondant les poursuites et ait été entendue préalablement par le président de la commission.

Cette même commission, en cas d'avertissement ou de blâme, pourra assortir la condamnation prononcée, par des mesures de sureté portant sur le respect d'obligations particulières qui lui seront imposées.

L'appel des décisions se fera devant les juridictions administratives sans la garantie par conséquent de la présence de magistrats de l'ordre judiciaire, juges traditionnels des libertés (article 13-9).

L'article 13-4 prévoit que les actions disciplinaires se prescrivent par cinq ans alors que, les infractions commises dans la loi du 2 janvier 1970 faisant l'objet des articles 14 et suivants de la loi sont des infractions pénales de nature délictuelles qui se prescrivent pas trois années.

Il existe donc une contradiction entre les règles de droit générales et les règles particulières résultant de la loi du 2 janvier 1970, un même délit pouvant se prescrire par trois années dans le cadre du droit commun alors que la prescription sera de cinq années devant la commission de contrôle.

A n'en pas douter, des questions prioritaires de constitutionalité vont être posées en raison de cette contradiction rompant l'égalité des citoyens devant la loi.

Ces dispositions appellent la plus grande réserve, alors que ces commissions, constituent des juridictions d'exception de nature paritaire, chargées d'appliquer non des règles générales résultant de la loi ou des règlements mais des règles particulières exclusivement réservées à l'exercice d'une activité professionnelle dans le secteur de la transaction et de la gestion de biens immobiliers.

Les textes fondant les poursuites, de même que les juridictions qui les feront appliquer, ont un caractère d'exception parfaitement inhabituel dans le paysage du droit français.

Les expériences vécues devant les juridictions d'exception ne permettent pas d'envisager sereinement la naissance à côté des juridictions de l'ordre judiciaire d'un ordre de juridiction particulier dont les règles de base et les sanctions seront élaborées et prononcées, par des personnes pouvant ne pas présenter toutes les garanties nécessaires pour le rendu d'une bonne justice.

Nous rappellerons également que la présence de concurrents commerciaux dans des organismes juridictionnels locaux peut poser des problèmes de partialité, incompatibles avec l'exercice d'une activité juridictionnelle.

Si l'on peut comprendre que des règles particulières puissent voir le jour pour des professions règlementées et que ces règles puissent résulter de la loi ou du règlement, leur application doit être faite, surtout au niveau des sanctions, par des juridictions impartiales qui ne peuvent être que des juridictions de droit commun habituées à protéger les libertés publiques et professionnelles et avec des durées de prescription des infractions unifiées.

Ce nouvel ordre juridictionnel d'exception peut donc paraître inadapté à une population de commerçants représentant environ 40 000 entreprises en France dont les activités sont parfaitement règlementées à travers la loi du 2 janvier 1970 et son décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP) et sanctionnés en cas d'infractions civiles ou pénales par les juridictions de droit commun, ou les tribunaux de commerce.

III - Le nouveau rôle des chambres de commerce et les cartes professionnelles

Alors que, traditionnellement, la délivrance des cartes professionnelles transaction et gestion immobilières étaient délivrées par l'Etat depuis la loi du 2 janvier 1970, elles le seront désormais par les chambres de commerce et d'industrie territorialement compétentes, lesquelles seront également habilitées à contrôler les aptitudes professionnelles et les garanties financières et d'assurances responsabilité civile professionnelle.

Les conditions de délivrance de la carte professionnelle et sa durée de validité feront l'objet d'un décret.

Anticipant déjà sur un risque de partialité pour l'examen des dossiers qui leur seront présentés, l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970 modifié prévoit que, lorsque le président de la chambre de commerce est lui-même agent immobilier ou administrateur de biens, c'est le vice-président de cette chambre qui examinera le dossier et délivrera la carte.

En effet, ainsi que le reconnaît lui-même le législateur, l'impartialité d'un organisme privé n'est jamais assurée contrairement aux garanties d'indépendance que présentent les pouvoirs publics.

Cet aveu implicite, nous permet de conclure qu'un risque de partialité sera toujours rencontré pour l'examen des dossiers qui seront présentés par les professionnels de l'immobilier devant les chambres de commerce.

A ce sujet, il convient de rappeler également la part prépondérante prise dans les syndicats par les structures importantes de transactions et de gestion immobilières à vocation nationale, lesquelles appellent les syndicats dont elles sont de gros contributeurs financiers depuis plusieurs années, à réclamer une règlementation autonome permettant de réduire le nombre de professionnels sur le marché afin d'augmenter la valeur de leurs fonds de commerce.

Cette règlementation n'est donc pas prise dans l'intérêt du boutiquier mais dans l'intérêt des structures nationales de l'immobilier tant en ce qui concerne leur rentabilité que leur valeur marchande, sur le marché privé ou en bourse.

Il peut paraître surprenant que cet aspect de la règlementation n'ait pas pris en compte les risques résultant d'une règlementation corporative et ait oublié les acquis de la Constitution française, laquelle a aboli toute forme de privilèges ou de corporatisme.

Outre le recours devant le Conseil constitutionnel qui peut être envisagé en raison de la création d'un ordre virtuel de commerçants inconnu dans notre droit et l'atteinte qui peut être portée à la liberté du commerce valant principe constitutionnel, des questions prioritaires de constitutionnalité risquent d'être posées portant sur les règles de droit applicables et le prononcé des sanctions par les commissions et la conformité des nouvelles dispositions avec le droit interne et la Directive européenne sur les services.

Il convient de noter que les textes qui serviront de base aux poursuites devant les commissions de contrôle, n'auront ni valeur de loi ou de règlement, alors qu'elles ne seront pas élaborées par le parlement ou le Gouvernement mais par des commissions professionnelles contrôlées par des groupements.

IV - Les modifications de détails de la loi du 2 janvier 1970

A - L'article 1-1 de la loi du 2 janvier 1970

- En ce qui concerne les syndics

Cet article a été modifié et vise désormais nommément, dans son 9°, les syndics de copropriété alors que ces derniers étaient déjà implicitement visés par l'activité générale de gestion de biens d'autrui.

- En ce qui concerne les locations saisonnières

Au regard de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970, énumérant les activités qu'elles règlementent et au regard de l'article 3 de la loi et 1er du décret du 20 juillet 1972, la pratique s'interrogeait avec des réponses diverses sur la possibilité pour un titulaire de la carte gestion immobilière de rechercher un candidat locataire et d'être rémunéré à l'occasion de la location consentie.

Il était soutenu que l'administrateur de biens ne pouvait conformément à la loi et à l'article 69 du décret du 20 juillet 1972 se livrer à une activité de transaction immobilière que d'une manière occasionnelle et sous réserve de gérer le bien objet de la transaction depuis plus de trois ans.

Désormais, les titulaires de la carte gestion immobilière, alors que cette possibilité se trouvait discutée auparavant, pourront pratiquer les activités de location saisonnière en nue ou en meublée dès lors que ces activités sont l'accessoire d'un mandat de gestion.

Cette disposition ne peut être qu'approuvée alors, qu'à notre connaissance, il n'existe aucune jurisprudence qui ait fait application de la règlementation dans un sens contraire aux nouvelles dispositions.

B - L'obligation de formation

L'article 3-1 prévoit que la délivrance ou le renouvellement de la carte professionnelle est subordonnée à la justification d'une formation continue reçue conformément aux dispositions d'un décret.

Cette obligation est étendue aux négociateurs immobiliers sans distinction de leur qualité de salarié ou de travailleur indépendant avec le statut d'agent commercial.

Les modalités de cette formation feront l'objet d'un décret.

Pour les agents commerciaux, ils devront désormais contracter une assurance personnelle au titre de la responsabilité civile professionnelle, dont la garantie s'ajoutera à celle donnée par leur mandant dans le cadre de leur propre contrat d'assurances (article 4-2).

Il convient de rappeler à ce sujet que, la plupart du temps, les agents commerciaux qui n'ont aucune existence autonome par rapport à leur mandant titulaire de la carte professionnelle, sont couverts par l'assurance de leur mandant lorsqu'ils travaillent pour son compte.

Le législateur a voulu dans l'intérêt de la protection du public que, désormais, les négociateurs immobiliers suivent une formation homologuée par décret, et que ceux qui n'ont pas la qualité de salarié ajoutent à cette obligation de formation une obligation d'assurances.

C - Les pouvoirs des agents commerciaux

Dans un précédent article (Les limites de l'intervention des négociateurs immobiliers ayant le statut d'agent commercial, Gaz. Pal., 24/25 février 2012, numéro 55 à 56), nous évoquions le statut spécifique des agents commerciaux et les limites de leurs interventions, lesquelles ne pouvaient concerner qu'un titulaire de la carte professionnelle transaction immobilière, à l'exclusion de tout autre mandant.

Dans le même article, nous évoquions le risque créé par les agents commerciaux exerçant leurs activités pour le compte d'une entreprise à vocation nationale, lesquels, sans aucune possibilité de surveillance de leurs activités par leur mandant éloigné du lieu de leur exercice professionnel, représentaient un risque pour le consommateur, leur compétence professionnelle n'étant ni surveillée ni garantie.

Nous évoquions à ce sujet la règlementation, des bureaux, succursales ou agences, en considérant que l'éloignement du titulaire de la carte professionnelle par rapport à son représentant agent commercial, faisait de ce dernier le responsable d'une succursale soumise à déclaration auprès de la préfecture en application de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970.

Il semblerait que le législateur nous ait donné raison puisqu'à côté des limitations de pouvoir déjà prévues par la règlementation en ce qui concerne la réception des fonds et les consultations juridiques et avant contrat, l'agent commercial se voit interdire la direction d'un établissement, d'une succursale, d'une agence ou d'un bureau.

Fort curieusement, le législateur prévoit que cette interdiction de direction d'une succursale ne serait pas applicable aux négociateurs qui se trouvaient habilités à le faire antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Cette disposition nous paraît devoir viser les négociateurs salariés à l'exclusion des agents commerciaux, lesquels ne peuvent en tant que travailleurs indépendants assurer la direction d'une succursale dans un état subordonné.

D - La nouvelle réglementation des mandats

L'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 se trouve modifié par une disposition précisant qu'en cas d'exclusivité conféré par le mandant, le mandataire devra insérer dans le mandat le détail des actions qu'il devra réaliser pour son accomplissement et les modalités suivant lesquelles il devra informer son mandant des actions réalisées pour son compte, le mandat devant également préciser la périodicité de ses informations.

Dans les mandats exclusifs figurent généralement une clause pénale sanctionnant le fait pour le mandant de traiter la vente de son bien pendant le cours de l'exclusivité soit directement soit avec le concours d'un tiers (article 6-1).

Le législateur a voulu modifier cette disposition en autorisant la présence d'une clause pénale mais en limitant ses effets à un montant maximum qui sera fixé par un décret d'application à paraître.

Ainsi, les prévisions du contrat ne feront plus la loi des parties, le montant des indemnités que pourra réclamer le mandataire étant limité dans leur montant, ce qui est de nature à faciliter les fraudes du mandant, lequel connaîtra par avance les dommages et intérêts dont il peut être redevable, le cas échéant, à l'égard de son mandataire.

E - Publicités des honoraires (article 6-1)

Toutes ces publicités devront comporter le montant TTC de la rémunération d'entremise à la charge de chacune des parties en précisant celles ou celui qui ont à la charge.

Pour les ventes, le montant de la rémunération doit être exprimé en pourcentage TTC du montant du prix demandé par le mandant et pour la location, la quote-part des honoraires TTC à la charge du locataire.

F - Limitation dans le temps des mandats (article 7)

Le mandat conféré à des fins non professionnelles à titre de mandat simple doit reproduire de manière lisible les dispositions du Code de la consommation concernant la possibilité de mettre fin à un contrat comportant une clause de tacite reconduction.

Pour les mandats exclusifs, le contrat doit reproduire de manière apparente les dispositions de l'article 78, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1972 permettant de mettre fin au mandat à tout moment passé trois mois à compter de sa signature en respectant un préavis de quinze jours. De ce fait, le mandataire ne peut pas résilier le mandat pendant le cours des trois mois fermes, et ne pourra le faire qu'au terme de ce délai de trois mois, ce qui portera au minimum la durée du mandat à trois mois (durée ferme) et quinze jours (préavis).

G - Liens capitalistiques et juridiques

Les professionnels doivent informer leurs clients des liens capitalistiques et juridiques qu'ils peuvent avoir avec des établissements bancaires, des sociétés financières ou même des entreprises pouvant intervenir au profit de leurs clients.

Il en va de même des liens de même nature qu'ils peuvent avoir avec les dirigeants des entreprises.

H - Les marchands de liste

L'article 6-II est modifié et prévoit que pour les marchands de liste bénéficiant d'une clause d'exclusivité fixant une période pendant laquelle le propriétaire ne peut vendre ou louer par l'intermédiaire d'un autre professionnel ou par lui-même, le mandat conféré doit prévoir les conditions de remboursement des sommes payées par le client lorsque la prestation fournie ne correspond pas à celle prévue dans le mandat.

Les conditions d'application seront précisées par décret.

I - Sanctions pénales et administratives

L'article 14 de la loi est complété pour prévoir une sanction pénale de six mois d'emprisonnement et une amende en cas d'infraction à une interdiction définitive ou temporaire d'exercer la profession.

Les articles 17-1 et 17-2 de la loi prévoient une amende administrative sanctionnant la mise en location d'un logement frappé d'un arrêt d'insalubrité ou de péril.

Une amende est également prévue pour l'agent commercial qui ne mentionnerait pas cette qualité dans les documents lors de son intervention et pour le titulaire de la carte professionnelle, le fait de passer une publicité sans respecter les prescriptions légales.

J - Les actes de vente portant sur un lot de copropriété

Il convient de noter que la loi "ALUR" devient immédiatement applicable pour la partie de cette loi ne faisant pas l'objet d'un délai d'application ou se trouvant dans l'attente d'un décret d'application.

Désormais, de nombreux documents devront être annexés aux avant-contrats et aux actes de vente définitifs portant sur la vente d'un lot de copropriété, ainsi qu'il est prévu par les articles L. 721-2 (N° Lexbase : L8844IZL) et L. 721-3 (N° Lexbase : L8843IZK) nouveaux du Code de la construction et de l'habitation.

Il est prévu à l'article L. 721-2 l'obligation d'annexer à la promesse de vente ou à défaut à l'acte authentique de vente, et ceci en sus des diagnostics techniques, les documents suivants, dans le souci de parfaitement informer l'acquéreur de l'état de l'immeuble et des obligations qui vont peser sur lui en application du règlement de copropriété.

Il s'agit de :

"1° En ce qui concerne les documents relatifs à l'organisation de l'immeuble
"a) La fiche synthétique de la copropriété prévue à l'article 8-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5536AG7) fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
"b) Le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s'ils ont été publiés ;
"c) Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, si le copropriétaire vendeur en dispose ;
"2° En ce qui concerne les documents relatifs à la situation financière de la copropriété et du copropriétaire vendeur
"a) Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ;
"b) Les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur ;
"c) L'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs (sauf lorsque le syndicat comporte moins de 10 lots et a un budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs, inférieur à 15 000 euros au sens du deuxième alinéa de l'article 14-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
"d) Lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d'un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot.
"3° Le carnet d'entretien de l'immeuble ;
"4° Une attestation comportant la mention de la superficie de la partie privative et de la surface habitable de ce lot ou de cette fraction de lot, prévues à l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
"5° Une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété. Un arrêté du ministre chargé du logement détermine le contenu de cette notice ;
"6° Le cas échéant, le diagnostic technique global prévu à l'article L. 731-1 (N° Lexbase : L8837IZC) et le plan pluriannuel de travaux prévu à l'article L. 731-2 (N° Lexbase : L8838IZD)".

Documents à annexer à court ou moyen terme :

A court ou moyen terme, d'autres documents devront être annexés à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente à savoir une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété devra être établie et annexée, dès que le ministre chargé du Logement aura pris l'arrêté pour en déterminer le contenu.

Au plus tôt trois mois après la promulgation de la loi "ALUR", devra être annexée une attestation comportant la mention de la superficie de la partie privative et de la surface habitable de ce lot ou de cette fraction de lot, prévues à l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. A cet égard, il faut signaler que la superficie de la partie privative et de la surface habitable seront définies par décret en Conseil d'Etat.

A compter du 31 décembre 2016, pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 200 lots, il conviendra d'annexer à la promesse et à défaut de promesse à l'acte authentique de vente : la fiche synthétique de la copropriété prévue à l'article 8-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 50 lots, la fiche synthétique devra être annexée à compter du 31 décembre 2017, et pour les autres syndicats de copropriétaires à compter du 31 décembre 2018.

A compter du 1er janvier 2017, le cas échéant, le diagnostic technique global prévu à l'article L. 731-1 et le plan pluriannuel de travaux prévu à l'article L. 731-2 seront à annexer.

Il convient de noter qu'aucune sanction spécifique n'est prévue en cas de documents manquants, telle que la nullité de l'engagement des parties mais, quand bien même la promesse de vente est effectivement conclue, le délai de rétractation ou de réflexion de l'acquéreur prévu par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC) ne commencera à courir qu'à compter du jour ou la totalité des documents aura été communiquée à ce dernier.

En l'état, les documents qui doivent être joints à la notification purgeant le délai de rétractation de l'acquéreur sont à ce jour :

- le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s'ils ont été publiés ;
- les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, si le copropriétaire vendeur en dispose ;
- les documents relatifs à la situation financière de la copropriété et du copropriétaire vendeur (le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ; les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur ; l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs ; lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d'un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot).

Etant précisé que lorsque le syndicat des copropriétaires relève de l'article 14-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (moins de 10 lots et un budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs inférieur à 15 000 euros), les documents prévus par les paragraphes b et c n'ont pas à être communiqués.

La loi est entrée en vigueur et s'applique donc à toutes les ventes ou avant-contrats conclus depuis sa promulgation.

Si une promesse de vente avait été conclue avant l'entrée en vigueur de la loi, l'acte authentique de vente qui réitèrera la promesse n'est pas soumis à ces nouvelles obligations dans la mesure où les exigences d'annexion de documents ne concerne que les ventes qui n'ont pas été précédées d'un avant-contrat.

Il en irait de même pour la notification d'un avant-contrat établi avant l'entrée en vigueur de la loi et faisant l'objet d'une notification à l'acquéreur postérieurement à sa promulgation.

Il restera à prouver la date certaine de l'acte signé antérieurement à la promulgation de la loi ce qui ne posera pas de problème pour les actes authentiques mais en posera un pour les actes sous seing privé n'ayant pas acquis date certaine, soit par l'enregistrement, soit d'autres manières.

Il apparaît donc aujourd'hui de nouvelles complications en ce qui concerne la stabilité des relations contractuelles à l'occasion de la signature d'un avant-contrat portant sur la vente d'un bien immobilier en copropriété.

Les annexes qui devront être notifiées à l'acquéreur, en plus de l'avant-contrat signé par les parties, aux fins de purger son droit de rétractation sont nombreuses et volumineuses si l'on se réfère au poids du règlement de copropriété de l'immeuble et ses éventuels modificatifs.

Il convient également de craindre l'inertie du syndic gestionnaire ou même sa carence pour la production des documents.

Les sources de responsabilité pour les rédacteurs d'actes, vont être alimentées par de nombreux litiges tenant notamment à des retards d'exécution des promesses, ou leur rétractation par l'acquéreur, en raison de l'insuffisance des documents qui lui ont été notifiés.

Ces nouvelles dispositions s'ajoutant aux dispositifs de protection des emprunteurs immobiliers sans compter les droits de préemption, vont retarder la conclusion des ventes immobilières.

En ce qui concerne les droits de préemption, les nouvelles dispositions de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 (N° Lexbase : L6321G9Y), prévoient que, lors de la première vente d'un lot après la mise en copropriété de l'immeuble, le locataire ou l'occupant de bonne foi renonçant à acquérir l'appartement qu'il occupe au prix offert, le propriétaire devra désormais notifier à la commune les prix et conditions de la vente proposée, pour permettre à cette dernière d'exercer le nouveau droit de préemption qui lui est reconnu, dans les conditions prévues par le Code de l'urbanisme dans ses articles L. 211-1 et suivants (N° Lexbase : L3035IDR).

De ce fait, la première vente d'un lot de copropriété sera soumise à un délai de préemption du locataire de quatre mois s'il demande un crédit, suivi, s'il n'achète pas, d'une notification à la commune ajoutant un nouveau délai de préemption au profit de cette dernière d'une durée de deux mois, soit au total, plus de sept mois au moins, avant de pouvoir consentir une vente portant sur la première vente d'un lot de copropriété.

Conclusion

La partie la plus étonnante de cette nouvelle règlementation des professions immobilières porte sur l'exigence d'une déontologie exclusive et particulière à la transaction immobilière et à l'administration de biens.

Cette déontologie particulière nous paraît surprenante alors que la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972, nous semblent constituer un corps de règlementation suffisant pour la protection des professionnels et du public.

Les pouvoirs publics ont cédé à la pression des groupements immobiliers pour accepter la création d'un ordre virtuel des professions immobilières pouvant expliquer la prise d'une règlementation déontologique sanctionnée par un organe professionnel dédié sous la surveillance des juridictions administratives.

Ces dispositions d'exception semblent inhabituelles alors que l'entrée dans la profession fait l'objet d'un examen corporatiste de même que l'exercice de la profession et les condamnations sanctionnant les fautes.

Le remplacement des préfets par les présidents des chambres de commerce pour la délivrance des cartes professionnelles ne peut rassurer et donner aux professionnels le sentiment d'une impartialité garantie.

Enfin, un nouveau chemin de croix sera parcouru par les professionnels lors de la vente d'un lot de copropriété, avec de nombreuses stations chez les tiers pour recueillir la masse des documents qui devront être annexés à l'avant-contrat ou à l'acte de vente.

Il convient d'espérer que leurs souffrances seront récompensées autrement que par des sanctions disciplinaires sous le contrôle des juridictions administratives.


(1) Pour une présentation des autres dispositions de la loi "ALUR" du 24 mars 2014, relatives notamment aux baux d'habitation et à la copropriété, cf. Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Lagarde Bothorel & Associés - Avril 2014 - Loi "ALUR" : quels changements pour les baux d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 ?, Lexbase Hebdo n° 565 du 3 avril 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1672BUH) ; Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Lagarde Bothorel & Associés - Avril 2014 - Loi "ALUR" : quels impacts sur les locations meublées constituant la résidence principale du locataire ?, Lexbase Hebdo n° 566 du 10 avril 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1764BUU) ; et les bulletins à venir.

newsid:441712

Avocats/Procédure

[Brèves] Convention locale régissant la communication électronique entre les juridictions et l'Ordre des avocats à Marseille : intervention forcée du CNB recevable, procédure au fond fixée au 23 mai 2014

Réf. : CA Aix-en-Provence, 27 mars 2014, deux arrêts, n° 12/20688 (N° Lexbase : A0714MIB) et n° 13/02342 (N° Lexbase : A1207MIK)

Lecture: 2 min

N1598BUQ

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Le 10 Avril 2014

Est renvoyée à une audience du 23 mai 2014 la procédure sur le fond portant sur la contestation de la convention locale régissant la communication électronique entre le tribunal de grande instance de Marseille et l'Ordre des avocats du barreau de Marseille. Dans un arrêt rendu le 27 mars 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 27 mars 2014, n° 12/20688 N° Lexbase : A0714MIB ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9310ETY) déclare recevable le recours contre la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Marseille en date du 12 juin 2012 ayant autorisé le Bâtonnier à signer une convention locale régissant le protocole de communication électronique avec signer avec les autorités judiciaires locales à Marseille ; la procédure de recours ayant été respectée. En revanche, l'appréciation du point de savoir si cette délibération est ou non de nature à léser les intérêts professionnels de l'avocat plaignant relève du fond du débat et non du simple examen de la recevabilité du recours. Par ailleurs, les juges aixois déclarent l'intervention forcée du Conseil national des barreaux recevable. Même si le CNB n'était pas partie à cette convention locale, dans la mesure où elle est l'application d'une convention nationale qu'elle a signée avec le ministère de la Justice, dans la mesure où le Conseil national des barreaux a connu au niveau national de la procédure suivie pour la convention nationale, la présence du CNB à l'instance est nécessaire à la solution du litige. Et, si le CNB se prévaut des articles 554 (N° Lexbase : L6705H7H) et 555 (N° Lexbase : L6706H7I) du Code de procédure civile pour voir dire qu'il ne pouvait être appelé en intervention forcée pour la première fois en cause d'appel, la première instance juridictionnelle en cette matière se déroule devant la cour d'appel. Dès lors les articles 554 et 555 du Code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer en cette instance. L'intervention forcée du CNB est donc bien recevable. Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité ayant trait au point de savoir si la délibération du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Marseille du 12 juin 2012 porte ou non atteinte aux intérêts de l'avocat plaignant, mettant indirectement en cause l'existence même de la profession d'avocat et revenant à douter de la légitimité de l'organisation de la profession d'avocat, ne peut être considérée comme sérieuse. Il n'y a pas lieu à la transmettre à la Cour de cassation. Telle est la portée d'un arrêt rendu par la même cour le même jour (CA Aix-en-Provence, 27 mars 2014, n° 13/02342 N° Lexbase : A1207MIK).

newsid:441598

Avocats/Procédure

[Brèves] Un arrêt de cour d'appel n'est pas une correspondance protégée par le principe de confidentialité !

Réf. : CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 27 mars 2014, n° S 11/11951 (N° Lexbase : A0740MIA)

Lecture: 1 min

N1600BUS

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Le 12 Avril 2014

Ne constitue pas une atteinte au principe de la confidentialité des correspondances entre l'avocat et son client et ne doit pas être déclaré irrecevable le document reproduisant un arrêt de cour d'appel portant sur un autre litige et faisant état d'un courrier de l'avocat informant son client sur ses droits et le conseillant sur les conduites possibles à tenir dans le cadre d'un litige prud'homal. Les décisions de justice, tels les arrêts de cour d'appel statuant sur recours de sentences arbitrales rendue par les Bâtonniers d'Ordre des avocats, peuvent légitimement faire état des échanges qui leur sont soumis, entre un avocat et son client, de tels arrêts étant, en outre, rendus publiquement. Et, la pièce en cause ne constitue pas une consultation ou une correspondance échangée entre un avocat et son client, mais bien un arrêt ayant statué publiquement. Elle ne peut être déclarée, en l'espèce, irrecevable ni à raison des conditions de sa communication, ni parce qu'elle aurait été obtenue par un moyen contraire au principe de loyauté. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 27 mars 2014 (CA Paris, Pôle 6, 5ème ch., 27 mars 2014, n° S 11/11951 N° Lexbase : A0740MIA ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6625ETK).

newsid:441600

Bancaire

[Brèves] Lettre de change : application de la présomption de provision à l'avaliste

Réf. : Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-16.902, FS-P+B (N° Lexbase : A6291MIT)

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N1728BUK

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Le 10 Avril 2014

Il résulte de la combinaison des articles L. 511-7, alinéa 4 (N° Lexbase : L6660AII), et L. 511-21, alinéa 7 (N° Lexbase : L6674AIZ), du Code de commerce que l'avaliste d'une lettre de change, tenu de la même manière que celui qu'il garantit, peut se voir opposer la présomption de provision qui s'attache à l'acceptation. Pour combattre cette présomption, il lui incombe, comme au tiré accepteur, d'établir le défaut de provision. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er avril 2014 (Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-16.902, FS-P+B N° Lexbase : A6291MIT). En l'espèce une société (le tireur) a tiré une lettre de change sur une autre société (le tiré) qui l'a acceptée. Le gérant de cette dernière a avalisé cette lettre de change. Le tireur a assigné l'avaliste en paiement. Pour rejeter cette demande, la cour d'appel de Lyon, après avoir énoncé que la présomption de provision résultant de l'article L. 511-7, alinéa 4, du Code de commerce ne s'applique que dans les rapports entre le tiré accepteur et le tireur, retient que le tireur ne rapporte pas la preuve d'une provision à l'échéance de la lettre de change. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 511-7, alinéa 4, et L. 511-21, alinéa 7, du Code de commerce : en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ces textes (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E5609AUB).

newsid:441728

Contrats administratifs

[Jurisprudence] Tous les tiers potentiellement lésés par un contrat administratif peuvent désormais contester sa validité

Réf. : CE, Ass., 4 avril 2014, n° 358994, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6449MIP)

Lecture: 10 min

N1742BU3

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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup-Werthe

Le 10 Avril 2014

Le Conseil d'Etat vient d'effectuer, dans un arrêt rendu le 4 avril 2014, un important et attendu revirement de jurisprudence en décidant que, désormais, tous les tiers susceptibles d'être lésés par un contrat administratif peuvent en contester la validité. Il y a plus d'un siècle, le 4 août 1905, le Conseil d'Etat avait rendu l'arrêt "Martin" (1) selon lequel seules les parties à un contrat pouvaient contester sa validité devant le juge administratif. Quant aux tiers, ils ne pouvaient contester que les actes dits détachables du contrat, c'est-à-dire ceux qui l'ont préparé et rendu possible, comme, par exemple, la délibération ayant autorisé l'exécutif à signer le contrat en cause. La volonté du Conseil d'Etat était alors de préserver la stabilité des relations contractuelles. Il semblait exclu que des tiers puissent faire anéantir des contrats en cours d'exécution. Il s'en est suivi plus d'un siècle de contentieux des actes détachables qui aboutissait à des situations pour le moins peu satisfaisantes puisque le juge administratif pouvait annuler l'acte détachable d'un contrat, ayant permis son existence, mais, sauf pour les parties à saisir elles-mêmes le juge du contrat, ce dernier continuait à être exécuté. Afin de tenter de remédier à cette situation, dans son arrêt de section du 7 octobre 1994 "Epoux Lopez" (2), le Conseil d'Etat a indiqué que le juge pouvait enjoindre aux parties, le cas échéant sous astreinte, de saisir le juge du contrat pour qu'il tire les conséquences de cette annulation.

La jurisprudence "Martin" s'est peu à peu fissurée, le juge permettant à un tiers de former directement un recours à l'encontre d'un contrat administratif. Tout d'abord, les articles L. 2131-2 (N° Lexbase : L5098ISM) et L. 2131-6 (N° Lexbase : L8661AAZ) du Code général des collectivités territoriales permettent au préfet de former un déféré à l'encontre de contrats afin que ceux-ci soient annulés, ce qui constitue depuis 2011 un contentieux de pleine juridiction (3). Ensuite, le Conseil d'Etat, dans son arrêt d'Assemblée du 10 juillet 1996 "Cayzele" (4), a permis aux tiers de demander l'annulation des clauses réglementaires contenues dans les contrats administratifs. Deux ans plus tard, dans un arrêt de section du 30 octobre 1998 "Commune de Lisieux" (5), la Haute juridiction administrative allait juger que les tiers peuvent également contester la validité des contrats procédant au recrutement d'agents.

Mais c'est par son arrêt d'Assemblée du 16 juillet 2007 "Société Tropic Travaux signalisation" (6), que le Conseil d'Etat allait véritablement faire vaciller la jurisprudence "Martin" en lui apportant une exception de taille, compte tenu du nombre très important de contrats susceptibles d'être visés. En effet, par cet arrêt, le Conseil d'Etat permet à tous les candidats évincés à l'issue d'une procédure de mise en concurrence préalable à la signature de contrats relatifs à l'achat public, de contester la validité du marché conclu.

Comme l'a indiqué le rapporteur public Bertrand Da Costa dans ses conclusions sur l'arrêt rapporté, l'on peut considérer que l'arrêt "Tropic" s'était arrêté en chemin et qu'il convenait d'envisager que tous les tiers puissent disposer d'une voie de recours directe contre les contrats administratifs. Les conclusions du rapporteur public ont été parfaitement suivies par le Conseil d'Etat qui décide donc dans l'arrêt commenté que "tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles".

Dans le cadre d'une analyse "à chaud" de cet arrêt, il convient d'examiner les modalités de contestation de la validité d'un contrat administratif par un tiers (I) avant de voir les pouvoirs du juge dans le cadre d'une telle contestation (II).

I - Les modalités de contestation de la validité d'un contrat administratif par un tiers

Afin d'appréhender pleinement le nouvel état du droit sur la question, il convient de présenter tous les tiers qui sont susceptibles d'agir (A), ainsi que les moyens susceptibles d'être soulevés à l'encontre d'un contrat administratif (B).

A - Les tiers susceptibles d'agir

Tous les candidats évincés à l'issue d'une procédure de mise en concurrence continuent, bien évidemment, à pouvoir contester la validité du contrat conclu, étant rappelé que ce recours est ouvert à toute personne qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, même celle qui "n'aurait pas présenté sa candidature [ou qui] n'aurait pas été admis à présenter une offre [ou qui] aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable" (7).

L'autorité préfectorale continue également à pouvoir contester la validité des contrats administratifs. A ce sujet, comme cela sera indiqué infra, l'action que peut entreprendre le représentant de l'Etat est précisée dans l'arrêt rapporté. Ce même arrêt ouvre la contestation de la validité des contrats "aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernées". Comme pour le préfet, le Conseil d'Etat est venu préciser les caractéristiques spécifiques du recours ouvert à tous les membres des organes délibérant qui s'alignent sur le régime du déféré préfectoral (8).

Enfin, ce sont tous les autres tiers "susceptibles d'être lésés dans [leurs] intérêts de façon suffisamment directe et certaine" qui peuvent contester la validité des contrats administratifs. L'on se doute que cette notion de lésion directe et certaine donnera lieu à de nombreux contentieux et devra nécessairement être précisée par les juridictions administratives.

Mais l'on retrouve à ce propos un standard juridique déjà utilisé par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 11 mai 2011 "Société Lyonnaise des Eaux France" (9). En effet, il avait jugé dans cet arrêt qu'un recours dirigé contre un acte détachable n'est recevable que si les stipulations du contrat en cause sont de nature à léser le requérant dans ses intérêts, de façon suffisamment directe et certaine. Le contentieux des actes détachables donne encore une autre illustration de ce qui pourra constituer une lésion directe et certaine d'un intérêt avec l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 18 novembre 2011 "SNC Eiffage Aménagement" (10), dans lequel les juges administratifs ont jugé que le voisin d'une zone d'aménagement concertée a intérêt à demander l'annulation d'un acte détachable de la concession d'aménagement en cause.

A côté de cette possibilité de contester la validité des contrats administratifs devant le juge du plein contentieux (ce qui exige la représentation par ministère d'avocat en application de l'article R. 431-2 du Code de justice administrative N° Lexbase : L0389ITL), les tiers ont encore la possibilité de demander l'annulation des clauses réglementaires des contrats, en application de la jurisprudence "Cayzele" précitée.

En effet, dans son arrêt du 4 avril 2014, le Conseil d'Etat a pris soin de préciser que la contestation par les tiers peut être entreprise indépendamment "des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat". Le Conseil d'Etat a également précisé que le référé contractuel n'est nullement remis en cause par cette jurisprudence, ce qui était, au demeurant, impossible puisque le référé contractuel a été institué par l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), en transposition d'une Directive européenne (Directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 N° Lexbase : L7337H37).

Enfin, les tiers susceptibles d'agir en contestation de la validité du contrat doivent le faire "dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées", "y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics". Cela paraît signifier que, si aucune mesure de publicité appropriée n'a été accomplie, par exemple parce qu'elle ne s'imposait pas (ce qui est le cas des marchés ayant fait l'objet d'une procédure adaptée), la contestation du contrat peut intervenir tant que le contrat est en cours d'exécution. Cela peut paraître excessif d'autant que, outre les marchés à procédure adaptée, de nombreux contrats n'ont pas à faire l'objet d'une mesure de publicité appropriée, comme par exemple les conventions d'occupation du domaine public.

Il y a là potentiellement une source d'insécurité juridique à propos de laquelle le Conseil d'Etat devra sans doute se prononcer dans un proche avenir.

B - Les moyens susceptibles d'être soulevés

Le Conseil d'Etat distingue des moyens différents en fonction de la nature du requérant.

Ainsi, l'arrêt commenté prévoit que le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que les membres des organes délibérants "peuvent invoquer tous moyens à l'appui du recours ainsi défini", alors que les autres tiers "ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office". Si les moyens devant être soulevés d'office par les juridictions peuvent être déterminés, il est évidemment beaucoup plus subjectif d'analyser ceux que peuvent être des vices en rapport direct avec l'intérêt visé. C'est également un point sur lequel une abondante jurisprudence devrait voir le jour.

Toujours à propos de cette distinction, l'on comprend la volonté du Conseil d'Etat de limiter le contentieux en ne permettant pas à tous les requérants d'invoquer des moyens qui seraient sans lien avec l'intérêt qui est le leur, alors que les membres des organes délibérants pourront veiller à l'intérêt général porté par la collectivité dont ils sont élus, de même que le préfet dans le cadre habituel du contrôle de légalité.

Ensuite, les moyens soulevés par l'ensemble des tiers, quels qu'ils soient, pourront être dirigés à l'encontre du contrat pris dans son ensemble ou certaines de ses clauses mais, également, à l'encontre de "la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer", ce qui constituaient des actes détachables avant le revirement de jurisprudence faisant l'objet du présent commentaire. Ce n'est donc pas uniquement la légalité du contrat qui sera appréciée mais, également, tout ce qui aura permis sa conclusion.

A ce propos, le Conseil d'Etat laisse subsister un léger contentieux de l'acte détachable uniquement au profit du préfet dans le cadre de son contrôle de légalité, puisque ce dernier restera "recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat". Mais le Conseil d'Etat précise qu'à compter de la date de conclusion du contrat, "les contrats déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet".

II - Les pouvoirs du juge dans le cadre de la contestation de la validité d'un contrat administratif par un tiers

Le juge administratif, dans le cadre du recours des tiers en contestation de validité d'un contrat administratif, se voit doter d'une palette de pouvoirs, qui va de la poursuite pure et simple du contrat jusqu'à son annulation (A). Il a également la possibilité de prononcer une condamnation à indemniser le préjudice causé (B). Il faut ajouter qu'il peut être également saisi d'une requête en référé suspension (C).

A - De la poursuite pure et simple du contrat à son annulation

Le juge administratif peut, "après avoir pris en considération la nature des vices invoqués" :

- soit décider que la poursuite du contrat est possible dans l'hypothèse où le vice serait d'une faible importance ;
- soit inviter les parties à régulariser le contrat dans un délai imparti ;
- soit résilier le contrat, éventuellement avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;
- soit annuler, totalement ou partiellement, le contrat s'il est affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité qu'il doit relever d'office.

Ce sont donc en partie les principes posés par le Conseil d'Etat dans son arrêt "Société Ophrys" du 21 février 2011 (11) qui sont repris. La possibilité donnée à tout tiers potentiellement lésé de contester la validité d'un contrat administratif ne conduira donc pas nécessairement, loin s'en faut, à l'anéantissement du contrat si une illégalité est constatée.

B - La condamnation à indemniser le préjudice causé

C'est un aspect important du pouvoir du juge dans le cadre des recours "Tropic", puisque les candidats irrégulièrement évincés ont la possibilité de demander à être indemnisés de leur manque à gagner s'ils parviennent à démontrer qu'ils avaient des chances sérieuses de remporter le marché en cause (12).

Dans le cadre des nouveaux contrats administratifs dont la validité pourra être contestée par des tiers en application de l'arrêt rapporté, on peut penser que les riverains d'opération d'aménagement ou encore les riverains d'occupation privative du domaine public pourront avoir intérêt à solliciter une indemnisation du préjudice qui leur a été éventuellement causé par la conclusion irrégulière des contrats en cause (troubles divers du voisinage dont le bruit par exemple).

C - Le référé suspension

Le recours de plein contentieux qu'un tiers pourra diligenter à l'encontre de la validité d'un contrat administratif pourra être accompagné d'une requête en référé suspension (CJA, art. L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS) dans le cadre de laquelle, classiquement, le requérant devra démontrer, d'une part, la présence d'au moins un doute sérieux quant à la légalité du contrat et, d'autre part, l'urgence à suspendre l'exécution de ce dernier. L'on sait que dans le cadre de la jurisprudence "Tropic", les juges administratifs sont très réticents à considérer qu'il y a urgence à suspendre l'exécution d'un contrat déjà conclu.

Il est probable que cette conception restrictive du référé suspension soit poursuivie dans le cadre du recours que tout type de tiers pourra diligenter contre les contrats administratifs pris dans leur ensemble. Pourtant, dans l'objectif désormais clairement affirmé de sécurité juridique, il peut paraître préférable qu'un contrat soit suspendu rapidement plutôt que de produire ses premiers effets puis, éventuellement, de se voir résilier.

En conclusion, ce nouveau recours ouvert à tous les tiers afin de contester la validité des contrats administratifs peut être exercé à l'encontre des contrats signés à compter de la date de lecture de l'arrêt commenté, à savoir le 4 avril 2014. Depuis cette date, tous les contrats peuvent donc être contestés par tous les tiers, à condition que ceux qui ne sont ni préfet, ni membre d'un organe délibérant, aient un intérêt direct et certain à le faire.

De manière générale, l'on constate que le Conseil d'Etat a opéré un revirement attendu, de façon très pédagogique, comme il a pris l'habitude de le faire. De la sorte, il met fin à la jurisprudence "Martin" qui était un anachronisme ayant trop duré, puisque si en 1905, les contrats administratifs étaient relativement peu nombreux (c'est l'acte administratif unilatéral qui était le mode d'action privilégié des administrations), tel n'est plus du tout le cas aujourd'hui, les contrats administratifs étant extrêmement nombreux. Il est donc normal qu'ils puissent faire l'objet d'un important contrôle du juge administratif et que celui-ci puisse être saisi à propos de leur validité par tous les tiers dont l'intérêt est susceptible d'être lésé de manière directe et certaine.


(1) CE, 4 août 1905, n° 14220, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2989B7T).
(2) CE, Sect., 7 octobre 1994, n° 124244, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3055ASX).
(3) CE 2° et 7° s-s-r., 23 décembre 2011, publiés au recueil Lebon, n° 348647 (N° Lexbase : A8248H8Y).
(4) CE, Ass., 10 juillet 1996, n° 138536, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0215APN).
(5) CE, Sect., 30 octobre 1998, n° 149662, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8279ASG).
(6) CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4715DXW).
(7) CE, Avis, 11 avril 2012, n° 355446, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4131IIT).
(8) Voir infra.
(9) CE 2° et 7° s-s-r., 11 mai 2011, n° 331153, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8733HQI).
(10) CE 2° et 7° s-s-r., 18 novembre 2011, n° 346257, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9303HZL).
(11) CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7022GZ4).
(12) En fonction des critères posés par l'arrêt : CE 7° et 5° s-s-r., 18 juin 2003, n° 249630, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8725C8N).

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Durée du travail

[Brèves] Affaire Sephora : les conditions relatives au travail de nuit jugées conformes à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH)

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N1697BUE

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Le 11 Avril 2014

Saisi par la Cour de cassation le 8 janvier 2014 (Cass. soc., 8 janvier 2014, deux arrêts, n° 13-24.851, arrêt n° 232 N° Lexbase : A8473KTY et n° 13-24.851, arrêt n° 233 N° Lexbase : A2002KTC) FS-P+B) d'une QPC posée par la société Sephora, le Conseil constitutionnel a déclaré, dans une décision du 4 avril 2014, les articles L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122-36 (N° Lexbase : L0392H9E) du Code du travail, relatifs aux conditions d'autorisation du travail de nuit, conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit (Cons. Const., décision n° 2014-373, QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4067MIH).
En l'espèce, la société requérante soutenait que ces dispositions étaient contraires à la Constitution et notamment à la liberté d'entreprendre.
Pour déclarer ces dispositions conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel rappelle que l'article L. 3122-32 pose le principe selon lequel "le recours au travail de nuit est exceptionnel". Il précise, d'une part, que le recours au travail de nuit prend "en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs" et, d'autre part, qu'il doit être "justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale". Il rappelle, également, qu'en vertu de l'article L. 3122-33, "à défaut de convention ou d'accord collectif de travail [qui doit comporter les justifications au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-32] et à condition que l'employeur ait engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord", l'article L. 3122-36 du même code prévoit que "les travailleurs peuvent être affectés à des postes de nuit sur autorisation de l'inspecteur du travail" moyennant des contreparties vérifiées.
En déclarant ces dispositions conformes à la liberté d'entreprendre, le Conseil constitutionnel s'inscrit dans la lignée de sa jurisprudence antérieure relative au travail dominical (voir notamment décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, relative à une loi sur le travail le dimanche N° Lexbase : A2113EKH). En effet, il relève qu'en prévoyant que le recours au travail de nuit est exceptionnel et doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, le législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, a opéré une conciliation, qui n'est pas manifestement déséquilibrée, entre la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1368A9K), et les exigences tant du dixième alinéa, que du onzième alinéa du Préambule de 1946 (N° Lexbase : L1356A94), sur la protection de la santé et le repos (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0575ETH, N° Lexbase : E0576ETI et N° Lexbase : E0588ETX).

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Avril 2014

Lecture: 15 min

N1709BUT

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Entreprises en difficulté"

Le 10 Avril 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Directeur scientifique de l’Ouvrage "Entreprises en difficulté",retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, l'auteur a choisi de s'arrêter, tout d'abord, sur un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mars 2014, promis aux honneurs du Bulletin, qui pose comme principe que les dispositions de l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce ne permettent pas de déroger à la clause du contrat de crédit-bail fixant la durée de location à l'expiration de laquelle le preneur a la faculté d'exercer l'option d'achat (Cass. com., 18 mars 2014, n° 12-27.297, FS-P+B). Le Professeur Le Corre revient, ensuite, sur l'inconstitutionnalité des saisines d'offices à travers les deux dernières décisions du Conseil constitutionnel rendues sur cette question le 7 mars 2014 (Cons. const., 7 mars 2014, deux décisions, n° 2013-368 QPC et décision n° 2013-372 QPC).

On se souvient -du moins les plus anciens d'entre nous et au surplus dotés d'une bonne mémoire-, que la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR) était restée muette sur la question de levée d'option d'achat d'un contrat de crédit arrivant à terme pendant la procédure collective. La problématique est la suivante. Pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, en application des clauses de style de ce type de conventions, toutes les obligations du crédit-preneur doivent être exécutées. Mais, si des loyers sont restés impayés avant le jugement d'ouverture, voire une fraction de loyer -celui à cheval entre une période antérieure et une période postérieure au jugement d'ouverture-, il faut les payer. Oui, mais voilà ! Ces loyers, qui correspondent à une jouissance procurée avant le jugement d'ouverture, font naître des créances antérieures, que le législateur interdit au débiteur de payer, à peine de nullité des paiements et même de sanctions pénales. Tout apparaît dès lors bloqué.

Pour sortir de cette impasse, la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7) est intervenue pour régler deux questions : celle de levée d'option d'achat du crédit-bail pendant l'exécution d'un plan de continuation et celle de cette même levée pendant l'exécution d'un plan de cession. En revanche, la loi était restée muette sur la levée d'option d'achat en période d'observation et en phase de liquidation judiciaire. Un arrêt remarqué, rendu sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, dans la rédaction que lui avait donnée la loi du 10 juin 1994, avait énoncé que "la faculté prévue à l'article L. 621-122, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6974AI7), d'interprétation stricte en ce qu'il déroge à l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture, ne permet pas de s'opposer à la restitution du bien, objet d'un contrat de crédit-bail, en payant les échéances antérieures au jugement d'ouverture restées impayées" (1). Ainsi, apparaissait-il impossible à un liquidateur de lever l'option d'achat faute de pouvoir être autorisé par le juge-commissaire à payer une créance antérieure à cette fin. En somme, avait été posé le caractère strict des exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures.

L'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), à l'invitation très claire de la doctrine (2), avait apporté une nouvelle exception à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, non seulement en période d'observation, mais encore, en situation de liquidation judiciaire. L'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3500ICM) prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le liquidateur ou l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, à payer des créances antérieures au jugement "lorsque le paiement à intervenir est d'un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat, pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail". C'est le texte qui nous intéresse pour comprendre la solution ici adoptée par la Cour de cassation.

En l'espèce, le liquidateur d'un crédit-preneur avait été mis en demeure d'avoir à opter sur la continuation du contrat de crédit-bail. Il avait répondu dans le délai légal qu'il souhaitait lever l'option d'achat du contrat. Il entendait ainsi faire échec à la demande en restitution du crédit-bailleur, en se fondant sur l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce, malgré les stipulations du contrat de crédit-bail, prévoyant une possibilité de lever l'option d'achat au terme du contrat.

La cour d'appel d'Orléans (CA Orléans, 11 octobre 2012, n° 12/00469 N° Lexbase : A2987IU8) avait accepté la prétention du liquidateur en considérant que "les clauses des deux contrats subordonnant l'exercice de l'option d'achat au préalable du respect de toutes les obligations incombant au locataire, dont celle d'un paiement intégral des loyers à bonne date, ne peuvent faire échec à ce texte d'ordre public [l'article L. 641-3, alinéa 2], et le juge-commissaire a autorisé à bon droit le liquidateur à exercer par anticipation l'option d'achat en réglant l'intégralité du solde restant dû au crédit-bailleur [...]".

Le crédit-bailleur reprochait à la cour d'appel d'avoir occulté la coordination qui lui semblait indispensable à faire entre la question de levée d'option en liquidation judiciaire et les règles de continuation des contrats en cours.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le liquidateur pouvait lever l'option d'achat du contrat de crédit-bail en faisant totale abstraction des règles de la continuation des contrats en cours.

A cette question, la Cour de cassation va, au visa des articles L. 641-3, alinéa 2, et L. 641-11-1 (N° Lexbase : L3298IC7) du Code de commerce, et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), répondre par la négative et casser l'arrêt de la cour d'appel, dans une décision qui se veut clairement de principe : "attendu que les dispositions du premier de ces textes ne permettent pas de déroger à la clause du contrat de crédit-bail fixant la durée de location à l'expiration de laquelle le preneur a la faculté d'exercer l'option d'achat".

L'alinéa 2 de l'article L. 641-3 du Code de commerce reprend, en liquidation judiciaire, deux exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures. En période d'observation, il existe une troisième exception : celle du paiement des créances antérieures pour obtenir le retour, dans le patrimoine du débiteur, de biens transférés dans un patrimoine fiduciaire (C. com., art. L. 622-7, II, al. 2 N° Lexbase : L3389ICI).

Plusieurs justifications ont conduit le législateur à réécrire, pour la liquidation judiciaire, les exceptions à l'interdiction du paiement des créances antérieures.

La première tient au fait que le législateur n'a pas voulu permettre de bloquer le jeu de la fiducie-sûreté en liquidation judiciaire en autorisant le paiement du bénéficiaire par le constituant. Il supprime donc en liquidation judiciaire cette troisième exception.

La seconde justification de la réécriture spécifique en liquidation judiciaire des exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures tient aux exigences du retrait du gage ou de la chose retenue et de la levée d'option d'achat du crédit-bail, qui ne sont pas les mêmes selon que l'on se trouve en période d'observation ou en liquidation judiciaire.

En période d'observation, le retrait du gage ou de la chose retenue doit être justifié par la poursuite d'activité. Cette exigence n'est pas posée en liquidation judiciaire, l'objectif de cette dernière n'étant pas orienté vers le sauvetage de l'entreprise et, par voie de conséquence, vers la poursuite de l'activité.

La même observation peut être faite en ce qui concerne la levée d'option d'achat, l'article L. 622-7, II, alinéa 2, du Code de commerce exigeant que le paiement destiné à permettre la levée d'option d'achat soit justifié par la poursuite de l'activité.

Mais, même si le législateur a cru bon de consacrer un texte particulier en liquidation judiciaire au retrait de la chose retenue ou gagée et à la levée d'option d'achat, la ratio legis de l'article L. 622-7, II, alinéa 2, et celle de l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce est exactement la même : dans les deux cas, les textes ne peuvent être interprétés que comme des exceptions à la règle de l'interdiction des paiements. On comprend dès lors pourquoi le législateur a placé dans le même alinéa les deux hypothèses : celle du retrait du gage ou de la chose retenue contre paiement de la créance antérieure et celle de la levée d'option d'achat du crédit-bail rendue possible par l'autorisation que va donner le juge-commissaire au liquidateur de payer la créance antérieure.

Nous avons ainsi résumé l'apport de l'ordonnance du 18 décembre 2008 en la matière, lorsqu'elle a introduit une novelle exception à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures : "la solution posée par la législation a directement pour objet de contrecarrer la solution de la Cour de cassation, refusant le droit de lever l'option d'achat d'un crédit-bail, lorsque des loyers antérieurs au jugement d'ouverture sont restés impayés, au motif de l'interdiction du paiement des créances antérieures, qui s'impose aux organes de la procédure, comme elle s'impose au débiteur" (3).

Ainsi, de toute évidence, l'alinéa 2 de l'article L. 641-3 du Code de commerce est un texte emportant dérogation à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures. Il est sans rapport aucun avec la règle de la continuation des contrats en cours, qu'il ne tient donc pas en échec, contrairement à la prétention du liquidateur.

Puisque l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce ne présente aucun lien avec les règles de la continuation des contrats en cours, celles-ci ne peuvent se trouver contrariées par cette disposition.

La première conséquence de la combinaison des règles d'ordre public de la continuation des contrats et de celles relatives à la levée d'option d'achat du contrat de crédit-bail tient au nécessaire respect de l'article L. 641-11-1 du Code de commerce. En application du II de cette disposition, "le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur".

Le III du même article prévoit que le contrat est résilié de plein droit : "2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II". Cela signifie donc que le liquidateur, qui décide de continuer un contrat en cours, doit payer les loyers du crédit-bail selon les stipulations contractuelles, à défaut de quoi le contrat est résilié de plein droit.

En l'espèce, le liquidateur, mis en demeure d'avoir à opter sur la continuation du contrat, a, à l'intérieur du délai qui lui était imparti, répondu qu'il entendait lever l'option d'achat, ce qui, selon son analyse, vaut option tacite pour la continuation du contrat.

Le liquidateur ayant ainsi, selon sa propre analyse, opté pour la continuation du contrat, doit se soumettre aux règles de la continuation des contrats en cours.

Faute de l'avoir fait, il a encouru, au premier impayé, faute pour le cocontractant de lui avoir accordé de délais de paiement, la résiliation du contrat. Il ne peut donc prétendre ensuite lever l'option d'achat du contrat qui est résilié de plein droit.

En application du contrat de crédit-bail, la levée d'option d'achat ne peut intervenir qu'au terme du contrat. Le contrat ne prévoit aucune levée d'option d'achat anticipée.

Puisque le contrat en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective doit être continué selon les dispositions contractuelles, le locataire ne peut, pas plus qu'il ne l'aurait pu en dehors d'une procédure collective, lever l'option d'achat par anticipation.

Le liquidateur, qui représente le locataire, débiteur dessaisi, n'a pas plus de droit que lui.

Ainsi, il faut d'abord continuer le contrat en cours, dans le respect des conditions contractuelles, pour pouvoir parvenir au terme du contrat. La continuation du contrat est une condition de l'ouverture de la levée d'option d'achat. Au terme du contrat, et à cette date seulement, pourra se poser la question de la levée d'option d'achat pour le liquidateur, représentant le débiteur dessaisi, comme elle aurait pu se poser pour le locataire in bonis.

En application des règles de l'article L. 641-11-1 du Code de commerce, le contrat primitivement continué s'est ensuite trouvé résilié de plein droit, faute de paiement à bonne date des loyers correspondant à la jouissance procurée après le jugement d'ouverture.

La résiliation de plein droit du contrat, en vertu de l'article L. 641-11-1, III, 2° du Code de commerce, a empêché ce dernier d'arriver jusqu'à son terme. Par voie de conséquence, la possibilité de lever d'option d'achat, qui ne peut être manifestée qu'au terme du contrat, ne s'est pas ouverte au liquidateur.

Il apparaît donc que le liquidateur ne peut résister à la demande en acquiescement de restitution formalisée par le crédit-bailleur. Au contraire, faute de possibilité de lever l'option d'achat, le liquidateur a l'obligation de restituer le matériel.

La Cour de cassation doit, au final, être totalement approuvée d'avoir refusé au liquidateur la faculté de lever l'option d'achat, dernier acte du contrat, faute pour lui de s'être soumis aux règles régissant la continuation du contrat de crédit-bail.

On se souvient que la Cour de cassation a jugé sérieuse la question de la constitutionnalité de la saisine d'office par le tribunal de commerce en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. La Cour de cassation a estimé que "la faculté pour une juridiction de se saisir elle-même en vue de l'ouverture d'une procédure collective peut apparaître contraire au droit du débiteur à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), dès lors que le juge, en prenant l'initiative de l'introduction de l'instance, peut être perçu comme une partie". La disposition invoquée, a ajouté la Cour de cassation, "est susceptible de constituer une atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance, en ce qu'elle ne comporte pas, par elle-même, un mécanisme permettant d'assurer la pleine effectivité des droits du débiteur" (4).

Le Conseil constitutionnel a suivi cette position et a déclaré non conforme à la Constitution l'article L. 631-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6249IUY), qui rend possible la saisine d'office du redressement judiciaire (5). Le Conseil a fondé son analyse sur le constat qu'aucune disposition ne fixe, en cas de saisine d'office aux fins d'ouverture du redressement judiciaire, les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position. Dès lors, les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne sont pas respectées, et spécialement le principe d'impartialité.

On se doutait que la question de la constitutionnalité des saisines d'office ne s'arrêterait pas là. Et, effectivement, la Cour de cassation devait être saisie de la question de la constitutionnalité de la saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire. Saisi d'une seconde question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a identiquement statué à propos des articles L. 621-2 (N° Lexbase : L6854AIP) et L. 622-1 (N° Lexbase : L6996AIX) du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par celle du 10 juin 1994, et applicable en Polynésie française (6). Une autre question prioritaire de constitutionnalité intéressant cette fois l'article L. 640-5 (N° Lexbase : L6774IZW), applicable en métropole a été transmise par la Cour de cassation (7). Elle a fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel déclarant la disposition non-conforme à la Constitution (8).

L'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH) devait ensuite logiquement reprendre la main.

L'article 49 de l'ordonnance du 12 mars 2014, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ayant abrogé le texte autorisant la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, modifie la rédaction de diverses dispositions régissant la saisine aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, en supprimant de ces textes la saisine d'office.

Il modifie ainsi ;
- l'alinéa 2 de l'article L. 631-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7313IZU), qui s'intéresse au cas du débiteur décédé ;
- supprime l'alinéa 2 de l'article L. 631-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L7314IZW), qui prévoit la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, en cas d'échec de la conciliation, lorsqu'il résulte du rapport du conciliateur que le débiteur est en état de cessation des paiements.

L'article 49 de l'ordonnance du 12 mars 2014 crée un nouvel article L. 631-3-1 (N° Lexbase : L7264IZ3), qui a vocation à régir toutes ces hypothèses.

La saisine d'office est remplacée par une technique d'information du ministère public par le président du tribunal, lorsqu'il a été porté à sa connaissance, des éléments faisant apparaître que le débiteur est en état de cessation des paiements. Le second lui fait parvenir une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le président du tribunal ne peut alors siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de jugement, ni participer aux délibérés si le ministère public demande l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire à l'égard de ce débiteur.

Identiquement, l'article 60 de l'ordonnance du 12 mars 2014, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ayant abrogé le texte autorisant la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, modifie la rédaction de l'article L. 640-5, en supprimant du texte la possibilité de saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire.

L'article 59 de l'ordonnance du 12 mars 2014 supprime l'alinéa 2 de l'article L. 640-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4041HBB), qui prévoit la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire, en cas d'échec de la conciliation, lorsqu'il constate que les conditions d'ouverture d'une liquidation sont réunies, à savoir, d'une part, que le débiteur est en état de cessation des paiements et que, d'autre part, son redressement est manifestement impossible.

L'article 58 de l'ordonnance du 12 mars 2014 modifie également l'alinéa 2 de l'article L. 640-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7321IZ8), qui s'intéresse au cas du débiteur décédé, en supprimant dans ce texte la saisine d'office.

L'article 58 de l'ordonnance du 12 mars 2014 crée un nouvel article L. 640-3-1 (N° Lexbase : L7269IZA), qui a vocation à régir toutes ces hypothèses.

La saisine d'office aux fins de liquidation judiciaire est remplacée par une technique d'information du ministère public par le président du tribunal, lorsqu'il a été porté à sa connaissance, des éléments faisant apparaître que les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire sont réunies -état de cessation des paiements et redressement judiciaire manifestement impossible-. Le président du tribunal lui fait parvenir une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le président du tribunal ne peut alors siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de jugement, ni participer aux délibérés si le ministère public demande l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de ce débiteur.

Mais là ne s'arrêtent pas les problèmes. L'article L. 626-27, I, alinéa 2 du Code de commerce (N° Lexbase : L6775IZX) énonce que "le tribunal qui a arrêté le plan [...] peut en décider la résolution". Or la demande de résolution du plan peut, selon l'article L. 626-27, II, du Code, émaner du tribunal d'office. Le tribunal peut se saisir d'office aux fins de résolution du plan, non seulement dans l'hypothèse où le débiteur n'exécuterait pas ses engagements, mais encore dans le cas où le débiteur serait en état de cessation de paiements par suite d'un passif nouveau né après l'arrêté du plan de sauvegarde (9).

La constitutionnalité de la mesure a été discutée. Sans grande surprise, la Cour de cassation, après que le Conseil constitutionnel eut déclaré non conforme à la Constitution la saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire a transmis une question prioritaire de constitutionnalité sur cette possibilité de saisine d'office aux fins de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement et d'ouverture d'une nouvelle procédure (10). Sans surprise, l'inconstitutionnalité de cette saisine d'office a été affirmée (11).

Mais il importe ici d'observer que le législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 12 mars 2014, n'a pas substitué à cette saisine d'office non-conforme à la Constitution, un autre mécanisme comparable à celui posé pour l'ouverture des redressements et des liquidations judiciaires. Gageons que le décret, qui nous est annoncé pour mai ou juin 2014, saura réparer la malfaçon. Ce devrait être possible, les questions de modalités procédurales relevant en effet, sans difficulté, du domaine réglementaire. Affaire à suivre.

Pour l'heure, on sait seulement que le tribunal ne pourra plus se saisir d'office aux fins de prononcer la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement. Les créanciers et surtout le commissaire à l'exécution du plan devront veiller au grain...


(1) Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8791DWI), Bull. civ. IV, n° 166 ; D., 2007, jur. 2363, note E. Le Corre-Broly ; D., 2007, AJ, 1878, obs. A. Lienhard ; Act. proc., coll., 2007/13, n° 151, note J. Vallansan ; nos obs, in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 18 juillet 2007 - édition privée (N° Lexbase : N9341BBL).
(2) E. Le Corre-Broly, note préc. sous Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, préc..
(3) Nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 7ème éd., 2013/2014, n° 633.22.
(4) Cass. QPC, 16 octobre 2012, n° 12-40.061, FS-D (N° Lexbase : A7201IUA), D., 2012, Actu 2446, note A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2012/18, comm. 266, note N. Fricéro.
(5) Cons. const., 7 décembre 2012, décision n° 2012-286 QPC (N° Lexbase : A4918IYS) D., 2012, Actu 2886, note A. Lienhard ; D., 2013, 338, note J.-L. Vallens ; Gaz. Pal., 18 janvier 2013, n° 18, p. 25, note N. Fricéro ; RTDCiv., 2013, 889, note Ph.Théry ; Act. proc. coll., 2013/1, comm. 1, note N. Fricéro ; JCP éd. E, 2013, 1048, note N. Fricéro ; Bull. Joly Entreprises en diff., janvier 2013, comm. 5, note T. Favario ; Gaz. Pal., 23 décembre 2012, p. 14, note Robert ; Rev. sociétés, 2013, 177, note Henry ; Dr. sociétés, 2013, comm. 35, note P. Legros ; Rev. proc. coll., janvier 2013, Etudes 2, note B. Saintourens ; Gaz. Pal., 8 mars 2013, n° 67, p. 29, note J. Théron ; LPA, 15 avril 2013, n° 75, p. 5, note Ph. Roussel Galle ; LPA, 7 mai 2013, n° 91, p. 11, note C. Tabourot-Hyest ; JCP éd. E, 2013, chron. 1216, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Dr. et patr., septembre 2013, p. 50, n° 002, note M.-H. Monsérié-Bon, nos obs., La non-constitutionnalité de la saisine d'office Lexbase Hebdo n° 321 du 20 décembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N5001BTE). Adde F.-X. Lucas, Retour sur la navrante condamnation de la saisine d'office, Bull. Joly Entreprises en diff., janvier 2013, éditorial 17 ; Ch. Lebel, 3 questions ouverture d'un redressement judiciaire : saisine d'office contraire à la Constitution, JCP éd. E, 2013, Echos de la pratique 48 ; B. Rolland, L'inconstitutionnalité de la saisine d'office, Procédures, février 2013, études 3.
(6) Cons. const., 15 novembre 2013, décision n° 2013-352 QPC (N° Lexbase : A3196KP3), D., 2013, actu 2640, note A. Lienhard ; Leden, janvier 2014, comm.. 12, note T. Favario.
(7) Cass. QPC, 10 décembre 2013, n° 13-17.438, F-D (N° Lexbase : A0457KRD), Dr. sociétés, février 2014, comm. 35, obs. Legros.
(8) Cons. const., 7 mars 2014, décision n° 2013-368 QPC (N° Lexbase : A3292MGZ), D., 2014, actu 604, note A. Lienhard.
(9) Rapport Xavier de Roux, n° 2095, p. 314.
(10) Cass. QPC, 20 décembre 2013, n° 13-40.060, F-D (N° Lexbase : A7703KS4), Bull. Joly Entreprises en diff., mars 2014, 82, note N. Favario.
(11) Cons. const., 7 mars 2014, n° 2013-372 QPC, D., 2014, actu 605, note A. Lienhard.

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - avril 2014

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 10 Avril 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur quatre arrêts rendus par le Conseil d'Etat. En premier lieu, deux décisions du Conseil d'Etat tranchent la question de la prise en considération de la participation et de l'intéressement des salariés quant au calcul du crédit d'impôt recherche (CE 8° et 3° s-s-r., 12 mars 2014, deux arrêts, n° 365875, mentionné aux tables du recueil Lebon et n° 365877, inédit au recueil Lebon). Puis, s'agissant de l'exonération des plus-values lors de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, la Haute juridiction administrative met fin à la divergence des juges du fond par une succession de décisions depuis l'automne 2013 quant à l'interprétation des dispositions de l'article 238 quindecies du CGI en présence d'un contrat de location-gérance (CE 3° s-s., 26 février 2014, n° 358167, inédit au recueil Lebon). Enfin, le Conseil d'Etat prend position quant au fait générateur de l'impôt sur le revenu à la suite de la cession d'un brevet (CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 350443, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Crédit d'impôt recherche : prise en compte de la participation et de l'intéressement des chercheurs et des techniciens au titre des dépenses de personnel (CE 8° et 3° s-s-r., 12 mars 2014, deux arrêts, n° 365875, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9193MGL et n° 365877, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9194MGM)

La recherche et l'innovation sont des facteurs clefs de succès pour l'économie nationale et soutenues de longue date notamment grâce au crédit d'impôt recherche (CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L1077IZW ; BoFip - Impôts, BOI-BIC-RICI-10-10-20131009 N° Lexbase : X8219ALY) malgré l'instabilité chronique de ce dispositif qui a subi trente-six versions successives depuis 1982 (loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982, de finances pour 1983 N° Lexbase : L1095G83).

Actuellement, ce dispositif autorise les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles soumises au régime du réel (1) de bénéficier d'un taux de crédit d'impôt de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant.

La loi détermine les dépenses directement affectées aux opérations de recherche ouvrant droit à ce crédit d'impôt, notamment les dotations aux amortissements des immobilisations, des brevets et des certificats d'obtention végétale, les dépenses de personnel, les dépenses de normalisation, et les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections pour les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir.

La détermination des dépenses de personnel affecté à la recherche (CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L1077IZW ; CGI Ann. III, art. 49 septies G N° Lexbase : L1287HMM ; CGI, art. 49 septies I, annexe III N° Lexbase : L1293HMT) a suscité de nombreux contentieux portant, d'une part, sur la qualité de chercheur et de technicien devant travailler en étroite collaboration (CAA Paris, 2ème ch., 30 mars 2005, n° 01PA03160 N° Lexbase : A1116DI8) ; d'autre part, quant à la détermination précise et rigoureuse de l'affectation exclusive de ce personnel à des opérations de recherche (CAA Marseille, 3ème ch., 7 juillet 2005, n° 00MA00374, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0560DMP). C'est ainsi que la jurisprudence a estimé qu'un salarié ne pouvait pas être assimilé à un chercheur s'il n'avait pas été considéré comme tel par son employeur malgré son expérience et ses connaissances unanimement reconnues comme équivalentes à celle d'un ingénieur (CAA Lyon, 2ème ch., 2 décembre 2004, n° 01LY00080, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0047DH9), avant qu'un rescrit publié par l'administration fiscale en 2010 (Rescrit 2010/59 N° Lexbase : L1006IRP), et repris dans le BoFip - Impôts, assouplisse cette exigence excessivement formaliste (BOI-BIC-RICI-10-10-10-30, 12 septembre 2012, § 20 N° Lexbase : X4805ALK).

Au cas présent, à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2004 et 2005, l'administration fiscale a remis en cause la prise en compte, pour le calcul du crédit d'impôt recherche, des dépenses de personnel liées au régime d'intéressement et à la participation des salariés ainsi que des versements effectués au comité d'entreprise.

En effet, l'administration fiscale estime que la participation et l'intéressement ont ouvert droit à des avantages fiscaux et sociaux et qu'ils n'ont pas à être pris en considération pour le calcul du crédit d'impôt recherche (2) : c'est une position constante de l'administration reprise dans le dernier état de son "Guide du crédit d'impôt recherche" millésime 2014, malgré l'arrêt rendu en sens contraire par la cour administrative de Nantes en 2012 (CAA Nantes, 1ère ch., 20 décembre 2012, n° 12NT01641, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6887IZ4 ; et n° 12NT01642, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6888IZ7).

Après avoir obtenu gain de cause devant les juges de première instance (TA Rennes, 19 avril 2012, n° 0904640, Dr. fisc., 2012, comm. 434, note L. Chabanel et Th. Perrin ; RJF, janvier 2013, n° 16 ; BCIR, octobre 2012, p. 2, note J.-L. Pierre), la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 20 décembre 2012, n° 12NT01641 et n° 12NT01642, précités), saisie par le ministre de l'Economie et des Finances, validera partiellement le raisonnement des premiers juges en opérant une distinction entre :
- les versements effectués au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise qui doivent être pris en compte pour le calcul du crédit d'impôt recherche ;
- les versements effectués au titre de la subvention de fonctionnement versée au comité d'entreprise qui, bien que comptabilisés dans un compte de charges de personnel (compte 6472 du Plan comptable général), ne doivent pas être retenus pour la liquidation du crédit d'impôt recherche.

Déférés devant le Conseil d'Etat, le raisonnement suivi par les juges du fond sera justement confirmé : les dépenses de personnel visées par la loi ne se limitent pas aux seules rémunérations et cotisations sociales obligatoires, quel que soit le mode de comptabilisation. Même si la participation et l'intéressement dépendent du résultat de l'entreprise, il s'agit bien, pour l'entreprise, de charges et non d'une affectation du résultat de l'entreprise. Enfin, on pourra souligner que le montant de la participation et de l'intéressement est fonction notamment du travail de l'ensemble des salariés dans le but de créer de la valeur ajoutée : il n'y a aucune raison d'en exclure ceux qui sont affectés à la recherche et au développement de l'entreprise.

  • Transmission d'une entreprise individuelle en location-gérance (CGI, art. 238 quindecies) : esprit des lois, es-tu là ? (CE 3° s-s., 26 février 2014, n° 358167, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1010MGI)

Certaines plus-values constatées lors de la transmission d'une entreprise individuelle commerciale, industrielle, libérale, agricole ou artisanale ou d'une branche complète d'activité peuvent être partiellement ou totalement exonérées à certaines conditions dont, notamment, l'exercice d'une activité pendant au moins cinq ans (CGI, art. 238 quindecies N° Lexbase : L5712IXT).

Au cas particulier, une société commerciale, dont les titres sont détenus par deux personnes physiques, a conclu un contrat de location-gérance en 2003 avec une autre société commerciale qui comporte les mêmes associés. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de la plus-value constatée lors de la cession du fonds de commerce en 2006 au motif que les associés étaient indirectement liés. Puis, le contentieux est porté devant le juge de l'impôt qui, dans un premier temps, prononce la décharge des impositions dues (TA Lille, 3 juin 2010, n° 0806634) et rétablit les impositions contestées (CAA Douai, 2ème ch., 31 janvier 2012, n° 10DA01123, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0714IE8).

De nombreuses conditions sont exigées par ce texte, dont celle interdisant la "vente à soi-même" visant l'hypothèse, en cas de transmission à titre onéreux, où le cédant "ou, s'il s'agit d'une société, l'un de ses associés qui détient directement ou indirectement au moins 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ou y exerce la direction effective n'exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l'entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise" (CGI, art. 238 quindecies, II).

Or, selon les dispositions du VII de l'article 238 quindecies, seules deux conditions sont exigées lorsqu'une transmission d'activité fait l'objet d'un contrat de location-gérance : une activité exercée depuis au moins cinq ans au moment de la mise en location et une transmission réalisée au profit du locataire.

A nouveau, le diable est dans les détails : fallait-il considérer que le paragraphe VII de l'article 238 quindecies était autonome et qu'il ne fallait pas exiger en outre le respect des conditions issues du paragraphe II du même article ?

La jurisprudence était divisée tant en première instance (TA Caen, 1ère ch., 28 juin 2011, n° 1001688 ; TA Orléans, 5ème ch., 10 décembre 2010, n° 0902167 et n° 100660 ; TA Besançon, 1ère ch., 15 juin 2010, n° 0901317 ; TA Lille, 3 juin 2010, n° 0806634) qu'en appel : c'est ainsi que la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 17 novembre 2011, n° 11NT00333, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2263H8C) a estimé, sans devoir recourir aux travaux parlementaires, que seules les deux conditions issues du VII de l'article 238 quindecies du CGI devaient être appliquées alors que, selon la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 2ème ch., 17 novembre 2011, n° 10NC01255, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5418IAW), les contribuables doivent également satisfaire la condition visant à empêcher la vente à soi-même.

Les conclusions du rapporteur public, se rapportant à l'arrêt prononcé par la cour administrative d'appel de Douai (concl. V. Marjanovic, Dr. fisc., 2012, comm. 171, sous CAA Douai, 2ème ch., 31 janvier 2012, n° 10DA01123, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0714IE8), permettent de mieux cerner le raisonnement suivi par les juges du fond lorrains : en s'appuyant sur les renvois successifs des différents alinéas de l'article 238 quindecies et en invitant les juges d'appel à invoquer l'esprit de la loi, les juges du fond ont annulé la décision rendue par le tribunal administratif (TA Lille, 3 juin 2010, n° 0806634, précité) et rétabli les impositions à la charge des contribuables.

En d'autres termes, si le paragraphe VII prévoit des conditions propres à la location-gérance, cela ne signifie pas que la location d'un fonds de commerce doive s'affranchir des autres conditions issues de cet article du CGI.

Cette analyse est à nouveau confirmée par le Conseil d'Etat qui a mis fin à la divergence des juges du fond par une succession d'arrêts dans le même sens depuis l'automne 2013 (CE 3° s-s., 26 février 2014, n° 358167, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1010MGI ; CE 9° s-s., 30 décembre 2013, n° 355328, inédit au recueil Lebon (3) N° Lexbase : A9381KSA ; CE 10° et 9° s-s-r., 16 octobre 2013, n° 346063, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1091KNQ), alors que la thèse défendue par les contribuables devant les juges du fond n'avait rien de fantaisiste. Peut-être avaient-ils eu le tort d'avoir voulu exploiter une rédaction ambigüe de la loi qui, selon le Conseil d'Etat, aurait pu profiter aux grands groupes (4), alors que l'essentiel de la jurisprudence publiée ne concerne que des petites et moyennes entreprises détenues par des personnes physiques.

L'administration fiscale saura gré au Conseil d'Etat d'avoir considéré que les conditions d'application de ce texte étaient cumulatives, ce qui permet finalement de sauver l'impôt et de confirmer la doctrine administrative (BOI-BIC-PVMV-40-20-50, § 90, 25 mars 2014 N° Lexbase : X7802ALK). L'intérêt général -c'est-à-dire l'intérêt budgétaire- y trouvera certainement son compte.

En revanche, il sera plus délicat de faire admettre aux contribuables redressés qu'une rédaction très largement perfectible d'un texte de loi a finalement été interprétée en faveur de l'administration à l'heure où la sécurité juridique est présentée comme le nouvel horizon vers lequel un système juridique moderne devrait tendre.

  • Cession d'un brevet : fait générateur de l'impôt sur le revenu (CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 350443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9158MGB)

Le CGI permet aux entreprises, ainsi qu'aux inventeurs personnes physiques, de bénéficier du régime des plus-values à long terme lors de la cession de brevets ainsi que pour les produits nets issus de la licence d'un brevet (CGI, art. 93 quater N° Lexbase : L0665IPC ; CGI, art. 39 terdecies N° Lexbase : L5677IXK). Les faits de l'espèce rapportent qu'en janvier 1995, un inventeur cède à une société un brevet associé à un logiciel. En contrepartie, le cédant perçoit une rémunération fixe de 250 000 francs (38 112 euros) et un complément de prix variable fixé à 10 % du chiffre d'affaires du cessionnaire, jusqu'au 31 décembre 2001, du fait de l'utilisation de ce brevet.

Le cédant a porté, dans sa déclaration de revenus pour 1995, le montant de la plus-value dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour un montant de 5 826 304 francs (888 031 euros), lui permettant ainsi de se prévaloir d'un taux de taxation proportionnel de 16 % au titre de l'impôt sur le revenu.

A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a constaté que les montants des annuités excédant l'évaluation du brevet n'avaient pas été portés sur les déclarations d'impôt sur le revenu du contribuable. Par conséquent, le service a émis un redressement au titre des annuités non déclarées pour les années 1999 à 2001 non prescrites.

Le contribuable contestera, sans succès devant le tribunal administratif (TA Paris, 4ème ch., 20 avril 2009, n° 0413132), la thèse de l'administration fiscale au motif que les sommes considérées auraient dû être rattachées à l'année 1995 prescrite lors de l'émission de la proposition de rectification.

Puis, la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 2ème ch., 27 avril 2011, n° 09PA03866, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3937HSM) a estimé que l'imposition des plus-values en question devait intervenir au fur et à mesure de leur encaissement par le cédant (J.-L. Pierre, Plus-values de cession de brevet : imposition en BNC au fur et à mesure de leur encaissement, Dr. fisc., 2012, comm. 255 ; comp. jurisprudence citée par l'auteur : CAA Paris, 5ème ch., 15 octobre 2007, n° 06PA03086, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3934DZQ). Faisant application des dispositions permettant au juge de cassation de régler l'affaire au fond (CJA, art. L. 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ), le Conseil d'Etat censure la juridiction d'appel d'avoir considéré que ces plus-values étaient imposables dans la catégorie des BNC au fur et à mesure de leur encaissement. En effet, selon la Haute juridiction administrative, le cédant doit déclarer, au titre de l'année du transfert de propriété, notion à laquelle le Conseil d'Etat s'est référé à plusieurs reprises dans sa jurisprudence antérieure (CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2008, n° 296429, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7010EBA ; CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2008, n° 301726, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7034EB7 ; CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2008, n° 309232, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7049EBP ; CE 7° et 9° s-s-r., 23 juin 1976, n° 51, RJF, 1976, n° 397 ; CE plén., 26 juillet 1978, n° 1885, Dr. fisc., 1979, n° 23-24, comm. 1212, concl. B. Martin Laprade, RJF, 1978, n° 431), la plus-value comprenant le montant fixe et la part indexée qui lui sera versée ultérieurement après une estimation la plus précise possible. Puis, les versements qui excéderont cette estimation seront considérés comme des revenus imposables lors de leur perception en application des dispositions de l'article 12 du CGI (CGI, art. 12 N° Lexbase : L1047HLD).


(1) Ou bien exonérées au titre de certains dispositifs légaux tels que, notamment, le régime des entreprises nouvelles (CGI, art. 44 sexies N° Lexbase : L1678IZ8).
(2) "Sont exclues les taxes assises sur les salaires (taxe d'apprentissage, participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue), les contributions ayant la nature de taxes et non de cotisations sociales (versement de transport, taxe sur les contributions de l'employeur à la prévoyance), l'intéressement et la participation, dans la mesure où ils sont déjà générateurs d'avantages sociaux ou fiscaux", Guide du crédit d'impôt recherche 2014, p. 13.
(3) "Considérant qu'il résulte de ces dispositions, en particulier du II de l'article 238 quindecies précité qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'application du I, que l'exonération d'impôt sur les plus-values dont bénéficient les transmissions d'entreprise exploitées en location-gérance par application du VII du même article est subordonnée à l'ensemble des conditions prévues par le II telles qu'adaptées ou complétées par le VII".
(4) Les conclusions du rapporteur public exposent les risques d'un détournement du dispositif légal : "Rien de décisif, toutefois, et ce sont finalement des arguments de logique interne qui nous paraissent emporter la conviction. A cette aune, rien en effet ne paraît s'opposer à une lecture combinée du paragraphe VII avec les paragraphes I et II de l'article 238 quindecies. [...] On voit trop bien, à l'inverse, les effets pervers qui s'attachent à la lecture à laquelle a procédé la cour administrative d'appel de Nantes. Avec la solution qu'elle a retenue, il suffirait par exemple à de très grands groupes de placer telle ou telle partie de leur activité en location-gérance pour bénéficier d'un régime de faveur qui a été conçu pour faciliter la transmission des seules petites et moyennes entreprises. Par comparaison, le risque que, dans la solution que nous vous proposons, les loueurs de fonds, qui par hypothèse rempliraient les conditions de droit commun, contournent les conditions spécifiques que leur imposent les 1° et 2° (durée d'activité et identité du cessionnaire) en reprenant, même pour une brève période, l'exploitation en direct avant de procéder à la transmission nous paraît à la fois moins crédible et moins redoutable", concl. E. Crépey, BDCF, janvier 2014, n° 1.

newsid:441699

Fiscalité internationale

[Brèves] Groupe fiscal et consortium : est contraire à la liberté d'établissement, le refus des remontées de pertes entre sociétés soeurs britanniques détenues par une société de liaison (membre du groupe et d'un consortium) luxembourgeoise

Réf. : CJUE, 1er avril 2014, aff. C-80/12 (N° Lexbase : A2882MIL)

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N1671BUG

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Le 10 Avril 2014

Aux termes d'un arrêt rendu le 1er avril 2014, la Cour de justice de l'Union européenne retient que la détention de sociétés britanniques par une société mère à Hong Kong via un consortium comprenant une société luxembourgeoise n'exclut pas les filiales britanniques du droit de transférer entre elles les pertes de l'une d'elles (CJUE, 1er avril 2014, aff. C-80/12 N° Lexbase : A2882MIL). En l'espèce, une société britannique est détenue par un consortium, qui comprend notamment une société luxembourgeoise, filiale d'un groupe dont la mère est hongkongaise. La société luxembourgeoise est indirectement détenue par la société mère à Hong Kong par l'intermédiaire de diverses sociétés dont certaines ont leur siège en dehors de l'Union. Or, au Royaume-Uni, les pertes d'une société peuvent être déduites des bénéfices imposables d'une autre société, lorsque ces deux sociétés appartiennent au même groupe d'entreprises, ou lorsqu'elles sont détenues par une société membre du groupe et d'un consortium (société de liaison). Toutefois, le transfert des pertes n'est possible que si la société qui les transfère et celle qui les impute sur ses bénéfices résident au Royaume-Uni. A la suite de pertes réalisées par la société britannique, les autres sociétés britanniques du groupe se sont vu refuser leur transfert, au motif que la société de liaison était luxembourgeoise. Le juge anglais, saisi du litige, demande à la CJUE si la législation de son pays est compatible avec la liberté d'établissement. La Cour répond par la négative. En effet, la condition de résidence prévue pour la société de liaison instaure une différence de traitement entre les sociétés résidentes reliées par une société de liaison britannique, qui bénéficient de l'avantage fiscal en cause, et celles reliées par une société de liaison établie dans un autre Etat membre de l'Union, qui n'en bénéficient pas, ce qui constitue une restriction à la liberté d'établissement. Le juge de l'Union rejette, ensuite, les justifications apportées par le Royaume-Uni, notamment celles tirées de la lutte contre l'évasion fiscale ou de l'objectif visant à préserver une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition. Il ajoute que le fait que la société mère du groupe ainsi que certaines sociétés intermédiaires sont établies en dehors de l'Union n'affecte pas le droit des sociétés du groupe ou du consortium établies dans l'Union de se prévaloir pleinement de la liberté d'établissement. Cette décision rappelle celle qui a été rendue à l'encontre de la France, la fameuse jurisprudence "Papillon" (CJCE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07 N° Lexbase : A4435EBU), par laquelle la CJUE a décidé que la France ne pouvait pas exclure du périmètre du groupe fiscal une société française sous prétexte qu'elle était détenue par le groupe par l'intermédiaire d'une société d'un autre Etat membre .

newsid:441671

Fonction publique

[Brèves] La limite d'âge des "aiguilleurs du ciel" est conforme au droit de l'Union européenne

Réf. : CE, 4 avril 2014, n° 362785, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6457MIY)

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N1720BUA

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Le 10 Avril 2014

La limite d'âge des "aiguilleurs du ciel" est conforme au droit de l'Union européenne, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 4 avril 2014 (CE, 4 avril 2014, n° 362785, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6457MIY). L'article 3 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989, relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (N° Lexbase : L1100G8A), impose aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne -qui sont des fonctionnaires de l'Etat- une limite d'âge de 57 ans, sans possibilité de report. La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L3048IN9), a prévu le relèvement progressif de cette limite d'âge pour la porter à 59 ans à compter du 1er janvier 2022. Plusieurs contrôleurs aériens, demandant à l'administration à être maintenus en activité au-delà de cet âge limite de 57 ans, ont argué du fait que, selon eux, cette limite d'âge méconnaissait le droit de l'Union européenne, et, plus particulièrement, la Directive (CE) 2000/78 du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4). Si cette Directive interdit de manière générale les discriminations à raison de l'âge, elle autorise, néanmoins, les différences de traitement reposant sur un critère d'âge lorsqu'elles respectent certaines conditions strictement définies. Le Conseil d'Etat estime, en l'espèce, que ces conditions sont remplies dès lors que, compte tenu des facultés toutes particulières d'attention, de concentration et de vigilance attendues des contrôleurs aériens, cette limite d'âge est, dans son principe, justifiée par un objectif de protection de la sécurité publique et que son niveau est proportionné au but poursuivi compte tenu, notamment, des contraintes particulièrement importantes attachées à l'exercice de leurs missions. Il a également tenu compte des possibilités de reclassement dans d'autres corps de fonctionnaires qui leur sont offertes et leur permettent, ainsi, de poursuivre une activité au-delà de cette limite (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E9715EPI).

newsid:441720

[Brèves] Cautionnement : charge de la preuve de la proportionnalité de l'engagement de la caution

Réf. : Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B (N° Lexbase : A6236MIS)

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N1753BUH

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Le 11 Avril 2014

Il résulte de la combinaison des articles 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) et L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C) qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er avril 2014 (Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B N° Lexbase : A6236MIS). En l'espèce, le gérant d'une société (la caution) s'est rendu sous-caution par acte du 30 août 2006, puis caution par actes des 9 mai 2007 et 8 août 2008 envers une banque de divers concours consentis à la société dont il était le gérant. La banque a assigné en paiement la caution, qui a opposé la disproportion manifeste de ses biens et revenus à ses engagements et sollicité la déchéance de son droit aux intérêts contractuels. La cour d'appel de Toulouse, dans un arrêt du 31 octobre 2012, a condamné la caution à payer à la banque une certaine somme, après avoir constaté la disproportion de ses engagements souscrits les 9 mai 2007 et 8 août 2008. Pour ce faire, elle a retenu que celle-ci ne rapporte pas la preuve de sa situation financière au moment où elle a été appelée. Mais, énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure l'arrêt des seconds juges au visa des articles 1315 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation : en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ces textes (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8923BXR).

newsid:441753

Interprofessionnalité

[Textes] Des sociétés de participations financières de profession libérale plus volontiers pluriprofessionnelles qu'interprofessionnelles

Réf. : Décret n° 2014-354 du 19 mars 2014 N° Lexbase : L8124IZW)

Lecture: 13 min

N1565BUI

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par La rédaction

Le 10 Avril 2014

Si l'article 32 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI) prévoyait, après plusieurs années de réflexions et de "négociation", la constitution de sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) pluriprofessionnelles, l'essor s'est fait attendre, outre les obstacles inhérents à la mise en place de telles structures interprofessionnelles, faute de décret d'application. C'est, désormais, chose faite avec le décret du 19 mars 2014 publié au Journal officiel du 21 mars 2014.

Ce décret est donc pris pour l'application de l'article 31-2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (N° Lexbase : L3046AIN), lequel a permis la création de SPFPL pluriprofessionnelles, ayant pour objet la prise de participations dans des sociétés d'exercice de plusieurs de ces professions réglementées du droit, du chiffre et de la propriété industrielle (avocats, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, experts-comptables, commissaires aux comptes et conseils en propriété industrielle).
Aussi, le décret du 19 mars 2014 instaure-t-il une procédure de déclarations multiples afin d'assurer l'information de l'ensemble des autorités de contrôle des professions mentionnées dans l'objet social. Il fixe, également, les conditions dans lesquelles seront déclarés et pris en compte les changements, apportés au cours de la vie sociale, à la situation initialement déclarée par la société. Il prévoit une mutualisation des informations détenues par chaque autorité de contrôle compétente à l'égard de la SPFPL pluriprofessionnelle, chacune étant tenue de communiquer aux autres autorités de contrôle les rapports de contrôle de la société qu'elle a établis. Il précise, enfin, la procédure de liquidation consécutive à la dissolution de la SPFPL pluriprofessionnelle. Ce décret ne constitue pas, pour autant, l'apogée d'une victoire des tenants de l'interprofessionnalité, celle-ci se limitant, comme son objet l'indique, au plan capitalistique. L'interprofessionnalité d'exercice n'a pas encore de base légale ; les obstacles déontologiques semblant encore insurmontables aux différentes professions du droit et du chiffre, pour pouvoir évoquer les possibilités de création de telles structures. On notera, d'ailleurs, que pour bien montrer que l'indépendance et les particularismes de chaque profession libérale concernée sont respectés dans leur intégrité, le décret parle de "pluriprofesionnalité" et non d'"interprofessionnalité", comme pour mieux relativiser l'intégration des relations entre les différentes professions du droit et du chiffre.

Et, ce faisant, rien que le "choix raisonné" d'une interprofessionnalité capitalistique n'était, déjà, pas évident. On se souvient des paroles du ministre de la Justice lors des discussions relatives à la future loi du 28 mars 2011, Michèle Alliot-Marie, estimant que "s'agissant de la modernisation du cadre d'exercice, le rapprochement des professions est un facteur de modernisation et une réponse à la concurrence internationale". Elle parlait alors d'un rapprochement, et non d'un "mélange, ni [d]'un empiètement". Et, l'on ne peut nier que l'introduction de l'article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990 s'est faite sous la pression européenne. La Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (N° Lexbase : L8989HT4), dans ce domaine, comme dans d'autres (périmètre du droit, publicité et démarchage, etc.), est venue changer les perspectives d'exercice des professions libérales réglementées... entre elles. En effet, l'article 25 de la Directive, consacré aux activités pluridisciplinaires, dispose que "les Etats membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l'exercice conjoint ou en partenariat d'activités différentes". Et, le même article de préciser la liste des prestataires pouvant être soumis à de telles exigences, dont "les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l'indépendance et l'impartialité de ces professions". Le texte européen prenait, lui-même, "des gants" quant à cette interprofessionnalité en précisant, immédiatement, que "lorsque des activités pluridisciplinaires entre les prestataires [en cause] sont autorisées, les Etats membres veillent à : a) prévenir les conflits d'intérêts et les incompatibilités entre certaines activités ; b) assurer l'indépendance et l'impartialité qu'exigent certaines activités ; c) assurer que les règles de déontologie des différentes activités sont compatibles entre elles, en particulier en matière de secret professionnel". L'essentiel des "garde-fous" était posé pour une interprofessionnalité capitalistique comme une interprofessionnalité d'exercice. La loi du 28 mars 2011 et le décret du 19 mars 2014 n'en sont que la traduction française, a minima.

Cette approche a minima, c'est-à-dire limitée au seul volet capitalistique de l'interprofessionnalité est, d'ailleurs, confortée par les professions libérales réglementées elles-mêmes, le débat restant focalisé sur les incompatibilités déontologiques (entre avocats et notaires, par exemple) et la défense du périmètre du droit (entre avocats et experts-comptables, par exemple). "L'interprofessionnalité capitalistique est souhaitable, souhaitée et presque définitivement organisée. Il faut la mettre en oeuvre. En revanche, l'interprofessionnalité d'exercice est beaucoup plus compliquée à appréhender. Elle se heurte à d'innombrables problèmes déontologiques. J'ajoute que les débats sur la loi 'ALUR' remettent totalement en cause la pertinence d'un dialogue serein et constructif entre les professions", précisait Marc Bollet, Président de la Conférence des Bâtonniers, dans nos colonnes (cf. La Conférence des Bâtonniers : vigie du droit, des libertés et de la profession d'avocat - Questions à Marc Bollet, Président de la Conférence des Bâtonniers, Lexbase Hebdo n° 166 du 20 février 2014 - édition professions N° Lexbase : N0873BUU). Mais, l'adoubement est également européen. La Cour de justice de l'Union européenne a bien rappelé, le 19 mai 2009, à l'occasion d'une procédure de manquement intentée par la Commission européenne en raison de la réserve de propriété du capital des officines aux pharmaciens, l'interdiction d'exploiter plus d'une pharmacie, l'incompatibilité de cette exploitation avec l'exercice d'autres professions, et enfin, de la consultation de l'ordre dans l'octroi des autorisations d'ouverture, qu'une telle réglementation n'était pas contraire au droit communautaire. Elle préserve, ainsi, les compétences des Etats membres au détriment de la compétence communautaire, et, parallèlement, valorise l'objectif de santé publique au détriment de l'objectif de réalisation du marché intérieur (CJCE, 19 mai 2009, 2 arrêts, aff. C-531/06 N° Lexbase : A0848EHU et aff. C-171/07 N° Lexbase : A0844EHQ ; et lire les obs. d'Olivier Dubos, Les pharmacies ne sont pas des entreprises comme les autres, Lexbase Hebdo n° 116 du 18 juin 2009 - édition publique N° Lexbase : N6539BKE).

Mais en somme, pourquoi alors développer l'interprofessionnalité, sinon d'exercice, du moins capitalistique ? La réponse ne porte pas, étonnement, sur l'activité principale des SPFPL ou des sociétés d'exercice libérales filles, puisque la mise en commun des compétences propres à chacune des professions libérales réglementées concernées existe déjà, sinon de droit, du moins de fait. Les réseaux interprofessionnels permettent justement ce travail en commun des professions, à titre complémentaire, pour un dossier ou une mission précise. Et, la mise en place d'une SPFPL ne répond ni en rapidité, ni en efficacité à un tel besoin d'interpofessionnalité fonctionnel. La compétence et la confiance sont les ressorts du travail collaboratif éventuel entre professions libérales ; et, les rapprochements entre les Hautes instances représentatives des différentes professions réglementées du droit et du chiffre vont éminemment dans ce sens, malgré les querelles relatives au champ de compétence de chacune. L'intérêt de la constitution de SPFPL pluriprofessionnelles réside principalement dans la reconnaissance au plan capitalistique d'un tel réseau informel pluriprofessionnel -au service des clients donc-, mais aussi au regard des "activités accessoires" en relation directe avec leur objet -au service des associés de la SPFPL donc-. Il s'agit, dès lors, de rationaliser certaines activités accessoires destinées exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations (services administratifs, comptables, secrétariat, informatique, etc.). Le coût et l'efficacité devraient alors s'en faire ressentir.

I - La constitution des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) pluriprofessionnelles

L'article 31-2 de la loi n° 90-1258 dispose donc que les sociétés de participations financières peuvent avoir pour objet la détention des parts ou d'actions de sociétés ayant pour objet l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de conseil en propriété industrielle ainsi que la participation à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice de l'une ou de plusieurs de ces professions.

Plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant leur profession au sein des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation. Premier "garde-fou", la structure est et reste attachée aux professionnels libéraux concernés. Le complément peut être détenu par des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions constituant l'objet social de ces sociétés, sous réserve, s'agissant des personnes morales, du caractère civil de leur objet social et de la détention exclusive du capital et des droits de vote par des membres et anciens membres de professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi que leurs ayants droit. Le complément peut être détenu par, pendant un délai de dix ans, des personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette ou ces professions au sein de l'une de ces sociétés ; les ayants droit des personnes physiques mentionnées ci-dessus pendant un délai de cinq ans suivant leur décès ; des personnes exerçant l'une des professions mentionnées ci-dessus.

Il s'agit là de l'une des recommandations formulées notamment par le Conseil national des barreaux en 2010 qui réclamait l'absence de capitaux extérieurs et que la majorité du capital de la SPFPL soit détenue par des associés exerçant au sein des sociétés filiales avec l'exigence supplémentaire que la majorité du capital de la SPFPL soit détenue par des membres exerçant la même profession que celle exercée par la SEL.

Le complément peut être détenu par des ressortissants des Etats membres de l'UE, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats membres ou parties ou dans la Confédération suisse, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social de l'une des sociétés ou de l'un des groupements faisant l'objet d'une prise de participation. Ce faisant, la loi prévoyait déjà l'ouverture internationale de ces structures d'exercice afin de permettre aux structures françaises de concurrencer les cabinets anglo-saxons aux structures d'exercices plus souples et plus concentrées, et pour leur permettre d'accéder à une clientèle européenne exprimant, dans le cadre du développement du commerce et des relations internationales, un besoin de conseil en droit comparé ou en droit français toujours plus important.

Encore est-il précisé que les gérants, le président et les dirigeants de la société par actions simplifiée, le président du conseil d'administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance doivent être choisis parmi les membres des professions exerçant au sein des sociétés faisant l'objet d'une prise de participation.

Et, la dénomination sociale de ces sociétés doit, outre les mentions obligatoires liées à la forme de la société, être précédée ou suivie de la mention : "Société de participations financières de professions libérales", elle-même suivie de l'indication des professions exercées par les sociétés faisant l'objet d'une prise de participation. Ceci permettrait dès lors d'éviter la confusion dans l'esprit de la clientèle.

Le décret du 19 mars 2014 apporte, dès lors, des précisions quant à la constitution des SPFPL pluriprofessionnelles.

L'article premier du décret indique, d'abord, que les SPFPL ayant pour objet la détention de parts ou d'actions de sociétés ayant elles-mêmes pour objet l'exercice de deux ou plusieurs des professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de conseil en propriété industrielle ainsi que la participation à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice de l'une ou plusieurs de ces professions sont régies par le livre II du Code de commerce, sous réserve des dispositions du décret du 19 mars 2014

Puis suit l'ensemble des formalités afférentes à cette constitution.

La constitution de la société fait l'objet d'une déclaration adressée par un mandataire commun des associés aux autorités compétentes des professions mentionnées dans l'objet social, selon les modalités définies par les dispositions propres aux sociétés de participations financières de chacune de ces professions. La déclaration comprend la liste des associés avec indication, selon le cas, de leur profession ou de leur qualité suivie, pour chacun, de la mention de la part de capital qu'il détient dans la société. Une copie des statuts de la société est jointe à la déclaration (décret n° 2014-354, art. 2).

Les sociétés de participations financières pluriprofessionnelles sont inscrites sur les listes spéciales des tableaux des ordres professionnels compétents et les listes dressées par les organismes compétents, pour chaque profession dont l'exercice constitue l'objet social des sociétés faisant l'objet de prises de participations, selon les modalités définies par les dispositions propres aux sociétés de participations financières de chacune de ces professions

Lorsque l'objet de la société de participations financières pluriprofessionnelle comprend la prise de participations dans des sociétés titulaires d'office ministériel, le procureur général transmet une copie de la déclaration au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, aux fins d'inscription de la société sur la liste des sociétés de participations financières établie pour chaque profession exercée au titre de l'office (décret n° 2014-354, art. 3).

L'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés est régie par les articles R. 123-31 (N° Lexbase : L9784HYZ) et suivants du Code de commerce, sous réserve des dispositions ci-après. Une copie de chaque déclaration est adressée par les associés ou leur mandataire commun au greffe du tribunal où a été déposée la demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. A la réception de ce document, le greffier procède à l'immatriculation et en informe les autorités auprès desquelles les déclarations ont été effectuées.

La société est dispensée de procéder aux formalités de publicité prévues aux articles R. 210-16 (N° Lexbase : L0081HZZ) à R. 210-20 du Code de commerce (décret n° 2014-354, art. 4).

II - Les modifications des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) pluriprofessionnelles

L'article 5 du décret du 19 mars 2014 dispose que, lorsqu'une société de participations financières pluriprofessionnelle adjoint à son objet social la détention de parts ou d'actions de sociétés ayant pour objet l'exercice d'une ou plusieurs des professions énumérées à l'article 1er du décret n° 2014-354, autres que celles y figurant déjà, son représentant légal en fait la déclaration dans un délai de trente jours aux autorités compétentes dans les conditions définies à l'article 2 du décret n° 2014 -354.

Il est alors procédé à la modification de l'inscription initiale de la société et à son inscription sur celles des listes prévues à cet article relatives à chacune des nouvelles professions.

Et, lorsqu'une SPFPL pluriprofessionnelle retire de son objet social la détention de toutes les parts ou actions de sociétés ayant pour objet l'exercice d'une ou plusieurs professions mentionnées à l'article 1er du décret n° 2014-354, son représentant légal en fait la déclaration dans un délai de trente jours à l'autorité compétente pour la profession considérée en application des dispositions propres aux sociétés de participations financières de cette profession, aux fins de retrait de la société, selon le cas, du tableau de l'ordre ou de la liste des sociétés de participations financières.

Il est alors procédé à la modification de l'inscription initiale de la société et à son retrait de celle des listes prévues à cet article relatives aux professions ayant donné lieu au retrait (décret n° 2014-354, art. 6).

Le représentant légal de la société de participations financières pluriprofessionnelle informe dans les trente jours de sa survenance les autorités des professions mentionnées dans l'objet social compétentes, en application des dispositions propres aux sociétés de participations financières propres à chacune de ces professions, des changements dans la situation déclarée en application de l'article 2, autres que ceux énoncés aux articles 5 et 6 du décret n° 2014-354, en joignant toutes pièces justificatives (décret n° 2014-354, art. 7).

III - La déontologie et contrôle des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) pluriprofessionnelles

L'article 8 du décret du 19 mars 214 précise d'abord que, si la société de participations financières pluriprofessionnelle ne se conforme pas aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, elle est invitée à régulariser sa situation par les autorités compétentes des professions mentionnées dans l'objet social compétentes en application des dispositions propres aux sociétés de participations financières de chacune de ces professions. La demande peut émaner également de l'une quelconque de ces autorités.

Si la société n'est pas en mesure d'opérer cette régularisation, ces mêmes autorités peuvent conjointement inviter les associés, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à prononcer la dissolution anticipée de la société selon les formes prévues par les statuts et dans le délai qu'elles déterminent. La lettre comporte la mention que l'absence de diligence des associés pourra, le cas échéant, donner lieu à poursuites disciplinaires.

La société de participations financières pluriprofessionnelle fait l'objet de contrôles par les autorités compétentes à l'égard des professionnels associés des sociétés dans lesquelles elle détient des participations, selon les modalités définies par les dispositions propres aux sociétés de participations financières de chaque profession (décret n° 2014-354, art. 9).

Chaque autorité de contrôle intervenant en application de l'article 9 du décret n° 2014-354 communique les rapports de contrôle qu'elle a établis aux autres autorités de contrôle (décret n° 2014-354, art. 10).

Ces rapports peuvent être communiqués, le cas échéant, aux autorités de poursuite et aux organismes ou juridictions compétents en matière disciplinaire à l'égard des professionnels associés des sociétés faisant l'objet de prises de participations de la société de participations financières pluriprofessionnelle.

IV - La dissolution-liquidation des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) pluriprofessionnelles

L'article 11 du décret du 19 mars 2014 dispose qu'en cas de dissolution de la société, le liquidateur est choisi parmi les associés de la société de participations financières pluriprofessionnelle ou parmi les membres ou anciens membres de l'une des professions constituant l'objet social des sociétés faisant l'objet des prises de participations. Les fonctions de liquidateur ne peuvent être confiées à un associé ou à un professionnel ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Plusieurs liquidateurs peuvent être désignés.

Le liquidateur peut être remplacé pour cause d'empêchement ou tout autre motif grave par le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social de la société, statuant sur requête à la demande du liquidateur, des associés ou de leurs ayants droit ou du procureur de la République.

La dissolution de la société est portée à la connaissance des autorités auprès desquelles elle a été déclarée à la diligence du liquidateur qui justifie de sa qualité en joignant copie de la délibération des associés ou de la décision de justice qui l'a nommé dans ses fonctions (décret n° 2014-354, art. 12).

Le liquidateur dépose au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés où la société est inscrite, pour être versée au dossier ouvert au nom de la société, la copie de l'acte de sa nomination dont tout intéressé peut obtenir communication. Il ne peut entrer en fonctions avant l'accomplissement de ces formalités.

Le liquidateur procède à la cession des parts ou actions que la société de participations financières pluriprofessionnelle détient dans la ou les sociétés d'exercice ou groupements dans les conditions prévues par les dispositions régissant chacune de ces sociétés ou groupements (décret n° 2014-354, art. 13).

Enfin, le liquidateur informe le procureur de la République et les autorités auprès desquelles la société a été déclarée de la clôture des opérations de liquidation (décret n° 2014-354, art. 14).

Il n'est pas certain que l'ensemble de ces règles permette, à elles seules, le développement de telles structures ; mais, les outils juridiques sont désormais en vigueur pour la constitution de véhicules concurrentiels d'exercice des professions libérales réglementées. Reste que pour assurer l'efficacité et le fonctionnement de ces SPFPL, encore faut-il que les institutions représentatives des différentes professions concernées travaillent ensemble à l'élaboration d'un socle commun de règles et de pratiques gommant les disparités déontologiques notamment, mais garantes de probité, compétence, indépendance et préservant le secret professionnel comme le règlement des conflits d'intérêts.

newsid:441565

Procédure administrative

[Brèves] Conditions d'obtention l'administration du sursis à exécution d'un jugement ayant annulé une de ses décisions

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 26 mars 2014, n° 370300, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6452MIS)

Lecture: 1 min

N1722BUC

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Le 11 Avril 2014

L'article R. 811-15 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3292ALI), qui permet à l'administration d'obtenir le sursis à exécution d'un jugement ayant annulé une de ses décisions, s'applique à un jugement fondé sur une erreur de fait et une mauvaise appréciation des premiers juges, indique le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 26 mars 2014 (CE 1° et 6° s-s-r., 26 mars 2014, n° 370300, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6452MIS). L'arrêt attaqué (CAA Nancy, 1ère ch., 27 juin 2013, n° 13NC00245 N° Lexbase : A6702KKG) a sursis à l'exécution du jugement qui a annulé la délibération par laquelle une communauté de communes a approuvé le dossier de création d'une zone d'aménagement concerté. Le Conseil d'Etat énonce qu'en application des dispositions de l'article R. 811-15 du Code de justice administrative, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter. La cour administrative d'appel a relevé que les moyens de l'appelante, tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de fait sur la superficie des aménagements litigieux et estimé à tort que la délibération approuvant la création de la ZAC était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation paraissaient, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, la cour n'a, ainsi pas commis d'erreur de droit .

newsid:441722

Procédure civile

[Brèves] Impartialité d'une juridiction : la simple connaissance antérieure de l'affaire n'est pas une cause suffisante de récusation

Réf. : Cass. civ. 2, 3 avril 2014, n° 14-01.414, F-P+B (N° Lexbase : A6243MI3)

Lecture: 1 min

N1732BUP

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Le 11 Avril 2014

Le défaut d'impartialité d'une juridiction, appelée à connaître de la contestation de la mesure d'exécution forcée d'une décision de justice, ne peut résulter du seul fait qu'elle ait précédemment connu de l'affaire. C'est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 3 avril 2014 (Cass. civ. 2, 3 avril 2014, n° 14-01.414, F-P+B N° Lexbase : A6243MI3 ; cf. en ce sens, à propos de la participation à la formation de jugement d'un juge ayant rendu, dans la même affaire, une décision ne préjugeant pas le fond N° Lexbase : A9112I3U). Dans cette affaire, M. et Mme X ainsi que Y ont fait valoir que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, fondée sur l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) interdit à un même magistrat de trancher deux fois de suite une même discussion, du fait qu'il a nécessairement un préjugé pour sa seconde prestation, de sorte que les magistrats de la chambre de la cour d'appel, en particulier M. Z, qui ont déjà connu de leur litige, en confirmant le jugement qui constitue le titre exécutoire sur le fondement duquel a été pratiquée la mesure d'exécution contestée devant un juge de l'exécution, ne peuvent connaître d'un appel formé contre la décision de ce juge de l'exécution, concernant les conséquences de ce même litige. La Haute juridiction, qui relève que les requérants ne produisent aucun élément de nature à faire peser sur les magistrats de la cour d'appel visés par la requête un soupçon légitime de partialité, rejette leur demande en énonçant le principe ci-dessus rappelé (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1321EUH).

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Procédure pénale

[Brèves] Pas d'autorité de chose jugée pour une décision de classement sans suite rendue par une juridiction étrangère

Réf. : Cass. crim., 2 avril 2014, n° 13-80.474, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3541MIY)

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N1685BUX

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Le 10 Avril 2014

Le classement sans suite par le ministère public près une juridiction étrangère, confirmé par cette juridiction, qui a dit n'y avoir lieu à l'exercice de l'action publique, sauf survenance de faits nouveaux, n'a pas valeur de jugement définitif, au sens de l'article 113-9 du Code pénal (N° Lexbase : L2187AMX), dès lors qu'un étranger, ayant commis, hors du territoire de la République, un crime ou un délit, puni d'emprisonnement, contre une victime de nationalité française, ne peut échapper à toute poursuite en France que s'il justifie avoir été définitivement jugé à l'étranger pour les mêmes faits. Telle est la substance de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 2 avril 2014 (Cass. crim., 2 avril 2014, n° 13-80.474, FS-P+B+I N° Lexbase : A3541MIY ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2674EUL). En l'espèce, Mlle K, âgée de 14 ans, a été trouvée morte en Allemagne, au domicile de son beau-père, M. X, de nationalité allemande. L'enquête, diligentée par le parquet allemand, a été classée sans suite. Le 18 octobre 2009, M. X, entendu par les services de police de Mulhouse, dans le cadre de la procédure diligentée pour des faits d'enlèvement avec séquestration et violences aggravées dont il avait été victime, a reçu notification de l'ordonnance de prise de corps rendue, valant mandat d'arrêt, et a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention. Après avoir ordonné un supplément d'information, la cour d'assises de Paris, saisie en application de l'article 379-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9709HEC) et statuant en première instance, l'a déclaré coupable de violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner et l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle. La cour d'assises du Val-de-Marne, saisie sur les appels formés par l'accusé et le ministère public, a confirmé la décision ainsi rendue. Soutenant la violation du principe "non bis in idem", M. X a fait appel de la décision en raison de l'extinction des poursuites à son égard, en vertu de l'article 113-9 précité, dans la mesure où une décision définitive du tribunal régional supérieur de Munich a mis fin, en 1987, aux poursuites le concernant. La Haute cour rejette son pourvoi en rappelant le principe susénoncé.

newsid:441685

Social général

[Textes] Recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un site : une nouvelle obligation, au champ d'application très restreint, et pratiquement pas sanctionnée

Réf. : Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014, visant à reconquérir l'économie réelle (N° Lexbase : L9440IZN)

Lecture: 20 min

N1715BU3

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 10 Avril 2014

L'obligation de chercher un repreneur, dès lors qu'un employeur entend fermer un site, a connu un parcours législatif, constitutionnel et conventionnel pour le moins chaotique :
- en 2012, une promesse électorale, formulée à Florange (ce qui explique le nom donné à la loi du 29 mars 2014) (1) dont la presse a rendu compte ad nauseam, ayant trouvé sa traduction dans une proposition de loi déposée le 28 février 2012 (2) ;
- en 2013, une consécration par les partenaires sociaux, au titre de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (ANI, art. 12, point 6 N° Lexbase : L9638IUI) (3), mettant en place une obligation d'information et de consultation du comité d'entreprise sur les offres de reprise, lorsque l'entreprise envisage, indépendamment de tout projet de cession, la fermeture d'un établissement (site ou filiale) ;
- en 2013, une consécration par le législateur (loi de sécurisation de l'emploi du 13 juin 2013) (4), mais a minima, en quelque sorte, en attendant la loi du 29 mars 2014 (C. trav., art. L. 1233-90-1 N° Lexbase : L0622IXC (5) ; loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, art. 19 N° Lexbase : L0394IXU) ;
- en 2013, une proposition n° 1037, visant à "redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel", déposée le 15 mai 2013 devant l'Assemblée nationale (précédée de la proposition n° 869, Assemblée nationale, 28 mars 2013, tendant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d'emploi abusives) ;
- en 2014, une proposition de loi, rejetée par le Sénat, n° 1763 visant à reconquérir l'économie réelle, déposée à l'Assemblée nationale, le 5 février 2014 ; une loi finalement votée (loi du 29 mars 2014), mais censurée en certains de ses aspects les plus sensibles (Cons. const., décision n° 2014-692 DC, du 27 mars 2014 N° Lexbase : A9857MHK) (6) ; au final, un ensemble de mesures, inscrites dans le droit positif (loi n° 2014-384 du 29 mars 2014) (7). Après de nombreux et longs débats (8), dont la multiplicité des travaux parlementaires (9) rend compte, le législateur a finalement mis en place, pour les seules entreprises d'au moins mille salariés ou appartenant à un groupe d'au moins mille salariés et qui ne sont pas placées en procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, de nouvelles obligations de recherche d'un repreneur lorsqu'est envisagée la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif ; cette nouvelle obligation est assortie de sanctions (d'une sanction, exactement) auquel s'expose l'employeur qui ne respecterait pas ces obligations.

I - Les termes de la nouvelle obligation de recherche d'un repreneur, à la charge de l'employeur

La loi du 29 mars 2014 met à la charge de l'employeur deux nouvelles obligations : informer les salariés et l'autorité administrative de l'intention de fermer un établissement, que l'on peut qualifier d'accessoire ; rechercher d'un repreneur, laquelle est principale.

A - Obligation périphérique : l'information des salariés et de l'autorité administrative de l'intention de fermer un établissement

1 - Information des salariés

La loi du 29 mars 2014 impose à l'employeur, lorsqu'il envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, de réunir et informer le comité d'entreprise, au plus tard à l'ouverture de la procédure d'information et de consultation des grands licenciements économiques collectifs donnant lieu à la mise en place d'un PSE (telle que prévue à l'article L. 1233-30 N° Lexbase : L0709IXK), c'est-à-dire deux mois (lorsque le nombre des licenciements est inférieur à 100) ; trois mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à 100 et inférieur à 250) ; quatre mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à 250). Mais une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents (C. trav., art. L. 1233-57-9 N° Lexbase : L9583IZX). Le Conseil constitutionnel, dans sa décision (préc.) du 27 mars 2014, n'a pas prononcé la censure (10).

L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la nouvelle réunion spécifiquement dédiée à la question de la recherche d'un repreneur (prévue à l'article L. 1233-57-9 du Code du travail), tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l'établissement. Il indique notamment

- les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture ;
- les actions qu'il envisage d'engager pour trouver un repreneur ;
- les possibilités pour les salariés de déposer une offre de reprise, les différents modèles de reprise possibles, ainsi que le droit des représentants du personnel de recourir à un expert prévu à l'article L. 1233-57-17 (N° Lexbase : L9591IZA) (C. trav., art. L. 1233-57-10 N° Lexbase : L9584IZY).

Dans les entreprises dotées d'un comité central d'entreprise, l'employeur réunit et informe le comité central et les comités d'établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d'établissement tiennent leur réunion après la réunion du CCE, tenue en application de l'article L. 1233-57-9 (C. trav., art. L. 1233-57-11 N° Lexbase : L9585IZZ).

La question centrale (mais elle n'a pas été résolue par le législateur) est celle de l'articulation entre cette nouvelle obligation de réunir le CE, avec les réunions que l'employeur doit organiser, au titre du droit commun de la procédure de licenciement économique collectif donnant à la mise en place d'un PSE. La question sera très probablement traitée par la (les) circulaire(s) d'application, attendue(s) d'ici l'été 2014.

2 - Information de l'autorité administrative et des collectivités territoriales

L'employeur notifie sans délai à l'autorité administrative tout projet de fermeture d'un établissement (mentionné à l'article L. 1233-57-9). Il communique, également, à la Dirrecte :

- l'ensemble des informations transmises au CE (v. supra ; mentionnées à l'article L. 1233-57-10) ;
- le procès-verbal de la réunion du CE (v. supra ; mentionnée à l'article L. 1233-57-9) ;
- tout renseignement concernant la convocation, l'ordre du jour et la tenue de cette réunion (C. trav., art. L. 1233-57-12 N° Lexbase : L9586IZ3).

Enfin, l'employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l'établissement. Dès que ce projet lui a été notifié, l'autorité administrative en informe les élus concernés (C. trav., art. L. 1233-57-13 N° Lexbase : L9587IZ4).

B - Au coeur de l'obligation à la charge de l'employeur : la recherche d'un repreneur

1 - Champ d'application de l'obligation

- Entreprises. Le législateur (C. trav., art. L. 1233-57-9) (11) a précisé clairement que seule est tenue de l'obligation de rechercher un repreneur, l'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-71 du Code du travail (N° Lexbase : L0731IXD), c'est-à-dire :

- les entreprises ou les établissements d'au moins 1 000 salariés ;
- le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1 (N° Lexbase : L6304AIC), aux I et II de l'article L. 233-3 (N° Lexbase : L4050HBM) et à l'article L. 233-16 (N° Lexbase : L6319AIU) du Code de commerce (entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 du Code du travail N° Lexbase : L9924H83) ;
- les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire (entreprises mentionnées à l'article L. 2341-4 du Code du travail N° Lexbase : L9969H8Q).

Les effectifs d'entreprises concernées sont dérisoires, rapportées au nombre total des entreprises, en France. Selon l'INSEE, en 2012, sur un effectif total de 3 596 580 entreprises, celles comptant de 500 à 1 999 salariés représentent 2 159 et les entreprises de plus de 2 000 salariés représentent 506.

- Contexte, cadre : licenciement économique collectif de plus de dix salariés sur une même période de trente jours. Plusieurs arguments de texte militent pour le rattachement de l'obligation de recherche d'un repreneur au droit du licenciement, analyse consensuelle en doctrine (12) :

- l'obligation de recherche d'un repreneur doit se faire lorsque l'entreprise envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif (C. trav., art. L. 1233-57-9) ;
- le CE peut émettre un avis (dans les délais prévus à l'article L. 1233-30), participer à la recherche d'un repreneur et formuler des propositions (C. trav., art. L. 1233-57-15 N° Lexbase : L9589IZ8). Or, le renvoi à l'article L. 1233-30 montre clairement que l'on se situe bien dans une procédure de licenciement économique collectif ("grands licenciements", avec mise en place d'un PSE). Ces délais prévus à l'article L. 1233-30 sont : deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ; quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante.

Enfin, le nouveau régime de l'obligation de rechercher un repreneur est codifié dans une section 4 bis nouvelle (Section 4 bis - Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement), laquelle se loge dans le Code du travail après la section 4 (Licenciement de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours) du chapitre III (Licenciement pour motif économique) du titre III (Rupture du contrat de travail à durée indéterminée) du livre II (Le contrat de travail) de la première partie du Code du travail. Bref, la position des nouveaux textes dans le Code du travail atteste clairement que l'obligation de rechercher un repreneur ne s'impose qu'à l'employeur qui projette de fermer un site et d'engager un programme de licenciement économique collectif d'au moins dix personnes sur une même période de trente jours.

On voit bien ici la faiblesse rédactionnelle de la loi : et si l'employeur ne projette aucun programme de licenciement économique collectif (notamment parce qu'il va procéder à des reclassements internes ou un plan de départ volontaire...), faut-il comprendre qu'il ne sera pas tenu par cette nouvelle obligation de recherche d'un repreneur ? En effet, au moment de la recherche d'un repreneur, rien n'impose à l'employeur de programmer un projet de licenciement économique collectif, alors même qu'il programme de fermer un site. La fermeture d'un site peut entraîner des licenciements, mais cette perspective reste, à ce moment de la procédure, une hypothèse, et certainement pas une certitude : elle le deviendra (certitude) que si l'employeur échoue dans ses démarches de recherche d'un repreneur.

- Champ d'application dans le temps. La nouvelle obligation s'applique aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er avril 2014.

2 - Définition de l'obligation à la charge de l'employeur

En application de la loi du 29 mars 2014, l'employeur ayant informé le comité d'entreprise du projet de fermeture d'un établissement, doit rechercher un repreneur (supra) (13). A ce titre, il est tenu :

- d'informer, par tout moyen approprié, les repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement ;
- de réaliser sans délai un document de présentation de l'établissement destiné aux repreneurs potentiels ;
- d'engager la réalisation d'un bilan environnemental (C. com., art. L. 623-1 N° Lexbase : L3346ICW) devant établir un diagnostic précis des pollutions dues à l'activité de l'établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût ;
- de donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l'établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l'entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l'ensemble de son activité. Les entreprises candidates à la reprise de l'établissement sont tenues à une obligation de confidentialité ;
- d'examiner les offres de reprise qu'il reçoit ;
- d'apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais prévus à l'article L. 1233-30, c'est-à-dire deux mois (lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent) ; trois mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante) ; quatre mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante). Mais, une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents (C. trav., art. L. 1233-57-14 N° Lexbase : L9588IZ7) (14).

3 - Etendue et portée de l'obligation à la charge de l'employeur

Les textes ne donnent aucune précision sur la nature des recherches, l'obligation de rapidité, diligence ou efficacité dans les recherches. Si l'employeur a l'obligation de chercher un repreneur, cette recherche a vocation à déboucher sur une offre d'un repreneur. Le législateur, en revanche, est intervenu, pour encadrer la liberté d'accepter ou refuser une offre de reprise d'un site.

- Liberté d'accepter une offre de reprise du site. Si l'employeur souhaite donner suite à une offre de reprise, il consulte le comité d'entreprise et lui indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement (C. trav., art. L. 1233-57-19 N° Lexbase : L9593IZC) (15). En d'autres termes, l'employeur est totalement libre d'accepter toute offre de reprise. La seule condition est celle d'être en état de se justifier, au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement.

- Liberté de refuser une offre de reprise du site. Si l'employeur n'a souhaité donner suite à aucune des offres, il réunit le comité d'entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l'autorité administrative. Ce rapport indique : les actions engagées pour rechercher un repreneur ; les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ; les motifs qui l'ont conduit à refuser la cession de l'établissement (C. trav., art. L. 1233-57-20 N° Lexbase : L9594IZD).

Dans sa rédaction initiale, le CE pouvait saisir le tribunal de commerce, dès lors que l'employeur a refusé de donner suite à une offre que le CE considère comme sérieuse (C. com., art. L. 771-1, 2° N° Lexbase : L9597IZH). Le tribunal de commerce avait donc compétence pour examiner le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement.

Cette disposition a été déclarée non conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-692 DC du 27 mars 2014 (cons. 20 et 21). Si le législateur précise que ce caractère sérieux des offres de reprise s'apprécie notamment au regard de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement, ces dispositions confient au tribunal de commerce saisi (dans les conditions prévues à l'article L. 771-1) le pouvoir d'apprécier ce caractère sérieux ; le tribunal de commerce peut également juger qu'une entreprise a refusé sans motif légitime une offre de reprise sérieuse et de prononcer une pénalité pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé ; aussi, le juge pourra alors à substituer son appréciation à celle du chef d'une entreprise, qui n'est pas en difficulté, pour des choix économiques relatifs à la conduite et au développement de cette entreprise.

Enfin, la loi du 29 mars 2014 avait prévu que le tribunal de commerce avait compétence pour examiner l'existence d'un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise (C. com., art. L. 771-1, 3°). Le Conseil constitutionnel (décision préc., cons. 19 et 21) a censuré cette disposition, dans la mesure où ce régime aurait eu pour effet de priver l'entreprise de sa capacité d'anticiper des difficultés économiques et de procéder à des arbitrages économiques à un autre niveau que celui de l'ensemble de l'activité de l'entreprise.

4 - Rôle du comité d'entreprise dans la procédure de recherche d'un repreneur

Le comité d'entreprise est informé des offres de reprise formalisées, au plus tard huit jours après leur réception. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles, conformément au droit commun (dans les conditions prévues à l'article L. 2325-5 du Code du travail N° Lexbase : L9797H8D). Le comité d'entreprise jouit d'un certain nombre de prérogatives :

- il peut émettre un avis, dans les délais prévus à l'article L. 1233-30 (N° Lexbase : L0709IXK), c'est-à-dire deux mois (lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent) ; trois mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante) ; quatre mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante). Mais, une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents ;
- il peut participer à la recherche d'un repreneur et formuler des propositions (C. trav., art. L. 1233-57-15). Dans ce cas, l'employeur lui donne accès, à sa demande, aux informations mentionnées aux 4° à 6° de l'article L. 1233-57-14 (C. trav., art. L. 1233-57-16 N° Lexbase : L9590IZ9) ;
- il peut recourir à l'assistance d'un expert de son choix rémunéré par l'entreprise. Cet expert a pour mission d'analyser le processus de recherche d'un repreneur, sa méthodologie et son champ, d'apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels, d'étudier les offres de reprise et d'apporter son concours à la recherche d'un repreneur par le comité d'entreprise et à l'élaboration de projets de reprise. L'expert présente son rapport dans les délais prévus à l'article L. 1233-30, c'est-à-dire deux mois (lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent) ; trois mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante) ; quatre mois (lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante). Mais une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents.

Lorsque le comité d'entreprise recourt à l'assistance d'un expert, l'employeur en informe sans délai l'autorité administrative (C. trav., art. L. 1233-57-17).

Dans les entreprises dotées d'un comité central d'entreprise, les comités d'établissement exercent les attributions confiées au comité d'entreprise (en application des articles L. 1233-57-15 à L. 1233-57-17, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20), dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements (C. trav., art. L. 1233-57-18 N° Lexbase : L9592IZB).

Si l'employeur accepte une offre de reprise, le CE émet un avis, dans l'hypothèse où l'employeur accepte l'offre de reprise. L'employeur indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement. sur cette offre dans un délai fixé en application de l'article L. 2323-3 (C. trav., art. L. 1233-57-19).

Enfin, si l'employeur refuse une offre ou en l'absence d'offres, avant la fin de la procédure d'information et de consultation (prévue à l'article L. 1233-30), l'employeur réunit le comité d'entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l'autorité administrative. Ce rapport indique : les actions engagées pour rechercher un repreneur ; les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ; les motifs qui l'ont conduit à refuser la cession de l'établissement (C. trav., art. L. 1233-57-20).

Les actions engagées par l'employeur au titre de l'obligation de recherche d'un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et l'autorité administrative en application des articles L. 1233-84 (N° Lexbase : L1283H9E) à L. 1233-90 (C. trav., art. L. 1233-57-21 N° Lexbase : L9595IZE).

II - Défaillance de l'employeur

La défaillance de l'employeur a donné lieu à une définition, par le législateur, des comportements fautifs, au regard de l'obligation de rechercher un emploi ; ces fautes sont susceptibles de déclencher certaines sanctions, dont certaines n'ont été censurées par le Conseil constitutionnel (décision préc.).

A - Fautes de l'employeur et typologie des sanctions

1 - Identification des fautes susceptibles d'entraîner la mise en oeuvre de certaines sanctions

Le législateur a défini deux fautes, dans le cadre de l'obligation de rechercher un repreneur : non-respect de l'obligation de chercher un repreneur dont le régime est fixé par les textes législatifs (c'est-à-dire, essentiellement, une procédure d'information des représentants du personnel) ; refus de céder un site à un repreneur.

- Premièrement : non-respect de l'obligation de chercher un repreneur. La première faute définie par le législateur vise la conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du Code du travail (C. com., art. L. 771-1 et art. 772-2 N° Lexbase : L9599IZK, réd. loi du 29 mars 2014), c'est-à-dire :

- informer le comité d'entreprise du projet de fermeture d'un établissement recherche un repreneur (C. trav., art. L. 1233-57-14) ;
- informer le CE des offres de reprise formalisées (C. trav., art. L. 1233-57-15) ;
- donner accès au CE, à sa demande, à certaines informations (C. trav., art. L. 1233-57-16) ;
- consulter le comité d'entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre (C. trav., art. L. 1233-57-19) ;
- réunir le comité d'entreprise et lui présente un rapport, si aucune offre de reprise n'a été reçue ou si l'employeur n'a souhaité donner suite à aucune des offre (C. trav., art. L. 1233-57-20).

- Deuxièmement : refus de céder un site à un repreneur. La loi du 29 mars 2014 ouvre au comité d'entreprise la possibilité de saisir le tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social, s'il estime que l'entreprise a refusé de donner suite à une offre qu'il considère comme sérieuse (C. com., art. L. 771-1, réd. loi du 29 mars 2014).

Le législateur avait défini d'autres comportements fautifs, mais le Conseil constitutionnels en a prononcé la censure (décision du Conseil constitutionnel n° 2014-692 DC du 27 mars 2014). Il s'agit :

- du refus d'une offre de reprise alors qu'elle serait qualifiée de "sérieuse" (C. com., art. L. 772-2, al. 1). Le comportement fautif étant défini comme le refus par l'employeur d'une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2° de l'article L. 772-2 du Code de commerce ("le tribunal examine [...] 2° Le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement"),
- de l'absence d'un motif légitime de refus de cession, au titre du 3° de l'article de l'article L. 772-2 du Code de commerce ("le tribunal examine [...] 3° L'existence d'un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise").

2 - Définition des sanctions

Le législateur avait prévu un certain nombre de sanctions, en cas de défaillance de l'employeur dans son obligation de chercher un repreneur : remboursement des aides financières versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture (C. com., art. L. 773-2 N° Lexbase : L9601IZM) ; versement d'une pénalité (C. com., art. L. 773-1, al. 1 N° Lexbase : L9600IZL) ; enfin, un plan de cession du site. Cet ordonnancement juridique a largement été remis en cause par le Conseil constitutionnel : il ne reste plus qu'une seule sanction.

- Remboursement des aides financières versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture (C. com., art. L. 773-2) (16). Les personnes publiques compétentes peuvent émettre un titre exécutoire, dans un délai d'un an à compter du jugement du tribunal de commerce, pour obtenir le remboursement de tout ou partie des aides pécuniaires en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi attribuées à l'entreprise au cours des deux années précédant le jugement, au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture.

Le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la Constitution les autres sanctions initialement prévues par le législateur (17), comme l'avaient pressentis certains parlementaires (18).

- Versement d'une pénalité. Le législateur (C. com., art. L. 773-1, al. 1) (19) avait prévu le versement d'une pénalité, pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l'établissement, dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Le montant de la pénalité aurait tenu compte de la situation de l'entreprise et des efforts engagés pour la recherche d'un repreneur. Le Conseil constitutionnel (décision préc., cons. 25) a estimé que cette pénalité revêt un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité du manquement réprimé.

- Plan de cession. La version initiale (proposition de loi, Ass. nat., n° 4412, 28 février 2012) prévoyait que, si l'entreprise n'a accepté aucune offre à l'issue d'un délai, le mandataire pouvait être saisi par le comité d'entreprise ou par tout candidat en vue d'apprécier la pertinence des offres : il déterminait les offres pertinentes en fonction de plusieurs critères (leur capacité à maintenir durablement l'emploi sur le site, l'innovation pour l'activité concernée et une adéquation à la valeur économique de l'ensemble cédé) ; il consultait le comité d'entreprise et l'autorité administrative ; il soumet à l'entreprise les offres qu'il estime pertinentes. Si l'entreprise n'acceptait aucune des offres considérées comme pertinentes par le mandataire, le tribunal de commerce peut arrêter un plan de cession (dans les mêmes conditions que pour les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire), lequel s'impose alors à l'entreprise. Au final, cette sanction n'a pas été retenue par le législateur, dans la version définitive du texte adopté.

B - Saisine du tribunal de commerce

1 - Saisine

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce, solution qui ne s'impose pas à première lecture, dans la mesure où l'obligation de chercher un repreneur est comprise dans la procédure de licenciement économique collectif, la loi du 14 juin 2013 ayant désigné le juge administratif comme le juge compétent de droit commun (20).

- Délais. La saisine se fait dans un délai de sept jours à compter de la réunion (mentionnée à l'article L. 1233-57-20 du Code du travail) que l'employeur doit organiser, avant la fin de la procédure d'information et de consultation (prévue à l'article L. 1233-30 du même code), si aucune offre de reprise n'a été reçue ou si l'employeur n'a souhaité donner suite à aucune des offres.

- Objet. Le comité d'entreprise peut saisir le tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social, s'il estime que l'entreprise n'a pas respecté les obligations mentionnées aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57 -16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du Code du travail ou qu'elle a refusé de donner suite à une offre qu'il considère comme sérieuse. Il s'agit des obligations suivantes (mentionnées supra) :

- obligation pour l'employeur d'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement ; obligation de réaliser un document de présentation de l'établissement destiné aux repreneurs potentiels ; d'engager la réalisation du bilan environnemental (C. trav., art. L. 1233-57-14 ; v. supra) ;
- obligation d'informer le CE des offres de reprise formalisées, au plus tard huit jours après leur réception (C. trav., art. L. 1233-57-15 ; v. supra) ;
- obligation de donner accès, à la demande du CE, à certaines informations (C. trav., art. L. 1233-57-16 ; v. supra) ;
- obligation de consulter le comité d'entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement (C. trav., art. L. 1233-57-19 ; v. supra) ;
- obligation de réunir le comité d'entreprise si aucune offre de reprise n'a été reçue ou si l'employeur n'a souhaité donner suite à aucune des offres et obligation de présenter un rapport, qui est communiqué à l'autorité administrative (C. trav., art. L. 1233-57-20 ; v. supra).

- Auteurs de la saisine. Le Comité d'entreprise a vocation à être l'auteur de la saisine ; mais s'il n'existe pas de comité d'entreprise et qu'un procès-verbal de carence a été transmis à l'inspecteur du travail, le tribunal de commerce peut être saisi par les délégués du personnel (C. com., art. L. 771-1, réd. loi du 29 mars 2014).

2 - Office du juge

- Procédure de vérification du tribunal de commerce. Le tribunal statue en chambre du conseil sur l'ouverture de la procédure. Le tribunal peut recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise ainsi que sur les actions engagées par le dirigeant de l'entreprise pour trouver un repreneur. Il peut se faire assister de tout expert de son choix (C. com., art. L. 772-1, réd. loi du 29 mars 2014).

Après avoir entendu ou dûment appelé le dirigeant de l'entreprise, les représentants du comité d'entreprise, le ministère public, le représentant de l'administration, s'il en fait la demande, ou toute autre personne dont l'audition lui paraît utile, le tribunal examine la conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du Code du travail (C. com., art. L. 772-2, réd. loi du 29 mars 2014) (21).

- Rôle du juge : la censure du Conseil constitutionnel. Le régime de l'obligation de recherche d'un entrepreneur imposait à l'entreprise qui envisage de fermer un établissement d'accepter une offre de reprise dite "sérieuse". Le législateur a précisé que ce caractère sérieux des offres de reprise s'apprécie notamment au regard de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement. Mais pour le Conseil constitutionnel (décision préc., cons. 20), ces dispositions confient au tribunal de commerce le triple pouvoir d'apprécier ce caractère sérieux ; de juger qu'une entreprise a refusé sans motif légitime une offre de reprise sérieuse ; de prononcer une pénalité pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé. Aussi, le Conseil constitutionnel a craint que ce régime juridique du contrôle judiciaire de la recherche d'un entrepreneur conduise le juge à substituer son appréciation à celle du chef d'une entreprise, qui n'est pas en difficulté, pour des choix économiques relatifs à la conduite et au développement de cette entreprise.

Le tribunal statue dans un délai de quatorze jours. La décision administrative d'homologation du document élaboré par l'employeur (mentionné à l'article L. 1233 -24-4 du Code du travail) ne peut intervenir avant le jugement (C. com., art. L. 773 -1, réd. loi du 29 mars 2014).


(1) En présence des salariés d'Arcelor Mittal qui bloquaient l'aciérie, le 24 février 2012, le candidat F. Hollande a répondu à la question "Etes-vous prêt à faire une loi qui, si Mittal ne veut plus du site de Florange, lui interdise de démanteler le site ?", "Je ne veux pas me retrouver dans la situation d'être élu sur une promesse et ne pas pouvoir revenir ici parce qu'elle n'aurait pas été tenue" ; E. Serverin et R. Dalmasso, La procédure de recherche d'un repreneur en quête de sécurité juridique, SSL, n° 1603, 28 octobre 2013, p. 7.
(2) Proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l'activité des établissements viables, notamment lorsqu'ils sont laissés à l'abandon par leur exploitant, Assemblée nationale, n° 4412, 28 février 2012.
(3) G. Auzero, Commentaire des articles 12 à 17 (Titre II) de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, Lexbase Hebdo n° 514 du 31 janvier 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5518BTK). Selon l'auteur, "La proposition nous paraît intéressante. Sans assurer, pour d'évidentes raisons de droit et de fait, la reprise de l'entité initialement destinée à la fermeture, elle oblige à tout le moins l'employeur à accomplir certains efforts en ce sens. A notre sens, cette stipulation n'exige pas d'être reprise par la loi pour entrer en vigueur dans la mesure où elle offre de nouvelles garanties aux salariés et de améliore les prérogatives du comité d'entreprise".
(4) F. Gea, L'obligation de rechercher un repreneur en cas de fermeture de site, Dr. soc., 2013, p. 827 ; S. Tournaux, Commentaire de l'article 19 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi : recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un établissement, Lexbase Hebdo n° 535 du 11 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N7935BT3).
(5) C. trav., art. L. 1233-90-1 (abrogé au 2 avril 2014) : "Lorsqu'elle envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, l'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-71 N° Lexbase : L0731IXD recherche un repreneur et en informe le comité d'entreprise dès l'ouverture de la procédure d'information et de consultation prévue à l'article L. 1233-30.
Le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance de l'expert-comptable désigné pour analyser le processus de recherche d'un repreneur, sa méthodologie et son champ, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.
Le comité d'entreprise est informé des offres de reprise formalisées. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles. Le comité d'entreprise peut émettre un avis et formuler des propositions.
Cet avis est rendu dans les délais prévus à l'article L. 1233-30.
Les actions engagées par l'employeur au titre de l'obligation de recherche d'un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et l'autorité administrative en application des articles L. 1233-84 et suivants
".
(6) La loi Florange censurée Cons. const., 27 mars 2014, n° 2014-692 DC, X. Delpech, D. actualité, 31 mars 2014 ; R. Dalmasso, Le désamorçage de l'obligation de recherche d'un repreneur Libres propos après la décision du Conseil constitutionnel du 27mars 2014, SSL, n° 1625, 7 avril 2014 ; LSQ, n° 62, du 2 avril 2014 ; SSL, n° 1624, 31 mars 2014.
(7) LSQ, n° 16563, du 2 avril 2014.
(8) A. Lienhard, D. actualité, 23 septembre 2013 ; Bull. Joly, 2013, 499, obs. F.-X. Lucas ; V. Téchené, La reconquête de l'économie réelle : un objectif louable pour une proposition de loi au contenu inadapté, Lexbase Hebdo n° 353 du 3 octobre 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N8712BTT).
(9) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013 ; A. Emery-Dumas, rapport Sénat, n° 328 (2013-2014), 29 janvier 2014 ; M. Bourquin, avis Sénat, n° 314 (2013-2014), 27 janvier 2014 ; J.-M. Todeschini, avis Sénat, n° 315 (2013-2014), 28 janvier 2014 ; F. Desplan, avis Sénat, n° 316 (2013-2014), 28 janvier 2014 ; C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1772 et A. Emery-Dumas, rapport Sénat, n° 345 (2013-2014), 5 février 2014 ; C. Valter, rapport Assemblée nationale n° 1791, 12 février 2014 ; A. Emery-Dumas, rapport Sénat, n° 377 (2013-2014), 19 février 2014.
(10) Cons. 11 : le législateur a entendu permettre aux repreneurs potentiels d'avoir accès aux informations utiles relatives à l'établissement dont la fermeture est envisagée, sans pour autant imposer la communication d'informations lorsque cette communication serait susceptible d'être préjudiciable à l'entreprise cédante ou lorsque ces informations porteraient sur d'autres établissements que celui dont elle envisage la fermeture. Aussi, compte tenu de cet encadrement, l'obligation d'informations ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; v. Ch. Radé, Le Conseil constitutionnel, gardien de la liberté d'entreprendre (à propos de la décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, Loi visant à reconquérir l'économie réelle), Lexbase Hebdo n° 566 du 10 avril 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N1701BUK).
(11) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 65-66 ; A. Emery-Dumas, rapport Sénat, n° 328 (2013-2014), 29 janvier 2014, préc., p. 26.
(12) R. Dalmasso, Le désamorçage de l'obligation de recherche d'un repreneur Libres propos après la décision du Conseil constitutionnel du 27 mars 2014, SSL, n° 1625, 7 avril 2014, préc. ; E. Serverin et R. Dalmasso, La procédure de recherche d'un repreneur en quête de sécurité juridique, SSL, n° 1603, 28 octobre 2013, préc..
(13) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 66-67.
(14) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 63-64.
(15) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 69-70.
(16) D. Poupeau, Fermeture d'entreprise : les subventions pourraient être remboursées, AJDA, 2014, p. 425.
(17) R. Dalmasso, Le désamorçage de l'obligation de recherche d'un repreneur Libres propos après la décision du Conseil constitutionnel du 27mars 2014, SSL, n° 1625, 7 avril 2014, préc..
(18) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 72-80 ; A. Emery-Dumas, rapport Sénat, n° 328 (2013-2014), 29 janvier 2014, préc., p. 38.
(19) C. Valter, rapport Assemblée nationale, n° 1283, 17 juillet 2013, préc., p. 71-72.
(20) E. Serverin et R. Dalmasso, La procédure de recherche d'un repreneur en quête de sécurité juridique, SSL, n° 1603, 28 octobre 2013, préc..
(21) Rappel : le conseil constitutionnel a censuré les deux autres dispositions prévues par la loi (Conseil constitutionnel n° 2014-692 DC du 27 mars 2014).

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Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Taxe d'enlèvement des ordures ménagères : les déchets non ménagers exclus du calcul du taux de la taxe par la commune

Réf. : CE 8° et 3° s-s-r., 31 mars 2014, deux arrêts, n° 368111, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6437MIA) et n° 368122, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6438MIB)

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N1706BUQ

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Le 10 Avril 2014

Aux termes de deux décisions rendues le 31 mars 2014, le Conseil d'Etat retient que le calcul du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut pas comprendre le coût de traitement de déchets non ménagers (CE 8° et 3° s-s-r., 31 mars 2014, deux arrêts, n° 368111, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6437MIA et n° 368122, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6438MIB). En l'espèce, une société a demandé l'annulation de la délibération de la communauté urbaine relative au taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (CGI, art. 1520 N° Lexbase : L0854IPC et CGCT, art. L. 2333-76 N° Lexbase : L1072IZQ et suivants). Le juge fait droit à sa demande pour deux raisons : tout d'abord, il rappelle que l'instauration de la redevance spéciale afin d'assurer l'élimination des déchets est obligatoire en l'absence de redevance d'enlèvement des ordures ménagères et que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas pour objet de financer l'élimination des déchets non ménagers, même si la redevance spéciale n'a pas été instituée. Or, le Conseil d'Etat relève l'absence d'éléments apportés par la communauté urbaine sur l'estimation des dépenses à la date du vote de la délibération litigieuse. Ensuite, et toutefois, la société requérante est parvenue à prouver que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, contre lequel elle a saisi le juge, prend en compte l'élimination de déchets non ménagers, alors que cela n'est pas prévu par la loi. En effet, le juge du fond a évalué le coût global de traitement des déchets, et a estimé que le coût de traitement des déchets non ménagers était inclus dans ce coût global et en représentait une part substantielle. Le produit de la taxe litigieuse, auquel il a ajouté celui des contributions versées par les organismes de droit privé tel qu'Eco-Emballages, excède le montant des dépenses de traitement des déchets. Dès lors que le coût de traitement des déchets pris en compte pour la détermination du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incluait, pour une part substantielle, le coût de traitement des déchets non ménagers, lequel ne pouvait pas être couvert par cette taxe, le Conseil d'Etat en déduit que la délibération de la communauté urbaine est entachée d'irrégularité, et prononce son annulation .

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Temps de travail

[Brèves] Affaire "Sephora" : le recours suspensif contre les dérogations préfectorales au repos dominical jugé contraire à la Constitution

Réf. : Cons. const., n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4068MII)

Lecture: 2 min

N1698BUG

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Le 10 Avril 2014

Est contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L1363A9D) l'article L. 3132-24 du Code du travail (N° Lexbase : L0479H9M). Telle est la portée de la décision du Conseil constitutionnel rendue dans un arrêt du 4 avril 2014 en réponse à la QPC du 8 avril 2014 posée à la Cour de cassation par la société Sephora (Cons. const., n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4068MII).
Selon la société requérante, les dispositions de l'article L. 3132-24 du Code du travail méconnaissaient la liberté du travail, la liberté d'entreprendre, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, la sécurité juridique et le principe de légalité des délits et des peines. En outre, elle soutenait qu'en privant pour une durée indéterminée l'employeur du bénéfice de l'autorisation de permettre aux salariés volontaires de travailler le dimanche sans qu'aucun juge ne puisse porter une appréciation sur le caractère excessif ou non de l'atteinte portée à ses droits dans un délai raisonnable, les dispositions contestées méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense, le droit au procès équitable ainsi que le principe d'égalité devant la loi et l'exigence de sécurité juridique.
Le Conseil constitutionnel rappelle que les articles L. 3132-20 (N° Lexbase : L0473H9E) et L.3132-23 (N° Lexbase : L6297IEX) du Code du travail prévoient la possibilité pour le préfet d'autoriser des dérogations temporaires au repos dominical selon des modalités limitativement énumérées. Il rappelle également que l'article L. 3132-24 prévoit que les recours présentés contre les décisions prévues à ces dispositions ont un effet suspensif.
Ainsi, pour déclarer l'article L. 3132-24 non conforme à la Constitution, le Conseil considère qu'il résulte de ces dispositions que tout recours formé contre un arrêté préfectoral autorisant une dérogation au repos dominical suspend de plein droit les effets de cette décision dès son dépôt par le requérant au greffe de la juridiction administrative. Or, cette suspension se prolonge jusqu'à la décision de la juridiction administrative compétente, alors que la dérogation est accordée pour une durée limitée, ainsi, l'employeur ne dispose d'aucune voie de recours pour s'opposer à cet effet suspensif et le Conseil ajoute qu'aucune disposition législative ne garantit que la juridiction saisie statue dans un délai qui ne prive pas de tout effet utile l'autorisation accordée par le préfet.
Il en déduit que, compte tenu tant de l'effet et de la durée de la suspension que du caractère temporaire de l'autorisation accordée, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles relatives à la garantie des droits découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et que par conséquent l'article L. 3132-24 doit être déclaré contraire à la Constitution (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3649ETC).

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