La lettre juridique n°567 du 17 avril 2014

La lettre juridique - Édition n°567

Éditorial

Simplifier, oui ! Mais, simplifier quoi ?

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N1933BU7

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 17 Avril 2014


Le Conseil de simplification vient de proposer cinquante mesures pour faciliter la vie des entreprises et leur permettre de récupérer 1,5 à 2 milliards d'euros. A la bonne heure ! Si l'Homme pouvait mettre autant d'ardeur à simplifier sa vie qu'il en met à la compliquer...

Donc, voici que le futur "pacte de responsabilité", déjà rebaptisé "pacte de confiance" -et cette dernière n'exclut pas le contrôle, comme disait Vladimir I. de Moscou -, devrait comprendre en son sein, un choc de simplification permettant d'en finir, d'abord, avec l'Etat colbertiste qui voit l'administration gérer en tout et partout, ensuite, avec ces reliques législatives et réglementaires, dont le caractère suranné n'a d'égal que leur inefficacité.

Le mot est lâché ! La loi et son avatar réglementaire doivent être, avant tout, EFFICACES. Et, pour être efficace, la loi doit nécessairement être intelligible, voire traductible et ne pas se perdre dans les méandres des cas particuliers qui, s'ils sont nécessaires à l'exercice démocratique, empiètent souvent sur la compréhension, sinon sur l'efficacité.

Alors certes, il n'est point une loi qui, désormais, ne soit accompagnée d'une étude d'impact en amont et de son rapport pour sa mise en oeuvre en aval ; mais, où est la poésie dans tout cela ? La poésie qui, seule, permit à nos lois de s'exporter à travers le monde, quand on lui préfère désormais l'alambiqué de ces nouvelles dispositions qui renvoient à un autre article, qui renvoie à un autre code, etc..

Un Quotidien national s'en est donc pris au malheureux article R. 4228-20 du Code du travail qui dispose qu'"aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail", fustigeant le caractère vernaculaire de l'eau-de-vie, alors qu'elle témoigne d'un certain ancrage de notre droit au sein de tous les territoires, urbains comme agricoles...

Jean Tulard aime pourtant à rappeler que Stendhal voyait, dans le Code civil napoléonien, "un modèle d'écriture : clarté, concision, précision". Un article du Code civil peut valoir "un vers de Racine par sa forme élégante et son tour poétique. Et, en même temps, le Code civil, par sa clarté, est une oeuvre facile à traduire. Spécifique d'un certain génie français, il s'exporte merveilleusement, comme nos vins et nos fromages".

Le choc de simplification ne concernera au bas mot que l'allègement de la fiche de paye, la réduction du nombre de statuts pour les entreprises individuelles, la suppression de certaines obligations de certaines professions -comme celle pour le boulanger de déclarer ses périodes de congés en préfecture-, le développement du rescrit -toujours la confiance et le contrôle en ballotage-, et... l'application d'un principe, qui sonne toutefois comme un voeu pieux, "zéro charge supplémentaire pour toute nouvelle mesure", étant entendu qu'un raisonnement macroéconomique ne prévaut que rarement au niveau microéconomique. D'intelligibilité il n'en est nulle question. La loi du XXIème siècle, pour être efficace, se veut simplifiée dans son esprit et technique dans son écriture. Est-ce là le bon écueil à suivre, alors que la littérature claire, concise et précise de 1804 permit d'affronter tous les régimes politiques, toutes les révolutions industrielles et tous les âges de la modernité ?

Dans Pantagruel, Rabelais fustigeait, déjà, ces gloseurs invétérés du droit romain qui, par verbiage des Pandectes, avaient le don de compliquer le droit et de s'en écarter, alors que l'humaniste militait, au contraire, pour un retour au texte, expurgé de tout commentaire : "Ainsi vint à Bourges, où estudia bien longtemps, et proffita beaucoup en la faculté des loix, et disoit aulcunesfois que les livres des loix luy sembloyent une belle robbe d'or, triumphante et precieuse à merveilles, qui feust brodée de merde : Car, disoit-il, au monde n'y a livres tant beaulx, tant aornés, tant elegans comme sont les textes des Pandectes ; mais la brodure d'iceulx, c'est assavoir la Close de Accurse, est tant salle, tant infame et punaise, que ce n'est que ordure et villenie'". L'idée fit tellement son chemin, surtout après le recensement de la multitude des coutumes et de leur contrariété sur un même territoire, que Montesquieu, lui aussi, en vint à imposer la synthétisation des lois, et non leur uniformité, afin de se référer toujours à leur esprit.

"Ce qui se conçoit bien s'exprime clairement" professe l'adage populaire. Le choc de simplification devrait peut-être commencer par celle de l'écriture législative et, surtout, réglementaire. A quoi bon disposer de l'ensemble des textes applicables aux entreprises sur Légifrance, si seuls les "sachants" peuvent décrypter les inintelligibles obligations qui s'en dégagent ?

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Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] Prescription de l'action en paiement des honoraires de l'avocat

Réf. : CA Toulouse, 19 mars 2014, n° 13/05516 (N° Lexbase : A1988MH4)

Lecture: 8 min

N1815BUR

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par Aurélie Bergeaud-Wetterwald, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Faculté de Bordeaux, Institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4601)

Le 01 Mai 2014

Même si les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés par l'avocat en accord avec le client (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 10 N° Lexbase : L6343AGZ), leur montant et leur recouvrement peuvent donner lieu à contestations. Si aucun terrain d'entente n'est trouvé, les contestations en matière d'honoraires sont portées devant le Bâtonnier du barreau auquel appartient l'avocat selon une procédure décrite avec précision aux articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID). Une incertitude demeure malgré tout s'agissant de la prescription applicable à l'action exercée devant le Bâtonnier, spécialement lorsque celle-ci est à l'initiative de l'avocat qui réclame paiement de ses honoraires à un client récalcitrant ou qui ne donne plus de nouvelles. La question se pose avec une acuité toute particulière depuis la réforme de la prescription en matière civile par la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 N° Lexbase : L9102H3I) qui a sérieusement réduit le délai de prescription de droit commun tout en instituant des prescriptions abrégées dans des domaines qu'il n'est pas toujours évident de bien délimiter. C'est ainsi que l'on assiste, depuis quelques années, à une véritable scission au sein des cours d'appel au sujet du délai de prescription applicable à l'action en paiement des honoraires, certaines militant pour l'application de la prescription quinquennale de droit commun, d'autres estimant que la prescription biennale prévue en droit de la consommation a vocation à s'appliquer. Avant d'analyser cette divergence relative à la durée du délai (II), il convient néanmoins de relever qu'un consensus existe s'agissant de la fixation du point de départ du délai de prescription (II). I - Consensus sur le point de départ du délai de prescription

La règle posée par l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) selon laquelle la prescription court "à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" pourrait donner matière à discussions. Néanmoins, il est désormais acquis en jurisprudence que la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat, ou plus exactement leur mission, prend fin. Appliquée par les juridictions du fond (CA Toulouse, 19 mars 2014, n° 13/05516 N° Lexbase : A1988MH4 ; CA Aix-en-Provence, 28 janvier 2014, n° 13/18061 N° Lexbase : A0772MDX ; CA Versailles, 31 juillet 2013, n° 12/07799 N° Lexbase : A1634KKQ ; CA Metz, 21 novembre 2012, n° 12/00509 N° Lexbase : A3494IY3), cette solution a été consacrée par la Cour de cassation au visa de l'article 420 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0430IT4) (Cass. civ. 2, 7 avril 2011, n° 10-17.575 N° Lexbase : A3587HN8, Bull. civ. II, n° 84).

La fixation des honoraires dépendant notamment de l'importance du travail fourni par l'avocat et, à titre complémentaire, du résultat obtenu, il est logique que l'action en paiement ne commence à prescrire qu'une fois la mission totalement achevée. Il faut raisonner de manière globale, sans s'attacher à la date des différentes prestations que l'avocat peut accomplir au cours de sa mission. On notera, d'ailleurs, que la même règle est légalement consacrée s'agissant de l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice qui se prescrit "à compter de la fin de leur mission" (C. civ., art. 2225 N° Lexbase : L7183IAB).

Mais, le consensus existant au sujet du point de départ du délai de prescription ne dissipe pas toutes les difficultés dans la mesure où la loi ne détermine pas le moment de la fin de la mission de l'avocat. En ce sens, l'article 420 du Code de procédure civile n'apporte pas un éclairage complet puisqu'il ne concerne que la durée maximum du mandat de représentation, lequel prend fin à l'exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d'un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée. Pour autant, les solutions jurisprudentielles appliquées aux actions en paiement d'honoraires ne suscitent pas de discussion. Il faut ainsi admettre que la mission de l'avocat prend fin à la date de révocation du mandat par le client (CA Aix-en-Provence, 26 mars 2013, n° 12/16382 N° Lexbase : A9411KAS) ou encore à la date du transfert du dossier de l'affaire à un confrère (CA Aix-en-Provence, 28 janvier 2014, n° 13/18061, préc.). La mission de l'avocat prend également fin au jour de la cessation de son activité professionnelle (CA Aix-en-Provence, 15 janvier 2013, n° 12/00158 N° Lexbase : A1880I3Z), même en l'absence de notification préalable de sa part (Cass. civ. 1, 30 janvier 2007, n° 05-18.100, FS-P+B N° Lexbase : A7829DT7, Bull. civ. I, n° 43). Mais, dans la grande majorité des situations, la mission de l'avocat donnant lieu au paiement d'honoraires prendra fin avec la décision juridictionnelle éteignant l'instance dans laquelle il défendait les intérêts de son client. Le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement des honoraires correspond, alors, à la date du jugement (CA Versailles, 31 juillet 2013, n° 12/07799, préc.) ou de l'arrêt (Cass. civ. 2, 7 avril 2011, n° 10-17.575, préc. ; CA Toulouse, 19 mars 2014, n° 13/05516, préc.) mettant fin à l'instance.

II - Divergence sur la durée du délai de prescription

Avant la réforme de 2008, les actions relatives au montant et au recouvrement des honoraires de l'avocat étaient soumises à la prescription trentenaire de droit commun (Cass. civ. 2, 22 mai 2003, n° 10-17.961, FS-P+B N° Lexbase : A1529B9I, Bull. civ. II, n° 149), le délai étant réduit à dix ans si le client était commerçant et consultait pour les besoins de son activité commerciale (C. com., art. L. 110-4 N° Lexbase : L4314IX3). La Cour de cassation avait eu, par ailleurs, l'occasion de préciser que la prescription biennale de l'ancien article 2273 du Code civil (N° Lexbase : L7226IAU) ne s'appliquait qu'aux actions en paiement des frais et émoluments dus aux avocats à raison des actes de postulation et de procédure qu'ils accomplissent et non à leurs honoraires de consultation et de plaidoirie (Cass. civ. 1, 30 janvier 1996, n° 94-12.455, publié N° Lexbase : A6421AHB, Bull. civ. I, n° 50).

La loi du 17 juin 2008 a instauré, à l'article 2224 du Code civil, un nouveau délai de prescription de droit commun de cinq ans pour toutes les actions personnelles ou mobilières. Les cours d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 28 janvier 2014, n° 13/18062 N° Lexbase : A0772MDX ; 12 novembre 2013, n° 13/07222 N° Lexbase : A5784KPW ; 26 mars 2013, n° 12/16382, préc. ; 15 janvier 2013, n° 12/00158, préc.) et de Lyon (CA Lyon, 21 mai 2013, n° 12/08283 N° Lexbase : A2317KHB ; 5 juillet 2011, n° 10/05501 N° Lexbase : A7278HXT), récemment rejointes par la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 19 mars 2014, n° 13/05516, préc.) soumettent l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires à cette prescription quinquennale. Cette position n'est, cependant, pas partagée par les cours de Bordeaux (CA Bordeaux, 17 avril 2012, n° 11/02979 N° Lexbase : A7069IIN), Metz (CA Metz, 21 novembre 2012, n° 12/00509, préc.) et Versailles (CA Versailles, 27 novembre 2013, n° 12/06798 N° Lexbase : A4892KQA ; 25 septembre 2013, n° 12/03503 N° Lexbase : A9176KLG ; 31 juillet 2013, n° 12/04142 N° Lexbase : A1648KKA et n° 12 /07799 N° Lexbase : A1634KKQ) qui estiment que les dispositions de l'article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) prévoyant que "l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans", ont vocation à s'appliquer par dérogation à celles de l'article 2224 du Code civil. La Cour de cassation ne s'étant pas à ce jour prononcée sur l'application de l'un ou l'autre de ces textes en matière d'honoraires, cette divergence jurisprudentielle est source d'incertitudes pour l'avocat souhaitant agir en recouvrement, l'action du client en contestation des honoraires étant indiscutablement soumise à la prescription quinquennale.

Le problème réside donc dans le fait de savoir si l'avocat qui réclame le paiement de ses honoraires à son client est un professionnel ayant fourni un service à un consommateur. Si tel est le cas, les dispositions spéciales du Code de la consommation viennent déroger à la règle de droit commun en matière de prescription. On perçoit aisément combien la question est délicate puisqu'elle renvoie à la très controversée délimitation du champ d'application du droit de la consommation.

Bien qu'il exerce dans le cadre d'une profession règlementée, l'avocat est sans conteste un professionnel. Peut-on en revanche considérer que ses clients sont des consommateurs au sens de l'article L. 137-2 ? Depuis la loi du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX), le Code de la consommation propose, au sein d'un article préliminaire, une définition du consommateur semblable à celle déjà retenue en jurisprudence (v., par ex., Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 08-11.231, F-D N° Lexbase : A1083EG9). Est ainsi considérée comme un consommateur "toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale". Même si la qualité de consommateur est ainsi déniée aux personnes morales, la définition légale est suffisamment large pour admettre que le client, personne physique, d'un avocat est un consommateur lorsqu'il lui confie la défense d'une affaire personnelle, sans aucun lien avec son activité professionnelle. Cette interprétation est, pourtant, farouchement combattue par les juridictions refusant d'appliquer la prescription abrégée du Code la consommation et qui, pour cela, font valoir que le client d'un avocat "ne peut être considéré comme le simple consommateur d'une prestation intellectuelle de fourniture d'un service de conseil alors que la consultation de l'avocat, le conseil donné et la représentation en justice sont exercés par un auxiliaire de justice dans le cadre d'une profession réglementée" (CA Aix-en-Provence, 12 novembre 2013, n° 13/07222, préc. ; 26 mars 2013, n° 12/16382, préc.). Il n'en demeure pas moins que, dans la définition qu'il livre du "consommateur", l'article préliminaire du Code de la consommation, qui ne prévoit aucun statut dérogatoire pour la clientèle de certaines professions réglementées (on aurait pu penser notamment aux clients des professionnels de santé), ne s'intéresse qu'à la finalité non-professionnelle de la démarche et non à sa nature.

On peut tout de même se demander si la prestation de l'avocat constitue bien une fourniture de service au sens de l'article L. 137-2 du Code de la consommation. Sur ce point, les juridictions hostiles à l'application de la prescription biennale font valoir que l'avocat et son client "ne concluent pas un contrat de fourniture de services mais une relation, hors du commerce, qui n'entre pas dans le champ du droit spécial de la protection des consommateurs" (CA Aix-en-Provence, 12 novembre 2013, n° 13/07222, préc. ; 26 mars 2013, n° 12/16382, préc.). Cette affirmation est discutable si l'on entend la prestation de service comme la "fourniture [...] de tout avantage appréciable en argent en vertu des contrats les plus divers" (G. Cornu, Vocabulaire juridique, 10ème éd., PUF). L'avocat est bel et bien un professionnel qui facture un service à un client. Certes, l'exercice de la profession d'avocat est soumis à un certain nombre de contraintes, spécialement en matière de publicité, qui le singularisent. Pour autant, en droit communautaire, l'avocat est considéré comme un prestataire fournissant un service, la profession d'avocat entrant dans le champ d'application de la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (N° Lexbase : L8989HT4) (à la différence des notaires, des huissiers de justice et des professionnels de santé). Selon cette Directive, la notion de service désigne "toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération".

Il est donc possible d'affirmer, à l'instar des cours d'appel de Bordeaux, Versailles et Metz, que, lorsque l'avocat agit en recouvrement d'honoraires pour le service fourni à un consommateur, c'est-à-dire à une personne physique ayant sollicité ses conseils en dehors du cadre de son activité professionnelle, la prescription spéciale du Code de la consommation déroge à la règle de droit commun du Code civil. Il en résulte une dualité des règles de prescription en fonction de la qualité du client. Si ce dernier répond à la définition susvisée du consommateur, l'avocat doit agir dans un délai de deux ans à compter de la fin de sa mission. En revanche, l'action est soumise à un délai de prescription de cinq ans si le client a consulté dans le cadre de son activité professionnelle ou s'il s'agit d'une personne morale (en ce sens, CA Versailles, 31 juillet 2013, n° 12/07799, préc.).

Le positionnement de la Cour de cassation sur cette application distributive des délais de prescription reste attendu, étant précisé que la Haute juridiction a déjà admis que, lorsque l'action de l'avocat en paiement de ses honoraires est dirigée contre un client particulier, à savoir une commune, elle est soumise à la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 (loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 N° Lexbase : L6499BH8) (Cass. civ. 2, 7 avril 2011, n° 10-17.575 N° Lexbase : A3587HN8, n° 10-17.576 N° Lexbase : A3588HN9, n° 10-17.577 N° Lexbase : A3589HNA).

newsid:441815

Avocats/Honoraires

[Brèves] Application de "Bruxelles I" aux litiges internationaux relatifs aux honoraires d'avocats

Réf. : Cass. civ. 1, 2 avril 2014, n° 13-11.192, F-D (N° Lexbase : A6176MIL)

Lecture: 1 min

N1813BUP

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Le 17 Avril 2014

Est applicable l'article 2 du Règlement 44/2001, dit "Bruxelles I" (N° Lexbase : L7541A8S), désignant la juridiction française comme juridiction compétente à un litige portant sur le recouvrement des honoraires d'un avocat vénézuélien auprès d'une société cliente française. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 2 avril 2014 (Cass. civ. 1, 2 avril 2014, n° 13-11.192, F-D N° Lexbase : A6176MIL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0084EUN). En l'espèce, un avocat au barreau de Caracas avait conclu une convention d'honoraires avec un consortium, dépourvu de personnalité juridique, constitué de deux sociétés, et créé pour l'exécution d'un contrat de construction d'une centrale hydraulique au Venezuela. Un litige étant né quant au règlement de ses honoraires de résultat, l'avocat avait assigné en paiement l'une des sociétés du consortium, basée en France, devant le tribunal de grande instance de Paris. Celle-ci a invoqué l'incompétence de cette juridiction au profit du tribunal de première instance de Caracas. La société faisait alors grief à l'arrêt d'appel de rejeter l'exception et de dire le juge français compétent. La Haute juridiction relève que la société cliente était domiciliée en France et retient à la suite des juges d'appel, d'une part, que l'avocat n'avait pas renoncé à la compétence des juridictions françaises, d'autre part, que le contrat ne comportait pas de clause attributive de juridiction désignant celles du Venezuela. Rappelant le principe sus évoqué, l'exception de nullité pour défaut de compétence des juridictions françaises ne peut être accueillie.

newsid:441813

Avocats/Procédure

[Brèves] Garde à vue : pas d'accès de l'avocat au dossier du prévenu avant le délai fixé pour transposition de la Directive 2012/13/UE

Réf. : CA Paris, Pôle 2, 8ème ch., 24 mars 2014, n° 14/00151 (N° Lexbase : A6458MIZ)

Lecture: 2 min

N1820BUX

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Le 17 Avril 2014

Est infirmé le jugement du TGI de Paris en date du 30 décembre 2013 (TGI Paris, 23ème ch., 30 décembre 2013, n° 13333000493 N° Lexbase : A6459MI3) qui avait prononcé la nullité de la garde à vue d'un prévenu, son avocat n'ayant pas eu accès à son dossier, en contrariété avec les dispositions de la Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 (N° Lexbase : L3181ITY) et 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). Telle est la portée d'un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 24 mars 2014 (CA Paris, Pôle 2, 8ème ch., 24 mars 2014, n° 14/00151 N° Lexbase : A6458MIZ ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4307EU3). Pour les juges d'appel, c'est à tort que les avocats soutiennent que les juridictions françaises doivent appliquer la Directive dès son entrée en vigueur, fixée au 21 juin 2012, et sans attendre transposition de celle-ci. En effet, l'entrée en vigueur de la Directive n'a pas entraîné d'effet direct dans les droits nationaux tant que le délai de transposition, fixé, lui, au 2 juin 2014, n'a pas expiré. Durant le délai laissé aux Etats membres pour transposer la Directive, aucun particulier ne peut invoquer ses dispositions devant les juridictions françaises. S'agissant du "principe d'interprétation conforme" aux objectifs de la Directive, si dès qu'une Directive est entrée en vigueur, aucun Etat membre ne peut adopter dans son droit national des mesures de quelque nature qu'elles soient qui seraient contraires soit à la lettre, soit l'esprit des dispositions qu'il est tenu d'intégrer dans son droit interne au terme du délai de transposition qu'elle a fixé, cette obligation doit s'entendre comme une abstention de prendre des mesures ou des dispositions nouvelles qui seraient contraires au engagements conventionnels relevant de la Directive entrée en vigueur mais non encore transposée, soit seraient de nature à en compromettre les objectifs dans la perspective de sa transposition. En revanche, dans le cas de poursuites judiciaires engagées sous l'empire de dispositions procédurales valides avant la date d'échéance fixée pour la transposition, il ne peut être utilement allégué que, au seul motif que les autorités nationales font application de leur droit positif, elles compromettraient la réalisation de l'objectif prescrit par la Directive. Sur l'exception de nullité fondée sur les dispositions de l'article 6 de la CESDH, l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier à l'avocat assistant une personne gardée à vue, n'est pas, à ce stade de la procédure, de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l'accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement. Pour le barreau de Paris, cette décision, quoique décevante, a néanmoins le mérite de rappeler à la Chancellerie que, à tout le moins, le 2 juin 2014 les avocats pourront invoquer devant les tribunaux français le bénéfice de cette Directive, notamment dans l'hypothèse où celle-ci ne serait pas correctement transposée.

newsid:441820

Collectivités territoriales

[Brèves] Eléments constitutifs de l'infraction de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public

Réf. : Cass. crim., 8 avril 2014, n° 13-81.807, F-P+B (N° Lexbase : A0862MK7)

Lecture: 2 min

N1889BUI

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Le 18 Avril 2014

La Cour de cassation précise les éléments constitutifs de l'infraction de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, dans un arrêt rendu le 8 avril 2014 (Cass. crim., 8 avril 2014, n° 13-81.807, F-P+B N° Lexbase : A0862MK7). M. X, maire d'une commune, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, contre M. Y, à la suite de la diffusion par celui-ci, par voie de tracts, lors de la campagne des élections cantonales, de propos le mettant personnellement en cause dans une affaire d'incendie volontaire. M. Y, renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef du délit susvisé, au visa des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), a été déclaré coupable. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement. Pour confirmer cette décision et dire la prévention établie, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que le texte litigieux désigne M. X en sa qualité d'élu local, comme l'un des auteurs de l'incendie du domicile de Mme Z, maire d'une commune voisine. Les juges relèvent qu'il s'agit là de l'imputation de faits susceptibles de recevoir la qualification pénale d'incendie volontaire, infraction particulièrement grave et passible de lourdes peines, imputation portant de toute évidence atteinte à l'honneur et à la considération de M. X pris en sa qualité de maire. Telle n'est pas la position de la Cour de cassation. Celle-ci rappelle que l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu'il énonce que lorsque ces diffamations, qui doivent s'apprécier non d'après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d'après la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction, ou encore que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire. Dès lors, en prononçant ainsi, alors que le fait imputé ne constituait ni un acte, ni un abus de la fonction de maire du plaignant, et se trouvait dépourvu de lien avec ladite fonction, la diffamation ne concernant que le particulier, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe précité (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4098ETX).

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Consommation

[Textes] Numéro spécial "Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation" : propos introductifs

Réf. : Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX)

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N1807BUH

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par Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur-adjoint de l'IRDAP, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 17 Avril 2014

Le 17 mars 2014, après plusieurs mois de procédure législative et une décision du Conseil constitutionnel (1), fut promulguée la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (2). Ce texte, long de 161 articles, contient de nombreuses dispositions importantes, en matière procédurale, avec l'introduction de l'action de groupe en droit français (cf. P. Le More, L'action de groupe "à la française" (commentaire des articles 1er et 2 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014), Lexbase Hebdo n° 378 du 17 avril 2014 - édition affaires N° Lexbase : N1876BUZ), en matière de crédit, d'assurance et de surendettement (cf. K. Rodriguez, Crédit, assurance et surendettement : les moyens d'une protection plus efficace du consommateur (commentaire des articles 40 à 66 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014), Lexbase Hebdo n° 378 du 17 avril 2014 - édition affaires N° Lexbase : N1810BUL), ou encore en matière de démarchage, ventes à distance et contrats hors établissement (cf. F. Julienne, Un corps de règles commun aux contrats à distance et aux contrats hors établissement (commentaire des articles 9 à 17 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014), Lexbase Hebdo n° 378 du 17 avril 2014 - édition affaires N° Lexbase : N1808BUI).
Parallèlement à ces innovations et celles concernant le paiement, la livraison et le transfert des risques (cf. nos obs. La protection des consommateurs quant au paiement, à la livraison, et au transfert des risques (commentaires des articles 18 à 23 de la loi du 17 mars 2014), Lexbase Hebdo n° 378 du 17 avril 2014 - édition affaires N° Lexbase : N1809BUK), la loi du 17 mars 2014 contient un certain nombre d'autres dispositions, auxquelles il était difficile de consacrer une contribution dans le cadre de ce dossier, mais qui méritent néanmoins quelques précisions dans le cadre de ce propos introductif. En laissant de côté les dispositions destinées à satisfaire certaines corporations, telle que la réglementation des "plats faits maison" (C. consom., art. L. 121-82-1 N° Lexbase : L7586IZY), ou des véhicules de tourisme avec chauffeur (C. tour., art. L. 231-3 N° Lexbase : L7981IZM et s.), et sans prétendre à l'exhaustivité, il est permis de distinguer trois catégories d'apports intéressants dans la loi "Hamon" : ceux qui nous semblent mériter l'approbation, ceux qu'il est permis de regretter, et, enfin, ceux dont la valeur, positive ou non, se révèlera à l'usage.

Parmi les dispositions méritant d'être approuvées, il est d'abord possible de citer l'encadrement des contrats d'achat de métaux précieux (C. consom., art. L. 121-99 N° Lexbase : L7625IZG et s.) rendu nécessaire par le développement de ce type d'opération. La hausse considérable du cours des métaux précieux, et notamment de l'or, a suscité une nouvelle forme de ruée, qui devait être encadrée.

Doit également être approuvé le nouvel "article préliminaire" (3) du Code de la consommation, qui définit le consommateur. D'un point de vue symbolique, l'innovation est importante. Il est enfin possible de savoir qui est protégé par le droit de la consommation ! Il est vrai que la définition retenue n'apporte pas grand-chose sur le fond, puisque le consommateur y est défini comme "toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale" (4). Il est également vrai que les difficultés portaient souvent davantage sur la notion de "non professionnel" que sur celle de consommateur (5). Il est vrai, enfin, qu'une telle définition n'empêchera pas que certains textes du Code de la consommation protègent des professionnels agissant dans le cadre de leur activité professionnelle (6). Il n'en demeure pas moins qu'il y a là, sur le plan des principes, une démarche intéressante.

Enfin, est digne d'intérêt la disposition introduite par le nouvel article L. 133-4 (N° Lexbase : L7648IZB) : le professionnel, dans tout contrat écrit, doit informer le consommateur de la possibilité de recourir à la médiation ou à un autre mode alternatif de règlement des différends. L'idée est évidemment de développer et d'encourager le règlement amiable des litiges, afin de désengorger les tribunaux et de faciliter l'accès du consommateur à la justice.

Au titre des regrets, il y a, en premier lieu, le nouvel échec de la création d'un fichier positif de l'endettement (7). Le droit positif français ne connaît qu'un fichier des incidents de paiement (FICP). Un fichier positif, qui recenserait les crédits souscrits par chaque personne, serait un moyen de lutter contre le fléau du surendettement. Le projet de loi envisageait une telle création, en ses articles 67 à 72. Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, estimant qu'elles portaient exagérément atteinte à la vie privée (8). Souriez ! Vous êtes surendettés, mais pas filmés !

Le second regret résulte de la disparition de l'hypothèque rechargeable, par l'abrogation des articles 2422 du Code civil (N° Lexbase : L1328HIZ) et L. 313-14 (N° Lexbase : L6705IMB) et suivants du Code de la consommation. Certes, ce mécanisme n'avait qu'un succès pratique restreint, et causait d'intolérables migraines aux étudiants. Néanmoins, les arguments justifiant cette abrogation ne sont guère convaincants. Qualifier l'hypothèque rechargeable de "subprime à la française" (9) constitue un étonnant raccourci. En outre, si l'on considère que l'hypothèque rechargeable est dangereuse pour les emprunteurs, pourquoi ne pas avoir également abrogé la fiducie-sûreté rechargeable (C. civ., art. 2372-5 N° Lexbase : L2542IEU et 2488-5 N° Lexbase : L2532IEI) ?

Enfin, il est difficile de juger certaines nouveautés : c'est à l'aune de l'expérience que l'on pourra se prononcer sur leur opportunité. Tout d'abord, il en est ainsi de l'introduction, "à titre expérimental" de la notion de prix d'usage (loi du 17 mars 2014, art. 4). Il s'agit, pour un certain nombre de produits déterminés par décret, de procéder à l'affichage d'un double prix : un prix de vente et un prix d'usage. Ce dernier désigne la valeur marchande liée à l'usage du bien, et non à sa propriété. Cette expérimentation, qui devra être suivie d'un rapport réalisé par le Gouvernement sur l'économie de fonctionnalité, vise à faciliter la vente de l'usage du produit par rapport à la vente du produit lui-même. L'objectif est double : diminuer la consommation de ressources et d'énergie (9) et lutter contre l'obsolescence programmée (10).

De même, la reconnaissance de la possibilité pour les avocats de recourir à la sollicitation personnalisée laisse certaines questions en suspens (11). Le droit français interdisait aux avocats de procéder à des opérations de démarchage (12). Une telle prohibition a été jugée contraire à l'article 24 §1 de la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 (N° Lexbase : L8989HT4) (13). La loi du 17 mars 2014 entend ainsi mettre en conformité le droit français avec les règles européennes. Pour autant, la question n'est pas totalement réglée. Le Conseil national des barreaux est en train de préparer un texte destiné à mettre en conformité le Règlement intérieur national : outre la suppression de l'interdiction, il conviendra d'encadrer la pratique du démarchage. Non seulement, ce dernier devra respecter les principes déontologiques de la profession, mais il serait en outre concevable que le CNB élabore une liste non exhaustive de comportements qui seraient réputés contraires aux usages de la profession (14).


(1) Cons. const., décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 (N° Lexbase : A6832MG7).
(2) Cette loi vise en grande partie à intégrer dans le Code de la consommation la Directive européenne 2011/83 du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs (N° Lexbase : L2807IRE).
(3) Qui peut au moins se vanter d'avoir la dénomination la plus ridicule (partagée par l'article préliminaire du Code de procédure pénale) parmi la soixantaine de codes référencés par Légifrance...
(4) A notre sens, l'absence de l'activité agricole procède d'un oubli davantage que d'une volonté délibérée.
(5) Cass. civ. 1, 15 mars 2005, n° 02-13.285, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2950DHQ) ; Cass. civ. 1, 23 juin 2011, n° 10-30.645, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2997HUK), BRDA, 13/11, inf. 24.
(6) Par exemple, les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) à L. 341-4 sont applicables au dirigeant caution et à la caution avertie : Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-66.309 (N° Lexbase : A0705EWZ), RLDC, juin 2010, p. 30, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-67.814 , FS-P+B+I (N° Lexbase : A2722E39), D., 2010, p. 1985, note D. Houtcieff, RTDCiv., 2010, p. 593, obs. P. Crocq, RTDCom., 2010, p. 552, obs. C. Champaud et D. Danet, RDBF, septembre-octobre 2010, n° 172, obs. D. Legeais, V. Téchené, La sanction du cautionnement disproportionné souscrit par le dirigeant, personne physique, au profit d'un créancier professionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition privée (N° Lexbase : N6432BPW) ; Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-69.203, F-D (N° Lexbase : A4348GCZ), RLDC, décembre 2010, p. 33, obs. J.-J. Ansault ; Cass. com., 10 juillet 2012, n° 11-16.355, F-D (N° Lexbase : A8216IQD) et Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-20.192, F-D (N° Lexbase : A8174IQS), Gaz. Pal., 20 septembre 2012, p. 20, obs. Ch. Albigès.
(7) Sur ce point, v. les plus amples développements de K. Rodriguez, Crédit, assurance et surendettement : les moyens d'une protection plus efficace du consommateur (commentaire des articles 40 à 66 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014), Lexbase Hebdo n° 378 du 17 avril 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N1810BUL).
(8) Cons. const., décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, préc..
(9) Opinion de L. Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, à l'occasion de la discussion du rapport n° 1156 fait au nom de la Commission des affaires économiques.
(10) Le consommateur n'achetant que l'usage du bien, pendant une certaine durée, il est possible qu'un même bien ait plusieurs utilisateurs successifs. Lorsque le consommateur achète la propriété du bien, ce dernier terminera plus fréquemment son existence remisé dans un grenier que revendu.
(11) Le consommateur n'étant qu'un utilisateur temporaire (de manière quelque peu analogue à un locataire), le fabricant a intérêt à concevoir des produits dont la longévité est accrue, afin de pouvoir réaliser pour un même bien plusieurs ventes successives de son usage.
(12) Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 3 bis (N° Lexbase : L6343AGZ).
(13) Loi du 31 décembre 1971, art. 66-4 ; décret n° 2005-803 du 12 juillet 2005, art. 15 al. 2 et 3 (N° Lexbase : L1963ITU) ; RIN, art. 10.1 et 10.2 (N° Lexbase : L4063IP8).
(14) CJUE, 5 avril 2011, aff. C-119/09 (N° Lexbase : A4134HM3) ; lire V. Téchené, Il est interdit d'interdire... totalement le démarchage aux experts-comptables, Lexbase Hebdo n° 247 du 14 avril 2011 - édition affaires N° Lexbase : N9684BR4) .
(15) Par exemple, l'avocat qui, à l'occasion du démarchage, promettrait un résultat, ou encore comparerait ses taux de succès avec ceux de ses confrères.

newsid:441807

Domaine public

[Brèves] Domaine national de Chambord : compétence du maire pour délivrer des permis de stationnement sur les voies de ce domaine ouvertes à la circulation publique

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 9 avril 2014, n° 366483, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7648MI4)

Lecture: 2 min

N1799BU8

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Le 17 Avril 2014

Le maire est compétent pour délivrer des permis de stationnement sur les voies du domaine national de Chambord, énonce le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 9 avril 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 9 avril 2014, n° 366483, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7648MI4). L'occupation d'une dépendance du domaine public fait l'objet, lorsqu'elle donne lieu à emprise, d'une permission de voirie délivrée par l'autorité responsable de la gestion du domaine (CE, Sect., 29 avril 1966, n° 60127, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9697B8N) et, dans les autres cas, d'un permis de stationnement. Si la délivrance d'un permis de stationnement incombe en principe à ce même gestionnaire, c'est sous réserve de dispositions contraires. Il résulte des dispositions des articles L. 2213-1 (N° Lexbase : L3519IZD) et L. 2213-6 (N° Lexbase : L3269IZ4) du Code général des collectivités territoriales qu'en sa qualité d'autorité compétente en matière de police de la circulation sur les voies de communication situées à l'intérieur des agglomérations, le maire est seul compétent pour délivrer des permis de stationnement sur ces mêmes voies et sur les autres lieux publics visés à l'article L. 2213-6. Une place piétonne ouverte à la circulation du public et située au sein d'une agglomération est au nombre des dépendances domaniales visées à l'article L. 2213-6. Les dispositions de l'article 230 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (N° Lexbase : L0198G8T), ont pour objet de coordonner, sur les voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique, les pouvoirs de police respectifs du maire de la commune et du directeur général de l'établissement public. Si elles confèrent à ce dernier le pouvoir de police afférent à la gestion de ces voies en y incluant celui de la circulation, elles réservent au maire la police de la circulation sur les voies de communication situées à l'intérieur de l'agglomération, dans les conditions de droit commun de l'article L. 2213-1, auquel elles renvoient expressément et qui impliquent sa compétence pour délivrer, sur ces voies ainsi que sur les autres lieux publics qui en sont l'accessoire, des permis de stationnement en application de l'article L. 2213-1. Dès lors, en sa qualité d'autorité chargée de la police de la circulation, le maire est compétent pour y délivrer des permis de stationnement, alors même que ces voies font partie du domaine public de l'Etat, qu'elles ont été remises en dotation à l'établissement public et que celui-ci exerce les pouvoirs de police afférents à leur gestion.

newsid:441799

Droit de la famille

[Projet, proposition, rapport législatif] 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui

Réf. : Rapport du groupe de travail "Protection de l'enfance et adoption", 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui , rendu public le 11 avril 2014

Lecture: 16 min

N1930BUZ

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 17 Avril 2014

Ministère de la Famille. Le rapport intitulé "40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui" a été remis début février 2014 par le groupe de travail "Protection de l'enfance et adoption" (1), installé le 21 octobre 2013 par la ministre déléguée à la famille, Madame Bertinotti, dans le cadre de la préparation de la "loi famille". Il a été rendu public le vendredi 11 avril 2014 (2), comme le rapport du groupe de réflexion sur "De nouveaux droits pour les enfants" (3). Le rapport sur "La filiation et les origines" a été publié mardi 8 avril 2014 et celui du groupe sur "médiation familiale et contrats de coparentalité" sera rendu public le 30 avril 2014.

Débats. Par sa composition, le groupe Protection de l'enfance et adoption entendait réunir des points de vue variés sur des questions sensibles, mêlant universitaires et professionnels engagés sur le terrain, en provenance de disciplines complémentaires (juristes, sociologues, médecins, responsables de services ASE). Les propositions ont été élaborées à partir des échanges entre les membres du groupe. Si la majeure partie d'entre elles a fait l'objet d'un consensus, certaines propositions ont été très débattues. Le rapport fait alors état des réserves et nuances apportées par certains experts.

Mission. Le groupe de travail avait pour mission, selon le cahier des charges du ministère, d'appréhender les nouveaux besoins des enfants qui ne vivent plus temporairement ou à long terme avec leur famille d'origine, que ce soit dans le cadre de la protection de l'enfance ou de l'adoption et d'envisager notamment la modernisation, la simplification voire la création de nouveaux statuts protecteurs pour l'enfant. Quels que soient les parcours de l'enfant et son statut juridique, celui-ci doit bénéficier, ainsi que les adultes qui l'entourent, d'un accompagnement qui s'inscrive dans la durée et qui permette à l'enfant de mieux se construire en connaissant son histoire. Cette observation relative à la protection de l'enfance est également valable pour l'adoption. Les réalités de l'adoption, notamment internationale, ont considérablement évolué ces dernières années, rendant les démarches des adoptants plus complexes et plus longues. Pour réaffirmer le rôle protecteur de l'adoption pour l'enfant, il est nécessaire de recentrer le dispositif sur ce dernier afin de garantir que c'est bien son intérêt qui primera.

Axes. Ces différentes questions ont fait l'objet d'une réflexion collective des experts composant le groupe de travail, alimentée par de nombreux rapports et études relatifs à ces problématiques. Quarante propositions, prenant la forme de mesures techniques et précises (4), de réforme de la protection de l'enfance et de l'adoption ont ainsi été élaborées autour de trois objectifs :

- optimiser le dispositif de protection de l'enfance ;
- articuler les parcours et les statuts des enfants protégés ;
- accompagner l'adoption et la recherche des origines personnelles.

I - Optimiser le dispositif de protection de l'enfance

Après six ans de mise en oeuvre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (N° Lexbase : L5932HUA), il apparaît que le dispositif est susceptible de bénéficier d'un certain nombre d'améliorations permettant de le rendre plus cohérent et plus efficace notamment dans certains domaines.

Cohérence du dispositif de protection de l'enfance. Pour améliorer la cohérence du dispositif de protection de l'enfance, le groupe propose la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance, placé auprès du Premier ministre et chargé de proposer au Gouvernement les orientations de la politique de protection de l'enfance et d'en suivre l'application. Dans le même sens, les experts suggèrent une révision du périmètre d'observation de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger (qui deviendrait l'Observatoire National de la Protection de l'Enfance) ainsi que des mesures destinées à renforcer la formation en protection de l'enfance et à améliorer la circulation des informations relatives aux enfants en danger entre les autorités judiciaires et administratives concernées.

Mieux repérer et diagnostiquer le danger. Le groupe de travail prête une attention particulière au repérage du danger dans le cadre médical. Le domaine médical est en effet un "maillon" particulièrement important de la protection de l'enfance : tous les enfants sont régulièrement examinés à un titre ou à un autre par un médecin, dans un cabinet libéral ou dans un service hospitalier. Cependant, les chiffres relatifs aux informations préoccupantes et aux signalements témoignent de la faible proportion des médecins parmi les auteurs de ces derniers. Il semble donc opportun que la loi prévoie un certain nombre de dispositions particulières pour faciliter le repérage et le diagnostic du danger en matière médicale. Il est ainsi proposé de désigner dans chaque service départemental de PMI un médecin référent "protection de l'enfance" qui serait en lien avec les médecins généralistes, pédiatres ou scolaires du département. Un outil informatique devrait également permettre l'analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue aux urgences de tous les enfants. En outre, une attention particulière doit être portée à l'égard des nouveau-nés dont la fragilité implique une protection spécifique contre certains comportements des adultes. Le rapport propose des mesures de prévention du syndrome du bébé secoué et des dispositions particulières pour mieux prendre en charge la mort inattendue du nourrisson. Sur ce dernier point, il est suggéré de systématiser l'autopsie pour distinguer les décès liés à une mort subite inexpliquée, ceux secondaires à une pathologie identifiable ou à une cause accidentelle et ceux liés à une maltraitance tout en assurant et un meilleur accompagnement des familles. Toutes les situations de mort inattendue du nourrisson doivent être prises en charge selon une procédure harmonisée entre les différents intervenants, efficace et homogène sur l'ensemble du territoire national.

Reconnaître la capacité du mineur victime âgé de 16 ans. Le groupe de travail considère que dans la mesure où le mineur victime d'une infraction pénale possède le discernement nécessaire, il devrait pouvoir exercer lui-même les droits de la partie civile dans le cadre de la procédure pénale relative à l'infraction dont il est victime ou au moins décider si une autre personne doit l'exercer en son nom. L'exercice des droits de la victime comporte en effet un aspect fondamental et personnel qui incite à favoriser la capacité du mineur placé dans une telle situation. La question de la capacité de l'enfant victime d'exercer son droit à réparation n'échappe pas à l'ambivalence de toute mesure relative aux enfants, et s'inscrit dans la recherche d'un équilibre entre la protection et l'autonomie du mineur. C'est pourquoi, dans un souci d'équilibre, il est proposé de tenir compte pour les mineurs victimes de seize à dix-huit ans de leur degré de maturité et de leur permettre de se constituer directement parties civiles dans la procédure pénale relative à l'infraction dont ils ont été victimes.

II - Articuler les parcours et les statuts de l'enfant protégé

Un certain nombre d'enfants retirés à leur famille dès leur plus âge restent placés dans le cadre de l'assistance éducative pendant une période longue, voire durant toute leur minorité. Deux types de critiques sont formulées relativement au parcours et au statut de ces enfants : d'une part, celles relatives à une trop grande instabilité du parcours des enfants placés et d'autre part, celles relatives à l'absence d'évolution du statut des enfants alors que leur situation le nécessiterait. Il convient donc, selon les besoins de l'enfant -qui peuvent varier au cours de sa vie-, à la fois de sécuriser le parcours de l'enfant placé lorsque c'est le maintien du placement qui est le plus conforme à son intérêt et d'articuler les parcours et les statuts de l'enfant protégé lorsqu'il est nécessaire de faire évoluer sa situation.

Offrir des garanties à l'enfant placé et aux adultes qui l'entourent. La sécurisation du parcours de l'enfant confié passe, tout d'abord, par l'instauration de garanties au profit de l'enfant et des adultes qui l'entourent. Le rapport propose ainsi de reconnaître les prérogatives de la famille d'accueil et d'encadrer les modifications des conditions de vie de l'enfant en cours de placement, en prévoyant que "lorsqu'une modification des conditions de prise en charge de l'enfant est envisagée de manière unilatérale par les services de l'Aide sociale à l'enfance, après plus de trois années au cours desquelles il a été confié à la même famille d'accueil, le juge des enfants doit donner un avis sur cette décision, après avoir entendu le mineur et les personnes concernées". Il conviendrait en outre de renforcer les droits de l'enfant protégé, en favorisant sa participation aux décisions qui le concerne dans ses relations avec le service de l'Aide sociale à l'enfance mais également dans le cadre de la procédure d'assistance éducative. Le rapport suggère qu'un avocat soit systématiquement désigné pour défendre les intérêts du mineur en cas de renouvellement de la mesure de placement. Le groupe de travail propose, en outre, qu'un album de vie constitué pendant toute la durée de l'accueil de l'enfant, consigne tous les évènements de vie marquants, les habitudes de vie, les personnes ayant pris soin de lui, mais aussi des photos ou tout autre élément pouvant participer à la construction de souvenirs du parcours de vie de l'enfant ; accessible à l'enfant durant toute la durée de l'accueil, cet album de vie lui serait remis à la fin du placement.

Poursuite de la prise en charge après l'accession de l'enfant protégé à la majorité. Les études sur le devenir des jeunes usagers de la Protection de l'Enfance montrent l'importance de l'accompagnement des jeunes majeurs pour favoriser leur accession à l'autonomie. Le cadre juridique actuel ne prévoit pourtant qu'une possibilité d'aide laissée à l'appréciation de la collectivité départementale et à l'appréciation individuelle des cadres de la Protection de l'Enfance. Ainsi le groupe de travail propose que tout mineur accueilli en protection de l'enfance, pendant une durée d'au moins trois ans avant l'âge de sa majorité, bénéficie d'un rendez-vous avec le représentant du Conseil général au moment de sa majorité pour faire un bilan de son parcours, envisager les conditions d'accès à l'autonomie et arrêter les modalités d'accompagnement tant éducatif que financier pour la poursuite du projet d'insertion. Pour les mineurs pris en charge dans le cadre d'une délégation d'autorité parentale, d'une tutelle d'Etat ou comme pupille de l'Etat, un mécanisme d'obligation alimentaire à la charge du Conseil général pourrait être envisagé au-delà de 21 ans pour, notamment, permettre la poursuite d'études.

Mieux adapter le statut de l'enfant protégé. Selon le rapport, la protection de l'enfance est, par nature et par hypothèse, évolutive. Il convient de favoriser son évolution en imposant une réflexion sur le statut de l'enfant protégé, particulièrement lorsqu'il est placé dans le cadre de l'assistance éducative, pour toujours lui offrir le projet de vie le plus apte à favoriser son développement. Ainsi doit-on questionner régulièrement le statut de l'enfant placé pour, le cas échéant, envisager d'autres statuts et lui proposer de nouvelles prises en charge. Le groupe de travail suggère, tout d'abord, de renforcer l'évaluation annuelle de la situation de l'enfant protégé et de questionner le statut de l'enfant placé sur le long terme. Lorsque le placement de l'enfant s'inscrit dans la durée, le juge des enfants devrait élaborer une motivation spéciale pour expliquer l'opportunité de maintenir ce placement au lieu de mettre en place une mesure plus pérenne telle qu'une délégation d'autorité parentale. Une communication au Parquet pourrait, en outre, avoir lieu pour que celui-ci examine l'opportunité d'une délégation de l'exercice de l'autorité parentale. Un recours plus important à la délégation de l'exercice de l'autorité parentale devrait cependant, selon le rapport, s'accompagner de la mise en place d'un suivi de l'enfant qui fait l'objet de cette mesure. La délégation d'autorité parentale permet, en effet, au délégataire d'effectuer tous les actes relatifs au mineur y compris les actes non usuels ; elle est particulièrement opportune lorsque les parents ne sont pas en mesure de consentir à ces actes.

Renforcer le rôle des tiers liés à l'enfant. Il paraît indispensable de proposer à l'enfant dont le retour dans sa famille est difficilement envisageable des nouveaux modes de prise en charge sur le long terme, alternatifs ou complémentaires à un placement de longue durée. Il s'agit de permettre à l'enfant de nouer des liens avec des adultes susceptibles de participer à sa prise en charge bénévole et évolutive, de manière adaptée à ses besoins. Ainsi le rapport propose-t-il de consacrer le droit de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsqu'il a résidé de manière stable avec ce tiers ou a noué avec lieu des liens affectifs (C. civ. art. 371-4 N° Lexbase : L8011IWM). Il faudrait également prévoir, selon le rapport, de permettre la saisine directe du juge aux affaires familiales par le tiers qui souhaite que l'enfant lui soit confié, le magistrat pouvant étendre les prérogatives de ce tiers aux actes non usuels.

Le juge des enfants doit pouvoir également, selon le groupe de travail, accorder un droit de visite et d'hébergement à un tiers. Le rapport propose, en outre, que soit institué un nouveau statut de tiers accueillant, qui pourrait, après avoir obtenu un agrément spécial, se voir confier par l'Aide sociale à l'enfance, un enfant pour un accueil durable et bénévole.

Améliorer le repérage du délaissement. Un des objectifs majeurs du rapport est de favoriser la reconnaissance du délaissement de l'enfant protégé afin de permettre de lui offrir ensuite un statut plus favorable. Le groupe de travail prône l'instauration dans chaque département d'un Comité de veille et d'orientation des enfants confiés, qui examinerait tous les six mois la situation des enfants de moins de deux ans, une fois tous les ans la situation des enfants de deux à six ans, et une fois tous les deux ans la situation des enfants de plus de six ans, et qui pourrait, notamment, rendre un avis tendant à modifier le statut juridique de l'enfant pour le mettre en adéquation avec la réalité vécue par l'enfant. Une autre mesure essentielle consisterait à transformer l'actuelle déclaration judiciaire d'abandon en déclaration judiciaire de délaissement, pour recentrer la déclaration sur les effets d'une situation de délaissement sur l'enfant et ne plus la subordonner au désintérêt volontaire des parents comme l'exige aujourd'hui la jurisprudence. Ainsi un nouvel article 650 du Code civil prévoirait que "L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, qui n'a pas bénéficié de la part de ses parents d'actes ou de relations nécessaires à son développement physique, psychologique et affectif, pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par un tiers, est déclaré judiciairement délaissé, si cette déclaration est conforme à son intérêt".

Faciliter l'adoption simple des enfants protégés. La mesure sans doute la plus novatrice, mais aussi la plus discutée, du rapport consiste à favoriser l'adoption simple des enfants confiés pour lesquels un retour dans leur famille est improbable, en évitant le parcours long et souvent difficile, qui passe par la déclaration judiciaire d'abandon puis l'admission en qualité de pupille de l'Etat. L'idée est de mettre en lien les personnes qui veulent adopter un enfant et les enfants dont les familles sont profondément carencées. Il s'agirait d'organiser un "apparentement" progressif, à partir d'un accueil de l'enfant par des personnes susceptibles d'établir, à terme, avec lui un lien durable, si les conditions en sont réunies. Les professionnels qui travaillent avec des candidats à l'adoption, notamment dans le cadre des enquêtes réalisées en vue de la délivrance des agréments pour adopter, estiment que certains couples ou certaines personnes pourraient correspondre à ce profil. Ces derniers pourraient accepter d'accueillir et d'élever un enfant sans certitude quant au fait qu'ils pourront un jour l'adopter et, surtout, en acceptant que cet enfant puisse conserver des liens avec ses père et mère ; la famille accueillante à titre bénévole devrait, en outre, au départ au moins, faire un travail de famille d'accueil car l'enfant serait d'abord placé sous le régime de l'assistance éducative. Dans le même temps, des liens pourraient être maintenus avec la famille d'origine si tel est l'intérêt de l'enfant. On pourrait envisager que, lorsque le tribunal de grande instance prononce l'adoption simple, il accorde aux parents "d'origine" un certain nombre de prérogatives, telles qu'un droit de visite et un droit de surveillance ou le droit d'être consultés pour les actes particulièrement importants. Cette faveur pour l'adoption simple impliquerait par ailleurs que les possibilités de révocation de celle-ci soient réduites. Il est à noter en outre que le rapport propose de permettre l'adoption simple des enfants recueillis dans le cadre d'une kafala et dont la loi personnelle prohibe l'adoption.

III - Accompagner l'adoption et la recherche des origines personnelles

De l'accouchement anonyme à l'accouchement secret. La question de l'accès aux origines personnelles des enfants dont la mère a accouché dans le secret est délicate et complexe car elle repose sur l'équilibre entre la protection de l'enfant au moment de sa naissance et le droit de l'enfant devenu adulte d'accéder à ses origines. Le rapport propose donc de favoriser cet accès sans remettre en cause le caractère protecteur, pour le nouveau-né et la femme qui accouche, de l'accouchement dans le secret. Concrètement, il s'agirait d'imposer à la femme qui accouche de communiquer son identité, tout en lui garantissant que celle-ci ne sera communiquée à l'enfant, par l'intermédiaire du CNAOP, qu'avec son accord. Les membres du groupe, à l'unanimité, se prononcent en faveur du maintien du dispositif actuel qui garantit à la femme ayant accouché dans le secret que son identité sera conservée dans le dossier de l'enfant et ne sera communiquée à ce dernier, à sa demande, que si elle consent à la levée du secret. Selon le rapport, il s'agit là d'un impératif de santé publique. En effet, ce dispositif garantit à la femme d'accoucher dans de bonnes conditions sanitaires ; il permet au nouveau-né de bénéficier des soins nécessaires à sa santé physique et psychique. Il est des situations dans lesquelles les femmes ne viendraient plus accoucher à l'hôpital si elles ne pouvaient plus le faire dans le secret ; il pourrait en être ainsi des femmes en situation irrégulière ou en très grande détresse. Il s'agit d'éviter les accouchements en dehors de tout suivi médical et les abandons d'enfants sur la voie publique. Le fait de demander à la mère de naissance de communiquer son identité permet, cependant, de favoriser l'accès aux origines personnelles puisqu'un plus grand nombre de femmes pourront être contactées par le CNAOP, sachant que parmi les femmes contactées jusqu'à présent par ce dernier, la moitié d'entre elles ont a accepté que leur identité soit communiquée à l'enfant. Le rapport propose en outre de renforcer les prérogatives du CNAOP pour faciliter ses recherches et d'améliorer l'accompagnement des mères de naissance notamment mineures.

Placer l'enfant au coeur du dispositif de l'adoption. Le rapport contient plusieurs mesures destinées à renforcer la conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant. Ainsi en est-il de l'instauration d'un "bilan d'adoptabilité médico-psycho-sociale" systématique de l'enfant, qui aurait pour objet de déterminer si l'adoption est la solution adéquate pour l'enfant et quelles sont les caractéristiques et les aptitudes que devra présenter la famille à qui l'enfant est confié. L'agrément en vue de l'adoption pourrait également être redéfini selon la formule suivante: "L'agrément en vue d'adoption a pour finalité l'intérêt supérieur de l enfant en attente d'adoption. Il est délivré lorsque la personne candidate à l'agrément est en capacité de répondre aux besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs des enfants en attente d'adoption, compte tenu de la réalité de l'adoption". Le rapport propose aussi d'instaurer un écart d'âge maximum de 45 ans entre l'enfant et l'adoptant et de renforcer les droits de l'enfant dans la procédure d'adoption (audition systématique de l'enfant et désignation d'un administrateur ad hoc).

Assurer un accompagnement des adoptants avant, après et pendant l'adoption. Outre une meilleure préparation des adoptants aux réalités de l'adoption, le rapport propose de créer dans chaque région une "Consultation d'orientation d'accueil et de conseil en adoption", dont une vingtaine a déjà été mise en place en France. Ces consultations s'adressent aux parents et futurs parents adoptifs à différentes étapes de la vie familiale : avant l'adoption, lors de l'apparentement, pour décrypter le dossier médical transmis, évaluer la prise en charge qu'elle suppose et la vie quotidienne avec cet enfant, permettant ainsi aux éventuels adoptants de mesurer la difficulté du projet qu'on leur propose et de se projeter dans l'accueil de cet enfant ; dans les semaines qui suivent l'arrivée de l'enfant pour un bilan médical et également relatif à l'adaptation et à la relation parent-enfant ; après l'adoption, lorsque des difficultés d'ordre divers surviennent et qu'il est difficile de faire la part des choses entre ce qui est propre à l'enfant et ce qui relève de sa situation d'enfant adopté. Bien qu'elles soient plus souvent sollicitées dans le cadre de l'adoption internationale, ces consultations seraient aussi à destination des enfants nés en France. Elles pourraient jouer un rôle plus important dans cette dernière hypothèse si l'objectif visant à valoriser l'adoption nationale, notamment simple, est atteint à moyen ou court terme. Le groupe de travail propose en outre que le mineur adopté puisse bénéficier pendant un an d'un accompagnement par le service de l'aide sociale à l'enfance à la demande de son ou de ses parents et qu'un tel accompagnement puisse être mis en place à tout moment si les parents le demandent. Ces mesures ont notamment pour objectif d'éviter les échecs de l'adoption. Le rapport prévoit également que, dans l'hypothèse d'un échec, l'enfant puisse bénéficier d'une nouvelle adoption après avoir été admis en qualité de pupille de l'Etat.


(1) Composition du groupe de travail : Présidente : Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit et science politique de l'Université de Bordeaux, Directrice du Centre européen d'études et de recherches en droit de la famille et des personnes (CERFAP, EA 4600) et de l'Institut des mineurs, présidente de l'Observatoire départemental de la protection de l'enfance de la Gironde ; Rapporteure : Isabelle Corpart, Maître de conférences à l'Université de Haute Alsace ; Membres : Catherine Briand, Adjointe du chef du bureau de la protection de l'enfance, DGCS Ministère des Affaires sociales et de la Santé ; Françoise Dubreuil, Membre du Collège "Droits de l'enfant" auprès du Défenseur des droits, magistrat honoraire de la cour d'appel de Paris ; Frédérique Eudier, Maître de conférences à l'Université de Rouen ; Séverine Euillet, Maître de conférences en psychologie à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense ; Pierre-Etienne Gruas, Directeur "Enfance famille" du Conseil général de la Gironde ; Marie-Christine Le Boursicot, Conseiller à la Cour de cassation ; Anne Oui, Attachée principale, chargée de mission auprès de l'ONED ; Pascal Pillet, Chef des urgences pédiatriques, CHU de Bordeaux ; Catherine Sellenet, Docteur en sociologie, psychologue clinicienne et juriste, Professeur en sciences de l'éducation, Université de Nantes ; Gilles Séraphin, Directeur de l'ONED.
(2) Cf. idm.u-bordeaux4.fr.
(3) Cf. www.rosenczveig.com.
(4) Le rapport contient un tableau récapitulatif des différentes mesures législatives et réglementaires correspondant aux 40 propositions de réforme.

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Droit des personnes

[Brèves] Injure non publique : caractère nécessairement confidentiel d'un écrit envoyé par un médecin à d'autres médecins ?

Réf. : Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-29.588, FS-P+B (N° Lexbase : A1006MKH)

Lecture: 1 min

N1917BUK

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Le 22 Avril 2014

Un écrit ne présente pas nécessairement un caractère confidentiel du seul fait qu'il est envoyé par un médecin à d'autres médecins. Tel est l'enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 avril 2014 (Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-29.588, FS-P+B N° Lexbase : A1006MKH). En l'espèce, M. C., pédiatre, avait le 15 juillet 2008, diffusé à plusieurs de ses confrères réunis dans une liste intitulée "41 Liste médecins", un courriel accompagné d'une photographie comprenant trois clichés, donnant des informations sur la naissance et le traitement d'enfants nés à la suite d'une procédure de fécondation in vitro ; après que ce courriel eut été remis par l'un de ses destinataires à M. M. et à Mme T., ceux-ci prétendant, d'une part, qu'il contenait des termes revêtant le caractère d'injure non publique tant à leur égard qu'à celui de leurs deux enfants, d'autre part, que la photographie qui lui était jointe portait atteinte au droit d'un des enfants sur son image, avaient recherché la responsabilité de M. C.. Ce dernier faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nouméa de dire qu'il avait commis une injure non publique à l'endroit de M. M. et Mme T., ainsi qu'à celui de leurs deux enfants (CA Nouméa, 3 septembre 2012, n° 11/39 N° Lexbase : A6541IW8). Il faisait, notamment, valoir que l'obligation au secret professionnel qui s'impose aux médecins comme un devoir de leur état, est générale et absolue et qu'ainsi un écrit envoyé par un médecin à d'autres médecins, exclusivement, présentait nécessairement un caractère confidentiel. L'argument ne saurait convaincre la Cour suprême qui énonce la règle précitée (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4089ETM).

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Fiscal général

[Focus] Bitcoin : money, money, money ?

Lecture: 36 min

N1872BUU

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par Hubert de Vauplane, Avocat au barreau de Paris et Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 17 Avril 2014

L'année 2013 a été marquée par l'ascension fulgurante des cryptocurrencies, dont la plus connue est Bitcoin. Rares ont été les journées durant lesquelles le logo empruntant au dollar n'a pas été mentionné dans la presse grand public, public qui s'est d'ailleurs rué vers les promesses de cet objet immatériel non identifié. Malgré les réticences de la plupart des banques centrales nationales et supranationales, l'e-monnaie attire.
Qu'est-ce qu'un bitcoin ? C'est en 2009 qu'un développeur de génie, utilisant le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, a mis en ligne, en accès libre, un logiciel utilisant des procédés cryptographiques et un protocole spécifique, pour créer et gérer les bitcoins. Un bitcoin est un système de paiement décentralisé en "pair-à-pair" (decentralized peer-to-peer payment system). Qu'il s'agisse d'un, de plusieurs ou de fractions de bitcoin (à noter que les sept millièmes de bitcoin sont des Satoshi), le système prévoit une traçabilité de leur chemin, au travers des transactions dont ils font l'objet. Le système de gestion est décentralisé, c'est-à-dire que toute personne peut être amenée à "miner" des bitcoins, c'est-à-dire à voter pour la chaîne de transaction légitime. C'est là la force de Bitcoin, en opposition à ses ancêtres enterrés, b-money (1999) et bitgold (2005). Le bitcoin ne sera miné que si la totalité des mineurs attestent de la légitimité d'une transaction, ce qui évite les doubles paiements, principal écueil dans lequel sont tombées les autres monnaies cryptographiques. Bitcoin a fait des émules puisque, sur son modèle, ont été créées de multiples dérivés, dont le Litecoin, le Dogecoin (du nom de la race du chien, mascotte de cette monnaie), le Namecoin (qui permet d'acheter des noms de domaine), l'Auroracoin (monnaie récemment créée à l'attention des Islandais pour pallier l'interdiction de convertir leur monnaie locale en monnaie étrangère), et quelques centaines d'autres. Comment le droit appréhende-t-il les bitcoins ? Tout comme le pensaient de la Nature les philosophes de l'Antiquité, le droit a horreur du vide. Il n'est donc, en principe, pas de domaine qui puisse lui échapper. Et pourtant, le bitcoin est un OVNI juridique et fiscal. Contrairement au vocable attaché à ce produit, il ne s'agit pas d'une monnaie, puisqu'il n'est pas créé par un Etat. Qu'est-ce donc ? Et, en cette période de disette budgétaire, comment les Etats imposent-ils les bitcoins ?
Enquête sur le trou noir juridique le plus médiatisé de l'actualité. Première partie : le régime juridique du bitcoin (1) - par Hubert de Vauplane, Avocat au barreau de Paris

Le bitcoin pose de nombreuses interrogations quant à sa nature juridique, alors que la spéculation sur cette "chose" bat son plein. Le plus étrange dans ce phénomène de spéculation, c'est que les acteurs ne savent même pas ce qu'ils achètent ! Qu'est-ce que le bitcoin ? Quel est son régime ? Qui en est l'émetteur ? Alors que les explications sur son fonctionnement ou sur ses vertus ou faiblesses sont de plus en plus nombreuses, rares sont les articles qui se penchent sur sa nature juridique. Car à la fin, si le bitcoin n'est rien d'autre qu'un bien ordinaire et non une monnaie, il serait temps pour les spéculateurs de s'interroger sur ce qu'ils achètent !

Les positions des uns et des autres sur Bitcoin sont souvent assez tranchées. Y compris au sein des banques centrales ou des instances politiques. Certains en interdisent l'utilisation sur leur territoire, d'autres s'interrogent sur les risques liés à son utilisation (2), d'autres enfin s'interrogent sur son avenir sans a priori (3).

S'il est toujours dangereux de "catégoriser" trop rapidement les innovations techniques, en l'espèce les débats sur Bitcoin ont conduit des acteurs publics à se positionner rapidement sur cette question, du fait de quelques scandales (4). Qu'est-ce donc juridiquement que le bitcoin ? Une nouvelle forme de monnaie, de la monnaie électronique, un moyen de paiement, une simple marchandise ? Si le débat peu paraître un peu vain (5), il est toutefois utile pour cadrer la réflexion afin d'éviter des contresens dans l'application de règlementations spécifiques (comme la fiscalité...).

Aux Etats-Unis d'Amérique, le Sénat américain a décidé, en août 2013, l'ouverture d'une commission sur les monnaies virtuelles (6). Il a effectué de nombreuses auditions, en particulier dans la semaine du 18 novembre 2013 (7), qui ont largement alimenté les débats sur le Net et les réseaux sociaux. C'est dans le cadre de ces auditions que de nombreuses autorités et agences fédérales américaines ont été amenées à préciser leur position sur le bitcoin. Ainsi, la Réserve Fédérale a précisé, dans un courrier envoyé à la commission du Sénat le 12 novembre 2013 (8), sa vision sur la question : d'une part, elle estime ne pas être a priori la mieux placée pour superviser ou réguler ce type d'innovation (ce qui laisse entendre en creux qu'elle dénie la qualification de monnaie légale au bitcoin), d'autre part, que ce type de monnaie virtuelle peut "tenir ses promesses" sur le long terme, notamment en terme de sécurité et d'efficacité. Le représentant de l'institution monétaire fédérale a mentionné que celle-ci reconnaissait "que toutes les monnaies virtuelles n'étaient pas illégales". Quant aux régulateurs américains, eux aussi semblent évoluer : le Department of Justice a indiqué, le 18 novembre 2013, lors d'une audition devant la Commission du Sénat, que le bitcoin pouvait avoir une "valeur juridique d'échange". Même chose pour le FBI qui, dans une lettre du 23 octobre 2013 envoyée dans la cadre de la commission d'enquête du Sénat, a précisé que son approche sur ces monnaies était guidée par le principe que ces systèmes de paiement "offraient des services financiers légitimes". Ce qui est intéressant lorsque l'on sait que c'est le même FBI qui a mis fin et fermé le site Silk Road en octobre 2013, estimant que ce site permettait d'acheter avec des bitcoins des biens ou services illégaux. La SEC pour sa part a précisé que les monnaies virtuelles sont des instruments financiers légitimes qui, en tant que tels, peuvent tomber sous le coup de sa propre réglementation. En mars 2014, le département de la justice de l'Etat de New-York annonçait sa volonté de réguler le bitcoin afin d'en faciliter l'utilisation. Ce mouvement d'enquêtes et auditions pour mieux comprendre le fonctionnement du bitcoin se retrouve jusqu'en France.
En effet, dans notre pays, le Sénat a organisé une audition en janvier 2014 sur les enjeux liés au développement des monnaies virtuelles comme le bitcoin, relevant ainsi un intérêt marqué pour cette révolution du paiement.

Le bitcoin n'est pas une monnaie légale. Le bitcoin est souvent présenté comme une "monnaie virtuelle". Cette expression est la plus utilisée pour présenter le bitcoin. Elle semble résumer en deux mots la fonctionnalité et la principale caractéristique du bitcoin : une unité de mesure dématérialisée. Pour autant, l'expression "monnaie virtuelle" n'a pas de contenu juridique. Il reste que celle-ci est largement utilisée, à commencer par les banques centrales elles-mêmes. A commencer par la Banque Centrale Européenne, qui a publié une étude assez complète sur les "monnaies virtuelles" en 2012 (9).

De façon paradoxale, il y a peu de définitions juridiques de la monnaie. On voit traditionnellement dans la monnaie une triple fonction juridique : un instrument d'évaluation (unité de compte), un instrument de paiement (circulation de la monnaie), un bien (actif patrimonial) (J. Carbonnier, Droit civil, t. II, Les obligations. Les biens : éd. PUF, 2004, n° 675). L'unité monétaire (unité de compte) est une unité définie par un nom (euro, dollar) servant de référence dans le cadre d'un système monétaire. Un ensemble d'unités monétaires constitue une somme d'argent. Mais cette unité idéale doit avoir un support auquel elle s'incorpore pour être échangée et stockée, c'est l'instrument monétaire (réserve de valeur). Les instruments monétaires, dans lesquels s'incorporent les unités monétaires sont les billets de banques, les pièces métalliques et la monnaie scripturale. Enfin, les moyens de paiement servent à transférer des fonds soit par la tradition, soit par des écritures en compte. Ce sont les chèques, virements et autres moyens de paiement. Outre ces éléments, il existe une autre caractéristique essentielle pour les juristes dans la monnaie : son caractère légal. Le pouvoir de frapper monnaie est un pouvoir régalien par excellence. Seul le souverain est autorisé à battre monnaie. C'est ce qui donne valeur légale à la monnaie, et par là, la force libératoire du paiement effectué avec la monnaie.

Le bitcoin ne répond pas à ces caractéristiques. Il ne peut donc pas être juridiquement qualifié de "monnaie".

De plus, aucun Etat ne le définit comme tel dans son ordre juridique. Ainsi, en France, selon la loi de la République, "la monnaie de la France est l'euro" (C. mon. fin., art. L. 111-1 N° Lexbase : L9700DYW). Seul l'euro a ainsi une reconnaissance légale. Toute autre unité monétaire utilisée en France ne pourra pas prétendre à la qualification juridique de monnaie. Cette reconnaissance se manifeste par ce que l'on appelle le "cours légal", lequel est nécessairement limité dans l'espace de souveraineté d'un territoire. Le cours légal se définit comme l'obligation faite aux agents économiques, notamment aux commerçants, d'accepter en paiement les billets et pièces qui sont dotés de ce cours légal, selon la valeur pour laquelle ils ont cours. Le refus d'accepter en paiement de tels billets et pièces est pénalement sanctionné (C. pén., art. R. 642-3 N° Lexbase : L5960IMP). Réciproquement, l'introduction et l'utilisation de signes monétaires concurrents de la monnaie fiduciaire légale sont donc prohibées et la monnaie fiduciaire bénéficie d'un régime de protection pénale sévère (C. pén., art. 442-4 N° Lexbase : L1843AM9). Une monnaie légale se caractérise ainsi par son pouvoir libératoire absolu qui permet à un débiteur d'éteindre une dette vis-à-vis de son créancier par règlement à celui-ci d'une quantité déterminée d'unités monétaires à leur valeur nominale. Seule la monnaie fiduciaire (billets et pièces) bénéficie de ce pouvoir libératoire absolu. Les instruments de paiement comme le chèque, le virement, les cartes de paiement ou autres ne bénéficient pas de cette force légale, et peuvent donc théoriquement être refusés par un créancier (la loi prévoit cependant de nombreuses exceptions au cours légal et impose même le règlement par instruments de paiement dans certaines situations). Comme déjà indiqué, le bitcoin n'a pas force légale dans un espace géographique déterminé. Il n'a donc pas d'effet libératoire légal. De ce seul fait, il ne peut pas prétendre à la qualification juridique de monnaie.

Le bitcoin n'est pas une monnaie électronique. La comparaison est pourtant séduisante. En effet, le bitcoin est une unité d'échange entre clients et commerçants qui permet d'effectuer des opérations commerciales sur internet. La monnaie électronique a fait l'objet de deux Directives européennes. Une première Directive de 2000 a définit la monnaie électronique mais cette définition a été jugée trop restrictive (10). Une seconde Directive de 2009 a élargi la définition de la façon suivante : "une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l'émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d'opérations de paiement [...] et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l'émetteur de monnaie électronique". Cette définition se veut plus neutre technologiquement et vise à englober tous les modes de stockage de la monnaie électronique (instrument prépayé ou serveur informatique).

De cette définition, on a pu retenir que la "monnaie électronique" n'est justement pas juridiquement une monnaie au sens de monnaie légale mais un mode de paiement qui doit être accepté par les utilisateurs (11). La doctrine débat encore de la qualification la mieux adaptée à la monnaie électronique. Le fait qu'elle soit qualifiée par la loi comme une "valeur monétaire [...] représentant une créance sur l'émetteur" (C. mon. fin., art. L. 315-1 N° Lexbase : L1154IWN) justifierait d'écarter la qualification de "monnaie" au sens strict rappelé ci-dessus. En effet,la monnaie électronique se caractérise par l'existence d'un "prépaiement" : le support électronique, quel qu'il soit, est "chargé" contre la remise de fonds. Il n'y a donc pas de "création monétaire" dans la mesure où à toute unité de monnaie électronique doit correspondre une équivalence de monnaie légale. On retient aussi de cette définition que la monnaie électronique constitue une créance du détenteur sur l'émetteur de monnaie électronique. Elle est constituée dès la remise des fonds et la création des "unités de monnaie électronique", qui sont immédiatement utilisables. La monnaie électronique, au sens du droit européen, comprend tout à la fois des instruments tels que des porte-monnaies électroniques, des comptes de paiement en ligne ou encore des cartes-cadeaux prépayées. C'est pourquoi, selon une analyse orthodoxe, elle n'est ni assimilée à la monnaie scripturale, ni à de la monnaie fiduciaire : il s'agit d'un moyen de paiement (12). Certains auteurs contestent cette définition légale de la monnaie électronique, y voyant une timidité du législateur qui n'ose pas franchir le pas de la qualification de "pure" monnaie à la monnaie électronique (13). Mais il s'agit là d'un autre débat.

Au premier abord, on pourrait être tenté de voir dans le bitcoin une monnaie électronique : il s'agit bien d'unité monétaire (c'est-à-dire qui sert à mesurer la valeur de l'échange), stockée sous forme électronique, aux fins d'opérations de paiement accepté par des personnes physiques ou morales. Mais la similitude s'arrête là. Par rapport à la définition juridique de la monnaie électronique, deux éléments essentiels font défaut pour le bitcoin : il n'y a pas d'"émetteur" proprement dit, mais surtout la remise initiale de bitcoins ne correspond pas à un versement de fonds initial.

Le bitcoin n'est pas une monnaie alternative. Depuis plusieurs années, différentes initiatives en Europe et aux Etats-Unis ont conduit à l'apparition de ce que l'on appelle des monnaies alternatives (ou encore locales, voire complémentaires, selon les expressions retenues par l'ACPR), le dernier exemple étant l'"eusko" au pays basque. En France, l'exemple le plus connu est celui des "Abeilles", à Villeneuve-sur-Lot qui a depuis fait des émules, avec les "lucioles", ou "la mesure". Ces "systèmes d'échanges locaux" (SEL) ont pour objectif de créer un lien communautaire fort au sein d'une région en permettant aux commerçants et clients de payer avec des pièces ou billets "frappés" localement. Bien sûr, ces "monnaies" ne sont pas des monnaies au sens juridique en ce qu'elles ne sont pas émises par une banque centrale et surtout qu'elles n'ont pas de cours légal dans la région dans laquelle elles sont utilisées. Les signes qui circulent (pièces, billets) ne sont que le miroir de fonds reçus ou déposés chez une banque ou un ensemble d'établissements financiers qui acceptent de rentrer "dans le jeu". Il s'agit en somme de "billets de monopoly" acceptés par une communauté mais reposant sur la monnaie nationale. Juridiquement, ces "monnaies" se rapprochent des bons d'achats, comme les tickets restaurants voire les chèques vacances. N'étant pas une monnaie légale, ces instruments ne permettent au débiteur de se libérer de leur dette vis-à-vis du créancier que dans la mesure où ce dernier en accepte les conditions. Mais le créancier peut à tout moment refuser le règlement de sa créance sous cette forme. Certaines de ces monnaies complémentaires ou alternatives vont même plus loin en ce que leur valeur diminue avec le temps, afin d'éviter le phénomène de thésaurisation. Pour redonner de la valeur, il faut alors acheter un timbre que l'on colle sur le billet. Le bitcoin s'apparente-t-il à ces monnaies alternatives ? A priori, non plus. Outre son absence de représentation fiduciaire, le bitcoin n'est pas une monnaie alternative en ce sens que son horizon n'est pas limité à une ville, une région, sauf à considérer que la planète est son village. Mais surtout, le bitcoin ne donne pas lieu à une remise de fonds préalable avant d'être émis.

Le bitcoin n'est pas un service de paiement mais l'échange de bitcoins contre une devise l'est-il ? Comme tenu de sa fonction de paiement, il serait tentant de voir dans le bitcoin un service de paiement. Pour être plus précis, moins que le bitcoin lui-même, dans quelle mesure l'échange d'une monnaie ayant cours légal contre une monnaie virtuelle comme le bitcoin peut-il être qualifié de service de paiement ? C'est la position retenue par la Banque de France et l'ACPR mais aussi par une jurisprudence suffisamment inédite pour être soulignée. Dans une publication, à la portée normative incertaine, la Banque de France a considéré que les monnaies virtuelles comme le bitcoin ne sont pas un moyen de paiement couvert par la Directive "SEPA" du 13 novembre 2007 (14), et qu'en conséquence il n'est pas possible d'en réguler l'émission (15). La Banque de France considère ensuite que la conversion ou le change de monnaies virtuelles en devises ayant cours légal est considéré comme entrant dans le champ de la réglementation bancaire et s'analyse " comme un service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de services de paiement ". Cette "position", qui va au-delà des communications effectuées par l'Autorité bancaire européenne (16), a été reprise par l'ACPR en 2014 (17) : "Dans le cadre d'une opération d'achat/vente de bitcoins contre une monnaie ayant cours légal, l'activité d'intermédiation consistant à recevoir des fonds de l'acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement". Affirmation plus que démonstration, cette position du régulateur bancaire français et de la banque centrale nationale souligne la méfiance de ceux-ci à l'égard des monnaies virtuelles et la nécessité d'encadrer leurs activités. Et pourtant, la question juridique est importante : dans quelle mesure est-il possible d'assimiler l'activité de conversion d'une devise ($) contre une autre devise (€), qualifiée alors de service de paiement, à celle de conversion d'une "monnaie virtuelle" (BTC) contre une devise (€) ? Selon la Banque de France, "cette activité de conversion contre monnaie ayant cours légal offerte par les plates-formes Internet, comme Bitcoin-Central, doit s'analyser -dans la mesure où il y a réception, virement et tenue de compte de fonds concernant une monnaie ayant cours légal- comme un service de paiement nécessitant un agrément de prestataire de services de paiement". L'analyse ne convainc pas totalement dans la mesure, d'une part, où, justement, le bitcoin n'est pas une monnaie ayant cours légal et, d'autre part, où, pour qu'il y ait service de paiement, encore faut-il pouvoir rattacher cette activité à l'un des services de paiement prévus par la DSP. Considérer ainsi que la "conversion" d'une devise contre du bitcoin constitue une activité de services de paiement nécessite une analyse un peu plus poussée que cette simple affirmation.

Cette "analyse" en un service de paiement a aussi été reprise dans une jurisprudence récente opposant une plate-forme d'échange de bitcoins (la société Macaraja) au Crédit industriel et commercial (18). A l'occasion d'un différend opposant ce site d'échange de bitcoins et plusieurs banques qui refusaient de lui ouvrir un compte, celui-ci a assigné l'une des banques aux fins de l'obliger à ouvrir un compte de dépôts à la suite d'une demande présentée auprès de la Banque de France qui avait désigné ledit établissement de crédit à cet effet. Dans le cadre d'un premier litige sur le "droit au compte", la société obtint gain de cause, la cour d'appel de Paris refusant de s'engager sur l'analyse juridique développée par ladite banque selon laquelle le bitcoin serait une "devise et donc une monnaie électronique" et que dès lors, la société réaliserait une pratique illégale d'une activité réglementée en percevant une rémunération à l'occasion de la "vente" des bitcoins, ce qui, selon la banque, l'obligerait à obtenir un statut réglementé d'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ou de prestataire de services de paiement. Mais en appel d'une autre procédure, la cour d'appel de Paris change d'avis et considère que la négociation de bitcoins sur une plate-forme d'échange s'analyse en un service de paiement (19). La difficulté tient ici au fonctionnement de l'opération d'échange et son assimilation à un service de paiement. Dans quelle mesure la plate-forme d'échange est-elle chargée de l'exécution d'une opération de paiement, à savoir "une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire" (20). Or, comme on le sait, la réalisation d'un service de paiement nécessite l'existence d'un compte de paiement (21). Ce qui, en l'espèce, permettrait de rattacher les opérations d'échange de devises contre des bitcoins au service visé au 3° du II de l'article L. 314-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4861IER) : "l'exécution des opérations de paiement", telles que les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement et les virements, "associées à un compte de paiement". C'est le raisonnement suivi par la cour d'appel de Paris. Nous ne pouvons ici que nous ranger à l'analyse d'un auteur selon lequel "la distinction entre utilisateur et prestataire de services de paiement est essentielle. L'est tout autant la notion d'opération de paiement et la question de savoir quel compte de paiement est en cause" (22). Le raisonnement suivi par la cour d'appel de Paris, selon lequel la société fournissait un service de paiement au sens du 3° du II de l'article L. 314-1 ("exécution d'opérations de paiement associées à un compte de paiement") ne convainc pas en ce que les opérations d'encaissement et de décaissement étaient attachées dans le cas d'espèce au compte de paiement de la plate-forme et non à des comptes de paiement des acheteurs et des vendeurs ouverts chez la plate-forme.

Qu'est-ce que le bitcoin ? Techniquement, c'est un protocole technique. C'est un réseau de transactions sur Internet complètement décentralisé, pair-à-pair (peer-to-peer) et "open source". C'est également une unité de compte qui circule sur ce réseau. Le système lui-même n'appartient à personne d'autre qu'à ses utilisateurs. La valeur du réseau est uniquement fondée sur le nombre d'utilisateurs et l'usage qu'ils font de ce réseau.
Si le bitcoin n'est ni une monnaie, ni un instrument de paiement, qu'est-il donc ? On peut hésiter entre un instrument financier ou une marchandise.

La facilité serait de l'assimiler à la catégorie fourre-tout des instruments financiers du 8° de l'article D. 211-1-A du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0152IDY) : "Tout autre contrat à terme concernant des actifs, des droits, des obligations, des indices et des mesures, non mentionné par ailleurs aux 1 à 7 ci-dessus, qui présente les caractéristiques d'autres instruments financiers à terme, en tenant compte de ce que, notamment, il est négocié sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, est compensé et réglé par l'intermédiaire d'une chambre de compensation reconnue ou fait l'objet d'appels de couvertures périodiques". Cette définition est inapplicable en l'espèce en ce que les bitcoins ne se négocient pas sur un marché et ne font pas l'objet de compensation ou d'appel de marge ; mais surtout en ce qu'il ne s'agit pas de contrat portant sur des "actifs, des droits, des obligations, des indices et des mesures". Le bitcoin n'est pas un contrat sur un actif. C'est un actif.

Reste à déterminer la nature de cet actif.

On pourrait alors être tenté d'y voir une "marchandise dématérialisée", ou plus précisément un bien immatériel. On sait qu'un bien immatériel se distingue du bien corporel du fait qu'il n'a pas de réalité matérielle, et qu'il ne peut pas être totalement appréhendé "par la main ou le regard". A cet égard, il convient de tomber dans une erreur fréquente qui confond immatériel, le virtuel et l'incorporel. "Les biens virtuels sont les biens qui n'ont aucune existence dans le monde réel, les biens dénués de toute réalité palpable. D'autre part, en ce qui concerne l'incorporel, il ne permet de qualifier que les biens qui n'ont pas de consistance matérielle, littéralement, ceux qui n'ont pas de matière" (23). L'incorporel ne se confond pas avec l'immatériel (24). Les biens immatériels désignent les biens qui se composent d'une chose incorporelle et d'un corpus. Ce sont en ce sens des "biens mixtes". La chose incorporelle s'entend notamment de la valeur monétaire inscrite sur le bien (monnaie par exemple) ou inhérente au bien. En l'espèce, c'est la contre-valeur monétaire du bitcoin. Qu'est-ce que le corpus ? "Sans corpus, la chose ne peut être appropriée. Restant incorporelle, elle ne peut être considérée comme un bien. En revanche, dès que l'incorporation se produit, la chose, ainsi révélée, devient un bien immatériel" (25). Pour le bitcoin, il s'agit du support physique dans lequel est inscrite la clé d'individualisation du bitcoin (26).

Au-delà de ces premières pistes de réflexion sur la nature juridique du bitcoin, ce qui est intéressant pour notre propos c'est de relever les symétries avec l'or. Car si l'on met de côté l'aspect matériel de l'or qui le distingue de l'immatériel du bitcoin, tous deux présentent de nombreuses ressemblances.

La nature juridique de l'or a longtemps intéressé le juriste, jusqu'au jour où l'or a perdu son rôle de monnaie mais aussi d'étalon de valeur (27). Ainsi, lorsqu'on s'interrogeait autrefois sur la nature juridique de l'or, on y voyait soit une marchandise, soit une monnaie, selon que les parties avaient voulu en faire l'objet du contrat ou un simple instrument servant à mesurer ou à acquitter la prestation pécuniaire. Mais au cours du 20ème siècle, le statut de l'or a profondément changé. Tout d'abord, l'or a perdu la qualité de monnaie ayant cours légal. Cette démonétisation a été opérée par la loi monétaire du 25 juin 1928. Mais l'or a aussi perdu, depuis une ordonnance du 27 décembre 1958 (ordonnance n° 58-1352 du 27 décembre 1958, réprimant certaines infractions en matière de registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L8063AIH), son rôle d'instrument de mesure des valeurs, à commencer par la valeur des monnaies légales. De fait, l'or redevenait une simple marchandise. Au point que depuis le décret n° 87-338 du 21 mai 1987 (N° Lexbase : L0162I3E), les importations et les exportations d'or sont redevenues libres (28). Le régime juridique des transactions sur l'or est aujourd'hui celui des autres marchandises.

Si l'on met de côté le caractère immatériel du bitcoin, celui-ci, tout comme l'or, est un bien qui a une valeur en soi conduisant à une fluctuation quotidienne de son cours ; mais il est aussi une unité d'échange (non légale) permettant d'acheter ou de vendre d'autres biens. Si l'or, comme toute marchandise, fait l'objet d'un droit de propriété, on peut aussi considérer que la détention d'un bitcoin conduit son détenteur à disposer des caractéristiques de la propriété sur celui-ci. Pourtant, il existe une différence entre les deux : le bitcoin est par nature non fongible puisque chaque bitcoin est individualisé. L'or peut être fongible (le minerai bien sûr, mais aussi les pièces métalliques) ou non (les lingots sont tous numérotés).

On pourrait aussi comparer l'analyse du bitcoin avec celle des chèques-cadeaux, pour lesquels la Cour de cassation a considéré qu'étant "dépourvus de tout caractère fongible et liquide, ne représentaient pas une valeur monétaire, pas même après inscription en compte pour une utilisation ultérieure de leur montant à des fins indifférenciées", et a, d'autre part, proposé de définir les chèques-cadeaux comme "des moyens de transférer des créances sur des débiteurs prédéterminés" (29). Mais il s'agit là d'un autre débat.

L'avantage de cette qualification du bitcoin en marchandise immatérielle est multiple. Tout d'abord, il permet de mettre de côté tous les débats sur l'assimilation à une monnaie ou une activité de paiement. Il écarte aussi la réglementation relative aux instruments financiers. Cette qualification pourrait aussi remettre en cause la qualification de la conversion du bitcoin contre une devise en un service de paiement : car moins qu'une conversion, il s'agit d'un achat de marchandise, lequel achat ne s'assimile pas, a priori, à une opération de service de paiement. L'exercice du commerce de métaux précieux comme l'or est en effet libre (30), sous réserve par le professionnel d'une déclaration d'existence au bureau de garantie. Enfin, fiscalement, il permettrait au bitcoin, tout comme l'or pour les anciennes pièces métalliques ayant eu cours légal, de ne pas être soumis à la TVA. Et de se voir appliquer un régime de plus-value spécifique.

La nature juridique du bitcoin est encore une question en devenir. Ne serait-ce parce qu'il sera appréhendé par la fiscalité, voire par les régulateurs qui se tenteront à le définir. Notamment la Commission européenne. Le bitcoin révèle de nombreux mystères. A commencer par l'origine de sa création. Aussi, sa nature juridique s'inscrit-elle aussi dans ce cadre "mystérieux".

Deuxième partie : le régime fiscal du bitcoin - par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Si d'aucuns ont pensé un temps que Bitcoin constituait le premier paradis fiscal immatériel, les administrations fiscales du monde entier ont rapidement éteint le feu de l'espérance. L'Allemagne, le Canada, le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, de nombreux Etats se sont prononcés en faveur d'une imposition de ce produit. La ruée vers l'or suscitée par les cryptocurrencies n'échappe pas aux velléités régaliennes, et la crise financière a aiguisé les appétits des Trésors publics, qui craignent la famine.

Il y aurait aujourd'hui entre 2 et 3 milliards de dollars en équivalent bitcoin dans le monde. D'ici 2033, date de stabilisation de la production, près de 21 millions de bitcoins devraient être en circulation. A son cours le plus haut, un bitcoin valait 1 000 dollars. Pour les autorités nationales, la poule aux oeufs d'or ne doit pas échapper à l'impôt. Oui, mais comment ? Deux cas de figure se présentent.

L'utilisateur de Bitcoin est un particulier

Le nombre de particuliers s'intéressant à Bitcoin grandit, qu'il s'agisse d'experts en informatique, en mathématiques, ou des profanes. Seulement, dans tout investissement, il convient de tenir compte, dans le calcul du rendement, de l'impôt sur les plus-values. Si aucun texte ne prévoit expressément le régime applicable à bitcoin, la loi fiscale a vocation à s'appliquer à tout. Vraiment tout.

Faut-il déclarer les bitcoins ?

C'est la première question à se poser. Dois-je déclarer l'argent que j'ai obtenu en vendant mes bitcoins ?

La déclaration à l'impôt sur le revenu

Il faut déclarer les gains réalisés par l'achat puis la revente de bitcoins, s'il y en a, et si les bitcoins ont été sortis de leur système et convertis en monnaie.

Deux cas de figure se présentent : soit les bitcoins ont été convertis en euros, et alors la plus-value générée (c'est-à-dire la différence entre produits et charges, ne l'oublions pas) doit figurer dans la déclaration à l'impôt sur le revenu (pour le cadre, cf. infra) ; soit les bitcoins ont été convertis en monnaie étrangère, dollars ou yuans principalement, et alors le compte bancaire étranger ayant réceptionné le fruit de la conversion (les seuls produits, sans déduction des charges), doit être déclaré à l'administration fiscale française, dans les conditions de droit commun. En effet, l'article 1649 AA du CGI (N° Lexbase : L4642ISQ) prévoit que "les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger".

Le défaut de déclaration de tels comptes est notamment sanctionné par une amende égale à 1 500 euros par compte non déclaré (31). Si ce compte est domicilié dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires (ETNC), ce montant est porté à 10 000 euros. En outre, si le total de la valeur du ou des comptes non déclaré(s) est égal ou supérieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende est portée pour chaque contrat non déclaré à 5 % de la valeur de ce contrat. Cette amende s'ajoute aux intérêts de retard (32) et à l'éventuel impôt qui aurait dû s'appliquer à ces sommes, le cas échéant. Enfin, en cas de transfert des sommes à l'étranger vers la France, les sommes en question sont imposables à l'IR (33), et une amende égale à 40 % des sommes transférées s'applique si le compte n'avait pas été déclaré (34). Par ailleurs, l'amende pour insuffisance de déclaration d'IR s'applique (35). Pour rappel, cette dernière majoration, qui s'élève à 40 % en cas de manquement délibéré ou 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses, d'abus de droit ou de dissimulation de prix, ne peut être prononcée que si l'omission entraîne une faiblesse d'impôt, c'est-à-dire seulement dans le cas du rapatriement des sommes à l'étranger vers la France, puisque ce seul cas prévoit leur imposition. Sinon, détenir un compte à l'étranger n'entraîne aucune taxation en France au titre de l'IR. Il en va autrement concernant l'ISF...

Par ailleurs, il est important de noter que les contrevenants aux règles de déclaration pourront bénéficier de la circulaire "Cazeneuve" (36), qui prévoit un allègement des pénalités pour les "repentis" fiscaux, qui déclarent à l'administration un compte à l'étranger qu'ils détiennent et dont ils n'avaient pas fait mention dans leurs déclarations. En effet, la circulaire, qui aurait dû s'éteindre au 31 décembre 2013, a été prolongée, au vu de la masse importante des dossiers de régularisation qui lui ont été soumis. Or, ce texte ne prévoit pas de période durant laquelle les contrevenants fiscaux peuvent bénéficier de ces règles. Ainsi, une personne qui détient un compte à l'étranger alimenté par le produit de la vente de bitcoins, même récente, pourra déposer un dossier de régularisation.

Pour finir, rappelons que l'application des majorations et amendes susmentionnées s'appliquent aux sommes non déclarées pendant toute la période non prescrite, c'est-à-dire jusqu'à la troisième année précédant l'année au cours de laquelle l'infraction a été mise en lumière (37).

Bitcoin a rendu certaines personnes ("certaines", pas "toutes") "riches". Or, en France, les "riches" sont taxés à l'ISF.

La déclaration à l'ISF

L'article 885 D du CGI (N° Lexbase : L8776HLM) est formel : "l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables". Pour plus de précisions, il est renvoyé aux règles relatives aux successions. Or, les droits de succession portent sur l'ensemble du patrimoine du de cujus. Comptes bancaires compris.

La richesse que peut donc procurer le bitcoin risque aussi de faire basculer son heureux propriétaire dans la case des redevables de l'ISF. A partir de quand ? A partir de 800 000 euros (38). Toutefois, il convient de déduire du produit brut généré par Bitcoin les frais générés pour faire naître ce produit. Les dettes qui peuvent être déduites sont celles existant au 1er janvier de l'année d'imposition, pesant sur la tête du redevable de l'ISF et certaines dans leur principe et dans leur montant. Or, les utilisateurs de Bitcoin engagent des frais lorsqu'ils se lancent sérieusement dans l'aventure. Le plus répandu de ces frais est l'achat de mineurs, puissances de calcul permettant d'effectuer des transactions (certains y ont même vu un marché et se sont lancés dans la production et la vente de ces petites machines).

Toutefois, il ne faut pas oublier de conserver les justificatifs permettant de prouver que c'est bien le redevable de l'ISF qui a contracté la dette, et que cette dépense a été engagée dans le but de réaliser des produits sur Bitcoin. Un ticket de caisse, mieux, une facture, sont donc nécessaires.

Les bitcoins sont-ils imposables ?

La seconde question, après celle portant sur la déclaration, porte sur le régime fiscal applicable.Or, pour appliquer le régime d'imposition adéquat à bitcoin, il faut revenir aux définitions fiscales des revenus.

Sur la toile, toutes les réponses possibles et imaginables ont été formulées. La seule à laquelle l'on puisse être tenté d'accorder du crédit est le scan d'une lettre de l'administration fiscale adressée à Benjamin Sonntag, cofondateur de la Quadrature du Net. Cette réponse à une demande de rescrit établit en premier lieu l'absence totale de législation spécifique applicable à ce qui est improprement appelé "monnaie virtuelle". Le service rappelle toutefois l'étendue de son pouvoir d'imposition, contenu dans l'article 12 du CGI (N° Lexbase : L1047HLD) : "l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année". Et l'administration de continuer, en plaçant les produits générés par bitcoin et appréhendés (en espèces sonnantes et trébuchantes) par le contribuable résident de France dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Ah, les BNC ! Cette catégorie bien pratique, catégorie-balai, qui accueille en son sein tant des revenus bien déterminés, comme ceux des professions libérales, que des revenus hétéroclites, comme par exemple les revenus des prêtres ou des prostituées. L'article 92 du CGI (N° Lexbase : L1704IZ7), propre à cette catégorie, dispose que "sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices [...] de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus". Le cas de Benjamin Sonntag, est celui dans lequel le contribuable vend ses bitcoins et inscrit le produit de la vente sur son compte bancaire. Il s'agit clairement de la question qui se pose le plus souvent dans la tête des particuliers spéculant sur bitcoin.

Cette réponse du service comporte, selon nous, une imprécision. En effet, l'analogie qui s'est produite dans la tête de l'auteur de la réponse renvoie à celle que l'on trouve sur quelques forums internet. Elle établit un lien entre bitcoin et les marchés financiers. Or, bitcoin est un produit, auquel est attaché une valeur, qui varie selon les règles de l'offre et de la demande, très schématiquement, comme c'est le cas du lait, par exemple. Le lait peut-il être comparé à un produit financier ? Non. Le 5° du 2 de l'article 92 du CGI fait référence aux "produits des opérations réalisées à titre habituel, directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, sur des contrats financiers, également dénommés instruments financiers à terme'". C'est une erreur de penser que dans cette catégorie peuvent être incluses toutes les opérations effectuées sur le bitcoin, car elle comprend surtout des revenus d'activité professionnelle et des indemnités, notamment d'assurance. A moins d'acheter ou revendre habituellement des bitcoins, l'utilisateur de ce produit n'est pas un professionnel.
A partir de quel moment une activité est-elle considérée comme étant exercée à titre professionnel ? Plus prosaïquement, à partir de combien d'opérations l'activité devient-elle habituelle ? Le juge et l'administration fiscale apportent une réponse, en l'absence de règle légale. Ainsi, la doctrine administrative énonce que "pour l'appréciation du caractère professionnel ou non d'une activité libérale, la jurisprudence administrative a défini deux critères : l'activité doit être exercée à titre habituel et constant et dans un but lucratif. Ces deux conditions doivent être remplies simultanément. D'une manière générale, le caractère habituel et constant de l'activité résulte de la répétition pendant plusieurs années des opérations qui la caractérisent" (39). Elle ajoute que l'activité en cause n'a pas à être la principale source de profit, cette dernière pouvant résulter d'une autre activité (salariée, par exemple). Ces principes ont été précisés par la jurisprudence. Ainsi, le Conseil d'Etat a décidé que les sommes versées à un contribuable sur ses comptes bancaires durant trois années consécutives, selon une périodicité régulière, sont imposables au titre des BNC (40). Dans un tout autre contexte, la Haute juridiction de l'ordre administratif a reconnu un caractère professionnel à l'activité d'un artiste-peintre-sculpteur qui s'était consacré de manière constante et pendant plus de cinq ans à la pratique de son art et qui avait participé régulièrement à des expositions publiques et à des salons de peinture et de sculpture (41). Dernier exemple, un pilote automobile, exerçant à titre principal une activité salariée, a été regardé comme exerçant une profession libérale, dès lors que cette activité automobile lui avait permis d'obtenir pendant plusieurs années une notoriété concrétisée par plusieurs titres de champion de France de sa catégorie et qu'en outre, elle lui avait procuré des recettes d'un montant appréciable (42). Une activité est donc habituelle, et en ce sens professionnelle, imposable aux BNC, si elle est exercée sur une certaine durée, et si les opérations passées pour son accomplissement ont un caractère répété.

Benjamin Sonntag a pourtant bien précisé dans sa demande de rescrit à l'administration fiscale qu'il avait acheté des bitcoins et comptait les revendre. Un ou plusieurs achats et une seule et unique revente constituent-ils une activité habituelle ? Certainement non. Là se trouve l'erreur du service. Il est par ailleurs intéressant de noter qu'en cas d'activité professionnelle portant sur les bitcoins, le déficit pouvant en résulter est imputable sur le revenu global, lorsqu'il excède les bénéfices inscrits aux BNC (43). Les personnes victimes de la faillite de MtGox, plateforme d'échange victime d'un vol, dont on ne sait s'il fut commis par un tiers ou par son gérant et créateur, pourront se consoler un peu en imputant leurs pertes en bitcoins sur leur revenu imposable.

A noter que la réponse du service à Benjamin Sonntag n'est opposable qu'à lui, dans le cas exact qu'il décrit. D'autres pourraient recevoir des réponses différentes, et en aucun cas, devant un juge, le service ne pourrait brandir cette réponse contre un autre contribuable.

De la même façon, il n'est pas judicieux d'imaginer une imposition des revenus de bitcoin dans la catégorie des RCM (44), car bitcoin n'est pas un titre. Il ne donne pas de droits de vote et/ou de droits financiers dans une société.

Enfin, la taxation des produits de bitcoin selon le régime de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité (45), solution lue sur certains forums, est impossible. Malgré les badges et les fausses pièces bitcoin, il ne s'agit pas d'un métal ou d'un objet de collection, mais d'un bien meuble incorporel.

En effet, bitcoin est un objet, qui a une valeur, cette dernière fluctuant selon un cours, comme n'importe quel objet. Cet objet n'a pas de matérialité, on ne peut pas le toucher, il s'agit donc d'un bien meuble incorporel. Cette idée est confirmée par la position qu'a prise le Canada sur la qualification de la "monnaie virtuelle". Ainsi, interrogée par la radio publique CBC, l'Agence du revenu du Canada a indiqué qu'elle considérait le bitcoin comme une chose, qui peut être donnée en échange d'une autre, l'opération s'assimilant en cela à du troc. Elle impose les gains de bitcoin à son impôt sur le revenu et son impôt sur le capital. Le Gouvernement allemand a, pour sa part, en août 2013, annoncé qu'il considérait le bitcoin comme étant une "monnaie privée". Toutefois, il a rapidement nuancé l'effet de cette annonce, arguant de l'intérêt en termes de taxation d'une telle qualification. En effet, cela lui permet de taxer les gains au taux de 25 %, avec exonération au bout d'un an de détention.

En France, les biens meubles sont imposés selon un régime qui leur est propre. Chercher la facilité en décrétant bitcoin imposable dans la catégorie fourre-tout de l'IR n'est pas une solution satisfaisante. Selon nous, ce sont les articles 150 UA (N° Lexbase : L2455HNA) et suivants du CGI qui sont applicables. Cette position est en accord avec le document publié par l'Internal Revenue Service (46), l'administration fiscale américaine qui a décidé que les bitcoins sont traités comme des "biens" et taxés selon le régime des gains en capital.
Pour l'hexagone, l'article 150 UA dispose : "les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques, domiciliées en France [...], ou des sociétés ou groupements [de personnes] dont le siège est situé en France, sont passibles de l'impôt sur le revenu". Sont exonérés, les meubles meublants, les appareils ménagers et les voitures automobiles, ainsi que les meubles dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 euros. L'application d'un tel régime nous paraît logique, bitcoin n'étant ni un métal précieux, ni une valeur mobilière, ni un revenu professionnel (sauf dans le cas des activités de trading exercées à titre habituel par les utilisateurs de Bitcoin). Il nous paraît en outre juste, puisqu'il permet l'imposition des revenus générés par bitcoin tout en protégeant les petits spéculateurs. Si l'administration fiscale rappelle, dans sa doctrine (47), que ce régime s'applique le plus souvent aux cessions de navires de plaisance sur lesquels des plus-values sont constatées, de chevaux de course ou de sport appartenant à des propriétaires qui interviennent dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, ou de vins ou eaux-de-vie reçus en paiement de fermages et que le propriétaire revend après vieillissement (sauf si cette activité est habituelle), ces catégories ne sont pas exhaustives, et bitcoin n'étant pas encore appréhendé ni par le législateur, ni par le juge, ni par le service, rien n'empêche son entrée dans ce régime fiscal.

Quel est le régime fiscal applicable aux plus-values de cession de meubles ? Un taux forfaitaire s'applique à cette catégorie de revenu, égal à 19 % de la plus-value obtenue (48), libératoire de l'IR, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %. Toutefois, un régime d'abattement de l'IR pour durée de détention est prévu, prévoyant que l'assiette imposable est tronquée de 10 % de sa valeur à partir de la deuxième année de détention, ce qui équivaut à une exonération totale après 12 ans de détention (49). Les moins-values ne sont toutefois pas prises en compte.

Sauf exonération de la plus-value (ou plus-value nulle ou moins-value), le cédant des bitcoins doit déclarer son gain sur la déclaration n° 2048 M (CERFA n°12358), et la déposer au service des impôts dont relève le domicile du vendeur dans un délai d'un mois à compter de la cession (50), avec les pièces justificatives (notamment celles justifiant une diminution de la plus-value brute, c'est-à-dire les frais engagés pour la création du produit). De plus, le montant net imposable des plus-values doit être porté sur la déclaration d'ensemble des revenus (n° 2042) (51).

Il reste à préciser qu'en cas de versement d'un salaire en bitcoins, celui qui le reçoit est imposable sur sa valeur dans la catégorie des traitements et salaires, selon le régime classique.

L'utilisateur de Bitcoin est un professionnel

De plus en plus, les professionnels s'intéressent à Bitcoin, et l'accueillent comme moyen de paiement. Il est possible de commander de nombreuses choses sur internet et de les payer en bitcoins, comme de la nourriture ou des objets d'occasion. A Paris, par exemple, un bar précurseur a récemment décidé d'accepter le paiement des consommations en bitcoins, même si techniquement cet outil n'est pas encore bien maîtrisé.

Le bitcoin est-il un moyen de paiement ?

Il est possible de régler des achats avec des bitcoins. En France, un peu plus de trente commerces acceptent les bitcoins. L'on peut même trouver un avocat qui accepte que ses honoraires soient payés de la sorte, un site de rencontres, et des pharmacies (uniquement pour des médicaments sans ordonnance). La tendance Bitcoin se développe, et avec elle les enseignes qui comptent dessus pour s'octroyer une image moderne. Aucune grande enseigne à ce jour ne prend les bitcoins, dans une stratégie attentiste, et parce que la législation n'est pas encore bien claire. Monoprix a toutefois annoncé, le 9 avril 2014, qu'il accepterait sur son site e-commerce les paiements en bitcoins avant la fin de l'année.

Pourtant, le régime fiscal applicable aux transactions en bitcoins est simple. Il suffit de savoir si l'opération est considérée comme effectuée à titre onéreux ou non.

Or, si les bitcoins ne constituent pas une monnaie, ne répondant pas à sa définition, il n'en demeure pas moins qu'ils sont utilisés comme tels. La personne qui souhaite échanger un bien ou un service contre des bitcoins exécute un troc, opération effectuée à titre onéreux.

Dès lors, la taxation s'opère comme suit : la société qui vend des marchandises et accepte les paiements en argent ou en bitcoins additionne, pour le calcul de son chiffre d'affaires, les sommes en argent qu'elle obtient de ses ventes. Pour les bitcoins, elle doit préalablement convertir le prix reçu en bitcoins en euros. Le règlement 99-03 du 29 avril 1999 du Comité de la réglementation comptable (N° Lexbase : X6220ACD) prévoit, en son article 321-2, que, dans le cadre des opérations de troc, le prix d'achat s'entend de la valeur vénale de celui des deux lots dont l'estimation est la plus sûre. Concernant les transactions en bitcoins, il s'agit de la marchandise. Suivant l'avis n° 2003-06 du 1er avril 2003 du Conseil national de la comptabilité (N° Lexbase : L5709DLZ), relatif au traitement comptable des activités d'échanges dans le cadre des transactions Internet, la valeur vénale d'un lot échangé ne peut être appréciée que par référence à des ventes normales. Sont considérées comme normales, les ventes équivalentes réalisées par la même entreprise, payées en espèces ou contre remise d'autres actifs, monétaires ou non, dont la valeur vénale peut être déterminée de façon sûre. Enfin, suivant la norme IAS 18, qui traite de toutes les opérations de troc, aucun chiffre d'affaires ne doit être reconnu au titre des opérations d'échanges de prestations. bitcoin étant un bien, cette norme n'est pas applicable. Pour déterminer le chiffre d'affaires, il faut donc prendre le prix en euros de la marchandise vendue, peu importe la valeur qu'elle a en bitcoin.

Le problème qui se pose alors est le suivant : comment comptabiliser les gains ou pertes de valeur de bitcoin ? Exactement comme ceux portant sur n'importe quel bien (non immobilisé). Notamment, il est possible de passer des provisions sur l'éventualité d'une perte de valeur sur bitcoin. Par exemple, dans le cas de la plateforme MtGox, l'entreprise qui disposait de bitcoins sur cette plateforme aurait pu comptabiliser et déduire une provision pour risques et charges (attention, la provision pour perte de change n'est pas applicable) lorsqu'il a été annoncé que les bitcoins en circulation ne pouvaient plus sortir de la plateforme. La provision passée aurait pu être fiscalement déduite (et même obligatoirement, si elle a été comptabilisée (52)), et n'aurait pas été reprise lors de la mise en faillite de la société. De même concernant le vol des bitcoins de l'échangeur canadien Flexcoin.

Ensuite, tout se passe comme en matière de BIC, de BNC et d'IS. Les bitcoins sont un bien, une marchandise. Il n'est pas nécessaire de créer un statut spécial pour cet objet, qui s'encastre facilement dans les régimes existants, même au niveau comptable. En est-il de même en matière de TVA ?

Quid de la TVA ?

La TVA est bien applicable aux transactions réalisées en bitcoins. Les Etats qui se sont prononcés sur cette question, dont notamment le Japon et le Canada, sont d'accord sur ce point. Seul le Royaume-Uni s'est prononcé pour une exclusion temporaire de ces transactions en bitcoins, mais il s'agit bien d'une exception, dont nous ne sommes d'ailleurs pas certains qu'elle passera le filtre de l'Union européenne.

Selon l'article 256 du CGI (N° Lexbase : L0374IWR), "sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel". Ainsi, et en principe, toute transaction mettant en jeu l'échange d'un bien ou d'un service contre des bitcoins, d'un professionnel à un consommateur (relation "B-to-C"), ou de deux professionnels entre eux (relation "B-to-B"), est soumise à la TVA. Les ventes et échanges de bitcoins entre particuliers sont, quant à eux, exonérés. Malheureusement, si ce principe est bien établi, et corroboré par les déclarations des Etats, techniquement rien n'est mis en place. Pire, lorsque la question est posée au gérant du bar parisien, ce dernier répond que la TVA ne s'applique pas. Sauf que, dans un tel cas, le gérant a vendu sa boisson avec une marge supplémentaire de 20 % (correspondant au taux normal de TVA). Il conviendrait donc que les commerçants songent à déclarer la TVA perçue lors de leurs ventes en bitcoins. Cela permettrait à ce mode de transaction de se développer, le tout dans un cadre légal, qui ne diffère pas des habitudes du marché, et donc de se sécuriser et de se stabiliser.

Bitcoin a soulevé des espérances, a déçu des promesses, a passionné des débats. Ce nouveau mode de spéculation et de règlement, si proche d'une monnaie dans la pratique, mais si différent dans les textes, est avant tout un affranchissement de ses utilisateurs du système fermé des Etats et des banques. Pour le meilleur ou pour le pire ? Si c'est bien souvent le hasard qui le décide, au moins les règles sont simples, claires et acceptées de tous. Les Etats et les banques ne peuvent pas en dire autant.


(1) Cet article est publié concomitamment dans le Rapport Moral sur l'Argent dans le monde (2014), par l'Association d'Economie Financière.
(2) Ainsi, dernièrement en France, le député E. Straumann a posé une question écrite au ministre de l'Economie pour savoir dans quelle mesure "ce mode de paiement peut être assimilé à un schéma de Ponzi, avec la création d'une bulle spéculative qui va éclater lorsque les nombre des nouveaux arrivants dans ce système va reculer. Il lui demande s'il ne faudrait pas interdire ce système dans notre pays, afin de protéger nos concitoyens" : QE n° 51719, JOAN, 11 mars 2014.
(3) Le sénateur J-V Placé demande au ministre de l'Economie "quelles sont les réponses apportées par son administration à ces nouveaux enjeux liés aux monnaies virtuelles et quelles sont les orientations en matière de régulation de ce nouveau marché et de sensibilisation des utilisateurs aux risques encourus" : QE n° 10364, JO Sénat, 13 février 2014.
(4) On pense à la faillite de MtGox au début 2014 au Japon bien sûr, avec la "disparition" de 744 408 bitcoins ! Ou encore à la fermeture du site Silk Road aux Etats Unis, qui permettait l'achat de produits illicites avec des bitcoins.
(5) P. Storrer, Crowdfunding, bitcoin : quelle régulation ? : D., 10 avril 2014, p. 832.
(6) Senate Committee on Homeland Security, présidé par Th. Carper et T. Coburn.
(7) Pour un accès à ces auditions, cf. le site du Sénat américain.
(8) Document du 12 novembre 2013.
(9) ECB, "Virtual currency schemes", October, 2012.
(10) Directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000, concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements (N° Lexbase : L8033AU3).
(11) S. Lanskoy, La nature juridique de la monnaie électronique, Bull Banque de France, n° 70, 1999, p. 45.
(12) op. cit.
(13) D.R Martin, De la (fausse) monnaie électronique, RDBF, janvier 2003, étude n° 100008.
(14) Directive (CE) n° 2007/64 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les Directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la Directive 97/5/CE (N° Lexbase : L5478H3B).
(15) Banque de France, Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l'exemple du bitcoin, Focus, 5 décembre 2013, n° 10.
(16) ABE, Warning to consumers on virtual currencies, EBA/WRG/2013/0, 12 décembre 2013.
(17) ACPR, Position relative aux opérations sur bitcoins en France, P-2014-01, 29 janvier 2014.
(18) CA Paris, 26 août 2011, n° 11/15269 (N° Lexbase : A3589HX9).
(19) CA Paris, 26 septembre 2013, n° 12/00161 (N° Lexbase : A7474KLE), JCP éd. E 2014, n° 8, obs. Th. Bonneau.
(20) C. mon. fin., art. L. 133-3, I (N° Lexbase : L4786IEY).
(21) L. de Pellegars, Applications de la DSP : le compte de paiement, Banque et droit, 2010, n° 134, p. 14.
(22) Th. Bonneau, obs. précitées sous CA Paris, 26 septembre 2013, n° 12/00161.
(23) V. Pinto Hania, Les biens immatériels saisis par le droit des sûretés réelles mobilières conventionnelles, thèse, Paris Est Créteil, 2011.
(24) V. M.A Frison-Roche, L'immatériel à travers la virtualité : in Le droit et l'immatériel, Archives de philosophie du droit, t. 43, Sirey, 1999, p. 139
(25) V. Pinto Hania, op. cit., n° 13.
(26) La signature des transactions Bitcoin et leur vérification utilisent la cryptographie asymétrique et plus précisément l'algorithme ECDSA (Elliptic Curve Digital Signature Algorithm), qui assure aussi la génération des paires de clés (clé privée et clé publique) nécessaire aux signatures. Les courbes elliptiques sont utilisées en cryptographie pour des opérations asymétriques comme des échanges de clés sur un canal non-sécurisé ou un chiffrement asymétrique. Toute adresse bitcoin est dérivée d'une clé publique ECDSA. La clé publique est un point sur une courbe elliptique qui correspond à la clé privée. La clé privée est le nombre de fois qu'il faut multiplier le générateur de la courbe elliptique pour avoir la clé publique. L'adresse Bitcoin : elle est calculée à partir de la clé publique ECD.
(27) Cf. F. Grua, Jursiclasseur Civil code, fasc. 40 : "Monnaie - Or".
(28) Pour les opérations de commerce interne, depuis la loi n° 48-178 du 2 février 1948 (art. 2) (N° Lexbase : L0163I3G), "la détention, le transport et le commerce de l'or sont libres sur le territoire français". Le décret du 1er mars 1948 est venu ajouter à cette liberté l'anonymat des opérations sur l'or.
(29) Cass. com., 6 juin 2001, n° 99-18.296 (N° Lexbase : A5135ATD) : D. Aff., 2001, p. 2124, obs. X. Delpech.
(30) Même si l'article 24 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX), vient encadrer les conditions dans lesquelles des professionnels des métaux précieux doivent protéger les consommateurs.
(31) CGI, art. 1736, IV, 1° (N° Lexbase : L1771IZM).
(32) CGI, art. 1727 (N° Lexbase : L0141IW7).
(33) CGI, art. 1649 A, al. 3 (N° Lexbase : L1746HMM).
(34) CGI, art. 1758 (N° Lexbase : L4641ISP).
(35) CGI, art. 1729 (N° Lexbase : L4733ICB).
(36) Circulaire du 21 juin 2013 (N° Lexbase : L6522IY9).
(37) LPF, art. L. 169 (N° Lexbase : L5755IRL).
(38) CGI, art. 885 U (N° Lexbase : L0137IWY).
(39) BOI-BNC-BASE-60-20120912, § 1 (N° Lexbase : X3968ALK).
(40) CE 9° et 8° s-s-r., 23 juin 1982, n° 25317, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1307ALY).
(41) CE 9° et 7° s-s-r., 17 avril 1992, n° 82308, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6291ARG).
(42) CAA Nantes, 9 octobre 1991, n° 89NT01390, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0239AZU).
(43) BOI-BNC-BASE-60-20120912, précité, § 190.
(44) CGI, art. 150-0 A (N° Lexbase : L0970IZX).
(45) CGI, art. 150 VI (N° Lexbase : L1020IZS).
(46) Document du 25 mars 2014.
(47) BOI-RPPM-PVBMC-10-20140121 (N° Lexbase : X4008ALZ).
(48) CGI, art. 200 B (N° Lexbase : L7498IR7).
(49) CGI, art. 150 VC, I, al. 5 (N° Lexbase : L1256IZK).
(50) CGI, 150 VG, I, 3° (N° Lexbase : L2566IYP).
(51) CGI, art. 170, dernier alinéa (N° Lexbase : L0961IZM).
(52) CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2013, n° 346018, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9156KSW).

newsid:441872

Fiscalité immobilière

[Brèves] Clap de fin : l'imposition à l'IR des immeubles détenus en France par des non-résidents ressortissants de l'UE sur une base forfaitaire est contraire à la libre circulation des capitaux

Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2014, n° 332885, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1025MK8)

Lecture: 2 min

N1817BUT

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Le 17 Avril 2014

Aux termes d'une décision rendue le 11 avril 2014, le Conseil d'Etat prononce la non-conformité de l'article 164 C du CGI (N° Lexbase : L2839HLQ), qui prévoit une imposition des biens immobiliers détenus par des non-résidents au barème progressif de l'IR, à la libre circulation des capitaux au sein de l'Union européenne (CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 11 avril 2014, n° 332885, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1025MK8). En l'espèce, une ressortissante allemande résidente de Monaco a été assujettie en France à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de l'article 164 C du CGI, à raison d'un bien immobilier qu'elle possède dans les Alpes-Maritimes. Selon la contribuable, ces dispositions sont contraires au principe de libre circulation des capitaux (TFUE, art. 63 N° Lexbase : L2713IP8). Le juge rappelle, tout d'abord, que la libre circulation des capitaux comprend notamment l'acquisition, la détention et l'aliénation de biens immobiliers sur le territoire d'un autre Etat membre ne se rattachant pas, à titre principal, à l'exercice d'une activité économique ou à la gestion active d'un patrimoine immobilier. Or, l'article 164 C du CGI a pour objet et pour effet de soumettre la détention en France d'immeubles d'habitation à une imposition qui n'est due que par les personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, lorsque leurs revenus de source française sont inférieurs à un certain seuil. Une telle mesure est de nature à dissuader les non-résidents d'acquérir ou de détenir en France de tels immeubles, en déduit le Conseil d'Etat. De plus, l'objet de la mesure constitue une discrimination. En effet, pour apprécier si une distinction de traitement entre eux constitue une telle discrimination, il y a lieu de comparer les situations respectives des personnes résidentes et non-résidentes au regard de la seule disposition entravant la libre circulation des capitaux, quelles que soient par ailleurs leurs situations d'ensemble au regard des impositions dues en France, y compris les impositions dont les personnes résidentes sont seules redevables. Sont comparables, pour établir une imposition à raison de la détention d'un bien immobilier, les situations des personnes physiques résidentes et non-résidentes. En outre, la restriction imposée par l'article 164 C n'est pas motivée par une raison impérieuse d'intérêt général. Notamment, l'objectif qui s'attacherait à ce que les personnes non-résidentes soient soumises, comme les résidentes, à une imposition progressive de leurs revenus, n'est pas pertinent, dès lors que la mesure fiscale litigieuse vise des biens qui sont en principe insusceptibles de produire des revenus et qu'elle les soumet à une imposition calculée sur la base d'un revenu forfaitaire. En conséquence, la Haute juridiction prononce la non-conformité de l'article 164 C à la libre circulation des capitaux .

newsid:441817

[Brèves] Gage de stock : la cour d'appel de Paris persiste !

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 27 février 2014, n° 13/03840 (N° Lexbase : A0421MGP)

Lecture: 2 min

N1848BUY

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Le 17 Avril 2014

On se souvient que par un arrêt bénéficiant de la publicité la plus large la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait énoncé que s'agissant d'un gage portant sur des éléments visés à l'article L. 527-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L1401HIQ), les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession. (Cass. com., 19 février 2013, n° 11-21.763, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3699I8I ; lire N° Lexbase : N6011BTS). Sur renvoi, la cour d'appel de Paris refuse de se plier à la position de la Haute cour (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 27 février 2014, n° 13/03840 N° Lexbase : A0421MGP). Elle énonce que en prévoyant à l'article 44 un régime propre à la garantie sur stocks consentie à un établissement de crédit par une personne dans le cadre de son activité professionnelle, le texte de l'ordonnance du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH) n'interdit pas expressément de choisir de recourir au gage sans dépossession de droit commun prévu par l'article 11, étant observé que cette ordonnance, résultant de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, habilitant le Gouvernement à réformer le droit des sûretés (N° Lexbase : L5001HGC), ne se situe pas dans un contexte de difficultés des entreprises, le régime propre imaginé pour le gage sur stocks se situant dans le livre cinquième du Code de commerce et non dans le livre sixième. Contrairement à ce qu'affirme le liquidateur judiciaire, en l'espèce, l'examen du texte ne permet pas d'affirmer la volonté d'exclure les banques prêtant sur stocks du bénéfice du gage sans dépossession de droit commun accessible aux autres partenaires de l'entreprise, de sorte qu'il ne se déduit pas formellement du texte de l'ordonnance qu'après avoir défini le nouveau droit commun du gage sans dépossession à l'article 11, le législateur, aux termes de l'article 44 aurait été inspiré par la volonté d'instaurer parallèlement un régime protecteur spécifique aux entreprises. Il convient dès lors, selon les juges du fond, d'appliquer le principe d'interprétation selon lequel le doute et le silence profitent au régime du droit commun, lequel en l'espèce a été rénové. Aucune disposition n'interdisant aux parties de choisir l'application du droit commun du gage, issu de la réforme de 2006, pour garantir un crédit consenti par un établissement financier à une personne dans le cadre de son activité professionnelle, les parties ont pu valablement choisir, comme elles l'ont fait, de se référer aux dispositions des articles 2333 (N° Lexbase : L1160HIS) et suivants du Code civil, comme étant, de leur point de vue, le régime le mieux adapté pour garantir leur opération principale de financement selon les principes islamiques. La garantie ayant été placée sous le régime de droit commun du gage sans dépossession, les mentions prévues par les articles L. 527-1 (N° Lexbase : L2852IXW) et suivants du Code de commerce n'avaient pas à s'appliquer (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E1703EQ7).

newsid:441848

Internet

[Brèves] La CJUE invalide la Directive sur la conservation des données à caractère personnel

Réf. : CJUE, 8 avril 2014, aff. C-293/12 (N° Lexbase : A7603MIG)

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N1789BUS

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Le 17 Avril 2014

Par un arrêt du 8 avril 2014, la CJUE (CJUE, 8 avril 2014, aff. C-293/12 N° Lexbase : A7603MIG) déclare la Directive sur la conservation des données invalide (Directive 2006/24 du 15 mars 2006 N° Lexbase : L9007HTR). La Cour estime qu'en imposant la conservation de ces données et en en permettant l'accès aux autorités nationales compétentes, la Directive s'immisce de manière particulièrement grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. En outre, le fait que la conservation et l'utilisation ultérieure des données sont effectuées sans que l'abonné ou l'utilisateur inscrit en soit informé est susceptible de générer dans l'esprit des personnes concernées le sentiment que leur vie privée fait l'objet d'une surveillance constante. La Cour estime qu'en adoptant la Directive sur la conservation des données, le législateur de l'Union a excédé les limites qu'impose le respect du principe de proportionnalité. Elle estime que, si la conservation des données imposée par la Directive peut être considérée comme apte à réaliser l'objectif poursuivi par celle-ci, l'ingérence vaste et particulièrement grave de cette Directive dans les droits fondamentaux en cause n'est pas suffisamment encadrée afin de garantir que cette ingérence soit effectivement limitée au strict nécessaire. En effet, premièrement, la Directive couvre de manière généralisée l'ensemble des individus, des moyens de communication électronique et des données relatives au trafic sans qu'aucune différenciation, limitation ou exception soit opérée en fonction de l'objectif de lutte contre les infractions graves. Deuxièmement, la Directive ne prévoit aucun critère objectif qui permettrait de garantir que les autorités nationales compétentes n'aient accès aux données et ne puissent les utiliser qu'aux seules fins de prévenir, détecter ou poursuivre pénalement des infractions susceptibles d'être considérées, au regard de l'ampleur et de la gravité de l'ingérence dans les droits fondamentaux en question, comme suffisamment graves pour justifier une telle ingérence. Troisièmement, la Directive ne précise pas les critères objectifs sur la base desquels la durée de conservation doit être déterminée afin de garantir sa limitation au strict nécessaire. La Cour constate, par ailleurs, que la Directive ne prévoit pas de garanties suffisantes permettant d'assurer une protection efficace des données contre les risques d'abus ainsi que contre l'accès et l'utilisation illicites des données. La Cour critique, enfin, le fait que la Directive n'impose pas une conservation des données sur le territoire de l'Union.

newsid:441789

Négociation collective

[Brèves] Organisation du portage salarial par les partenaires sociaux : abrogation du paragraphe III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 pour inconstitutionnalité à partir du 1er janvier 2015

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-388 QPC, du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8256MIM)

Lecture: 2 min

N1866BUN

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Le 18 Avril 2014

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 février 2014 par le Conseil d'Etat (CE 1° et 6° s-s-r., 6 février 2014, n° 371062 N° Lexbase : A6171MDW) d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), concernant la possibilité, pour une durée limitée à deux ans, de confier à une branche professionnelle, l'organisation du portage salariale par un accord national interprofessionnel étendu (Cons. const., décision n° 2014-388 QPC, du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8256MIM).
Selon les requérants, ces dispositions méconnaissaient la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs, garantis par les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU). En outre, en confiant aux partenaires sociaux la mission d'organiser le portage salarial, sans fixer lui-même les principes essentiels de son régime juridique, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre.
Le Conseil constitutionnel considère qu'il résulte de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), lequel dispose que "la loi détermine les principes fondamentaux [...] du droit du travail" et de l'alinéa 8 du préambule de 1946 qui dispose que "tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises", que s'il est loisible au législateur de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail, il lui appartient d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution.
Or, en prévoyant qu'un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche professionnelle la mission "d'organiser" cet ensemble de relations contractuelles, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées confient à la convention collective le soin de fixer des règles qui relèvent de la loi et que, par conséquent, le législateur a méconnu l'étendu de sa compétence dans la détermination des conditions essentielles de l'exercice de l'activité économique de portage salarial ainsi que dans la fixation des principes applicables au "salarié porté". Il ajoute que cette méconnaissance affecte par elle-même l'exercice de la liberté d'entreprendre ainsi que les droits collectifs des travailleurs et que, par suite, le paragraphe III de l'article 8 de la loi du 25 juin 2008 doit être déclaré contraire à la Constitution.
Cependant, afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel décide de reporter au 1er janvier 2015 la date d'abrogation de la disposition contestée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2232ETT).

newsid:441866

Procédure pénale

[Brèves] Inconstitutionnalité du quatrième alinéa de l'article 41-4 du Code de procédure pénale, relatif à la destruction des biens meubles saisis par décision du procureur de la République

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-390 QPC, du 11-04-2014 (N° Lexbase : A8257MIN)

Lecture: 2 min

N1806BUG

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Le 26 Avril 2014

En permettant la destruction de biens saisis, sur décision du procureur de la République, sans que leur propriétaire ou les tiers ayant des droits sur ces biens et les personnes mises en cause dans la procédure en aient été préalablement avisés et qu'ils aient été mis à même de contester cette décision devant une juridiction afin de demander, le cas échéant, la restitution des biens saisis, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1875H3T) ne sont assorties d'aucune garantie légale et méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D). Telle est la réponse, apportée par une décision du Conseil constitutionnel, le 11 avril 2014 (Cons. const., décision n° 2014-390 QPC, du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN ; cf. pour le cas où le juge d'instruction ordonne une telle décision et pour lequel un appel est prévu : Cass. crim., 19 mars 2014, n° 13-87.157, F-P+B+I N° Lexbase : A0787MHM). En l'espèce, M. H. a formulé une question prioritaire de constitutionnalité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article 41-4 du Code de procédure pénale. Celui-ci dispose que : "Le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite". Selon le requérant, en ne prévoyant pas de recours contre la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens saisis, les dispositions de l'article 41-4 précité méconnaîtraient le droit à un recours effectif et seraient contraires au principe d'égalité devant la loi, dans la mesure où un recours est prévu lorsque la décision d'ordonner la destruction des biens saisis est prise par le juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire en application du quatrième alinéa de l'article 99-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7674IPW). Les Sages lui donnent raison en déclarant ledit alinéa contraire à la Constitution (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4278EUY).

newsid:441806

QPC

[Brèves] Transmission d'une QPC au Conseil constitutionnel relative aux articles L. 1242-2 et L. 1243-10 du Code du travail

Réf. : Cass. QPC, 9 avril 2014, n° 14-40.009, FS-P+B (N° Lexbase : A8248MIC)

Lecture: 1 min

N1803BUC

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Le 17 Avril 2014

La Chambre sociale de la Cour de cassation transmet au Conseil constitutionnel une QPC portant sur les dispositions des articles L. 1242-2 (N° Lexbase : L3209IMS) et L. 1243-10 (N° Lexbase : L1473H9G) du Code du travail pour violation de l'égalité sans justifier d'un intérêt général, et de la protection par la loi, tous principes constitutionnels auxquels il est porté atteinte. Telle est la décision dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 avril 2014 (Cass. QPC, 9 avril 2014, n° 14-40.009, FS-P+B N° Lexbase : A8248MIC).
Pour renvoyer la QPC devant le Conseil constitutionnel, la Haute juridiction relève que les dispositions contestées étaient applicables au litige, lequel portait sur un contrat à durée déterminée d'usage. Elle ajoute qu'elles n'avaient pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et qu'elles n'étaient pas nouvelles, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle, dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application. Elle termine en rappelant la dernière des conditions pour que soit transmise une QPC à savoir que la question posée présente un caractère sérieux. A cet égard, elle précise que les dispositions susvisées traitent de façon différente les salariés ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, selon que celui-ci est ou non un contrat à durée déterminée d'usage (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7734ESA).

newsid:441803

Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Taxe sur les boissons non alcoolisées : exclusion des restaurateurs qui mélangent les ingrédients du Coca-Cola pour les besoins de leurs clients, car ils ne sont pas des "fabricants"

Réf. : Cass. com., 8 avril 2014, trois arrêts, n° 12-29.408, FS-P+B (N° Lexbase : A0806MK3), n° 12-29.409 (N° Lexbase : A1015MKS) et n° 12-35.351 (N° Lexbase : A0839MKB), FS-D

Lecture: 1 min

N1834BUH

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Le 17 Avril 2014

Aux termes de trois arrêts rendus le 8 avril 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation retient que les restaurateurs qui vendent du Coca-Cola dont ils ont mélangé les ingrédients fournis par une société ne sont pas assujettis à la taxe sur les boissons non alcoolisées (Cass. com., 8 avril 2014, trois arrêts, n° 12-29.408, FS-P+B N° Lexbase : A0806MK3, n° 12-29.409 N° Lexbase : A1015MKS et n° 12-35.351 N° Lexbase : A0839MKB, FS-D). En l'espèce, une société exploite des restaurants et bars dans lesquels elle commercialise des boissons non alcoolisées des marques du groupe Coca-Cola reconstituées sur place au moyen de fontaines à boissons qui mélangent des sirops, conditionnés dans des poches plastiques, avec de l'eau et éventuellement du gaz selon les proportions données par le fournisseur. Ces boissons sont ensuite vendues dans des verres, à table, ou dans des gobelets en carton, à emporter, munis d'un couvercle en plastique. Selon l'administration des douanes, ces boissons auraient dû donner lieu au versement du droit spécifique sur les boissons non alcoolisées prévu par l'article 520 A, I, b) du CGI (N° Lexbase : L7004IUX). Toutefois, la Cour de cassation ne retient pas ce raisonnement. En effet, la société se borne à préparer des sirops conditionnés, à l'aide d'appareils appropriés et selon les instructions du fabricant, afin de les vendre au détail aux consommateurs. Dès lors, la société n'est pas redevable de cette taxe. En effet, le droit est dû par les fabricants, les exploitants de sources, les importateurs et les personnes qui réalisent des acquisitions intracommunautaires pour les livraisons effectuées sur le marché intérieur. Mélanger des produits livrés par un fournisseur ne consiste pas en une fabrication .

newsid:441834

Temps de travail

[Jurisprudence] Sephora et le travail le dimanche : comme un parfum de droits de l'Homme

Réf. : Cons. const., deux décisions, n° 2014-373 QPC (N° Lexbase : A4067MIH) et n° 2014-374 QPC (N° Lexbase : A4068MII) du 4 avril 2014

Lecture: 9 min

N1831BUD

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 17 Avril 2014

La bataille du travail dominical fait rage depuis de nombreuses années maintenant, traduisant une profonde hésitation de notre société en proie à des aspirations contradictoires. L'enseigne Sephora vient certainement de remporter l'une d'entre-elles, même si le sentiment de victoire pourrait bien n'être que temporaire si le Gouvernement veut bien se donner la peine d'intervenir rapidement. Deux QPC avaient été transmises au Conseil constitutionnel portant sur certains éléments du régime du travail de nuit, ainsi que sur le caractère suspensif des recours dirigés contre les autorisations préfectorales d'ouverture le dimanche. La première question est rapidement balayée par le Conseil (décision n° 2014-373 QPC) (1), mais la seconde conduit à l'abrogation de l'article L. 3132-24 du Code du travail ([LXB=L0479H9M)]) (décision n° 2014-374 QPC, effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical) mais pour un motif tiré d'une atteinte au principe d'égalité des armes (2).
Résumés

1° Travail de nuit (décision n° 2014-373 QPC) :

Le législateur a pleinement exercé sa compétence en fixant le régime des dérogations au travail de nuit.

Le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et les exigences tant du dixième alinéa que du onzième alinéa du Préambule de 1946 (N° Lexbase : L1356A94).

2° Repos dominical (décision n° 2014-374 QPC) :

Est abrogé l'article L. 3132-24 du Code du travail, aux termes duquel tout recours formé contre un arrêté préfectoral autorisant une dérogation au repos dominical suspend de plein droit les effets de cette décision dès son dépôt par le requérant au greffe de la juridiction administrative, en raison de la méconnaissance du principe des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.

Commentaire

I - Validation du régime du travail de nuit

Dispositions contestées. Sephora contestait, dans une première QPC, la constitutionnalité des articles L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122 -36 (N° Lexbase : L0392H9E) du Code du travail, au regard du "principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi et les exigences de compétence législative et de sécurité juridique garantis par l'article 34 de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L0860AHC) et par les articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et à ce titre [...] les libertés d'entreprendre et du travail et le principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946", une argumentation supplémentaire étant dirigée contre les sanctions légales qui méconnaîtraient "le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines garanti par l'article 34 de la Constitution de 1958 et par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1372A9P)".

Rejet du grief d'incompétence négative. Après avoir rappelé la possibilité d'invoquer, dans le cadre de la procédure de QPC, le défaut d'intelligibilité lorsqu'il affecte une liberté que garantit la Constitution (1), ainsi que le droit pour le législateur de laisser à la négociation collective "le soin de préciser les modalités concrètes d'application" (2) des principes fondamentaux qu'il détermine, le Conseil constitutionnel rappelle l'ensemble du régime des dérogations au travail de nuit au considérant 13 et considère, fort logiquement, que le législateur a pleinement exercé sa compétence.

Rejet du grief d'atteinte à la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel considère, ici, que les atteintes réalisées à la liberté de commercer la nuit sont justifiées par deux "exigences" constitutionnelles : assurer "à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" (préambule de 1946, al. 10), et garantir "à tous [...] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs" (Préambule de 1946, al. 11).

Le Conseil confirme ainsi, pour la première fois s'agissant de la question du travail de nuit (3), les principes dégagés dans le cadre du repos dominical (4), en considérant que le législateur a concilié de manière satisfaisante la liberté d'entreprendre et les dispositions de l'alinéa 10 du Préambule de 1946, étant rappelé qu'en la matière, le Conseil lui laisse une large marge d'appréciation concernant cette conciliation.

Le Conseil vise également la "protection de la santé", comme il a pris l'habitude de le faire depuis la décision rendue lors de l'examen de la loi "Aubry II" en 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail (N° Lexbase : L0988AH3), pour justifier certains choix faits par le législateur, destinés à assurer le respect de cet autre objectif constitutionnel, ce qui justifie qu'il soit porté atteinte, de manière proportionnée, à la liberté d'entreprendre (5). Ce visa est, d'ailleurs, ici logique dans la mesure où la préservation de la santé des travailleurs fonde la compétence de l'Union européenne en matière de limitation de la durée du travail (6).

II - Censure du caractère suspensif des recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical

Dispositions contestées. La société Sephora contestait, dans une seconde QPC, un élément précis du régime des dérogations au repos dominical. On sait, en effet, que le préfet peut accorder des dérogations temporaires aux entreprises "si le repos simultané le dimanche de tous les salariés d'un établissement est préjudiciable au public ou compromet le fonctionnement normal de cet établissement" (C. trav., art. L. 3132-20 N° Lexbase : L0473H9E). L'article L. 3132-24 du Code du travail prévoit, pour sa part, qu'en cas de recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté préfectoral, celui-ci se trouve suspendu, ce qui favorise bien entendu les demandeurs (syndicats ou organisations patronales), puisque même si le recours n'aboutit pas, l'établissement concerné par la dérogation sera, en principe, resté fermé, le temps que dure l'instance, ce qui peut s'avérer en pratique long, potentiellement aussi longtemps que la durée de la dérogation elle-même.

La société Sephora considérait dans sa QPC que, "compte tenu des délais nécessaires à l'examen de ce recours par le juge administratif couplés au caractère temporaire de l'autorisation du préfet", "le principe d'égalité devant la loi, les droits de la défense, le droit au procès équitable et le droit à un recours juridictionnel effectif respectivement garantis par les articles 1er (N° Lexbase : L1365A9G), 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et par l'article 1er de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L1277A98)", seraient violés, et méconnaîtraient également "le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi, l'exigence de sécurité juridique et le principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 1er et 34 de la Constitution de 1958 et par les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen", "la liberté du travail, la liberté d'entreprendre et de droit à l'emploi garantis par les articles 2, 4 et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946", et, dans la mesure où la suspension serait de droit, en cas de recours sans aucune obligation d'information du défendeur, également le principe de "légalité des délits et des peines garanti par l'article 34 de la Constitution de 1958 et par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen".

L'abrogation. La QPC aboutit et le Conseil constitutionnel censure l'article L. 3132-24 du Code du travail, qui plus est, avec effet immédiat pour la société Sephora, mais également dans toutes les affaires nouvelles ainsi que toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision.

Les justifications avancées. On observa, tout d'abord, que la censure intervient pour des raisons extérieures au droit du travail et qui n'ont rien à voir avec le régime du repos dominical, ni au régime des dérogations, ces questions ayant d'ailleurs été en partie validées depuis 2009 (7).

C'est donc pour des motifs tenant au non-respect des droits de la défense, singulièrement au non-respect de l'égalité des armes (8), que le Conseil censure ces dispositions : "si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties".

Pour le Conseil, le caractère suspensif des recours confère aux demandeurs un avantage excessif dans le cadre du procès, et se fonde sur trois éléments d'analyse : "l'effet" de la règle, car la suspension agit "de plein droit" ; "la durée de la suspension" qui court jusqu'à la décision du juge de l'excès de pouvoir et qui ne peut faire l'objet d'aucun aménagement juridictionnel ; "le caractère temporaire de l'autorisation accordée" qui confère à la suspension un effet quasi extinctif compte tenu de l'absence de délai conditionnant l'intervention du juge administratif.

Justification de la censure. Le caractère suspensif du recours, associé à l'absence de délais imposés aux juridictions administratives pour statuer, apparaît, il est vrai, comme une sorte d'anomalie dans le paysage juridique actuel.

Le commentaire aux Cahiers de la décision revient, d'ailleurs, longuement sur cette question précise, et rappelle qu'à l'origine, le caractère suspensif du recours, prévu par l'article 9 de la loi du 13 juillet 1906, s'accompagnait de l'obligation faite au Conseil d'Etat de statuer dans le mois de la date du recours. Ce délai fut ensuite réduit à quinze jours par l'article 1er du décret n° 73-1048 du 15 novembre 1973 (N° Lexbase : L0159I3B), inscrivant dans la partie réglementaire du Code du travail un article R. 221-3 (N° Lexbase : L9227ACQ). Ce texte fut abrogé en 1978 et, depuis cette date, plus aucun délai d'examen du recours n'existe (9), alors que son caractère suspensif subsiste, dérogeant ainsi aux dispositions de l'article L. 4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2611ALB) qui pose comme règle le principe de l'effet non suspensif des recours.

Dans une précédente décision en date du 27 janvier 2012 (Cons. const., décision n° 2011-213 QPC, du 27 janvier 2012 N° Lexbase : A4117IB4), le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion d'abroger un dispositif comparable qui reconnaissait à un recours, un caractère suspensif, jusqu'à ce qu'il soit statué sur celui-ci, après avoir relevé "que, compte tenu de l'ancienneté des faits à l'origine de ce dispositif ainsi que de l'effet, de la portée et de la durée de la suspension qui ne s'applique pas seulement aux dettes liées à l'accueil et à la réinstallation des intéressés, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées" (10), le tout sur le fondement du même considérant que celui qui a été retenu ici (11).

Appréciation de la censure. Nous comprenons parfaitement la solution au regard du principe d'égalité des armes et du fait que la suspension joue de manière purement mécanique, sans qu'il soit possible d'en tempérer l'application par une procédure juridictionnelle adéquate.

Mais la situation des syndicats demandant l'annulation d'une décision d'autorisation temporaire d'ouvrir le dimanche ne nous semble nullement comparable à celle des réfugiés dont les droits étaient en cause dans la décision de 2012. Dans l'affaire mettant en jeu les dispositions de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, de finances pour 1998 (N° Lexbase : L6930HU9), le principe auquel le dispositif de suspension portait atteinte était celui du droit pour les créanciers des rapatriés d'Algérie d'être normalement payés. En mettant en place un système de suspension des poursuites, assorti d'un terme indéterminé, la loi favorisait le débiteur, en contradiction avec le principe fondamental selon lequel les contrats (et donc les dettes) doivent être exécutés.

Or, la situation des dérogations préfectorales au principe du repos dominical est exactement inverse puisque le principe légal applicable est bien celui du repos dominical, réaffirmé jusque dans l'intitulé de la réforme de 2009, et l'exception est bien la dérogation temporaire. Le caractère suspensif du recours vise donc, ici, à assurer l'effectivité du principe légal, en interdisant à l'entreprise bénéficiaire de déroger au principe du repos dominical, et non à assurer l'effectivité d'une exception au principe légal, comme c'était le cas en 2012 dans l'affaire des réfugiés.

L'analogie entre les deux situations était donc trompeuse et le caractère suspensif du recours, justifié, pour préserver l'effectivité du principe du repos dominical.

Portée. La situation de vide créée par cette abrogation pourrait rapidement évoluer. Il suffirait, pour cela, de rétablir le caractère suspensif du recours, mais en assortissant, comme c'était le cas jusqu'en 1978, ce recours d'un délai d'examen impératif par le juge administratif, à l'instar de ceux qui ont été introduits par la loi de sécurisation de l'emploi en 2013 (N° Lexbase : L0394IXU) pour l'examen de la légalité des décisions prises par l'autorité administrative en matière de plan de sauvegarde de l'emploi (12).


(1) Cons. const., décision n° 2010-5 QPC, du 18 juin 2010, consid. 3 (N° Lexbase : A9571EZI).
(2) Cons. const., décision n° 99-423 DC, du 13 janvier 2000, consid. 28 (N° Lexbase : A8786ACE) ; et, dernièrement, Cons. const., décision n° 2008-568 DC, du 7 août 2008 (N° Lexbase : A8775D9U) et nos obs., Commentaire de la Décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : dispositions relatives à la participation des salariés à la gestion des entreprises, Lexbase Hebdo n° 317 du 11 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9819BGR).
(3) Ces deux alinéas du préambule de la Constitution de 1946 sont régulièrement invoqués en matière de logement (dernièrement, Cons. const., décision n° 2014-691 DC, du 20 mars 2014 (N° Lexbase : A1554MHZ) mais aussi de protection sociale, plus rarement en droit du travail.
(4) Cons. const., décision n° 2009-588 DC, du 6 août 2009, consid. 3 (N° Lexbase : A2113EKH) ; Cons. const., décision n° 2011-157 QPC, du 5 août 2011 (N° Lexbase : A9237HWZ) et nos obs., Vous n'aurez pas, l'Alsace et la Lorraine ! (à propos de la décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011), Lexbase Hebdo n° 453 du 15 septembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N7628BSC). La Cour de cassation a également procédé à cette même conciliation pour refuser de transmettre des questions portant également sur le régime du repos dominical, et qui n'avaient pas été examinées en 2009 : Cass. soc., trois arrêts, 5 juin 2013, n° 12-27.478, FS-P+B (N° Lexbase : A4670KG3), n° 12-27.478, FS-P (N° Lexbase : A4671KG4), n° 12-27.478, FS-P+B (N° Lexbase : A4672KG7) et nos obs., Repos dominical et QPC : halte au feu !, Lexbase Hebdo n° 532 du 20 juin 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N7602BTQ).
(5) Cons. const., décision n° 99-423 DC, du 13 janvier 2000, consid. 27 (N° Lexbase : A8786ACE).
(6) La Directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8), est d'ailleurs référencée dans le dossier documentaire qui accompagne la décision, singulièrement l'exposé des motifs faisant apparaître les risques pour la santé du travail de nuit.
(7) Outre les éléments validés par la décision initiale, on notera : Cons. const., décision n° 2010-89 QPC du 21 janvier 2011 (N° Lexbase : A1522GQG) et nos obs., Repos dominical : le Conseil constitutionnel valide l'article L.3132-29 du Code du travail, Lexbase Hebdo n° 426 du 3 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1801BR7). La Cour de cassation a, pour sa part, refusé de transmettre une QPC mettant en cause la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 3132-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6342IEM), en ce qu'elles fixent le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, dans la mesure où "la disposition légale critiquée, qui a été adoptée par le législateur, dans un but tant de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, que de protection des liens familiaux, répond à des exigences constitutionnelles reconnues et garanties par les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 et n'a pas pour effet de porter à la liberté contractuelle une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi" : Cass. soc., 5 juin 2013, n° 12-27.478, FS-P+B (N° Lexbase : A4672KG7) et nos obs., Repos dominical et QPC : halte au feu !, Lexbase Hebdo n° 532 du 20 juin 2013 - édition sociale, préc..
(8) Reconnu par le Conseil comme l'une des composantes du droit au procès équitable, sur le fondement d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. const., décision n° 89-260 DC, du 28 juillet 1989 (N° Lexbase : A8202ACR), et désormais fondé sur l'article 16 de la DEDH.
(9) Décret n° 78-1003, du 4 octobre 1978 (N° Lexbase : L0160I3C).
(10) Cons. const., décision n° 2011-213 QPC, du 27 janvier 2012, consid. 7 (N° Lexbase : A4117IB4).
(11) La même formule se retrouve également, dans le cadre du procès pénal : Cons. const., n° 2014-693 DC, du 25 mars 2014, consid. 18 (N° Lexbase : A9174MHA).
(12) Délais de 3 mois laissés au tribunal administratif et à la Cour administrative d'appel pour statuer sur la légalité de la décision de validation ou d'homologation du PSE, sous peine de dessaisissement : nouvel article L. 1235-7-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0653IXH).

Décisions

1° Travail de nuit :

Décision n° 2014-373 QPC, du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH).

Textes validés : C. trav., art. L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B), et L. 3122-36 (N° Lexbase : L0392H9E).

Mots-clefs : travail de nuit ; liberté d'entreprendre.

Liens base : (N° Lexbase : E0575ETH), (N° Lexbase : E0576ETI) et (N° Lexbase : E0588ETX)

2° Repos dominical :

Décision n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4068MII) (Effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical).

Texte abrogé : C. trav., art. L. 3132-24 (N° Lexbase : L0479H9M).

Mots-clefs : repos dominical ; dérogations préfectorales ; contestation ; caractère suspensif ; QPC ; abrogation.

Lien base : (N° Lexbase : E3649ETC).

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Urbanisme

[Chronique] Chronique de droit de l'urbanisme - Avril 2014

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N1805BUE

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 17 Avril 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt commenté précise que le statut juridique des voies permettant la desserte d'une construction par les services de secours et d'incendie n'intervient pas dans la légalité du permis de construire (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 356571, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le second arrêt complète le régime des consultations préalables à l'enquête publique lors de l'élaboration d'un PLU (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 351202, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le troisième arrêt énonce que la disparition rétroactive d'une concession d'aménagement emporte automatiquement l'annulation des actes unilatéraux de la procédure d'expropriation mise en oeuvre dans le cadre de cette convention (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 360820, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Le statut juridique des voies permettant la desserte d'une construction par les services de secours et d'incendie n'intervient pas dans la légalité du permis de construire (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 356571, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1006MGD)

Le principe selon lequel les autorisations administratives, et, notamment, les autorisations de construire, sont délivrées sous réserve des droits des tiers est parfois mal compris des autorités municipales. Celles-ci, souvent désireuses de ménager les droits respectifs des parties et jouant en fonction du caractère plus ou moins procédurier des personnes concernées, ont parfois tendance à subordonner implicitement la délivrance ou le maintien de certaines autorisations à l'accord des particuliers concernés par le projet. Il s'ensuit des retraits de permis à la légalité parfois douteuse. L'arrêt rendu le 26 février 2014 semble bien s'inscrire dans ce genre de scénario. La requérante de première instance avait bénéficié d'un permis délivré par le maire de la commune pour la construction d'une maison individuelle sur un terrain lui appartenant et desservi par deux voies. Devant le refus des copropriétaires du lotissement de lui accorder une autorisation de passage sur la voie privée permettant d'accéder à ce terrain, le maire s'est cru autorisé à retirer le permis. Les juges du fond ont annulé ce retrait à la requête du pétitionnaire. Après avoir rappelé les relations entre les permis de construire et les voies d'accès (I), on étudiera les relations entre le statut des voies et contraintes liées à la sécurité (II).

I - Permis de construire et voies d'accès

Parmi les dispositions les plus connues du règlement national d'urbanisme (RNU), celles qui sont relatives à la sécurité sont fréquemment invoquées pour refuser de faire droit aux demandes de permis de construire. C'est le cas, notamment, de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme applicable à la date de la présente affaire, repris aujourd'hui par l'article R. 111-5 (N° Lexbase : L7371HZZ), qui prévoyait que "le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie". Les règlements des plans d'urbanisme reprennent de manière quasi-systématique ce type d'exigence.

La jurisprudence a apporté des précisions sur l'application de ce texte. Un arrêt du 24 septembre 2012 énonce "que lorsque, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte des terrains, notamment pour l'accès des engins d'incendie et de secours, l'administration doit, avant d'accorder une autorisation de lotir, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle d'assiette du lotissement et, le cas échéant, de l'existence d'une servitude de passage garantissant cette desserte, il ne lui appartient pas de vérifier la légalité des actes ayant permis la réalisation de cette desserte ou la validité de la servitude consentie" (1). Ce faisant, le Conseil d'Etat opère une conciliation entre les exigences du RNU et les droits des tiers. Si l'administration, et par voie de conséquence, le juge, n'ont pas à apprécier la validité des actes de droit privé permettant le passage des véhicules de secours, ils doivent, en revanche, s'assurer de leur existence. Il est à noter que cette décision n'a été rendue qu'au visa du Code de l'urbanisme et que le Conseil d'Etat n'a pas été amené à prendre en compte les spécificités de l'action des services de secours et d'incendie.

Ce faisant, le Conseil confirmait de rares décisions antérieures (2). Il a d'ailleurs été suivi par les juges du fond, un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux énonçant "que le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme ; que, dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique" (3).

L'existence d'une autorisation apparemment valide et les caractéristiques techniques de la voie permettant la desserte de l'immeuble sont donc les deux critères cumulatifs nécessaires pour apprécier le respect de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7370HZY).

Il faut relever également relever que le Conseil d'Etat, en sa qualité de juge de cassation, exerce un contrôle de la qualification juridique en la matière. A propos de la capacité d'un réseau routier existant à accueillir les véhicules du SDIS, un arrêt du 29 juin 2005 censure un jugement ayant reconnu l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, alors "qu'il ressort des pièces du dossier que l'accès à la zone nouvellement construite se fera par deux postes de péage et par deux voies de circulation et que, selon, l'étude de circulation réalisée par la direction départementale de l'équipement du Val-de-Marne, la capacité de ces deux postes de péages dépasse largement la prévision de trafic routier maximum à l'heure de pointe" (4).

L'absence d'avis (5) ou l'avis favorable émis par le SDIS lors de l'instruction, ainsi que l'édiction de prescriptions particulières, telles que celle imposant au bénéficiaire du permis de construire de faire aménager une voie d'accès à la réserve d'eau depuis un chemin départemental voisin, suffisent à écarter une erreur manifeste d'appréciation (6). Il en va de même pour l'extension d'un hôtel qui, en plus du fait que son accès principal débouche sur une place, dispose également d'un accès permettant, notamment, la desserte d'un parc de stationnement souterrain par une voie dont la chaussée est de quatre mètres de large et d'une largeur totale de 5,5 mètres (7). Les dimensions de la voie de desserte dépendent évidemment de la taille de la construction projetée (8).

Les difficultés présentées par les voies d'accès sur le littoral justifient, en revanche, un refus de permis de construire (9). Il en va de même de l'extension d'un élevage qui entraînerait une nouvelle détérioration des conditions de circulation déjà très difficileS sur un chemin vicinal dont les difficultés seraient encore aggravées par la circulation interne à l'exploitation dont le flux croiserait celui qui emprunte la voie publique (10). De même, un chemin départemental de trois mètres de large est tout à fait insuffisant pour desservir des terrains de tennis, un bassin de natation et des constructions annexes, et, dans un deuxième temps, une installation hôtelière composée de dix-huit bungalows (11).

II - Le statut des voies et les contraintes liées à la sécurité

L'arrêt du 26 février 2014 opère une nouvelle distinction dans l'application des exigences relatives à l'accessibilité du terrain.

La décision énonce en effet : "en premier lieu, que l'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif doivent s'assurer qu'une ou plusieurs voies d'accès au terrain d'assiette du projet pour lequel un permis de construire est demandé permettent de satisfaire aux exigences posées par les règles d'urbanisme citées au point 2 ; qu'à cette fin, pour apprécier les possibilités d'accès au terrain pour le propriétaire ou les tiers, il leur incombe de s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions du Code général des collectivités territoriales citées au point 3 que les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter ; que, dès lors, pour apprécier les possibilités d'accès de ces services au même terrain d'assiette, il appartient seulement à l'autorité compétente et au juge de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence".

Cette décision appelle plusieurs observations.

Tout d'abord, il faut relever que l'article R. 111-4, aujourd'hui R. 111-5, n'apporte aucune précision quant à la nature des voies utilisables. En l'absence de restriction, il n'appartenait donc pas à la juridiction administrative de rajouter une condition supplémentaire en imposant que les voies en question fussent nécessairement publiques. Toutefois, la solution inverse n'allait pas de soi, puisqu'il s'agit d'autoriser, par principe, la violation de la propriété privée.

Ensuite, le Conseil d'Etat a pris en compte les spécificités des missions des services de secours. Dès lors qu'il leur appartient de porter secours aux personnes victimes de sinistres ou d'accidents et que leur compétence s'étend sur la totalité du territoire de la commune, aucune considération liée à la protection de la propriété privée n'est susceptible de faire obstacle à leur action. Concrètement, ils peuvent profiter de n'importe quel accès leur permettant d'exécuter leur mission. Le statut juridique de la voie importe donc peu. Seules comptent ses caractéristiques techniques : si elles permettent le passage des véhicules de secours, le permis ne peut donc plus être refusé sur la base des dispositions du RNU relatives à la desserte des constructions par les services de secours.

Enfin, l'accès au terrain d'assiette fait désormais l'objet d'une double appréciation. D'une part, pour les tiers et le propriétaire, le respect de la propriété privée continue d'imposer à l'autorité administrative, et au juge en cas de recours, de vérifier l'existence d'un droit à accéder audit terrain. Il peut s'agir de voies ouvertes à la circulation publiques, qui ne sont pas toutes nécessairement partie intégrante du domaine public routier, puisqu'il existe des voies privées ouvertes à la circulation publique, dans les lotissements notamment. Il peut également s'agir de voies purement privées. Dans ce cas, comme dans le cadre de la jurisprudence précédemment rappelée, le juge et l'administration doivent s'assurer de l'existence d'un titre, mais n'ont pas à apprécier sa validité, une telle compétence appartenant exclusivement aux juridictions civiles.

D'autre part, et en revanche, dès lors qu'il s'agit d'apprécier les conditions d'intervention des véhicules de secours, le respect de la propriété privée s'efface. Peu importe l'existence d'un titre valide dès lors que la voie d'accès permet le passage des véhicules du SDIS.

Cette dichotomie aboutit, éventuellement, à dissocier les motifs de refus et de retrait des permis. Un permis pourra être refusé en l'absence de voie publique ou privée si, dans ce cas, le pétitionnaire ne produit aucun titre lui permettant d'emprunter cette dernière. En revanche, un permis ne pourra être légalement refusé ou retiré sur le fondement de l'accès de secours, dès lors qu'une voie privée, sur laquelle le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit, permet l'accès des véhicules de secours. Cette jurisprudence est donc destinée à s'appliquer aux cas dans lesquels la future construction est desservie par deux voies d'accès.

Ce sont précisément les conditions de fait de l'arrêt, le terrain du pétitionnaire étant desservi par une voie publique, manifestement praticable pour les véhicules civils mais impropre au passage des véhicules du SDIS qui requièrent un gabarit minimum et, simultanément, par une voie accessible aux services de secours mais ayant une nature privée et sur laquelle la pétitionnaire ne disposait d'aucun droit. Le Conseil d'Etat confirme donc l'analyse de la cour administrative d'appel qui n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que le maire ne pouvait légalement retirer le permis pour cette raison.

Pour conclure, on notera que le Conseil rappelle que, pour apprécier les caractéristiques matérielles d'une installation quelconque, ici la capacité d'une voie à permettre le passage des véhicules de secours, l'autorité administrative dispose, bien entendu, d'un pouvoir discrétionnaire puisqu'elle doit porter, sous le contrôle du juge, une appréciation sur les faits. Elle ne se trouve donc pas en situation de compétence liée. Par conséquent, les moyens tirés de la régularité de la procédure suivie pour édicter la décision litigieuse sont parfaitement opérants. En l'espèce, la requérante avait donc pu valablement invoquer la violation de son droit au contradictoire, garanti par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), avant que le maire ne prononce le retrait du permis.

  • Complétion du régime des consultations préalables à l'enquête publique lors de l'élaboration d'un PLU (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 351202, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0997MGZ)

La révision d'un POS impose la mise en forme du document en PLU. C'est la procédure suivie par une commune qui a approuvé, par une délibération du 13 juin 2005, son nouveau plan local d'urbanisme. Ce processus de transformation des POS en PLU a d'ailleurs été accéléré récemment par la loi "ALUR" (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové N° Lexbase : L8342IZY). En effet, contrairement à la rumeur colportée depuis des années par les services de l'Etat, aucune disposition législative n'imposait le passage des POS aux PLU. Désormais, depuis cette loi, les POS devront être mis en forme de PLU avant le 31 décembre 2015. En l'espèce, le propriétaire d'une parcelle de 3 800 m² sur laquelle est exploité un camping a eu la déplaisante surprise de constater que le nouveau PLU prévoyait un emplacement réservé sur son terrain. La pratique n'est pas rare, car les communes n'ont pas l'obligation de justifier de la création d'un emplacement réservé par la production d'un projet abouti et ceux-ci peuvent être implantés sur des propriétés privées, même s'ils sont destinés à recevoir des équipements publics. Les propriétaires ont donc la désagréable impression de voir leur bien grevé d'une servitude, voire craignent de se retrouver expropriés, quand bien même la création d'un emplacement réservé n'est pas nécessairement suivie de la réalisation de l'équipement projeté. Le propriétaire en question a donc déposé un recours contre la délibération en ce qu'elle prévoyait cet emplacement réservé. Devant le rejet de sa requête par les juges du fond, il a donc formé un pourvoi contre l'arrêt d'appel. Le Conseil d'Etat, par une substitution de motifs, va confirmer le rejet de sa requête. Après avoir rappelé les règles relatives aux consultations préalables à l'élaboration des PLU (I), on soulignera la portée des modifications sur la légalité du PLU (II).

I - Les consultations préalables à l'élaboration des PLU

Dans le cadre d'une meilleure concertation entre les communes et les personnes publiques qui sont susceptibles d'être intéressées par les dispositions de leurs PLU, le Code de l'urbanisme impose la réalisation d'un certain nombre de consultations préalables. En application de l'article R. 123-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3518HW9), ces avis sont normalement rendus dans un délai de trois mois. Ils sont réputés favorables en cas de silence des personnes consultées.

L'article R. 123-8 (N° Lexbase : L7866ACC) prévoit ainsi que sont, notamment, consultés le président du conseil régional, le président du conseil général, le président de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains, le président de la communauté d'agglomération. Il en est de même des présidents des établissements publics de coopération intercommunale voisins compétents ou des maires des communes voisines. Outre ces structures à compétence générale, l'élaboration du PLU requiert également la consultation des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux. Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture.

La jurisprudence a apporté plusieurs précisions au sujet de ces consultations. Il a été jugé, à l'occasion d'une mise en compatibilité d'un PLU, que, dès lors qu'un conseil municipal a été conduit à donner son avis, suite à sa saisine par le préfet, il n'a pas lieu d'être consulté de nouveau sur des modifications mineures apportées au projet lorsque celles-ci lui ont été nécessairement soumises lors de cette consultation (12). Des modifications opérées sur le projet après enquête publique n'ont pas à faire l'objet d'une nouvelle consultation dès lors qu'elles n'affectent pas l'économie générale du plan (13).

L'arrêt du 26 février 2014 fait application à la révision du PLU de la jurisprudence qui limite l'effet des vices de procédure. Le Conseil d'Etat a, en effet, toujours posé des limites à la portée des vices de procédure. Il s'agit, en effet, d'éviter un formalisme trop rigoureux qui aboutirait à sanctionner de manière égale toutes les règles de procédure. Celles-ci doivent donc être, en principe, respectées, mais leur violation ne sont pas toujours de nature à justifier l'illégalité de la décision.

Le Conseil d'Etat avait donc déjà jugé que le fait que les avis de personnes devant être consultées n'étaient pas versés au dossier soumis à enquête publique "n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité du décret pris à l'issue de l'enquête publique que s'il a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou s'il a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative" (14). La même solution a été retenue à propos de la publicité relative à l'ouverture de l'enquête publique (15). Il en va de même des inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique (16), affectant une étude d'impact (17) ou une étude de danger (18).

L'arrêt du 26 février 2014 fait donc application de cette jurisprudence à la procédure de consultation préalable à la révision du PLU. Le Conseil d'Etat relève "qu'il appartient à une commune souhaitant modifier son projet de plan local d'urbanisme avant l'ouverture de l'enquête publique, notamment pour tenir compte de l'avis rendu par une personne publique associée à son élaboration, de consulter à nouveau l'ensemble des personnes publiques associées, afin que le dossier soumis à l'enquête publique comporte des avis correspondant au projet modifié ; que, toutefois, l'omission de cette nouvelle consultation n'est de nature à vicier la procédure et à entacher d'illégalité la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information du public ou si elle a été de nature à exercer une influence sur cette décision".

Une seconde consultation des personnes associées est donc, par principe, nécessaire lorsque la commune veut modifier le projet de PLU suite à l'avis de l'une d'entre elle, cet avis étant susceptible de modifier la position des autres personnes consultées sur ce projet. Toutefois, afin d'éviter de rallonger inutilement les procédures, l'absence de cette seconde consultation n'est sanctionnée que lorsqu'elle a pour effet de nuire à l'information du public ou si elle est de nature à influencer la décision. C'est donc l'analyse du dossier qui permet de déterminer l'impact de cette absence de nouvelle consultation et il n'est pas rare que le Conseil annule les arrêts des juges du fond, faute pour eux de n'avoir pas recherché si l'une ou l'autre de ces deux conditions était remplie.

II - La portée des modifications et la légalité du PLU

Après avoir fait application de sa jurisprudence à la question d'une éventuelle seconde consultation des personnes publiques associées à l'élaboration du PLU, le Conseil d'Etat en tire les conséquences.

D'une part, et très logiquement, il censure l'arrêt d'appel au motif que, "pour écarter le moyen tiré de ce que la délibération attaquée avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le projet de plan local d'urbanisme avait été modifié le 14 février 2005, avant l'ouverture de l'enquête publique, pour tenir compte des observations du préfet du Var, sans être soumis de nouveau pour avis aux personnes publiques associées, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur la circonstance que les appelants ne démontraient pas que les modifications demandées par le préfet étaient substantielles". L'erreur de droit ainsi commise par la cour justifie la censure. En effet, les juges d'appel se sont fondés, non sur la portée de l'absence de seconde consultation, mais sur la nature des modifications apportées par la commune après la première consultation. Or, le caractère substantiel de la modification en question est sans rapport avec les deux critères posés par le considérant précédent qui ne font pas intervenir le contenu de la modification mais les conséquences potentielles de l'omission de la seconde consultation.

D'autre part, le Conseil d'Etat procède à une substitution de motifs. L'arrêt relève, en effet, "que, toutefois, l'absence de nouvelle consultation des personnes publiques associées ne peut, en tout état de cause, avoir d'incidence que sur la légalité des dispositions du plan local d'urbanisme, si elles sont divisibles de l'ensemble, qui ont été affectées par les modifications auxquelles il a été procédé après une première consultation". Le Conseil opère ainsi une nouvelle distinction quant aux conséquences éventuelles du vice de procédure lié à l'absence d'une nouvelle consultation, distinction fondée sur le caractère divisible ou non des dispositions du PLU.

La situation se présente de la manière suivante. Après une première consultation, la commune modifie son projet pour tenir compte de l'avis de l'une des personnes consultées. Dans une première hypothèse, cette modification porte sur des dispositions divisibles du reste, ce qu'on doit comprendre comme ne remettant pas en cause l'économie générale du plan. Dans ce cas, si, au regard des critères précédemment relevés, une nouvelle consultation n'est pas nécessaire, le moyen tiré de l'absence de nouvelle consultation est sans effet et doit être écarté. Si, au contraire, une nouvelle consultation s'avère nécessaire mais n'a pas été suivie, le vice de procédure va alors jouer. Toutefois, dans ce cas, il ne peut jouer qu'à l'égard des dispositions qui ont été affectées par les modifications opérées par la commune. Par conséquent, une éventuelle illégalité frappant ces dispositions ne fait pas disparaître l'intégralité du plan local d'urbanisme. En revanche, dans une seconde hypothèse, si les modifications portent sur des dispositions non divisibles du reste du PLU et que l'un ou l'autre des critères (atteinte à l'information du public et influence sur la décision finale) est rempli, le vice de procédure emporte l'illégalité du PLU.

En l'espèce, ce schéma complexe conduit le Conseil d'Etat à constater que les modifications qui avaient été demandées par le préfet, et réalisées par la commune après la première série de consultations, portaient sur des éléments divisibles du reste du PLU puisqu'elles n'affectaient pas le projet de plan dans son ensemble. De plus, ces modifications ne portaient pas sur le point contesté par les requérants, à savoir la création de l'emplacement réservé. Le Conseil en déduit que, "par suite, le moyen soulevé devant la cour, tiré du défaut de nouvelle consultation des personnes publiques associées, était, en tout état de cause, insusceptible d'avoir une incidence sur la légalité des dispositions du plan contestées devant les juges du fond". Dès lors que le vice éventuel de procédure ne concerne pas l'objet du contentieux, il ne peut donc avoir d'influence sur ce dernier.

  • La disparition rétroactive d'une concession d'aménagement emporte automatiquement l'annulation des actes unilatéraux de la procédure d'expropriation mise en oeuvre dans le cadre de cette convention (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2014, n° 360820, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1014MGN)

L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat dans cette affaire tire les conséquences de la rétroactivité de la résolution des conventions d'aménagement sur les actes administratifs postérieurs à ces conventions. En l'espèce, le maire d'une commune, autorisé par une délibération de son conseil municipal du 24 octobre 2006, avait conclu, le 7 novembre 2006, une convention d'aménagement avec une SNC. Entre-temps, le préfet, par un arrêté du 28 juillet 2006, avait déclaré d'utilité publique l'acquisition des terrains nécessaires à la ZAC ainsi que les travaux correspondants. La déclaration de cessibilité au profit de la SNC avait été prononcée par un arrêté du 19 novembre 2007. Toutefois, suite à un jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2009 annulant la délibération du 7 novembre 2006 et la décision du maire de signer la convention, celle-ci a fait l'objet d'une résolution amiable entre les parties. Un jugement du même jour, confirmé en appel sur le fondement d'un autre motif, annulait simultanément l'arrêté de cessibilité permettant l'acquisition des parcelles par la société. Le ministre de l'Intérieur, la commune et l'ancien concessionnaire ont saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Après avoir rappelé les rapports entre les concessions d'aménagement et les actes liés à l'expropriation (I), on envisagera l'effet rétroactif d'une résolution sur ces actes (II).

I - Les concessions d'aménagement et les actes administratifs de la procédure d'expropriation

Il n'existe pas de définition générale de la notion d'aménagement. Celle-ci est définie par les actions prévues par l'alinéa premier de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9105IZA) qui regroupe, de manière particulièrement vaste, la mise en oeuvre d'un projet urbain, la politique locale de l'habitat, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, le développement des loisirs et du tourisme, la réalisation des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, la lutte contre l'insalubrité, le renouvellement urbain, la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels. Une opération d'aménagement peut être réalisée par la mise en place d'une zone d'aménagement concertée définie par l'article L. 311-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7403AC8) comme des "zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés".

Elle peut donc être menée directement par la personne publique ou faire l'objet d'une concession qui ne peut être valablement conclue pour des opérations de faible ampleur nécessitant peu de travaux d'équipement (19). L'article L. 300-4 du même code (N° Lexbase : L9405IZD) précise : "l'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation [...] Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption [...]". L'aménageur se voit ainsi confier une mission globale qui recouvre la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération d'aménagement, la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à l'exécution de l'opération d'aménagement ainsi que les opérations de vente, de location des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession.

Comme tout contrat, la concession d'aménagement est conclue après une procédure de mise en concurrence. Le conseil municipal délibère sur le projet de concession et autorise le maire à signer le contrat. L'aménagement peut conduire à une déclaration d'utilité publique prévue à l'article L. 11-2 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2891HLN) et à un arrêté de cessibilité, prévu à l'article L. 11-8 du même code (N° Lexbase : L2900HLY), par lequel le préfet détermine la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier.

La jurisprudence a toujours soigneusement distingué les actes pris par le préfet dans le cadre de l'opération d'expropriation et la convention d'aménagement. Les deux actes pris dans le cadre de l'opération d'expropriation sont liés. En effet, "à l'occasion d'un pourvoi dirigé contre l'arrêté de cessibilité, le propriétaire concerné peut invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la déclaration d'utilité publique [disposant] ainsi d'une possibilité claire, concrète et effective de contester l'ensemble de la procédure administrative préalable à l'expropriation" (20). On notera également que le moyen, à l'appui d'un recours contre un arrêté de cessibilité, tiré de ce que la déclaration d'utilité publique serait entachée d'un vice de procédure, est un moyen de légalité interne à l'égard de l'arrêté de cessibilité (21).

En revanche, l'illégalité de la convention d'aménagement n'affecte pas ces actes. L'annulation de la décision par laquelle le maire décide de conclure une convention d'aménagement n'emporte pas de droit l'annulation de l'arrêté de cessibilité et la déclaration d'utilité publique prise pour la mise en oeuvre de cette convention. Le Conseil d'Etat considère, en effet, que, "l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Les actes, déclaration d'utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l'acquisition par voie d'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté, ne sont pas des actes pris pour l'application de la délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société l'aménagement de cette zone, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale" (22).

Une cour administrative d'appel commet donc une erreur de droit en accueillant le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la convention d'aménagement à l'appui du recours dirigé contre la déclaration d'utilité publique (23). Il convient de relever que le moyen ainsi formulé est d'ordre public (24).

Ce faisant, le Conseil d'Etat a clarifié utilement sa jurisprudence puisqu'il se contentait, auparavant, de considérer de manière moins explicite que des requérants ne sauraient, à l'appui d'un recours visant une DUP, utilement exciper de l'illégalité de décisions créant une zone d'aménagement concerté et une zone d'aménagement différé, dès lors que les procédures de création de ces zones sont indépendantes de la procédure d'expropriation (25). Il estimait, de même, que l'arrêté de cessibilité ne constituant pas une mesure d'application de la décision portant approbation de la concession, les requérants n'étaient pas recevables à invoquer, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité attaqué, l'illégalité de la décision portant approbation de la concession (26).

II - Les conséquences de la résolution de la convention d'aménagement sur l'arrêté de cessibilité

L'arrêt du 26 février 2014 vient compléter l'état du droit.

Tout d'abord, il rappelle qu'à l'issue de la procédure, "dans un délai de quinze jours à compter de la réception d'un dossier transmis par le préfet qui comprend notamment l'arrêté de cessibilité, le juge de l'expropriation prononce, par ordonnance, l'expropriation des immeubles ou des droits réels déclarés cessibles, l'expropriation étant prononcée directement au bénéfice de la personne au profit de laquelle elle a été poursuivie". Cette référence est nécessaire car le Conseil rappelle ainsi que la raison d'être d'un arrêté de cessibilité réside, notamment, dans la désignation du bénéficiaire de l'expropriation. Un transfert de propriété doit, en effet, nécessairement identifier les expropriés et être réalisé au profit d'une personne clairement identifiée.

Ensuite, le Conseil rappelle, sans surprise, que "l'annulation d'un acte détachable n'implique pas nécessairement que ce contrat doive être annulé". La jurisprudence est fixée depuis longtemps en ce domaine. Un récent arrêt rappelle, après avoir repris ce principe, "qu'il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée [...]" (27). Toutefois, celle mention permet de replacer la solution de l'arrêt dans le contexte. En effet, en l'espèce, les juridictions administratives avaient décidé que l'illégalité -on ignore laquelle- qui entachait les actes détachables de la convention était suffisamment grave pour justifier l'annulation de celle-ci.

Enfin, et en conséquence, le Conseil d'Etat opère un aménagement à sa jurisprudence antérieure. Il serait, en effet, excessif de parler d'une exception car l'arrêt n'établit pas de lien entre la légalité de la convention et l'arrêté de cessibilité : les deux actes demeurent toujours indépendants l'un de l'autre et, en eux-mêmes, les motifs d'illégalité de la convention n'emportent pas de conséquences sur la légalité de l'arrêté. En revanche, le Conseil se trouve dans l'obligation de faire prévaloir le caractère rétroactif de la résolution des conventions, résolution qui ne peut être prononcée que dans des cas d'illégalités particulièrement graves affectant, notamment, le consentement des parties ou le contenu même du contrat (28). La rétroactivité de la résolution fait donc disparaître non seulement la convention mais également ses effets juridiques et, en particulier ici la qualité d'aménageur de la SNC et son droit à pouvoir bénéficier de l'expropriation. Le Conseil ne peut donc qu'en tirer la conséquence que la disparition rétroactive de cette qualité a pour conséquence que "la société doit ainsi être regardée comme n'ayant jamais eu la qualité de concessionnaire de l'aménagement de la zone ; qu'un arrêté préfectoral ne peut légalement déclarer cessibles des parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté en l'absence d'identification du concessionnaire chargé de cet aménagement et bénéficiaire, à ce titre, de l'expropriation". Cette solution touche aux principes essentiels que recouvrent les textes en application, et, en particulier, au respect du droit de propriété. Il justifie donc un aménagement à la jurisprudence antérieure qui conserve, bien entendu, toute sa pertinence.

Si l'illégalité d'une convention d'aménagement ne peut donc être utilement invoquée à l'appui des recours dirigés contre les actes de l'opération d'expropriation, ces actes perdent leur fondement même dès lors que cette convention disparaît de manière rétroactive. Ils ont été pris au profit d'une personne dépourvue de tout droit à en bénéficier et se trouvent donc privés de toute raison d'être, au point qu'on pourrait parler d'inexistence.

Le Conseil peut ainsi rejeter le pourvoi du ministre, qui n'avait certainement pas manqué de s'appuyer sur la jurisprudence antérieure, et confirmer la solution retenue par les juges du fond qui avaient estimé que "l'arrêté de cessibilité du 19 novembre 2007 devait être annulé par voie de conséquence de la résolution de la convention conclue entre la commune et la SNC [...] intervenue après l'annulation de la délibération du 24 octobre 2006".


(1) CE 1° et 6° s-s-r., 24 septembre 2012, n° 336598, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6376ITC).
(2) CAA Nancy, 1ère ch., 16 novembre 2009, n° 08NC01095 (N° Lexbase : A4201EPB).
(3) CAA Bordeaux, 3ème ch., 16 avril 2013, n° 11BX01041 (N° Lexbase : A8258MIP).
(4) CE 3° et 8° s-s-r., 29 juin 2005, n° 262328, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9985DIN).
(5) CE 9° et 8° s-s-r., 1er décembre 1993, n° 129048, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1568ANE).
(6) CE 2° et 7° s-s-r., 22 avril 2005, n° 257743, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9340DHE).
(7) CE 3° et 5° s-s-r., 10 mai 1996, n° 135048, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8934AN9).
(8) CE 7° et 10° s-s-r., 10 mai 1995, n° 124959, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3833ANB).
(9) CE 4° et 5° s-s-r., 26 janvier 2005, n° 260188, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2772DGR).
(10) CE 3° et 5° s-s-r., 27 septembre 1989, n° 80547, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2115AQE).
(11) CE 2° et 6° s-s-r., 12 octobre 1988, n° 79175 (N° Lexbase : A8295APW).
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 2 juin 2010, n° 328916, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2060EYX).
(13) CE 7° s-s., 8 janvier 2010, n° 303869, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3288EQT).
(14) CE 1° et 6° s-s-r., 29 octobre 2013, n° 360085, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6156KNC).
(15) CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 342673, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3356KGE) ; CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 345174, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3359KGI).
(16) CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2013, n° 353010, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5384KDR).
(17) CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 354115, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8576KAU) ; CE 1° et 6° s-s-r., 30 janvier 2013, n° 347347, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4390I4D) ; CE 1° et 6° s-s-r., 14 octobre 2011, n° 323257, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7408HYZ).
(18) CE 1° et 6° s-s-r., 25 juin 2012, n° 346395, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8820IPD).
(19) CE, Sect., 28 juillet 1993, n° 124099, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0715ANS).
(20) CE 1° et 2° s-s-r., 9 février 2000, n° 198413, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0445AUZ).
(21) CE 2° et 6° s-s-r., 22 mars 1978, n° 01713, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5095B89).
(22) CE 1° s-s., 30 décembre 2013, n° 345269, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9374KSY) ; CE 10° s-s., 26 décembre 2013, n° 351959, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9167KSC) ; CE, Sect., 17 juillet 2011, n° 320735, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0245HWY).
(23) CE 17 juillet 2011, n° 320735, publié au recueil Lebon, préc..
(24) CE 10° s-s., 26 décembre 2013, n° 351959, inédit au recueil Lebon, préc..
(25) CE 2° et 6° s-s-r., 20 novembre 1996, n° 134805, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2055APS).
(26) CE 3° et 5° s-s-r., 29 juillet 1994, n° 111650, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1943ASR).
(27) CE 2° et 7° s-s-r., 6 novembre 2013, n° 365079, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0956KP4) ; CE 2° et 7° s-s-r., 10 novembre 2012, n° 355127, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6686IYB).
(28) CE 2° et 7° s-s-r., 6 novembre 2013, n° 365079, publié au recueil Lebon, préc..

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