La lettre juridique n°373 du 26 novembre 2009 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Régime des entreprises nouvelles et restructuration d'activités préexistantes

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 16 octobre 2009, n° 308308, M. Giraud (N° Lexbase : A0751EMR)

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, le législateur a introduit des dispositions particulièrement favorables pour les entreprises nouvelles soumises au réel à raison, notamment, de leurs activités industrielles, commerciales ou artisanales consistant en une exonération totale -mais plafonnée- des bénéfices et des plus-values (1) réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de la création de l'entreprise. Puis, des abattements de 25 %, 50 % et 75 % permettent une sortie progressive de ce régime d'exception (CGI art. 44 sexies N° Lexbase : L5610H9N), sauf pour les entreprises créées dans les zones de revitalisation rurale qui bénéficient d'un retour au régime de droit commun sur neuf ans après le terme d'une période d'exonération spécifique de cinq ans. Ces dispositions ne sont applicables que dans certaines zones en France de sorte que la doctrine a conclu en l'émiettement du territoire fiscal (cf., B. Plagnet, Le régionalisme fiscal ou l'émiettement ?, Bulletin Fiscal Francis Lefebvre, novembre 2003 (2)). Afin de prévenir, autant que faire se peut, les tentatives de fraude, le législateur a posé des garde-fous, dont l'interdiction pour les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités de bénéficier des dispositions de l'article 44 sexies du CGI. La décision "Giraud", du 16 octobre 2009, en offre une très intéressante illustration.

Au cas particulier, le contribuable a créé en 1998, avec sa soeur et son épouse, la SARL Jalco, relevant du régime des sociétés de personnes, et proposant des prestations en matière de saisie et de traitement informatique de données économiques et financières, de suivi administratif et de conseil en gestion d'entreprise. Cette société a réalisé, pour les années 1998 à 2000 sujettes à une vérification de comptabilité, la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec plusieurs sociétés relevant du secteur agricole dont elle a assuré le secrétariat et la comptabilité avec les moyens matériels ayant auparavant appartenu à deux de ces sociétés avec le concours de l'épouse du contribuable et dans les mêmes locaux. On apprend, non sans surprise, à la lecture de l'arrêt d'appel (CAA Bordeaux, 4ème ch., 7 juin 2007, n° 04BX00974, M. Alain Giraud N° Lexbase : A8174DXZ), que la société Jalco a assuré des prestations comptables à des tiers, activité pourtant réservée aux professionnels libéraux que sont les experts-comptables (3) dont la profession est réglementée par l'ordonnance du 19 septembre 1945, instituant un monopole légal à leur profit (ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, portant institution de l'Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable N° Lexbase : L8059AIC), et dont la violation emporte des sanctions pénales à l'encontre des contrevenants (Cass. crim., 19 mai 2004, n° 03-83.647 N° Lexbase : A6351DC9 ; Cass. crim., 22 février 1996, n° 95-82.506 N° Lexbase : A9166AB4).

Dans ce dossier, tout démontrait qu'il s'agissait d'une restructuration d'activités préexistantes à telle enseigne que les circonstances citées par le juge de l'impôt sont topiques : ainsi, le tribunal administratif de Poitiers (TA Poitiers, 25 mars 2004, n° 0300232, M. Alain Giraud, N° Lexbase : A1723EMR) va considérer que ces fonctions de gestion étaient préexistantes aux entreprises clientes de la société Jalco, car l'instruction a fait apparaître que le dirigeant de la société redressée était commun à presque toutes les entreprises clientes et que seule une infime partie de son chiffre d'affaires était réalisée avec une entreprise avec laquelle il n'y avait pas de communauté d'intérêts pour le seul exercice 2000. Tant devant la cour administrative d'appel de Bordeaux que devant le juge de cassation, les critiques du contribuable ne trouveront pas grâce, dès lors qu'il s'avère, en fait, que les prestations proposées par la société Jalco ne sont que la conséquence d'un regroupement d'activités exercées auparavant au sein des structures "clientes".

Cette suite de décisions rendue par les juridictions, que l'on peut rapprocher d'un arrêt de 2004, dans lequel le défaut d'autonomie administrative s'analysait comme une émanation d'une entreprise préexistante (CAA Nantes, 4 février 2004, n° 00NT02037, Société Brioviande N° Lexbase : A0819DCC), démontre le contrôle très serré des circonstances de fait permettant de faire le départ entre les entreprises réellement nouvelles et celles qui tentent de faire croire qu'elles le sont. En effet, la jurisprudence et la doctrine administrative ont fourni des éléments d'appréciation permettant de les distinguer (instruction du 5 novembre 2001, BOI 4 A-6-01 N° Lexbase : X8207AA9) : l'identité au moins partielle d'activité, l'existence de liens privilégiés entre l'entreprise créée et l'entreprise préexistante et le transfert de moyens d'exploitation de l'entreprise préexistante à l'entreprise nouvellement créée caractérisent la restructuration d'activités préexistante (v., notamment, CE 9° et 10° s-s-r., 10 novembre 2006, n° 271520, Société SAEML Sovameuse N° Lexbase : A2875DSB) et ce, quelles qu'en soient l'ampleur, la date et les modalités (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 270343, M. Encinas N° Lexbase : A3553DIG ; CE 3° s-s., 3 septembre 2007, n° 270344, M. Moury N° Lexbase : A0591DYK ; CE 3° s-s., 3 septembre 2007, n° 270345, M. et Mme Buffat N° Lexbase : A0592DYL). Au cas présent, les conditions caractérisant la restructuration d'activités préexistantes étaient remplies justifiant, ainsi, le rejet du bénéfice des dispositions de l'article 44 sexies du CGI.


(1) A l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs.
(2) "Au total, les zones prioritaires concernent environ 38 millions d'habitants et il faut y ajouter la Corse ainsi que les départements d'outre-mer qui bénéficient d'une fiscalité plus favorable [...] Autrement dit, près des deux tiers de la population se trouve dans une zone prioritaire ! Une telle proportion a des allures de caricature !", B. Plagnet, op. cit., § 8.
(3) "Est expert comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail . Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats. L'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail.
L'expert comptable peut aussi organiser les comptabilités et analyser par les procédés de la technique comptable la situation et le fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économique, juridique et financier. Il fait rapport de ses constatations, conclusions et suggestions. L'expert-comptable peut aussi accompagner la création d'entreprise sous tous ses aspects comptables ou à finalité économique et financière".

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