La lettre juridique n°373 du 26 novembre 2009 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] Sur les conditions de la régularité d'un acte de sous-location

Réf. : Cass. civ. 3, 28 octobre 2009, n° 08-18.736, Communauté d'agglomération Plaine Commune, venant aux droits de la société Marret, FS-P+B (N° Lexbase : A6095EMP)

Lecture: 9 min

N4724BMW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Sur les conditions de la régularité d'un acte de sous-location. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212160-jurisprudence-sur-les-conditions-de-la-regularite-dun-acte-de-souslocation
Copier

par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 07 Octobre 2010

Le sous-locataire ne peut se prévaloir d'un droit au paiement d'une indemnité d'éviction à la suite du refus du propriétaire des locaux de renouveler son bail après la résiliation du bail principal, sans constater que l'acte de renouvellement de la sous-location avait été notifié au propriétaire conformément aux stipulations du bail principal, ou sans relever un acte clair et non équivoque établissant que ce dernier avait tacitement agréé le renouvellement du bail. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 octobre 2009. En l'espèce, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail, pour 53 ans à compter du 1er janvier 1987. Le bail autorisait le preneur à sous-louer librement tout ou partie des locaux, à charge de notifier au propriétaire, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, les actes de sous-location pour assurer leur opposabilité. Le preneur avait sous-loué une partie des locaux. Le sous-locataire, par acte du 19 avril 1994, établi avec le concours de la propriétaire, avaient cédé son fonds de commerce avec le droit au bail. Par acte du 7 avril 1999, ce bail avait été renouvelé. Le bail principal ayant été résilié par acquisition de la clause résolutoire, le sous-locataire avait demandé au propriétaire le renouvellement de son bail que ce dernier avait refusé au motif que l'acte du 7 avril 1999 ne lui avait pas été notifié. Le sous-locataire a alors assigné le propriétaire des locaux afin de se voir reconnaître le droit à une indemnité d'éviction.

La sous-location, dans le cadre d'un bail, est strictement réglementée par le statut des baux commerciaux. Si elle offre au sous-locataire certains droits à l'encontre du propriétaire, encore faut-il qu'elle soit régulière. L'arrêt rapporté permet de revenir sur les conditions de la régularité d'une sous-location et les sanctions encourues par le sous-locataire si elles ne sont pas remplies.

La sous-location est l'objet d'un a priori négatif du législateur. Si elle est autorisée par le droit commun du bail, encore qu'il soit expressément prévu qu'elle puisse être interdite (C. civ., art. 1717 N° Lexbase : L1839ABQ), le statut des baux commerciaux l'interdit par principe, sauf stipulation du bail ou autorisation du bailleur (C. com., art. L. 145-31 N° Lexbase : L5759AI7). Même, dans ce cas, le propriétaire doit être appelé à concourir à l'acte.

I - L'autorisation de sous-louer

Lorsqu'elle est expresse, elle peut être, comme dans l'espèce rapportée, générale, c'est-à-dire, stipulée au bail et donnée de manière abstraite, pour toute sous-location, éventuellement assortie de conditions. Elle peut également être spécifique, c'est-à-dire, donnée pour un acte de sous-location déterminé.

Il a été jugé que le droit du bailleur de refuser la sous-location n'est soumis à aucune limitation et que les tribunaux ne sauraient autoriser une sous-location (Cass. com., 16 juillet 1962, n° 60-10.426, Société immobilière commerciale et financière c/ Compagnie française svenska cellulosa N° Lexbase : A9632AGT). La théorie de l'abus de droit ne semble donc pouvoir trouver application en la matière.
Une autorisation tacite est possible (Cass. civ. 3, 14 novembre 1978, n° 76-15.069, Consorts Lecuyer c/ Société Chevrier et Compagnie SARL, Dame Wenner, Maire de Saint-Ouen N° Lexbase : A7257AGU), mais rarement admise par les tribunaux. Elle doit, en effet, être non équivoque. Ainsi, le silence du bailleur ne peut valoir renonciation à se prévaloir du droit qu'il tient de la loi d'être prévenu d'une sous-location (Cass. civ. 3, 19 janvier 1968, n° 66-11.986, Société des Etablissements Jean Bargueden c/ Consorts Dubois N° Lexbase : A1634ATP ; Cass. com., 25 janvier 1966, n° 63-12.642, Compagnie française des textiles N° Lexbase : A2875AUZ).

Concernant la portée d'une autorisation donnée, il doit être mentionné un arrêt intéressant qui a reconnu à une partie à un bail commercial la faculté de saisir le juge pour déterminer si le preneur bénéficie ou non d'une autorisation de sous-louer (Cass. civ. 3, 14 novembre 2007, n° 06-17.636, FS-D N° Lexbase : A5905DZQ). Ecartant l'objection de l'autre partie, en l'espèce, le preneur, qui invoquait le caractère "provocatoire" d'une telle action, la Haute cour a jugé que cette demande constituait une prétention en ce qu'elle tendait à faire trancher une divergence d'interprétation de la situation contractuelle.

Si l'autorisation est générale, et à la condition qu'une sous-location considérée entre dans le champ de ladite autorisation, la question de sa réitération lors du renouvellement, a priori, ne se pose pas. En revanche, si l'autorisation est ponctuelle, il semblerait logique que la régularité du renouvellement de la sous-location soit subordonnée à un nouvel accord.
L'article L. 145-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L5760AI8), qui reconnaît à certaines conditions au sous-locataire un droit au renouvellement direct à l'encontre du bailleur principal, précise également que le propriétaire n'est tenu à ce renouvellement que s'il a expressément ou tacitement agréé la sous-location.
L'autorisation, si elle est nécessaire, n'est toutefois pas suffisante, comme le démontre l'arrêt rapporté. L'article L. 145-31 du Code de commerce impose également de convoquer le bailleur à l'acte de sous-location. Le bail peut, en outre, prévoir des stipulations imposant l'accomplissement de certaines formalités.

II - L'obligation légale d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location et autres formalités contractuelles

A - L'article L. 145-31 du Code de commerce énonce, en effet, que "en cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte".

De jurisprudence constante, et les praticiens doivent être extrêmement vigilants sur ce point eu égard aux sanctions encourues, la condition de l'autorisation du bailleur vient se cumuler avec l'obligation de l'appeler à concourir à l'acte. En conséquence, même s'il a autorisé la sous-location, le bailleur doit être appelé à concourir à l'acte (Cass. civ. 3, 18 mars 1987, n° 85-14.937, SARL Texamtilai c/ Mme Garot et autres N° Lexbase : A8212AGA ; Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, Mme Louise Stives c/ Société Agencement général du bois (AG Bois), FS-P+B+I N° Lexbase : A1446DNU).
Cette obligation s'impose même si l'acte de sous-location n'est pas lui-même un bail soumis au statut des baux commerciaux mais un simple bail dérogatoire visé à l'article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK) (Cass. civ. 3, 1er mars 1995, n° 93-11.445, Société Exor c/ Société Claire Leroux interperformance N° Lexbase : A7580ABD).

La nécessité d'appeler le bailleur à concourir à l'acte, nonobstant l'existence d'une autorisation préalable, a été, par ailleurs, rappelée dans une espèce où les locaux loués objet de la sous-location étaient à usage d'habitation, le bail étant vraisemblablement mixte à usage commercial et d'habitation (Cass. civ. 3, 27 septembre 2006, n° 05-14.700, FS-P+B (N° Lexbase : A3487DRL).

Il a été, en outre, clairement affirmé qu'en cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte de sous-location et que ce concours est exigé non seulement pour le premier contrat, mais également pour les renouvellements amiables suivants (Cass. civ. 3, 5 mai 1970, n° 69-10.121, SARL Société Sottam c/ Ville de Lyon et autre N° Lexbase : A6562AG7 ; Cass. civ. 3, 16 juin 1999, n° 97-15.461, Société Bemon c/ Société Pamar et autres N° Lexbase : A6417AGR). L'arrêt rapporté du 28 octobre 2009 rappelle implicitement que les formalités conditionnant la régularité d'une sous-location doivent également être respectées lors du renouvellement du sous-bail.
Le plus souvent pour pallier l'absence de convocation du bailleur à l'acte de sous-location, le preneur tente de soulever que le bailleur a reconnu la régularité de la sous-location a posteriori. Il a été jugé par exemple, de manière logique, que même s'il n'a pas été convoqué, le bailleur ne pourra se prévaloir de l'irrégularité d'une sous-location si, une fois l'acte conclu, il donne expressément son accord à ce dernier (Cass. civ. 3, 8 avril 1992, n° 90-21.168, Société Gustave Courbet c/ Société Métaux précieux industries et autre N° Lexbase : A3287ACQ).
Toutefois, l'argument est rarement retenu dans la mesure où le preneur s'appuie généralement sur une prétendue autorisation tacite. La Cour de cassation a, en effet, affirmé, d'une manière générale, que la connaissance ou la tolérance, même prolongée, du bailleur à la sous-location ne pouvait être assimilée à son concours à l'acte (Cass. civ. 3, 5 mai 1970, n° 69-10.121, préc. ; Cass. civ. 3, 11 mai 1976, n° 74-10.585, Epoux Bourreau c/ Dame Pebrier, Epoux Grolleau, Dame Bonnet, Epoux Chevrier N° Lexbase : A5476AYH ; Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, Mme Louise Stives c/ Société Agencement général du bois (AG Bois), FS-P+B+I N° Lexbase : A1446DNU ; voir, également, Cass. civ. 3, 29 novembre 1995, n° 93-14.250, Société EMS, société à responsabilité limitée c/ M. Haïm Sayada N° Lexbase : A8601AGN).

Ainsi :
- le simple fait pour le bailleur de répondre à un sous-locataire qui lui réclame des travaux sans émettre de réserver sur sa qualité à les réclamer ne vaut pas ratification de l'acte de sous-location auquel le bailleur n'avait pas été appelé (Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, préc.) ;
- l'acceptation du règlement des loyers par "l'occupant" sur le compte personne du bailleur ne peut s'assimiler à son concours à l'acte de sous-location (Cass. civ. 3, 29 novembre 1995, n° 93-14.250, préc.)

Dans l'arrêt du 28 octobre 2009, le sous-locataire s'est vu refuser le renouvellement en raison de l'absence de notification de l'acte de renouvellement de la sous-location (le bail imposant de notifier au bailleur les actes de sous-location) et de l'absence d'agrément tacite de la sous-location. La Haute cour précise en effet que, si l'agrément peut être tacite, il doit être clair et non équivoque et la simple détention par le mandataire du bailleur de l'acte de sous-location litigieux ne permettait pas de conclure à l'existence de cet agrément.

B - Le bail peut, également, imposer le respect de certaines formalités lors de la conclusion d'un acte de sous-location. La question peut se poser de l'articulation de ces formalités de source contractuelle et l'obligation légale d'appeler le propriétaire à concourir à l'acte, étant précisé que les dispositions de l'article L. 145-31 du Code de commerce ne sont pas qualifiées d'ordre public par l'article L. 145-15 du même code (N° Lexbase : L5743AIK).
Sans surprise, il a été précisé que la mention selon laquelle le preneur fera son affaire personnelle de la sous-location sans avoir besoin du consentement du bailleur ne signifiait pas qu'il était dispensé de l'obligation légale d'appeler le bailleur à l'acte de sous-location et que la renonciation à s'en prévaloir ne peut se présumer (Cass. civ. 3, 21 mars 1990, n° 89-11.733, Gangate c/ Mme Baillié, inédit au bulletin N° Lexbase : A0266CYI).
Il a été également jugé que la clause du bail stipulant que le propriétaire doit être informé des sous-locations n'exonère pas le preneur de son obligation de l'appeler à concourir à l'acte (Cass. civ. 3, 4 octobre 1995, n° 93-18.775, Mme Christine Martin, épouse Jeanneret c/ Société Maubrey Finet et autres N° Lexbase : A9951ATQ).

L'arrêt rapporté semble à première vue s'éloigner de cette dernière solution. Le bail prévoyait en effet que le preneur devait notifier l'acte de sous-location, formalité qui n'avait pas été accomplie lors du renouvellement de cet acte. La demande du sous-locataire formée à l'encontre du bailleur principal et tendant à se voir reconnaître un droit au renouvellement a été rejetée en raison de l'absence de respect de cette formalité et d'agrément à la sous-location dont la fonction, semble-t-il, aurait pu être de régulariser a posteriori l'absence d'accomplissement de cette formalité. N'est donc pas évoquée l'absence de convocation à l'acte de sous-location. Il ne faut, toutefois, pas en conclure que toute stipulation contractuelle imposant au preneur d'informer le bailleur des actes de sous-location le dispenserait d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location. En effet, il semble, en l'espèce, que le bailleur n'ait refusé le renouvellement que pour le défaut de notification sans lui-même se prévaloir de l'absence de convocation à concourir à l'acte.

En conséquence, et à moins qu'une clause du bail ne prévoit expressément que le preneur est dispensé de convoquer le bailleur à l'acte de sous-location, et sous réserve de la validité d'une telle clause, il faut convoquer le bailleur à l'acte de sous-location, et à ses renouvellements, formalité qui viendra s'ajouter le cas échéant avec d'autres formalités contractuelles qu'il conviendra également de respecter.

newsid:374724

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.