La lettre juridique n°373 du 26 novembre 2009 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Acte anormal de gestion et crédit interentreprises

Réf. : CAA Paris, 2ème ch., 29 septembre 2009, n° 08PA00082, SA France Immobilier Group (N° Lexbase : A9741ELD)

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N4647BM3

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Le bénéfice imposable des entreprises est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (CGI, art. 38, N° Lexbase : L3699ICY ; et pour les bénéfices soumis à l'IS : CGI, art. 209 N° Lexbase : L3755IAC). Toutefois, la théorie prétorienne de l'acte anormal de gestion est une limite tangible au principe de liberté de gestion des entreprises en matière d'imposition des bénéfices : elle vise les dépenses injustifiées ou exagérées ainsi que les renonciations à recette qui peuvent, notamment, prendre la forme d'un cautionnement fourni à titre gratuit (CE Contentieux, 17 février 1992, n° 74272, Société Carrefour N° Lexbase : A5069AR8), de prêts et d'avances sans intérêt (CE 9° et 10° s-s-r., 28 mars 2008, n° 277522, SA Clément N° Lexbase : A5917D7B) ou d'abandons de loyers (CE Contentieux, 9 octobre 1991, n° 71413, SA immobilière et de participations Festa N° Lexbase : A9123AQX). Le crédit interentreprises est au centre des faits d'une espèce jugé par la cour administrative d'appel de Paris, le 29 septembre 2009. Nul ne peut ignorer cette forme de crédit qui est très développée en France et qui peut prendre, par exemple, la forme d'un prêt consenti à un fournisseur ou l'octroi de délais de paiement au client pourvu qu'une contrepartie existe et que le contribuable puisse en rapporter la preuve (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 291041, Société Auteuil Investissement N° Lexbase : A3126EBE). Prenant acte de la pratique professionnelle qui répugne à réclamer aux clients des pénalités de retard, on remarquera la solution proposée par le législateur afin de mettre un terme aux contrôles fiscaux à ce titre en substituant la comptabilité de caisse à celle d'engagement (CGI art 237 sexies N° Lexbase : L4750HLI). D'une manière générale, les aides consenties entre différentes entreprises, pour préserver le renom et les débouchés commerciaux notamment, constituent un état de fait qui ne pouvait être ignoré des personnes chargées d'appliquer le droit fiscal.

Au cas particulier, une société a contracté un prêt hypothécaire d'un an pour 17,5 millions de francs (2 667 858 euros) au taux effectif global de 7,35 %. Puis, immédiatement après, elle a consenti un prêt du même montant à une autre société à un taux d'intérêt moindre s'élevant à 4,85 %.

L'administration fiscale a considéré qu'il y avait, là, un acte anormal de gestion -dont la charge de la preuve lui incombe dans l'hypothèse d'une procédure contradictoire (CE Contentieux, 15 février 1999, n° 172171, SARL Le Centre d'Etude N° Lexbase : A4784AXH ; contra en cas de procédure d'imposition d'office : CE Contentieux, 8 janvier 1993, n° 87631, M. Bernard Spitaletto, N° Lexbase : A7997AM7)- et a, alors, réintégré et soumis à l'IS et à la contribution de 10 % la différence entre les intérêts versés au titre du prêt hypothécaire et ceux perçus auprès de la société tierce, soit 395 876 francs (60 351 euros). La question a, alors, trait à la normalité ou l'anormalité de la rémunération du prêt consenti par la société France Immobilier Group : pour la cour administrative d'appel de Paris, il ne faut pas se référer au taux et aux conditions d'emprunt pour l'endettement propre de la société requérante, mais au contraire se placer "par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent" pour en déduire, au cas d'espèce, à la décharge de l'impôt rappelé. Cet arrêt reprend une précédente jurisprudence du Conseil d'Etat qui avait statué dans le même sens (CE Contentieux, 7 octobre 1988, n° 50256, Société Etablissements Pierre Deveugle N° Lexbase : A7296APW).

Eu égard aux faits de l'espèce, la solution fiscale dépend d'un ensemble de circonstances susceptibles de rendre difficile la prévisibilité de la solution à venir. Ainsi, la jurisprudence accepte de prendre en compte les particularismes d'un secteur d'activité -le négoce de ferraille par exemple- pour en déduire que des avances sans intérêt ne sont pas constitutives d'un acte anormal de gestion (CE Contentieux, 9 octobre 1991, n° 67283, SARL Bouly de Lesdain, N° Lexbase : A9118AQR). Elle tient compte, également, de l'existence de liens financiers ou commerciaux entre les sociétés concernées qui ne doivent pas, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, être symboliques (CE 7° et 8° s-s-r., 23 février 1977, n° 92515 N° Lexbase : A5792B8Z ; CE 9° et 10° s-s-r., 26 février 2003, n° 223092, Société Pierre de Reynal et compagnie N° Lexbase : A3402A77). Si le lecteur de la décision rendue par la cour administrative d'appel de Paris a bien deviné le secteur d'activité dans lequel évoluait la seule société requérante, il n'apprend rien de tel concernant l'existence d'éventuels liens financiers ou commerciaux entre les sociétés concernées : à aucun moment, il n'est mentionné l'existence d'une contrepartie profitant à la société France Immobilier Group justifiant que cette dernière ait prêté des fonds à un taux inférieur à celui auquel elle avait contracté car, selon la juridiction d'appel, l'administration fiscale n'a pas démontré l'existence d'un acte anormal de gestion.

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