La lettre juridique n°403 du 14 juillet 2010 : Urbanisme

[Chronique] Chronique de droit de l'urbanisme - Juin 2010

Lecture: 15 min

N6333BPA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de droit de l'urbanisme - Juin 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211051-chronique-chronique-de-droit-de-lurbanisme-juin-2010
Copier

par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

le 21 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de droit de l'urbanisme, rédigée par Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat. Au sommaire de cette chronique, tout, d'abord un arrêt rendu le 18 juin 2010 par le Conseil d'Etat au terme duquel le règlement du plan local d'urbanisme ou, à défaut, les documents graphiques, doivent fixer des règles précises d'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives, celles-ci ne doivent pas nécessairement se traduire par un rapport quantitatif. Ensuite, dans une décision du 16 juin 2010, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que le principe d'urbanisation en continuité est applicable à la construction d'éoliennes mais que ces ouvrages peuvent, cependant, déroger à ce principe dès lors qu'ils constituent des installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Enfin, dans un arrêt rendu lui aussi le 16 juin 2010, le Conseil a énoncé que la présence de marnières justifie la mise en place d'un plan d'exposition aux risques prévisibles.
  • Un rapport quantitatif n'est pas le seul mode d'expression des règles d'implantation des constructions (CE 1° et 6° s-s-r., 18 juin 2010, n° 326708, Ville de Paris, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9826EZX)

Si les auteurs d'un plan local d'urbanisme (PLU) ont le choix d'utiliser ou non les servitudes énumérées aux articles L. 123-1 (N° Lexbase : L9514HGH) et R. 123-9 (N° Lexbase : L3518HW9) du Code de l'urbanisme, un plan d'urbanisme doit, en revanche, comporter obligatoirement certaines règles et, notamment, préciser l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives. Compte tenu des difficultés d'appliquer cette obligation dans certaines parties de la capitale et, notamment, dans le bois de Boulogne, le PLU de Paris n'avait pas fixé de distances minimales (solution qui est généralement utilisée pour réglementer l'implantation) mais s'était contenté de définir des obligations de résultat telles que celle faite à l'implantation des constructions de "respecter le milieu naturel et permettre leur insertion harmonieuse dans le site". Ceci avait valu à la ville de Paris de voir ces dispositions annulées au motif qu'elles ne fixaient pas des règles objectives régissant l'implantation et ne constituaient donc pas de véritables règles d'urbanisme.

Le Conseil d'Etat a adopté une solution plus souple en considérant que, si le règlement d'un PLU ou, à défaut, ses documents graphiques, doit "fixer des règles précises d'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives [...] ces règles ne doivent pas nécessairement se traduire par un rapport quantitatif". Le Conseil en a conclu que, si la cour administrative d'appel de Paris "avait estimé à bon droit que les règles d'implantation par rapport aux voies, emprises publiques et limites séparatives ne peuvent demeurer abstraites, elle avait cependant commis une erreur de droit en jugeant que ces règles doivent, quelles que soient les circonstances locales, déterminer entre ces voies, emprises et limites, et les constructions un rapport dont le respect puisse être concrètement apprécié".

Toutefois, les dispositions contestées sont considérées comme illégales en ce qu'elles "ne fixent aucune règle précise et se bornent à évoquer des objectifs généraux à atteindre". Il reste à mettre ce principe en pratique. Les règles sur l'implantation des constructions n'ont pas obligatoirement à être quantifiées mais elles doivent être toutefois suffisamment précises : l'exercice risque d'être difficile.

1 - Retour sur la solution très rigide retenue par la cour administrative d'appel de Paris

Par délibération des 12 et 13 juin 2006, le conseil de Paris a approuvé le plan local d'urbanisme de Paris (PLU). Outre une zone urbaine générale et une zone urbaine de grand service urbain, il comporte deux autres zones : une zone naturelle et forestière -zone N-, qui regroupe les bois de Boulogne et de Vincennes et qui est inconstructible en dehors des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées ; une zone urbaine verte -zone UV-, qui regroupe les espaces verts publics, les cimetières, une partie des berges de la Seine et des canaux ainsi que leurs plans d'eau, des terrains consacrés à la détente, aux loisirs et aux sports, notamment les stades périphériques, et quelques établissements culturels comme le Muséum national d'histoire naturelle, le Jardin des plantes ou La Villette. Le propre de cette zone UV est ne pas être soumise aux règles d'inconstructibilité de la zone N mais sans avoir vocation, à la différence de la zone urbaine générale, à accueillir toutes les destinations.

La délibération des 12 et 13 juin 2006 a été déférée au tribunal administratif de Paris par des associations locales. Par deux recours, la ville de Paris se pourvoit en cassation contre les arrêts de la cour administrative d'appel de Paris, lesquels, après avoir infirmé les jugements de rejet du tribunal, ont annulé cette délibération en ce qu'elle approuvait les règlements des zones UV et N.

Pour prononcer ces annulations, la cour s'est fondée sur l'imprécision des dispositions figurant aux articles 6 et 7 des règlements de zones relatifs à l'implantation des constructions par rapport aux emprises publiques et aux limites séparatives. Elle a jugé que de telles règles "ne peuvent [...] demeurer abstraites mais doivent, qu'elles soient exprimées dans le règlement ou qu'elles résultent des documents graphiques, déterminer entre lesdites voies, emprises et limites et les constructions un rapport dont le respect puisse être concrètement apprécié". Elle a estimé que tel n'était pas le cas en l'espèce, dès lors qu'en zone N était simplement exigée une implantation permettant une "bonne insertion dans le paysage environnant" et en zone UV une absence d'atteinte grave "aux conditions d'habitabilité d'un immeuble voisin ou à l'aspect du paysage urbain" et une implantation respectant "le milieu naturel" et permettant une "insertion harmonieuse dans le site". Elle a donc retenu l'illégalité de ces dispositions et, les regardant comme indivisibles du reste des règlements des zones concernées compte tenu de leur caractère obligatoire, a procédé à l'annulation de ces règlements de zones dans leur ensemble.

La cour a donc exigé la définition de règles "quantifiées" sous forme d'un "rapport". Sa solution a été très critiquée par une partie de la doctrine qui plaide pour laisser davantage de marges d'appréciation aux autorités locales (1).

2 - Si les règles d'implantation des constructions par rapport aux emprises publiques et limites séparatives doivent être précises...

Le caractère obligatoire de la fixation par le PLU de règles d'implantation des constructions par rapport aux voies publiques et aux limites séparatives ne fait guère de doute. Si l'article L. 123-1 semble laisser aux auteurs des PLU une liberté plus grande que celle dont bénéficiaient les rédacteurs des POS, il n'a pas fait disparaître l'exigence d'un contenu minimal obligatoire des documents d'urbanisme. Il dispose, en effet, que "les plans locaux d'urbanisme [...] définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions". L'indicatif présent "définissent" est impératif et le tempérament des "circonstances locales" n'y change rien. Ce caractère impératif se dégage plus nettement encore de l'article R. 123-9, qui comporte un alinéa selon lequel "les règles mentionnées aux 6° et 7° relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et par rapport aux limites séparatives, qui ne sont pas fixées dans le règlement, doivent figurer dans les documents graphiques". Si elles doivent être dans ces documents lorsqu'elles ne sont pas dans le règlement, c'est, d'abord, qu'elles doivent exister.

Ainsi, les règles d'implantation doivent tout de même être précises et l'on ne saurait se contenter de formulations vagues, qui, en réalité, fixent des règles qui n'en sont pas. Le parti a été pris de maintenir un contenu minimum obligatoire pour les PLU, qui comprend les règles d'implantation des constructions. Le plan doit donc avoir du contenu sur ces points et ce contenu doit pouvoir être contrôlé.

A cet égard, si l'article R. 123-9 admet que les règles d'implantation puissent ne pas être déterminées par le règlement, c'est sous réserve de l'être alors par les documents graphiques. C'est donc bien que l'on entre dans une logique de localisation dans l'espace, au moins minimale, qui suppose donc autre chose que des considérations générales et des formules évasives.

3 - ...cette précision n'est pas réductible et assimilable à un rapport quantitatif entre les constructions en cause et les emprises et limites concernées

La cour administrative d'appel de Paris avait exigé la formulation d'un "rapport" entre les voies et limites et les constructions. Cette exigence est, il est vrai, commode d'emploi et conforme aux intérêts de la sécurité juridique et c'est, d'ailleurs, la formulation la plus courante des règles d'alignement et de prospect, dans la ligne des règles supplétives du Code de l'urbanisme. Toutefois, si cette exigence peut être pertinente pour les zones urbaines, elle est plus discutable pour les zones naturelles ou agricoles, pour lesquelles l'espace peut être suffisamment disponible. D'ailleurs, même en zone urbaine, il faut pouvoir tenir compte de la spécificité de certains secteurs urbains. Selon le Conseil d'Etat, il faut ainsi pouvoir définir des règles précises, mais pas uniquement sous forme d'un rapport.

Le Conseil a, ainsi, annulé les arrêts de la cour administrative d'appel Paris en tant qu'ils ont annulé la délibération des 12 et 13 juin 2006 du conseil de Paris en tant qu'elle a approuvé les règlements des zones UV et N du PLU. Cette solution traduit sans doute la volonté du Conseil d'Etat d'accorder une certaine marge de manoeuvre aux collectivités locales dans la rédaction et l'application des plans locaux d'urbanisme en leur permettant, en particulier, de ne pas être prisonnières d'une arithmétique rigide impropre à prendre en compte la diversité des secteurs dont elles ont la charge.

4 - La sanction de règles d'implantation trop floues qui ne conduit cependant pas à annuler l'ensemble du PLU

Le PLU de Paris se bornait à faire référence, s'agissant des zones UV et N, à la "bonne insertion dans le paysage environnant", à "l'atteinte à l'aspect du paysage urbain", au "respect du milieu naturel" ou à "l'insertion harmonieuse dans le site". Ces formules sont elliptiques et renvoyaient, ainsi, au pouvoir d'appréciation du maire au cas par cas, sans que les documents graphiques ne comportent d'indications susceptibles de compenser ce laconisme. En se bornant à définir des objectifs généraux et non des règles proprement dites, elles ne satisfont pas, selon le Conseil d'Etat, aux exigences des articles L. 123-1 et R. 123-9.

Le Conseil a cependant jugé que cette illégalité n'entraînait pas l'illégalité de l'ensemble du PLU. S'il peut sembler difficile de faire vivre un PLU amputé, pour l'une de ses zones, de règles relatives à l'implantation des constructions, ou du moins si le document peut alors paraître "bancal", cela n'a pas empêché le Conseil d'Etat d'admettre la divisibilité de ces règles (2).

Ce faisant, le Conseil a donc "sauvé" le PLU de Paris, de sorte qu'il appartiendra seulement à la ville de Paris de compléter ce document.

  • Les projets d'éoliennes sont soumis à la loi "montagne" (CE 1° et 6° s-s-r., 16 juin 2010, n° 311840, M. Leloustre, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9801EZZ)

Dans cette affaire, étaient en cause des permis de construire délivrés en vue de la construction d'éoliennes dans une zone montagneuse. Or, les zones de montagne font l'objet d'une législation spécifique destinée à protéger le patrimoine montagnard français contre les risques liés à l'urbanisation. En effet, en vertu de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5826HD7) : "Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard". Plus encore, cet article dispose que, "sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants".

Le requérant invoquait la violation de ces dispositions par les permis de construire des éoliennes, en considérant qu'il s'agissait bel et bien d'une opération d'urbanisation au sens que lui donne le Code de l'urbanisme. Alors que la cour administrative d'appel (CAA Lyon, 1ère ch., 23 octobre 2007, n° 06LY02337 N° Lexbase : A2322D3E) avait jugé qu'eu égard à leurs caractéristiques techniques et à leur destination, l'implantation d'éoliennes ne constituait pas une opération d'urbanisation, le Conseil d'Etat considère, au contraire, qu'elle constitue bien une opération d'urbanisation visée par le législateur qui "a entendu interdire toute construction isolée en zone de montagne et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle".

Une autre question se posait à la Haute juridiction : l'implantation d'éoliennes en discontinuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, peut-elle bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions du Code de l'urbanisme ? En effet, la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées peut bénéficier d'une dérogation à la règle de constructibilité en continuité des constructions existantes. Le Conseil d'Etat juge, en l'espèce, contrairement aux conclusions du rapporteur public, que "eu égard à son importance et à sa destination", le parc éolien en cause doit être regardé comme une installation ou un équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées et peut donc bénéficier d'une dérogation.

Compte tenu des obligations d'éloignement imposées aux éoliennes, toute autre solution aurait eu pour effet d'interdire totalement l'implantation de ces équipements sur la totalité de la zone montagne.

1 - L'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme qui pose le principe d'urbanisation en continuité est applicable à la construction d'éoliennes

Par un arrêté du 19 novembre 2004, le préfet de la Haute Loire a délivré deux permis de construire à la Société Siff Energies, filiale d'EDF, pour installer huit éoliennes, cinq sur le territoire de la commune de Freycenet-la-Tour, trois sur la commune de Moudeyres. Ces permis ont été attaqués sans succès devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et l'un des requérants, M. L., a fait appel devant la cour administrative d'appel de Lyon qui, par un arrêt du 23 octobre 2007, a partiellement annulé le jugement et annulé le premier permis en tant qu'il concernait deux des éoliennes. Surtout, la cour a estimé que la construction d'éoliennes ne constitue pas une opération d'"urbanisation" au sens des dispositions de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme.

Or, toute construction exigeant un permis de construire est, a priori et sous réserve d'objections décisives tenant à sa nature particulière, susceptible d'entrer dans le champ de cet article. En outre, estimer que les éoliennes, qui sont des constructions importantes, soumises à un permis de construire, échappent entièrement à ces dispositions destinées à organiser l'aménagement des zones de montagne reviendrait à ouvrir une brèche manifeste dans cette législation, à l'encontre de l'objectif d'urbanisation en continuité qu'elle poursuit. C'est dans cet esprit que, par un avis public du 12 octobre 1993 (3), la section des travaux publics du Conseil d'Etat a considéré comme une "urbanisation" au sens de la loi "littoral" (loi n° 86-2, 3 janvier 1986 N° Lexbase : L7941AG9) une centrale thermique isolée. De même, dans ses conclusions sous la décision du 15 octobre 1999 "Commune de Logonna Daoulas" (4), Laurent Touvet avait défini l'urbanisation comme étant la "transformation du paysage par des bâtiments quel que soit leur usage".

Ces considérations ont probablement conduit le Conseil d'Etat à estimer que la cour administrative d'appel avait commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la violation de cet article était inopérant au motif que la construction d'éoliennes ne constituait pas une urbanisation au sens de ce texte.

2 - Ces ouvrages peuvent cependant déroger à ce principe dès lors qu'ils constituent des installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées

L'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme institue une dérogation au principe d'urbanisation en continuité que le texte au bénéfice des "installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées". Ce critère a été substitué par la loi du 2 juillet 2003 (loi n° 2003-590, urbanisme et habitat N° Lexbase : L6770BH9) à la rédaction de cet article résultant de la loi du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY), qui réservait le cas des "installations ou équipements d'intérêt public".

Dans ses conclusions sous la décision "Leloustre", le rapporteur public, Cyril Roger-Lacan, estimait, notamment, que les éoliennes ne pouvaient recevoir une telle qualification dès lors qu'elles étaient "construites, détenues et exploitées par des sociétés privées et ne constituaient pas des services publics directement affectés aux besoins propres des collectivités voisines" et, qu'en outre, ni la loi relative au service public de l'électricité, ni l'avis d'Assemblée "Béligaud" du 29 avril 2010 (5), ne leur reconnaissent la qualité d'ouvrages publics.

Le Conseil d'Etat n'a pas été sensible à ces arguments qui auraient rendu beaucoup plus difficile la construction d'éoliennes dans les communes de montagne, en particulier dans celles, nombreuses, ne disposant pas de PLU : en effet, dans ces dernières communes, il ne peut être fait obstacle à la règle d'urbanisation en continuité que pour les constructions et installations sur délibération du conseil qui sont d'intérêt communal et qui ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, et n'entraînent pas un surcoût important de dépenses publiques. Or, la contribution des éoliennes à l'intérêt général n'est pas circonscrite au niveau local et ces ouvrages ne créent pas beaucoup d'emplois pérennes dans les communes sur lesquelles ils sont implantés et ont rarement pour vocation de les approvisionner en particulier. A l'inverse, les nuisances qu'elles peuvent engendrer -visuelles, sonores essentiellement- sont, quand à elles, très locales.

En qualifiant les éoliennes en cause d'installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, le Conseil d'Etat a probablement eu le souci de ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l'implantation d'éoliennes en zones montagneuses. Les deux critères retenus pour opérer cette qualification (importance et destination des éoliennes, critères qui sont cumulatifs) renvoient à l'utilité publique du projet, utilité appréciée en fonction de la puissance (en MW) des installations et de l'identité et du nombre de ses bénéficiaires : dès lors que l'électricité produite, loin de n'approvisionner que des personnes (sociétés) privées, bénéficie à une large population comprenant essentiellement des personnes physiques, le projet est réputé avoir une utilité publique.

  • Prévention des risques liés à la présence de marnières (CE 1° et 6° s-s-r., 16 juin 2010, n° 312331, M. Amoyal, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9802EZ3)

Certaines régions françaises, principalement la Haute-Normandie, connaissent des difficultés particulières en matière d'utilisation des sols en raison de la présence sur leur territoire de marnières. Celles-ci sont des cavités de 10 à 30 mètres de profondeur creusées par l'homme afin d'extraire la marne des plateaux de craie. Ces marnières ont, ensuite, été rebouchées sans qu'un véritable recensement n'ait été réalisé. Le danger réside alors dans le fait que des constructions ont pu être réalisées à l'emplacement d'anciennes marnières, constituant un risque non négligeable pour la sécurité publique.

Le Conseil d'Etat était saisi d'un litige relatif à l'effondrement d'une aire de stationnement jouxtant un centre commercial et situé à l'emplacement d'une ancienne marnière. Alors que le juge civil avait condamné l'architecte (maître d'oeuvre) à indemniser les préjudices subis, ce dernier s'était retourné contre la commune et contre l'Etat afin d'être garanti de cette condamnation. Le requérant et son assureur invoquaient alors les fautes tant du maire que du préfet, coupables de n'avoir pas adopté les mesures nécessaires pour prévenir la réalisation de l'accident. La cour administrative d'appel de Douai avait refusé de faire droit à leur demande et les requérants s'étaient pourvus en cassation devant le Conseil d'Etat.

En premier lieu, la Haute juridiction devait se prononcer sur les éventuelles fautes commises par le maire de la commune lors de la délivrance du certificat d'urbanisme positif et du permis de construire. Le requérant invoquait à cet effet la méconnaissance du principe de précaution. En effet, l'article R. 111-15 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7381HZE) dispose que "le permis [...] doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 (N° Lexbase : L2175ANU) et L. 110-2 (N° Lexbase : L2176ANW) du Code de l'environnement", qui définit le principe de précaution en ces termes : "principe [...] selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable". Mais, malgré une reconnaissance tant constitutionnelle qu'internationale de ce principe, le Conseil d'Etat juge que ces dispositions n'étaient pas applicables au moment de la délivrance du permis de construire. Il refuse donc de voir dans le principe de précaution un principe général préexistant à sa rédaction textuelle.

Le requérant invoquait, en second lieu, la faute du préfet qui, tenu depuis la loi du 13 juillet 1982 (loi n° 82-600, relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles N° Lexbase : L7772AIP), de réaliser des plans d'exposition aux risques naturels prévisibles, s'en était abstenu. La question était alors de savoir si la présence de marnières sur un territoire donné constitue un risque naturel au sens de l'article L. 562-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1711DKL), exigeant alors l'adoption d'un plan d'exposition aux risques naturels prévisibles. Le Conseil d'Etat, sanctionnant le raisonnement de la cour administrative d'appel, répond de manière positive à cette question. Toutefois, constatant que le préfet avait fait réaliser un recensement général des effondrements et des cavités souterraines, le Conseil estime que ce relevé précis rendait inutile, sur ce point, l'élaboration d'un plan d'exposition aux risques naturels prévisibles.

Frédéric Dieu, Maître des requêtes au Conseil d'Etat


(1) V., par exemple, la note de J.-F. Inserguet à Construction-Urbanisme n° 5, mai 2009, comm. 68, et l'article du Pr. Fatôme sur l'influence de la crise sur le droit de l'urbanisme à la Revue de droit immobilier, 2010.
(2) CE, Sect., 3 décembre 1993, n° 90915, Murtin (N° Lexbase : A1711ANP), au Recueil, p. 346 ; CE, 30 décembre 1998, n° 172317, Barbe (N° Lexbase : A8668AST), au Recueil, p. 526.
(3) EDCE, 1993, p. 82.
(4) CE Contentieux, 15 octobre 1999, n° 198578, Commune de Logonna Daoulas (N° Lexbase : A3190AXG), BJDU, 5/1999, p. 345.
(5) CE Contentieux, 29 avril 2010, n° 323179, M. et Mme B. (N° Lexbase : A1274EXH) : retenant la qualification d'ouvrages publics pour les ouvrages de production d'électricité affectés au service public.

newsid:396333

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.