La lettre juridique n°403 du 14 juillet 2010 : Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Arnaud Brultet, Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Dijon

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[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Arnaud Brultet, Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Dijon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211035-questions-a-le-point-de-vue-dun-batonnier-aujourdhui-b-arnaud-brultet-batonnier-de-lordre-des-avocat
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 07 Octobre 2010

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il évoque, pour nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui de la profession qu'il anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Arnaud Brultet, bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Dijon.
Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le barreau de Dijon ?

Arnaud Brultet : Le barreau de Dijon compte 282 avocats, 308 avec les avocats honoraires. Il est à 60 % féminin (les deux dernières promotions ont chacune vu sortir 12 avocats dont 10 femmes). C'est un barreau jeune, la moyenne d'âge des avocats étant de 41 ans. Ainsi, je suis moi-même à 45 ans l'un des plus jeunes bâtonniers qu'ait connu Dijon. Le barreau de Dijon est un barreau performant particulièrement vigilant sur la formation continue de ses avocats. Toutes les disciplines juridiques y sont traitées avec une petite spécificité. En effet, mon prédécesseur, Thierry Berland, avait souhaité mettre en avant notamment le droit des victimes. Une permanence a été instaurée afin de permettre à chaque victime d'infraction de pouvoir bénéficier sous 24 h de l'assistance d'un avocat. Enfin, concernant les structures d'exercice, les plus gros cabinets sont composés de 8 à 10 avocats ; mais la majorité des cabinets est créée sous forme unipersonnelle.

Lexbase : Bâtonnier de ce barreau depuis janvier 2010, quelles sont les ambitions que vous nourrissez pour vos avocats et pour la vie même du barreau ?

Arnaud Brultet : Tout d'abord je souhaite insuffler une respiration démocratique à mon conseil de l'Ordre et communicante à mon barreau En effet, rien n'est décidé de façon unilatérale et je soumets toutes les questions à l'avis des membres du conseil comme des différentes organisations syndicales. Par exemple, c'est à l'occasion de l'assemblée générale ordinale du 24 juin 2010 que le barreau de Dijon s'est prononcé sur la question de l'avocat en entreprise à laquelle nous sommes opposés.

Je souhaite aussi rendre plus visible le rôle de l'avocat auprès des dijonnais. L'image de l'avocat encore associée parfois à celle de l'avocat du 19ème siècle doit se moderniser constamment. Nous avons d'ailleurs organisé, le 5 juin 2010, en salle des Etats de la mairie de Dijon, une journée de consultations gratuites. L'idée était que les avocats sortent de leur tour d'ivoire -la Cité Judiciaire- pour aller à la rencontre des justiciables. Cette manifestation a connu un franc succès ! Près de quarante-cinq avocats ont répondu aux questions les plus diverses de plus de trois cents citoyens allant du licenciement à la copropriété en passant par des victimes de cambriolage ou encore des questions très pointues, notamment environnementales par exemple concernant le droit de l'eau. La municipalité très satisfaite de cette affluence a, d'ores et déjà, proposé de réitérer l'expérience l'année prochaine

Lexbase : Le projet de loi sur la répartition des contentieux et l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, présenté en conseil des ministres le 3 mars 2010, envisage la simplification du divorce par consentement mutuel en permettant, en cas d'absence d'enfants mineurs, au couple qui se sépare de ne plus passer devant le juge. Quel est votre avis sur cette réforme ? Quel est son impact sur la profession ?

Arnaud Brultet : Comme vous le savez, ce texte envisage trois modifications importantes.

D'abord, la procédure de divorce par consentement mutuel serait allégée pour les couples qui n'ont pas d'enfant mineur en commun, en les dispensant de comparaître personnellement et systématiquement devant le juge aux affaires familiales. Le texte prévoit qu'un décret d'application viendra préciser les pièces nécessaires permettant au juge, dans le cas où les parties ne comparaissent pas, de vérifier que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé.

Ce premier point me pose un réel problème par rapport au consentement libre des époux. En effet, l'intérêt de prendre un avocat est de permettre un contrôle des relations entres époux. C'est bien la liberté du consentement dont il est question : il est important que l'un ou l'autre des époux ne soit pas en état de contrainte vis à vis de l'autre. Cela s'inscrit dans l'histoire du mariage républicain : le maire unie et le juge prononce la séparation. S'il n'y a plus de juge, et qu'il suffit de signer un papier, où seront les vérifications ?

Par ailleurs le projet de loi envisage la fixation d'un tarif maximum en matière de divorce par consentement mutuel. Cette modification ne me semble pas sujette à controverse. Les avocats sont clairs sur leurs honoraires et les barèmes indicatifs doivent être affichés dans les salles d'attentes. Aujourd'hui, le tarif proposé pour un divorce sans liquidation de régime matrimonial et sans enfant est d'environ 800 euros par époux. Et même si cela peu paraître un peu élevé (1 600 euros pour le couple), il n'est pas souhaitable pas qu'un système de tarification maximum soit élargi à tous les contentieux, certains dossiers étant extrêmement complexes.

Enfin, il est prévu l'instauration d'une médiation pour toute demande au juge de modification antérieure concernant les enfants. Sur cette question, je ne peux que manifester une certaine inquiétude. Tant qu'il s'agit de désigner des avocats médiateurs, il n'y a pas de difficulté car l'obligation de conseil revenant aux avocats qui ont l'indépendance et la garantie du secret professionnel, ils sont spécialement à même de veiller aux intérêts de leurs clients ; mais qui va-t-on en réalité désigner comme médiateurs ? Des travailleurs sociaux ? Des gens sans formation qui poseront simplement une plaque de médiateur sur leur porte ?

Lexbase : Face à la réflexion globale engagée par le Gouvernement sur la modernisation des professions juridiques, quel est votre sentiment sur les différentes réformes en cours ?

Arnaud Brultet : Tout d'abord, en ce qui concerne l'acte d'avocat, je maintiens qu'il n'a pas vocation à remplacer l'acte authentique. Les notaires sont des officiers ministériels et non les avocats : chacun doit conserver son rôle et son champ de compétence ; en revanche, la rédaction de contrats sous signature d'avocat a pour objectif de donner à nos actes une sécurité juridique supérieure parce que nous les auront signés ce que n'a pas actuellement par exemple un simple protocole d'accord.

Concernant cette fois les experts-comptables (1), leur position visant à élargir leur champ d'activité en faisant de la consultation juridique, normalement activité accessoire à leur mission comptable, une activité principale pose une difficulté réelle à la profession.

Ensuite, concernant la réforme de la procédure pénale et plus particulièrement celle de la garde à vue, une réforme est nécessaire pour garantir les libertés individuelles. Mettre en garde à vue un individu en état d'ébriété qui le manifeste sur a voie publique me semble inutile, mais dès lors qu'il y a garde à vue la présence de l'avocat est rigoureusement indispensable.

La réforme de la garde à vue pose de facto la question de son financement liée directement à celle de l'aide juridictionnelle (AJ). Pour Dijon, la dotation à l'aide juridictionnelle s'élevait à 3,5 millions d'euros au 1er janvier 2010 pour l'année 2010 et au 31 mai, il ne restait plus que 800 000 euros. C'est pourquoi, une dotation complémentaire doit être envisagée à l'automne. Bien entendu Dijon n'est pas le seul barreau concerné par la question du financement ; ceux de Lille, Bourges et Nantes sont en grève à ce sujet, qui au reste a été évoqué lors de l'assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers qui s'est tenue le 11 juin 2010.

Enfin, j'ajouterai un problème complémentaire liée à l'attribution de l'aide juridictionnelle : par les effets de seuil, un couple qui gagne le smic ne peut en bénéficier et si l'un des deux est concerné par un licenciement, soit il est contraint de se défendre tout seul, soit de se faire représenter par les syndicats.

Je terminerai par la question de l'avocat en entreprise qui divise les avocats ; c'est sur cette question que l'on peut constater combien le fossé est grand entre le barreau de Paris et la province entre les instances nationales et les barreaux de province qui n'ont pas forcément les mêmes attentes ou aspirations et qui mesurent le risque représenté par l'adoption de la réforme de l'avocat en entreprise.


(1) Sur le communiqué commun du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables et du CNB, lire (N° Lexbase : N2213BPN).

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