La lettre juridique n°403 du 14 juillet 2010 : Éditorial

Enfant et homoparentalité : premiers pas dans la casa

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Quand j'étais enfant, mes parents me disaient que, si je voulais voir la France dans 20 ans, il me suffisait de regarder l'Amérique, aujourd'hui... Il faut dire qu'à la maison, c'était plus souvent Michel Sardou et son "gars venu de Géorgie", que Bertolt Brecht et son Capitalisme nu : en clair, comme pour 85 % des Français, l'anti-américanisme n'avait pas le droit de cité. Et, ce sentiment s'en trouvera renforcé, des années plus tard, en lisant la théorie de la translatio imperii, studii et religionis, de George Berkeley, écrite dès 1726, à savoir que le développement de l'humanité suivait d'est en ouest la course du soleil : l'Europe était à la pointe de la civilisation après que l'Orient et le Moyen-Orient eurent joué ce rôle. Les Amériques constituaient le prolongement logique de cette translation. Et, le Pacifique prendrait ainsi le relais... -on assiste aujourd'hui au réveil de la Chine et de ses "petits dragons", comme jadis au levé de l'astre naissant du premier étage du Château de Versailles, se disputant, au titre de vieilles prérogatives, les honneurs de l'ordinaire du nouveau roi commercial, culturel et financier-.

Mais, pour en revenir aux Amériques, il ne s'agit pas d'engloutir tout ce que l'Aigle apporte dans ses serres aux oisillons du plan Marshall, mais d'adopter une attitude constructive et objective vis-à-vis des bien ou mal faits de ce pays continent, un peu à l'image de Jean-François Revel dans son Obsession anti-américaine.

"Les Etats-Unis d'Amérique forment un pays qui est passé directement de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation" scandent les uns ; on peut toujours se cacher derrière l'arrogance toute britannique d'Oscar Wilde, mais Marx n'est plus, les mannes de De Gaulle sont politiquement fantomatiques, et surtout, la culture de masse a bel et bien envahi l'espace social européen. Alors, il ne faut pas s'étonner dès lors que les institutions garantes des droits de l'Homme, la Cour européenne en tête, en charge non d'une harmonisation forcée des droits européens, mais d'une synthèse des sensibilités étatiques, soient, elles aussi, en proie à céder à l'américanophilie de la plupart des pays signataires de la Convention... C'est que l'exception culturelle française emprunte d'américanophobie n'est pas des plus en vogue à Strasbourg, surtout quand il y va, non plus du cinéma subventionné, mais de la conception de la famille.

Dans le détroit de Navarone, il y avait deux canons qui tiraient le feu près de l'île de Keros... La Cour européenne des droits de l'Homme aura tiré la première salve, en condamnant, dans l'arrêt "E. B. c/ France" du 22 janvier 2007, le refus d'agrément fondé sur l'orientation sexuelle d'un candidat à l'adoption ; la Cour de cassation, sous l'effet d'un bon café depuis 1964, se devait de marquer le pas et de chauffer le fût, ce 8 juillet 2010, en donnant force exécutoire à la décision d'un tribunal de Géorgie ayant prononcé l'adoption de l'enfant, née d'une mère américaine par insémination artificielle, par sa compagne française. Arrêt exceptionnel, avancée sociale lit-on dans la plupart des médias : on ne sait s'il incombait aux juges suprêmes de sortir l'égalité familiale, quelle que soit l'orientation sexuelle, des griffes de la mer Egée, mais on regrettera que le débat social français sur l'adoption par les couples homosexuels avance à coup de matraque européenne, sans que les représentants du Peuple ne lèvent le petit doigt pour reprendre la main sur cette question de société, toute mineure puisse-t-elle être pour d'aucuns. C'est à croire que ce n'est plus le Parlement qui est en prise avec la société, mais les juges... qui plus est européens.

Et, finalement, cet arrêt retentissant pose plus de problème qu'il n'en résout, faute de loi française progressiste en la matière. Comprenons bien que les couples homoparentaux étrangers seront mieux traités, au plan juridique, par les instances d'agrémentation françaises que les couples homoparentaux français : discrimination à rebours en quelque sorte ; en fait, une rupture d'égalité qui mènera l'article 365 du Code civil devant le Conseil constitutionnel, sous les fourches caudines d'une question prioritaire de constitutionalité. D'où l'on voit, à nouveau, que les juges européens, puis constitutionnels, risquent de mettre à bas, en peu de temps, l'édifice familial séculaire français qu'il conviendrait mieux de renégocier dans l'hémicycle parlementaire représentatif des sensibilités de la société. Comprenons, aussi, que l'inégalité sociale la plus criante retentira selon que les couples auront les ressources nécessaires pour résider, un certain temps, dans des pays accueillant du point de vue de l'adoption homoparentale.

On dit que l'Europe se rapproche de l'Amérique d'un centimètre par siècle ; que le Parlement français accélère la tectonique des plaques et l'on arrêtera d'envier "la jeunesse de l'Amérique [qui] est sa plus vieille tradition : elle dure depuis trois cent ans" -Oscar Wilde, encore lui !

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