Dans un arrêt du 14 octobre 2010, la CJUE a confirmé l'amende de 12,6 millions d'euros imposée par la Commission à Deutsche Telekom pour avoir abusé de sa position dominante sur les marchés de téléphonie fixe en Allemagne (CJUE, 14 octobre 2010, aff. C-280/08
N° Lexbase : A7319GBP). A la suite de plaintes déposées par des entreprises concurrentes de Deutsche Telekom, la Commission a décidé, le 21 mai 2003, que cette dernière abusait de sa position dominante sur les marchés pour l'accès direct à son réseau de téléphonie fixe, cet abus résidant dans la facturation des prix pour les services d'accès des concurrents au réseau qui étaient supérieurs aux prix de détail facturés pour les services d'accès aux abonnés de Deutsche Telekom. Cette tarification obligeait les concurrents à facturer à leurs abonnés des prix supérieurs à ceux que Deutsche Telekom facturait à ses propres abonnés. Dans un arrêt du 14 octobre 2010, la Cour conclut que le TPICE (TPICE, 10 avril 2008, aff. T-271/03
N° Lexbase : A8069D7Y) n'a commis aucune erreur de droit lorsqu'il a rejeté le recours de Deutsche Telekom contre la décision de la Commission. S'agissant de l'imputabilité de l'infraction, la Cour estime que, même si les prix de gros pour les services intermédiaires d'accès à la boucle locale étaient fixés par les autorités réglementaires nationales, la pratique de compression des marges en cause était imputable à Deutsche Telekom, dès lors que cette entreprise disposait d'une marge de manoeuvre suffisante pour modifier les prix de détail facturés à ses abonnés, bien que ceux-ci fassent l'objet d'une certaine régulation. Certes, il ne peut être exclu que les autorités réglementaires nationales aient elles-mêmes enfreint le droit de l'Union, mais une telle circonstance est sans incidence sur la marge de manoeuvre dont disposait Deutsche Telekom pour modifier ses prix de détail. En ce qui concerne le caractère abusif de la pratique de compression des marges en cause, la Cour confirme qu'une telle pratique relève des cas d'abus de position dominante interdits par le droit de l'Union, sans qu'il soit besoin de démontrer que les prix de gros ou les prix de détail sont en eux-mêmes abusifs. Concernant la méthode utilisée pour déterminer si une compression des marges est abusive, la Cour considère que le Tribunal et la Commission ont à juste titre eu recours au critère du "concurrent aussi efficace", qui consiste à examiner si les pratiques tarifaires d'une entreprise dominante risquent d'évincer du marché un opérateur économique aussi performant que cette entreprise en se fondant uniquement sur les tarifs et coûts de cette dernière, et non sur la situation spécifique de ses concurrents. Enfin, la Cour estime que, pour être considérée comme abusive, une pratique de compression des marges doit avoir rendu plus difficile l'accès des concurrents de Deutsche Telekom au marché concerné. La preuve de certains effets anticoncurrentiels est donc requise.
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