Lexbase Avocats n°154 du 25 juillet 2013

Lexbase Avocats - Édition n°154

Aide juridictionnelle

[Brèves] Aide juridictionnelle et paiement direct de l'avocat : vice du consentement pour service rendu

Réf. : CA Rouen, 12 juillet 2013, n° 12/05106 (N° Lexbase : A9215KI7)

Lecture: 1 min

N8228BTW

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Le 27 Août 2013

Ne connaissant pas le fonctionnement de l'aide juridictionnelle, la cliente ayant cru qu'elle était obligée de payer des honoraires, comme son avocat le lui demandait, avant d'obtenir l'aide juridictionnelle et le remboursement de ses versements, commettant ainsi une erreur viciant son consentement, il ne peut être retenu qu'elle a ainsi valablement accepté de payer le montant des honoraires en cause. Telle est la précision apportée par la cour d'appel de Rouen, dans un arrêt rendu le 12 juillet 2013 (CA Rouen, 12 juillet 2013, n° 12/05106 N° Lexbase : A9215KI7 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0337EUZ et N° Lexbase : E9859ETC). L'on sait d'abord que la contribution due au titre de l'aide juridictionnelle totale à l'auxiliaire de justice est exclusive de toute autre rémunération. Toute stipulation contraire est réputée non écrite (loi n° 91-647, art. 32 N° Lexbase : L8607BBE). Ensuite, si le règlement opéré sans aucune réserve vaut commencement de preuve par écrit de l'existence d'une créance d'honoraires (Cass. civ. 1, 20 septembre 2012, n° 11-15.616, F-D N° Lexbase : A2553ITQ) et que le versement spontané et sans réserve de la part du client de la somme demandée par l'avocat, au titre de ses honoraires après service rendu, exclut toute restitution de ces honoraires (Cass. civ. 2, 7 avril 2011, n° 09-15.767, F-D N° Lexbase : A3619HND), le paiement sous l'empire d'une contrainte morale de factures d'honoraires établies après services rendus, par "crainte révérencielle" de perdre son avocat, vicie le consentement par une réticence dolosive (Cass. civ. 2, 3 mars 2011, n° 09-72.968, F-D N° Lexbase : A3402G4R). C'est donc cette jurisprudence protectrice du consentement du client qui est, ici, appliquée par la cour d'appel de Rouen.

newsid:438228

Aide juridictionnelle

[Brèves] Financement de l'aide juridictionnelle : pas de nouvelle taxe sur les professionnels du droit !

Lecture: 1 min

N8229BTX

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Le 05 Septembre 2013

Le 23 juillet 2013, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a annoncé qu'elle renonçait, pour l'année 2014, au projet de financer l'aide juridictionnelle grâce à une nouvelle taxe pesant sur les professions du droit. En réaction à cette annonce, Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris, a pris acte de cette décision qui prend en compte les vives critiques émises par l'Ordre sur ce projet de création d'une nouvelle taxe pour financer l'aide juridictionnelle, mais rappelle que l'Ordre restera vigilant et toujours fermement opposé au retour d'un tel projet pour l'avenir. "L'aide juridictionnelle, comme tout service public, ne peut pas être financée par les justiciables ou par ceux, comme les avocats, qui en assurent les prestations. L'aide juridictionnelle, comme tout service public doit être financée par la solidarité nationale".

newsid:438229

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Les juges de proximité ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 97, 3° du décret n° 91-1197

Réf. : Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-24.962, F-P+B+I (N° Lexbase : A8066KIL)

Lecture: 1 min

N8233BT4

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Le 07 Août 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 10 juillet 2013, la Cour de cassation énonce que les juges de proximité ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 97, 3° du décret n° 91-1197 (Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-24.962, F-P+B+I N° Lexbase : A8066KIL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E7996ETC). En l'espèce, Mme X a sollicité son admission au barreau de Paris sous le bénéfice de la dispense des conditions de diplôme, formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat prévue à l'article 97, 3° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié (N° Lexbase : L8168AID), pour les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (N° Lexbase : L5336AGQ). Le conseil de l'Ordre ayant autorisé son inscription au tableau par décision du 27 septembre 2011, le parquet général a formé un recours et la cour d'appel de Paris a annulé la décision déférée et rejeté la demande de Mme X. Pourvoi est formé. En vain. En effet, en énonçant que, si les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance du 22 décembre 1958, qui demandent leur inscription au tableau de l'ordre, sont dispensés des conditions de formation et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, cette dérogation ne concerne que les magistrats de l'ordre judiciaire visés par l'article 1er de ladite ordonnance, qui définit le corps judiciaire, auquel les juges de proximité n'appartiennent pas.

newsid:438233

Avocats/Champ de compétence

[Jurisprudence] Le contentieux des marchés publics de prestations juridiques : à propos de deux arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Marseille le 8 avril 2013

Réf. : CAA Marseille, 6ème ch., deux arrêts, 8 avril 2013, n° 10MA03545 (N° Lexbase : A0586KD3) et n° 10MA04246 (N° Lexbase : A0599KDK), inédits au recueil Lebon

Lecture: 12 min

N8215BTG

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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup-Werthe

Le 27 Mars 2014

Par deux arrêts en date du 8 avril 2013, la cour administrative d'appel de Marseille s'est prononcée sur deux requêtes présentées par le même cabinet d'avocats. La première était dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille ayant rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision d'attribution d'un marché d'assistance juridique conclu par la commune de Briançon et ayant limité à 1 200 euros l'indemnisation de son préjudice, en conséquence de l'annulation de la décision ayant rejeté son offre, pour défaut d'allotissement (n° 10MA03545). Dans la seconde affaire, la requête était dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon qui avait rejeté les conclusions du cabinet d'avocats en cause tendant à la condamnation de la communauté de communes du comté de Provence à lui verser principalement une année de prestation correspondant à 20 % du montant du marché (n° 10MA04246). La requête n° 10MA03545 a été rejetée par la cour administrative d'appel de Versailles qui a donc maintenu la solution retenue par les juges de première instance, à savoir l'indemnisation du cabinet à hauteur de 1 200 euros, compte tenu du défaut d'allotissement constaté. Dans le second arrêt, en revanche, il a été fait droit à la requête, la communauté de communes du comté de Provence étant condamnée à payer au requérant une somme de 600 euros, un critère d'attribution appliqué lors de l'analyse des offres n'ayant pas été porté à la connaissance préalable des candidats. Ces deux affaires donnent l'occasion de rappeler les critères qui peuvent être retenus pour déterminer le cabinet d'avocats ayant présenté la meilleure offre (I) et l'indemnisation à laquelle le cabinet d'avocats irrégulièrement évincé peut avoir droit (II). I - Les critères pour déterminer le cabinet d'avocats ayant présenté la meilleure offre

Le choix des critères (A) constitue une étape fondamentale qui doit reposer sur les besoins de la collectivité territoriale afin de permettre le meilleur achat, au meilleur coût, des prestations juridiques.

Ce choix est d'autant plus fondamental que la mise en oeuvre des critères (B) est souvent difficile pour les marchés de prestations juridiques.

A - Le choix des critères

Le plus souvent, surtout de la part des petites et moyennes collectivités, les critères choisis pour déterminer la meilleure offre sont assez pauvres et ne permettent donc pas d'effectuer un choix correspondant avec précision aux besoins réels de prestations juridiques.

C'est ainsi que, dans l'affaire n° 10MA03545, l'on apprend que la commune de Briançon avait posé comme critères de sélection des offres, la valeur technique de l'offre pondérée à 50 %, la réactivité et la disponibilité pondérées à 30 % et le prix pondéré à 20 %.

Il s'agit là de critères qui, tout d'abord, ne vont pas nécessairement permettre un jugement objectif des offres. En effet, tout repose alors sur les déclarations de bonne volonté des candidats, qui ne manqueront pas de tenter de persuader la collectivité qu'ils sont les meilleurs avocats, intervenant le plus rapidement possible et au meilleur coût.

Ainsi, la commune de Briançon avait exigé, pour apprécier la valeur technique, que les cabinets présentent une note méthodologique. Mais l'on comprend à la lecture de l'arrêt que, comme cela est quasiment toujours le cas dans une telle hypothèse, c'est la note méthodologique en elle-même qui a fait l'objet d'une appréciation sans que nécessairement le contenu de cette note reflète exactement la réalité des prestations susceptibles d'être réellement fournies par le cabinet d'avocats.

La cour a ainsi mis en avant :

"qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres des candidats et des notes méthodologiques des cabinets en cause, que le cabinet attributaire du marché a indiqué le délai estimatif d'intervention, les référents de son cabinet, ses moyens matériels et la méthode qu'il entendait suivre pour chacune des prestations prévues ; qu'eu égard aux garanties de compétences et de méthode ainsi exposées et au caractère en revanche très sommaire et peu détaillé de la proposition du cabinet MPC Avocats, l'autorité adjudicatrice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la valeur technique des offres qui lui étaient soumises".

L'on comprend aisément que, plus un cabinet aura un savoir-faire commercial pour vanter ses mérites, plus ses chances d'obtenir une bonne note seront importantes.

Ensuite, de tels critères ne permettent pas de s'assurer que le cabinet d'avocats choisi correspond nécessairement aux besoins de la collectivité.

Quels étaient en effet précisément les besoins de la commune de Briançon, commune d'un peu plus de 11 000 citoyens, en prestations juridiques ? Le simple fait de vérifier que le cabinet d'avocats retenu présente une importante valeur technique et qu'il est susceptible d'intervenir rapidement, pour un coût qui ne représente que 20 % de la note finale, était-il vraiment opportun pour une commune de ce type ? Ne présente-t-elle pas des spécificités (par exemple, en raison de sa localisation géographique en montagne, de son accueil de touristes...), qui aurait pu la conduire à poser des critères correspondant exactement à ses besoins ?

Enfin, ce type de critères entraîne nécessairement un risque contentieux important, puisqu'il est souvent difficile de départager les cabinets d'avocats sur des éléments aussi généraux. Dès lors, certains cabinets d'avocats, ne comprenant pas la note qui a été attribuée à leur offre, saisissent le juge au moins pour être indemnisés de leur préjudice.

Afin que les critères posés ne présentent pas de tels inconvénients, il convient de mieux définir les besoins de la collectivité en prestations juridiques et de poser des critères permettant de s'assurer de la réalité de la prestation juridique qui sera fournie, indépendamment de toute présentation commerciale qui peut s'avérer bien éloignée de la réalité (il est évidemment possible de mettre fin à un marché public, voire d'engager la responsabilité de son cocontractant, si la prestation ne correspond pas à l'offre qui a été faite mais il est évidemment encore préférable que le prestataire retenu respecte bien exactement ce qu'il a indiqué dans son offre).

Tout type de critère n'est toutefois pas possible. C'est ainsi que la cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 2ème ch., 5 juin 2012, n° 11DA00464, inédit au receuil Lebon N° Lexbase : A7431ITE) a jugé qu'il était impossible d'exiger la possession du certificat de spécialisation en droit public et de pondérer de manière importante cette exigence qui, au demeurant, relève plus des critères de sélection des candidatures que des critères de sélection des offres.

En revanche, il est parfaitement possible de demander aux candidats de présenter un avis juridique afin de juger de leur pertinence quant à la réponse pouvant être apportée (CAA Versailles, 5ème ch., 2 février 2012, n° 09VE01405, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5024IDG).

De manière également satisfaisante, il est possible de demander et de noter des modèles d'écritures que les candidats ont réalisés dans des dossiers récents (après les avoir rendus anonymes). Il est également possible de leur soumettre la résolution de cas, que ce soit par écrit ou lors d'un entretien oral.

Il est également souhaitable de s'assurer que les dossiers seront suivis par un interlocuteur dédié, si possible un avocat associé, en posant clairement cette exigence. S'il s'avère que l'un des candidats ne dispose que de très peu d'avocats associés dédiés au droit public, mais uniquement d'une très importante équipe de collaborateurs, c'est un critère sur lequel le candidat en cause n'aura pas une bonne note.

Enfin, en ce qui concerne exclusivement le prix, pour éviter des taux horaire très bas, qui vont toutefois conduire à une facturation importante en cas de majoration excessive du nombre d'heures passées par dossier, il peut être pour le moins opportun de demander une estimation du volume horaire pour traiter tel ou tel type de dossiers et de faire porter la note relative au prix directement sur le volume d'heures prévisionnel.

Dans l'affaire relative à la commune de Briançon, si celle-ci avait ainsi "peaufiné" ses critères, il est probable que le contentieux qu'elle a dû suivre jusque devant la cour administrative d'appel de Marseille n'aurait pas été enclenché, sans même parler du bénéfice en terme de qualité des prestations dont ladite commune aurait pu bénéficier, quels que soient par ailleurs les mérites du cabinet qu'elle a effectivement retenu.

B - La mise en oeuvre des critères

Lorsqu'il s'agit de départager les offres, il convient évidemment de respecter les critères posés, comme le Conseil d'Etat a eu l'occasion de le répéter à maintes reprises (voir notamment CE, Sect., 30 janvier 2009, n° 290236, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7437ECG).

En l'espèce, c'est cette règle essentielle que la communauté de communes du comté de Provence, dans l'affaire n° 10MA04246, a omis de respecter, puisqu'il s'avère que les offres ont été examinées en vérifiant si un avocat référent a été désigné, alors même que le dossier de consultation des entreprises ne le prévoyait pas.

Ensuite, lorsqu'il s'agit de prendre en compte une note méthodologique, et sous réserve des appréciations que nous avons portées à ce propos ci-dessus, bien évidemment, le pouvoir adjudicateur peut attribuer une meilleure note à celui qui prend soin de fournir de nombreux renseignements quant à son délai estimatif d'intervention, les référents de son cabinet, ses moyens matériels, la méthode qu'il entend suivre, etc.. Un cabinet d'avocat qui a présenté une note méthodologique "très sommaire et peu détaillée", pour reprendre l'expression de la cour à propos de la proposition du cabinet requérant dans l'affaire n° 10MA03545, ne peut donc pas sérieusement contester le fait d'avoir reçu une note nettement inférieure à celle de son concurrent retenu.

L'on peut même s'étonner que le cabinet en cause, après avoir pris connaissance des caractéristiques principales de l'offre du candidat attributaire, ait continué à prétendre devant le juge administratif que son offre était d'une qualité identique alors que, d'après la cour, l'offre du cabinet attributaire était bien plus complète.

Enfin, dans l'affaire relative à la commune de Briançon, la cour met en avant "qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Briançon se serait uniquement fondée sur la taille du cabinet pour évaluer la valeur technique". Ce qui signifie qu'elle a toutefois, en partie, pris en compte cette taille. Or, à notre avis, il fallait clairement que cela soit indiqué dans le cahier des charges et que ce dernier indique le nombre minimum d'avocats souhaité et, notamment, le nombre d'avocats associés.

En effet, en elle-même, la taille du cabinet d'avocats n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la qualité des prestations. D'un côté, un cabinet de grande taille pourra toujours mobiliser un avocat pour répondre, notamment en urgence, aux sollicitations de la collectivité territoriale, contrairement à un cabinet de petite ou de moyenne taille. Mais d'un autre côté, un grand cabinet ne pourra pas toujours assurer une prestation réalisée ou au moins contrôlée de près par un avocat associé ou un suivi personnalisé des dossiers.

De manière encore plus fondamentale, il faut s'interroger sur la pertinence d'un tel élément d'appréciation compte tenu parfois des faibles besoins des collectivités territoriales qui, pour le type de dossiers qu'elles ont à traiter, n'ont pas besoin d'une équipe composée de nombreux avocats. Il nous semble que, sur ce point précis, le raisonnement de la cour aurait pu être approfondi.

Il convient maintenant d'examiner quelle peut être l'indemnisation du cabinet d'avocats irrégulièrement évincé lorsqu'une irrégularité est constatée.

II - L'indemnisation du cabinet d'avocats irrégulièrement évincé

Dans un premier temps, il s'agit d'examiner les préjudices pouvant être indemnisés (A) avant de s'interroger sur le montant de l'indemnisation (B).

A - Les préjudices pouvant être indemnisés

Sur ce point, la jurisprudence est bien établie (CE 7° et 5° s-s-r., 18 juin 2003, n° 249630, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8725C8N ; CE 7° et 2° s-s-r., 8 février 2010, n° 314075, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7558ERD) :

"Considérant, d'une part, que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat ; que, dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat ; que, dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité supposée du marché priverait le candidat évincé de toute possibilité de demander l'indemnisation de son manque à gagner".

Cette jurisprudence vaut pour l'ensemble des opérateurs économiques présentant une offre dans le cadre d'un marché public, et donc également pour les cabinets d'avocats.

Si le cabinet d'avocats en cause n'avait pas la moindre chance de remporter le marché, il ne pourra pas être indemnisé. En revanche, il aura droit à être indemnisé des frais de présentation de son offre s'il a perdu une chance "quelconque" de remporter le marché, cette chance "quelconque" étant une chance "moyenne", mais pas une chance sérieuse.

C'est le cas dans les deux arrêts ici commentés, la cour administrative d'appel de Marseille estimant que le cabinet requérant (dont l'offre a été classée à la sixième place pour l'affaire intéressant la commune de Briançon et à la troisième place pour l'affaire concernant la communauté de communes du comté de Provence), n'avait pas de chances sérieuses de remporter le marché. En effet, dans les deux cas, l'irrégularité constatée (à savoir le fait d'avoir retenu l'indication d'un avocat référent, ce qui n'était pas prévu dans le dossier de consultation des entreprises et le fait de ne pas avoir alloti le marché) n'a pas nécessairement eu pour conséquence que les deux pouvoirs adjudicateurs en cause ont apprécié de manière erronée l'offre du cabinet requérant.

L'indemnisation de la perte de chance sérieuse ne peut donc intervenir que lorsque le requérant est en mesure de démontrer que, si l'irrégularité n'avait pas été commise, il aurait eu de très bonnes chances de terminer en première position à la place du cabinet d'avocats retenu (des "chances sérieuses").

Bien évidemment, cela va dépendre du classement ; et cette perte de chance sérieuse est, en principe, réservée à ceux qui sont arrivés parmi les tous premiers. Toutefois, il faut garder à l'esprit qu'il est très difficile d'apporter cette preuve, puisque, s'il est possible de connaître les grandes lignes de l'offre du candidat qui a été retenu, en revanche il est impossible, compte tenu de la nécessité de garder le secret en matière industrielle et commerciale, de connaître le contenu des offres des autres candidats classées entre celle qui a été retenu et celle du requérant.

A propos des autres candidats retenus, l'on ne connaît que le rapport d'analyse des offres. Il est donc très souvent impossible de déterminer si, en fonction de l'illégalité constatée, l'offre des autres candidats aurait également été différente et dans quelle mesure.

Dès lors, lorsqu'un candidat ne finit pas en deuxième place, le plus souvent, il aura beaucoup de mal à démontrer qu'il a nécessairement perdu une chance sérieuse de remporter le marché.

B - Le montant de l'indemnisation

Dans l'hypothèse où le requérant peut démontrer qu'il aurait eu des chances sérieuses de remporter le marché, il a droit à une indemnisation correspondant à son manque à gagner, mais uniquement à ce manque à gagner.

Dans son arrêt du 8 février 2010, précité, le Conseil d'Etat a précisé que ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si ce dernier lui avait été attribué.

Dès lors, et c'est une évidence, ce n'est pas le chiffre d'affaires escompté qui doit être indemnisé et le requérant n'avait donc strictement aucune chance d'obtenir, comme il le demandait, une année de prestation correspondant à 20 % du montant du marché (pour l'affaire relative à la communauté de communes du comté de Provence) et une somme en rapport avec le volume des diligences effectué par le cabinet retenu (dans l'affaire relative à la commune de Briançon).

Il faut préciser que de nombreux cabinets d'avocats (mais cette remarque vaut de manière générale pour l'ensemble des prestataires économiques) hésitent à justifier de manière précise le bénéfice qu'ils auraient retiré de l'exécution du marché. En effet, pour ce faire, ils doivent démontrer, notamment par une note d'un expert-comptable, le calcul leur permettant d'arriver à ce bénéfice. De la sorte, ils fournissent des éléments que, notamment, l'attributaire du marché pourra connaître. Il n'est donc pas rare que certains opérateurs économiques renoncent à une indemnisation pour ne pas avoir à présenter ainsi leurs résultats comptables.

Dans l'hypothèse où le cabinet d'avocats n'était tout simplement pas dépourvu de toute chance de remporter le marché, il a droit uniquement à l'indemnisation des frais de présentation de son offre.

Dans l'affaire relative à la commune de Briançon, l'indemnisation arrêtée par les premiers juges est à ce titre de 1 200 euros, alors qu'elle est de 600 euros pour l'affaire relative à la communauté de communes du comté de Provence.

La différence entre les deux indemnisations provient, sans doute, du fait que la somme de 1 200 euros a été déterminée par le tribunal administratif de Marseille sur laquelle n'est pas revenue la cour administrative d'appel de Marseille ; alors que la somme de 600 euros a été fixée par ladite cour. Mais l'on peut regretter que la cour n'ait pas harmonisé ou n'ait pas au moins justifié cette différence alors qu'il n'apparaît pas de manière évidente que le travail qui a été fourni par le cabinet d'avocats pour présenter une offre dans chacune de ces deux procédures ait été véritablement différent.

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Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] L'externalisation de la production de services juridiques des cabinets d'avocats vers les pays à bas coût - Chroniques "Droit, Management et Stratégie", en partenariat avec l'ESSEC

Lecture: 5 min

N8052BTE

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par Antoine Masson, référendaire, expert associé au CEDE de l'ESSEC et Dharamveer Singh, doctorant à l'Université du Luxembourg

Le 25 Juillet 2013

Le 4 août 2010, un acteur britannique, Sacha Baron Cohen, gagne le procès qui l'oppose à sa petite amie, qui l'accusait de diffamation dans l'un de ses films. Une affaire a priori ordinaire en droit des médias, si ce n'est que l'un des deux cabinets d'avocats qui défendaient l'acteur a fait rédiger ses conclusions par sa filiale indienne.

En effet, depuis les années 2000, l'externalisation de certaines prestations juridiques réalisées par les cabinets d'avocats vers des pays à bas coût de main d'oeuvre a pris de l'essor. Certes, l'externalisation juridique n'est pas un phénomène nouveau. Le recours par une entreprise aux services d'un cabinet d'avocats constitue une forme habituelle d'externalisation juridique. En outre, les cabinets d'avocats eux-mêmes n'hésitent pas à faire appel à des spécialistes extérieurs pour traiter certaines questions techniques ou pour faire face à des opérations internationales. Cependant, avec la crise économique, l'externalisation des services juridiques a pris une nouvelle dimension (1), à savoir celle d'une délocalisation compétitive d'une partie de l'activité des cabinets d'avocats. Pour ces derniers, la crise a non seulement réduit la demande de services juridiques, mais également poussé les entreprises à leur demander une révision de leur mode de facturation (facturation forfaitaire plutôt que sur la base du temps consacré aux dossiers), exerçant ainsi une pression sur les coûts. En outre, dans un marché que certains considèrent comme mature dans de nombreux pays, les cabinets d'avocats ne peuvent plus compter sur l'augmentation de la demande juridique pour croître, mais doivent gagner des parts de marché et, pour ce faire, améliorer leur compétitivité, la réputation n'étant plus suffisante. Or, quelle meilleure solution pour un avocat américain que la sous-traitance à un cabinet d'avocats situé en Inde, qui facture en moyenne de 24 à 40 USD de l'heure, là où un prestataire en free lance coûte de 50 à 100 USD et un cabinet d'avocats américains de 250 à 350 USD (2) ? Le marché semble prometteur (3). En une dizaine d'années, plus de cent structures de ce type se sont créées en Inde. Les échanges transfrontaliers de services juridiques liés à ce phénomène d'externalisation sont en pleine augmentation. Ainsi, sur un marché des services juridiques estimé à 400 milliards de dollars (les Etats-Unis représentant à eux seuls 60 % de ce total), l'externalisation de services juridiques représentait, en 2006, 146 millions de dollars (4), en 2010, 440 millions de dollars (sociétés et cabinets d'avocats confondus) et pourrait atteindre, en 2012, 2,4 milliards de dollars (5).

Initialement cantonnées à la sous-traitance de certaines tâches fastidieuses, comme la numérisation, l'encodage et l'indexation des documents (ce qui peut être coûteux pour les cabinets d'avocats qui sont implantés dans des pays où les règles de preuve, comme la discovery, peuvent conduire à l'échange de plusieurs milliers de documents entre les parties à un procès), les prestations proposées par ces cabinets d'avocats ont aujourd'hui évolué vers des services à plus forte valeur ajoutée, comme le dépôt de demande de brevet, la réalisation de recherches juridiques, la rédaction de contrats, voire la rédaction de conclusions. Ainsi, selon une étude récente de la société Day One, sur une centaine de cabinets analysés en Inde, 47 proposent des prestations en matière de propriété intellectuelle, et 45 la rédaction de contrats.

A l'heure actuelle, cette externalisation concerne surtout des sociétés américaines (trois quarts des clients) et anglaises (un cinquième) (6), et s'opère au profit de sociétés implantées dans des pays comme l'Inde, l'Afrique du Sud, Singapour, la Malaisie, le Sri Lanka, Israël et les Philippines. Le choix de ces pays n'a rien d'étonnant. Il s'agit, en effet, dans la majorité des cas, de pays anglophones, flexibles en ce qui concerne les conditions de travail et qui connaissent les systèmes juridiques anglo-saxons, parce qu'ils en relèvent eux-mêmes ou sont influencés par la Common Law. En outre, la main d'oeuvre y est très qualifiée et adaptée. Par exemple, l'Inde, qui représente 40 % du marché mondial (7), compte de nombreux juristes ayant été formés aux Etats-Unis. En outre, avec le succès de l'externalisation, les cabinets indiens embauchent désormais des juristes américains, afin d'encadrer leurs équipes.

En France, ce sujet reste tabou, même si quelques cabinets de conseils semblent déjà y avoir recours (8). Il faut noter que le développement de l'externalisation juridique se heurte à la barrière de la langue et à une différence de formation juridique. Néanmoins, l'externalisation juridique pourrait se développer dans les années à venir, à destination de pays ayant une identité juridique et linguistique proche de la France, comme le Maroc, la Tunisie ou Madagascar. En effet, l'externalisation juridique vers des pays à bas coût de main d'oeuvre présente un avantage indéniable en termes de coûts et donc de compétitivité. La flexibilité opérationnelle constitue un autre avantage non négligeable. Ainsi, l'externalisation permet de lisser la charge de travail, en transférant les augmentations conjoncturelles à un tiers plutôt qu'en créant un coût fixe lié à l'embauche d'une personne supplémentaire. En outre, l'externalisation peut permettre aux cabinets de se recentrer sur leurs activités à forte valeur ajoutée. Enfin, en choisissant des entreprises implantées dans d'autres fuseaux horaires, l'externalisation peut permettre de faire avancer un dossier en travaillant 24 heures sur 24.

Le développement de l'externalisation juridique ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes pour les entreprises qui y ont recours. On peut craindre naturellement un effet négatif sur l'emploi (9). Ce sont surtout les inconvénients pour les entreprises qui y recourent qui doivent être pris en considération. Premièrement, les gains escomptés peuvent être considérablement réduits du fait de l'effort que l'entreprise doit déployer pour suivre et superviser le travail effectué par le prestataire extérieur ainsi que, le cas échéant, pour adapter la prestation fournie aux spécificités de l'entreprise. Tout cabinet qui souhaite délocaliser doit donc prendre soin de vérifier la compétence du sous-traitant (10). Deuxièmement, l'entreprise qui externalise doit veiller à ce que la prestation fournie soit de qualité. En effet, lorsque le prestataire est implanté dans un autre pays, surgissent des problèmes de différences de formation, de culture, de standards éthiques et de communication. N'oublions pas qu'en droit, le diable se situe dans les détails et les nuances. Troisièmement, l'externalisation ne favorise pas le développement en interne des compétences concernées et peut également affecter l'image du cabinet (11). Quatrièmement, l'externalisation de services juridiques suppose le transfert de données à caractère personnel, notamment dans le cas d'un cabinet qui sous-traite l'un de ses dossiers. Or, les relations entre un avocat et son client sont généralement couvertes par le secret professionnel et le transfert des données à caractère personnel ou confidentiel est étroitement réglementé et régulé. Ainsi, en France, le transfert de données suppose l'autorisation de l'autorité de régulation, laquelle apprécie la légitimité du transfert, son caractère adéquat, pertinent et non excessif (12). L'externalisation d'un dossier suppose donc l'accord du client, voire de ses partenaires. Or, si l'économie réalisée n'est pas partagée avec ce dernier, il y a fort à parier que celui-ci verra l'externalisation de son dossier d'un fort mauvais oeil. Cinquièmement, l'externalisation, en raison de la perte de contrôle qu'elle induit sur les processus de production, implique nécessairement une augmentation des risques réputationnels, économiques et juridiques. En particulier, l'externalisation soulève des difficultés d'ordre déontologique. Comment l'avocat peut-il garantir le respect du secret professionnel, lorsqu'il sous-traite son dossier à un cabinet implanté dans un pays ne respectant pas les mêmes standards juridiques ? De même, comment vérifier l'absence de conflits d'intérêts du sous-traitant ? Dans ses lignes directrices sur l'externalisation juridique, publiées en juin 2010, le Conseil des barreaux européens (CCBE) a ainsi souligné l'importance qu'il y avait à ce que l'avocat donneur d'ordre s'assure de ce que le sous-traitant respecte également les règles déontologiques en vigueur.

Dans un contexte de crise et de saturation du marché, l'externalisation des services peut constituer une solution pour permettre à un cabinet et à ses clients de réduire leurs coûts. Les avocats et leurs clients doivent cependant s'interroger prudemment sur ses implications et sur les gains réels qui en seront retirés. En outre, à l'heure où la France souhaite promouvoir son droit, les pouvoirs publics vont devoir s'interroger pour savoir s'il convient de protéger les avocats français ou d'encourager cette externalisation, afin d'améliorer la compétitivité de leurs cabinets.


(1) D'une façon générale, on distingue plusieurs formes d'externalisation qui peuvent s'appliquer aux services juridiques. On utilise ainsi le terme de "onshoring" pour désigner l'externalisation réalisée dans le même pays, celui de "nearshoring" lorsqu'elle a lieu vers un pays proche, et celui de "offshoring" lorsque le pays est plus éloigné. S'agissant de la forme que revêt l'externalisation, celle-ci suppose le recours à un prestataire extérieur autonome, à un centre captif, dont l'entreprise sera le seul client, ou encore à une filiale.
(2) Source T.V. Mahalingam and Rahul Sachitanand, A legal passage to India, Business Today, 12 décembre 2010.
(3) L'externalisation juridique, ou Legal Process Outsourcing (LPO), s'inscrit dans la continuité du Business Process Outsourcing (externalisation d'une activité complète de l'entreprise, par exemple, la gestion de la paie) et du Knowledge Process Outsourcing (externalisation d'une expertise).
(4) Etude Valuenotes de 2007 intitulée : Offshoring Legal Services to India - An Update. Voir également le rapport de cette même société, intitulé Legal Process Outsourcing: Crisis Creates New Opportunities for LPOs de novembre 2009.
(5) Source pour 2010 et 2012. Le marché de l'externalisation représenterait entre 3 et 4 milliards de dollars aux Etats-Unis, selon Nassscom. Plus de 200 grandes sociétés américaines y auraient recours ou seraient intéressées, selon le conseil des Chambres du commerce et de l'industrie indiennes.
(6) Source Top ten trends for legal outsourcing in 2010', Report by Fronterion LLC, available here.
(7) Et 32 000 employés en 2010.
(8) Le rapport Prada sur les facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris y fait toutefois référence, à la page 44.
(9) L'externalisation pourrait cependant avoir un impact positif. En effet, en abaissant les coûts probables d'un litige, les personnes qui se sentent lésées seront incitées à introduire un recours, là où elles auraient eu tendance à ne pas recourir à un avocat ou à régler à l'amiable leur différend.
(10) Autre coût caché, l'effet de devise.
(11) Pour les entreprises, l'externalisation juridique directe peut constituer un frein au développement d'une culture juridique au sein de l'entreprise, laquelle est particulièrement importante pour une entreprise, afin de réduire son exposition aux risques juridiques et de développer en interne une capacité à se saisir des opportunités juridiques offertes par le droit.
(12) Le non-respect de cette règle peut être sanctionné par une amende pouvant aller, selon l'article 226-16 du Code pénal (N° Lexbase : L4476GTX), jusqu'à 300 000 euros (1,5 million d'euros pour les personnes morales) et 5 ans d'emprisonnement. Voir également, la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (N° Lexbase : L8240AUQ) et les guides de transferts élaborés par la Commission, ainsi que le rapport de la CNIL de 2010 intitulé Les questions posées pour la protection des données personnelles par l'externalisation hors de l'Union européenne des traitements informatiques.

Ce texte a été écrit dans le cadre du programme de recherche "Droit, Management et Stratégies" (DMS) développé au sein du Centre Européen de Droit et d'Economie (CEDE) de l'ESSEC

Cet article est tiré du Juriste d'entreprise Magazine n° 17, édité par l'AFJE, juillet 2013.

newsid:438052

Avocats/Honoraires

[Brèves] Contestation d'honoraires : le respect du contradictoire s'impose !

Réf. : Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-23.010, F-D (N° Lexbase : A5383KI9)

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N8230BTY

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Le 02 Août 2013

Dans un arrêt rendu le 4 juillet 2013, la Cour de cassation rappelle que, aux termes de l'article 670-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6850H7T), en cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670 du même code, le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification ; de plus, selon l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L0285A9G), le premier président de la cour d'appel, statuant sur une contestation en matière d'honoraires, doit entendre contradictoirement l'avocat et son client (Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-23.010, F-D N° Lexbase : A5383KI9 ; déjà en ce sens, Cass. civ. 2, 21 octobre 2010, n° 09-70.737, F-D N° Lexbase : A4389GCK ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0074EUB). En l'espèce, dans le cadre de son divorce, et de la dissolution consécutive d'une société civile immobilière créée avec son époux, Mme M. a confié la défense de ses intérêts à Me C., avocat. Une contestation s'étant élevée sur le montant des honoraires réclamés, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre de ce litige et la cliente a formé un recours contre la décision du Bâtonnier. Pour confirmer la décision du Bâtonnier fixant à une certaine somme le montant des honoraires dus à Me C., l'ordonnance, qualifiée de "réputée contradictoire" énonce que Mme M., bien que régulièrement convoquée et avisée des conséquences de son absence à l'audience dans la lettre de convocation, n'a pas comparu et n'a donc pas soutenu son appel. L'ordonnance sera censurée par la Haute juridiction : "en statuant ainsi, par ordonnance réputée contradictoire, sans vérifier si le greffe avait invité Me C. à procéder par voie de signification et, dans l'affirmative, si celui-ci avait accompli cette formalité, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés".

newsid:438230

Avocats/Honoraires

[Brèves] Contentieux de l'honoraire : inapplication aux frais de procédure

Réf. : CA Douai, 9 juillet 2013, n° 12/04450 (N° Lexbase : A5733KI8)

Lecture: 1 min

N8231BTZ

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Le 15 Août 2013

Les frais de procédure dont le paiement est sollicité font partie des dépens et doivent, par conséquent, donner lieu à la procédure de vérification des dépens prévue par les articles 704 (N° Lexbase : L8993C8L ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5514ETE) et suivants du Code de procédure civile et ne peuvent être examinés à l'occasion de la procédure de taxation des honoraires. Tel est le rappel opéré par la cour d'appel de Douai, dans un arrêt rendu le 9 juillet 2013 (CA Douai, 9 juillet 2013, n° 12/04450 N° Lexbase : A5733KI8 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0082EUL). En effet, si l'on sait que le juge de l'honoraire est compétent pour connaître des contestations relatives aux honoraires et aux frais exposés par l'avocat (Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 04-20.153, F-D N° Lexbase : A0832DTY), le juge taxateur n'a pas le pouvoir de se prononcer sur les émoluments de la postulation qui sont tarifés et sont une composante des dépens réglementés, notamment (CA Aix-en-Provence, 16 juin 2010, n° 09/23592 N° Lexbase : A6624E44). Il en est ainsi des frais de procédure en général, autres que les débours. Il est d'ailleurs rappelé au RIN (art. 11.7 N° Lexbase : L4063IP8) que, dans le cas où l'avance est faite par le cabinet, l'avocat doit tenir une comptabilité établie par dossier en ce qui concerne les frais et débours, puisqu'à la fin de sa mission, il devra compte au client des sommes déboursées par le compte de ce dernier. L'avocat détient, à tout moment, par dossier, une comptabilité précise et distincte des honoraires et de toute somme qu'il a pu recevoir et de l'affectation qui leur a été donnée, sauf en cas de forfait global.

newsid:438231

Avocats/Honoraires

[Brèves] Contentieux de l'honoraire : application aux honoraires de l'avocat dus au titre de son intervention dans le cadre d'une action en comblement de passif

Réf. : CA Aix-en-Provence, 4 juillet 2013, n° 11/16028 (N° Lexbase : A5673KIX)

Lecture: 1 min

N8232BT3

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Le 23 Août 2013

Dans le cadre d'une procédure collective, il n'appartient pas au juge-commissaire, au regard des provisions versées par le mandataire judiciaire, de fixer le montant des honoraires de l'avocat dus au titre de son intervention dans le cadre d'une action en comblement de passif. Tel est le rappel opéré par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 4 juillet 2013 (CA Aix-en-Provence, 4 juillet 2013, n° 11/16028 N° Lexbase : A5673KIX ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0082EUL). La cour reprend ainsi l'avis de la Cour de cassation rendu le 27 février 2006 (Cass. avis, 27 février 2006, n° 05-00.027, publié N° Lexbase : A0947KKB) selon lequel, en donnant à un avocat la mission de le représenter en justice, ès qualités, le mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire d'une entreprise ne confie pas à "un tiers" une partie des tâches qui comporte l'exécution de son mandat lui incombant au sens de l'article L. 812-1, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3293ICX) et que "les honoraires de l'avocat sont pris en charge par la procédure collective, sous le contrôle du juge-commissaire chargé de veiller au déroulement rapide et à la protection des intérêts en présence, sans préjudice d'une responsabilité éventuelle des mandataires judiciaires" ; aussi, le Bâtonnier est seul compétent pour fixer les honoraires de l'avocat.

newsid:438232

Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Le président du Conseil national des barreaux démissionne !

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N8235BT8

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Le 01 Août 2013

Coup de théâtre retentissant le 12 juillet 2013 : le président du Conseil national des barreaux, Christian Charrière-Bournazel, a présenté sa démission. En filigrane de cette décision pour le moins inattendue, la réforme de la gouvernance et les divergences avec l'Ordre des avocats au barreau de Paris. On se souvient que, en mai dernier, l'Ordre parisien avait suspendu ses travaux au sein de la Haute instance représentative de la profession (lire N° Lexbase : N7246BTK). Et si une avancée semblait avoir fait son apparition le 10 juillet 2013 avec la publication d'un communiqué conjoint des deux institutions annonçant la création d'une commission chargée de définir la méthode de conduite du projet de la réforme de la gouvernance de la profession et d'auditionner les différents acteurs de la profession et des personnalités de la société civile, c'était sans compter sur le bureau du CNB, qui a estimé que cette décision avait été prise à l'insu des préconisations de l'Assemblée. Ce bureau avait donc manifesté auprès de son président dès le lendemain son étonnement, voire un certain mécontentement... Prenant acte de cette position, Christian Charrière-Bournazel a démissionné de ses fonctions. La présidence du CNB est depuis lors assurée par sa première vice-présidente, Maître Pascale Modelski, en attendant la tenue d'une assemblée générale le 6 septembre prochain à l'issue de laquelle seront organisées les élections visant à doter le CNB d'un nouveau président. Si la réforme de la gouvernance de la profession est, depuis longtemps maintenant, un dossier sensible, souvent qualifié de "serpent de mer", force est de constater qu'il créé des remous conséquent au sein d'une profession qui, en ces temps difficiles, devrait se montrer unie et efficace et poursuivre un but ultime : la défense de ses intérêts...

newsid:438235

Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Le barreau de Paris créé l'Ecole de la médiation pour les avocats

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N8236BT9

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Le 10 Août 2013

Le barreau de Paris a, le 11 juillet 2013, créé l'Ecole de la médiation du barreau, afin que les avocats deviennent familiers et spécialisés dans la pratique de la médiation, en qualité de conseil et de prescripteur et, le cas échéant, de médiateur. L'Ecole a été inaugurée, lors de la cérémonie de clôture de Campus 2013, grand rendez-vous annuel de la formation pour les avocats parisiens, en présence de M. Jean-Claude Magendie, Premier président honoraire de la cour d'appel de Paris. Le barreau de Paris propose ainsi un enseignement pratique composé d'ateliers et de mises en situation, animé par des praticiens réputés, de 130 heures qualifiantes au sein de l'EFB, dans le cadre de la formation continue des avocats. En fonction du nombre d'heures de formation suivies et des modules choisis, la mention "Ecole de la médiation du barreau de Paris" pourra être apposée par l'avocat sur sa documentation et communication professionnelle. Une première session de formation de 25 heures sur le thème "médiation internationale, médiation et négociation interculturelles" se tiendra du 28 au 30 août 2013.

newsid:438236

Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Le barreau de Paris vote la création d'une nouvelle activité de l'avocat : l'avocat protecteur

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N8237BTA

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Le 13 Août 2013

L'appellation "avocat protecteur" permet de regrouper sous un vocable unique des situations différentes, mais présentant des problématiques partiellement similaires, dans lesquelles un avocat pourrait se retrouver investi de la protection d'un majeur vulnérable. L'avocat qui a vocation à être désigné dans des dossiers complexes, nécessitant une solide culture juridique, devrait pouvoir intervenir pour la défense du patrimoine d'un majeur vulnérable au titre d'un mandat judiciaire. Les missions de justice sont prévues à l'article 6 bis de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et rappelées à l'article 6 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8). L'avocat y apportera sa compétence, sa responsabilité et sa déontologie. L'avocat étant auxiliaire de justice, il n'est pas nécessaire qu'il adopte le statut de MJPM (Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs) et sera contrôlé par son Ordre. Les missions de justice confiées aux avocats sont couvertes par la police d'assurance. La CARPA pourra s'imposer comme un acteur financier dans cette nouvelle activité, au prix de quelques efforts d'aménagements ou d'assouplissements. Un vote définitif sera organisé sur le rapport et sur la poursuite de ces travaux et réflexions, qui sera transmis au CNB.

newsid:438237

Avocats/Procédure

[Brèves] En matière disciplinaire, ni l'Ordre des avocats, ni le conseil de discipline ayant statué comme juridiction disciplinaire du premier degré ne sont parties à l'instance !

Réf. : Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-25.444, F-D (N° Lexbase : A8810KI7)

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N8239BTC

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Le 29 Août 2013

En matière disciplinaire, ni l'Ordre des avocats, ni le conseil de discipline ayant statué comme juridiction disciplinaire du premier degré ne sont parties à l'instance ! Une semaine après avoir rappelé le principe par un arrêt publié au Bulletin (Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-23.553, F-P+B N° Lexbase : A5466KIB ; lire N° Lexbase : N8007BTQ), c'est cette fois par un arrêt inédit, et visant un autre Ordre des avocats, que la Cour de cassation retoque un barreau (Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-25.444, F-D N° Lexbase : A8810KI7 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0370EUA). En l'espèce, l'arrêt attaqué a désigné le conseil de l'Ordre comme défendeur au recours formé par le professionnel condamné et énonce qu'il a déposé un mémoire concluant à la confirmation de la décision du conseil de discipline. La censure sera opérée au visa des articles 16, alinéa 3, et 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié (N° Lexbase : L8168AID).

newsid:438239

Avocats/Responsabilité

[Brèves] La victime n'est pas tenue d'engager des voies de droit qui ne sont que la conséquence de la situation dommageable créée par l'avocat

Réf. : Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-23.016, F-D (N° Lexbase : A5552KIH)

Lecture: 1 min

N8238BTB

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Le 23 Août 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 3 juillet 2013, la Cour de cassation rappelle que la victime n'est pas tenue d'engager des voies de droit qui ne sont que la conséquence de la situation dommageable créée par l'avocat (Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-23.016, F-D N° Lexbase : A5552KIH ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4813ETG). Dans cette affaire, M. F. a engagé une action en responsabilité contre Me L., avocat, qui l'avait assisté dans les litiges l'ayant opposé à M. M. et à la société A., chargés de restaurer et d'aménager un appartement, lui reprochant, notamment, d'avoir négligé la défense de ses intérêts à l'occasion des procédures collectives ouvertes à l'égard de ses deux cocontractants et d'avoir omis de rechercher la garantie des assureurs de ceux-ci. Pour débouter le client de ses demandes, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 20 mars 2012, n° 10/23917 N° Lexbase : A2300IGB) retient que, si Me L., avant d'être déchargé de ses missions, avait omis de procéder à la déclaration de la créance indemnitaire revendiquée à l'encontre de la société A. placée en redressement judiciaire, il ne pouvait pas être tenu pour responsable de l'inaction de ses confrères qui, lui succédant dans le dossier, n'avaient pas fait appel de la décision refusant le relevé de forclusion, en l'absence de lien de causalité entre le manquement invoqué et le dommage allégué. L'arrêt sera censuré au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) : "en statuant ainsi par des motifs impropres à démontrer la rupture du lien de causalité, dès lors que la victime n'est pas tenue d'engager des voies de droit qui ne sont que la conséquence de la situation dommageable créée par l'avocat, la cour d'appel a violé texte susvisé".

newsid:438238

Avocats/Responsabilité

[Brèves] De la responsabilité d'une société d'avocats aux Conseils

Réf. : Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-30.180, F-D (N° Lexbase : A5497KIG)

Lecture: 2 min

N8234BT7

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Le 23 Août 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 3 juillet 2013, la Cour de cassation revient sur l'engagement de la responsabilité d'une société d'avocats aux Conseils (Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-30.180, F-D N° Lexbase : A5497KIG ; cf. N° Lexbase : E5927ETP). Dans cette affaire, la société T. a cédé son fonds de commerce d'agence immobilière à la société S., selon acte authentique dressé, le 23 septembre 1996, par M. B.. Me M., avocat, qui détenait indirectement la majorité du capital social de la société S., a consenti à celle-ci une avance de 95 417,84 euros pour financer l'acquisition du fonds. Estimant que le notaire avait manqué à ses obligations de vérification et de conseil en rédigeant un acte inefficace dans la mesure où la société venderesse n'aurait pas disposé d'une carte professionnelle, exerçait son activité dans des conditions illégales et se trouvait dans une situation financière catastrophique, l'avocat a recherché la responsabilité professionnelle du notaire pour obtenir réparation de son préjudice, correspondant au montant de l'avance dont il n'avait pas été remboursé par l'acheteuse mise en liquidation judiciaire en 2003. Par arrêt du 9 octobre 2009, la cour d'appel de Colmar l'a débouté de ses prétentions et Me M. a demandé à la SCP G. de former un pourvoi à l'encontre de l'arrêt, signifié le 16 décembre 2009. Après avoir formé le pourvoi, la SCP d'avocat aux Conseils a fait connaître à l'avocat que le recours lui paraissait dépourvu de perspectives crédibles et a sollicité des instructions de désistement, en précisant son refus de soutenir le pourvoi. Me M. a alors saisi le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation aux fins de désignation d'un avocat aux Conseils pour produire le mémoire ampliatif, en précisant que le délai pour ce faire expirait le 23 juin. Le délai ayant, en réalité, expiré le 16 juin, Me M. a saisi le conseil de l'Ordre à l'effet de faire constater la responsabilité professionnelle de la SCP G. pour l'avoir privé de la possibilité de soutenir son pourvoi en omettant de lui préciser la date exacte d'expiration du délai du dépôt du mémoire ampliatif ; en vain. La procédure suit son cours et la Cour de cassation se retrouve saisie. Elle va abonder dans le sens tant de l'Ordre que des juges du fond. En effet, elle estime que, s'il est constant que la SCP G. a omis d'informer son client du délai pour déposer le mémoire ampliatif, le fonds de commerce de l'agence immobilière existait réellement, avec la clientèle y attachée, et avait été exploité pendant sept ans par la société cessionnaire, écartant ainsi implicitement, à bon droit, que la carte professionnelle fût un élément du fonds de commerce et réfutant la prétendue inutilité de l'acte de cession alléguée par Me M.. Dès lors, il n'est pas établi que la SCP G. ait fait perdre à son client la chance d'obtenir la censure de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar. Partant, sa responsabilité ne peut être engagée.

newsid:438234

Juristes d'entreprise

[Evénement] Management optimisé des litiges - Dernières tendances et meilleurs pratiques des directions juridiques

Lecture: 13 min

N8147BTW

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef

Le 27 Mars 2014

FIDAL (1) et l'American Arbitration Association (AAA) (2) ont présenté, le 12 juin 2013, leur étude révélant les meilleures pratiques d'organisation et les grandes évolutions récentes de la fonction juridique au sein de l'entreprise. Cette enquête, réalisée auprès de grandes directions juridiques, vient compléter les résultats de l'étude de juin 2009 portant sur le "Management Optimisé des Litiges" (dispute-wise business management) qui démontrait les avantages économiques pour les entreprises de recourir aux modes alternatifs de résolution des conflits (MARC). Quatre ans plus tard, cette nouvelle étude dévoile comment les entreprises ont intégré cette nouvelle approche de gestion des litiges comme un enjeu stratégique pour une meilleure performance globale et, à l'instar des entreprises américaines, donnent de plus en plus d'importance à la fonction juridique au quotidien auprès des opérationnels, pour une meilleure anticipation et maîtrise des risques.
Au cours de cette conférence-débat, les résultats complets de cette étude de benchmark réalisée en coopération avec le CCIAG (Corporate Counsel International Arbitration Group), et avec le soutien de l'AFJE (Association française des juristes d'affaires) et du barreau de Paris, ont été présentés par Isabelle Vaugon, avocat associé, FIDAL et Richard Naimark, Senior Vice-President, American Arbitration Association. Ils ont été commentés par Madame le Bâtonnier du barreau de Paris, Christiane Féral-Schuhl, Monsieur le Président de l'AFJE, Hervé Delannoy, et Madame la Présidente du CCIAG, Isabelle Hautot, également Directrice juridique du Groupe Orange, Monsieur le Professeur Bruno Deffeins, Université Paris-Assas (Paris II) ainsi que les directeurs juridiques des sociétés Thalès, Areva, Technip, Northop Grummann. Les éditions juridiques Lexbase, présentes à cette manifestation, vous en proposent un compte-rendu.

L'étude présentée et réalisée par FIDAL et l'AAA est relative aux meilleures pratiques des directions juridiques des grandes entreprises françaises, tant en matière d'organisation interne que de règlement des contentieux, questions cruciales pour l'entreprise dans un environnement des affaires de plus en plus compétitif.

Maître Isabelle Vaugon, avocat associé, FIDAL, considère qu'il est du devoir des avocats, dans leur rôle de conseil, de proposer des modes alternatifs de règlement des litiges, permettant une solution plus rapide, une plus grande maîtrise de l'issue du litige et un maintien de la relation d'affaires, créatrice de valeur pour l'entreprise.

Dans la première étude menée en 2009, il est apparu qu'a l'instar des entreprises américaines, les entreprises françaises avaient conscience des conséquences positives de la médiation : ainsi, 85 % considéraient que la médiation leur permettait de gagner du temps ; 70 % qu'elle leur faisait économiser de l'argent et 85 % reconnaissaient qu'elle leur avait permis de sauvegarder la relation d'affaires, voire pour 35 % qu'elle avait entraîné la naissance d'une nouvelle relation, créatrice de valeur pour l'entreprise. Pourtant, en 2009, seulement 39 % des entreprises françaises utilisaient la médiation, contre 85 % des entreprises américaines. Parmi les entreprises n'y ayant pas recours, 92 % avouaient que la raison en était leur méconnaissance de ce MARL. L'information est donc cruciale en cette affaire. L'étude de 2009 mettait également en exergue que les entreprises utilisaient l'arbitrage davantage en matière internationale et l'arbitrage institutionnel plutôt que l'arbitrage ad hoc.

Enfin, cinq meilleures pratiques, mises en place par les entreprises les plus "dispute wise", avaient été dégagées :
- la mise en place d'une politique de gestion des litiges formelle ou informelle ;
- la formation des équipes juridiques aux MARL ;
- un suivi interne des relations et des contrats ;
- un recours stratégique aux MARL ;
- l'anticipation du recours aux MARL par l'insertion de clauses.

L'étude présentée le 12 juin 2013 a été réalisée auprès d'un panel plus restreint composé des entreprises les plus investies dans le management optimisé des litiges. Les résultats de cette étude révèlent que, dans un contexte de crise économique, l'on assiste à une véritable révolution des mentalités et des comportements dans l'entreprise, dont les avocats doivent prendre la pleine mesure afin d'adapter leurs services en conséquence. L'analyse des résultats de cette enquête approfondie permet de comprendre que les entreprises les plus "dispute wise" considèrent comme un enjeu stratégique majeur de maîtriser la gestion de leurs litiges pour diminuer leurs impacts sur leur image de marque, leur politique sociétale et leur résultat financier. A cet effet, elles ont réorganisé leur département juridique afin que celui-ci soit de plus en plus proche des opérationnels.

Dans cet objectif, cinq constats essentiels émergent de cette analyse :

1. Meilleure organisation des directions juridiques. Ces entreprises anticipent la naissance de ces litiges en améliorant l'organisation de leurs directions juridiques, afin notamment que :
- les juristes soient plus proches des opérationnels et vice versa ;
- les services rendus par leurs équipes soient plus "business oriented" ;
- la résolution des conflits soit prioritairement traitée par des modes alternatifs de règlement des contentieux, afin d'éviter les contentieux destructeurs de valeur.

2. Formation et nouvelles compétences des équipes juridiques : les entreprises forment leurs équipes juridiques et opérationnelles aux MARC pour les mettre en capacité de gérer, avec les bons réflexes, les litiges au sein de l'organisation. Ces dernières ont appris à analyser les erreurs commises par le passé et à en tirer les enseignements afin d'optimiser leur approche et leur technique. Des forums de discussions sont mis en place entre juristes et opérationnels. Ainsi, les directions juridiques sont plus impliquées dans la prévention des risques.

3. Etroite relation avec les avocats : les directions juridiques fonctionnent en équipe avec leurs avocats et ne se contentent plus de se décharger de leurs dossiers de litiges. Elles souhaitent être associées en amont dans la stratégie, puis plus tard, dans la gestion à long terme du dossier. Elles recherchent avec leurs conseils extérieurs les solutions les plus adaptées à leur problématique, en s'assurant que le conseil ne négligera aucune opportunité de mettre en place un dispositif de résolution amiable des litiges lorsque cela s'avèrera possible.
Les entreprises les plus "dispute wise" émettent le souhait que leurs conseils intègrent les contraintes de leur profession, conduisent leurs dossiers en parfaite harmonie avec leur éthique et leur culture qui n'encouragent pas systématiquement le contentieux.

4. Intégration de la direction juridique dans le top management : cette étude témoigne d'un véritable changement culturel des directions juridiques opéré dans le cadre de leurs fonctions ; elles se considèrent elles-mêmes comme des agents du changement pour la conduite d'un meilleur climat des affaires. Aussi, les entreprises s'attachent à intégrer la direction juridique dans les instances décisionnaires du top management pour qu'elle soit associée à toutes les décisions stratégiques de l'entreprise, lui permettant ainsi de mettre en oeuvre des règles de fonctionnement internes favorisant une meilleure gestion des risques.

Ces changements culturels invitent donc les avocats à emprunter la même voie afin de proposer un service adapté aux besoins clairement exprimés. L'objectif clé de l'ensemble des directeurs juridiques et juristes interviewés est d'éviter le contentieux pour préserver la relation d'affaires, confirme Isabelle Vaugon. "En tant qu'avocats formés aux MARC, nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes juridiques internes de nos clients afin de contribuer activement à la gestion des risques et donc à la performance globale de l'entreprise" affirme-t-elle. Elle se félicite également de l'engagement du barreau de Paris dans cette voie qui, sous l'impulsion de son Bâtonnier Madame Christiane Féral-Schuhlb, a pris des initiatives en faveur de la médiation (cf. infra).

Pour Pierre-Jérôme Abric, Directeur juridique contentieux, Groupe Areva, cette étude montre la poursuite d'une mutation bienvenue des directions juridiques pour jouer un rôle toujours plus important dans l'organisation de l'entreprise grâce à un renforcement de leur rôle stratégique. Cette évolution est, selon lui, logique : de plus en plus, les thématiques de prévention et de gestion des risques sont associées à l'amélioration de la performance de l'entreprise. Cette mutation se traduit, dans le rapport, par la présence de termes récurrents : "anticiper", "optimiser", "stratégique", "relation d'affaires", "dimension des affaires", "opportunité", "opérationnel", "solution", etc..
Selon Pierre-Jérôme Abric, la qualification et l'identité du juriste tend à évoluer vers une reconnaissance en tant qu'acteur essentiel des affaires, et non plus comme l'interlocuteur ponctuel pour résoudre un problème précis. Plus proche des opérationnels et des managers, le juriste doit être un interprète ; il doit traduire dans des termes juridiques les problématiques soulevées, puis restituer une solution adaptée dans des termes compréhensibles par des profanes du droit. Si cette proximité entre juristes et opérationnels est bienvenue, il doit éviter certains écueils et notamment conserver son indépendance et son rôle de modérateur.

Christine Guerrier, Directeur Juridique - Résolution des différends et contentieux, Groupe Thalès, confirmant les propos précédents, retient que l'étude de 2013 montre en effet une évolution sensible dans les entreprises, surtout dans la mentalité des juristes qui ne dissocient plus le contentieux de la vie des affaires ; ce dernier fait partie intégrante de la vie normale de l'entreprise et n'est donc plus la seule affaire d'un conseil extérieur. Bien souvent, le principal obstacle à la résolution alternative des litiges était le juriste de l'entreprise, persuadé que l'issue du procès lui sera favorable. En devenant un vrai business partner de l'entreprise, le juriste prend conscience que l'issue favorable d'un procès long, coûteux et destructeur de la relation d'affaires n'est pas nécessairement la solution optimale pour l'entreprise et qu'il est préférable de trouver une solution concrète, rapide et efficace.

Pour Isabelle Hautot, Directrice juridique, Groupe Orange, l'impression générale qui se dégage de l'étude menée par FIDAL et l'AAA est qu'en quelques années l'approche du litige a changé, pour passer du tout contentieux au règlement du conflit "avant qu'il ne dégénère". Ceci traduit tout d'abord le fait que la réaction "d'aller au contentieux", selon l'expression couramment utiliser par les praticiens, est désormais perçue comme une attitude belliqueuse, liée à un champ de vision restreint, donc insuffisant. Elle n'est donc plus légitime d'emblée et doit pour cela paraître murie et passer en quelque sorte au "tamis" d'une évaluation globale des enjeux, des risques et des solutions alternatives. Dès lors, pour Isabelle Hautot, la conséquence est que l'on est sorti de l'alternative simpliste entre des négociations, généralement assez bâclées et purement financières, et une solution purement contentieuse. La seconde conséquence de cette nouvelle approche du litige est qu'est désormais privilégiée l'analyse des risques la plus précoce et la plus globale possible, permettant ainsi d'ouvrir la palette des solutions à un conflit enfin perçu dans sa complexité, alors que, par définition, le contentieux signifie prisme légal et donc restriction des termes du litige. Le recours aux MARC n'a donc plus comme vocation de palier les inconvénients des systèmes judiciaires mais de fournir des solutions appropriées à une nouvelle appréhension du conflit dans sa précocité et sa globalité. De cela nait un changement de vision du conflit et du rôle du droit : le droit dans l'entreprise était traditionnellement considéré à l'aune du traitement des contentieux, donc appréhendé comme la solution d'un élément négatif, alors que désormais il tend à être perçu comme le cadre créateur et protecteur de la valeur de l'entreprise.

La direction juridique d'une société est responsable in fine du traitement des questions juridiques : elle est responsable de la mise en musique des accords ; elle est responsable de la formation pertinente des managers et des dirigeants ; elle est responsable de l'appréciation exacte des risques et de la solution raisonnée des conflits. La direction juridique étant ainsi responsable du résultat, bon ou mauvais, elle doit être responsable de ses moyens internes et externes. Sur les moyens externes, il s'en infère immédiatement que le directeur juridique doit être libre du choix des conseils. En amont de ce choix, le directeur juridique doit non seulement détecter et mettre en forme les conflits, mais il décide aussi du mode de résolution des conflits. "Le juriste en entreprise ne doit donc pas être celui qui répond aux questions, mais celui qui les pose", affirme Isabelle Hautot. Le but est que le conseil externe et le conseil interne forment une véritable équipe, pour laquelle la direction juridique est responsable de sa composition, de ses orientations et de sa stratégie. Pour un fonctionnement optimal de cette équipe, sont notamment indispensables : une définition claire des rôles de chacun, l'existence d'un lien de confiance absolue, le partage d'une même vision, une discussion et une entente sur les choix stratégiques.

La direction juridique attend rarement du conseil extérieur qu'il porte un "diagnostic de médecine interne", mais qu'il réponde à des questions largement élaborées en amont dont conseil interne et conseil extérieur vont vérifier ensemble la pertinence. Les qualités attendues du conseil extérieur sont donc celles qui conditionnent l'excellence de la relation : reconnaissance réciproque des compétences et des rôles de chacun à proportion de la complexité des dossiers, relation de pairs plutôt que de client à fournisseur, capacité d'écoute, d'entendre et de confronter des visions différentes et capacité de passer de positions strictement juridiques à la compréhension des besoins de la société. Bien entendu, le conseil extérieur doit revêtir des qualités plus personnelles : compétence, qualité d'exigence, acuité, hauteur de vue, esprit de synthèse, autonomie et modestie. Au-delà de garantir un succès sur un dossier, ces qualités permettent l'approfondissement et la pérennisation de la relation avec le conseil extérieur.

Pour Isabelle Hautot, conseil interne et conseil extérieur d'une entreprise exercent le même métier mais qui recouvre des fonctions et des rôles très étroitement complémentaires, qui font la force de l'équipe en question. Aussi, l'absence de statut pour le juriste d'entreprise est, selon elle, une ineptie qui a pour conséquence absurde l'absence de legal privilege. Or, la reconnaissance de ce dernier revêt un intérêt particulier car il permettrait d'identifier le rôle du droit dans l'entreprise et de percevoir les équipes formées par les juristes et les avocats extérieurs comme homogènes, guidées par une vision synthétique et à long terme des problèmes, ce qui caractérise la vision des juristes là où les visions des opérationnels sont essentiellement à court terme.

La relation entre le juriste et le conseil extérieur devrait évoluer vers toujours plus de complémentarité et d'égalité, s'inscrivant dans la tendance générale d'une demande de plus en plus importante des sociétés, elles-mêmes, d'information, de maîtrise des risques et des considérations stratégiques, le contentieux devenant lui-même un outil stratégique. La notion de résolution des conflits supplante ainsi celle de gestion des contentieux. Dès lors, ce qui fait la singularité et le caractère du juriste interne est qu'il est au fait des enjeux, mais la distance qu'il doit conserver afin d'avoir la vision la plus objective possible est un jeu souvent subtil, dans lequel le conseil extérieur joue également un rôle important.

Pour Hervé Delannoy, Président de l'AFJE, la formation du juriste d'entreprise est une question cruciale. Sa formation juridique initiale n'est pas suffisante ; il est indispensable qu'il bénéficie d'une formation complémentaire, notamment en finance, gestion, management, négociation, etc., car il s'agit d'un métier qui a besoin d'autres apports que le droit. En outre, le contenu du métier évolue et touche désormais, notamment la gestion et la cartographie des risques, ce qui se traduit par une évolution de l'organisation des directions juridiques.

Le statut du juriste d'entreprise est une question souvent méconnue. Le juriste français doit d'abord être attentif à ce que son métier, exercé dans un contexte international, reste compétitif. Etre compétitif ne signifie pas être au même niveau que les juristes étrangers mais les dépasser et avoir des atouts supérieurs. Or, malgré la très grande hétérogénéité des statuts, ne serait-ce qu'au sein de l'Union européenne, aujourd'hui, celui du juriste d'entreprise en France constitue un frein à cette compétitivité. Le combat pour le statut d'avocat en entreprise ou pour la confidentialité ne doit pas être considéré comme la défense d'un intérêt corporatiste mais comme celle de l'intérêt de l'entreprise elle-même. En effet, si en France, la pratique du droit n'est pas suffisamment sécurisée, il y a de fortes chances pour qu'elle se délocalise à l'étranger et que les grandes entreprises internationales n'implantent pas leur siège social sur le territoire français. Les entreprises préfèreront recruter des juristes étrangers qui auront le réflexe de pratiquer le droit et de travailler avec des cabinets d'avocats de leur Etat d'origine, ce qui se traduira inéluctablement par une moins grande influence du droit français, notamment face au droit anglo-saxon.

Se pose également le problème, pour les juristes français, du droit de pratiquer leur profession sur le sol d'un autre Etat. En effet, alors que les juristes américains peuvent travailler sur le sol français, la réciproque est impossible. Ainsi, si l'ABA (association du barreau américain) autorise les juristes étrangers à exercer sur le sol américain, elle soumet cette possibilité à leur inscription à un barreau. Or, le juriste français non-avocat, mais aussi le juriste français avocat ne pourront pas exercer sur le sol américain, dès lors que la prise de telles fonctions est conditionnée pour ce dernier par l'omission du barreau français. Cette situation fort regrettable du juriste français n'est pas bonne pour les juristes mais n'est pas bonne non plus pour le rayonnement et la compétitivité du droit français. Face à ce constat plutôt négatif, des jours meilleurs sont toutefois à attendre pour les juristes d'entreprises et il est fort à parier que cette évolution positive attendue vienne de l'Union européenne.

Madame le Bâtonnier du barreau de Paris, Christiane Féral-Schuhl, a souhaité que l'année 2013 soit l'année de la médiation pour le barreau de Paris. Selon elle, la sensibilisation des acteurs du monde juridique et économique à ce MARL passe nécessairement par la formation. Cette dernière permet notamment de comprendre toute la dimension psychologique d'un dossier ; elle offre aussi un nouveau regard sur la justice. Madame le Bâtonnier a salué l'envergure des travaux réalisés par FIDAL et l'AAA, tout comme l'ensemble des initiatives en faveur des MARL. Celles-ci traduisent inexorablement la parfaite conscience qu'ont les acteurs économiques de l'intérêt qui est le leur de maîtriser et d'emprunter, en concertation et coopération avec les avocats, la voie de la médiation pour optimiser le management des litiges. Christiane Féral-Schuhl se réjouit de l'essor pris par la médiation, bien que tous n'aient pas encore pris la mesure du rôle qu'elle peut jouer, tout particulièrement au sein de l'entreprise. Certes les entreprises ont appréhendé ce mode de management des litiges, mais le conflit reste encore trop omniprésent et le recours à la médiation trop tardif, souvent en cours de procédure. Or, la clé de la médiation est sa capacité à imaginer un futur, à forcer à innover, là où le contentieux met un point final aux relations entre les parties. La médiation suppose une vraie coopération entre les avocats et les directions juridiques, ces dernières ne devant pas considérer leurs conseils extérieurs comme de simples professionnels du contentieux, incapables d'être des prescripteurs de modes alternatifs de règlement des conflits et de trouver une issue amiable à leur litige. Les avocats sont des alliés précieux des directions juridiques ; ils doivent pour cela avoir pleinement conscience que la médiation tend à minorer les conséquences financières, sociales et affectives des litiges. Juristes et avocats doivent bâtir ensemble cette justice consensuelle qui est un atout pour les justiciables et qui permet à l'avocat de s'investir différemment auprès des directions juridiques.

Le barreau de Paris, sous l'impulsion de son Bâtonnier, a lancé plusieurs initiatives en faveur de la médiation notamment, avec la création d'une école de la médiation, dans le cadre de la formation continue à l'EFB, ou encore la volonté de rapprocher les différents centres et associations de médiation, grâce, en particulier, au travail accompli par Maître Michèle Jaudel, avocat au barreau de Paris, médiateur, responsable de la Commission ouverte médiation du barreau de Paris et déléguée de Madame le Bâtonnier à la médiation. En effet, selon Christiane Féral-Schuhl, fédérer l'ensemble des initiatives isolées ne peut que renforcer la voix des promoteurs de ce MARL et assurer l'émergence de bonnes idées.


(1) A propos de Fidal : Fort de ses 1 350 juristes et fiscalistes, FIDAL est le premier cabinet d'avocats d'affaires français. Il dispose de 90 bureaux en France et d'un réseau de 150 correspondants dans le monde entier. Son département Règlement des contentieux, composé de 150 avocats, a pour ambition de proposer à ses clients les modes de résolution des litiges les plus rapides, les moins coûteux et les plus appropriés pour chaque différend. Les avocats contentieux de FIDAL sont formés à la médiation depuis plus de 15 ans. FIDAL est classé premier cabinet d'avocats français expert en médiation (Décideurs).
(2) A propos de l'American Arbitration Association : Leader mondial du management de conflits depuis 1926, l'American Association Arbitration (AAA) est une association à but non lucratif, proposant des services de résolution des litiges et notamment d'arbitrage, médiation, conciliation, négociation et d'autres procédures volontaires.

newsid:438147

Juristes d'entreprise

[Focus] Déontologie du juriste d'entreprise en Belgique - Tour d'horizon des règles de déontologie établies par l'Institut des Juristes d'Entreprise (IJE) de Belgique

Lecture: 2 min

N8053BTG

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par Christian Jammaers, membre du Bureau et du Conseil de l'IJE, responsable du cours de déontologie

Le 27 Mars 2014

En Belgique, la profession de juriste d'entreprise est régie par la loi du 1er mars 2000, créant un Institut des juristes d'entreprise (IJE). Les objectifs de cette loi sont notamment de "garantir la compétence, l'honorabilité et l'indépendance intellectuelle et technique du juriste d'entreprise par la protection du titre".

L'Institut des juristes d'entreprise est une personne morale de droit public. Il est revêtu des atours d'un véritable ordre professionnel. Comme pour les autres professions réglementées par la loi, l'Institut des juristes d'entreprise a reçu la mission légale "d'établir les règles de déontologie régissant l'activité de juriste d'entreprise et d'en assurer le respect". L'Institut a adopté un Code de déontologie et un règlement de discipline. Il a rendu obligatoire un cours de déontologie du juriste d'entreprise pour tous ses membres. Le titre de juriste d'entreprise est réservé aux personnes qui remplissent les conditions visées par la loi dont celles d'être lié par un contrat de travail ou un statut (administratif) à un employeur, de fournir en faveur de cet employeur une assistance juridique et d'assumer principalement des responsabilités se situant dans le domaine du droit.

Le juriste d'entreprise est tenu d'informer l'Institut de tout élément nouveau (changement de fonction ou d'employeur...) susceptible d'avoir une incidence sur sa qualité de juriste d'entreprise et d'avertir le président du conseil de l'Institut par écrit dès qu'une procédure judiciaire en relation avec sa profession ou susceptible de porter atteinte à la dignité de la profession est ouverte contre lui.

Le lien de subordination ne diminue en rien l'indépendance intellectuelle du juriste d'entreprise : "Le juriste d'entreprise exerce sa profession en toute indépendance intellectuelle. Il est conscient que la valeur de ses avis repose sur une objectivité et une intégrité intellectuelle absolues et s'engage à respecter ces principes, quelles que puissent être les circonstances ou les influences auxquelles il pourrait être soumis" (Code de déontologie, art. 4).

Ceci comporte des exigences particulières de professionnalisme dans l'exercice de la profession : "Le juriste d'entreprise est conscient que l'objectivité et la qualité de ses avis sont à la fois fonction d'une connaissance approfondie de la loi, de l'entreprise dans laquelle il exerce sa fonction et du secteur dans lequel cette entreprise évolue. [...] Le juriste d'entreprise exerce sa profession avec discernement, diligence et prudence. Il défend avec loyauté et bonne foi les intérêts de son entreprise, [...], il s'efforce de recourir, dans les avis et les conseils qu'il donne, à un langage clair et s'assure que la teneur de ses avis est bien comprise par ses interlocuteurs" (Code de déontologie, art. 5).

La loi garantit, par son article 5, la confidentialité des avis du juriste d'entreprise. Il s'agit là d'une caractéristique essentielle de la profession qui la distingue des autres juristes "en" entreprise, qui ne sont pas tenus à notre déontologie.

La cour d'appel de Bruxelles, dans son arrêt du 5 mars 2013, l'exprime en ces termes : "Les employeurs qui s'adressent aux juristes d'entreprise dans les conditions prévues par l'article 5 de la loi, doivent avoir la certitude qu'ils peuvent leur confier des demandes d'avis sans dangers de révélation à des tiers".

La confidentialité de nos avis garantie par la loi, ainsi que leur insaisissabilité, notre devoir de discrétion et le titre que nous portons exigent que notre comportement soit irréprochable et digne.

Le non-respect de ces règles entraîne les sanctions disciplinaires prononcées par les organes disciplinaires qui sont composés de magistrats. La loi a prévu deux instances en charge du suivi de la discipline : la commission de discipline (composée d'un président, juge au tribunal de première instance, et deux juristes d'entreprise) et la commission d'appel (composée d'un président, conseiller auprès d'une cour d'appel, d'un juge au tribunal de commerce et d'un juge au tribunal du travail et deux juristes d'entreprise).

La déontologie de notre profession, à laquelle notre Institut accorde la plus grande attention, doit baliser notre manière d'agir en tant que juriste d'entreprise. Elle nous permet également de définir notre place aux côtés des autres professions réglementées et oeuvrant à l'intérêt général.

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Juristes d'entreprise

[Jurisprudence] La reconnaissance du secret professionnel aux avis des juristes d'entreprise : la cour d'appel de Bruxelles franchit le pas

Lecture: 9 min

N8050BTC

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par Damien Gerard, Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP (Bruxelles) *

Le 27 Mars 2014

Suivant en cela une longue tradition de défense des intérêts des juristes d'entreprise, Cleary Gottlieb a représenté, pro bono, l'Institut belge des Juristes d'Entreprise (IJE) dans l'affaire commentée.

En Belgique, point de débats sur la constitution d'une "grande profession du droit". Depuis l'an 2000, le législateur belge reconnaît un statut particulier aux juristes d'entreprise, lié à leur adhésion à l'Institut des Juristes d'Entreprise (1), Ordre professionnel doté de missions légales dont celles d'octroyer le titre de juriste d'entreprise, d'établir des règles déontologiques et d'en assurer le respect. Paradoxalement, l'établissement par la loi d'un Ordre professionnel indépendant a eu tendance à rapprocher juristes d'entreprise et avocats. Ce rapprochement s'étend aujourd'hui à la protection de leurs avis juridiques en cas de perquisition. Aux termes d'un arrêt de principe rendu le 5 mars 2013, la cour d'appel de Bruxelles a reconnu aux avis juridiques des juristes d'entreprise membres de l'Institut belge des Juristes d'Entreprises (IJE) une protection équivalente au secret professionnel de l'avocat. Cet arrêt a été rendu dans le cadre d'un litige opposant l'opérateur historique de téléphonie Belgacom au Conseil de la concurrence belge (CCB), survenu à la suite d'une perquisition effectuée dans les bureaux de Belgacom en octobre 2010. A cette occasion, le CCB avait procédé à une saisie informatique de plusieurs milliers de fichiers, comprenant des dizaines de courriels échangés par/avec des juristes d'entreprises. Face au refus du CCB d'écarter des débats une série de documents considérés comme tombant hors du champ de l'enquête ("out-of-scope"), ainsi que la correspondance de ses juristes d'entreprise, Belgacom forma un recours devant la cour d'appel de Bruxelles.

L'arrêt commenté a d'importantes implications au niveau belge, dans la mesure où il clarifie l'étendue de la "confidentialité" reconnue par la loi aux avis juridiques des juristes d'entreprise. Cependant, il est également susceptible d'avoir un impact au niveau européen. D'une part, il rejette expressément l'application de la jurisprudence "Akzo" de la Cour de justice de l'Union européenne aux enquêtes nationales de concurrence (2), quant bien même ces dernières viseraient à établir des infractions au droit européen. D'autre part, l'arrêt pourrait réactiver le débat européen sur la reconnaissance du legal privilege aux juristes d'entreprises, dans la mesure où il déduit la protection des avis des juristes d'entreprises en cas de perquisition de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX).

La note suivante présente le contexte de l'affaire en cause, avant de résumer le raisonnement de la cour d'appel et d'analyser les implications de l'arrêt.

1 - Le contexte de l'affaire

La loi belge du 1er mars 2000, créant l'Institut de Juristes d'Entreprise, dispose en son article 5 que : "[L]es avis rendus par le juriste d'entreprise, au profit de son employeur et dans le cadre de son activité de conseil juridique, sont confidentiels". Le contenu et les effets de cette "confidentialité" reconnue par la loi ont cependant fait l'objet de nombreux débats. Ces débats se sont cristallisés sur les enquêtes de concurrence après l'annonce par le CCB en 2008 de sa décision de ne plus faire bénéficier les avis des juristes d'entreprise d'une immunité de saisie, à la suite de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne, rendue dans l'affaire "Akzo".

La légalité de cette décision du CCB n'avait encore jamais été testée en justice, jusqu'à ce que Belgacom introduise un recours en 2010 à l'encontre du refus d'écarter des débats les avis de juristes d'entreprise saisis au cours d'une perquisition effectuée dans ses bureaux au mois d'octobre de la même année (3). Toutefois, le litige entre Belgacom et le CCB portait également sur d'autres éléments dont le caractère "out-of-scope" de nombreux fichiers numériques saisis au cours de la perquisition, la langue de la procédure et même la compétence de la cour d'appel de Bruxelles pour trancher ces questions.

Saisie du recours de Belgacom, la cour d'appel a, d'abord, rendu un jugement interlocutoire ordonnant la suspension de la transmission des documents litigieux aux agents du CCB chargés de l'enquête (4). La cour d'appel a ensuite interrogé la Cour constitutionnelle belge sur sa compétence. Une fois sa compétence confirmée, la cour a ensuite invité les parties à échanger leurs conclusions sur le fond des questions soulevées. C'est à ce stade que l'IJE décida, pour la première fois, d'intervenir dans le cadre d'une procédure judiciaire, au soutien de la position de Belgacom, selon laquelle la confidentialité des communications adressées à et émanant de(s) juristes d'entreprise fait obstacle à leur saisie dans le cadre d'une procédure nationale de concurrence.

Devant la cour d'appel, le CCB a fait valoir qu'il convenait -en droit ou à tout le moins en opportunité- d'appliquer la jurisprudence "Akzo" à une enquête nationale visant à établir une infraction au droit européen de la concurrence (en l'espèce, l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne N° Lexbase : L2399IPK). En revanche, Belgacom et l'IJE considéraient que la jurisprudence "Akzo" n'était pas applicable aux enquêtes des autorités nationales de concurrence, quand bien même celles-ci viseraient à établir une infraction au droit européen, et, en particulier, que les avis juridiques des juristes d'entreprise ne pouvaient être saisis au regard de la confidentialité qui leur est reconnue par la loi belge du 1er mars 2000 et/ou des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 de la CESDH (protégeant le droit à un procès équitable et le droit à la vie privée, respectivement).

2 - Le raisonnement de la cour d'appel

La cour d'appel a procédé en cinq étapes pour arriver à la conclusion que les avis des juristes d'entreprise méritaient une protection équivalente au secret professionnel en droit belge.

  • Premièrement, la cour considère que le secret professionnel qui s'attache à la correspondance entre un avocat et son client constitue un droit fondamental découlant de l'article 8 de la CESDH protégeant le droit à la vie privée, ainsi que de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
  • Deuxièmement, la cour rejette l'argument de Belgacom et de l'IJE, selon lequel les avis des juristes d'entreprise tombent dans le champ d'application de l'article 458 du Code pénal, qui constitue la base juridique historique du secret professionnel en Belgique. L'arrêt indique qu'en 2000, le législateur belge aurait intentionnellement préféré avoir recours à la notion de "confidentialité" plutôt qu'à une référence à l'article 458, afin de qualifier la protection dont bénéficient les avis des juristes d'entreprise. L'arrêt considère d'ailleurs que l'article 458 ne peut s'appliquer qu'aux membres des professions vers lesquelles il est "nécessaire" de se tourner, ce qui ne serait pas le cas des juristes d'entreprise aux fins d'obtenir un avis juridique (5).
  • Troisièmement, la cour d'appel précise que, selon les travaux préparatoires de la loi du 1er mars 2000, les juristes d'entreprise remplissent une mission d'intérêt général "en permettant une correcte application de la loi par les entreprises". C'est dans le cadre de l'exécution de cette mission, qui se traduit par la fourniture d'avis juridiques, que les communications de et avec les juristes d'entreprises méritent d'être protégées. Néanmoins, la cour interprète largement la notion d'avis juridique comme incluant "la demande d'avis, les correspondances échangées au sujet de la demande, les projets d'avis ainsi que les documents préparatoires à l'avis".
  • Quatrièmement, la cour d'appel estime qu'au regard de la mission d'intérêt général des juristes d'entreprise, refuser une protection équivalente au secret professionnel à leurs avis juridiques constituerait une ingérence disproportionnée dans la vie privée des entreprises dont le respect doit être assuré en vertu de l'article 8 de la CESDH. A l'appui de son raisonnement, la cour d'appel considère que : (i) les employeurs doivent avoir la certitude qu'ils peuvent confier aux juristes d'entreprise des demandes d'avis sans danger de révélation à des tiers ; et (ii) toute interférence avec la confidentialité de leurs avis juridiques "toucherait à l'essence même de la mission du juriste d'entreprise".
  • Cinquièmement, l'arrêt rejette l'application de la jurisprudence "Akzo" dans les procédures nationales de concurrence, en ce compris lorsque le CCB vise à établir une infraction au droit européen de la concurrence. Selon la cour d'appel, l'appartenance du CCB, d'une part, et de la Commission européenne, d'autre part, à des ordres juridiques distincts justifie des pratiques différentes quant à la protection à accorder aux avis des juristes d'entreprise. Elle souligne à cet égard que le droit européen prévoit lui même l'application de la législation nationale à toute perquisition effectuée "sur la demande de la Commission" (6). Contrairement à la solution qui prévaut au niveau européen, indique la cour, "le législateur fédéral belge a opté pour l'instauration du principe de la confidentialité nonobstant l'existence d'une relation d'emploi".

La cour d'appel conclut que la saisie d'avis juridiques rendus par les juristes d'entreprise de Belgacom constitue une violation de l'article 8 de la CESDH et considère, en conséquence, que lesdits avis "ne peuvent figurer au dossier de l'instruction et dès lors doivent être effacés".

3 - Les implications de l'arrêt

Bien qu'il puisse encore faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation belge, l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles a des implications significatives, en ce compris en-dehors du contexte belgo-belge. Certes, l'arrêt confirme, tout d'abord, après des années d'insécurité juridique, que la confidentialité des avis des juristes d'entreprise (membres de l'IJE) implique également une interdiction de saisie et donc s'apparente au secret professionnel. Cette protection s'étend en outre aux demandes d'avis, aux correspondances afférentes et aux actes préparatoires. Un raisonnement par analogie conduit également à considérer que la protection conférée aux avis des juristes d'entreprises s'étend au-delà du domaine du droit de la concurrence, dans la mesure où l'article 8 de la CESDH est d'application générale et où ses effets ne varient pas en fonction de la nature de l'action publique (civile, administrative ou pénale).

Cela dit, l'arrêt pourrait aussi avoir plusieurs implications intéressantes au niveau européen. D'une part, il rejette expressément l'applicabilité de la jurisprudence "Akzo" aux procédures nationales de concurrence, même lorsque ces procédures visent à établir une infraction au droit européen. De la même manière, l'arrêt confirme que la loi nationale s'applique (et donc que la protection des avis des juristes d'entreprise doit être garantie), dès lors que l'autorité nationale procède à une inspection à la demande de la Commission européenne (mais pas lorsqu'elle ne fait que prêter assistance aux agents de la Commission dans le cadre d'une perquisition ordonnée au niveau européen) (7).

D'autre part, et plus fondamentalement, le fait que la cour d'appel ait fondé la protection des avis des juristes d'entreprise sur l'article 8 de la CESDH, en mentionnant son équivalent dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ouvre de nouvelles pistes pour défendre la reconnaissance de cette protection au niveau européen à un moment où l'Union européenne est sur le point d'adhérer à la CESDH. Néanmoins, tant que plusieurs Etats membres n'auront pas décidé de faire évoluer leur cadre réglementaire national dans la direction d'une protection des avis des juristes d'entreprise, un changement de position de la CJUE demeure aléatoire.

L'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles démontre, enfin, la pertinence du modèle belge d'organisation de la profession de juriste d'entreprise autour d'un ordre professionnel distinct du barreau, doté d'une déontologie et de structures propres. Ce modèle est susceptible d'apporter des garanties suffisantes en termes d'indépendance fonctionnelle des juristes d'entreprise de nature à "préserver l'intérêt général en permettant une application correcte de la loi par les entreprises" et, de ce fait, à justifier l'octroi d'une protection spécifique à leurs avis juridiques. Il constitue, dès lors, une réelle alternative au modèle du rapprochement institutionnel entre juristes d'entreprise et avocats et donc à celui des avocats salariés en entreprise. A cet égard, il est intéressant de constater que la Cour suprême néerlandaise (Hoge Raad) a jugé, dans un arrêt du 15 mars 2013, que les avocats pratiquant en entreprise ("advocaat in loondienst") disposaient des mêmes droits que les avocats indépendants -en ce compris en terme de secret professionnel-, dans la mesure où l'employeur reconnaît contractuellement l'assujettissement de l'avocat aux règles déontologiques édictées par l'association des barreaux néerlandais et s'engage à garantir l'indépendance de ce dernier (8). Deux modèles différents d'organisation, pour un résultat au final comparable : les avis des juristes d'entreprise soumis à des règles déontologiques strictes garantes de leur indépendance doivent bénéficier d'une protection excluant leur saisie par les autorités publiques.


(1) Loi du 1er mars 2000, créant un Institut des Juristes d'Entreprise, M.B., 4 juillet 2000, p. 23252. Pour plus d'informations, voy. Le site internet de l'IJE.
(2) Pour rappel, la jurisprudence "Akzo" refuse toute protection aux communications impliquant des juristes exerçant leur activité dans le cadre d'une relation d'emploi (cf. TPICE, 17 septembre 2007, T-125/03 et T-253/03 N° Lexbase : A2206DYD, 2007, Rec. p. II-3523 ; CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P N° Lexbase : A1978E97, 2010, Rec. p. I-8301).
(3) Le litige portait sur 194 courriels concernant des demandes d'avis ou des avis de juristes d'entreprise de Belgacom postérieurs à 2008, ainsi que sur trois courriels antérieurs à 2008 dont le CCB estimait qu'ils ne contenaient pas d'avis juridique et dont Belgacom estimait qu'ils n'avaient pas de lien avec l'affaire.
(4) Dans ce jugement interlocutoire, la cour d'appel de Bruxelles avait déjà laissé entendre que le principe posé dans l'arrêt "Akzo" "ne semblait pas" applicable aux procédures diligentées par le CCB (au contraire de celles diligentées par la Commission européenne).
(5) Dans d'autres domaines, la jurisprudence a toutefois fait référence à l'article 458 du Code pénal belge pour écarter l'admissibilité d'avis de juristes d'entreprise en tant qu'éléments de preuve. En tout état de cause, l'article 458 du Code pénal ne fait que sanctionner pénalement la divulgation de "secrets" confiés aux titulaires de certaines professions, en ce compris les docteurs et pharmaciens, et ne dit rien au sujet d'une possible interdiction de saisie en cas de perquisition par une autorité publique. De ce fait, les Présidents des sections francophone et néerlandophone du barreau de Bruxelles ont publié une note conjointe en 2012, considérant que l'article 458 du Code pénal ne constituerait pas une base juridique appropriée pour le secret professionnel, qui devrait plutôt trouver son fondement dans les articles 6 et 8 de la CEDH (cf. J.-P. Buyle and D. van Gerven, Le fondement et la portée du secret professionnel de l'avocat dans l'intérêt du client, J.T., 2012, p. 327).
(6) Article 22 § 2 du Règlement 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102] du [TFUE] (N° Lexbase : L9655A84), JOUE, L 1 du 4 janvier 2003, p. 1.
(7) Idem, contra art. 20 § 5.
(8) Hoge Raad (Cour suprême néerlandaise), aff. 12/02667, Delta et al., 15 mars 2013 (disponible sur www.rechtspraak.nl, ref. LJN:BY6101).

Cet article est tiré du Juriste d'entreprise Magazine n° 17, édité par l'AFJE, juillet 2013.

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Procédure

[Brèves] Contribution pour l'aide juridique : rejet d'office sans demande de régularisation préalable de la requête introduite par un avocat

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 359420, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0070KKS)

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Le 04 Septembre 2013

Une requête pour laquelle la contribution pour l'aide juridique est due et n'a pas été acquittée est irrecevable ; la juridiction peut la rejeter d'office sans demande de régularisation préalable, lorsqu'elle est introduite par un avocat. Tel est le principe exposé par le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 17 juillet 2013 (CE 1° et 6° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 359420, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0070KKS ; cf. les Ouvrages "Procédure administrative" N° Lexbase : E3666EX3 et "La profession d'avocat" N° Lexbase : E5926ETN). Le Haut conseil précise ainsi que la circonstance que cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte en cours d'instance ne fait pas obstacle à ce qu'une requête, introduite par un avocat et pour laquelle la contribution n'a pas été acquittée, soit regardée comme entachée d'une irrecevabilité manifeste. Et, il en va ainsi même si, eu égard à l'objet de la contribution et à la généralité de l'obligation posée par la loi fiscale, aucune irrecevabilité résultant du défaut de versement de la contribution pour l'aide juridique ne peut être relevée d'office par les juridictions sans que le requérant ait été préalablement mis en mesure, directement ou par l'intermédiaire de son avocat, professionnel averti, de respecter la formalité exigée. En outre, il ne résulte d'aucune disposition, ni d'aucun principe qu'une requête entachée d'une telle irrecevabilité ne pourrait être rejetée avant l'expiration du délai de recours. Enfin, les dispositions de l'article R. 411-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1542IRK) permettent au juge de ne pas inviter l'auteur de la requête à la régulariser ; et l'on ne peut utilement se prévaloir des recommandations adressées par le secrétaire général du Conseil d'Etat aux présidents de tribunaux administratifs pour la mise en oeuvre des dispositions de cet article.

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