Le Quotidien du 29 septembre 2022

Le Quotidien

Éditorial

[A la une] Merci Monsieur le Président. Au revoir l’Ami

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N2724BZW

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par Fabien Girard, Directeur de l'Information et du Développement, membre du Directoire

Le 13 Octobre 2022

« La boîte vocale de votre correspondant contient trop de messages. Vous ne pouvez pas en déposer de nouveau. Nous sommes désolés et vous invitons à le rappeler ultérieurement… bip-bip ».

Scène d’une vie ordinaire d’un homme extraordinaire, sans doute l’homme le plus occupé du monde juridique et à la fois le plus disponible pour chacun de nous. L’Humanisme, c’est lorsque l’on place l’Homme au centre de toutes ses considérations et assurément cet homme-ci avait fait, comme on disait dans l’Ancien monde, ses humanités, en pension chez les jésuites. Il était empreint de noblesse (de robe, fils de magistrats), d’épée (il savait quand et avec qui ferrailler), d’un verbe acerbe et souvent juste, d’une morgue nécessaire pour conduire une aventure folle comme la première legaltech française… en 2000. Président de Lexbase, de Lexbase continental, de l’ADIJ, juge consulaire, il ne cherchait pas les titres pour les honneurs, et encore moins les honneurs pour la déférence… mais pour agir. Le « Président en mouvement » était sa devise, l’immobilisme et le conservatisme sa hantise.

Quel culot d’aller à la rencontre de ces Mesdames et Messieurs les présidents de juridictions, en 2001, pour les convaincre que l’accès à la jurisprudence était l’affaire de tous, et qu’il fallait libérer, diffuser le droit pour que le foisonnement de notre Justice civilisationnelle triomphe, d’abord en France, puis dans le reste de la francophonie ! Quelle audace d’aller imposer, en 2004, la mutualisation de l’information et du droit et ce faisant, de la sécurité juridique, comme bien commun de tous les avocats, dans tous les barreaux à travers le monde, à l’heure de l’individualisme, de la concurrence exacerbée et de la marchandisation du Droit ! Quel panache de partir à la conquête, sur son immanquable vélo pliable, pendant 22 ans, de la digitalisation d’un monde feutré bien campé sur son maroquin, sans pour autant le bousculer, le chahuter, à force de délicatesse pleine de respect et de considération !

Il était le savoir-être, le savoir-vivre et le savoir-faire au service d’un collectif dont il a su ne jamais oublier l’importance. Du stagiaire au Comex, jamais un mot pour tous, plutôt un mot pour chacun : pour qu’il soit habité, comme lui, par ce supplément d’âme de l’Édition, du Droit et de la Civilisation. L’homme aux impeccables cravates Hermès savait retrousser ses manches pour porter les valises pleines de décisions de justice, dans un train bondé, dans une soute avec escale, pour enrichir la réflexion des professionnels du droit, de vous chers et chères Avocat(e)s. Il savait enfiler le tablier pour servir à chacun une coupe de champagne pour témoigner sinon d’une amitié sincère, du moins d’une relation franche. Côtoyant les présidents de la République, les ministres de la Justice, les présidents de Cour de cassation, de cours d’appel ou du TJ de Sarreguemines : il savait mettre en valeur son interlocuteur, s’effacer et ne pas en montrer. Lexbase est l’École de l’humilité se plaisait-il à répéter. Alors ceux qui le connaissaient au quotidien savent qu’il n’était pas empreint d’une fausse humilité calculatrice ; mais, en revanche, qu’il se savait « petit » face à l’incroyable mission qu’il s’était donnée de porter haut et fort le Droit continental à travers le monde de la francophonie.

Je vous mets au défi de trouver autour de vous un manager qui n’ait, comme lui, jamais craint la vie. Un Président qui savait prendre tous les risques, innover, sans franchir la ligne rouge, qui savait anticiper, sans décréter sa vision d’une édition juridique plus dynamique, plus en phase avec les attentes des professionnels, plus à l’écoute de la jeune génération de juristes. Un rhéteur qui savait convaincre son auditoire sans user d’artifices, en chérissant l’éthique et pariant sur l’intelligence et la perspicacité des clients et non sur l’enfumage. Les feux follets très peu pour lui, les feux de la rampe plus volontiers et encore, le feu sacré de Lexbase d’une infaillible fidélité.

Itinéraire d’un enfant gâté, j’aurais préféré qu’il disparaisse dans la savane africaine pour nous revenir tel Sam Lion, professer à notre oreille les conseils d’un sage avant l’heure, sur fond d’humour cultivé, de réflexion rigoureuse, de bienveillance naturelle. Ne mentons pas à nos lecteurs, il ne faisait pas l’unanimité, mais il était unanimement reconnu et admiré pour sa témérité, sa persévérance, son courage, son intelligence, sa finesse d’esprit, son sens de la fête. Faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux, tendre la main et accompagner plutôt que de commander par oukase.

Moi si j’étais Président, je serais… Fabien Waechter.

newsid:482724

[Brèves] Proportionnalité du cautionnement : précisions sur l’absence d’obligation pour le créancier de vérifier l’exactitude des éléments figurant sur la fiche de renseignement

Réf. : Cass. com., 21 septembre 2022, n° 21-12.218, F-B N° Lexbase : A25238KN

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N2707BZB

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par Vincent Téchené

Le 28 Septembre 2022

► Les éléments figurant dans la fiche de renseignement remplie par la caution qui n’étaient affectés d'aucune anomalie apparente permettant de considérer que l'engagement souscrit n'est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des sommes mentionnées dans ladite fiche, correspondant à d’autres éléments d’actif de la caution.

Faits et procédure. Fort classiquement, une société a ouvert un compte dans les livres d’une banque. Une personne s'est alors rendue caution des engagements de cette société au profit de la banque dans la limite de 360 000 euros. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution, qui lui a opposé la nullité de son engagement ainsi que sa disproportion.

La cour d’appel ayant notamment retenu que le cautionnement n’était pas disproportionné, la caution a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation constate que l’arrêt d’appel a relevé que la caution a certifié l'exactitude des renseignements mentionnés dans la fiche patrimoniale. Il retient alors que, même en faisant abstraction des sommes indiquées au titre des participations détenues par ce dernier dans le capital de deux sociétés, de celles inscrites en compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et de leurs bénéfices, l'engagement litigieux ne présente aucun caractère excessif au regard des valeurs déclarées au titre du bien immobilier, du contrat d'assurance-vie, du portefeuille boursier et des dépôts sur différents comptes bancaires.

Ainsi, pour la Haute juridiction, ces constatations faisant ressortir que ceux des éléments figurant dans la fiche de renseignement qui n'étaient affectés d'aucune anomalie apparente permettaient de considérer que l'engagement souscrit n'était pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la cour d'appel a, à bon droit, jugé que la banque n'était dès lors pas tenue de vérifier l'exactitude des sommes mentionnées dans ladite fiche, correspondant, aux titres de participation dans le capital des sociétés, au compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et à leurs bénéfices.

Elle rejette en conséquence le pourvoi.

Observations. La Cour de cassation opère ici un rappel : en l’absence d’anomalie apparente, le créancier n'a pas à vérifier l'exactitude des renseignements fournis par la caution quant à ses revenus et son patrimoine (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-69.807, F-P+B N° Lexbase : A2628GNN ; Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.458, F-D N° Lexbase : A8866IE4.

Le créancier peut donc se contenter des documents fournis par la caution (Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-20.959, F-D N° Lexbase : A7522HXU) et il n’est pas tenu de vérifier la situation financière de la caution (Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-20.294, F-P+B+I N° Lexbase : A4157WRE, G. Piette, Lexbase Affaires, septembre 2017, n° 524 N° Lexbase : N0287BXW).

Il a aussi été jugé que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier (Cass. civ. 1, 24 mars 2021, n° 19-21.254, FS-P N° Lexbase : A66974MY).

Cette solution est bien entendu pleinement reconductible pour les cautionnements souscrits après la 1er janvier 2022 et donc soumis à la « nouvelle » obligation de proportionnalité de l’article 2300 du Code civil N° Lexbase : L0174L8X, issu de l’ordonnance de réforme (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D).

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le caractère disproportionné ou proportionné de l'engagement de la caution et les déclarations de la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2226GAP.

newsid:482707

Peines

[Brèves] Procédure devant les juridictions de l’application des peines : pas d’extension de l’obligation de notifier le droit de se taire à la personne condamnée

Réf. : Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT

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N2717BZN

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par Helena Viana

Le 29 Novembre 2022

Les dispositions relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d’empêcher qu’une personne prévenue d’une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant les juridictions de l’application des peines, qui se prononcent seulement sur les modalités d’exécution d’une sanction décidée par la juridiction de jugement.

Faits et procédure. Après avoir été condamné à une peine d’emprisonnement avec un sursis mise à l’épreuve, un individu s’est vu révoquer ledit sursis à hauteur de 18 mois par le juge de l’application des peines après débat contradictoire.

En cause d’appel. Statuant sur l’appel de l’intéressé, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Grenoble confirme le jugement du juge de l’application des peines ayant prononcé la révocation.

Moyens du pourvoi. Il est fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 406 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3177I33 et l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR en confirmant la décision et ce alors que l’intéressé aurait dû être informé, à l’ouverture des débats, de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, et qu’il ne résulte pas des mentions de l’arrêt que cette information lui ait été donnée.

Décision. La Haute juridiction rejette le pourvoi.

Elle rappelle en premier lieu que les dispositions organisant les débats devant les juridictions de l’application des peines (les articles 712-6 N° Lexbase : L5602LZI, 712-13 N° Lexbase : L9384IEB et D. 49-42 N° Lexbase : L4777HZX du Code de procédure pénale) ne prévoient aucunement la notification prévue à l’article 406 du Code de procédure pénale.

Les magistrats suprêmes évoquent ensuite la finalité d’une telle notification, à savoir qu’elle a « pour objet d’empêcher qu’une personne prévenue d’une infraction ne contribue à sa propre incrimination ». Or, énoncent-ils, les juridictions de l’application des peines se prononcent uniquement sur les modalités d’exécution d’une sanction déjà prononcée par la juridiction de jugement.

En conséquence, la Chambre criminelle écarte le moyen.

Alors que la tendance était, depuis plusieurs années, à la revalorisation du droit au silence, la Cour de cassation vient mettre un frein à cette expansion. En effet, la notification du droit de se taire a été largement consacrée par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN ainsi que la loi du 27 mai 2014 N° Lexbase : L2680I3N, transposant la directive de l’Union européenne relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, mais elle a fait l’objet d’un véritable tournant depuis la décision récente du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2020-886 QPC, 4 mars 2021 N° Lexbase : A66394IQ).

Ainsi, la notification du droit au silence concerne aujourd’hui notamment la personne gardée à vue, interrogée par le juge d’instruction, auditionnée par un expert psychiatrique, entendue par le Juge des libertés et de la détention dans l’attente de son jugement en comparution immédiate… Cette tendance à l’extension ne semble donc trouver de sens que durant la phase présentencielle dans la mesure où elle sert le droit de l’intéressé de ne pas s’auto-incriminer, le juge pouvant, le cas échéant, se fonder sur les déclarations qui l’auto-incriminerait. Or, le bénéfice de cette protection ne saurait prospérer dès lors que la condamnation a déjà été prononcée et que la juridiction concernée n’a pas à se prononcer sur la culpabilité de la personne. C’est en tout cas la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt susvisé.

Pour aller plus loin : H. Christodoulou, Le silence : à propos de la relativité d’un droit essentiel, Lexbase Pénal, avril 2022 N° Lexbase : N1261BZQ

newsid:482717

Baux d'habitation

[Brèves] Contestation de la résiliation du bail en cas d’abandon des lieux : seule la procédure spécifique d’opposition est ouverte au preneur

Réf. : Cass. civ. 3, 21 septembre 2022, n° 21-18.953, FS-B N° Lexbase : A25148KC

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N2743BZM

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par Laure Florent

Le 30 Septembre 2022

La procédure de résiliation du bail et de reprise des lieux en cas d'abandon étant spécifiquement prévue par les dispositions du décret n° 2011-945, du 10 août 2011, les articles 496 et 497 du Code de procédure civile ne lui sont pas applicables ;
l'ordonnance ayant constaté la résiliation du bail à la suite de l'abandon des lieux étant, aux termes du décret précité, seulement susceptible d'opposition, la demande en rétractation de droit commun est dès lors irrecevable.

Faits et procédure. En l’espèce, des bailleurs ont donné à bail une maison d’habitation. Par la suite, les bailleurs ont signifié aux preneurs une ordonnance rendue sur requête, constatant la résiliation de plein droit du bail du fait de l'abandon des lieux, dans les formes prévues à l'article 659 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6831H77.

Les preneurs ont saisi le juge des référés pour voir prononcer la nullité de la requête et la rétractation de l'ordonnance, sous la forme d’un référé-rétractation.

La cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 24 février 2021, n° 20/02047N° Lexbase : A01814IK) a déclaré le recours des preneurs irrecevable. Elle a appliqué au litige le décret n° 2011-945, du 10 août 2011, relatif aux procédures de résiliation de baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon N° Lexbase : L9781IQC, qui prévoit, en son article 6, que le locataire ou tout occupant de son chef peut former opposition à l'ordonnance constatant la résiliation du bail. L'opposition est alors formée dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance par déclaration remise ou adressée au greffe.

Prétentions du requérant. Les preneurs prétendaient que « la faculté offerte au locataire de former opposition à l'encontre d'une ordonnance obtenue sur requête par le bailleur, prononçant la résiliation du bail d'habitation et la reprise des lieux après abandon » n’excluait pas pour autant l’application du droit commun. Ils pouvaient donc, selon eux, choisir de former un référé-rétractation, en application de l’article 496 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6613H73.

Rejet. La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant que la procédure de résiliation du bail et de reprise des lieux en cas d'abandon était spécifiquement prévue par les dispositions du décret n° 2011-945, du 10 août 2011. Dès lors, les articles 496 et 497 N° Lexbase : L6614H74 du Code de procédure civile, dispositions de droit commun, ne lui étaient pas applicables.

Ainsi, la cour d’appel ayant exactement retenu que l’ordonnance ayant constaté la résiliation du bail à la suite de l'abandon des lieux était seulement susceptible d'opposition, elle en a exactement déduit que la demande en rétractation était irrecevable.

newsid:482743

Cotisations sociales

[Brèves] Contrôle URSSAF : l'accord tacite ne peut se déduire des pièces communément présentées lors d'un précédent contrôle

Réf. : Cass. civ. 2, 22 septembre 2022, n° 21-11.277, F-B N° Lexbase : A25288KT

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N2725BZX

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par Laïla Bedja

Le 28 Septembre 2022

► Selon l'article R. 243-59 du Code de la Sécurité sociale, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en connaissance de cause sur la pratique litigieuse lors de contrôles antérieurs ; il appartient au cotisant qui entend se prévaloir d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement d'en rapporter la preuve (premier moyen) ;

► La date de notification de la mise en demeure constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard (second moyen).

Les faits et procédure. À la suite d’un contrôle, l’URSSAF a notifié à une société une lettre d’observations portant sur divers chefs de redressement puis une mise en demeure de payer une certaine somme. Invoquant l’existence d’un accord tacite à la suite d’un précédent contrôle et contestant le rejet de sa demande de remise des majorations de retard, la société a saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

Sur l’accord tacite de l’URSSAF (premier moyen)

La cour d’appel ayant rejeté sa demande d’annulation du chef de redressement relatif aux contrats de travail forfait jours, la société a formé un pourvoi en cassation selon le moyen notamment « que par nature la validation tacite d'une pratique, par opposition à sa validation explicite, est non écrite et se déduit de la vérification par les inspecteurs d'une pratique sans qu'elle aboutisse à un redressement ou à une réserve de leur part ».

La décision. Énonçant la première solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. La seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu, à cette époque, les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques. La cour d’appel a alors pu en déduire que la société ne pouvait se prévaloir d’un accord tacite de l’organisme de recouvrement ayant donné lieu à redressement.

Pour aller plus loin : F. Taquet, ÉTUDE : Le contrôle URSSAF - contentieux du recouvrement, Les conséquences du contrôle, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E28143NK

Sur les remises de majorations de retard (second moyen)

Pour rejeter la demande de remise de majorations complémentaires, la cour d’appel énonce que le règlement, le 15 janvier 2016, des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n’est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité.

La société a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel (CSS, art. R. 243-18 N° Lexbase : L9059LSC et R. 243-20 N° Lexbase : L9060LSD).

Pour aller plus loin : F. Taquet, ÉTUDE : Le contrôle URSSAF - contentieux du recouvrement, La demande de remise des majorations de retard, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E28173NN

newsid:482725

Droit des étrangers

[Brèves] Suspension d’une décision de transfert un demandeur d’asile vers l’État membre responsable pour cause de Covid-19 : pas d’interruption du délai de transfert

Réf. : CJUE, 22 septembre 2022, aff. C-245/21 et C-248/21 N° Lexbase : A01918KB

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N2728BZ3

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par Yann Le Foll

Le 28 Septembre 2022

► La suspension, en raison de la pandémie de Covid-19, de l’exécution d’une décision de transférer un demandeur d’asile vers l’État membre responsable n’a pas pour effet d’interrompre le délai de transfert de six mois ;

► une fois ce délai expiré, c’est l’État membre requérant qui devient responsable de l’examen de la demande d’asile.

Faits. Au cours de l’année 2019, trois personnes ont introduit des demandes d’asile en Allemagne. Cependant, l’une d’elles avait introduit auparavant une demande de protection internationale en Italie et les deux autres étaient entrées irrégulièrement sur le territoire de ce dernier État membre, où elles avaient été enregistrées comme demandeus de protection internationale. Par conséquent, l’autorité allemande compétente a demandé aux autorités italiennes de reprendre en charge la première et de prendre en charge les deux autres sur la base du Règlement « Dublin III » (Règlement (CE) n° 604-2013, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride N° Lexbase : L3872IZG).

Par la suite, cette autorité a déclaré irrecevables les demandes d’asile des intéressés et a ordonné leur éloignement vers l’Italie. En février 2020, les autorités italiennes ont informé les autorités allemandes que, en raison de la pandémie de Covid-19, les transferts vers et à partir de l’Italie, en application du Règlement « Dublin III », n’auraient plus lieu. Par des décisions adoptées en mars et en avril 2020, l’autorité allemande compétente a suspendu, jusqu’à nouvel ordre, l’exécution des ordres d’éloignement des intéressés en application, notamment, dudit Règlement au motif que, eu égard à l’évolution de la pandémie de Covid-19, l’exécution de ces transferts n’était pas possible.

Principe. Le délai de transfert prévu par le Règlement « Dublin III » n’est pas interrompu lorsque les autorités compétentes d’un État membre adoptent, en se fondant sur ce règlement, une décision révocable de suspension de l’exécution d’une décision de transfert, au motif que cette exécution est matériellement impossible en raison de la pandémie de Covid-19.

Concernant les objectifs poursuivis par le Règlement « Dublin III », le délai de transfert de six mois fixé par ce Règlement vise à assurer que la personne concernée soit effectivement transférée le plus rapidement possible vers l’État membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.

Application. Dès lors, la Cour considère qu’une suspension de l’exécution d’une décision de transfert ne saurait être ordonnée par les autorités compétentes, dans le cadre défini à cette fin par le Règlement « Dublin III », que lorsque les circonstances entourant cette exécution impliquent que ladite personne doit, afin d’assurer sa protection juridictionnelle effective, être autorisée à rester sur le territoire de l’État membre ayant adopté ladite décision jusqu’à l’adoption d’une décision définitive sur ce recours.

Partant, une décision révocable de suspension de l’exécution d’une décision de transfert au motif que cette exécution est matériellement impossible ne saurait être regardée comme entrant dans ce cadre. La circonstance que l’impossibilité matérielle de procéder à l’exécution d’une décision de transfert peut, en vertu du droit national de l’État membre concerné, impliquer l’illégalité de cette décision, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

Voir déjà. L'expiration du délai de six mois dont dispose un État membre pour transférer un demandeur de protection internationale vers l'État membre responsable, ayant accepté de le reprendre, a pour effet de rendre l'État requérant responsable du traitement de la demande de protection, ce dont le demandeur peut se prévaloir (CJUE, 25 octobre 2017, aff. C-201/16 N° Lexbase : A6222WWD).

À ce sujet. Lire H. Zeghbib, Droit d'information et prolongation du délai de transfert des demandeurs d'asile « dublinés », Lexbase Public, novembre 2015, n° 634 N° Lexbase : N0059BW4.

newsid:482728

Fiscalité internationale

[Brèves] Une société chypriote mettant à disposition du personnel en France caractérise-t-elle un établissement stable ?

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juillet 2022, n° 458293, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A916879G

Lecture: 4 min

N2699BZY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 28 Septembre 2022

Une société chypriote ayant exercé son activité de mise à disposition de personnel au service d’une société française par l’entremise, en la personne de sa représentante légale en France, d’un agent dépendant disposant des pouvoirs d’engager la société, caractérise l’existence d’un établissement stable dont les bénéfices sont imposables en France en application des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-chypriote du 18 décembre 1981.

Les faits :

  • une société chypriote ayant exercé en France une activité consistant à mettre au service d’une société française le personnel nécessaire aux opérations du chantier dont cette dernière était maître d’ouvrage, et, pour ce faire, ayant disposé en France, sur le site du chantier, d’une représentante légale en charge de la signature des contrats de mission du personnel, de la fourniture des bulletins de paie et de la signature des documents transmis à l’administration française ;
  • des contrats-cadres de mise à disposition du personnel ayant été conclus et signés, au nom de la société chypriote, à Flamanville, le siège de la société à Chypre se bornant, durant cette période d’activité, à émettre la facturation correspondante.

Que prévoit la convention fiscale franco-chypriote du 18 décembre 1981 N° Lexbase : E4194EXM ?

  • au sens de la présente Convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ; lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un État de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet État pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise (art. 5) ;
  • les bénéfices d'une entreprise d'un État ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé ; si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (art. 7).

En l’espèce, la société au litige a exercé en France une activité consistant à mettre au service de la société Bouygues le personnel nécessaire aux opérations du chantier dont cette dernière était maître d'ouvrage à Flamanville, et que, pour ce faire, la société a disposé en France, sur le site du chantier, d'une représentante légale en charge de la signature des contrats de mission du personnel, de la fourniture des bulletins de paie et de la signature des documents transmis à l'administration française. La cour a par ailleurs relevé que les contrats-cadres de mise à disposition du personnel ont été conclus et signés, au nom de la société au litige, à Flamanville, le siège de la société à Chypre se bornant, durant cette période d'activité, à émettre la facturation correspondante.

Solution du CE. « Il s'ensuit que la société Atlanco Limited a exercé son activité de mise à disposition de personnel au service de la société Bouygues TP par l'entremise, en la personne de sa représentante légale en France, d'un agent dépendant disposant des pouvoirs d'engager la société, caractérisant l'existence d'un établissement stable dont les bénéfices étaient imposables en France en application des stipulations de la convention fiscale franco-chypriote […]. Ce motif, qui repose sur des faits constants n'appelant aucune appréciation, doit être substitué aux motifs de l'arrêt, dont il justifie légalement le dispositif, tenant à l'existence d'un établissement stable de chantier ou d'une installation fixe d'affaires ».

Le pourvoi de la société est rejeté.

newsid:482699

Licenciement

[Brèves] Liberté d'expression dans l'entreprise : le licenciement est justifié uniquement en cas d’abus

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-13.045, FS-B N° Lexbase : A25138KB

Lecture: 2 min

N2698BZX

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par Charlotte Moronval

Le 29 Septembre 2022

► Le salarié qui, au cours d’une réunion, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, remet en cause les directives qui lui ont été données par sa supérieure hiérarchique, en tentant notamment d’imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière, exerce son droit d’expression dans l’entreprise sans abus.

Faits et procédure. En l’espèce, au cours d’une réunion, un salarié s’exprime sur l’organisation de son travail en se plaignant d’une surcharge de travail et en remettant en cause les directives données par sa supérieure hiérarchique.

La responsable hiérarchique visée est placée deux jours plus tard en arrêt de travail, le médecin du travail ayant constaté l’altération de son état de santé.

Le salarié est licencié, l’employeur invoquant un abus de sa liberté d’expression et une attitude de dénigrement fautive.

Le salarié conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale. La cour d’appel donne raison à l’employeur, estimant que le comportement du salarié s'analyse en un acte d'insubordination, une attitude de dénigrement et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale censure la décision de la cour d’appel au visa des articles L. 2281-1 N° Lexbase : L8736LGN et L. 2281-3 N° Lexbase : L2506H9P du Code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329, du 12 mars 2007 N° Lexbase : L6603HU4.

Elle énonce au contraire que les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Le licenciement du salarié est donc injustifié.

Pour aller plus loin :

  • v. récemment Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-10.572, F-D N° Lexbase : A7182777, à propos du licenciement d’un salarié dénigrant son employeur de manière publique ;
  • v. ÉTUDE : Le droit d’expression des salariés, Les garanties et limites du droit d'expression des salariés, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2460ETB et ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Le motif lié à une atteinte à une liberté fondamentale, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5015ZN3.

 

newsid:482698

Sociétés

[Brèves] Renonciation à la revendication de la qualité d’associé : la manifestation de volonté du conjoint non apporteur peut être tacite

Réf. : Cass. com., 21 septembre 2022, n° 19-26.203, FS-B N° Lexbase : A25348K3

Lecture: 3 min

N2682BZD

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par Perrine Cathalo

Le 28 Septembre 2022

► La renonciation du conjoint commun en biens à son droit de revendiquer la qualité d'associé peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer.

Résumé des faits. Deux personnes physiques, dont l’une est gérante d’une SARL, ont contracté mariage sans contrat préalable le 17 juillet 1970.

Le 13 juin 2007, l’époux a notifié à la SARL son intention d’être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l’apport que son épouse avait effectué. Cette dernière a quant à elle refusé la prise de la qualité d’associé de son conjoint.

C’est dans ces conditions que le conjoint non apporteur a assigné son épouse et la société aux fins de voir constater qu’il avait la qualité d’associé depuis le mois de juin 2007 et d’obtenir la communication de certains documents sociaux.

En cause d’appel. Le 29 août 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 29 août 2019, n° 18/16573 N° Lexbase : A1051ZMU) reconnaît la qualité d’associé du conjoint non apporteur depuis le 13 juin 2007 et ordonne à la SARL de lui communiquer les bilans, les comptes de résultats, les rapports de gestion et les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires relatifs aux exercices sociaux de 2014 à 2017. En particulier, les juges du fond rappellent que la renonciation du conjoint non apporteur à sa faculté de revendiquer la qualité d’associé ne peut être qu’expresse, de sorte qu’aucune renonciation tacite ne peut faire obstacle à son droit.

C’est ainsi que la SARL a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. Aux termes de son arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation rappelle d'abord que l'affectio societatis n'est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d'associé sur le fondement de l'article 1832-2 du Code civil N° Lexbase : L2003ABS.

Elle censure ensuite l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1134, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L1234ABC, aux termes duquel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et rappelle le principe selon lequel la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer. Elle en conclut, par conséquent, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte visé.

Observations. Pour rappel, la Cour de cassation a déjà jugé, s'agissant de la revendication de la qualité d'associé, que l'époux d'un associé peut notifier à la société son intention d'être personnellement associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son conjoint, aussi longtemps qu'un jugement de divorce passé en force de chose jugée n'est pas intervenu (Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-18.103, F-P+B N° Lexbase : A5136KDL).

Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Le droit du conjoint de revendiquer la qualité d'associé « aussi longtemps qu'un jugement de divorce passé en force de chose jugée n'est pas intervenu », Lexbase Affaires, juin 2013, n° 342 N° Lexbase : N7467BTQ.

 

newsid:482682

Successions - Libéralités

[Brèves] Règlement « Successions » : le juge doit relever d’office sa compétence subsidiaire, s’il est saisi – et incompétent – sur le fondement de la compétence générale !

Réf. : Cass. civ. 1, 21 septembre 2022, n° 19-15.438, FS-B N° Lexbase : A25108K8

Lecture: 5 min

N2741BZK

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par Laure Florent

Le 10 Octobre 2022

La juridiction d'un État membre doit relever d'office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à l’article 10, § 1, a), du Règlement (UE) n° 650/2012, du 4 juillet 2012, dit Règlement « Successions », lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l'article 4 de ce Règlement, elle constate qu'elle n'est pas compétente au titre de cette dernière disposition ;
Ainsi, si elle n’est pas compétente sur le fondement de la règle générale, la juridiction de l’État membre doit, d’office, relever sa compétence subsidiaire, lorsque des biens successoraux sont situés sur le territoire de l’État membre, dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État au moment de son décès ; elle sera alors compétente pour statuer sur l’ensemble de la succession.

Faits et procédure. En l’espèce, le de cujus est décédé en France, le 3 septembre 2015, en laissant pour lui succéder une conjointe survivante, ainsi que trois enfants issus d’un premier lit.

Les enfants ont assigné en référé la conjointe survivante devant le président du tribunal de grande instance, afin d’obtenir la désignation d’un mandataire successoral. Ils invoquaient pour cela la compétence des juridictions françaises, sur le fondement de l’article 4 du Règlement (UE) n° 650/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen N° Lexbase : L8525ITW, au motif que la résidence habituelle du de cujus était située en France au jour de son décès.

Pour rappel, cet article 4, intitulé « Compétence générale », prévoit que les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession.

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 21 février 2019 (CA Versailles, 21 février 2012, n° 18/00561), a déclaré le juge français incompétent pour statuer sur la succession du de cujus et désigner un mandataire successoral, en retenant que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni.

La Cour de cassation a ensuite saisi, par un arrêt du 18 novembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle, portant sur l’interprétation de l’article 10, § 1, a), du Règlement susvisé.

L’article 10, § 1, a), qui prévoit les règles de compétences subsidiaires, dispose que « lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ».

La CJUE a répondu à la question posée par un arrêt du 7 avril 2022 (CJUE, 7 avril 2022, C-645/20 N° Lexbase : A11167TI).

Cassation. La première chambre civile casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 21 février 2019.

Elle rappelle le texte de l’article 10 § 1, a) précité, et reprend la réponse de la CJUE du 7 avril 2022. Cette dernière a dit pour droit que ce texte devait « être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre doit relever d'office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à cette disposition lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l'article 4 de ce Règlement, elle constate qu'elle n'est pas compétente au titre de cette dernière disposition ».

Ainsi, si elle n’est pas compétente sur le fondement de la règle générale, la juridiction de l’État membre doit, d’office, relever sa compétence subsidiaire, lorsque des biens successoraux sont situés sur le territoire de l’État membre, dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État au moment de son décès. Elle sera alors compétente pour statuer sur l’ensemble de la succession.

La cour d’appel de Versailles avait, en l’espèce, rejeté sa compétence, en retenant que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni, alors même qu’il résultait de ses constatations que le de cujus avait la nationalité française, et qu’il possédait des biens situés en France.

Statuant au fond, la Cour de cassation énonce dès lors que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession.

newsid:482741

[Brèves] Proportionnalité du cautionnement : précisions sur l’absence d’obligation pour le créancier de vérifier l’exactitude des éléments figurant sur la fiche de renseignement

Réf. : Cass. com., 21 septembre 2022, n° 21-12.218, F-B N° Lexbase : A25238KN

Lecture: 3 min

N2707BZB

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par Vincent Téchené

Le 28 Septembre 2022

► Les éléments figurant dans la fiche de renseignement remplie par la caution qui n’étaient affectés d'aucune anomalie apparente permettant de considérer que l'engagement souscrit n'est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des sommes mentionnées dans ladite fiche, correspondant à d’autres éléments d’actif de la caution.

Faits et procédure. Fort classiquement, une société a ouvert un compte dans les livres d’une banque. Une personne s'est alors rendue caution des engagements de cette société au profit de la banque dans la limite de 360 000 euros. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution, qui lui a opposé la nullité de son engagement ainsi que sa disproportion.

La cour d’appel ayant notamment retenu que le cautionnement n’était pas disproportionné, la caution a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation constate que l’arrêt d’appel a relevé que la caution a certifié l'exactitude des renseignements mentionnés dans la fiche patrimoniale. Il retient alors que, même en faisant abstraction des sommes indiquées au titre des participations détenues par ce dernier dans le capital de deux sociétés, de celles inscrites en compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et de leurs bénéfices, l'engagement litigieux ne présente aucun caractère excessif au regard des valeurs déclarées au titre du bien immobilier, du contrat d'assurance-vie, du portefeuille boursier et des dépôts sur différents comptes bancaires.

Ainsi, pour la Haute juridiction, ces constatations faisant ressortir que ceux des éléments figurant dans la fiche de renseignement qui n'étaient affectés d'aucune anomalie apparente permettaient de considérer que l'engagement souscrit n'était pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la cour d'appel a, à bon droit, jugé que la banque n'était dès lors pas tenue de vérifier l'exactitude des sommes mentionnées dans ladite fiche, correspondant, aux titres de participation dans le capital des sociétés, au compte courant d'associé dans les livres de ces sociétés et à leurs bénéfices.

Elle rejette en conséquence le pourvoi.

Observations. La Cour de cassation opère ici un rappel : en l’absence d’anomalie apparente, le créancier n'a pas à vérifier l'exactitude des renseignements fournis par la caution quant à ses revenus et son patrimoine (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-69.807, F-P+B N° Lexbase : A2628GNN ; Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.458, F-D N° Lexbase : A8866IE4.

Le créancier peut donc se contenter des documents fournis par la caution (Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-20.959, F-D N° Lexbase : A7522HXU) et il n’est pas tenu de vérifier la situation financière de la caution (Cass. com., 13 septembre 2017, n° 15-20.294, F-P+B+I N° Lexbase : A4157WRE, G. Piette, Lexbase Affaires, septembre 2017, n° 524 N° Lexbase : N0287BXW).

Il a aussi été jugé que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier (Cass. civ. 1, 24 mars 2021, n° 19-21.254, FS-P N° Lexbase : A66974MY).

Cette solution est bien entendu pleinement reconductible pour les cautionnements souscrits après la 1er janvier 2022 et donc soumis à la « nouvelle » obligation de proportionnalité de l’article 2300 du Code civil N° Lexbase : L0174L8X, issu de l’ordonnance de réforme (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D).

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le caractère disproportionné ou proportionné de l'engagement de la caution et les déclarations de la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2226GAP.

newsid:482707

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