Le Quotidien du 20 mai 2022

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Pratique du « caming » : en l’absence de contact physique, pas de prostitution

Réf. : Cass. crim., 18 mai 2022, n° 21-82.283, FS-B N° Lexbase : A33797XG

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N1556BZN

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par Adélaïde Léon

Le 20 Mai 2022

► Afin de déterminer si un comportement peut être poursuivi au titre du proxénétisme, il convient au préalable de définir ce qui relève de la prostitution ;

La prostitution implique le contact physique onéreux avec un client pour la satisfaction des désirs sexuels de celui-ci. En l’absence de contact physique avec le client lui-même, la qualification de prostitution ne peut être retenue ;

La pratique du « caming » excluant tout contact physique, cette activité ne peut être assimilée à de la prostitution et la qualification de proxénétisme ne peut être envisagée pour ces faits à l’égard du responsable légal de la structure exploitant un site de caming.

Rappel des faits. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée contre une personne non dénommée en raison de faits constatés sur quatre sites français à caractère pornographique, notamment des comportements consistants, pour de jeunes femmes, à se livrer devant une caméra, à des agissements à caractère sexuel, retransmis en direct par un moyen de communication audiovisuelle à des clients qui les sollicitaient et les rémunéraient par un moyen de paiement à distance, activité appelée « caming » (ci-après caming).

Une instruction a été ouverte des chefs de proxénétisme aggravé, défaut d’avertissement relatif à un contenu pornographique, enregistrement et diffusion de représentations pornographiques de mineurs, fabrication et diffusion de message violent et pornographique perceptible par un mineur.

Une ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d’instruction. La partie civile a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé partiellement l’ordonnance de non-lieu en ce qu’il était dit n’y avoir lieu à suivre des chefs de proxénétisme aggravé et défaut de mise en garde quant au contenu pornographique. Selon la chambre de l’instruction, il lui appartenait de respecter le principe d’interprétation stricte de la loi pénale et de ne pas s’écarter de la définition jurisprudentielle de la prostitution, laquelle implique, selon les juges, un contact physique onéreux avec le client pour la satisfaction des besoins sexuels de celui-ci.

La partie civile a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir retenu qu’il n’y avait pas lieu à suivre des chefs de proxénétisme aggravé et défaut de mise en garde quant au contenu pornographique.

Plus spécifiquement, le pourvoi contestait la définition de la prostitution retenue par la juridiction d’appel et soutenait que la prostitution, qui « ne fait l’objet d’aucune définition législative » « consiste dans le fait d’employer son corps moyennant rémunération, à la satisfaction des plaisirs du public, quelle que soit la nature des actes accomplis quand bien même il n’y a pas de contact physique entre la personne prostituée et son client ».

Après avoir rappelé que le proxénétisme est constitué par le fait de tirer profit de la prostitution d’autrui, le pourvoi souligne que cette infraction peut être notamment aggravée lorsqu’elle est réalisée grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique.

Selon la partie civile, la qualification de proxénétisme aggravé pouvait être retenue dès lors que les actes auxquels se livraient les « modèles » du site internet à la demande d’un client qui les rémunère pour assouvir ses désirs sexuels doivent être qualifiés de prostitution, ce qui laissait supposer des actes qualifiables de proxénétisme aggravé commis ou permis par le responsable légal de la structure exploitant ce site.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa des articles 225-5 N° Lexbase : L2040AMI et 225-6 N° Lexbase : L2192AM7 du Code pénal, lesquels incriminent le proxénétisme, infraction consistant à aider ou assister, de quelque manière que ce soit, la prostitution d’autrui, protéger cette activité, convaincre une personne de s’y livrer, en tirer profit ou en faciliter l’exercice.

La Haute juridiction rappelle qu’il importe tout d’abord de déterminer ce qui relève de la prostitution, notion non définie par les textes visés.

La prostitution dans la jurisprudence de la Chambre criminelle. Dans un premier temps, la Cour se réfère pour cela à sa propre jurisprudence. En 1996, la Chambre criminelle avait défini la prostitution comme le fait de « se prêter, moyennant une rémunération, à des contactes physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (Cass. crim., 27 mars 1996, n° 95-82.016 N° Lexbase : A1755CK9).

Une définition non applicable aux faits d’espèces. Or, la Haute juridiction note elle-même que le phénomène jugé en l’espèce n’entre pas dans le cadre de cette définition jurisprudentielle puisque le caming consiste, pour des « camgirls » et « camboys » à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d’images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques. Comme le reconnait la Cour, cette pratique exclut, par nature, tout contact physique entre les « camgirls/camboys » et leurs clients. La Chambre criminelle s’interroge donc sur l’opportunité d’étendre sa définition de 1996.

Le recours à la volonté du législateur. Se référant aux récentes lois pénalisant certains comportements de nature sexuelle, la Haute juridiction déduit qu’elles ne traduisent pas une volonté de la part du législateur d’étendre la définition classique de la prostitution non remise en cause depuis 1996.

La Cour se réfère d’abord à l’article 611-1 du Code pénal N° Lexbase : L6968K79, créé par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, incriminant le fait de solliciter, accepter ou obtenir en échange d’une rémunération des relations de nature sexuelles de la part d’une personne qui se livre à la prostitution. Pour la Chambre criminelle, en l’absence de relation sexuelle physique, cette incrimination est exclue.

La Haute juridiction étudie ensuite les termes de l’article 227-23-1 du Code pénal N° Lexbase : L2650L4W, créé par la loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, réprimant le fait, sans le conditionner à une rémunération, pour un majeur, de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique de ce mineur. La Chambre criminelle constate que le législateur n’a pas employé le terme de prostitution pour qualifier ce comportement.

La Cour déduit de son appréciation de ces deux textes récents que la notion de prostitution ne va pas au-delà de la définition jurisprudentielle inchangée depuis 1996. Elle affirme par ailleurs qu’il n’appartient pas au juge de modifier son appréciation dans un sens qui aurait pour conséquence d’élargir une définition au-delà de ce que le législateur a expressément prévu. Or, considérer que l’activité de « caming » relève de la prostitution reviendrait à étendre la définition de cette notion.

Dès lors, la chambre de l’instruction qui a garanti le principe d’interprétation stricte de la loi pénale et ne s’est pas écartée de la définition jurisprudentielle de la prostitution, laquelle implique un contacte physique onéreux avec le client pour la satisfaction des besoins sexuels, et a considéré qu’en l’absence de contacte physique l’activité se distingue de la prostitution, a valablement écarté la qualification de proxénétisme.

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Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Remise en cause de la présomption d’imputabilité au travail des lésions : la charge de la preuve incombe à l’employeur et non à la caisse

Réf. : Cass. civ. 2, 12 mai 2022, n° 20-20.655, F-B N° Lexbase : A62307WN

Lecture: 2 min

N1503BZP

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par Laïla Bedja

Le 19 Mai 2022

► La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Les faits et procédure. La caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l’accident survenu le 24 juin 2016 à une salariée d’une société. Contestant l’imputabilité à l’accident du travail des arrêts et soins prescrits jusqu’au 20 septembre 2018, date de guérison de la victime, l’employeur a saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour déclarer les arrêts de travail et soins prescrits après le 13 juillet 2017 inopposables à l’employeur, la cour d’appel retient essentiellement qu'il résulte des certificats médicaux de prolongation qu'il existe une rupture dans la continuité des symptômes et des soins. Il en déduit que la présomption d'imputabilité des arrêts et des soins à l'accident ne trouvant plus à s'appliquer à compter de cette rupture, il appartient, dès lors, à la caisse d'apporter la preuve du lien direct et certain entre le travail et l'état de santé de la victime.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et arrêts de travail litigieux, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK et L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5211ADD.

Pour aller plus loin : Cl. Colleony, ÉTUDE : La définition de l’accident du travail, Troisième critère : L’imputabilité présumée au travail, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E95473WI

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Actes administratifs

[Brèves] Contrôle technique des « deux-roues » : une mise en place au 1er octobre dernier délai !

Réf. : CE référé, 17 mai 2022, n° 462679 N° Lexbase : A30277XE

Lecture: 3 min

N1546BZB

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par Yann Le Foll

Le 19 Mai 2022

► La mise en place du contrôle technique des « deux-roues » ne pourra être décalée au-delà du 1er octobre 2022.

Faits. La Directive (UE) n° 2014/45 du 3 avril 2014 N° Lexbase : L1191I3I a imposé de soumettre périodiquement au contrôle technique les véhicules à moteur de deux, trois ou quatre roues de cylindrée supérieure à 125 cm3 (catégories L3e, L4e, L5e, L7e), à partir du 1er janvier 2022. Elle a toutefois prévu une exception pour les États qui ont mis en place et notifié à la Commission européenne des mesures alternatives de sécurité routière fondées sur des statistiques de sécurité routière pertinentes.

Grief. Le décret n° 2021-1062, du 9 août 2021 N° Lexbase : L5053L7B a fixé au 1er janvier 2023 l’entrée en vigueur de cette obligation pour les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016, et entre 2024 et 2026 pour les véhicules immatriculés à une date ultérieure. Plusieurs associations ont contesté ce calendrier de mise en œuvre qui porterait atteinte, selon elles, à l’intérêt public en matière de sécurité routière et de protection des populations contre la pollution de l’air et les nuisances sonores des véhicules.

Position CE. Le juge des référés relève qu’il résulte de l’instruction ainsi que des échanges au cours de l’audience que le Gouvernement, qui a par ailleurs annoncé son intention, sans la concrétiser par une modification du décret, de ne pas appliquer, y compris au 1er janvier 2023, l’obligation résultant de contrôle technique, a adressé à la Commission européenne le 3 décembre 2021 une notification relative à l’exemption des véhicules en cause.

Or ni l’instruction écrite ni les échanges au cours de l’audience n’ont cependant permis de préciser le contenu exact des mesures envisagées. Le communiqué de presse du ministre délégué chargé des Transports du 24 novembre 2021 produit au dossier se borne à énoncer une série de mesures d’effet plus ou moins direct sur la sécurité routière, y compris la « création d’une prime à la conversion dédiée aux deux roues pouvant aller jusqu’à 6 000 euros », qui « illustrent la volonté d’accélérer la transition du secteur ». En tout état de cause, dès lors qu’il n’est pas allégué que les mesures annoncées auraient été mises en œuvre, elles ne sauraient être regardées comme des mesures alternatives de sécurité routière mises en place au sens de la Directive.

Enfin, l’administration a fait valoir, pour justifier le report de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2023, non seulement la nécessité de faire accepter la mesure par les personnes concernées, mais aussi les conditions matérielles qui doivent être remplies pour la mettre en œuvre concrètement. Le juge des référés relève que le décret prévoit une entrée en vigueur progressive selon l’âge des véhicules, seuls les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016 étant, dans un premier temps, concernés. Et, compte tenu des mesures concrètes à mettre en œuvre, il estime qu’un report au-delà du 1er octobre 2022 n’est pas justifié.

Décision. Pour ces raisons, le juge des référés estime qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret fixant l’entrée en vigueur du contrôle technique pour les « deux-roues » à partir du 1er janvier 2023 et le suspend en tant qu’il reporte cette obligation au-delà du 1er octobre 2022.

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Assurances

[Brèves] La sanction du défaut de déclaration de chantier par l’architecte : nouvelle illustration

Réf. : Cass. civ. 3, 11 mai 2022, n° 21-15.420, FS-B N° Lexbase : A56267WB

Lecture: 3 min

N1540BZ3

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 19 Mai 2022

► La police peut prévoir la sanction applicable en cas de défaut de déclaration de chantier ; lorsque l’application de l’article L. 113-10 du Code des assurances est stipulée à titre de sanction, elle est exclusive de l’application de l’article L. 113-9 du même Code.

La sanction du défaut de déclaration d’un ou plusieurs chantier(s) par le constructeur à son assureur, dans le cadre de la police « RC travaux », n’en finit plus de générer des contentieux qui vont jusqu’en cassation. C’est dire les enjeux, la complexité et l’importance des réponses données par la Haute juridiction.

Tout d’abord, est, par principe, valable la clause de la police d’assurance qui stipule que la non-déclaration d’une mission, c’est-à-dire d’un chantier, constatée après sinistre, donne droit à l’assureur de refuser toute indemnité (v. notamment Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-25.957, F-D N° Lexbase : A7901YPC ; Cass. civ. 3, 13 juin 2019, n° 18-10.022, F-D N° Lexbase : A5707ZE4 et n° 17-31.042, F-D N° Lexbase : A5724ZEQ et Cass. civ. 3, 27 juin 2019, n° 17-28.872, FS-P+B+I N° Lexbase : A3080ZHK).

Une clause peut faire de la déclaration de chaque chantier une condition de garantie, laquelle autorise alors l’assureur à prendre une position de non-assurance (pour des exemples récents, Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-18.165, FS-P+B+I N° Lexbase : A70533W7 ; Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 18-26.801, F-D N° Lexbase : A53693IP).

Ensuite, l’assureur peut appliquer un coefficient réducteur sur l’indemnité correspondant au pourcentage de prime sous-estimée à raison de la non-déclaration du chantier sur le fondement de l’article L. 113-9 du Code des assurances N° Lexbase : L0065AAN (pour exemple, Cass. civ. 3, 5 décembre 2019, n° 18-21.679, F-D N° Lexbase : A36813UU), même si cela conduit à réduire l’indemnité à zéro (Cass. civ. 3, 6 décembre 2018, n° 17-25.957, F-D N° Lexbase : A7901YPC).

Enfin, et cet article devrait être le seul applicable, l’article L. 113-10 N° Lexbase : L0068AAR sanctionne les erreurs dans les déclarations de l’assuré. La décision entreprise semble favoriser ce fondement, en énonçant que, lorsqu’elle est stipulée au contrat, même de façon implicite, c’est-à-dire sans citer l’article, elle prévaut sur la sanction de l’article L. 113-9 quand bien même celle-ci est explicitement stipulée. La solution mérite d’être saluée.

La présente espèce est une nouvelle illustration (pour un autre exemple, Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 18-10.190, F-P+B+I N° Lexbase : A156038B) de l’articulation de ces textes. La cour d’appel de Douai, aux termes d’un arrêt rendu le 18 février 2021, avait rejeté l’ensemble des demandes formées à l’encontre de l’assureur de l’architecte au motif que le chantier pris en litige n’avait pas été déclaré par ce dernier. Les maîtres d’ouvrage forment un pourvoi. Ils articulent que, lorsque l’application de l’article L. 113-10 du Code des assurances est stipulée dans un contrat d’assurance, elle est exclusive de l’application de l’article L. 113-9 du même Code.

Le pourvoi est rejeté. Les maîtres d’ouvrage n’ont pas soutenu que le contrat, sans faire expressément référence à l’article L. 113-10 précité, prévoyait une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l’assureur puisse se prévaloir de la réduction proportionnelle d’indemnité prévue par l’article L. 113-9.

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Baux commerciaux

[Brèves] Prix du bail renouvelé : compétence du juge des loyers et affectation à la vente d’une surface moindre en raison d’un choix de gestion du locataire

Réf. : Cass. civ. 3, 11 mai 2022, n° 20-21.651, FS-B N° Lexbase : A56177WX

Lecture: 5 min

N1538BZY

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par Vincent Téchené

Le 19 Mai 2022

► En application de l'article R. 145-23 du Code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire, est exclusive du prononcé d'une condamnation ;

En outre, le juge, saisi d’une demande de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, doit rechercher si l'affectation à la vente d'une surface moindre, que celle autorisée par le bail pour l’activité déployée dans les locaux, ne résulte pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur.

Faits et procédure. La locataire de locaux commerciaux a saisi le juge des loyers commerciaux, qui a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2013, par jugement du 20 février 2019. La locataire a fait pratiquer, le 28 juin 2019, sur un compte bancaire ouvert au nom de la bailleresse, une saisie-attribution d'une certaine somme, en vertu de la décision du juge des loyers commerciaux. La bailleresse a saisi le juge de l'exécution en annulation de la saisie-attribution invoquant l'inexistence d'un titre exécutoire.

C’est dans ces conditions que locataire et bailleresse ont, chacune, formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel qui a fixé le loyer du bail renouvelé à une certaine somme (CA Pau, 9 septembre 2020, n° 19/00730 N° Lexbase : A08133TB).

Décision. Reprenons chaque pourvoi.

  • Pourvoi de la locataire

La locataire reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu qu’il n'y avait pas lieu à condamnation de la bailleresse au remboursement du trop-perçu de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2013, puis à compter de chaque échéance trimestrielle, alors que le juge des loyers commerciaux qui fixe le prix du loyer révisé à un montant inférieur à celui du loyer versé par le preneur est compétent pour statuer sur la demande de restitution par le bailleur du trop-perçu qui en résulte, cette demande étant accessoire à la demande principale.

Sur ce point, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel. Elle énonce qu’en application de l'article R. 145-23 du Code de commerce N° Lexbase : L4149LTT, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire est exclusive du prononcé d'une condamnation.

Ainsi, la cour d'appel, statuant sur l'appel d'une décision du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire, qui a retenu que la locataire sollicitait la condamnation de la bailleresse au paiement d'une certaine somme, a exactement décidé que le prononcé d'une condamnation excédait ses pouvoirs.

  • Pourvoi de la bailleresse

Ensuite, la propriétaire reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir fixé le loyer commercial à une certaine somme alors, selon elle, que la décision du locataire de ne pas exploiter certaines surfaces n'est pas opposable au bailleur. Or, en énonçant que c'était de manière conforme à la réalité qu'en l'espèce, l'expert judiciaire avait déterminé que la surface de vente exploitée par la locataire était de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve, unilatéralement décidée et mise en œuvre par cette dernière, d'une partie du local qu'elle utilisait antérieurement comme surface de vente, la cour d'appel aurait violé les articles L. 145-33 N° Lexbase : L5761AI9 et R. 145-3 N° Lexbase : L0041HZK du Code de commerce.

La Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel au visa de ces deux textes.

Selon l’article L. 145-33, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d'accord, cette valeur est notamment déterminée d'après les caractéristiques du local considéré.

Par ailleurs, selon l’article R. 145-3, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux et de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée.

Or, la cour d’appel, pour fixer le loyer commercial à une certaine somme, après avoir constaté que le bail désigne un local à usage commercial représentant une surface de vente en rez-de-chaussée d'environ 2 000 m², retient que la superficie d'exploitation mentionnée au bail ne correspond pas à la surface réellement consacrée par l'exploitant à ses activités de vente à la clientèle mais inclut nécessairement des parties à vocation administrative ou de réserve et que la surface de vente exploitée était en l'espèce de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve d'une partie antérieurement utilisée en surface de vente.

La Cour de cassation en conclut qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'affectation à la vente d'une surface moindre, que celle autorisée par le bail pour cette activité, ne résultait pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les exceptions au plafonnement du loyer commercial renouvelé, Les modifications de la surface : modification des caractéristiques des lieux loués ou amélioration ?, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E3164AW4.

 

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Divorce du débiteur : l’attribution de la résidence principale au conjoint de l'entrepreneur rend l’immeuble saisissable par les créanciers

Réf. : Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.768, F-B N° Lexbase : A33857XN

Lecture: 3 min

N1554BZL

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par Vincent Téchené

Le 19 Mai 2022

► Lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage , de sorte que les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle.

Faits et procédure. Un coiffeur, a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 23 juin 2016 et 23 juin 2017. Par une ordonnance du 9 juillet 2019, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d'un bien immobilier appartenant au débiteur et à son épouse, dont cette dernière avait la jouissance exclusive depuis une ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2010 rendue au cours de la procédure de divorce des deux époux. L’épouse du débiteur a fait appel de l'ordonnance du juge-commissaire.

La cour d’appel ayant déclaré le liquidateur irrecevable en sa demande d'autorisation de faire procéder à la réalisation de la propriété du débiteur et de son épouse, il s’est pourvu en cassation.

Décision. La Cour de cassation accueille favorablement le pourvoi.

Elle énonce qu’il résulte de la combinaison des articles L. 526-1 du Code de commerce N° Lexbase : L3662MBA et 255, 3° et 4°, du Code civil N° Lexbase : L8538LXI que, lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle.

Or, pour déclarer la demande du liquidateur tendant à la réalisation de l'immeuble au titre des opérations de liquidation irrecevable, l'arrêt d’appel retient que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à l’épouse du débiteur est sans effet sur les droits du débiteur sur le bien et sur son insaisissabilité légale.

La Cour de cassation en conclut qu’en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes précités.

Observations. La Cour de cassation apporte ici une précision inédite – et particulièrement sévère pour le conjoint du débiteur – au sujet de l’insaisissabilité de la résidence principale, source d’un contentieux abondant. Encore dernièrement, la Haute juridiction a retenu que le liquidateur judiciaire ne peut provoquer le partage de l’indivision portant sur l’immeuble assurant la résidence principale du débiteur que si toutes les créances professionnelles sont nées avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 août 2015 ayant institué le régime de l’insaisissabilité légale de la résidence principale (Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-23.165, F-B N° Lexbase : A41177TN, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, avril 2022, n° 714 N° Lexbase : N1193BZ9).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : La réalisation des actifs, L'insaisissabilité légale de la résidence principale du débiteur personne physique, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E5684E7N ;
  • v. le commentaire de l’arrêt par P.-M. Le Corre in Lexbase Affaires n° 718 à paraître le 26 mai 2022.

 

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Environnement

[Brèves] Loi « AGEC » : le point sur les nouveautés en matière de gestion des déchets

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N1518BZA

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par Patricia Savin, Avocate associée, DS Avocats et Raphaël Romi, Professeur de droit, Chaire Jean Monnet de Droit européen de l’Environnement

Le 19 Mai 2022

► La loi n° 2020-105, du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire N° Lexbase : L8806LUP, dite loi « AGEC », apporte des modifications substantielles au droit des déchets, notamment sur les principes de gestion des déchets.

Le mouvement d’un droit des déchets vers un droit de l’économie circulaire (M. Boul, R. Radiguet, Du droit des déchets au droit de l’économie circulaire, Regards sur la loi du 10 février 2020, LGDJ, 2021) est largement entamé en France, avec l’adoption de ses premiers décrets d’application.

L’ensemble se situe dans la continuité d’un mouvement favorable au tri des déchets et la loi précise notamment l’obligation d’’information des consommateurs sur la règle de tri des déchets issus des produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur (mise en application par le décret n° 2021-835, du 29 juin 2021 N° Lexbase : L0236L7U).

Mais, surtout, elle réorganise et modifie la réglementation applicable à la responsabilité élargie du producteur (ci-après désignée « REP ») en créant de nouvelles filières (notamment et par exemple celle du bâtiment : décret n° 2021‑1941, du 31 décembre 2021, relatif à la responsabilité des producteurs pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment N° Lexbase : L2891MAC).

Elle va au-delà en tentant de promouvoir le réemploi et la réutilisation et de lutter contre l’obsolescence programmée. Dans ce cadre, elle modifie notamment l’article L. 541-10-8 du Code de l’environnement N° Lexbase : L1497LWD afin de créer un dispositif de reprise par les distributeurs de produits soumis à la REP (loi « AGEC », art. 62, II, B).

Elle met aussi en place un indice de réparabilité et un indice de durabilité (que le décret n° 2020-1757, du 29 décembre 2020 N° Lexbase : L6130LZ3 applique en premier lieu aux équipements électriques et électroniques, en attendant son extension, par exemple aux textiles).

Dans le cadre de leur objectif de prévention des déchets, les éco-organismes et les systèmes individuels des filières concernées devront, de leur côté, dorénavant participer au financement des coûts de réparation effectuée par un réparateur labellisé des produits détenus par des consommateurs.

La loi assure dans le même esprit la disponibilité des pièces détachées en commençant par celles des équipements électroménagers, et des petits équipements informatiques et de télécommunications, écrans et moniteurs (que le décret n° 2021-1943, du 31 décembre 2021 N° Lexbase : L2890MAB applique aux pièces détachées pour les ordinateurs portables et les téléphones mobiles multifonctions), pendant la période de commercialisation du modèle concerné et pendant une période minimale complémentaire après la date de mise sur le marché de la dernière unité de ce modèle, qui ne peut être inférieure à cinq ans.

Le législateur a en outre décidé de mettre progressivement fin à l’usage du plastique jetable :

  • fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040 (C. env., art. L. 541-10-17 N° Lexbase : L1506LWP) ;
  • fixation d’un objectif de 100 % de plastique recyclé d'ici le 1er janvier 2025 (C. env., art. L. 541-1 N° Lexbase : L6920L7G).

La mise en musique de cette partition nécessite un nombre de décrets considérables dont les premiers la mettent d’ores et déjà en application et dont la publication est soigneusement programmée.

L’un des orchestrateurs de de cette révolution douce sera l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées pour laquelle un décret spécifique (décret n° 2021-254, du 9 mars 2021, relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées N° Lexbase : L5156L3D) et son guide d’usage ont déjà été publiés.

Pour aller plus loin : Numéro spécial de la revue Droit de l’environnement, n° 287, mars 2020, Radiographie de la loi sur l’économie circulaire.

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Responsabilité

[Brèves] Clarification sur la responsabilité du garagiste

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mai 2022, n° 20-18.867, FS-B N° Lexbase : A56327WI et n° 20-19.732 N° Lexbase : A38213GM

Lecture: 2 min

N1531BZQ

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 19 Mai 2022

► À l’égard de son client, le garagiste est tenu d’une responsabilité pour faute ; certaines circonstances permettent de présumer l’existence d’une faute et d’un lien causal entre cette dernière et les désordres ; ainsi en est-il lorsque les désordres surviennent ou persistent après l’intervention.

Contexte. Par deux arrêts à motivation enrichie du même jour, la Cour de cassation vient clarifier la nature de l’obligation incombant au garagiste : obligation de résultat (Cass. civ. 1, 2 février 1994, n° 91-18.764, publié au bulletin N° Lexbase : A5979AHW), responsabilité de plein droit (Cass. civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-24.324, F-P+B+I N° Lexbase : A3171IWD) ou obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et présomption de lien de causalité entre la faute et le dommage (Cass. civ. 1, 17 février 2016, n° 15-14.012, F-D N° Lexbase : A4737PZH) ? La clarification s’imposait. Elle est opérée par deux arrêts à motivation enrichie rendus le même jour et qui auront les honneurs des « Lettres des chambres ». C’est dire la « forte portée juridique » de ces arrêts.

Faits et procédure. Alors que, dans le premier arrêt, le client d’un garagiste invoquait des dysfonctionnements du véhicule non résolus par le garagiste, dans le second, le vendeur du véhicule connaissant des dysfonctionnements, et cédé à un tiers, assigna le garagiste en responsabilité après avoir indemnisé l’acheteur du véhicule.

Solution. Au visa de l’ancien article 1147, devenu l’article 1231-1 du Code civil N° Lexbase : L0613KZQ, la Cour de cassation édicte le principe suivant : « il résulte de ces textes que, si la responsabilité́ du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées ». Le doute n’est dorénavant plus permis : c’est désormais la voie de la responsabilité pour faute qui s’impose, néanmoins, certaines circonstances permettront de présumer la faute et le lien de causalité. La Cour de cassation en donne ici une illustration : tel sera le cas lorsque les désordres sont apparus ou persistent après l’intervention. Toutefois, la présomption pourra toujours être combattue.

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