La lettre juridique n°885 du 25 novembre 2021

La lettre juridique - Édition n°885

Droit pénal spécial

[Focus] Prise illégale d’intérêts : une nouvelle définition du délit mais toujours autant d'incertitudes sur son champ d’application

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N9439BYA

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par Maxime Cléry-Melin et Jean-Baptiste Boué-Diacquenod, avocats au barreau de Paris

Le 24 Novembre 2021


Mots-clés : prise illégale d’intérêts • article 432-12 du Code pénal • manquement au devoir de probité • élus • Sénat • HATVP

Après dix ans de tentatives infructueuses, les parlementaires se sont accordés sur une réécriture de l’article 432-12 du Code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts commise par un agent public dans le cadre de ses fonctions. La notion d’ « intérêt quelconque », sans cesse élargie par la jurisprudence mais ouvertement critiquée par la doctrine au visa des principes de précision et de prévisibilité de la loi pénale, est remplacée par celle d’ « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » de l’agent public poursuivi. Cependant, cette nouvelle rédaction — en constatant la seule existence d’un intérêt privé dans le champ de l’intérêt public plutôt que de rechercher la contrariété de ces deux intérêts — ne semble pas de nature à résoudre les difficultés actuelles, qui créent une présomption de responsabilité pénale quasi-irréfragable. Pour échapper à cet écueil, les juridictions répressives doivent être invitées à mesurer « l’intensité » des intérêts en présence.


 

La persévérance vient à bout de tout. Maintes fois envisagée, souvent abandonnée, c’est donc au terme de la commission mixte paritaire conclusive du 21 octobre 2021 sur le projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » — loi définitivement adoptée le 18 novembre 2021 puis déférée au Conseil constitutionnel par le Premier ministre le 22 novembre 2021 — que députés et sénateurs se sont accordés sur la nouvelle rédaction de l’infraction de prise illégale d’intérêts.

Les parlementaires ont ainsi précisé les contours de l’élément matériel de l’infraction. N’est désormais plus sanctionnée la prise dun « intérêt quelconque » mais la prise dun intérêt « de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » de l’agent public poursuivi [1].

Pour mémoire, l’article 432-12 du Code pénal (N° Lexbase : L9471IYG) réprime, dans sa rédaction actuelle, « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». Ce délit est puni de lourdes peines : cinq ans d'emprisonnement et une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Les peines complémentaires d’inéligibilité et d’interdiction d’exercer une fonction publique sont également souvent prononcées en application de l’article 432-17 du Code pénal (N° Lexbase : L7405LGD).

Au fil de ses décisions, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser le périmètre de cette notion vague d’« intérêt quelconque » qui matérialise le délit et partant, étendre toujours un peu plus le champ des possibles de sa répression.

Ainsi la jurisprudence précise-t-elle que l’intérêt peut être pris directement ou indirectement, dans l’hypothèse par exemple d’une prise illégale d’intérêts par l’interposition de personnes morales au sein desquelles le prévenu a un intérêt financier [2]. L’intérêt peut être matériel, il sera alors caractérisé par l’existence d’un lien pécuniaire entre le patrimoine de l’intéressé et l’entreprise ou l’opération dont il a la charge. À cet égard, « prendre intérêt au sens de la loi pénale, c'est donc simplement faire apparaître son patrimoine personnel dans le cadre d'une affaire dont on a la surveillance au nom de la puissance publique » [3]. Il peut tout aussi bien être moral, comme un lien familial ou amical, c’est le cas de ce maire qui participe à un vote au sein des commissions ayant attribué des marchés à l'entreprise gérée par son fils [4] ou encore de cet édile qui a participé à toutes les étapes du processus de décision ayant abouti à la cession d’un terrain communal à la société dirigée par « un ami de longue date et son partenaire de golf » [5].

Plus encore, pour que le délit soit caractérisé, l’intérêt pris par le prévenu n’a pas à être en contradiction avec l’intérêt général. La Cour de cassation a ainsi réaffirmé, conformément à une lecture littérale de l’article 432-12 du Code pénal, que la contrariété d’intérêts public et privé n’est pas une condition supplémentaire de la caractérisation de ce délit qui peut donc être constitué en l’absence de toute contrariété avec l’intérêt général [6].

Il n’est pas non plus nécessaire que l’intérêt pris ait engendré un enrichissement personnel pour l’auteur du délit. C’est le cas de cette affaire où des subventions avaient été votées par des élus municipaux à des associations intercommunales qu’ils présidaient bénévolement et qui œuvraient pour l’insertion des jeunes de la commune, considérée cause d’intérêt général [7].

En définitive, la Cour de cassation énonce qu’ « indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel », « l’intérêt quelconque » de l’article 432-12 du Code pénal peut être « matériel ou moral, direct ou indirect et se consomme par le seul abus de la fonction » [8].

De nombreux auteurs se sont alarmés de cet élargissement progressif du champ de l’infraction. Le Professeur Delmas Saint-Hilaire déplorait dès 2005 « la tendance jurisprudentielle à lamenuisement de la consistance de l’élément matériel dans la prise illégale dintérêts » et faisait valoir que « cette extension du domaine de la répression en la matière est sans doute condamnable au regard du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale » [9]. Il s’interrogeait par conséquent sur un glissement de ce délit en une infraction purement matérielle, puisque l’élément intentionnel, lui aussi, s’amenuisait au fil des décisions de la Cour de cassation. L’élément moral est désormais présumé par la seule fonction de l’élu public et de sa charge, au risque de faire peser sur les élus une présomption irréfragable de culpabilité qui ne dit pas son nom [10]. Ce quasi-automatisme de la responsabilité pénale, au motif louable d’une répression pénale plus efficace censée moraliser toujours davantage la vie publique, était inquiétant.

C’est au regard de ces éléments jurisprudentiels et doctrinaux qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été posée en 2011 sur la conformité de l’article 432-12 du Code pénal aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines ainsi que de clarté et de prévisibilité de la loi garantis par l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) et l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (DDHC) (N° Lexbase : L1372A9P). La Chambre criminelle n’a cependant pas transmis la question au Conseil constitutionnel et jugé de manière péremptoire que « la rédaction du texte en cause est conforme aux principes de précision et de prévisibilité de la loi pénale dont elle permet de déterminer le champ d'application sans porter atteinte au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines » [11]. Commentant cette décision, le Professeur Mayaud estimait que « cette conception "ouverte" de l’infraction ne peut qu’inspirer de sérieux doutes sur le principe de légalité, voire sur ce qu’elle est censée servir de nécessité » [12]. Il concluait en précisant que, par son refus de transmettre, la Cour de cassation avait opéré « un renvoi implicite au législateur… » [13].

Depuis, les parlementaires n’ont eu de cesse de chercher une fenêtre législative favorable à l’adoption d’un nouveau texte dont les gouvernements successifs ont toujours craint qu’il ne lui attire les foudres d’une opinion publique devenue extrêmement sensible sur ces sujets.

Le 24 juin 2010, une proposition de loi visant à remplacer l’expression « un intérêt quelconque » par « un intérêt personnel distinct de l’intérêt général » était adoptée à l’unanimité par le Sénat, avec le blanc-seing de la Chancellerie [14]. En l’absence de suite donnée par l’Assemblée nationale, cette modification était reprise le 30 juin 2011 dans une proposition de loi visant à « renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local », puis le 13 juin 2018 dans une nouvelle proposition de loi « relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale », toutes deux adoptés par le Sénat. La commission des lois de l’Assemblée nationale avait quant à elle adopté le 5 juin 2013, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, un amendement proposant de définir l’intérêt illégalement pris comme un « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne », amendement qui n’a cependant pas prospéré. Enfin, le 29 mai 2019, la commission des lois du Sénat proposait de nouveau une nouvelle rédaction de l’article 432-12 du Code pénal dans son rapport sur la proposition de loi « créant un statut de l’élu communal », proposition restée lettre morte [15].

Cette impressionnante activité législative reflétait en creux le trouble causé par l’extension de la responsabilité pénale des élus qui alimenterait une « crise des vocations » relayée par la presse à l’occasion des élections locales. À cet égard, lors d’une consultation menée par le Sénat et intitulée « Être élu local en 2018 », plus de 75 % des 7 300 élus locaux interrogés « estim[aient] nécessaire de réviser le régime de responsabilité pénale » et 45 % d’entre eux « envisag[eaient] de quitter la politique à l’issue de leur mandat » [16].

L’adéquation de l’article 432-12 du Code pénal avec le dispositif de prévention des conflits d’intérêts était remise en cause par M. Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Claude Magendie, ancien Premier Président de la Cour dappel de Paris, et M. Didier Migaud, alors Premier Président de la Cour des comptes, dans leur rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits dintérêts dans la vie publique (dite commission « Sauvé »), remis au Président de la République le 26 janvier 2011. Les auteurs soulignaient que « ce délit se caractérise en effet par son champ dapplication potentiellement très large, auquel la jurisprudence judiciaire mais aussi le juge administratif ont donné une portée extensive » [17]  et relevaient que « le caractère exclusivement répressif de ce dispositif n’apparaît pas totalement adapté aux exigences contemporaines » [18]. En outre, « cette infraction n’a, au terme des recherches approfondies effectuées par la commission, pas d’équivalent dans les pays de l’OCDE. Si de nombreux États répriment des comportements proches, les éléments constitutifs de l’infraction y sont conçus en des termes plus stricts » [19].

La nouvelle formulation retenue le 21 octobre dernier par la commission mixte paritaire reprend la douzième proposition émise dix ans plus tôt par la commission « Sauvé », qui justifiait à l’époque cette nouvelle rédaction par un souci de « mettre en cohérence les dispositifs répressif et préventif » [20]. Ayant connaissance des initiatives parlementaires visant à la réécriture de l’article 432-12 du Code pénal, la commission « Sauvé » préférait la notion d’ « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne » à celle d’ « intérêt personnel distinct de l’intérêt général ». Cette dernière ne permettait pas selon elle « une totale harmonisation avec les interdictions "préventives" (telles que celle figurant dans le statut général des fonctionnaires) ». En effet, l’article 25 septies, I, 4° de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires du 13 juillet 1983 (N° Lexbase : L6938AG3) fait interdiction aux fonctionnaires « de prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle [ils] appartien[nent] ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre [leur] indépendance » [21].

Dix ans plus tard, le législateur n’avait toujours entériné cette douzième proposition, alors même que la loi du 11 octobre 2013 avait institué la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et introduit en droit français la définition juridique du conflit d’intérêts [22]. Ce n’est que dans son rapport d’activité 2020 publié le 3 juin 2021 que la HATVP proposait enfin de la réécriture de l’article 432-12 du Code pénal telle qu’envisagée par la commission « Sauvé » [23].

Si cette nouvelle formulation de la prise illégale d’intérêts est l’aboutissement d’un long processus, elle ne nous apparait toutefois toujours pas conforme aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines, de clarté et de prévisibilité de la loi pénale. Que l’intérêt personnel incriminé soit de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent public ne le distingue en réalité guère de l’ « intérêt quelconque » qui prévalait jusqu’ici. À cet égard, gageons que les condamnations prononcées sous l’empire du texte actuel l’auraient également été sous celui du texte à venir.

Les juridictions répressives ont en effet souvent retenu la commission de l’infraction là où il n’y avait que coexistence – et non conflit avéré ou apparent – entre l’intérêt général et un intérêt personnel de l’agent public. En pratique et comme précisé ci-avant, sitôt qu’est découvert au cours de l’enquête un intérêt personnel de l’agent public, sa seule existence suffit généralement pour qu’il soit considéré par les juridictions répressives comme susceptible de compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent. La condamnation est alors inéluctable.

Les partisans d’une application extensive du délit mettent souvent en avant sa fonction dissuasive qui garderait les élus à distance de toute velléité d’abuser de leurs pouvoirs à des fins personnelles. Cette interprétation du délit consacrerait donc une conception sécuritaire du droit pénal enfermant les agents publics dans un état dangereux dont il est difficile en pratique de s’extraire par la preuve contraire. En revanche, des poursuites engagées contre des élus et leurs éventuelles condamnations pour un délit-obstacle commis « sans intention de nuire » et « indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel » ne sont assurément pas de nature à restaurer la confiance des citoyens envers leurs élus. À cet égard, dans son rapport de 2011, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique mettait d’emblée en garde contre les risques d’une exigence trop implacable, en rappelant que « la relation de confiance qui unit les citoyens à leurs gouvernants et à leurs administrations ne peut qu’être réciproque, et il serait dommageable qu’au nom d’une quête abusive de la vertu, la suspicion des uns ait pour corolaire la crainte permanente des autres » [24].

Or, par nature justement, tout intérêt personnel de l’agent public – et ce dernier en a nécessairement puisqu’il ne saurait être réduit à sa seule fonction d’administrer et qu’il possède une histoire, des attachements, du patrimoine – est susceptible de compromettre son impartialité. À titre d’exemple, le ministre chargé de l’économie et des finances comme les fonctionnaires de son ministère sont évidemment des contribuables soumis au paiement de l’impôt qu’ils administrent. De même, l’article L. 228 du Code électoral (N° Lexbase : L7920IYY) fait obligation à la majorité des élus municipaux de résider dans la commune dont ils réglementent le logement, la voirie ou la gestion des écoles élémentaires. Ainsi, ce n’est pas parce qu’une décision publique peut avoir une incidence sur un intérêt personnel de celui qui y concourt qu’existe nécessairement un conflit d’intérêts, de sorte que la notion de prise illégale d’intérêts « suppose donc une certaine "intensité" des intérêts en question, une "consistance" et une pertinence susceptibles de faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité de l’agent » [25].

Selon nous, le juge pénal ne devrait donc se contenter d’observer une coexistence d’intérêts, au risque de qualifier toute décision publique de prise illégale d’intérêts, mais bien de qualifier un conflit d’intérêts, c’est à dire une divergence, une contrariété, une rivalité entre ces intérêts. Une forte convergence entre l’intérêt public et un intérêt personnel de l’agent public pourrait également relever du champ infractionnel, à la condition d’une intensité suffisante pour pouvoir être regardée comme de nature à susciter un « doute raisonnable » sur l’impartialité de l’agent.

Jusqu’à présent, les tentatives de plaideurs d’attirer l’attention des juridictions correctionnelles sur l’intensité des intérêts en cause se sont avérées vaines. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité de la Cour de cassation du 5 avril 2018, la cour d’appel de Versailles avait balayé l’argumentaire du prévenu qui mettait en avant que l’intérêt pris n’était pas d’un « niveau suffisant » pour exercer une quelconque influence sur l’intérêt général [26]. Gageons que le juge pénal verra cette nouvelle formulation de l’article 432-12 du Code pénal comme une invitation à regarder d’un œil neuf ces situations. En 2012, un auteur faisait déjà cette recommandation en relevant que la rédaction proposée par la commission « Sauvé » « exprime aussi mieux l’intensité des intérêts en cause puisque l’intérêt pris doit être susceptible d’influencer de manière raisonnable l’impartialité de la personne concernée. Il s’agit là d’une avancée par rapport à la notion d’"intérêt quelconque" qui laisse à penser que tout intérêt privé, qu’il soit mineur ou majeur, peut porter atteinte à l’intérêt public dont la personne a la charge » [27].

En définitive, si cette nouvelle rédaction de l’article 432-12 du Code pénal n’est toujours pas satisfaisante au regard des principes constitutionnels régissant la matière pénale, les plaideurs avisés rappelleront utilement aux juridictions correctionnelles que cette nouvelle formule ne les invite en réalité pas tant à se pencher sur la nature de l’intérêt personnel incriminé mais bien sur son intensité, comme le révèlent les travaux qui l’ont suscitée. Une inflexion jurisprudentielle est donc à espérer.

À retenir.

  • À l’occasion de la commission mixte paritaire du 21 octobre 2021, les parlementaires se sont accordés sur une nouvelle rédaction de l’article 432-12 du Code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts — cette loi a été définitivement adoptée le 18 novembre 2021 puis déférée au Conseil constitutionnel par le Premier ministre le 22 novembre 2021..
  • Sera désormais sanctionnée la prise d’un « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’agent public poursuivi » et non plus celle d’un « intérêt quelconque » décriée par la doctrine.
  • Cette nouvelle rédaction n’est toutefois probablement pas suffisante pour contrecarrer la présomption de responsabilité pénale quasi-irréfragable créée par la jurisprudence de la Cour de cassation.
 

[1] Commission mixte paritaire, projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, n° 4604, art. 10 bis [en ligne].

[2] Cass. crim., 27 novembre 2002, n° 02-81.581 (N° Lexbase : A4428A4R).

[3] Bénoit, Rép. Collectivités locales, fasc. 12203-40, n° 144.

[4] Cass. crim., 3 mai 2001, n° 00-82.880 (N° Lexbase : A1202AWG).

[5] Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.912, FS-P+B (N° Lexbase : A4461XKG).

[6] Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-84.288, F-P+F  (N° Lexbase : A7756D7E) ; Cass. crim., 22 février 2017, n° 16-82.039, F-D (N° Lexbase : A2463TPW) ; Cass. crim., 27 juin 2018, n° 16-86.256, F-D (N° Lexbase : A5845XUZ).

[7] Cass. crim., 22 octobre 2008, n° 08-82.068, F-P+F (N° Lexbase : A2497EB4).

[8] Cass. crim., 21 juin 2000, n° 99-86.871 (N° Lexbase : A4344CIQ).

[9] J.-P. Delmas Saint-Hilaire, Prise illégale dintérêt (art. 432-12, c. pén.) : lamenuisement de la consistance de ses composantes tant matérielles que morales se poursuit, RSC, 2005.560.

[10] Cass. crim., 9 février 2005, n° 03-85.697, FS-P+F (N° Lexbase : A1108DHI).

[11] Cass. crim., QPC, 30 novembre 2011, n° 11-90.093, F-P+B (N° Lexbase : A1949H4X).

[12] Yves Mayaud, chronique n° 12, Observatoire de jurisprudence constitutionnelle [en ligne].

[13] Ibid.

[14] Proposition de loi visant à clarifier le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêt, n° 133, adoptée par le Sénat le 24 juin 2010 [en ligne].

[15] Proposition créant un statut de l'élu communal, n° 305, déposé au Sénat le 12 février 2019 [en ligne].

[16] Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, Premiers résultats de la consultation « Être élu local en 2018 », 15 février 2018 [en ligne].

[17] J.-M. Sauvé, D. Migaud, J.-C. Magendie, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique – Rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits dintérêts dans la vie publique, p. 31 [en ligne].

[18] Ibid., p. 22.

[19] Ibid., p. 33.

[20] Ibid., p. 116.

[21] Loi n° 83-634, du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (dite « loi Le Pors »), art. 25 septies, I, 4 (N° Lexbase : L6938AG3).

[22] Loi n° 2013-907, du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, art. 2 (N° Lexbase : L3622IYS).

[23] Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Rapport d’activité 2020 , 3 juin 2021, p. 50 [en ligne].

[24] J.-M. Sauvé, D. Migaud, J.-C. Magendie, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique – Rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits dintérêts dans la vie publique, p. 11

[25] Ibid., p. 11.

[26] Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.912, FS-P+B (N° Lexbase : A4461XKG).

[27] Jean-Marie Brigant, Affaires, conflits d’intérêts, probité… Cachez cette prise illégale d’intérêts que je ne saurais voir, Droit pénal n°1, janvier 2012.

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Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Désignation des membres des conseils de discipline proportionnellement au nombre d'avocats par barreau : les précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 1, 10 novembre 2021, n° 20-11.922, FS-B (N° Lexbase : A45047BG)

Lecture: 4 min

N9457BYW

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par Marie Le Guerroué

Le 08 Décembre 2021

► Pour les tranches expressément définies par l'article 180 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, un représentant en sus et son suppléant sont prévus dès que le nombre minimum d'avocats votants est dépassé.

Faits et procédure. Un avocat inscrit au barreau de Seine-Saint-Denis, qui faisait l'objet de poursuites disciplinaires devant le conseil de discipline de la cour d'appel de Paris, hors Paris, avait sollicité, avec onze autres personnes physiques et morales, l'annulation des délibérations des différents conseils de l'Ordre ayant désigné les membres de cette formation disciplinaire et de l'élection de son président pour les années 2013 et 2014. Les Ordres des avocats aux barreaux de Melun, du Val-de-Marne, de l'Essonne et de Meaux forment un pourvoi devant la Cour de cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 14 novembre 2019, rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 17 mars 2016, n° 15-20.325, F-P+B N° Lexbase : A3453Q8E ; lire sur cette décision, Th. Vallat, Avocats : la composition du conseil régional de discipline peut être contestée en appel... mais pas n'importe comment, Lexbase Avocats, avril 2016 N° Lexbase : N2177BWK). Pour les Ordres des avocats aux barreaux précités, à défaut d'indication expresse contraire contenue à l'article 180 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : Z11506PQ), qui fixe le nombre des membres des conseils de discipline des barreaux hors Paris proportionnellement au nombre d'avocats disposant du droit de vote dans chaque barreau, il y a lieu de considérer, en ce qui concerne les tranches supplémentaires de deux cents avocats au-delà de deux cents, que chaque tranche supplémentaire, même si elle est incomplète, doit donner lieu automatiquement à la désignation d'un membre titulaire et d'un membre suppléant.

En cause d’appel. Or, pour annuler les désignations des membres devant siéger au conseil régional de discipline en 2014 par le barreau de la Seine-Saint-Denis et le barreau du Val-de-Marne, l'arrêt retient que le législateur a voulu raisonner par tranche complète et qu'il s'ensuit que la tranche supplémentaire doit comporter au moins deux cents avocats votants pour ouvrir droit à la désignation d'un représentant supplémentaire avec son suppléant.

Réponse de la Cour. La Cour répond au visa les articles 22-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : C30408SE) et 180 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Selon le premier de ces textes, le conseil de discipline mentionné au premier alinéa de l'article 22 (N° Lexbase : C30338S7) est composé de représentants des conseils de l'Ordre du ressort de la cour d'appel ; aucun conseil de l'Ordre ne peut désigner plus de la moitié des membres du conseil de discipline et chaque conseil de l'Ordre désigne au moins un représentant. Des membres suppléants sont nommés dans les mêmes conditions. Selon le second, le conseil de l'Ordre désigne, pour siéger au conseil de discipline, un membre titulaire et un membre suppléant dans les barreaux où le nombre des avocats disposant du droit de vote est de huit à quarante-neuf, deux membres titulaires et deux membres suppléants dans les barreaux où le nombre des avocats disposant du droit de vote est de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf, trois membres titulaires et trois membres suppléants dans les barreaux où le nombre des avocats disposant du droit de vote est de cent à deux cents. Chaque barreau réunissant plus de deux cents avocats disposant du droit de vote désigne un représentant supplémentaire et son suppléant par tranche de deux cents, sous réserve que les membres de ce barreau ne composent pas plus de la moitié du conseil de discipline de la cour d'appel.

Cassation. En statuant ainsi, alors que, pour les tranches expressément définies par l'article 180 du décret précité, un représentant en sus et son suppléant sont prévus dès que le nombre minimum d'avocats votants est dépassé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

La Cour casse et annule l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il annule les désignations des membres devant siéger au conseil régional de discipline en 2014, faites respectivement le 19 décembre 2013 par le barreau de la Seine-Saint-Denis et le 17 décembre 2013 par le barreau du Val-de-Marne.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La procédure disciplinaire de la profession d'avocat, L'institution d'un conseil de discipline, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E35893RD).

 

newsid:479457

Construction

[Brèves] Le paiement de travaux supplémentaires nécessite la preuve d’un accord sur le prix entre les parties

Réf. : Cass. civ. 3, 17 novembre 2021, n° 20-20.409, FS-B (N° Lexbase : A94777BM)

Lecture: 3 min

N9538BYW

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 24 Novembre 2021

► Il est parfaitement possible pour le maître d’ouvrage de demander à l’entreprise des travaux supplémentaires ;
► l’entreprise qui exécute des travaux supplémentaires sans commande ni validation risque de se heurter à la difficile preuve de cet accord.

Un maître d’ouvrage confie des travaux de rénovation de sa maison d’habitation à une entreprise. L’entreprise l’assigne en paiement de travaux supplémentaires. La cour d’appel de Nancy, dans un arrêt rendu le 8 juin 2020 (CA Nancy, 8 juin 2020, n° 19/01404 N° Lexbase : A40193RB), rejette cette demande aux motifs que les travaux supplémentaires n’avaient ni été commandés avant leur exécution ni été acceptés sans équivoque après cette exécution. Il ne suffit ni de facturer ni de rapporter la preuve que ces factures n’ont pas été contestées.

L’entreprise forme un pourvoi en cassation. Elle expose, à juste titre, que la preuve du contrat d’entreprise étant libre, la commande des travaux supplémentaires peut être orale. L’exigence d’un écrit n’est donc pas une condition ad validitatem mais ad probationem. En exigeant que l’entreprise justifie d’un écrit ou d’un commencement de preuve par écrit, les conseillers ont violé l’ancien article 1134 du Code civil. Il suffit de rapporter la preuve qu’ils aient été commandés, même oralement.

Le pourvoi est rejeté. Les juges du fond a pu légitimement apprécier que l’entreprise ne rapportait pas la preuve que les travaux supplémentaires avaient bien été commandés.

Si la solution n’est pas nouvelle (pour exemple Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 04-20.639, FS-P+B N° Lexbase : A7991DNB), elle est toujours contestable en ce qu’elle suscite toujours autant de contentieux, surtout pour les travaux de faibles envergures, pour lesquels les parties ne contractent rien par écrit. Parfois, il n’y a même pas de devis. Cette situation, fréquente, porte préjudice à l’entreprise en cas de refus de paiement par le maître d’ouvrage. Pour se faire payer, il devra rapporter la preuve d’un accord sur la chose et le prix qui aura peut-être été verbalement donné. Probatio diabolica diraient certains.

La charge de la preuve de la commande, qui incombe au demandeur (pour une application pour une commande de travaux, Cass. civ. 1, 19 février 2013, n° 11-26.944, F-D N° Lexbase : A4360I8Y), en pratique l’entreprise, rend difficile l’aboutissement de sa demande en paiement.

Il s’agit là de l’application stricte des dispositions de l’article 1793 du Code civil (N° Lexbase : L1927ABY). Dans le marché à forfait, un ordre écrit du maître d’ouvrage est nécessaire. L’autorisation écrite s’impose (Cass. civ. 3, 3 avril 2002, n° 00-22.531 N° Lexbase : A4332AY4, RDI 2002, 212). Cette autorisation doit même, pour reprendre la formule consacrée, être dénuée de toute équivoque (Cass. civ. 3, 30 juin 1981, RDI 1982, 382).

Les travaux supplémentaires sont, dans le cas contraire, inopposables au maître d’ouvrage qui peut en refuser le paiement en l’absence d’autorisation écrite (Cass. civ. 3, 7 juillet 1961, Bull. civ. I, n° 407).

Ces règles ne s’appliquent, toutefois, pas aux travaux non prévus qui sont dans l’objet du contrat et que les constructeurs ont l’obligation d’exécuter car ils relèvent de la loyauté contractuelle et sont indispensables à la réalisation d’un ouvrage conforme.

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Contrôle fiscal

[Brèves] Proposition de rectification adressée à une société… à la mauvaise adresse ! Diligences appartenant à la société d’information à l’administration fiscale de sa nouvelle adresse

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 15 novembre 2021, n° 443190, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A82487B4)

Lecture: 4 min

N9493BYA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Novembre 2021

Une proposition de rectification doit, pour être régulière, être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale ;

► En cas de changement de domicile, il appartient à celui-ci d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.

Les faits :

  • une société exerce une activité de retouches et de blanchisserie 
  • à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration l'a assujettie à des rappels de TVA 
  • après rejet de sa réclamation préalable, la société a demandé au TA d'Orléans de prononcer la décharge de ces rappels et impositions supplémentaires, ainsi que des pénalités correspondantes ; la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel que la société a formé contre le jugement (CAA Nantes, 31 mars 2020, n° 18NT001739 N° Lexbase : A89723TH).

🔎 Principes :

  • l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (LPF, art. L. 57 N° Lexbase : L0638IH4) ;
  • dans sa demande d'immatriculation, une société déclare, en ce qui concerne la personne morale l'adresse de son siège social (C. com., art. R. 123-53 N° Lexbase : L6134LUQ) ;
  • toute personne morale immatriculée demande une inscription modificative dans le mois de tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des énonciations prévues aux articles R. 123-53 et suivants.

L'administration fiscale a, par LRAR, adressé à la société le pli contenant la proposition de rectification du 6 novembre 2015 au 4, rue du Faubourg Madeleine à Orléans, qui constituait la dernière adresse que celle-ci lui avait communiquée ainsi que, par ailleurs, celle de son siège social.

Pour soutenir qu'elle avait, préalablement à l'envoi de cette proposition, accompli les diligences nécessaires afin d'informer l'administration fiscale de sa nouvelle adresse, la société s'est notamment prévalue de ce qu'elle y avait transféré son siège social et que ce transfert était opposable à l'administration dès sa publication, le 30 octobre 2015, au RCS, de sorte que l'administration ne pouvait régulièrement lui notifier la proposition de rectification à l'adresse de son ancien siège social.

⚖️ Solution du Conseil d’État :

  • la circonstance qu'une société aurait régulièrement modifié l'adresse de son siège social par une inscription modificative au RCS ne saurait, par elle-même, être regardée comme constituant une diligence de nature à informer l'administration fiscale de ce que la société entendait être contactée à cette nouvelle adresse
  • la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la société ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle aurait déposé dès le 30 octobre 2015 le dossier relatif à son changement de siège social auprès du centre de formalités des entreprises et que celui-ci n'aurait procédé qu'avec retard à la transmission, qui lui incombait, de cette information à l'administration fiscale.
  • enfin la CAA a estimé à que l'adresse du 98, rue du Faubourg Saint-Vincent à Orléans était celle d'un établissement secondaire de la société à la date d'envoi par l'administration, à cette adresse, d'un avis d'imposition à la CFE daté du 15 octobre 2015 et reçu le 30 octobre suivant, et que l'utilisation d'une telle adresse par l'administration fiscale n'était pas, à elle seule, suffisante pour établir que la société aurait, ainsi qu'elle le soutenait, adressé le 27 octobre 2015 un courrier à l'administration fiscale pour l'informer de son changement d'adresse.

Le pourvoi de la société est rejeté.

💡 Le Conseil d’État a jugé dans une autre affaire que « le contribuable, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement notifié qu'à celle-ci, lorsqu'il informe La Poste de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié. Il en est de même lorsque l'intéressé accomplit ces mêmes diligences en cas de changement temporaire d'adresse » (CE 3° ch., 1er juillet 2019, n° 420834, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3518ZHR).

 

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Covid-19

[Textes] Loi sur la vigilance sanitaire : une sortie de pandémie au long-cours

Réf. : Loi n° 2021-1465, du 10 novembre 2021, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (N° Lexbase : L9510L8Q)

Lecture: 21 min

N9484BYW

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par Raphaël Maurel, Maître de conférences en droit public à l’Université de Bourgogne, membre du CREDIMI (EA 7532), associé au CEDIN (EA 382) et au CMH (EA 4232)

Le 26 Novembre 2021

 


Mots clés : crise sanitaire • covid-19 • état d'urgence sanitaire

C’est dans un contexte parlementaire houleux que la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire a été promulguée, le jour même. Déposé le 13 octobre dernier par le Gouvernement, le projet de loi a fait l’objet d’un traitement en procédure accélérée – qui constitue statistiquement, aujourd’hui, le mode « normal » de législation. Contrairement aux précédents textes de lutte contre la pandémie puis de gestion de la sortie de crise, cette nouvelle loi, annoncée dès l’été dernier puisque le régime voté en août ne pouvait s’étendre au-delà de l’automne 2021, a fait l’objet de débats tumultueux au Parlement. En particulier, le Sénat, en désaccord sur plusieurs points clés du dispositif soumis par le Gouvernement, a d’emblée exprimé ses divergences de vues. Après l’échec de la commission mixte paritaire du 2 novembre 2021, l’Assemblée nationale a rétabli l’intégralité de son texte en écartant les propositions sénatoriales le lendemain – à l’exception de l’article 7 du texte final concernant la Nouvelle-Calédonie et de l’article 12 concernant l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger –, conduisant à un rejet préalable du nouveau texte au Sénat le 4 novembre 2021.


 

La loi, qui est la huitième adoptée depuis mars 2020 en matière sanitaire, présente plusieurs volets dont tous ne seront pas ici traités (v. en particulier les articles 4 et 5 sur le contrôle du respect de l'obligation vaccinale ou l’article 7 sur les dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française). Elle prolonge principalement le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022. Malgré l’opposition du Sénat, le texte confirme notamment la coexistence de deux régimes juridiques distincts, qu’il consolide (I). Il n’est cependant pas sorti indemne du filtre du Conseil constitutionnel, qui en a censuré plusieurs dispositions (II).

I. La consécration de la coexistence de deux régimes sanitaires distincts

Avec seulement 14 articles – dont l’un (le neuvième) intégralement censuré par le juge constitutionnel, la loi du 10 novembre 2021 est relativement brève, à l’image de son examen parlementaire. Ses deux premiers articles prévoient pourtant une articulation complexe : d’une part celui de l’état d’urgence sanitaire, permettant s’il est déclenché les confinements et couvre-feux (A), d’autre part celui de la « gestion de crise sanitaire », sorte d’entre-deux permettant à la fois de prendre des mesures proches et distinctes de l’état d’urgence sanitaire (B).

A. La prorogation de la possibilité de déclencher l’état d’urgence sanitaire

 

Le premier article substitue la date du « 31 juillet 2022 » aux mentions du « 31 décembre 2021 » dans l’article 7 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), et, logiquement, dans le Code de la santé publique. Rappelons qu’en effet, la loi du 23 mars 2020 a créé un nouveau chapitre 1er bis au titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique intitulé « État d’urgence sanitaire » – le chapitre 1er ayant été renommé « Menaces sanitaires » en lieu et place de « Menaces sanitaires et crises graves ». L’une des originalités de la loi du 23 mars 2020 réside dans son article 4, qui prévoit l’entrée en vigueur de l’état sanitaire pour deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi sauf dans l’hypothèse de sa prorogation, par la loi, jusqu’à une date fixée par l’article 7 – ce qui n’est pas des plus limpides. Lorsqu’il est mis en œuvre, ce dispositif permet en particulier au Premier ministre, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé et « aux seules fins de garantir la santé publique », de prendre une série de mesures dont l’essentiel est mentionné à l’article L. 3131-15 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4891L7B). Au titre de ces mesures figurent la restriction ou l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules en certains lieux et heures, l’interdiction de sortir de son domicile, la quarantaine, la fermeture administrative d’établissements, l’interdiction des rassemblements sur la voie publique, ou encore la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire. Il s’agit donc du dispositif le plus attentatoire aux droits et libertés, ayant vocation à être limité à la fois matériellement – les mesures devant cesser avec l’urgence – et temporellement. Cet article 7, qui prévoyait initialement que l’état d’urgence sanitaire pouvait être déclenché jusqu’au 1er avril 2021, avait déjà été modifié par la loi n° 2021-160 du 15 février 2021, prorogeant l’état d’urgence sanitaire (N° Lexbase : L1632L3T), qui prolongeait ce délai jusqu’au 31 décembre 2021.

Une partie du court et confus débat public sur le texte voté début novembre 2021 concernait la nouvelle prorogation de la possibilité de déclarer l’état d’urgence sanitaire – et non de cet état lui-même, dont la métropole est (discrètement) sortie par l’effet de l’article 50 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (N° Lexbase : L5606L87), sauf dans les outre-mer ; la Réunion en est par exemple sortie par le décret n° 2021-1328 du 13 octobre 2021, mettant fin à l’état d’urgence sanitaire à La Réunion (N° Lexbase : L5295L8M). Selon l’opposition – de tous bords politiques – la prorogation proposée, en l’espèce, jusqu’au 31 juillet 2022 était problématique, en ce qu’elle constitue un prolongement disproportionné et non nécessaire de près de 9 mois de cette possibilité soumise à un contrôle juridictionnel minimal (et ce malgré l’article L. 3131-18 du Code de la santé publique N° Lexbase : L8573LWG qui renvoie aux recours possibles ; v. pour une argumentation sur ce point la contribution extérieure du professeur Paul Cassia, transmise le 6 novembre 2021 au Conseil constitutionnel en vue de la décision n° 2021-828 DC N° Lexbase : A23697BD). En creux, l’opposition critiquait la justification implicite de cet éloignement temporel, à savoir la survenance des élections présidentielles les 10 et 14 avril, puis législatives les 12 et 19 juin. Autrement dit, la majorité a souhaité que le calendrier des campagnes qui s’ouvriront officiellement le 28 mars 2022 ne soit ni bousculé, ni même gêné par la possible nécessité de déclencher l’état d’urgence sanitaire. Si l’on peut comprendre l’objectif d’apaisement social pendant une période électorale cruciale nécessitant des débats constructifs poursuivi par cet acte de prévoyance, celui-ci conduit néanmoins à l’absence de toute consultation du Parlement, pendant une durée inédite, sur la question du déclenchement de l’état d’urgence sanitaire. Il est loisible d’y voir là une nouvelle atteinte aux prérogatives du Parlement, d’autant que les contre-propositions des oppositions – notamment de la droite sénatoriale qui proposait la date du 28 février 2022 ont été balayées sans aucune suite. Cependant, il faut rappeler que le dispositif aujourd’hui codifié par l’article L. 3131-13 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5585LWR) selon lequel « la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi » demeure en vigueur, de sorte que tout nouveau déclenchement de l’état d’urgence sanitaire – il est vrai discrétionnaire – d’ici le 31 juillet 2021 ne saurait excéder un mois sans que le Parlement y soit associé.

Le Conseil constitutionnel, saisi de la compatibilité de cette disposition avec le bloc de constitutionnalité, notamment sous l’angle de la proportionnalité et de la nécessité, a sans surprise validé le dispositif. Il a sobrement rappelé que les mesures « doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s’assurer que ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu’elles poursuivent » (décision n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021 N° Lexbase : A23697BD, Loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire).

B. La prorogation du régime de sortie de crise sanitaire

L’article 2 de la loi du 10 novembre est le plus dense ; il modifie en profondeur la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (N° Lexbase : L6718L4L).

La première modification porte sur la prolongation du régime de sortie de crise, dont la date d’échéance, initialement annoncée au 15 novembre 2021, est alignée sur celle de l’article 1er. Ainsi, la possibilité d’imposer, par règlement, le « passe sanitaire » pour lutter contre l’épidémie est prolongée jusqu’au 31 juillet 2021, de même que certaines prérogatives relevant également de l’arsenal de l’état d’urgence : la limitation de la circulation des personnes, des réunions sur la voie publique ou encore la règlementation de l’accès aux établissements recevant du public. Sur ce point, l’articulation des deux régimes n’est pas particulièrement claire, certaines mesures relevant de l’état d’urgence sanitaire comme de la gestion de sortie de crise. Il résulte à tout le moins de l’alignement temporel des deux régimes, jusqu’ici distincts, un certain défaut de lisibilité et d’intelligibilité, a minima pour l’opinion publique.

Le travail parlementaire a essentiellement consisté, sur cet article, à encadrer la large marge de manœuvre proposée par le projet initial. Plus précisément, à la poursuite exclusive de la lutte contre la propagation de l’épidémie a été ajoutée la mention que le régime ne peut être déclenché que « si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation ». Deux autres dispositions introduites par cet article 2 méritent néanmoins l’attention.

D’une part, un durcissement de la lutte contre la fraude au « passe sanitaire » a été adopté. D’abord, le fait de transmettre, en vue de son utilisation frauduleuse, un authentique « passe sanitaire » est puni d’une contravention de quatrième classe, c’est-à-dire d’une amende forfaitaire de 135 euros. Ensuite et surtout, l’usage, la procuration, la proposition de procuration ou l’utilisation d’un faux « passe sanitaire » fait l’objet d’une nouvelle infraction punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Le Conseil d’État, dans son avis n° 404.103 du 7 octobre 2021 (N° Lexbase : A61447CK), a – comme le Conseil constitutionnel – estimé que « la peine envisagée n’était pas manifestement disproportionnée en ce qui concerne les faits relatifs à l’établissement et à la cession de faux « passes sanitaires », au regard de la gravité du trouble causé à l’ordre public et à la santé publique par les trafics parfois importants auxquels ces agissements peuvent donner lieu » (§ 12). Pourtant, la production d’un faux « passe sanitaire » pour accéder à un établissement recevant du public se trouve dorénavant punie de la même manière, pour ne prendre que cet exemple, que les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours commises, aux termes de l’article 222-12 du Code pénal (N° Lexbase : L6306L4C), sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable. Cette comparaison a de quoi laisser circonspect, la lecture de l’étude d’impact ne dissipant pas ce sentiment. Ladite étude ne s’appuie d’abord sur aucune statistique et, dans l’ensemble, sur aucun élément pour établir la gravité ni même l’existence de cette pratique. Ensuite, elle justifie la sanction par le fait que « le droit commun du délit de faux et usage de faux d’un document habituellement délivré par l’administration, auquel cette infraction est assimilable, prévoit des peines maximales de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende » (étude d’impact du 13 octobre 2021, p. 39). Cependant, on doit noter que l’infraction n’est que partiellement assimilable à celles visées par l’article 441-2 du Code pénal (N° Lexbase : L7211ALN), dans la mesure où les tests virologiques ne constituent pas des documents délivrés par l’administration – n’importe quel soignant libéral étant habilité à pratiquer un test et à remettre une attestation. Il eût sans doute été préférable d’aligner le régime répressif sur celui de l’article 441-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2006AMA), réprimant le faux et usage de faux sans référence à une quelconque administration, de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

D’autre part, une triple obligation d’information parlementaire est imposée par le même article. La première, issue du projet initial bien que la date ultime de remise ait été avancée par amendement, prévoit que le Gouvernement devra présenter au Parlement, trois mois après la promulgation de la loi et au plus tard le 15 février 2022, un rapport exposant « les mesures prises en application du présent article depuis l’entrée en vigueur de cette même loi et précisant leur impact sur les indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation ». Le rapport devra également indiquer les raisons du maintien, le cas échéant, de certaines des mesures prises sur tout ou partie du territoire national ainsi que les orientations de l’action du Gouvernement visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 », et pourra faire l’objet d’un débat. Signe d’une volonté de contrôle parlementaire sur ce régime exceptionnel, cette disposition répond également à la sensation d’absence de ce contrôle depuis le début de la pandémie, amplement relayée par les médias. La deuxième obligation est issue d’une succession d’amendements identiques à l’Assemblée, et prévoit qu’un deuxième rapport, contenant les mêmes informations, doit être présenté avant le 15 mai 2022 – soit trois mois environ après le premier. Enfin, un dernier alinéa prévoit que ces mêmes informations sont en tout état de cause communiquées chaque mois, à partir de la promulgation de la loi, au parlement sous la forme d’un rapport d’étape. Autrement dit, le Gouvernement se voit contraint de rendre compte de son activité chaque mois, seule l’intensité du contrôle parlementaire étant amenée à varier – avec l’existence ou non d’un débat en commission ou en séance publique. La disposition étant relativement peu claire, il eût sans doute été préférable, d’un point de vue non seulement rédactionnel mais également au regard des enjeux du contrôle parlementaire en temps de pandémie, de fusionner ces trois dispositions redondantes pour exiger un rapport mensuel. Rappelons, finalement, que ces rapports ne concernent que le régime de sortie de crise, et ne sont donc pas exigés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ce qui peut être justifié précisément par l’exigence de l’urgence mais pourra certainement être regretté.

II. L’amorce d’une extension du contrôle par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi quelques heures à peine après le vote solennel de la loi à l’Assemblée nationale, sans aucune surprise puisque le Sénat avait opposé son rejet total du texte imposé par le Palais Bourbon. La décision du Conseil constitutionnel a été rendue le mardi suivant, soit 48h ouvrées après la saisine (décision n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021 N° Lexbase : A23697BD, Loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire). Malgré ce délai excessivement court, qui peut susciter des interrogations quant à la qualité tant de la maturité des réflexions proposées par les quatre saisines sénatoriales et parlementaires que du raisonnement du juge constitutionnel, la décision, sans être très surprenante, est plus qu’à l’accoutumée révélatrice de la précipitation parlementaire qui a caractérisé l’examen de ce texte. Le Conseil constitutionnel n’a, certes, pas invalidé la prolongation exceptionnelle du régime de sortie d’état d’urgence, qui était la principale disposition contestée sur le fond. Il était au demeurant peu probable que le juge de la rue de Montpensier s’aventure sur le terrain de la proportionnalité, au regard du contrôle réduit qu’il exerce en la matière. Au surplus, le fait que le texte ne prolonge pas l’état d’urgence sanitaire, mais ne concerne que l’extension de la possibilité de son usage et le régime de gestion de crise, a joué dans l’intensité du contrôle (v. le § 6 de la décision). Le Conseil constitutionnel a cependant intégralement censuré sur le fond une disposition particulièrement critiquée quant à la protection des données personnelles (A), ainsi que, sur la forme, plusieurs habilitations législatives démontrant la grande précipitation du législateur (B).

A. La censure attendue de l’article 9

 

Le juge constitutionnel a totalement invalidé l’article 9 de la loi, qui permettait aux directeurs des établissements d’enseignement scolaire d’accéder à des informations médicales relatives aux élèves et de procéder à leur traitement. Les députés et sénateurs invoquaient des motifs procéduraux comme de fond. Sur le fond, était d’une part dénoncée la méconnaissance du droit au respect de la vie privée par cette dérogation au secret médical et l’autorisation de traitement de ces données « particulièrement sensibles relatives à des personnes pour la plupart mineures » (§ 32 de la décision), sans que la loi ne prévoie de garanties précises concernant les personnes ayant accès à ces données. D’autre part, une rupture d’égalité potentielle entre élèves dans l’accès à l’instruction, selon leur statut vaccinal, était alléguée par les députés (§ 34). Le Conseil constitutionnel aurait pu censurer la disposition sur le fondement d’une simple inconstitutionnalité procédurale – en l’espèce, une incompétence négative, comme l’invitaient à le faire les sénateurs (§ 33). Il retient pourtant pas moins trois motifs, à l’occasion d’un raisonnement particulièrement clair et étayé.

 

Premièrement, le Conseil constitutionnel, non sans avoir rappelé que « [l]orsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités » (§ 35), relève que la loi ne prévoit à aucun moment le recueil du consentement des élèves ou de leurs parents (§ 38). Deuxièmement, il relève la communication potentielle des données sensibles à un grand nombre de personnes, dont l’habilitation n’est subordonnée à aucun critère, ni assortie d’aucune garantie relative à la protection du secret médical (§ 39). Enfin, il note l’absence de précision suffisante des finalités poursuivies par ces dispositions (§ 40). Il en déduit logiquement que ces dispositions « portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée » (§ 40) et n’examine pas les autres motifs avancés. L’on voit ici révélée la précipitation anormale du législateur : il aurait suffi que le texte précise les finalités du traitement et indique que les modalités d’habilitation des personnes « spécialement habilitées » par les chefs d’établissement pour accéder aux données médicales et les traiter seraient déterminées par décret pour purger les deux derniers motifs d’inconstitutionnalité, qui étaient au demeurant évidents.

La décision de censure était donc très probable, et on peut s’étonner que ni la majorité, ni le Gouvernement n’aient identifié en amont ces inconstitutionnalités majeures. La rapidité du processus législatif, dont l’on devine l’impact sur la qualité de la norme, peut expliquer cette erreur. Seul l’obstacle de l’absence de consentement était difficilement prévisible, au regard de l’intensité variable du contrôle du Conseil constitutionnel sur ce point. Il reste loisible de penser que si l’Assemblée nationale (puisque le Sénat a été écarté du processus) avait été plus précise dans la rédaction du texte, le Conseil constitutionnel aurait pu – bien que ceci eût été regrettable – se montrer plus conciliant sur l’unique argument du consentement.

B. La censure prévisible de certaines dispositions des articles 13 et 14

Selon un processus dorénavant courant [1], la loi habilitait pendant près de neuf mois le Gouvernement à adopter, par ordonnance de l’article 38, des dispositions de nature législative – notamment en matière de droit du travail. Les sénateurs, qui estimaient ce blanc-seing excessif, ont opposé une argumentation fondée sur une lecture littérale de l’article 38, selon lequel « [l]e Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances […] ». Les demandes d’habilitation avaient bien été introduites soit par le projet de loi initial, soit par amendements gouvernementaux. Cependant, le Sénat avait supprimé ces dispositions en première lecture. Elles avaient été réintroduites, dans la précipitation...par amendements parlementaires en dernière lecture, et non par amendements gouvernementaux, ce qui constituait une question nouvelle.

La jurisprudence avait en effet pu confirmer que « seul le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre de telles ordonnances », ce qui exclut l’habilitation prévue dans une proposition initiale de loi (v. décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005 N° Lexbase : A1146DGK, Loi relative aux compétences du tribunal d’instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance, considérants n°s 28 et 29) ; mais qu’il peut le fait soit par un projet de loi, soit par « un amendement à un texte en cours d’examen » (décision n° 2006-534 DC du 16 mars 2006 N° Lexbase : A5903DNX, Loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, considérant n° 5). Récemment, le Conseil constitutionnel a précisé que l’extension d’une habilitation requise par le Gouvernement est inconstitutionnelle si elle « résulte de l’adoption d’amendements d’origine parlementaire » (décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021 N° Lexbase : A71314Z7, Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, §15). La question du rétablissement d’une habilitation supprimée par l’autre chambre, par amendement, n’avait donc jamais été soumise au Conseil constitutionnel.

Face à la lecture formaliste – mais objectivement correcte et, croyons-nous, justifiée – faite de l’article 38 par le juge constitutionnel dans les trois décisions précitées, le Gouvernement se trouvait manifestement dans l’embarras. Sa réponse faite à l’argument des saisines, présentée dans les observations du 7 novembre 2021, peinait ainsi à convaincre. D’une part, le Gouvernement rappelait que les dispositions parlementaires « se bornent à rétablir » les habilitations, sans modification (p. 13). D’autre part, il tentait de se fonder sur son avis favorable donné en séance publique, et, globalement, son attitude proactive dans l’examen des amendements portant sur ces habilitations – y compris en s’opposant à leur suppression requise par amendements de l’opposition. Le Conseil constitutionnel n’a pas fait preuve de la souplesse attendue – et espérée – par le Gouvernement et a suivi le raisonnement formaliste des sénateurs, qui revient d’ailleurs à réaffirmer la règle de l’entonnoir. Selon la rue de Montpensier, ces dispositions « n’ont donc pas été adoptées à la demande du Gouvernement », et ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution (§ 47).

Il est certainement possible de voir là un formalisme excessif ; il reste que cette solution était prévisible, et que les amendements auraient pu – dû – être identifiés comme inconstitutionnels en amont. Au demeurant, les effets de la décision d’inconstitutionnalité devraient être modérés. Le Gouvernement a ainsi introduit par amendement, cette fois gouvernemental, l’habilitation censurée relative à l’adaptation des dispositions relatives à l’activité réduite pour le maintien en emploi dans le projet de loi de finances pour 2022 (article 34 duovicies de la deuxième partie du texte adopté par l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021, résultant d’un amendement n° II-3533 rectifié du Gouvernement). Aussi, cette décision illustre-t-elle surtout le caractère imprécis du travail parlementaire, mené en marche forcée par le Gouvernement lequel, dans un contexte pandémique indubitablement complexe et à l’approche d’échéances électorales majeures, tente d’aller au plus vite, au détriment de la qualité du processus légistique qui devrait rester un objectif primordial.


[1] V. sur ce phénomène P. De Montalivet, L’inflation des ordonnances, RDP, n° 2017-1, p. 37.

newsid:479484

Divorce

[Brèves] Ancienne procédure de divorce : autorité de chose jugée des dispositions d’une ONC devenue caduque, relatives à la compétence internationale du juge français

Réf. : Cass. civ. 1, 17 novembre 2021, n° 20-20.746, F-B (N° Lexbase : A94797BP)

Lecture: 2 min

N9528BYK

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 29 Novembre 2021

► La caducité de l'ordonnance de non-conciliation, qui résulte de l'article 1113 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1638H4G), dans sa rédaction issue du décret n° 2004-1158 du 29 octobre 2004 (N° Lexbase : L3789GUU), affecte les mesures provisoires fixées par cette ordonnance, ainsi que l'autorisation d'introduire l'instance, mais ne s'étend pas aux dispositions sur la compétence internationale du juge français, lesquelles, édictées préalablement à la tentative de conciliation, présentent un caractère autonome et sont revêtues de l'autorité de la chose jugée.

En l’espèce, les époux s’étaient mariés le 7 janvier 1989 à Meknès (Maroc). Par un jugement du 17 juin 2010, confirmé par un arrêt du 17 mai 2011 devenu irrévocable, le juge marocain, saisi par l’époux, avait prononcé le divorce des époux.

Le juge aux affaires familiales, saisi en second par l’épouse, avait rejeté l'exception de litispendance par une ordonnance du 22 octobre 2009, ayant force de chose jugée. Faute d'assignation dans les délais impartis par l'article 1113 du Code de procédure civile, l'ordonnance de non-conciliation était devenue caduque.

L’ex-époux avait sollicité l'exequatur de la décision marocaine. Il faisait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'exequatur de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Meknès le 17 mai 2011, reprochant à la cour d'appel, de s'être déterminée au regard d'une chose jugée rendue caduque par l'effet de la caducité de l'ordonnance de non-conciliation et d'une situation de litispendance qui n'existait plus au jour où elle statuait.

L’argument est écarté par la Cour suprême qui énonce la règle précitée et approuve le raisonnement des conseillers d’appel. Selon la Haute juridiction, ayant relevé que l'ordonnance du 22 octobre 2009 avait rejeté l'exception de litispendance soulevée par l’époux au motif qu'en application de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, la juridiction française était seule compétente, la cour en a exactement déduit que cette décision, passée en force de chose jugée, rendait irrecevable la demande d'exequatur de la décision de divorce prononcée par les juridictions marocaines.

newsid:479528

Droit pénal fiscal

[Brèves] Formalisme applicable dans la procédure de taxation en matière de contributions indirectes

Réf. : Cass. crim., 17 novembre 2021, n° 20-82.300, F-B (N° Lexbase : A94617BZ)

Lecture: 3 min

N9474BYK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Novembre 2021

La Chambre criminelle a donné, dans un arrêt du 17 novembre 2021, des précisions sur le formalisme applicable dans la procédure de taxation en matière de contributions indirectes.

Les faits :

  • l’unique associé et gérant d’une brasserie exerce une activité de production d'alcools et bénéficie du statut d'entrepositaire agréé ;
  • l'administration des douanes a réalisé des contrôles concernant la comptabilité matière, le stock physique de boissons et le respect des obligations déclaratives et de recensement des produits soumis à accise ;
  • l'administration des douanes a adressé par LRAR à la société un avis préalable de taxation et a invité le dépositaire agréé à présenter ses observations et produire tout justificatif sous un délai de 30 jours ;
  • l'administration des douanes a envoyé au gérant de la brasserie un procès-verbal de notification portant sur les infractions de manquants anormaux de whisky, de pastis et d'alcool surfin, défaut de tenue de registres de fabrication, de manipulation et de mise en bouteilles, fausses déclarations récapitulatives mensuelles et fausse déclaration annuelle d'inventaire ;
  • la proposition de transaction présentée par l'administration des douanes et droits indirects n'ayant pas été suivie d'effet, l'administration a fait citer le gérant et la société devant le tribunal correctionnel qui a annulé les procès-verbaux rédigés à la suite des contrôles, ainsi que la procédure douanière subséquente et la citation ;
  • l'administration des douanes a formé appel de cette décision.

En cause d’appel, les juges ont infirmé le jugement du tribunal correctionnel et rejeté les exceptions de nullité et de prescription élevées par la brasserie en énonçant qu’aucun texte normatif n’impose un formalisme dans la procédure de taxation en matière de contributions indirectes.

🔎 Principe. Aux termes de l’article L. 80 M du LPF (N° Lexbase : L6962LLG) :

  • en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration,
  • le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration ; il est invité à faire connaître ses observations.

⚖️ Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par le gérant et la société.

👉 En effet, d'une part, l'article L. 34 du LPF (N° Lexbase : L3136KW3), qui au contraire réglemente l'hypothèse de son absence, n'exige pas la présence du représentant légal de l'entrepositaire agréé dans les locaux duquel est effectué un contrôle au titre des contributions indirectes.

👉 D'autre part, si ce texte commande que la copie du procès-verbal établi lors des opérations soit transmise à l'occupant des locaux contrôlés, ni lui ni aucun autre texte n'impose que ce procès-verbal soit signé par l'entrepositaire agréé.

👉 Enfin, l'article L. 80 M du LPF précité, qui impose un échange contradictoire entre l'administration et le contribuable au cours de la procédure aboutissant à l'établissement d'un procès-verbal de notification d'infraction à la législation sur les contributions indirectes, n'implique pas que chacune des opérations effectuées par les agents des douanes en application des prérogatives qui leur sont reconnues par la loi soit réalisée en présence de la personne contrôlée.

💡 Sur la procédure de rectification contradictoire en matière de contributions indirectes mise en place par l’article L. 80 M du LPF, rappelons que la Chambre criminelle a eu l’occasion de juger que « faute d’avoir eu connaissance des documents sur lesquels l’administration entendait fonder sa décision, le redevable n’avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n’établisse le procès-verbal d’infractions ». Ainsi, le principe du contradictoire n’est pas respecté lorsque le contribuable reçoit les documents sur lesquels l’administration fonde sa décision après l’établissement du procès-verbal d’infractions.

 

newsid:479474

Entreprises en difficulté

[Brèves] Sanction de l’inobservation de la répartition des compétences au profit des tribunaux de commerce spécialisés

Réf. : Cass. com., 17 novembre 2021, n° 19-50.067, FS-B+R (N° Lexbase : A94717BE)

Lecture: 5 min

N9499BYH

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par Vincent Téchené

Le 24 Novembre 2021

► L’article L. 721-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2446LH3) qui donne compétence aux tribunaux de commerce spécialisés pour connaître des procédures collectives des entreprises dépassant certains seuils ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints mais détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence et non par une décision d'irrecevabilité.

Faits et procédure. Le tribunal de commerce de Saint-Étienne, après s'être déclaré compétent, a ouvert le redressement judiciaire d’une société. Le ministère public a fait appel du jugement. La débitrice a ensuite été mise en liquidation judiciaire.

Les administrateurs judiciaires nommés et l’un des mandataires ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Lyon, 3ème ch., sect. A, 14 novembre 2019, n° 19/07075 N° Lexbase : A3799ZYD ; Fl. Reille, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 655 N° Lexbase : N5299BYW), lui reprochant de dire recevables les demandes du ministère public tendant à ce que soit relevée d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne et à ce que ce tribunal soit déclaré incompétent pour connaître de la situation de la débitrice, relevant de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé.

Pourvoi. Les demandeurs au pourvoi soutenaient que les exceptions de procédure, telles qu'une exception d'incompétence, doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même lorsque les règles invoquées sont d'ordre public. En l’espèce, l'exception d'incompétence selon laquelle seul le tribunal de commerce spécialisé de Lyon pouvait connaître de l'ouverture de la procédure collective de la débitrice, plutôt que le tribunal de commerce de Saint-Étienne, était irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas été soulevée dès la première instance et in limine litis.

Décision. Apportant une précision inédite, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 721-8 du Code de commerce et 74 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1293H4N).

Elle rappelle que selon le premier de ces textes, des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire lorsque le débiteur répond à certains critères relatifs au nombre de salariés ou au montant net du chiffre d'affaires.

Ainsi, selon la Cour, ce texte ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints mais détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence et non par une décision d'irrecevabilité.

Or, les Hauts magistrats relèvent que pour déclarer recevables les demandes du ministère public tendant à obtenir de la cour d'appel qu'elle relève d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne, et qu'elle déclare ce tribunal incompétent pour connaître de la situation de la société débitrice, au motif qu'elle serait de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé, l'arrêt d’appel, après avoir relevé que le ministère public avait requis, devant le tribunal, l'ouverture de la procédure collective sans solliciter le dessaisissement au profit d'un tribunal spécialisé, retient que le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne sur le fondement de l'article L. 721-8 du Code de commerce constitue non une exception d'incompétence, mais une fin de non-recevoir relevant de l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), au demeurant d'ordre public, pouvant être soulevée en tout état de cause.

Dès lors, pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, alors que la contestation par le ministère public de la compétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne pour connaître de la procédure collective de la société […] devait s'analyser, non en une fin de non-recevoir, mais en une exception d'incompétence, et que le ministère public, qui avait conclu au fond en première instance, n'était pas recevable à la soulever pour la première fois devant elle, la cour d'appel, qui, en application de l'article 76, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9291LTB), n'aurait pu relever d'office l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne, a violé les textes susvisés ».

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le tribunal compétent en matière de procédures collectives, La spécialisation de certains tribunaux de commerce, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3829E8C).

 

newsid:479499

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Poursuite de la caution et transfert de la charge de la sûreté

Réf. : Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-16.980, F-B (N° Lexbase : A5246498)

Lecture: 11 min

N9495BYC

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l’Université Côte d’Azur, Membre du CERDP, Directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la faculté de droit de Nice

Le 24 Novembre 2022


Mots-clés : plan de cession • transfert de la charge de la sûreté (C. com., art. L. 642-12, al. 4) • renonciation par le créancier • décharge de la caution sur le fondement de l’article 2314 du Code civil

Le créancier prêteur qui accepte de donner mainlevée du nantissement sur le fonds de commerce cédé au repreneur dans un plan de cession, et qui limite ses droits au paiement des sommes restant dues après le transfert de propriété au repreneur, perd le droit de demander paiement à la caution de sommes restant dues antérieurement.


 

L’article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L7334IZN) oblige le repreneur à s’acquitter des échéances restant à échoir, après transfert à son profit du bien grevé  acquis grâce au prêt. Ce transfert intervient à la date de signature des actes de cession.

On est ici en présence d’un contrat dont les obligations naissent instantanément. L’obligation de rembourser naît en une seule fois, à l’exact moment de la remise des fonds pour les contrats de crédits réels, c’est-à-dire ceux consentis par des personnes autres que des établissements de crédit, au moment de la signature, pour les contrats de crédit consensuels, c’est-à-dire ceux consentis par des établissements de crédit. L’obligation de rembourser est ainsi, pour la totalité, née sur la tête de l’emprunteur, c’est-à-dire du débiteur.

Si la créance du prêteur a été déclarée au passif du débiteur, elle devra être admise au passif à titre privilégié. En effet, du fait de l’autorité de chose jugée attachée à l’admission au passif, une admission à titre chirographaire interdirait au créancier de prétendre à un transfert de charge de sûreté [1], car l’admission au passif, opposable au repreneur, peut également être opposée par le repreneur au créancier prêteur.

En outre, jusqu’à l’ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1193 N° Lexbase : L8998L7E), le plan de cession n’a pas d’effet novatoire. Il en résulte que l’obligation transférée sur la tête du repreneur de payer les échéances de crédit restant à échoir n’entraîne pas décharge du débiteur. La solution est d’importance pour la caution. Puisqu’elle est tenue de la dette née du chef du débiteur et que le plan de cession n’a pas d’effet novatoire [2], la caution reste obligée à l’intégralité des sommes dues au titre du crédit [3], sous déduction des sommes versées par le cessionnaire [4].

Mais que se passe-t-il si le créancier prêteur renonce au bénéfice du transfert de la charge de la sûreté, en acceptant la mainlevée de la sûreté grevant le bien transféré au repreneur ? La caution peut-elle se prévaloir de cet argument pour refuser de payer les sommes qu’elle restait devoir ?

C’est la problématique au cœur d’un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 octobre 2021.

En l’espèce, par un acte notarié du 30 décembre 2011, la banque a consenti à la société FHF (la société) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce, lequel était garanti par le nantissement du fonds et par le cautionnement de M. et Mme E, co-gérants de la société.

La société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, le tribunal ordonnant la cession totale de la société au profit de M. C.

La banque ayant fait délivrer aux cautions un commandement de payer aux fins de saisie-vente, ces dernières l'ont assignée devant le juge de l'exécution en annulation de ce commandement, en demandant à être déchargées de leur engagement sur le fondement des articles 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP) et L. 642-12 du Code de commerce.

L'administrateur judiciaire a présenté à l'audience du tribunal de commerce l'attestation de la banque, aux termes de laquelle celle-ci acceptait de donner mainlevée du nantissement grevant le fonds de commerce à la condition d'être intégralement payée du solde des prêts (capital + intérêts), dès que le prix de cession aura été versé entre les mains du liquidateur judiciaire. La solution a été reprise exactement par le jugement ayant arrêté le plan de cession.

Les juges du fond [5] ont fait droit aux demandes des cautions d’être déchargées sur le fondement de l’article 2314 du Code civil.

La banque s’est alors pourvue en cassation en reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir tenu compte du fait que la levée du nantissement s’inscrivait dans un plan de cession et que les cautions avaient accepté l’offre présentée.

L’argument ne convainc pas la Cour de cassation qui rejette le pourvoi : la caution est déchargée sur le fondement de l’article 2314 du Code civil, dès lors que la banque a expressément donné son accord pour renoncer au nantissement grevant le fonds de commerce, étant précisé que le repreneur avait formulé une offre avec deux options et que l'option non retenue prenait en compte le paiement des mensualités du prêt sans renonciation du créancier à son nantissement.  La Cour de cassation estime que « de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le nantissement avait été perdu par le choix de la banque, faisant ainsi ressortir que cette perte était imputable au fait fautif exclusif du créancier ».

La question en débat était de savoir si le créancier qui accepte la mainlevée d’une sûreté, en limitant sa prétention au paiement des échéances restant à échoir au jour du transfert à son profit, peut prétendre demander paiement à la caution des sommes restant dues par le débiteur avant le transfert de propriété du bien grevé. En jeu, il y a l’application de l’article 2314 du Code civil, selon lequel « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

Cette décharge de la caution suppose un fait exclusif du créancier, qui empêche la caution d’être subrogée dans un droit susceptible de subrogation. En l’espèce, ce fait exclusif tient à la mainlevée du nantissement sur le fonds de commerce qu’a acceptée le créancier.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur cette question. Ainsi a-t-elle pu juger que le fait pour le créancier titulaire d’une sûreté, dont la charge doit être transmise au cessionnaire par application de l’article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce, de ne pas s’opposer à la mise à l’écart de la règle, mais en n’y renonçant pas expressément, n’est pas constitutif d’une faute autorisant la décharge de la caution [6]. La Cour de cassation a également pu considérer que le simple fait que le créancier et le cessionnaire conviennent du montant dû par ce dernier au titre des échéances futures du prêt garanti par la sûreté ne vaut pas renonciation au jeu du transfert de la charge de la sûreté et n’autorise donc pas le jeu de la décharge sur le fondement de l’article 2314 du Code civil [7].

En revanche, le fait pour le créancier de renoncer à la transmission de la charge de la sûreté est analysé comme étant source de décharge de la caution, par application de l’ancien article 2037, devenu 2314, du Code civil [8].

Mais une nuance de taille a été apportée par la Cour de cassation. Elle a approuvé une cour d’appel d’avoir refusé le jeu de l’exception de subrogation, dans une espèce dans laquelle l’administrateur judiciaire avait envoyé un courrier à la banque lui indiquant que la reprise des actifs incluant la reprise des contrats de travail était subordonnée à l’abandon par celle-ci du nantissement sur le fonds de commerce, les prix proposés ne permettant pas d’envisager la distribution d’une quelconque somme à la banque ou la prise en charge du crédit par le repreneur. La cour d’appel a pu en déduire que la banque n’avait conclu aucun accord à ce sujet avec le repreneur et que la perte du nantissement résultait aussi des impératifs de bonne fin de la procédure collective avec maintien de tout ou partie de l’activité et des emplois et l’apurement du passif. La cour d’appel a ainsi fait ressortir que la perte du nantissement résultant du jugement arrêtant le plan de cession n’était ni imputable exclusivement au créancier ni fautive [9]. Il importe de noter que, dans cet arrêt, l’élément clé semble être l’absence d’accord avec le repreneur, l’abandon du nantissement étant accordé à l’administrateur judiciaire.

En l’espèce, rien de tel. C’est le créancier qui accepté la mainlevée de la sûreté, alors que l’une des offres de cession présentée par le candidat repreneur ne contenait pas une demande au banquier de donner mainlevée du nantissement.

Il y a donc bien ici un fait exclusif du créancier, un acte d’égoïsme manifestant un désintérêt pour le sort de la caution. Cette dernière, empêchée, si elle paie, de pouvoir bénéficier du nantissement, a bien perdu, par le fait du banquier, un droit préférentiel susceptible de subrogation et mérite d’être déchargée.

Les prêteurs doivent être vigilants lorsqu’ils renoncent au jeu du transfert de la charge de la sûreté : la demande doit émaner non pas du repreneur, mais de l’administrateur ou du liquidateur et doit être la seule solution pour permettre la cession de l’entreprise. C’est à ce prix seulement qu’ils pourront éviter la décharge de la caution.

Précisons que l’article 57 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 est venu modifier la rédaction de l’article L 642-12, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L9204L7Z). Désormais le texte est rédigé de la façon suivante : « Toutefois, la charge des sûretés réelles spéciales, garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier, qui a régulièrement déclaré sa créance dans les délais prévus à l’article L. 62224, les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie. Le débiteur est libéré de ces échéances. Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés ».

Le texte comporte deux modifications.

Tout d’abord, le créancier ne peut bénéficier de la règle du transfert de la charge de la sûreté qu’à la condition d’avoir déclaré sa créance au passif dans les délais requis, ce qui suppose évidemment qu’il ait déclaré sa créance, mais aussi la sûreté réelle venant garantir son paiement.

Ensuite, le texte envisage une libération du débiteur-cédant pour les échéances restant à échoir après le transfert de propriété ou après l’entrée en jouissance du bien en cas de location-gérance. Autrement dit, désormais, l’adoption du plan de cession a un effet novatoire pour la dette contractée pour le débiteur, qui ne subsiste que pour les sommes exigibles avant le transfert de propriété ou l’entrée en jouissance (en cas de location-gérance) du repreneur.

La question des effets de la décharge à l’égard des cautions se pose. On peut estimer que la décharge du débiteur est une exception purement personnelle au débiteur. Cependant, depuis la réforme du droit du cautionnement issue de l’ordonnance « sûretés » n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 (N° Lexbase : L8997L7D), la caution peut soulever les exceptions personnelles au débiteur (C. civ., futur art. 2298 N° Lexbase : L0172L8U applicable au 1er janvier 2022). Toutefois, le Code civil apporte une limite. Cette possibilité cesse si l’exception intéressant le débiteur résulte d’une mesure judiciaire ou législative résultant de l’application du livre VI du Code de commerce, sauf disposition contraire (cf. C. civ., art. 2298, al. 2).

Tel est bien le cas en l’espèce. C’est le livre VI du Code de commerce, spécialement l’article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce qui envisage la mesure. Or le texte ne prévoit pas qu’elle bénéficie à la caution. Par conséquent, il nous semble que la mesure ne pourra profiter à la caution. Affaire à suivre…

 

[1] Cass. com., 7 novembre 2018, n° 17-24.233, F-D (N° Lexbase : A6862YKD), Gaz. Pal., 2019, n° 15, 54, note M. Guastella ; Bull. Joly Entrep. en diff., mars/avril 2019, 44, note Vincent ; P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, novembre 2018, n° 576 (N° Lexbase : N6401BXD).

[2] Rappelant la solution : Cass. com., 27 février 2007, n° 03-12.363, FS-P+B(N° Lexbase : A5878DUA), D., 2007, AJ 1021, obs. A. Lienhard; JCP E, 2007, chron. 2119, n° 4, obs. Cabrillac ; Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 53, note P.-M. Le Corre.

[3] Cass. com., 13 avril 1999, n° 97-11.383, publié (N° Lexbase : A6409AGH), RTD com., 1999, 964, obs. C. Saint-Alary-Houin ; LPA, 25 mai 1999, n° 103, p. 10, note P.-M. Le Corre ; D. Affaires, 1999, 801, obs. A. Lienhard ; D., 2000, somm. 257, note P. Lipinski ; Rev. proc. coll., 2000, 96, note G. Mahinga ; RTD com. 2000, 177, obs. A. Martin-Serf – Cass. com., 9 novembre 2004, n° 02-17.467, F-D (N° Lexbase : A8427DDH).

[4] Cass. com., 8 janvier 2020, n° 18-21.925, F-D (N° Lexbase : A47993AY), Bull. Joly Entrep. en diff., mai/juin 2020, 22, note K. Lafaurie.

[5] CA Reims, 9 juin 2020, n° 20/00162 (N° Lexbase : A14563NA).

[6] Cass. com., 13 mai 2003, n° 99-21.551, FS-P (N° Lexbase : A0334B7I), D., 2003, AJ 1629, obs. V. Avéna-Robardet ; JCP E, 2003, Chron. 1396, n° 2, obs. M. Cabrillac ; LPA, 24 novembre 2003, n° 234, p. 10, note D. Houtcieff ; RD banc. fin., 2003, n° 182, obs. D. Legeais ; RTD com., 2004, 155, n° 3, obs. A. Martin-Serf ; Defrénois, 2004, 884, 37969, note A. Honorat et H. Hovasse ; Act. proc. coll., 2003, n° 174 – Cass. com., 4 janvier 2005, n° 02-19.099, F-D (N° Lexbase : A8665DEN), Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 44, n° 1, obs. P.-M. Le Corre.

[7] Cass. com., 19 octobre 2010, n° 09-68.377, F-P+B (N° Lexbase : A4342GCS).

[8] Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-10.021, F-D (N° Lexbase : A4227TB8).

[9] Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-26.539, F-D (N° Lexbase : A0492KQB), Gaz. Pal., 12 janvier 2014, p. 40, note E. Le Corre-Broly ; Rev. proc. coll., 2014, comm. 25, note J.-J. Fraimout ; Bull. Joly Entrep. en diff.,  mars 2014, 88, note A. Cerati-Gauthier. ; RTD com., 2014, 689, n° 2, note A. Martin-Serf.

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Huissiers

[Pratique professionnelle] Constat d’huissier et drone : oui, mais comment ?

Lecture: 17 min

N9496BYD

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Vénézia Associés),Titulaire du certificat de Télépilote de drone (DGAC) , Intervenant (ENM, EFB) ; Pierre-Nicolas Mazenot, Président de Juris Drone, Formateur et Titulaire du certificat de Télépilote de drone (DGAC), Diplôme de l’École Nationale de Procédure

Le 28 Février 2024

                         

                            

« Qu’est-ce qu’un huissier qui a les mains en l’air ?

Un huissier face à un policier car il pilotait un drone sans autorisation ! »

La trivialité de la formule ne saurait pour autant faire oublier sa vérité. Bien qu’officier public et ministériel, un huissier de justice qui effectue des constatations déportées à l’aide d’un drone qu’il pilote seul, sans autorisations, agit en totale illégalité. En effet, la carte tricolore qu’il porte ne l’exonère donc pas des sanctions prévues par le Code pénal, le Code de l’aviation civile… Et si le drone peut donner des ailes à l’urgentiste du droit qu’est l’huissier de justice, ce dernier peut se transformer en un Icare juridique si, pour échapper au dédale juridique du vol par drone, il se laisse enivrer par l’apparente liberté de l’azur pour finalement s’abîmer dans l’océan de sanctions du vol illégal.

Nous l’aurons donc compris, si l’huissier de justice peut se sentir « boosté » par les quadrirotors de son aérodyne, il ne peut agir légèrement au risque de voir sa responsabilité engagée, et la qualité de son acte en souffrir.

Au-delà de déterminer dans quelles circonstances et comment un huissier de justice peut user de son drone, la question qui se pose réellement est de savoir si ce professionnel a plus à gagner à recourir à un tiers télépilote qu’à passer lui-même son certificat de télépilote de drone.

Répondre à cette interrogation nécessite d’exposer dans un premier temps tous les avantages et conditions du constat par drone (I), puis sa mise en œuvre (II).

I. Le constat par drone : oui, mais…

Comme le suggère l’introduction de notre propos, réaliser un constat à l’aide d’un drone n’est pas sans risque pour l’huissier de justice : « Ce n’est pas parce que l’on défie la pesanteur qu’il faut ignorer la gravité… » écrivions-nous il y a peu [1]. Ainsi, si cela lui est possible, voire presque incontournable dans certains cas (A), l’officier public et ministériel doit connaître la stricte règlementation applicable en la matière sous peine de voir son procès-verbal privé de force probante (B).

A. Le constat par drone : oui

Pourquoi recourir à un drone alors que l’huissier de justice pouvait jusqu’aujourd’hui s’en passer ? Simplement parce que la réalité du terrain l’impose dans certaines hypothèses (1), et que le droit octroie au constat par drone de réelles qualités probatoires (2).

1) La réalité du terrain

Même si les auteurs n’apprécient guère l’expression, il faut reconnaître que l’huissier de justice est un juriste de terrain. En effet, de tous les professionnels du droit, c’est le seul que le justiciable n’a pas le choix de rencontrer : sa vie durant, il peut ne pas consulter d’avocat, ne pas se présenter à une audience, ne pas voir de notaire mais, s’il doit voir un huissier de justice, il le verra parce que cet officier public et ministériel s’impose à lui, se présente chez lui sans même y être invité. Ainsi, l’huissier de justice est un professionnel du droit « de contact ». S’il se fait insulter au téléphone par le débiteur, il sait qu’il en sera souvent autrement quand ils seront face à face…

Face à la réalité, l’huissier l’est. Face à la dure réalité, l’huissier l’est encore plus car il éprouve le terrain. Pour le juriste lambda, une assignation signifiée ne se résume qu’à des mentions écrites sur des feuilles. Pour l’huissier, une assignation signifiée représente les difficultés à accéder aux parties communes, à localiser le justiciable, à affronter le regard méfiant des voisins, à désamorcer les craintes et suspicions pour expliquer au justiciable la portée de l’acte qu’il lui remet.

Bref, la mission de l’huissier dépasse le format A4 de la feuille qui récite ses diligences. Et quel huissier de justice n’a pas été confronté au cours de constats à des toitures non sécurisées, à devoir gravir un échafaudage ou une grue pour constater à plusieurs dizaines de mètres du sol, ou alors à une descente d’eaux pluviales percée à hauteur du cinquième étage dans une courette de quelques mètres carrés ? Pour résumer, tout huissier de justice a déjà risqué son intégrité physique, voire même sa vie, au cours de l’exercice de son ministère.

Pour l’impératif de sécurité physique justifiant la technique du constat déporté [2], le recours au drone s’impose donc dans plusieurs hypothèses à l’huissier de justice. Cela lui évitera de subir l’inconfort de la formation aux travaux en hauteur (il est très inconfortable de constater harnaché et en se balançant dans le vide), et avoir une meilleure vision de l’élément à constater. Le recours à la gamme Mavic de DJI (Mavic 2 zoom ou le récent Mavic 3) et leur qualité d’optique, suffisent à convaincre.

2) La réalité juridique

Si la réalité du terrain peut contraindre l’huissier de justice à recourir au drone, il est heureux de s’apercevoir que le constat par drone est une réalité juridique.

D’abord, la doctrine [3] s’est intéressée il y a à peine quelques années à la problématique, principalement pour alerter sur les dangers juridiques des vols par drone non autorisés. C’était alors le premier et unique article de fond sur le constat par drone.

Puis, la cour d’appel de Paris a rendu une première décision en la matière en 2019 [4]. Cet arrêt n’est pas la première décision où des magistrats étaient appelés à statuer sur des faits prouvés par un drone, mais constitue la première occasion où ils ont été appelés à juger la légalité d’une telle preuve. Auparavant, les juges administratifs avaient jugé que le recours au drone était parfois inutile pour prouver un fait [5], même si le juge judiciaire apprécie cette modalité de prise de vue [6].

Le drone n’est donc pas ignoré de la procédure civile, même s’il n’en est qu’à ses balbutiements.

B. Le constat par drone : mais

Pour autant, le constat par drone, s’il est possible, est parfois source d’ennuis lorsque ses arcanes juridiques sont ignorés ou mal maîtrisés (1). Le constat par drone présente certes des avantages que ses thuriféraires vantent (rapidité, précision, modernité), mais également des inconvénients majeurs (2).

1) Un « mais », résultante d’une complexe législation

Faire voler un drone, ce n’est pas seulement savoir le manipuler et éviter les crashs. C’est également savoir où et quand le faire voler. Voilà résumé l’esprit de la législation relative à l’utilisation professionnelle d’un drone ainsi que celle relative à l’obtention du certificat d’aptitude au pilotage de drone.

Le problème est que, même si le certificat de télépilote précise qu’il a une durée illimitée, tel n’est pas le cas des règles juridiques et administratives dans le domaine, d’autant que la législation européenne se superpose à la nationale [7].

Les contraintes administratives varient selon les heures et lieux : une zone géographique peut autoriser le vol par drone, mais uniquement durant des créneaux horaires prédéterminés, tout en se trouvant à proximité d’un RTBA[8] où la pénétration est strictement interdite sans autorisations préalables pour les drones de plus de 900 grammes.

Même si les règles évoluent sans cesse, obligeant les télépilotes à une veille, une constante demeure : celui qui vole en méconnaissant la règlementation encourt de lourdes sanctions, quand bien même il serait huissier de justice. Il convient ainsi d’évoquer plusieurs textes répressifs, tous susceptibles de s’appliquer en cas de constat par drone irrégulier :

  • l’article L 6232-4 du Code des transports (N° Lexbase : L6290INB) dispose que la violation par un drone des règles de sécurité est passible dune amende 75 000 euros et dune peine de prison de 1 an ;
  • l’article 226-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2092AMG) incrimine les atteintes à lintimité de la vie dautrui par lutilisateur dun drone. Cela est passible dune amende 45 000 euros et dune peine de prison de 1 an ;
  • l’article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3399IQX) évoque lui le cas de la mise en danger de la vie dautrui, passible dune amende 15 000 euros et dune peine de prison de 1 an.

Ce triptyque de textes répressifs suffit à prendre conscience du sérieux de la matière.

2) Un « mais », résultante d’indéniables défauts

Le principal inconvénient du drone est qu’il ne peut faire face à l’imprévu. En effet, l’huissier de justice ne peut dégainer cet outil sans avoir préparé son vol au préalable, notamment en ayant analysé correctement la zone de vol et obtenu le cas échéant les autorisations de vol.

Or, comme il était précédemment indiqué, l’huissier de justice est un urgentiste du droit : il est appelé bien souvent en urgence afin de préserver et stabiliser une situation juridique, puis laisse sa place au spécialiste qu’est l’avocat. Son rôle est semblable au Samu : se transporter sur place, stabiliser le patient et administrer les soins de première urgence, puis l’amener dans un hôpital pour une prise en charge par des unités spécialisées.

C’est ainsi que l’huissier, au cours d’un constat où il a été appelé en urgence, peut s’apercevoir que la situation nécessite le recours à un drone. Il ne peut alors en faire usage puisqu’il ne l’a pas prévu, et doit expliquer la situation et ses contraintes à son mandant, tout en lui proposant une nouvelle date de rendez-vous.

Le constat par drone présente donc l’inconvénient d’une forte inertie administrative, son temps de réaction se comptant en jour et sa faisabilité variant selon le bon vouloir de l’autorité de vol local.

Le deuxième inconvénient du drone est que le caractère draconien de la règlementation, laquelle est en constante mutation, peut décourager l’huissier de justice de l’utiliser.

En effet, il ne suffit pas de maîtriser les subtilités du vol par drone, encore faut-il en connaître les aspects juridiques et administratifs. C’est principalement le volet administratif de l’activité qui peut rebuter l’officier public et ministériel. Parce que la préparation d’un vol peut prendre plusieurs heures, cela monopolise l’huissier de justice durant longtemps, l’empêchant de pallier aux urgences habituelles émaillant ses journées (actes urgents, constats imprévus…). Le temps de la préparation du vol du drone constitue une immobilisation de l’huissier, ce qui peut fortement impacter le coût du constat et susciter l’incompréhension du justiciable qui n’aura vu le drone voler que vingt minutes, mais non les heures de préparation, et donc sa réticence à s’acquitter du prix.

Le constat par drone apparaît donc comme une réelle opportunité mais peut se heurter dans sa mise en œuvre à de réelles difficultés que seul peut lever un télépilote. Le moment vient donc d’aborder le deuxième temps de notre réflexion : comment réaliser un constat par drone ?

II. Le constat par drone : comment

Il est clair qu’il n’existe pas de constat par drone sans télépilote. L’huissier se trouve alors confronté à une interrogation : doit-il pour ce faire recourir au service d’un sapiteur télépilote (A), ou est-il préférable de devenir lui-même ce télépilote (B) ? Chacune des options présente ses avantages et défauts.

A. Le sapiteur télépilote

Pour mémoire, le sapiteur est un sachant appelé à faire bénéficier de son expertise lhuissier de justice. Il est requis par ce dernier, sur un point précis.  Si le recours au sapiteur télépilote présente de très nombreux atouts pour l’huissier de justice appelé à dresser un constat par drone (1), ses inconvénients sont réels (2).

1) Avantages

À dire vrai, réaliser un constat par drone en recourant à un sapiteur télépilote n’offre des avantages que pour l’huissier de justice. Ces atouts sont juridiques, administratifs et financiers.

Le premier atout du recours au sapiteur télépilote est juridique. Puisque l’huissier de justice lambda ne dispose pas du brevet de télépilote, il lui est plus facile de recourir au sapiteur télépilote pour l’éclairer et lui permettre de se concentrer sur sa mission première : constater.

Le deuxième atout est administratif. Comme il a été précédemment exposé, la préparation d’un vol par drone, même d’une dizaine de minutes, nécessite plusieurs heures de travail administratif (demandes d’autorisation, identification des interlocuteurs, exposé de la mission, programmation du vol…). Recourir au sapiteur télépilote permet à l’huissier de justice de s’exonérer de cette tâche pour se recentrer sur son cœur de métier. En recourant aux services d’un prestataire, l’huissier de justice échappe aux contraintes de la réglementation des activités particulières. Il n’a pas à se soucier des déclarations préalables, des demandes d’autorisation, de la carte de navigation aérienne, des hauteurs de vol. De même, il n’a pas à se former à la théorie et à la pratique imposée au télépilote.

Le troisième et dernier atout est économique puisqu’il permet de facturer le constat par drone « apparemment » moins cher, le requérant devant supporter en plus, mais séparément, le coût de l’intervention du télépilote.

2) Inconvénients

Cependant, le recours au sapiteur télépilote n’est pas une solution miracle pour l’huissier de justice car il est illusoire de croire que cet officier public et ministériel n’a qu’à regarder piloter le sapiteur pour dresser un constat par drone. En effet, il doit s’assurer que les photographies réalisées, et ce qu’il voit, sont juridiquement exploitables. Pour ce faire, il doit donc maîtriser un minimum la matière afin de ne pas laisser son procès-verbal dériver dans l’illégalité.

Même non spécialiste, l’huissier de justice se doit de vérifier quelques informations auprès de son sapiteur avant le vol. Ainsi, l’officier public et ministériel doit notamment s’assurer auprès du sapiteur télépilote que ce dernier :

  • dispose des compétences théoriques et pratiques (DGAC) ;
  • dispose d’un drone homologué et dûment immatriculé ;
  • dispose d’un manuel d’exploitation à jour ;
  • a déclaré son activité à la DGAC ;
  • dispose des documents à présenter en cas de contrôle (autorisations de vol, enregistrement, attestation de conception…) ;
  • s’il n’a jamais travaillé avec un huissier de justice, a compris quel était son rôle et que l’huissier de justice devait avoir la maîtrise des opérations de constatation ;
  • en cas de survol de propriété de tiers, que ces derniers y ont expressément consenti.

Le recours au sapiteur télépilote n’exonère pas l’huissier de justice de garder un œil sur la légalité des opérations de vol. Il en va même de sa responsabilité comme l’indique la doctrine [9] puisque, en cas de vol illégal, le procès-verbal qu’il aura dressé verra sa force probante annihilée en vertu de l’adage fraus omnia corrumpit.

Parce que même avec l’assistance d’un sapiteur, l’huissier de justice ne s’exonère pas de sa responsabilité, il convient d’examiner l’hypothèse où l’officier public et ministériel instrumente seul car titulaire du certificat de télépilote.

B. L’huissier télépilote

L’huissier de justice télépilote appelé à dresser un constat par drone instrumente en vertu d’une double qualité :

  • en qualité d’officier public et ministériel, capable de dresser des constatations au sens de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;
  • en qualité de télépilote professionnel, à même de naviguer dans les cieux à l’aide de son drone en parfaite sécurité juridique.

Dès lors, il est compréhensible que la rédaction de son acte soit affectée puisque son immatricule doit logiquement faire apparaître, en plus de sa qualité d’huissier de justice, son numéro de licence de télépilote.

Comme le sapiteur, la solution de l’huissier télépilote présente des avantages (1) et inconvénients (2).

1) Avantages

L’énumération des avantages de l’huissier télépilote est aisée.

D’abord, l’huissier télépilote maîtrise seul les opérations de constatation, du début à la fin, et le requérant n’a alors qu’un seul interlocuteur, ce qui facilite les prises de rendez-vous, la compréhension et la réussite de la mission.

Ensuite, l’huissier de justice peut dresser davantage de constats par drone puisqu’il n’est pas dépendant des disponibilités d’un tiers, et peut très inciter le requérant d’y recourir. La titularité du certificat de télépilote est synonyme de confiance en soi, qualité indispensable pour développer un nouveau marché…

Enfin, l’huissier de justice peut augmenter son efficacité sur le terrain (meilleure vue et gain de temps) en adaptant lui-même son vol aux contraintes matérielles.

2) Inconvénients

De la même manière que la sapiteur télépilote, l’huissier télépilote ne peut se dispenser des formalités administratives inhérentes au vol par drone. Il peut les accomplir seul, ou recourir à un service d’accompagnement complet, spécialisé en la matière. Cette solution lui permet d’optimiser son emploi du temps et de se concentrer uniquement sur la demande du requérant lors du constat par drone.

Cependant, les deux principaux inconvénients à la solution de l’huissier télépilote résident dans son coût et la durée de la formation.

Concernant le coût, même s’il s’agit d’un investissement, les sommes engagées dans une telle matière sont importantes et nécessitent un effort financier certain, quand bien même il est possible de se faire financer une partie de la formation et rembourser la TVA lors de l’acquisition du drone.

Concernant le temps, la formation au pilotage de drone demande un important volume horaire que le professionnel libéral peut difficilement se dégager au quotidien. Il lui appartient donc, s’il s’engage dans la voie du télépilotage de drone, de faire preuve de rigueur et d’abnégation tout au long de ses dizaines d’heures de formation tant la matière est éloignée des préoccupations juridiques habituelles de l’huissier de justice.

Être télépilote ou ne pas l’être ?

Le choix appartient à tout huissier de justice, en considération de ses contraintes et envies. Une constante demeure : ce choix doit être éclairé s’il souhaite que son procès-verbal de constat par drone ne soit pas illégal. Ainsi, il pourra rester serein lors des contrôles de vol de drone au cours desquels il conservera les mains dans les poches !


[1] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

[2] S. Dorol, Le constat déporté, Revue pratique du recouvrement, 2020, n° 3, p. 25.

[3] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

[4] CA Paris, 15 mai 2019, n°18/26775 (N° Lexbase : A3488ZBS), obs. S. Dorol, Droit et procédures, 2019.

[5] CAA Lyon, 2e, 18 février 2020, n° 18LY02109 (N° Lexbase : A18533SG).

[6] CA Bordeaux, 20 mai 2021, n° 18/00567 (N° Lexbase : A60164SM) ; CA Nîmes, 28 septembre 2017, n° 16/03311 (N° Lexbase : A3259WTU).

[7] Attention, nous sommes en période de transition, certaines dispositions ont été d’ores et déjà mises en application depuis l'arrêté du 3 décembre 2020, relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord (N° Lexbase : L0272LZ4), mais dans les faits, la réglementation européenne n’entrera réellement en vigueur qu’au 3 décembre 2023, ou au 3 décembre 2025 pour les télépilotes ayant choisi d’utiliser les scénarios nationaux pour deux années supplémentaires.

[8] Réseau très basse altitude : ces volumes de vol sont notamment utilisés pour l'entraînement des appareils de combat destinés à effectuer des missions de dissuasion nucléaire.

[9] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

newsid:479496

Licenciement

[Brèves] Licenciement pour absence prolongée désorganisant l'entreprise déclaré sans cause réelle et sérieuse : versement de l’indemnité de préavis

Réf. : Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 20-14.848, FS-P+B (N° Lexbase : A94687BB)

Lecture: 2 min

N9471BYG

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par Charlotte Moronval

Le 24 Novembre 2021

► Lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.

Faits et procédure. Un salarié fait l’objet d'un arrêt de travail pendant une longue période. Pendant cet arrêt de travail, il est licencié pour absences prolongées ayant entraîné une perturbation de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif. Il décide de saisir la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.

La cour d’appel estime le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle condamne l’employeur à verser au salarié l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents. L'employeur forme un pourvoi en cassation. Selon lui, le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis s'il est dans l'impossibilité de l'effectuer (du fait de son inaptitude en l’espèce).

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.

La cour d'appel, qui a constaté que l'existence d'une désorganisation d'un service essentiel de l'entreprise n'était pas établie par l'employeur, en sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en a exactement déduit que le salarié avait droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis nonobstant son arrêt de travail pour maladie au cours de cette période.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’incidence de la maladie non professionnelle sur le contrat de travail, La procédure et les suites de la rupture du fait de la maladie du salarié, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E3247ETG).

newsid:479471

Marchés publics

[Brèves] Renvoi d’une QPC relative à l’exclusion automatique des marchés publics des entreprises condamnées définitivement au pénal

Réf. : Cass QPC, 17 novembre 2021, n° 21-83.121, F-D (N° Lexbase : A26657CP)

Lecture: 2 min

N9476BYM

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par Yann Le Foll

Le 25 Novembre 2021

► Les dispositions législatives relatives à l’exclusion automatique des marchés publics des entreprises condamnées définitivement au pénal pour certaines infractions font l’objet d’une QPC renvoyée au Conseil constitutionnel.

Objet de la QPC. Étaient en cause les dispositions des articles L. 2141-1 (N° Lexbase : L7086LQI) et L. 3123-1 (N° Lexbase : L7132LQ9) du Code de la commande publique qui prévoient l’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés et d’attribution des concessions, des opérateurs économiques définitivement condamnés pour certaines infractions (trafic de stupéfiants, blanchiment, terrorisme, escroquerie…).

Caractère sérieux des questions. Selon les juges du Quai de l’Horloge, les questions posées présentent un caractère sérieux au regard du caractère automatique de la sanction prévue par les dispositions critiquées, d’une part, en l’absence de toute intervention d’un juge pour apprécier l’opportunité de son prononcé ou pour la moduler dans sa durée, d’autre part, en raison, sinon de l’absence, du moins du risque d’inadéquation des procédures existantes permettant à la personne concernée d’apporter la preuve qu’elle a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer qu’elle a mis en œuvre des mesures destinées à rétablir sa fiabilité.

Rappelons que la Haute juridiction administrative a estimé que l'article L. 3123-1 du Code de la commande publique est incompatible avec l'article 38 de la Directive n° 2014/23/UE du 26 février 2014, sur l'attribution de contrats de concession (N° Lexbase : L8591IZ9), en tant qu'il ne prévoit pas de dispositif de mise en conformité permettant à un opérateur économique candidat à l'attribution d'un contrat de concession d'échapper aux interdictions de soumissionner prévues en cas de condamnation pour certaines infractions (CE 2° et 7° ch.-r., 12 octobre 2020, n° 419146, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A40603XN).

Principes menacés par les dispositions. Ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte aux principes de nécessité et d’individualisation des peines et d’accès au juge consacrés par les articles 8 (N° Lexbase : L1372A9P) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

Décision. En conséquence, il y a lieu, pour la Cour de cassation, de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

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