La lettre juridique n°856 du 4 mars 2021

La lettre juridique - Édition n°856

Assurances

[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : la cour d'appel d'Aix-en-Provence retient l’inopposabilité de la clause d’exclusion de garantie !

Réf. : CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357 (N° Lexbase : A21574IQ)

Lecture: 6 min

N6635BYE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 03 Mars 2021

► La cour d’appel d’Aix-en-Provence aura été la première cour à se prononcer, en appel, dans le cadre du contentieux opposant AXA à de nombreux restaurateurs réclamant la prise en charge des « pertes d’exploitation » subies du fait de la fermeture administrative imposée durant la crise sanitaire, dans le cadre de leur contrat d’assurance multirisques professionnelles, au titre de la « garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative à la suite d’une épidémie » telle que prévue par le contrat ;
la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé, à son tour, à l’instar d’un certain nombre de tribunaux, que doit être déclarée inopposable la clause excluant une telle garantie « lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

  • Rappel des principes

Les conseillers aixois rappellent qu’en application de l’article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH), dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016 : « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite », et qu’en outre, en vertu de l’article 1171, alinéa premier, du même code (N° Lexbase : L1981LKL), dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, « Dans un contrat d’adhésion toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite ». Par ailleurs, l’article L. 113-1, alinéa premier, du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH) énonce que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Enfin, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l’interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu’une clause est susceptible deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (C. civ., art. 1190 N° Lexbase : L0903KZH et 1191 N° Lexbase : L0902KZG).

Les juges rappellent, alors, qu’en matière d’assurance, l’assuré doit connaître l’étendue des garanties incluses dans le contrat d’assurance qu’il a souscrit et être en mesure de les comprendre, et qu’il a été jugé qu’il résulte de l’article L. 113-1 du Code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées (cf. tout récemment : Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-16.435, F-P+B+I N° Lexbase : A173538R).

  • Analyse, au cas d’espèce, des conditions particulières du contrat d’assurance multirisque

Selon la cour, il résultait des différentes pièces produites par les parties que si une épidémie peut être définie comme étant le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville, d’une région, d’un ou de plusieurs pays. Pour la garantie souscrite par la société auprès de la compagnie AXA, aucune distinction n’est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat.

La cour en déduit que l’obligation essentielle de l’assureur était donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite de fermeture administrative en raison d’une épidémie. Or, en l’espèce, c’est bien à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l’épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, que l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il demande l’indemnisation.

C’est alors que l’assureur déniait toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Mais, selon la cour d’appel, l’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise :

- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité ;
- faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique ;
- sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville.

L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie.

La cour d'appel estime que c’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du Code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite. 

Pour aller plus loin :

  • cf. V. Moralès, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de Covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 840 (N° Lexbase : N4918BYS) ;
  • cf. M-S. Baud, Épidémie, pertes d’exploitation et contrats d’assurance : une équation à plusieurs inconnues, Lexbase, Droit privé, décembre 2020, n° 847 (N° Lexbase : N5668BYL).

Pour un récapitulatif des précédentes décisions des tribunaux de commerce :

 

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Avocats/Statut social et fiscal

[Jurisprudence] La Cour de cassation redynamise le contentieux de l’exclusion d’un associé

Réf. : Cass. civ. 1, 3 février 2021, n° 16-19.691, FS-P (N° Lexbase : A01944GB)

Lecture: 13 min

N6654BY4

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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Avocat associé CMS Francis Lefebvre Avocats

Le 03 Mars 2021


Mots-clefs : Jurisprudence • avocat • associé • exclusion

La décision prise abusivement par une assemblée générale d'exclure un avocat associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l'annulation.


 

L’arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 3 février 2021, destiné à publication au Bulletin, intéressera tout associé ayant fait l’objet d’une mesure d’exclusion ou susceptible d’être visé par une telle mesure. Allons plus loin : la Cour de cassation va redynamiser le contentieux de l’exclusion d’un associé en fournissant des armes à l’exclu. Précisons d’emblée que la solution formulée, relative à l’associé d’une société d’avocat, n’est aucunement limitée aux sociétés de professionnels.

Toute l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt se déroule sur l’année 2013, qui avait été manifestement difficile pour l’un des avocats associés au sein d’une SELAS parisienne bien connue. En arrêt maladie depuis le 6 février 2013, il informait la société le 29 août de son intention de quitter le cabinet, puis adressait le 1er octobre 2013 sa démission à effet au 31 décembre suivant. Une « assemblée générale extraordinaire » était convoquée au titre de cette démission, mais elle ne statuait pas sur celle-ci. En revanche, une délibération du 25 novembre 2013 prononçait l’exclusion de l’associé, en application des statuts, au titre d'une incapacité d'exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une période totale de douze mois.

Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris était saisi par l’associé exclu d'une demande d'arbitrage portant sur des rappels de rétrocession d'honoraires depuis 2008 et sur l'octroi de dommages-intérêts. En appel, la cour saisie du litige rejetait la demande de dommages-intérêts et refusait d’annuler la résolution ayant prononcé l’exclusion.

La question des dommages-intérêts est tranchée par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi en renvoyant sur ce point au pouvoir souverain des juges du fond. La décision commentée n’apporte donc rien à cet égard. En revanche, l’arrêt est beaucoup plus intéressant en ce qu’il censure la décision d’appel sur un autre point.

L’assemblée générale de la SELAS avait prononcé l’exclusion de l’avocat associé et la cour d’appel saisie du litige avait considéré que cette décision avait un « caractère abusif ». Pour autant, elle avait refusé d’annuler la résolution correspondante et elle avait jugé que l’avocat concerné pouvait seulement demander des dommages-intérêts, à la condition de démontrer le préjudice causé par la décision litigieuse. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel sur ce point, mais il convient d’abord d’identifier l’abus en cause (I). On pourra alors préciser la sanction de l’abus (II) et s’interroger sur le sens et la portée de la solution retenue (III).

I - L’abus en cause

La cour d’appel avait retenu l’existence d’un « abus », tenant au fait que l’assemblée avait été convoquée pour prendre acte de la démission de l’avocat associé et que l’exclusion qui avait été finalement prononcée par cette assemblée « était motivée par la volonté de résister à ses prétentions financières ». L’associé réclamait le paiement d’une rémunération de plus de 600 000 euros au titre de l’année 2013 et l’on comprend à la lecture des moyens annexés à l’arrêt que les statuts prévoyaient une remise en cause de certains droits pécuniaires de l’associé en cas d’exclusion. On comprend donc qu’il y a eu un détournement de la procédure d’exclusion, même si l’on ne saisit pas parfaitement dans quelle mesure l’exclusion plaçait la société en position plus favorable pour résister aux demandes de l’associé.

Il faut ici rappeler ce que la jurisprudence entend lorsqu’elle évoque l’abus du droit d’exclure un associé. Le terme ne se limite pas à l’abus de droit impliquant une intention de nuire, comme l’a précisé la Cour de cassation elle-même (Cass. com., 14 novembre 2018, n° 16-24.532, F-D N° Lexbase : A8005YL3, RJDA 12/19, n° 753). Est plus largement visé le non-respect de la procédure d’exclusion ou l’insuffisance des motifs retenus, étant précisé que le juge vérifie la gravité des motifs d’exclusion retenus et n’accepte pas de voir son pouvoir limité au seul contrôle de la régularité de la procédure d’exclusion (Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-13891 N° Lexbase : A1823ACI, Bull. IV, n° 281 ; RJDA 1/98, n° 67).

II - La sanction de l’abus

La cour d’appel avait donc retenu le caractère abusif de la décision d’exclusion, mais elle avait jugé que cela n’ouvrait droit qu’à des dommages-intérêts, et elle avait rejeté la demande d’annulation de la résolution ayant prononcé l’exclusion de l’associé ainsi que la demande en paiement de sa rémunération. L’associé exclu reprochait à la cour d'appel une violation des dispositions des articles 1832 (N° Lexbase : L2001ABQ) et 1833 (N° Lexbase : L8681LQL) du Code civil. La Cour de cassation lui donne satisfaction sur ce point et elle prononce une cassation partielle de l’arrêt d’appel, en formulant un attendu de principe intéressant.

Notons immédiatement que la Cour de cassation enrichit le visa d’un article du Code civil que le demandeur au pourvoi n’avait aucunement invoqué. Il se prévalait assez curieusement des seuls articles 1832 et 1833 du Code civil. Le premier texte étant relatif aux éléments constitutifs du contrat de société ou de l’acte juridique unilatéral constituant une société, le lien avec la problématique de l’exclusion n’apparaît que si on lit l’article 1832 comme formulant la garantie de conserver ses droits d’associé sans en être exclu de manière irrégulière. L’article 1833, curieusement visé sans la précision selon laquelle c’était la rédaction applicable en 2013 qui devait être prise en compte, exige que la société ait un objet social licite (ce qui est étranger au débat) et qu’elle soit constituée dans l’intérêt commun des associés (ce qui l’est moins). L’ajout opéré par la loi PACTE (loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK) et relatif à l’intérêt social élargi est quant à lui tout à la fois hors sujet et sans doute inapplicable à l’affaire.

La Cour de cassation vise non seulement les deux textes que l’on vient d’évoquer, mais elle ajoute - sans le signaler particulièrement - un troisième texte : l’article 1844-10, alinéa 3 du Code civil (N° Lexbase : L8683LQN). C’est d’ailleurs sur ce texte (dont il faut relever incidemment qu’il devrait céder le pas à l’article L. 235-1 du Code de commerce N° Lexbase : L8612LQZ s’agissant des SELAS, puisque ces sociétés sont des SAS régies par les dispositions du Livre II du Code de commerce, aux termes de l’article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990) qu’elle fonde l’attendu de principe qu’elle formule.

L’article 1844-10, alinéa 3 du Code civil dispose que « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre [, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833,] ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ». Le passage entre crochets a été ajouté par la loi « PACTE » du 22 mai 2019 (N° Lexbase : L3415LQK) et n’était donc pas applicable, vraisemblablement, à l’affaire, sauf à considérer que le législateur n’a fait que formaliser une règle préexistante. La Cour de cassation, comme pour l’article 1833, ne précise pas quelle version du texte est appliquée.

Indépendamment de ces curiosités, on retiendra surtout que la Cour de cassation déduit de l’article 1844-10, alinéa 3 du Code civil que « la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ».

III - Le sens et la portée de la solution édictée par la Cour de cassation

L’arrêt a manifestement été voulu comme une décision créatrice de droit. Il n’est curieusement « que » publié au Bulletin. Par les textes visés et l’absence de toute référence au droit spécial des sociétés d’avocats, on comprend qu’il entend enrichir le droit commun des sociétés. On est donc invité à donner à la solution retenue la portée la plus large. Malheureusement, ladite solution est formulée de manière un peu trop rapide pour que toutes ses implications apparaissent clairement. Il est dommage que la nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation, dont il est indiqué par le site de la Cour qu’elle permet d’offrir aux arrêts les plus importants une « motivation développée (enrichie) », n’ait pas été mise en œuvre.

Ce qui est le plus certain, car c’était là la situation soumise à la Cour de cassation, c’est que si une assemblée exclut un associé en commettant un détournement de la procédure d’exclusion, cette assemblée encourt la nullité. Mais même cette solution doit être prise avec précaution, car un élément est mentionné par l’arrêt commenté, dont on ne sait précisément quel a été son impact. L’assemblée, qui a prononcé l’exclusion, « avait été convoquée pour prendre acte de la démission ». Cela signifie-t-il que cette assemblée a statué sur un ordre du jour qui n’était pas celui sur lequel elle avait été convoquée ? Dans les moyens annexés à l’arrêt, il est indiqué que la convocation à l’assemblée litigieuse visait l’article des statuts relatif aux causes d’exclusion, et le non-respect de l’ordre du jour n’est pas explicitement relevé par l’arrêt. C’est donc plutôt une forme de fraude qui était reprochée à l’assemblée ayant prononcé l’exclusion.

Il demeure que l’arrêt ne mentionne pas la fraude mais le fait, plus largement, que la décision d’exclusion ait été « prise abusivement ». Sont donc concernées par la solution de nombreuses hypothèses. Mais la formule retenue signifie-t-elle que la moindre irrégularité de forme ou de fond dans l’exclusion d’un associé justifie « par elle-même », pour reprendre les mots de l’arrêt, l’annulation des décisions prises ? Une telle approche serait d’ailleurs assez discutable au regard de l’article 1844-10, alinéa 3 du Code civil qui subordonne l’annulation des actes ou délibérations des organes de la société à « la violation d’une disposition impérative du [titre du Code civil sur la société] (…) ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ». Si la fraude qui corrompt tout peut être rattachée à la seconde source de nullité, il n’en va pas ainsi de toute irrégularité dans l’exclusion d’un associé.

Il est aussi un peu curieux d’ouvrir largement la porte à la nullité à rebours du droit des sociétés tel que résultant de l’article L. 235-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L8612LQZ)… applicable aux sociétés par actions et donc aux SELAS et de manière assez peu convergente avec la position de la Chambre commerciale (v. Cass. com., 13 janvier 2021, n° 18-21.860, F-P N° Lexbase : A72374CZ, cassant un arrêt d’appel pour avoir annulé des décisions sociétaires « sur le seul fondement de la contrariété des délibérations litigieuses à l'intérêt social, sans caractériser une violation aux dispositions légales s'imposant aux sociétés commerciales ou des lois régissant les contrats, ni relever l'existence d'une fraude ou d'un abus de droit commis par un ou plusieurs associés »).

Il est certain qu’en adoptant cette formule très large (v. supra, I § 2), la Cour de cassation va donner des armes à tout associé qui a fait l’objet d’une décision d’exclusion et qui entend la contester. Lorsqu’un associé aura fait l’objet d’une mesure d’exclusion, la plus petite irrégularité qu’il pourra identifier lui servira ainsi à contester la validité de son éviction. On pressent déjà les contentieux que l’arrêt commenté favorisera : un retard dans la convocation d’un associé, pas nécessairement l’associé exclu, ou bien une différence même légère entre les motifs d’exclusion annoncés et ceux finalement retenus fonderont une demande d’annulation des délibérations.

L’arrêt évoque les assemblées, mais les décisions d’exclusion prises par les autres organes de la société doivent être également concernées par la solution. La nullité édictée par l’article 1844-10, al. 3 du Code civil n’est pas limitée aux résolutions des assemblées d’associés.

Dernière interrogation : la portée de la sanction de nullité. On a compris que la décision d’exclusion prise abusivement par une assemblée « affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ». Mais cela signifie-t-il que toutes les résolutions adoptées par cette assemblée sont nulles ? La formule retenue le laisse penser. Il est vrai que si l’exclusion prive l’associé de la possibilité de participer aux autres délibérations de l’assemblée que celle relative à son exclusion, l’annulation des décisions prises sans la participation de l’exclu ne surprendrait pas… à la condition qu’elle ait été sollicitée par l’associé exclu (sur cette délicate question, v. déjà Cass. civ. 2, 26 septembre 2013, n° 12-23.129, F-D N° Lexbase : A9484KLT, Gaz. Pal., 17-19 nov. 2013, p. 33, obs. B. Dondero). La perspective d’une annulation en chaîne rend la solution formulée par la Cour de cassation encore plus redoutable.

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Baux commerciaux

[Brèves] Loyers « covid-19 » : rejet des arguments fondés sur le défaut d’exécution des obligations de délivrance et de garantie de jouissance paisible (C. civ., art. 1719)

Réf. : TJ Paris, 18ème ch., 25 février 2021, n° 18/02353 (N° Lexbase : A40574I4)

Lecture: 4 min

N6646BYS

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par Vincent Téchené

Le 03 Mars 2021

► L’article 1719 du Code civil relatif (N° Lexbase : L8079IDL) à l’obligation de délivrance du bailleur n'a pas pour effet d'obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s'exerce son activité ;

Dès lors, le locataire ne contestant pas que les locaux lui permettent d'exercer l'activité à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont il se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l'épidémie de la covid-19, n'étant pas garanti par la bailleresse, le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers payés sur cette période, de l'inexécution par le bailleur, pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible.

Faits et procédure. Dans le cadre d’un litige qui ne portait pas, à l’origine, sur le paiement des loyers dus pendant la période de fermeture administrative du premier confinement dû à l’épidémie de covid-19, le locataire de locaux commerciaux a demandé la restitution des loyers versés durant cette période.

À ce sujet, il faisait alors valoir, devant le juge du tribunal judiciaire de Paris, qu'en application du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5507LWU) reprenant les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et prescrivant les mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et, notamment, la fermeture des magasins de vente, il n'a pu accueillir sa clientèle dans les locaux loués et a dû fermer son commerce de vente d'objets d'art et de décorations à compter du 15 mars et jusqu'au 11 mai 2020, soit pendant la période de confinement de 57 jours. Selon le locataire, cette mesure de fermeture des commerces non essentiels l'a donc empêché de jouir paisiblement des locaux commerciaux donnés à bail et, partant, d'exploiter son activité commerciale. Cette circonstance constituerait, selon lui, une inexécution des obligations du bailleur de délivrer les locaux et d'en assurer la jouissance paisible mises à sa charge par l'article 1719 du Code civil, cette inexécution qui affecte les obligations essentielles du bailleur étant alors suffisamment grave pour justifier, en application de l'article 1219 du Code civil (N° Lexbase : L0944KZY), l'exception d'inexécution du loyer, en ce qu'elle a totalement empêché l'exercice de son activité commerciale.

Dès lors, aucun loyer n'était dû pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, faute pour le bailleur d'avoir exécuté ses propres obligations, et partant, la somme correspondant aux loyers échus entre le 15 mars et le 11 mai 2020 n'est pas due et doit donc lui être restituée.

Décision. Le tribunal judiciaire rejette cette demande.

Il rappelle qu’en application de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant toute la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d'exercer l'activité prévue par le bail, et d'en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée.

Selon le tribunal, cet article n'a pas pour effet d'obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s'exerce son activité.

En l'espèce, le locataire ne discute et ne conteste pas que la configuration, la consistance, les agencements, les équipements et l'état des locaux à elle remis par le bailleur en exécution du bail les liant lui permettent d'exercer l'activité, à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont il se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l'épidémie de la covid-19, n'est pas garanti par le bailleur.

Ainsi, pour les juges parisiens, le locataire n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers payés sur la période précitée, de l'inexécution par le bailleur, pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible à sa locataire.
Le locataire est donc débouté tant de sa demande tendant à voir juger qu'aucun loyer n'est dû pour la période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020 que de sa demande en paiement au titre de la restitution de l'indu.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E504834Q).

 

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Covid-19

[Brèves] Couvre-feu : se rendre chez son avocat après 18 heures est de nouveau possible

Réf. : CE référé, 3 mars 2021, n° 449764 (N° Lexbase : A59414IU)

Lecture: 3 min

N6677BYX

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par Marie Le Guerroué

Le 03 Mars 2021

► Le juge des référés estime que les déplacements chez un professionnel du droit et notamment un avocat doivent être autorisés après 18 heures ; l’absence de cette dérogation durant le couvre-feu porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

Procédure. L’Ordre des avocats du barreau de Montpellier demandait au juge des référés du Conseil d’État d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 (N° Lexbase : L5891LYT), tel que modifié par les décrets n° 2020-1582 du 14 décembre 2020 (N° Lexbase : L1030LZ8) et n° 2021-31 du 15 janvier 2021 (N° Lexbase : Z932501A), en tant qu’il ne prévoyait pas de dérogation au couvre-feu instauré de 18 heures à 6 heures du matin afin d’effectuer des déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance.

Le difficile accès à un avocat dans des conditions conformes aux exigences du respect des droits de la défense. Le juge des référés constate que l’interdiction de toute dérogation spécifique pour consulter un professionnel du droit et en particulier un avocat au-delà de 18 heures est de nature à rendre difficile voire, dans certains cas, impossible en pratique l’accès à un avocat dans des conditions, notamment en termes de respect effectif du secret des échanges entre l’avocat et son client, conformes aux exigences du respect des droits de la défense pour les personnes qui sont astreintes à des contraintes horaires notamment en raison de leur profession. La consultation par téléconférence depuis son domicile, même lorsqu’elle est matériellement possible, pouvant ne pas être de nature à répondre à ces exigences en particulier s’agissant de différend de nature familiale ou personnelle.

L’inégalité des justiciables. Les juges relèvent, également, que dans certains contentieux, tels que ceux qui opposent un consommateur et un professionnel de la vente ou de l’assurance ou encore un employé et son entreprise, une des exceptions prévues au 1° du I de l’article 4 est susceptible de permettre au professionnel en cause ou au chef de l’entreprise concernée ou à son représentant de se rendre, au-delà de 18 heures, au cabinet de son avocat pour le consulter en sa qualité de professionnel alors qu’il ne pourra en aller ainsi pour le consommateur ou l’employé en cause.

Une atteinte grave et manifestement illégale. Par conséquent, le juge des référés estime que l’absence de toute dérogation permettant de se rendre au-delà de 18 heures chez un professionnel du droit, et notamment un avocat pour un acte ou une démarche qui ne peut pas être réalisé à distance, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction. 

Suspension. L’exécution du I de l’article 4 du décret du 29 octobre 2020 est donc suspendue en ce qu’il ne prévoit aucune exception pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance.

newsid:476677

Divorce

[Brèves] Procédure de divorce contentieux : le formulaire de prise de date devient la règle !

Réf. : Arrêté du 22 décembre 2020 modifiant l'arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le tribunal judiciaire (rectificatif) (N° Lexbase : Z896111C)

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N6619BYS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 03 Mars 2021

► L’arrêté du 22 décembre 2020 (N° Lexbase : L2251LZE) (modifiant l'arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le tribunal judiciaire N° Lexbase : L4947LW7) a été corrigé par un texte rectificatif publié au Journal officiel du 27 février 2021.

Pour rappel, concernant les procédures de divorce et de séparation de corps applicables depuis le 1er janvier 2021, l’arrêté du 22 décembre 2020 prévoyait que la date de la première audience (audience d’orientation et sur mesures provisoires) était « sollicitée par un message transmis au moyen du système de communication électronique défini par l'arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication électronique devant les tribunaux judiciaires dans les juridictions où une telle transmission a été rendue possible pour les procédures mentionnées au premier alinéa. »

L’arrêté contenait néanmoins une annexe prévoyant un « formulaire prise de date », sur lequel il est indiqué que « ce formulaire doit être utilisé pour toute demande de date de première audience relative à la procédure de divorce et de séparation de corps lorsque la transmission de cette date n’aura pas été rendue possible par l’envoi de messages transmis au moyen du système de communication électronique défini par l’arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication électronique devant les tribunaux judiciaires ».

Face aux difficultés de fonctionnement du RPVA, l’utilisation du formulaire de prise de date devient donc le procédé légalement obligatoire, et non plus le procédé à utiliser par défaut (en cas de défaillance technique), puisque l’arrêté du 22 décembre 2020, tel que rectifié par le texte publié au Journal officiel du 27 février 2021, dispose que « lorsque la demande en justice est formée par assignation ou requête conjointe, la date de la première audience est demandée au moyen du formulaire annexé au présent arrêté, remis ou adressé au greffe par voie postale ou par courrier électronique. »

newsid:476619

Droit des biens

[Jurisprudence] L’absence de restitution automatique des fruits consécutivement à l’action rédhibitoire

Réf. : Cass. civ. 3, 11 février 2021, n° 20-11.037, FS-P+L (N° Lexbase : A79594GU)

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N6651BYY

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par Séverin Jean, Maître de Conférences – UT1 Capitole, IEJUC EA 1919

Le 04 Mars 2021

 


Mots-clés : vente • vices cachés • action rédhibitoire • restitutions • fruits • loyers • possesseur • bonne foi • mauvaise foi • conclusions • demande • dispositif des conclusions

La restitution des fruits consécutivement à la résolution de la vente pour vices cachés doit faire l’objet d’une demande dans le dispositif des conclusions d’appel.
Attention aux dispositions spécifiques aux restitutions issues de la réforme des obligations de 2016 qui devraient s’appliquer aux conséquences de l’action rédhibitoire pour les contrats conclus sous l’empire de la nouvelle loi.


 

La question des restitutions, et spécialement celle des fruits, à la suite de l’anéantissement rétroactif d’un contrat, a toujours été source de débats doctrinaux et d’applications disparates par la jurisprudence. Si la réforme des obligations de 2016, par l’élaboration d’un chapitre dédié à cette difficulté [1], tend, en apparence, à imaginer une harmonisation des solutions en la matière, il faut bien avouer que les conventions conclues sous l’empire de l’ancienne loi – et qui nourrissent encore le contentieux judiciaire – sont autant d’illustrations de la complexité que contient en elle l’idée, a priori simple, que les restitutions ne sont que la conséquence légale de l’anéantissement du contrat. À ce titre, la Cour de cassation, par un arrêt du 11 février 2021, rend une décision logique au sujet de la restitution des fruits consécutivement à la résolution d’une vente pour vices cachés conclue avant la réforme des obligations de 2016.

En l’espèce, une SCI avait vendu en 2015 à un particulier un immeuble à usage d’habitation composé de deux appartements. Faute de raccordement de l’un d’eux au réseau d’assainissement collectif, et en présence d’étais de chantiers [2] dans des cloisons, l’acquéreur sollicita la résolution de la vente pour vices cachés. La cour d’appel de Douai, par un arrêt du 14 novembre 2019, fit droit à la demande mais refusa d’ordonner la restitution des fruits tirés du bien vendu au motif que le vendeur n’avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre. La SCI-venderesse forma alors un pourvoi en cassation au moyen que la cour d’appel aurait violé les articles 1641 (N° Lexbase : L1743AB8) et 1644 (N° Lexbase : L9498I7W) du Code civil en n’ordonnant pas d’office la restitution des fruits perçus par l’acquéreur, entre la conclusion de la vente et sa résolution, dès lors que la restitution des fruits est une conséquence légale de la résolution de la vente.

La Cour de cassation devait donc se demander si la restitution des fruits devait être demandée spécifiquement dans le dispositif des conclusions d’appel (du vendeur) ou si, au contraire, cette dernière devait être ordonnée automatiquement du seul fait de la résolution de la vente pour vices cachés ?

Les magistrats du Quai de l’Horloge, par un arrêt du 11 février 2021, rejetèrent le pourvoi au motif que « si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office, dès lors qu’en application des dispositions des articles 549 (N° Lexbase : L3123ABB) et 550 (N° Lexbase : L3124ABC) du Code civil, une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur ». Par conséquent, les restitutions devaient se limiter à l’immeuble vendu.

La solution rendue par la Cour de cassation, sous l’empire de l’ancienne loi, paraît bien fondée – en ce sens qu’elle conditionne la restitution des fruits à la formulation d’une demande spécifique conformément à l’exigence édictée à l’article 549 du code précité – bien que des zones d’ombre subsistent (I). Cela étant, il n’est pas certain, loin s’en faut, que l’espèce commentée aurait connu meilleure fortune sous l’empire de la loi nouvelle qui prétend harmoniser les règles en matière de restitutions (II).

I. La restitution des fruits justement conditionnée par l’article 549 du Code civil

L’article 549 du Code civil contient en lui la marque d’une équité de bon sens : « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi ». Dès lors, quoi de plus logique que de considérer, comme le fait la Cour de cassation dans cet arrêt, que la restitution des fruits soit conditionnée par la démonstration, par celui qui les revendique (la SCI-venderesse en l’espèce), de la mauvaise foi du possesseur (l’acquéreur en l’espèce), laquelle doit alors faire l’objet d’une demande comme le rappelle justement les juges du fond lorsqu’ils indiquent que la venderesse « n’avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre ». D’ailleurs, si l’argument sur le fond doit être salué, c’est aussi parce qu’il est corroboré sur la forme. En effet, l’article 954 du Code procédure civile (N° Lexbase : L7253LED) – au relatif aux conclusions d’appel – exige non seulement une formulation expresse des prétentions des parties et des moyens, mais également un dispositif récapitulant les prétentions. Cette dernière exigence est d’autant plus forte que cette même disposition rappelle que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». Dès lors, tant d’un point de vue substantiel que d’un point de vue procédural, la décision rendue par la Cour de cassation doit être saluée [3]. Pour autant, deux zones d’ombre subsistent peu important qu’elles se soient ou non réellement posées dans cette affaire.

En premier lieu, si l’absence d’automaticité de la restitution des fruits est heureuse, qu’en est-il de celle visant l’objet même de ce contrat de vente immobilière, à savoir le prix pour l’un et l’immeuble pour l’autre ? Autrement dit, la restitution du prix et de l’immeuble est-elle mécanique en cas de résolution de la vente pour vices cachés ? Bien que l’arrêt commenté ne le précise pas expressément, la Cour de cassation estime que la cour d’appel a, à bon droit, limité la restitution à l’immeuble vendu (et sans doute au prix également). Aussi, de deux choses l’une, soit il convient de considérer que les parties, dans leurs conclusions, avaient respectivement demandé la restitution du prix et celle du bien vendu, soit les juges du fond ont ordonné ces restitutions ipso facto en considérant que ces dernières n’étaient que la conséquence légale de l’anéantissement du contrat. Nous pensons que la seconde possibilité est mieux fondée d’une part, parce qu’on voit mal comment l’anéantissement rétroactif du contrat s’accommoderait, pour l’objet principal de la convention, d’une nécessité d’exiger en plus de former une demande au titre de ces restitutions ; et d’autre part, parce qu’en matière de vices cachés, l’article 1644 du Code civil (N° Lexbase : L9498I7W)  contient l’objet même de la demande au titre l’action rédhibitoire lorsqu’il énonce que « l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ». Toutefois, la prudence doit être de rigueur puisque les solutions récentes contredisent cette analyse. En effet, tant au titre d’une action en nullité qu’à celui d’une action fondée spécialement sur les vices cachés, la jurisprudence récente, indépendamment de la question de la restitution des fruits, a eu l’occasion d’indiquer, dans des formules comparables, que « la résolution d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, le juge (…), dès lors qu’il la prononçait, n’était pas tenu, à défaut de demande expresse dans ce sens, d’ordonner en même temps que la restitution du prix, celle de la chose vendue » [4]. En définitive, bien qu’il semblerait, du moins en matière de vices cachés, que la demande soit contenue dans le texte même qui fonde l’action, sans doute est-il préférable de répéter cette demande au cœur du dispositif des conclusions d’appel conformément à l’article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED).

En second lieu, si la restitution des fruits n’a pas été ordonnée dans cet arrêt, il n’en demeure pas moins que la question se pose de savoir qu’elle en aurait été son étendue à l’aune de la spécificité de l’action rédhibitoire ? A n’en pas douter, la lecture combinée des articles 549 et 550 du Code civil conduit à affirmer deux choses : d’une part, le possesseur cesse d’être bonne foi au moment où il connaissance du vice de sa possession ; et d’autre part, il est de jurisprudence constante que la possession de bonne fois s’achève, en tout état de cause, à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l’annulation de la vente [5]. Si la seconde solution, appliquée à notre espèce, n’appelle pas d’observation puisque l’assignation, tendant à la résolution de la vente immobilière fondée sur les vices cachés, ne peut conduire qu’à mettre fin à la bonne foi de l’acquéreur dans la mesure où ce dernier cherche à ne plus être possesseur du bien entaché d’un vice caché en mettant en œuvre l’action rédhibitoire ; en revanche, la première solution conduit à une solution qui peut se révéler peu satisfaisante eu égard à l’équité même de l’article 549 du code précité. En effet, l’acquéreur d’un bien, faisant l’objet d’un vice caché, pourrait être tenté d’attendre le dernier moment – à savoir deux ans à compter de la découverte du vice[6] – pour procéder à l’assignation alors même que la découverte du vice est bien antérieure. Que resterait-il alors de l’idée de justice de l’article 549 du Code civil si l’acquéreur était en mesure de conserver les fruits en toute mauvaise foi jusqu’au moment où il se déciderait à agir en justice ? Un argument spécieux pourrait être avancé : après tout, l’action en justice n’est qu’une potentialité qui, tant qu’elle ne s’est pas réalisée, laisse l’acquéreur propriétaire (et partant possesseur) qui peut alors retirer pleinement toutes les utilités de son bien. Or cette démonstration fait fi de la fiction volontairement créée par l’effet rétroactif de la résolution consécutive au bien-fondé de l’action rédhibitoire de sorte qu’il est loisible de penser qu’un tel argument ne saurait prospérer. Reste que la connaissance du vice caché par l’acquéreur peut être démontrée par tous moyens par le vendeur de telle façon que l’application des articles 549 et 550 du Code civil demeure sans doute la plus appropriée pour régler les conséquences légales de l’action rédhibitoire. Cela étant, l’espèce soumise à notre étude a été rendue sous l’empire de l’ancienne loi. Les solutions et observations retenues seraient-elles les mêmes si le contrat avait obéi au droit issu de la réforme des obligations de 2016 ?

II. La restitution des fruits faussement harmonisée par la réforme des obligations

La réforme des obligations de 2016 insère dans le Code civil un chapitre consacré exclusivement aux restitutions. La consultation du rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance de 2016 portant réforme des obligations est très instructif [7] puisqu’on y apprend que ce chapitre a pour ambition de palier à l’absence de dispositions propres aux restitutions suite à l’anéantissement du contrat. Plus encore, il est « destiné à unifier la matière » (contractuelle faut-il sans doute comprendre). Dès lors, l’action rédhibitoire, parce qu’elle est une garantie attachée à la vente, devrait naturellement obéir à ce nouveau corpus de règles. Par conséquent, si notre affaire devait être réglée sous le droit nouveau, ce n’est plus aux articles 549 et 550 du Code civil qu’il faudrait se référer, mais aux articles 1352 (N° Lexbase : L9212IDK) et suivants du code précité d’autant que l’article 1352-3, alinéa 1 (N° Lexbase : L0737KZC) dispose que « la restitution inclut les fruits et la valeur de jouissance que la chose a procurée ». Au-delà du fait que l’article 549 du Code civil se verrait de facto cantonné aux seules actions en revendication [8] (l’action rédhibitoire n’en n’étant assurément pas une sauf à avoir une interprétation très extensive de la notion), cela reviendrait à défaire la jurisprudence étudiée puisque, de l’aveu même du rapport précité, « les fruits doivent être restitués sans que cette restitution dépende de la bonne ou mauvaise foi du débiteur de la restitution ». Par conséquent, appliquée à notre espèce, la bonne ou mauvaise foi n’étant plus une condition au principe même de la restitution, il ne serait plus nécessaire d’en faire une demande spécifique comme à présent, alors même que, curieusement, l’article 954 du Code de procédure civile est maintenu en l’état. Cette solution devrait d’autant plus être admise que l’article 1352-7 du Code civil (N° Lexbase : L0741KZH), qui réintroduit la bonne ou mauvaise foi, ne servirait, toujours de l’aveu du rapport précité, qu’à préciser le moment où les fruits sont dus : « celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu’il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande ». En somme, la solution serait donc inverse et il aurait été simplement question de discuter de l’étendue de la restitution des fruits.

Or, quand bien même l’on pourrait se satisfaire de cette prétendue harmonisation des règles relatives aux restitutions en matière contractuelle (et au paiement de l’indu), il n’est pas certain, bien au contraire, que le seul recours à l’article 1352-7 du Code civil soit une bonne chose car il devrait se révéler encore moins performant que l’article 549 du Code civil. En effet, en matière de vices cachés, celui qui a reçu (l’acquéreur) sera nécessairement de bonne foi dans la mesure où précisément le vice doit être caché au moment de la formation du contrat ; l’acquéreur ignorant – c’est le propre de ce régime – le vice dont est atteint le bien vendu. Dès lors, on ne pourra faire application que de l’article 1352-7 in fine qui prévoit que l’acquéreur ne devra restituer les fruits qu’à compter du jour de la demande, c’est-à-dire de sa propre demande au titre de l’action rédhibitoire. Ainsi donc, contrairement à l’article 549 du Code civil qui permet de déterminer l’étendue de la restitution des fruits en tenant compte du jour où le possesseur (l’acquéreur) a eu connaissance du vice du bien vendu, l’article 1352-7 du Code civil ne retient que le jour de la demande en justice. L’utilisation à venir de cette disposition, pour régler une partie des conséquences de l’action rédhibitoire, ne peut créer alors que de l’iniquité, là où l’article 549 du même code parvient, non sans mal mais malgré tout, à maintenir de l’équité. En somme, les nouvelles dispositions paraissent profondément inadaptées à l’action rédhibitoire pour vices cachés alors même qu’elles se veulent être spécifiquement dédiées à la matière contractuelle.

En définitive, on assiste ici à une difficulté récurrente tendant à élaborer des règles sans tenir compte de celles existantes ou sans envisager leur articulation avec ces dernières (ici celles propres à la procédure – article 954 du Code de procédure civile – ou au droit des biens – article 549 du Code civil). Tout laisse à penser que la réforme des obligations de 2016, lors de la rédaction des règles relatives aux restitutions, a oublié l’existence d’autres textes au premier rang desquels figure l’article 549 du Code civil. Le plus simple, et c’est une voie envisageable, serait de considérer que l’action rédhibitoire, pour ce qui est des restitutions, n’obéit pas à ces nouvelles règles de sorte que la restitution des fruits devrait toujours être réglée par l’article 549 du Code civil. Pour ce faire, il conviendrait alors de prendre aux mots le rapport précité lorsqu’il indique qu’« il est donc consacré un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s'appliquer à toutes formes de restitutions, qu'elles soient consécutives à l'annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l'indu ». Tirant prétexte de la liste exhaustive des sources des restitutions, il suffirait de dire, non sans mauvaise foi, que l’action rédhibitoire, quand bien même conduit-elle à l’anéantissement du contrat de vente, n’est pas une annulation (cette dernière s’attachant à la mauvaise formation du contrat [9]) ; ni une résolution (cette dernière sanctionnant une inexécution suffisamment grave de l’un des cocontractants [10]) ; et encore moins une caducité (cette dernière exigeant la disparition, après la formation du contrat, de l’un de ses éléments essentiels [11]) ou une répétition de l’indu (cette dernière supposant un indu ab initio [12]). Ainsi, l’action rédhibitoire serait une action spéciale – permettant d’obtenir les restitutions principales sur le fondement de l’article 1644 du Code civil – dérogeant ainsi aux règles énoncées aux articles 1352 et suivants du code précité et devant alors faire appel aux seules dispositions de l’article 549 du Code civil pour régler la question de la restitution des fruits. Sans doute, mais nous dépassons notre office du jour, serait-il opportun de déterminer, avant toute chose, la nature juridique de l’action rédhibitoire. A suivre donc.

 

[1] V. le chapitre V Les restitutions, aux articles 1352 (N° Lexbase : L1003KZ8) et s. du Code civil.

[2] Il s’agit d’éléments permettant de soutenir les structures d’une construction.

[3] Contrairement à une jurisprudence du début des années 2000 qui considérait que la restitution des fruits n’était qu’une conséquence légale de l’anéantissement du contrat de vente : Cass. civ. 3, 29 juin 2005, n° 04-12.987, FS-P+B (N° Lexbase : A8596DI9). On notera toutefois que l’action n’était pas fondée sur les vices cachés mais sur la résolution.

[4] Cass. civ. 1, 25 mai 2016, n° 15-17.317, F-P+B (N° Lexbase : A0376RRD) (action fondée sur les vices cachés). Dans le même sens au titre, cette fois, d’une annulation : Cass. civ. 1, 6 février 2019, n° 17-25.859 ([LXB=LXB=A6191YW9]) : « l’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la cour d’appel n’était pas tenue, à défaut de demande expresse en ce sens, d’ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue ».

[5] En sens d’ailleurs récemment : Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-20737. Voir spécialement : J. Laurent, La restitutions des fruits par le possesseur à la suite de la demande en résolution de la vente émanant d’un tiers non revendiquant, Gaz. Pal., 24 novembre 2020, n° 4, p. 81.

[6] C. civ., art. 1648 (N° Lexbase : L9212IDK).

[7] JORF n° 0035 du 11 février 2016.

[8] Ce qui est, au regard de la lettre du texte, envisageable dans la mesure où il est fait expressément mention de revendication.

[9] C. civ., art. 1178 (N° Lexbase : L0900KZD).

[10] C. civ., art. 1224 (N° Lexbase : L0939KZS).

[11] C. civ., art. 1186 (N° Lexbase : L0892KZ3).

[12] C. civ., art. 1302 ([LXB=] L0953KZC]).

newsid:476651

Droit pénal du travail

[Brèves] Portée des certificats E101 et A1 dans l’infraction de travail dissimulé pour omission de DPAE et irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’URSSAF

Réf. : Cass. crim., 2 mars 2021, n° 19-80.991, F-P+B+I (N° Lexbase : A49954IT)

Lecture: 9 min

N6670BYP

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par Laïla Bedja

Le 24 Mars 2021

► La déclaration préalable à l’embauche vise, au moins en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail ; dès lors, il y a lieu d’en conclure que l’existence de certificats E101 et A1 ne fait pas obstacle à une condamnation du chef de travail dissimulé pour omission de procéder à l’obligation de procéder à la DPAE ;

De même, les délits de travail dissimulé tant par dissimulation de salariés que par dissimulation d’activité peuvent être établis, nonobstant la production de certificats E101 ou A1, lorsque les obligations déclaratives qui ont été omises ne sont pas seulement celles afférentes aux organismes de protection sociale (C. trav., art. L. 8221-3, 2° N° Lexbase : L0323LMW) ou aux salaires ou aux cotisations sociales (C. trav., art. L. 8221-5, 3° N° Lexbase : L7404K94) ; il en est ainsi, par exemple, lorsqu’a été omise l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, dans le cas de la dissimulation d’activité, ou lorsqu’il n’a pas été procédé à la remise de bulletins de paie, dans le cas de la dissimulation de salariés (premier moyen) ;

Une société étrangère disposant au domicile français de son dirigeant, pour les besoins de son activité commerciale, d’une représentation permanente, laquelle vaut ouverture d’un premier établissement sur le territoire national, doit s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS) et il n’en va différemment que lorsque la seule activité lucrative de la société est exercée non pas en France mais à l’étranger, le fait d’œuvrer de manière temporaire en France pour le compte d’une société étrangère dans le seul but de poursuivre l’objet social ne requérant pas une telle immatriculation (deuxième moyen) ;

Enfin, l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; l’URSSAF ne saurait prétendre avoir subi un préjudice lorsque, comme en l’espèce, la validité du certificat ne peut être contestée, faute de retrait dudit certificat par l’organisme qui l’a émis, ou faute d’établissement de la preuve d’une fraude conformément à la doctrine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6 février 2018, aff. C-359/16, Omer Altun N° Lexbase : A6101XCX), et rappelée par la Chambre criminelle par plusieurs arrêts du 18 septembre 2018 (Cass. crim., 18 septembre 2018, no 13-88.631, FS-P+B N° Lexbase : A6578X7R, notamment), et qu’en conséquence les salariés concernés ne peuvent qu’être regardés comme régulièrement affiliés au régime de sécurité sociale de l’Etat ayant émis le certificat (moyen relevé d’office ; cassation).

Les faits et procédure. En 2011, le procureur de la République à Saint-Malo a diligenté une enquête préliminaire sur des faits d’exercice illégal en France d’une activité d’entreprise de travail temporaire à l’encontre d’une société, de nationalité slovaque. Au terme de l’enquête, Mme X, gérante de la société, et son époux M. X, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé, prêt illicite de main d’oeuvre, faux et usage et abus de biens sociaux, outre un délit de marchandage reproché uniquement à M. X. En 2013, le tribunal a annulé les citations.

Le ministère public et le mandataire judiciaire de la société, constitué partie civile, ont relevé appel de la décision.

À nouveau saisi contre la gérante, le tribunal correctionnel a déclaré cette dernière coupable d’abus de biens sociaux, de faux et usage et de travail dissimulé et l’a relaxée du chef de prêt de main d’œuvre illicite. Un nouvel appel a été formé par le ministère public, la prévenue et la société. La cour d’appel de Rennes a retenu la culpabilité de la gérante du chef de travail dissimulé par dissimulation d’activité en qualité d’auteur et de l’époux pour les mêmes chefs, en qualité de complice.

Sur la portée des certificats E101 / A1

Sur ce moyen, les prévenus reprochaient à la cour d’appel de ne pas avoir pris en compte la fourniture des certificats E 101 et donc les avoir déclarés, à tort, coupable de de travail dissimulé par dissimulation d’activité, par dissimulation de salarié pour défaut de remise de déclaration préalable à l’embauche et pour minoration du nombre d’heure de travail.

Répondant à une question préjudicielle posée par la Chambre criminelle (Cass. crim., 8 janvier 2019, no 17-82.553, FS-D N° Lexbase : A9698YSY), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 mai 2020, aff. C-17/19, Bouygues travaux publics N° Lexbase : A44833LM) a énoncé que les formulaires de détachement, dits certificats E 101 et A1, s’imposent aux juridictions de l’État sur le territoire duquel les travailleurs exercent leurs activités uniquement en matière de sécurité sociale. S’agissant de l’analyse du droit national et en particulier de la portée de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE), elle a précisé qu’il incombe à la juridiction de renvoi, et donc en l’espèce à la chambre criminelle, de déterminer la portée de cette obligation déclarative.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le moyen. Pour la Cour de cassation, la lutte contre le travail clandestin recouvre plusieurs finalités qui ne la limitent pas au financement des différentes branches de la sécurité sociale, puisqu’elle permet en outre de faciliter la lutte contre la fraude fiscale, une société qui procède à une DPAE étant tenue de s’identifier, ainsi que d’assurer une concurrence non faussée entre les entreprises. Cette DPAE permet de présumer l’existence d’un contrat de travail (C. trav., art. L. 1221-10 N° Lexbase : L0788H93), à l’employeur de demander l’examen médical d’embauche (C. trav., art. R. 4624-10 N° Lexbase : L2278LCD et -11 N° Lexbase : L2277LCC). Il résulte de ces considérations que la DPAE vise, au moins en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail.

Ainsi, en l’espèce, pour retenir la culpabilité de Mme et M. X, la cour d’appel a pu relever, notamment, que la société n’a effectué aucune déclaration à l’URSSAF du Bas-Rhin et n’a versé aucune cotisation pour de soi-disant artisans, en possession du formulaire A1 garantissant leur protection sociale en Slovaquie, avec lesquels les entreprises utilisatrices n’ont jamais contracté directement mais uniquement par l’intermédiaire de ladite société par le biais de contrats de mise à disposition identiques à ceux établis pour les salariés, écarte l’argument tiré de ce que ces employés, présentés comme des artisans, se sont vu décerner de tels certificats. Aussi, si les prévenus ont été reconnus coupables au titre de l’omission d’obligations déclaratives ayant pour unique objet d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de Sécurité sociale, ils l’ont été également au titre d’un défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés et d’un défaut de DPAE et la production de certificats E101 ou A1 pour certains ou tous les salariés concernés n’était pas de nature à interdire à la juridiction de déclarer établis ces derniers faits, qui à eux seuls suffisent à fonder les condamnations prononcées du chef de travail dissimulé, délit défini de façon unitaire par l’article L. 8221-1, 1°, du Code du travail (N° Lexbase : L3589H9S).

Lire le commentaire de Hélène Nasom-Tissandier, Des certificats E101/A1 et E106/S1 réguliers ne font pas obstacle à des condamnations pour travail dissimulé, in Lexbase Social, février 2021, n° 854 (N° Lexbase : N6427BYP).

Sur la reconnaissance du travail dissimulé par dissimulation d’activité par défaut de déclaration auprès des organismes fiscaux et de protection sociale

Dans ce deuxième moyen, la prévenue, pour contester sa condamnation, avançait l’immatriculation de sa société en Slovaquie.

Rejet. Énonçant la solution précitée (seconde), la Haute juridiction rejette le moyen. Les juges du fond ont pu relever que si les prévenus considèrent que la société, étant imposée en Slovaquie, ne peut l’être en France et ne relève pas des organismes fiscaux français, les éléments du dossier ont permis d’établir que la société avait une activité habituelle, stable et continue en France, tant par l’importance en proportion du chiffre d’affaires qui y est réalisé, que par la réalité des moyens logistiques qui y sont basés et des activités de prospection de clientèle ou de recherche de salariés menées par M. X depuis le territoire français qui constituent à elles seules un motif suffisant pour rendre nécessaire l’ouverture d’un établissement en France et le déclarer.

Sur la recevabilité de constitution de partie civile de l’URSSAF

Cassation. Rappelant les dispositions de l’article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9908IQZ) et la doctrine de la CJUE, la Haute juridiction, ayant relevé d’office le moyen, casse et annule sans renvoi, le jugement ayant déclaré recevable l’URSSAF à se constituer partie civile et condamnant les prévenus au versement de dommages et intérêts.

newsid:476670

Fiscalité internationale

[Brèves] Secret professionnel des avocats : le Conseil d’État rejette le recours contre le « BOFiP DAC 6 »

Réf. : CE référé, 11 février 2021, n° 448485, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A36144HC)

Lecture: 8 min

N6628BY7

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par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Mars 2021

Le Conseil d’État a rejeté le recours du Conseil national des barreaux, de la Conférence des Bâtonniers et l'Ordre des avocats du barreau de Paris tendant à l’annulation des commentaires de l’administration relatifs à la déclaration des dispositifs transfrontières.

Pour rappel, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris avait indiqué, via un communiqué de presse du 26 janvier 2021, attaquer les commentaires de l’administration fiscale relatifs à la Directive « DAC 6 » pour défendre le secret professionnel.

« La profession d’avocat dénonce l’atteinte injustifiée au secret professionnel de l’avocat sans qu’aucun « filtre protecteur » comparable à celui retenu en matière de déclaration de soupçon dans le cadre de la lutte contre le blanchiment n’ait été prévu ».

🔎 Que prévoit la Directive « DAC 6 » ?

La Directive européenne n° 2018/822, du Conseil du 25 mai 2018, relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, dite « Directive DAC 6 » (N° Lexbase : L6279LKR) vise à renforcer la coopération entre les administrations fiscales des pays de l’UE en matière des montages potentiellement agressifs de planification fiscale.

La déclaration DAC 6 vise à déclarer des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs sur le plan fiscal contenant certaines caractéristiques.

La Directive a été transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2019-1068, du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (N° Lexbase : L9809LS4), codifiée aux articles 1649 AD (N° Lexbase : L9972LS7) à 1649 AH (N° Lexbase : L9976LSB) du CGI.

Pour l’essentiel on notera :

  • une obligation de déclaration qui incombe à l’intermédiaire,
  • un dispositif transfrontalier entre pays européens ou avec un pays tiers,
  • le dispositif doit être qualifié de montage potentiellement agressif comportant au moins un des marqueurs figurant en Annexe de la Directive DAC6

Consulter le tableau des marqueurs sur le site de l’administration fiscale.

Lire en ce sens, G. Massé et A.-C. Piroth, DAC 6 : une application pratique plus complexe et incertaine, Lexbase Fiscal, mai 2020, n° 824 (N° Lexbase : N3300BYU).

🔎 Covid-19 et report des obligations.

La Directive DAC 6 est entrée en vigueur au sein de l’Union européenne le 25 juin 2018 avec une prise d’effet initialement prévue le 1er juillet 2020 et un effet rétroactif pour les dispositifs transfrontières mis en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020.

En réponse à la crise sanitaire liée à la Covid-19, l'Union européenne a finalement décidé le 24 juin 2020, de reporter la date limite pour remplir ses obligations en matière d'échange et d'échange d'informations transfrontalières. Ainsi, les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour permettre aux intermédiaires et aux contribuables concernés de fournir, pour le 28 février 2021 au plus tard, des informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020.

En France c’est la troisième loi de finances rectificative pour 2020 qui a entériné ce report pour les contribuables français (loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7971LXI).

⏲️ Les dates à retenir pour l’année 2021.

  • à compter du 1er janvier 2021, le délai de déclaration de 30 jours court pour les dispositifs dont le fait générateur est intervenu entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2020 : la déclaration est à souscrire au plus tard le 31 janvier 2021,
  • 28 février 2021 : échéance pour la déclaration des dispositifs transfrontières dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020,
  • 30 avril 2021 : échéance pour la déclaration de la première mise à jour trimestrielle des dispositifs commercialisables.

🔎 Les commentaires de l’administration fiscale et la défense du secret professionnel

Une première version des commentaires de l’administration fiscale été publiée le 9 mars 2020 en ce qui concerne la définition des termes et les modalités de déclaration, le 29 avril 2020 pour les marqueurs.

Les commentaires définitifs, en cause au litige (BOI-CF-CPF-30-40 N° Lexbase : X0292CKZ et BOI-CF-CPF-30-40-10-20 N° Lexbase : X0221CKE) ont été publiés le 25 novembre 2020.

Les commentaires précisent les étapes liées à la levée du secret professionnel et à la déclaration.

Ainsi, lorsque l’intermédiaire est soumis au secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG), ce dernier doit :

1. avec l’accord du contribuable déclarer le dispositif transfrontière : l'intermédiaire soumis au secret professionnel doit informer son client et prendre toute disposition pour que celui-ci soit en mesure de lui faire part de sa décision de lever le secret professionnel au plus tard le jour précédant celui du fait générateur de l'obligation déclarative. Le jour précédant celui du fait générateur de l'obligation déclarative s'entend :

du jour de la mise à disposition aux fins de mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ;

du jour où le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est prêt à être mis en œuvre ;

de la veille du jour de la réalisation de la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière.

En cas d’accord intervenant au-delà de la date prévue, une tolérance administrative admet que le délai de trente jours de souscription de la déclaration s’applique à compter du jour où l’intermédiaire obtient cet accord.

2. à défaut d’accord l’intermédiaire notifie à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe 

3. en l’absence d’autres intermédiaires, l’avocat adresse la notification d’obligation déclarative au contribuable. L’avocat transmet au contribuable, le cas échéant, les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative

👉 Solution du Conseil d’État.

Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris ont décidé de demander l’annulation de ces commentaires pour défendre le secret professionnel.

« Le 25 novembre 2020, les commentaires administratifs publiés au BOFiP ont repris et précisé les règles définies par l’ordonnance. À défaut de prise en compte des observations de la profession, les instances représentatives ont décidé d’introduire un référé suspension contre le BOFiP qui en régit l’application » a ainsi indiqué le CNB dans un communiqué du 1er février 2021.

Pour justifier de l'urgence à ordonner cette suspension, les requérants font valoir que les commentaires administratifs contestés portent un préjudice grave et immédiat à l'intérêt collectif de la profession d'avocat dès lors qu'ils font obligation aux membres de cette profession prenant part à l'élaboration de dispositifs transfrontaliers de transmettre non seulement à l'administration fiscale, mais également à des tiers ayant la qualité d'intermédiaire des informations couvertes par le secret professionnel, en méconnaissance du droit à un procès équitable et du droit à la protection de la vie privée respectivement garantis par les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 47 et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Pour le Conseil d’État, « l'obligation déclarative dont les modalités d'application sont contestées trouve son fondement, comme il a été dit aux points 4 et 5, dans les dispositions des articles 1649 AD à 1649 AH du Code général des impôts issus de l'article 1er de l'ordonnance du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières, que les requérants n'ont pas attaquée dans le délai de recours contentieux, et non dans le commentaire qu'en a fait l'administration. Par suite, les énonciations contestées du bulletin officiel des finances publiques - Impôts ne créent, par elles-mêmes, aucune situation d'urgence en tant qu'elles se bornent à rappeler, sans y ajouter, les dispositions de la loi fiscale ».

La requête est donc rejetée.

📌 À noter que ce n’est pas la première fois que la profession dénonce cette atteinte au secret professionnel. Lors de sa séance du 5 novembre 2019, le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris avait voté une motion dénonçant l’absence de concertation sur la transposition de la Directive européenne dite « DAC 6 », et a rappelé notamment le caractère absolu du secret professionnel et du principe de légalité.

Le CNB est également intervenant volontaire dans le contentieux devant la Cour constitutionnelle belge. Cette dernière a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE, considérant que les informations susceptibles de faire l’objet d’une transmission en vertu de la Directive sont protégées par le secret professionnel dès lors qu’elles « portent sur des activités qui relèvent de leur mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique », et que le « simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l’identité des clients d’un avocat ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Procédure pénale

[Jurisprudence] Garde à vue : l’exclusion du droit à l’assistance par un avocat lors d’un acte d’enquête qui ne constitue pas une audition

Réf. : Cass. crim., 12 janvier 2021, n° 20-84.045, F-P+B+I (N° Lexbase : A96684BP)

Lecture: 17 min

N6491BY3

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par Sébastien Pellé, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Université Toulouse Capitole (Institut de Droit Privé - EA 1920)

Le 03 Mars 2021


Mots-clés : garde à vue • droits de la défense • droit à l’assistance par un avocat • audition • perquisition • exploitation d’un téléphone portable

Dans cet arrêt du 12 janvier 2021, la Cour de cassation considère que la demande de communication du code secret d’un téléphone portable, de même que l’exploitation des données qu’il contient, peuvent intervenir sans la présence de l’avocat. Elle considère que l’opération est, dans son ensemble, assimilable à une perquisition et que la sollicitation de l’officier de police judiciaire (OPJ) ne constitue pas une audition. Au-delà de la solution, le raisonnement développé par la Chambre criminelle retient l’attention et invite à préciser le périmètre du droit à l’avocat en garde à vue.


 

Après une période progressiste, initiée par la loi du 14 avril 2011 [1], en faveur d’un renforcement des droits du gardé à vue, le droit positif semble désormais animé par un mouvement de reflux destiné à contenir les nouvelles garanties qui se sont peu à peu imposées dans le cadre de l’enquête policière. Les modifications apportées par la loi « programmation Justice » du 23 mars 2019 [2] en faveur d’un allègement du formalisme procédural en attestent particulièrement, et les rares avancées concédées ne sont que les conséquences ponctuelles des rebondissements du contentieux de la fondamentalité [3]. Par un effet de cliquet des droits fondamentaux, il n’est pas question d’un retour en arrière, mais plutôt d’une sorte de stagnation, sans doute très provisoire, autour d’un certain niveau de protection.

L’arrêt de la Chambre criminelle, en date du 12 janvier 2021, s’inscrit dans cette dynamique en faisant de l’audition l’une des notions cardinales de l’application du droit à l’assistance par un avocat lors d’une garde à vue. En un sens, la solution rendue mobilise toutes les potentialités offertes par le droit positif, et exprime ainsi le niveau de garantie aujourd’hui atteint par l’effet des dernières réformes. Dans un autre sens, le raisonnement retenu révèle des angles morts persistants dans l’application des droits de la défense à ce moment si particulier de la procédure, et traduit un certain « verrouillage » du système actuel.

            Les faits de l’affaire, de même que la question soumise à la Haute juridiction, sont particulièrement clairs. Dans le cadre d’une garde à vue, pour laquelle l’assistance d’un avocat avait été sollicitée, un officier de police judiciaire a demandé au suspect le code d’accès à son téléphone portable afin de procéder à son exploitation. Cette opération a été réalisée pendant le temps de la garde à vue, mais hors la présence de l’avocat. Le suspect a été mis en examen et une requête en nullité du procès-verbal d’exploitation du téléphone et de l’audition consécutive a été formée par l’avocat du suspect, pour violation des articles 63-3-1 (N° Lexbase : L4969K8K) et 63-4-2 (N° Lexbase : L4968K8I) du Code de procédure pénale. Cet acte d’enquête entre-t-il dans le domaine du droit à l’assistance par un avocat consacré par le Code de procédure pénale au stade de la garde à vue ?

            À cette interrogation, la Cour de cassation répond par la négative. Elle rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d’avoir conclu à la validité desdits procès-verbaux en considérant, pour l’essentiel, que la demande de code secret d’un téléphone suivie de son exploitation ne constitue pas une audition. Si la solution retenue ne peut qu’être approuvée au regard des contraintes techniques du droit positif, elle traduit manifestement les incertitudes qui planent sur le périmètre raisonnable du droit à l’avocat en garde à vue. En effet, c’est l’assimilation de l’acte à une perquisition (I) qui justifie l’exclusion du droit à l’assistance (II).

I. La qualification de l’acte d’enquête : l’assimilation à une perquisition

            La mise en œuvre de certains droits du gardé à vue dépend aujourd’hui de la nature des actes d’enquête accomplis. En l’espèce, la Haute juridiction écarte le régime de l’audition (A) et s’inspire, dans le silence des textes, de celui de la perquisition (B).

A. Une conception stricte de l’audition

            Le pourvoi et la motivation des juges du fond étaient centrés sur la notion d’audition, afin de déterminer si l’absence de l’avocat lors de la demande d’accès au code secret du téléphone constituait une violation du droit à l’assistance. Le premier intérêt de la décision rendue le 12 janvier 2021 réside dans la confirmation de la conception stricte de la notion d’audition retenue par les juges du fond. Alors que le pourvoi soutenait que l’acte devait relever du régime de l’audition afin de garantir la liberté du consentement à fournir le code d’accès, la chambre de l’instruction avait écarté cette qualification en considérant que le suspect n’avait fait aucune déclaration et qu’aucune question sur les faits ne lui avait été posée. La Haute juridiction estime « qu’en l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen », et affirme que « la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d’une information permettant l’accès à un espace privé préalablement identifié, qu’il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d’une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale ».

            Le rejet de la qualification d’audition invite à s’interroger sur la définition de celle-ci, ainsi que sur les critères mis en œuvre pour la caractériser en pratique. À cet égard, la lecture de la décision est décevante. Le simple renvoi à l’article 63-4-2 ne suffit évidemment pas dans la mesure où ce texte, qui expose les modalités du nouveau droit à l’assistance consacré en 2011, ne contient aucune définition. Par une sorte de « mimétisme procédural », dans le silence du législateur, on comprend que l’audition renvoie ici à l’ancien interrogatoire de police dont la référence, trop centrée sur la recherche des aveux [4], a été supprimée à l’occasion de cette réforme. Désormais, le même mot, « audition », s’applique, tout à la fois, à la situation du témoin, de la personne en audition libre et du gardé à vue [5], ce qui accentue la difficulté d’en saisir le contenu véritable. Malgré cette imprécision terminologique, la pratique policière identifie l’audition comme un acte de recueil de déclarations, et ce, quel que soit le statut de la personne [6]. C’est, semble-t-il, à partir de cette conception intuitive et empirique que le conflit de qualifications a été tranché. Dès lors que l’accès et l’exploitation des données contenues dans un téléphone n’ont pas pour finalité le recueil de la parole de l’intéressé sur l’affaire, que ce soit de manière passive ou active (par des questions ou non), la qualification d’audition doit être écartée. La finalité de l’acte d’enquête devient alors déterminante. Il s’agit de rechercher si l’acte d’enquête considéré a pour objet principal le recueil de la parole sur les faits. C’est finalement ce qu’avait souligné la cour d’appel en énonçant que le droit de ne pas s’auto-incriminer ne s’appliquait pas à l’usage des données qui existent indépendamment de la volonté du suspect. Compte tenu de l’importance des enjeux, le raisonnement conduisant à écarter la qualification d’audition mériterait d’être précisé, ce d’autant plus qu’il favorise le rattachement de l’acte à la catégorie des perquisitions.

B. Une conception large de la perquisition

            La Cour de cassation va plus loin ou, plus exactement, ajoute une étape préalable dans le raisonnement, en se référant au régime de la perquisition : « en premier lieu, aucune disposition légale ne prévoit la présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable, assimilable à une perquisition ». En procédant ainsi la Cour de cassation ne se limite pas à énoncer, de manière négative, ce que l’acte d’enquête litigieux n’est pas. Elle lui confère une qualification positive. La demande d’accès au téléphone en vue de son exploitation doit être rattachée à la catégorie des perquisitions.

            Pour autant, cette qualification ne semble pas non plus aller de soi, dans la mesure où la Cour de cassation procède par voie d’assimilation. Comme l’audition, l’acte de perquisition n’est finalement connu que par son approche pratique, sans que son domaine ne soit exactement déterminé par la loi. Selon une jurisprudence classique, la perquisition est appréhendée comme « la recherche, dans un lieu clos, notamment un domicile, d’indices ou de pièces à conviction utiles à la manifestation de la vérité » [7]. En confrontant cette définition à l’acte d’accès et de recueil des données contenues dans un téléphone portable, l’adéquation de la qualification pourrait être discutée, notamment au regard de la référence à un « lieu clos ». En réalité, le cadre procédural de cet acte d’enquête fait l’objet de certaines hésitations entre les régimes des réquisitions, des perquisitions ou encore celui des fouilles [8]. La simple assimilation au régime des perquisitions pourrait alors se comprendre au regard de cette indétermination. Par ailleurs, une extension progressive du domaine des perquisitions est intervenue, notamment dans le contexte de l’adaptation aux nouvelles technologies. Tout d’abord, et de façon générale, l’article 94 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7224IMI) dispose que « les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques […] ». Ensuite, et de manière plus spécifique, un régime de perquisitions informatiques qui autorise l’accès aux données stockées dans un système informatique a été adopté depuis 2003 [9]. Cependant, il est admis que celui-ci n’a pas été spécialement créé pour l’exploitation des téléphones portables [10]. Afin de dissiper ces interrogations, il est à regretter, sur le plan de la motivation, que les potentialités de la nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation n’aient pas été pleinement exploitées. La solution paraît bien plus posée qu’exposée, ce qui laisse entendre que la raison de l’assimilation doit sans doute être recherchée ailleurs.

            En l’état du droit applicable à la garde à vue, la perquisition constitue l’un des actes d’enquête qui n’est pas couvert par le droit à l’assistance par un avocat. Le rejet de la qualification d’audition, au profit d’une conception large de la perquisition, permet finalement de limiter le domaine de certaines avancées récentes en matière de garde à vue.

II. Le régime de l’acte d’enquête : l’exclusion du droit à l’assistance par un avocat

            Si le raisonnement paraît irréprochable, sur le plan de la stricte lecture des textes, il témoigne d’une véritable tension à l’occasion de l’extension des droits de la défense dans l’enquête policière. L’exclusion du droit à l’assistance s’avère conditionnée (A), ce qui témoigne des incertitudes qui pèsent sur le périmètre de cette garantie (B).

A. Une exclusion conditionnée

            La solution proposée par l’arrêt du 12 janvier 2021 exprime une vision parfaitement « légaliste » (au sens large) du droit applicable, au regard des contraintes imposées par les principales strates de la hiérarchie des normes. Au plan supra-législatif, la Directive « C » du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales n’a pas visé les perquisitions au titre des actes nécessitant la présence d’un avocat [11]. Le législateur, lors de la transposition de ce texte, a retenu une conception volontairement minimaliste en ne prévoyant aucune garantie particulière en matière de perquisition. Au stade de l’application et de l’interprétation de la loi, la Cour de cassation ne pouvait que constater l’absence de texte prévoyant la présence de l’avocat lors d’une perquisition [12] ou, comme elle l’énonce en l’espèce, lors d’un acte assimilable à une perquisition. Bien que l’assimilation en elle-même puisse être discutée [13], une fois celle-ci admise, son effet est particulièrement net. Ce rattachement commande l’exclusion de principe des droits de la défense, et particulièrement du droit à l’assistance par un avocat. Un tel choix d’exclure l’avocat de la perquisition est, par ailleurs, soutenu par des arguments pratiques forts. Du côté des OPJ, il s’agit de préserver l’efficacité des investigations en limitant l’accroissement du formalisme afin de ne pas faire de la garde à vue un temps plus administratif qu’opérationnel. Du côté des avocats, une plus grande disponibilité lors des actes d’enquête se heurte à la délicate question du coût de l’assistance, notamment lorsque le suspect bénéficie de l’aide juridictionnelle [14].

            Pour autant, cette solution ne peut être systématique, en raison des virtualités d’extension des droits de la défense. Une fois ceux-ci introduits, même de manière limitée, les équilibres se modifient en profondeur et il devient très difficile de compartimenter les actes d’enquête pour établir la liste de ceux qui déclencheraient certaines garanties (esprit nouveau du contradictoire), tandis que les autres demeureraient soumis au régime antérieur (esprit ancien de l’inquisitoire). C’est sans doute la raison pour laquelle la Cour de cassation a été contrainte de retenir une approche fonctionnelle des droits de la défense en garde à vue. Ainsi, il a pu être admis que si les propos consignés dans un procès-verbal de perquisition s’assimilent à une audition, la présence de l’avocat devient alors nécessaire [15]. De même, le législateur s’est récemment engagé dans cette même stratégie pour délimiter le domaine de l’obligation d’informer l’avocat en cas de transport du gardé à vue sur un autre lieu. Une telle obligation ne s’impose que lorsque la personne « doit être entendue ou faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-3 » [16]. Le rattachement général de l’acte à la catégorie des perquisitions n’était donc pas suffisant pour exclure définitivement le droit à l’avocat. Il fallait encore vérifier que l’acte d’enquête ne permettait pas de réaliser, à titre accessoire, une audition de la personne. Seule cette constatation permet d’arrêter le régime procédural de l’acte en confirmant l’exclusion du droit de la défense invoqué [17]. On aboutit alors à une confusion des régimes susceptible d’alimenter un contentieux important, puisque la nature de l’acte d’enquête ne suffit plus à déterminer son régime. Partant, même un acte d’enquête non identifié par la loi comme ouvrant droit à l’assistance pourrait déclencher cette dernière s’il permet de réaliser une audition au fond. Bien que la pratique policière risque de s’orienter dans le respect scrupuleux de la nature de chaque acte d’enquête [18], cette évolution relance le débat sur la notion d’audition et, plus fondamentalement, sur le périmètre du droit à l’avocat en garde à vue.

B. L’incertitude sur le périmètre du droit à l’assistance

            Le droit ne peut se construire dans une perspective uniquement légaliste, caractérisée par la recherche d’une stricte adéquation avec des normes supérieures, sous peine de manquer d'orientations véritables. Paradoxalement, la fondamentalisation du droit renforce cette dynamique en favorisant le phénomène des réformes de conformité. La réforme est provoquée, selon un calendrier souvent aléatoire au gré des contentieux, par une sorte d’effet réflexe de la hiérarchie des normes qui impose une mise en conformité immédiate du contenu de la loi. Le processus de réforme n’est plus déclenché par le constat de l’obsolescence d’un corps de règles dans la perspective d’en redéfinir l’équilibre, mais par un débat technique sur la conformité avec les sources supra-législatives. Emporté dans une telle tempête, le législateur perd sa boussole. Le droit se modifie par strates successives, sans réflexion de fond [19].

            L’évolution du droit de la garde à vue depuis 2011 illustre parfaitement cette imperfection. Les subtiles distinctions auxquelles la Cour de cassation se trouve contrainte dans la présente affaire en constituent l’une des conséquences. L’introduction de la mission d’assistance de l’avocat en garde à vue (et aujourd’hui en audition libre) n’a fait l’objet d’aucune réflexion en amont. L’assistance, lorsqu’elle est visée, n'est pas définie par la loi. Les actes pour lesquels l’avocat est autorisé à intervenir sont énumérés progressivement, et ont tendance à s’étoffer au fil des réformes. En 2011, le droit d’être assisté par un avocat a d’abord été défini par renvoi aux articles 63-3-1 (N° Lexbase : L4969K8K) à 63-4-3 (N° Lexbase : L9632IPG) du Code de procédure pénale [20]. Par référence à ces textes, ont été intégrés dans le droit à l’assistance : l’entretien confidentiel de trente minutes (C. proc. pén., art. 63-4 N° Lexbase : L9746IPN), l’accès restreint à certains procès-verbaux (C. proc. pén., art. 63-4-1 N° Lexbase : L3162I3I) et la présence lors des auditions et confrontations (C. proc. pén., art. 63-4-2 N° Lexbase : L4968K8I) dans le respect des prérogatives reconnues à l’avocat (participation passive avec faculté de questions finales et d’observations écrites, C. proc. pén., art. 63-4-3 N° Lexbase : L9632IPG). Pour compléter ce tableau impressionniste de ce que recouvre l’assistance par un avocat en garde à vue, la loi du 3 juin 2016 a ajouté trois autres prérogatives en autorisant la participation aux reconstitutions ainsi qu’aux séances d’identification (C. proc. pén., art. 61-3 N° Lexbase : L6497DIH), et en consacrant une obligation d’information en cas de transport sur un autre lieu (C. proc. pén., art. 63-4-3-1 N° Lexbase : L7436LP4). Dans cet empilement de textes, le vocabulaire employé par le législateur est particulièrement fluctuant et révélateur d’une certaine résistance à l’égard de l’extension des droits de la défense. La réforme de conformité, par la contrainte qu’elle exerce, favorise les petits pas. Ainsi, bien souvent, le mot « présence » est utilisé comme synonyme « d’assistance » [21], ce que l’on retrouve également dans la décision du 12 janvier 2021 qui n’évoque, pour l’écarter, que la « présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable ».

            Si les mots ont un sens, la mission d’assistance ne peut se réduire à une simple présence de l’avocat en garde à vue. L’assistance, évidemment construite à partir de la phase de jugement, devrait impliquer le conseil et la défense [22]. Notre procédure pénale est-elle prête à transposer pleinement de telles garanties dès la phase d’enquête ? Rien n’est moins sûr, sauf à ce que le processus de réformes de conformité soit relancé sous la pression des droits fondamentaux.

À retenir :

- En positif, la Cour de cassation fixe le régime de l’exploitation d’un téléphone portable. Le rejet de la qualification d’audition et l’assimilation à une perquisition, permettent d’écarter avec certitude le droit à l’assistance par un avocat.

- En négatif, la Haute juridiction confirme la nécessité d’une approche fonctionnelle des droits de la défense en garde à vue. Quelle que soit la nature de l’acte d’enquête, il convient de vérifier que ce dernier n’est pas l’occasion de réaliser, même à titre accessoire, une audition au fond.

 

[1] Sur les réformes de la garde à vue depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), v. not. : J. Leroy, La garde à vue après la réforme, Lexisnexis, 2011 ; A.-S. Chavent-Leclère, La garde à vue est morte, vive la garde à vue ! A propos de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, Procédures, 2011, étude 7 ; H. Matsopoulou, Une réforme inachevée. À propos de la loi du 14 avril 2011, JCP G, 2011, 542, p. 908 et s. ; J. Pradel, Un regard perplexe sur la nouvelle garde à vue. A propos de la loi du 14 avril 2011, JCP G, 2011, 665, p. 1104 et s. ; G. Taupiac-Nouvel et A. Botton, La réforme du droit à l’information en procédure pénale, JCP G, 2014, 802 ; M.-L. Rassat, À remettre sur le métier. Des insuffisances de la réforme de la garde à vue, JCP G, 2011, 632, p. 1070 et s. ; G. Roujou de Boubée, La réforme de la garde à vue (commentaire de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011), D., 2011, p. 1570 et s. et E. Vergès, Le statut juridique du suspect : un premier défi pour la transposition du droit de l’Union européenne en procédure pénale, Dr. pén., 2014, études 15, p. 10 et s. Pour une vision d’ensemble depuis 2011, v. notre étude, Garde à vue et audition libre : acte final ? Bilan d’un cycle de réformes (lois du 14 avril 2011, 27 mai 2014 et 3 juin 2016), D., 2017, p. 359 et s.

[2] Loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC).

[3] Sur ces aspects, v. notre analyse, Réforme de la justice pénale : procédure pénale et droit de la peine, Dalloz, coll. Les textes, 2019, p. 26 et s.

[4] V. R. Merle, La garde à vue, Gaz. Pal., 1969, 2, p. 17 et s : qui relevait que l’interrogatoire était destiné à « provoquer l’aveu » et qu’il constituait « la véritable raison d’être de la garde à vue ».

[5] Pour des propositions de clarification, v. A. Gogorza, L’interrogatoire au stade policier. À propos d’un concept oublié, Dr. pén., 2015, Études 16.

[6] Acte par lequel sont recueillies les déclarations d’un témoin ou d’une personne soupçonnée, selon la définition donnée par la Direction centrale de la police judiciaire [en ligne].

[7] V. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 13e éd., 2020, n° 627 et la jurisprudence citée.

[8] V. Th. Lebreton, Investigations et téléphonie mobile, Gaz. Pal., 12 mars 2019, p. 15 et s.

[9] V. C. proc. pén., art. 57-1 (N° Lexbase : L4951K8U) et 76-3 (N° Lexbase : L4375DG7).

[10] V. not. Th. Lebreton, op. cit.

[11] V. Directive n° 2013/48/UE, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (N° Lexbase : L5328IYY). L’article 3. 3 prévoit : « Le droit d’accès à un avocat comprend les éléments suivants : […] c) les Etats membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit au minimum à la présence de leur avocat lors des mesures d’enquête ou des mesures de collecte de preuves suivantes […] : i) séances d’identification des suspects ; ii) confrontations ; iii) reconstitutions de la scène d’un crime ».

[12] V.  Cass. crim., 3 avril 2013, n° 12-88.428, F-P+B (N° Lexbase : A4106KC3) : S. Detraz, note, D., 2013, p. 1940 et s., J. Pradel, obs., D., 2013, p. 1993 et s. ; L. Belfanti, obs., AJ pénal, 2013, p. 420 et s. ; F. Fourment, obs., Gaz. Pal., février 2014, n° 40-42, p. 22 et s.

[13] V. supra.

[14] Sur l’importance de la prise en compte des réalités de terrain dans la réflexion sur l’extension du contradictoire au stade de l’enquête, v. J. Beaume (dir.), Rapport sur la procédure pénale, juillet 2014, spéc., p. 9 et s. [en ligne].

[15] V. en ce sens, Cass. crim., 10 mars 2015, n° 14-86.950, F-D (N° Lexbase : A3177NDZ) : F. Fourment, obs., Gaz. Pal., juillet 2015, n° 223, p. 32 et s.

[16] V. C. proc. pén., art. 64-4-3-1 (modifié par la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019).

[17] Le présent arrêt n’est pas isolé, v. à propos de la présentation des objets saisis lors d’une perquisition qui ne constitue pas une audition : Cass. crim., 22 octobre 2013, n° 13-81.945, FS-P+B (N° Lexbase : A4672KND) et Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.380, FS-P+B (N° Lexbase : A6728XC8).

[18] Comme l’espèce semble en témoigner puisqu’il apparaît que la demande d’accès au code et l’exploitation du téléphone ont été réalisées de manière distincte, et qu’une audition sur ces éléments est intervenue postérieurement. C’est sans doute en ce sens que la pratique devra s’orienter pour, au moins dans un premier temps, stabiliser le contentieux.

[19] Sur cette idée de réforme de conformité, v. notre étude, Réflexions sur le formalisme des droits fondamentaux, in Le formalisme. Sources et technique en droit privé positif, (dir. N. Laurent-Bonne et S. Tisseyre), LGDJ, coll. contextes, 2017, p. 243 et s.

[20] V. C. proc. pén., art. 63-1, 3° (N° Lexbase : L4971K8M). Le principe se retrouve également dans l’article préliminaire, v. III, 2e et dern. al.

[21] De manière très révélatrice, v. C. proc. pén., art. 61-3 (N° Lexbase : L6497DIH) qui parle d’assistance pour l’opération de reconstitution et de simple présence pour la séance d’identification des suspects (alors que ces deux prérogatives ont été introduites en même temps pour transposer la directive « C »).

[22] V. en ce sens la définition posée à l’article 412 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6513H7D).

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Responsabilité

[Brèves] Les causes d’exonération de la responsabilité de plein droit de l’organisateur de croisières et le fait du tiers

Réf. : Cass. civ. 1, 17 février 2021, n° 19-18.819, FS-P (N° Lexbase : A62034H9)

Lecture: 3 min

N6600BY4

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 03 Mars 2021

► La personne qui se livre à des opérations visées par l’article L. 211-1 du Code du tourisme (N° Lexbase : L6675LHP) est exonérée de sa responsabilité de plein droit dès lors, notamment qu’elle est en mesure, de démontrer que le fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers est à l’origine de l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat ; est cassé l’arrêt d’appel ayant condamné l’organisateur sans avoir caractérisé en quoi le fait du tiers était prévisible et aurait pu être évité.

Contexte et faits. Depuis la loi du 13 juillet 1992, le législateur fait peser sur l’agence de voyages une responsabilité de plein droit, reprise par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 (N° Lexbase : L5745IEI) et trouvant son siège dans l’article L. 211-16 du Code du tourisme (N° Lexbase : L7370LQZ). Néanmoins, cette disposition a été réécrite par l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017, portant transposition de la Directive 2015/2302 (N° Lexbase : L6579LH7). Si la responsabilité de plein droit demeure, les causes d’exonération ont été élargies. En effet, désormais, « toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article L. 211-1 » est exonérée de sa responsabilité si elle rapporte la preuve « que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables », alors que par le passé, le fait du tiers était exonératoire à la condition que ce fait soit « imprévisible et insurmontable ». C’est autour de cette condition, dorénavant abrogée, que se concentrait la difficulté tranchée par l’arrêt rendu le 17 février 2021. En l’espèce, un particulier ayant fait une chute pendant son sommeil au cours de la première nuit de croisière, assigna tant son cocontractant que l’organisateur de la croisière, qui furent tous deux condamnés. Les juges du fond considérèrent que le comportement du particulier « ne pouvait être qualifié d’imprévisible et d’insurmontable, une chute étant toujours possible ». L’organisateur forma un pourvoi en cassation, lequel visait à démontrer le caractère imprévisible et insurmontable de ce fait, et ainsi à l’exonérer de sa responsabilité.

Solution. La première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 211-16 du Code du tourisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, pour défaut de base légale, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé « en quoi la chute survenue dans de telles circonstances était prévisible et aurait pu être évitée par la société (organisant la croisière) ». En reprochant à la cour d’appel d’avoir condamné l’organisateur sans avoir démontré le caractère prévisible et surmontable de la chute ayant causé le préjudice, la Cour de cassation impose aux juges du fond de s’assurer que le fait en cause ne remplit pas les conditions pour constituer une cause exonératoire (comp. Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 14-17.957, F-D N° Lexbase : A8587NHI). Une telle recherche sera, en revanche, sans objet sous l’empire du droit issu de l’ordonnance du 20 décembre 2017.

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Temps de travail

[Pratique professionnelle] Employeurs : contrôler le temps de travail de vos salariés n’est pas une option, mais bien une obligation

Lecture: 16 min

N6617BYQ

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par Sofiane Coly, avocat associé, HOGO avocats

Le 03 Mars 2021


Le temps de travail a toujours été un sujet délicat, tant il regorge de complexités en matière de droit social pur, mais également, en paie. Par un arrêt récent, la Cour de cassation a tenu à envoyer un message assez fort aux employeurs, message qu’elle relaie d’ailleurs depuis déjà quelques années : il appartient à l’employeur de contrôler le temps de travail de ses salariés et en cas de litige, d’apporter la preuve du temps travaillé (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 17-31.046, FP-P+R+I N° Lexbase : A65084DE).

L’occasion donc de revenir sur un certain nombre de concepts essentiels en matière de temps de travail, et non pas seulement sur la question de la preuve.


 

⏱‍️ Le temps de travail effectif 

Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Il s’agit d’une unité de mesure qui permet de déterminer les droits du salarié notamment en matière de rémunération ou encore de durée maximale de travail. Par défaut, le suivi et le calcul légal du temps de travail se font de manière quotidienne et hebdomadaire. Il existe cependant des cadres dérogatoires qui permettent soit de ne pas décompter le temps de travail en heure (forfait jours) soit de décompter le temps de travail dans un cadre supérieur à la semaine (de manière annuelle par exemple).

Il faut toujours distinguer temps rémunéré et temps de travail effectif dans la mesure où :

→ des temps non travaillés peuvent être rémunérés, sans pour autant constituer du temps de travail effectif, comme par exemple un temps de pause conventionnellement rémunéré ;

→ des temps non travaillés peuvent être assimilés à du temps de travail effectif et rémunérés comme tels comme par exemple les jours de RTT (à ne pas confondre avec les jours de repos attribués dans le cadre du forfait jours).

Ces principes amènent donc à se poser quelques questions pratiques pour des temps périphériques, qui ne sont pas à proprement parler consacrés à du travail. Ainsi, par exemple, comment traiter les temps passés par le salarié dans les locaux de l'entreprise pour des motifs professionnels mais qui ne sont pas consacrés à son travail proprement dit ? Les temps passés, dans l'entreprise, au poste de travail, qu'ils soient consacrés ou non à l'exercice des fonctions ou d'une activité professionnelle, doivent être entièrement comptabilisés comme du temps de travail effectif dès lors que le salarié reste sous le contrôle et l'autorité de son employeur.

Doivent donc être pris en compte tous les temps que consacre le salarié à des activités exercées pour le compte de l'entreprise, que ceux-ci correspondent à des tâches accessoires à son travail ou sans rapport avec lui :

→ mise en route des machines, rangement des outils et/ou à leur nettoyage, tâches de reporting, etc. ;

→ services rendus par le salarié au cours de sa journée de travail, comme par exemple une photocopie, l’affranchissement d’un courrier, etc. même si cela n’entre pas dans ses attributions ;

→ le salarié qui arrose les plantes vertes situées à proximité de son poste de travail, qui range la salle de réunion, etc..

De même, la question peut se poser de savoir comment traiter les déplacements pour se rendre dans la salle de repos, le réfectoire, les vestiaires ou le parking. La salle de repos, le réfectoire, le parking ou les vestiaires ne sont généralement pas à proximité du poste de travail du salarié et il faut donc quelques minutes avant de pouvoir les atteindre. Dès lors que le salarié ne reçoit aucun ordre, qu’il peut vaquer librement à des occupations personnelles durant ce laps de temps (écouter de la musique, discuter librement avec ses collègues, prendre un café) le temps pour ces petits déplacements ne peut être considéré comme du temps de travail effectif. Bien évidemment, tel n’est pas le cas si le salarié doit respecter certaines règles comportementales, si des déplacements sont surveillés ou contrôlés, puisqu’il est n’est plus libre de vaquer librement à ses occupations personnelles. Ces quelques exemples démontrent à eux seuls que la question du temps de travail effectif, cette unité de mesure si importante pour déterminer les droits du salarié, ne doit pas être prise à la légère, et doit faire l’objet d’un contrôle de la part de l’employeur.

🔎 La charge de la preuve en matière de temps de travail effectif

Deux idées à retenir :

• Idée n°1 : il appartient à l’employeur de contrôler le temps de travail de ses salarié.

• Idée n°2 : la charge de la preuve du temps effectivement travaillé ne doit jamais reposer sur le salarié.

Depuis de nombreuses années, la Cour de cassation a bâti un droit spécifique des heures supplémentaires, et du contrôle du temps de travail en filigrane. L’arrêt du 27 janvier 2021 en est une nouvelle illustration puisque la Cour rappelle que les juges du fonds ne peuvent, et ne doivent jamais, faire peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le salarié. Pourtant, l’article L. 3171-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0783H9U), qui porte sur la répartition de la charge de la preuve entre l’employeur et le salarié dans ce type de litige, n’est pas d’une limpidité extrême sur ce point puisqu’il dispose : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

En d’autres termes, il faudrait en conclure que :

1. L’employeur fournit des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

2. Le salarié fournit des éléments à l’appui de sa demande ;

3. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, le cas échéant, les mesures d’instruction.

Rien n’est cependant dit sur la question spécifique de la preuve que doit apporter le salarié, la loi se contentant de faire référence à des « éléments » sans en préciser leur contenu. À ce titre, selon l’interprétation de la Cour de cassation, le salarié doit seulement fournir des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441, FS P+B+R+I N° Lexbase : A3356DBW ; Cass. soc., 23 novembre 2017, n° 16-21.749, F-D N° Lexbase : A5716W34). Ce point est essentiel car il faut bien comprendre que la Cour n’a pas vraiment de grandes exigences quant aux éléments fournis par le salarié. 

En effet, le salarié doit apporter un commencement de preuve et n’a donc pas l’obligation de prouver le bien-fondé de sa demande (Cass. soc., 10 mai 2007, n° 05-45.932, FS-P+B+R N° Lexbase : A1128DWP) : 

« Attendu cependant, que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8) que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que toutefois celui-ci ne peut rejeter une demande en paiement d'heures complémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ».

Ce principe a par la suite été réitéré notamment en 2019, la Cour étant particulièrement attentive sur le fait que les juridictions de fonds n’inversent par la charge de la preuve, ou à tout le moins, ne la fasse pas peser exclusivement sur le salarié (Cass. soc., 4 septembre 2019, n° 18-11.038, F-D N° Lexbase : A6412ZMG) : 

« Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et rejeter ses demandes relatives au repos compensateur et au travail dissimulé, l'arrêt retient qu'il lui appartient de démontrer la réalité des heures supplémentaires alléguées, qu'elle verse aux débats, devant la cour d'appel, un tableau très précis de ses horaires de travail sur la période considérée, ce qui est tardif et nuit à sa crédibilité, alors même qu'elle n'a formé aucune réclamation antérieure, qu'elle avait contractuellement toute liberté pour s'organiser, et que les témoignages produits ne précisent pas avec exactitude les horaires effectués ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a mis à la charge de la salariée la preuve des heures supplémentaires, a violé le texte susvisé ; […] ».

Or, c’est bien ce qu’a tenu de nouveau à rappeler la Cour de cassation par son arrêt du 27 janvier 2021 puisqu’elle expose dans son considérant 19 : 

« 19. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations, d’une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ».

À ce jeu, le salarié est nécessairement gagnant dans la mesure où il peut se contenter de produire des éléments étayant sa demande, et donc d’apporter un début de commencement de preuve par écrit pour reprendre une expression chère à nos amis civilistes. Et les exigences de la Cour de cassation sont particulièrement faibles, puisque de simples éléments chiffrés sur un document établi par le salarié suffisent :

→ des pages d’un cahier écrites avec le même stylo et présentées de manière identique, lesquelles couvraient de surcroît cinq années consécutives (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-15.649, FS-P+B N° Lexbase : A8242IQC) ;

→ un simple chiffrage dépourvu de la moindre explication ou justification quant aux éventuels dépassements d’horaires (Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 10-27.508, FS-P+B N° Lexbase : A5969ITA) ;

→ une description des tâches que le salarié estime avoir accomplies au-delà de l’horaire légal (Cass. soc., 7 février 2001, n° 98-45.570 N° Lexbase : A3652ARP;

→ une attestation relative aux horaires, mais sans précision relativement à la période et aux jours (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-16.858, F-D N° Lexbase : A9239KDK) ;

→ un état circonstancié des heures travaillées par le salarié pendant la période donnant lieu à litige, comprenant les jours de la semaine, les dimanches et les jours fériés (Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-42.699, F-D N° Lexbase : A2809GQ4).

Mieux, récemment, la Cour de cassation a exposé que le salarié n’a aucunement à produire de décompte hebdomadaire pour étayer sa demande (Cass. soc., 4 septembre 2019, n° 18-10.541, F-D N° Lexbase : A6425ZMW) :

« Vu l'article L. 3171-4 du Code du travail ; Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'en l'absence de décompte hebdomadaire, le salarié ne satisfait pas à ses obligations probatoires ; Qu'en statuant ainsi, alors que s'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui est pas fait obligation, pour satisfaire à cette exigence, de produire un décompte hebdomadaire, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ; Et sur les quatrième et cinquième branches du pourvoi principal de l'employeur ».

Bref, il suffit au salarié de présenter un document sur le support de son choix pour qu’il soit considéré comme ayant apporté des éléments permettant d’étayer sa demande. Une fois cette étape franchie, sur l’employeur n’a pas mis en place de contrôle du temps de travail, ou encore que le contrôle existant n’est pas suffisamment précis, les juges auront tendance à donner raison aux salariés. Ainsi, par exemple, dans un dossier portant sur des heures supplémentaires d’un responsable d’un restaurant, ce dernier apportait un relevé complet des heures de travail « conforté par des mails envoyés en fin de poste par sa direction au-delà des heures théoriques prévues à son planning, des attestations de plusieurs collègues de travail et de relevés de trajets sur Google Maps contenant les horaires desdits trajets » ce qui, pour le conseil de prud’hommes, confortait la réalité des faits, et constituait des preuves tangibles.

📑 Quelles leçons en tirer et quels conseils opérationnels ?

Le temps de travail est pris beaucoup trop à la légère par de nombreuses entreprises alors que les sanctions pouvant en découler sont lourdes. Au-delà de la stricte question du contentieux prud’homal pouvant résulter d’un contrôle imprécis ou de l’absence de contrôle du temps de travail du salarié, il s’agit surtout non seulement des amendes administratives d’un montant de 4000 euros (maximum) par infraction constatée et par salarié qui peuvent être infligées par l’inspection du travail, ou encore un redressement URSSAF pour travail dissimulé, entrainant notamment l’annulation des aides dont a pu bénéficier l’employeur (de type RGCP). Il faut donc prendre le sujet à bras le corps, et surtout dans une période où le manque de repères est criant et où l’on voit les contestations sur le temps de travail poindre sur les réseaux sociaux. Ne vous méprenez pas, que votre salarié soit en télétravail ou non, vous avez l’obligation de contrôler son temps de travail. La difficulté vient bien évidemment des modalités de contrôle du temps de travail en fonction de l’activité de l’entreprise, mais également des valeurs qui sont les siennes. La confiance que vous portez dans vos collaborateurs ne doit pas masquer la responsabilité qui est la vôtre en tant que chef ou cheffe d’entreprise.

Par ailleurs et en outre, dans la mesure où les questions relatives au temps de travail sont considérées comme un traitement automatisé de données, les modes de contrôle dudit temps de travail doivent faire l’objet d’une information préalable à leur mise en œuvre auprès des salariés (voir d’une information/consultation s’il existe un CSE).

Votre rôle est donc :

📌 Étape 1 : déterminer les valeurs de votre entreprise au regard de la question du temps de travail

Cette 1ère étape est importante car vous pouvez vous contenter de mettre en place de l’auto-déclaratif comme vous pouvez préférez une badgeuse. Tout dépend donc de la vision que vous souhaitez implémenter au sein de votre entreprise.

📌 Étape 2 : déterminer le moyen de contrôle

Cette 2ème étape est importante. Vous pouvez bien évidemment l’aborder avec vos salariés, pour que le message soit clair sur le sujet. D’une manière générale, n’oubliez pas qu’une mesure est toujours mieux acceptée lorsqu’elle est comprise. Il faudra donc communiquer autour de votre outil de contrôle. Cet outil peut prendre toute forme imaginable : document papier contresigné, document Excel, logiciel, badgeuse, etc.. Il faut seulement s’assurer que les bornes du temps de travail effectif sont effectivement contrôlées. Ainsi, par exemple, les temps de pause et temps de restauration doivent être identifiés pour qu’ils ne soient pas comptabilisés comme du temps de travail effectif.

📌 Étape 3 : informer préalablement à la mise en œuvre de l’outil de contrôle

Il faut impérativement informer vos salariés de la mise en œuvre de l’outil de contrôle du temps de travail et sur contenu. Si l’entreprise est dotée d’un CSE, il faudra tout naturellement procéder à son information/consultation préalablement à la mise en œuvre de l’outil et à l’information des salariés.

📌 Étape 4 : vérifier la bonne mise en œuvre de l’outil de contrôle

Chaque année, vérifier que l’outil est bien mis en œuvre à tous les niveaux de votre entreprise.

📌 Étape 5 : faire le bilan de la charge de travail chaque année

Chaque année, faites un bilan de la charge de travail, dans le cadre de l’entretien professionnel annuel. Cela vous prendra 5 minutes, mais il est toujours utile d’avoir une case à cocher dans le cadre de l’entretien, exposant que le salarié considère que sa charge de travail est acceptable, et que son équilibre vie professionnelle/vie privée est assurée.

👉 Exemple de modèle de contrôle du temps de travail :

Semaine n° :

Identité du salarié :

Jour

Prise de poste

Fin de poste

Pause et déjeuner

Absence (motif)

Lundi

……..h……..

……..h……..

……..h……..

 

Mardi

……..h……..

……..h……..

……..h……..

 

Mercredi

……..h……..

……..h……..

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Jeudi

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……..h……..

……..h……..

 

Vendredi

……..h……..

……..h……..

……..h……..

 

Total temps travaillé :

Heures supplémentaires ou complémentaires effectuées :

Signature du salarié :

Signature du responsable :

👉 Exemple de lettre d’information sur le contrôle du temps de travail :

Objet : Information sur le traitement des données

Remis en main propre contre décharge

Cher Monsieur, Chère Madame,

Notre société met en place des traitements de données personnelles dont la finalité est multiple puisque nous assurons notamment la gestion administrative du personnel ou encore le temps de travail.

Les outils que nous déployons sont bien évidemment dotés de la plus grande sécurité afin d’éviter une fuite de vos données personnelles et nous permettent non seulement d’optimiser l’organisation globale de l’entreprise mais par ailleurs d’assurer le respect de nos obligations légales, règlementaires et conventionnelles. L’accès aux données personnelles est strictement limité aux personnes habilitées à les traiter en raison de leurs fonctions/missions.

À ce titre, nous souhaitions spécifiquement attirer votre attention sur le fait :

• que les outils que nous déployons nous permettent de déterminer très précisément votre temps de travail et la rémunération qui vous est due à ce titre ;

• que nous pouvons extraire de ces outils toutes les données nécessaires nous permettant d’assurer la preuve de nos obligations notamment en matière de temps de travail.

Vos données personnelles seront conservées aussi longtemps que nécessaire à l’exécution de votre contrat, à l’accomplissement par l’entreprise de ses obligations légales, règlementaires et conventionnelles et à l’exercice des prérogatives lui étant reconnues par la loi et la jurisprudence.

Vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, de portabilité et d’effacement de vos données et vous pouvez, sous réserve de la production d’un justificatif d’identité valide, exercer vos droits en contactant (indiquer ici la personne responsable du traitement + ses coordonnées).

En cas de difficulté en lien avec la gestion de vos données personnelles, vous pouvez contacter la CNIL (www.cnil.fr)

newsid:476617

Urbanisme - Intérêt à agir

[Brèves] Intérêt à agir contre un permis de construire d’un syndicat des copropriétaires d'un immeuble voisin du projet

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 24 février 2021, n° 432096, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A06064IB)

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N6598BYZ

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par Yann Le Foll

Le 03 Mars 2021

► Le syndicat des copropriétaires d'un immeuble situé sur la parcelle jouxtant le terrain d'assiette d'un projet de construction ayant donné lieu à permis de construire, qui fait notamment état, pour justifier de son intérêt à demander l'annulation de ce permis, de l'importance du projet, justifie d'un intérêt pour agir.

Rappel du principe. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie en principe d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction (CE 1° et 6° ssr., 13 avril 2016, n° 389798, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6777RCY). Il en va de même lorsque le requérant est un syndicat de copropriétaires (voir, dans ce cas particulier, CAA Lyon, 4 février 2014, n° 13LY01727 N° Lexbase : A4367MPG).

Faits. Le tribunal a relevé que la résidence La Dauphine est située sur la parcelle jouxtant le terrain d'assiette du projet en litige et que le syndicat des copropriétaires de cette résidence faisait notamment état, pour justifier de son intérêt à demander l'annulation du permis de construire contesté, de l'importance du projet, conduisant à la construction de 74 logements en vis-à-vis de la résidence et entraînant un triplement de la surface bâtie existante sur la parcelle du terrain d'assiette du projet ainsi qu'à la création de 124 places de stationnement. 

Décision du CE. En jugeant néanmoins que ces éléments ne suffisaient pas à justifier de l'intérêt pour agir du syndicat requérant, le tribunal a commis une erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La limitation de l'intérêt pour agir, Les recours des particuliers, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase (N° Lexbase : E4908E7W).

 

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