Lexbase Fiscal n°855 du 25 février 2021

Lexbase Fiscal - Édition n°855

Aides d'Etat

[Brèves] Soutien aux compagnies aériennes : conformité au droit de l’UE du moratoire sur le paiement de taxes

Réf. : Trib. UE, 17 février 2021, aff. T-259/20 (N° Lexbase : A18544H7)

Lecture: 5 min

N6506BYM

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par Vincent Téchené

Le 24 Février 2021

► Le moratoire sur le paiement de taxes mis en place par la France pour soutenir les compagnies aériennes, titulaires d’une licence française, dans le cadre de la pandémie de covid-19 est conforme au droit de l’Union ; 

Ce régime d’aide est approprié pour remédier aux dommages économiques provoqués par la pandémie de covid-19 et ne constitue pas une discrimination.

Faits et procédure. En mars 2020, la France a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide sous la forme d’un moratoire sur le paiement de la taxe d’aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dues sur une base mensuelle pendant la période allant de mars à décembre 2020.
Ce moratoire, qui bénéficie aux compagnies aériennes titulaires d’une licence française, consiste à reporter le paiement de ces taxes au 1er janvier 2021 et à répartir ensuite les paiements sur une période de 24 mois, à savoir jusqu’au 31 décembre 2022. Le montant exact des taxes est déterminé en fonction du nombre de passagers transportés et du nombre de vols effectués depuis un aéroport français. Par sa décision du 31 mars 2020, la Commission a qualifié le moratoire sur le paiement des taxes d’aide d’État compatible avec le marché intérieur.

La compagnie aérienne Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision.

Décision inédite. Le Tribunal examine, pour la première fois, la légalité d’un régime d’aide d’État adopté en vue d’apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de covid-19 au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE (N° Lexbase : L2404IPQ). Le Tribunal précise, en outre, l’articulation entre les règles relatives aux aides d’État et le principe de non-discrimination, en raison de la nationalité, consacré à l’article 18, paragraphe 1, du TFUE (N° Lexbase : L2484IPP), d’une part, ainsi que le principe de libre prestation des services, d’autre part.

Appréciation du Tribunal. Le Tribunal confirme, d’une part, que la pandémie de covid-19 et les mesures de restriction de transport et de confinement adoptées par la France en vue d’apporter une réponse à celle-ci constituent, dans leur ensemble, un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE qui a causé des dommages économiques aux compagnies aériennes opérant en France. Selon le Tribunal, il n’est pas non plus contestable que l’objectif du moratoire sur le paiement des taxes est effectivement celui de remédier auxdits dommages.

Il constate, d’autre part, que la limitation du moratoire sur le paiement des taxes aux compagnies aériennes en possession d’une licence française est appropriée pour atteindre l’objectif de remédier aux dommages causés par ledit événement extraordinaire. À cet égard, le Tribunal souligne qu’en vertu du Règlement n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 (N° Lexbase : L7127IBL), la possession d’une licence française se traduit, dans les faits, par la présence du principal établissement des compagnies aériennes sur le territoire français et par leur assujettissement à la surveillance financière et d’honorabilité des autorités françaises.

S’agissant du caractère proportionné du moratoire sur le paiement des taxes, le Tribunal souligne, en outre, que les compagnies aériennes éligibles au régime d’aide sont les plus durement touchées par les mesures de restriction de transport et de confinement adoptées par la France. L’extension dudit moratoire à des compagnies non établies en France n’aurait, en revanche, pas permis d’atteindre aussi précisément et sans risque de surcompensation l’objectif de remédier aux dommages économiques subis par les compagnies aériennes opérant en France. Au regard de ces constatations, le Tribunal confirme que l’objectif du moratoire sur le paiement des taxes satisfait aux exigences de la dérogation prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE et que les modalités d’octroi de cette aide ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Ainsi, ledit régime ne constitue pas non plus une discrimination interdite au titre de l’article 18, 1er alinéa, du TFUE.

En deuxième lieu, le Tribunal examine la décision de la Commission au regard de la libre prestation des services énoncée à l’article 56 du TFUE (N° Lexbase : L2705IPU). À cet égard, le Tribunal rappelle que cette liberté fondamentale ne s’applique pas telle quelle au domaine des transports, qui est soumis à un régime juridique particulier, dont relève le Règlement n° 1008/2008. Or, ce Règlement a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services. Cependant, Ryanair n’avait allégué aucune violation dudit Règlement.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen selon lequel la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la valeur de l’avantage attribué aux compagnies aériennes bénéficiant du moratoire sur le paiement des taxes. Il rejette, enfin, comme non-fondé le moyen tiré d’une prétendue violation de l’obligation de motivation et constate qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation des droits procéduraux dérivés de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE.

Autre décision (Suède). Dans une autre décision du 17 février 2021, le Tribunal juge identiquement que le régime de garanties de prêts mis en place par la Suède pour soutenir les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation suédoise dans le cadre de la pandémie de covid-19 et destiné à remédier à la perturbation grave de l’économie de cet État membre est conforme au droit de l’Union (Trib. UE, 17 février 2021, aff. T-238/20 N° Lexbase : A18534H4).

 

newsid:476506

Contrôle fiscal

[Brèves] Sur la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré : rappels du Conseil d’État

Réf. : CE 9° ch., 11 février 2021, n° 432960, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A82774GN)

Lecture: 4 min

N6521BY8

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Février 2021

Le Conseil d’État est venu apporter certains rappels sur l’application de la pénalité pour manquement délibéré dans le cadre d’une vérification.

Les faits.

⇒ le requérant a fait l'objet d'un ESFP à l'issue duquel l'administration fiscale a réintégré dans son revenu imposable au titre de l'année 2009, d'une part, des revenus fonciers non déclarés selon la procédure de rectification contradictoire, et, d'autre part, des sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office, et l'a en conséquence assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré ;

⇒ le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et résultant de la substitution de la pénalité de 10 % pour inexactitude ou omission de déclaration à la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée au rappel notifié en matière de revenus fonciers, et rejeté le surplus de la demande en décharge de ces impositions ;

⇒ la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l’appel contre ce jugement (CAA Douai, 21 mai 2019, n° 18DA00450 N° Lexbase : A4641ZDA).

Rappels :

🔎 Sur les pénalités fiscales :

  • les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré,
  • cette majoration est portée à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit.

🔎 Sur la charge de la preuve. L’administration doit apporter la preuve :

  • de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations déposées par le contribuable. On parle d’élément matériel du manquement délibéré,
  • de l’intention du contribuable d’éluder l’impôt.

Solution du Conseil d’État. En l’espèce, le Conseil d’État rappelle que :

👉 la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ;

👉 pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ;

👉 pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (sur ce point : CE 8° et 3° ssr., 27 juin 2012, n° 342991, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0610IQN) ;

👉 si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que le manquement délibéré soit regardé comme établi dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

✔ La cour a jugé que l'administration fiscale, en faisant valoir l'absence de toute explication probante sur l'origine des sommes en cause et l'absence de collaboration du requérant lors des opérations de contrôle, apportait la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement déclaratif reproché au requérant en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée. En se fondant ainsi exclusivement sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, alors qu'ils ne pouvaient en eux-mêmes justifier l'application de la pénalité, la cour a commis une erreur de droit.

newsid:476521

Contrôle fiscal

[Brèves] Données rendues publiques par les utilisateurs de plateformes en ligne : nouvelles précisions par décret

Réf. : Décret n° 2021-148, du 11 février 2021, portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne (N° Lexbase : L1395L33) ; CNIL, délibération n° 2020-124, 10 décembre 2020 (N° Lexbase : Z307781C)

Lecture: 5 min

N6498BYC

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par La Rédaction

Le 28 Février 2021

► Le décret n° 2021-148, publié au Journal officiel du 13 février 2021, fixe les modalités de mise en œuvre des traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation par les administrations fiscales, des contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4973LAG), dès lors qu'ils sont manifestement rendus publics par leurs utilisateurs ;

► Il précise notamment les conditions assurant que les traitements mis en œuvre sont proportionnés aux finalités poursuivies et en quoi les données personnelles traitées sont adéquates, pertinentes et, au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, limitées à ce qui est strictement nécessaire.

Sur ce nouveau dispositif

📌 Contexte. L'article 154 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (N° Lexbase : L5870LUX) autorise, à titre expérimental pour une durée de trois ans, les administrations fiscales et douanières à collecter et exploiter les contenus librement accessibles et manifestement rendus publics par les utilisateurs sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation. Cette collecte doit permettre de rechercher des indices relatifs à la commission de certaines infractions limitativement énumérées par la loi.

📌 Les manquements recherchés :

  • découverte d’une activité occulte ;
  • inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration ;
  • fabrication, détention, vente ou transport illicite de tabac ;
  • certains délits à la règlementation sur les alcools, le tabac et certains métaux précieux ;
  • délits douaniers de première classe punis de trois ans d’emprisonnement ;
  • délits douaniers de deuxième classe punis de cinq ans d’emprisonnement ;
  • délits douaniers de deuxième classe punis de deux à dix ans d’emprisonnement.

📌 Délai de conservation. Les informations collectées sont détruites dans un délai de :

  • 5 jours ouvrés après collecte de données sensibles ;
  • 1 an maximum lorsque les données sont nécessaires à concourir à la constatation des infractions et manquements recherché ;
  • jusqu’au terme de la procédure en cas de procédure pénale ou douanière ;
  • 30 jours dans tous les autres cas.

Publics concernés. Le présent décret vise les opérateurs de plateforme numériques de mise en relation (par exemple : BlaBlaCar, Le Bon Coin, Airbnb, Facebook, YouTube, etc.) les utilisateurs de telles plateformes, et les agents des administrations fiscale et douanière.

Deux phases. Selon l’article 1 du présent décret, le dispositif mis en œuvre est composé de deux phases distinctes pour chacune des administrations concernées : une phase d'apprentissage et de conception suivie d'une phase d'exploitation des données.

Contenus. L’article 2 du présent décret précise quels contenus peuvent être collectés et exploités :

  • seuls les contenus se rapportant à la personne qui les a délibérément divulgués et dont l'accès ne nécessite ni saisie d'un mot de passe ni inscription sur le site en cause peuvent être collectés et exploités ;
  • lorsque la personne est titulaire sur internet d'une page personnelle permettant le dépôt de commentaires ou toute autre forme d'interactions avec des tiers, ces commentaires et interactions ne peuvent faire l'objet d'aucune exploitation.

Finalités. L’article 3 du présent décret détaille les finalités du traitement pour chacune des deux phases citées à l’article 1 : 

« 1° Pendant la phase d'apprentissage et de conception :
a) Le développement d'outils permettant la collecte et le traitement automatisés des contenus mentionnés à l'article 2 et leur nettoyage automatisé après collecte ;
b) La modélisation et l'identification des caractéristiques des comportements susceptibles de révéler la commission des infractions et manquements mentionnés au I de l'article 154 de la loi du 28 décembre 2019 susvisée et l'identification d'indicateurs et de critères de pertinence ;
c) Le développement des capacités d'analyse de données non structurées et la mise en place des dispositifs de croisement avec des bases de données de lieux géographiques et des moteurs de recherche spécialisés dans l'identification des lieux correspondant à des images, afin d'identifier des indicateurs de lieux géographiques ;
d) La collecte et la sélection des données pertinentes ;
2° Pendant la phase d'exploitation :
a) La collecte et la sélection des données pertinentes ;
b) Le transfert des données pour analyse vers les traitements visés au II des articles 6, 7 et 8 ;
c) La transmission des données prévue par l'article 10. »

Modalités de mise en œuvre des traitements. Les modalités de mise en œuvre des traitements pendant la phase d'apprentissage et de conception font l’objet des articles 4 à 5 du présent décret, tandis que les modalités de mise en œuvre des traitements pendant la phase d'exploitation font l’objet des articles 6 à 10.

Une distinction est faite en fonction des infractions au Code général des impôts concernées telles que les activités occultes ou encore les manquements aux règles de la domiciliation fiscale.

Garanties. L’article 11 du présent décret concerne les droits des personnes concernées par le traitement automatisé de données à caractère personnel.

Entrée en vigueur. Le présent décret est en vigueur depuis le 14 février.

Avis de la CNIL. Dans sa délibération n° 2020-124 du 10 décembre 2020, la CNIL rappelle qu'il est expressément prévu que l'expérimentation devra faire l'objet d'une première évaluation dont les résultats lui seront transmis ainsi qu'au Parlement au plus tard dix-huit mois avant son terme d'une part, et qu'un bilan définitif devra également leur être transmis six mois avant son terme d'autre part. Elle rappelle également qu'elle sera particulièrement attentive aux contenus des documents transmis ainsi qu'aux suites que le ministère entendra donner à l'expérimentation menée. La Commission renvoie à sa délibération n° 2019-114 du 12 septembre 2019 (N° Lexbase : X4503CHA) s'agissant des informations qu'elle souhaite a minima lui être communiquées.

newsid:476498

Douanes

[Brèves] Importation en contrebande de marchandises prohibées : preuve de l’intention litigieuse

Réf. : Cass. crim., 17 février 2021, n° 20-81.282, F-P+B+I (N° Lexbase : A18474HU)

Lecture: 2 min

N6519BY4

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Février 2021

Le détenteur de la marchandise, réputé responsable de la fraude, ne peut combattre cette présomption prévue à l’article 392 du Code des douanes (N° Lexbase : L0999ANC) qu’en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s’assurer de la nature de la marchandise transportée afin d’établir sa bonne foi.

Les faits.

⇒ à l’occasion du contrôle d’un ensemble routier frigorifique à bord duquel le prévenu était passager, les agents des douanes de Bayonne ont découvert dans la remorque deux caisses en bois qui contenaient de la résine de cannabis.

⇒ le prévenu a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment, du chef d’importation en contrebande de marchandises prohibées. Les premiers juges l’ont condamné, solidairement avec d’autres, à une amende douanière de 1 700 000 euros et a ordonné la confiscation de l’ensemble routier ainsi que des marchandises qu’il transportait ;

⇒ le prévenu et le ministère public ont relevé appel.

Pour relaxer le prévenu du chef de l’infraction douanière, l’arrêt d’appel relève que le prévenu maintient avoir ignoré la présence de la résine de cannabis saisie et que sa mise hors de cause par son co-prévenu est confortée par :

  • la sincérité de ses premières déclarations sur les circonstances du voyage confirmées par l’enquête, son absence de contacts téléphoniques avec « le chef » en cours de route,
  • sa mise à l’écart lors des discussions d’étapes,
  • et la chronologie des événements, les caisses en bois dissimulant la résine de cannabis ayant été chargées dans la remorque avant la date à laquelle il avait participé au reste du chargement.

👉 L’intention délictueuse du prévenu n’est pas établie.

Solution de la Chambre criminelle. Ne justifie pas sa décision la cour d’appel qui, pour relaxer du chef d’importation en contrebande de marchandises prohibées le passager d’un camion dans lequel ont été trouvés plus de 800 kg de résine de cannabis, relève que l’intention frauduleuse du prévenu, également relaxé du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants, n’est pas établie.

 

newsid:476519

Douanes

[Brèves] Enquête judiciaire : précisions de la Cour de cassation sur les attributions des agents des douanes

Réf. : Cass. crim., 17 février 2021, n° 19-83.707, FS-P+B+I (N° Lexbase : A18494HX)

Lecture: 3 min

N6514BYW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Février 2021

Les dispositions de l’article L. 236 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8319AET) ne permettent pas aux agents des douanes habilités, requis en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8169LSD) pour effectuer une enquête judiciaire, de délivrer une convocation en justice sur instruction du procureur de la République.

Les faits.

⇒ le JLD a autorisé l’administration des douanes, qui soupçonnait une fraude aux droits d’accise, à procéder à une opération de visite domiciliaire dans les locaux d’une société, entrepositaire agréé de boissons alcoolisées ; le même jour, la gérante et un employé de la société ont été entendus par les agents des douanes ;

⇒ l’ordonnance du JLD a été annulée par le premier président de la cour d’appel ;

⇒ l’administration des douanes a dénoncé au procureur de la République les faits reprochés à la gérante ;

⇒ le procureur de la République, en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale, a saisi la direction régionale des douanes et des droits indirects de Lille afin qu’une enquête soit menée sur les faits dénoncés ;

⇒ à l’issue de l’enquête préliminaire, par procès-verbal établi par un contrôleur des douanes, la gérante et son frère ont été convoqués devant le tribunal correctionnel, notamment, pour avoir expédié des produits ou biens relevant des contributions indirectes sans documents d’accompagnement conformes au travers de la société ayant la qualité d’entrepositaire agréé ;

⇒ les prévenus ont été condamnés chacun à une amende fiscale ainsi qu’au paiement solidaire d’une pénalité fiscale ;

⇒ les prévenus, le procureur de la République ainsi que l’administration des douanes ont formé appel de cette décision.

Pour rejeter la demande d’annulation de la convocation en justice notifiée aux prévenus sur instruction du procureur de la République par un contrôleur des douanes spécialement habilité à exercer des missions de police judiciaire en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale, l’arrêt attaqué,

  • après avoir rappelé que, selon les dispositions de l’article 390-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7422LPL), vaut citation à personne une convocation en justice notifiée sur instruction du procureur de la République par un agent ou un officier de police judiciaire et qu’aux termes des dispositions de l’article L. 236 du Livre des procédures fiscales, en matière fiscale, une citation devant le tribunal correctionnel peut être faite par huissier ou par les agents de l’administration,
  • énonce qu’il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’un agent de l’administration, même non officier ou agent de police judiciaire stricto sensu, mais habilité à exercer des fonctions de police judiciaire, peut notifier une convocation en justice à un prévenu pour un délit en matière fiscale, sur instruction du procureur de la République.

Réponse de la Cour. Ce raisonnement n’est pas validé par la Cour de cassation.

À noter : l’arrêt n’encourt pas la censure.

Aux termes de l’article 28-1, VI, du Code de procédure pénale, lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des douanes habilités procèdent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire, ce qui inclut la notification au prévenu, à l’issue de l’enquête, d’une convocation en justice en application de l’article 390-1 du même Code.

 

 

 

newsid:476514

Droit pénal fiscal

[Jurisprudence] Affaire Wildenstein : fin du troisième volet pénal

Réf. : Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 18-84.570, FS-P+B+I (N° Lexbase : A56144BK)

Lecture: 19 min

N6534BYN

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par Claire Litaudon, Avocat associé CM & L AVOCATS

Le 24 Février 2021


Mots-clés : fraude fiscale • prescription • taxation des trusts

Par un arrêt du 6 janvier 2021, la Cour de cassation décide que le délit de fraude fiscale est susceptible de réitération.

Elle précise également que les héritiers avaient l’obligation, dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011 (loi n° 2011-900, du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L0278IRQ), de déclarer à la succession de leur auteur les biens que ce dernier avait placés dans un trust étranger dès lors qu’il ne s’en était pas dessaisi de manière effective et irrévocable de son vivant, afin qu’ils soient assujettis aux droits de mutation.


 

Aux termes de l’arrêt commenté, la Cour de cassation met un terme, au moins de manière provisoire, à un dossier de droit pénal fiscal qui a défrayé la chronique, tant judiciaire que médiatique, pendant plus de deux décennies.

Cette affaire trouve son origine dans le décès à Paris, en octobre 2001, du marchand d’art Daniel Wildenstein, qui avait constitué de son vivant plusieurs trusts de droit étranger, dans lesquels étaient logées diverses propriétés immobilières, œuvres d’art ou parts de sociétés.

Lors de son décès, Daniel Wildenstein a laissé pour lui succéder, sa veuve, Madame Sylvia Roth, et ses deux fils, Guy et Alec Wildenstein, nés d’une précédente union.

Une première déclaration de succession a été déposée par Messieurs Guy et Alec Wildenstein en avril 2002, après que leur belle-mère ait renoncé à la succession de feu son époux. Cette déclaration ne faisait aucune mention des trusts créés par Monsieur Daniel WILDENSTEIN. Les droits de succession, ainsi liquidés, s’élevaient à une somme de 17 753 829 euros et ont été acquittés par dation en paiement d’œuvres d’art.

Par la suite toutefois, Madame Sylvia Roth a saisi le tribunal de grande instance de Paris afin de faire annuler sa renonciation à la succession de son époux. Après plusieurs années de procédure, et par un arrêt en date du 14 avril 2005, la Cour d’appel de Paris a fait droit aux demandes de Madame Roth, et annulé à la fois sa renonciation à succession, et la déclaration de succession déposée en 2002.

Entre temps, et plus précisément le 17 février 2008, Alec Wildenstein est à son tour décédé, également en France. Il a laissé pour lui succéder sa veuve, Liouba Stoupakova, ainsi que ses deux enfants, Alec Junior Wildenstein et Diane Wildenstein.

Ses héritiers ont déposé une déclaration de succession le 23 février 2009, ne faisant pas davantage mention des biens placés en trust.

Le 3 avril 2008, compte tenu de l’annulation par la cour d’appel de Paris de la première déclaration de succession déposée, l’Administration fiscale a adressé aux héritiers de Daniel Wildenstein (originaires ou venant à la succession par représentation d’Alec Wildenstein) une mise en demeure d’avoir à déposer une nouvelle déclaration de succession.

Celle-ci, déposée le 31 décembre 2008, ne faisait toujours pas mention de l’existence des trusts.

L’administration a ouvert une procédure de vérification de ces deux déclarations de succession.

En ce qui concerne la déclaration de succession d’Alec Wildenstein, elle a adressé une proposition de rectification aux héritiers le 8 décembre 2014, par laquelle elle réintégrait à la succession la quote-part des biens issus de la succession de Daniel Wildenstein et placés en trust, ainsi que les biens contenus dans des trusts constitués par Alec Wildenstein lui-même, ce qui représentait un actif net de 301 millions d’euros.

Une contestation a été formée devant le juge de l’impôt, en l’espèce devant le tribunal de grande instance de Paris, qui l’a rejetée, mais la décision n’est pas définitive à ce jour.

Le 5 juillet 2010, Madame Sylvia Roth a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour des faits qu’elle qualifiait notamment d’abus de confiance et de blanchiment. Madame Stoupakova s’est également constituée partie civile, les deux veuves reprochant notamment aux trustees de leur avoir caché l’existence de trusts dont elles auraient dû être les bénéficiaires, et de ne pas les avoir déclarés à la succession de leurs époux décédés.

Pour sa part, l’administration fiscale, après avoir exercé son droit de communication auprès du magistrat instructeur en charge du dossier, a saisi la commission des infractions fiscales de deux propositions de plaintes, à l’encontre des héritiers de Daniel et d’Alec Wildenstein sur le fondement des articles 1741 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6015LMQ) et du 3ème alinéa de l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (dans sa version en vigueur au 30 décembre 2009) (N° Lexbase : L6506LUI), et donc sans que les contribuables soient informés de cette saisine.

Après avis conforme de la commission des infractions fiscales, deux plaintes ont été déposées pour présomptions caractérisées de fraude fiscale par dissimulation d’actifs placés dans les trusts. Ces plaintes ont ensuite été jointes au dossier d’instruction déjà ouvert consécutivement à la plainte des veuves.

En cours d’instruction, la Direction Générale des Finances Publiques s’est constituée partie civile du chef de fraude fiscale, tandis que l’État français s’est constitué partie civile du chef de blanchiment (pour la distinction entre le préjudice de l’État et celui de l’administration fiscale, voir Cass. crim., 29 janvier 2020, n° 17-83.577, F-P+B+I N° Lexbase : A83173CZ).

Le magistrat instructeur a mis en examen les héritiers de Daniel et Alec Wildenstein (à l’exception de Diane Wildenstein), mais également un notaire, un avocat, le protecteur des trusts et certains des trustees, des chefs de fraude fiscale, de complicité de fraude fiscale, et de blanchiment de fraude fiscale.

À l’issue de l’information, toutes les personnes mises en examens ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le premier jour d’audience, les prévenus ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la constitutionnalité du cumul des poursuites pénales (exercées sur le fondement de l’article 1741 du Code général des impôts) et fiscales (exercées sur le fondement de l’article 1729 du même Code N° Lexbase : L4733ICB), qui a été transmise à la Cour de cassation (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 16-90.001, FS-P+B+I N° Lexbase : A5104RAB ; voir également Cass. crim., 30 mars 2016, n° 16-90.005, FS-P+B N° Lexbase : A1597RBR) puis au Conseil constitutionnel.

Aux termes d’une décision en date du 24 juin 2016 (cons. const., décision n° 2016-545 QPC, du 24 juin 2016 N° Lexbase : A0909RU9 ; cons. const., décision n° 2016-546 QPC, du 24 juin 2016 N° Lexbase : A0910RUA), le Conseil constitutionnel a estimé que l’application combinée des deux dispositions précitées n’était pas contraire à la Constitution, tout en assortissant sa décision de trois réserves d’interprétation.

Le dossier est donc revenu devant le tribunal correctionnel de Paris pour être jugé au fond.

Deux questions essentielles se posaient : la première concernait le problème de l’éventuelle prescription des poursuites en ce qui concerne la succession de Daniel Wildenstein, tandis que la seconde concernait une question de fond, à savoir si les biens placés en trust par les de cujus devaient être mentionnés dans les déclarations de succession avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, traitant expressément de la problématique de l’imposition des trusts par décès.

La question était juridiquement ardue, et a conduit les juges du fond à prononcer deux décisions de relaxe, sous des motivations partiellement distinctes.

Ainsi, dans son jugement du 12 janvier 2017, le tribunal, après avoir mené une analyse de la jurisprudence afférente à la fiscalité des trusts, a décidé qu’aucune règle fiscale suffisamment claire n’imposait, avant l’entrée en vigueur de la loi précitée, d’intégrer les biens placés en trust et survivant au décès du constituant dans les déclarations de succession.

Il a déduit de ce qui précède que l’élément légal de l’infraction faisait défaut, et a prononcé une relaxe générale de ce chef.

Il ne s’est en revanche pas prononcé sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription du délit de fraude fiscale en ce qui concerne la déclaration de succession de Daniel Wildenstein qui lui avait été soumise du fait de cette relaxe.

Saisie de l’entier litige, la Cour a procédé différemment.

Elle a d’abord statué sur cette fin de non-recevoir et a déclaré les poursuites prescrites en ce qui concerne la déclaration de succession de Daniel Wildenstein.

S’agissant de la fraude fiscale poursuivie comme ayant été commise à l’occasion de la déclaration de succession d’Alec Wildenstein, elle a confirmé la décision de relaxe, en corrigeant toutefois la motivation adoptée par le tribunal, et en décidant quant à elle que l’élément matériel (et non légal) de l’infraction n’était pas constitué.

La Cour de cassation a été saisie sur pourvoi du Parquet et des parties civiles.

Aux termes d’une décision particulièrement didactique, elle a cassé l’arrêt d’appel qui lui était soumis, et a mis un terme aux controverses juridiques que ce dossier avait fait naître.

Elle décide ainsi d’une part que le délit de fraude fiscale est susceptible d’être réitéré (I) et, d’autre part, qu’il existait une obligation, avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, de déclarer à la succession les biens placés en trust par le de cujus (II).

I - Sur l’admission de la réitération du délit de fraude fiscale

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se prononce de manière inédite sur la problématique de la réitération du délit de fraude fiscale.

Ainsi que le rappelle la Haute Juridiction, l’article 1741 du Code général des impôts dispose que « commet le délit de fraude fiscale celui qui s’est frauduleusement ou a tenté de se soustraire à l’établissement et au paiement total ou partiel des impôts, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt [...] ».

L’article L. 230 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L9536IYT), dans sa version applicable aux faits de l’espèce prévoyait que « Les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise » (depuis la loi depuis la loi 2013-1117, du 6 décembre 2013, la prescription est de six ans N° Lexbase : L6136IYW).

En l’espèce, le problème de la prescription ne se posait qu’en ce qui concerne la déclaration de succession de Daniel Wildenstein.

Les prévenus soutenaient que la prescription était acquise s’agissant de cette déclaration, étant donné qu’elle avait été déposée en 2002 sans qu’un acte interruptif de prescription n’intervienne dans le délai de 3 ans précité, le premier acte interruptif datant de 2011.

Ils soutenaient ainsi que le dépôt de la deuxième déclaration de succession (datant de 2008) ne pouvait être pris en compte, étant donné que le délit de fraude fiscale est un délit instantané, non susceptible de réitération, qui avait été entièrement consommé lors du dépôt de la première déclaration.

Les parties civiles et le Parquet soutenaient pour leur part que la deuxième déclaration devait être prise en considération, le délit pouvant parfaitement être réitéré.

La cour d’appel s’était laissé convaincre par le raisonnement des prévenus, mais la Cour de cassation casse sèchement la décision, en rappelant sa jurisprudence antérieure aux termes de laquelle, dans une hypothèse de soustraction de sommes sujettes à l’impôt, la prescription commence à courir le jour où « une déclaration inexacte est produite auprès des services fiscaux » (Cass. crim. 13 décembre 1982, n° 80-95.151 N° Lexbase : A9457ATG).

La motivation de la Cour quant au point de départ de la prescription n’est donc pas surprenante.

En revanche, l’arrêt est novateur en ce que la haute juridiction décide qu’une nouvelle déclaration inexacte déposée dans le cadre d’une même procédure fait courir un nouveau délai de prescription et est constitutif d’un nouveau délit de fraude fiscale.

Elle consacre donc par cet arrêt la possibilité d’une réitération de ce délit.

L’affaire commentée étant empreinte de particularité, ce problème ne se posera à notre avis que dans des hypothèses relativement réduites, mais cette décision tranche en tous cas clairement l’une des difficultés spécifiques posées par ce dossier fleuve.

II - Sur l’obligation de déclarer les biens placés en trust

Au-delà de ce problème procédural, la véritable portée de la décision se trouve dans la cassation prononcée en ce qui concerne l’élément matériel de l’infraction.

On rappellera brièvement à titre liminaire, que le trust, mécanisme de droit anglo-saxon est une institution par laquelle un constituant (propriétaire de biens) se dépossède de ces derniers, en créant un patrimoine séparé du sien, dont il confie la gestion à un trustee, chargé de les gérer et de les distribuer à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés, le cas échéant sous la protection d’un protecteur.

On précisera également qu’un trust est déclaré irrévocable lorsque le constituant se dessaisit de manière définitive des biens en les plaçant en trust, et de discrétionnaire lorsque le constituant perd tout pouvoir de gestion de ces derniers.

En l’espèce, l’essentiel de la fortune de la famille Wildenstein est placée en trust depuis plusieurs générations.

Au moment des successions de leurs auteurs, les héritiers ont décidé de ne pas déclarer les biens placés en trust, estimant qu’ils ne faisaient pas partie du patrimoine des de cujus d’une part, et qu’aucune disposition fiscale expresse leur faisait obligation de les déclarer d’autre part.

Ils estimaient ainsi que l’article 750 ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9528IQX), dans sa version applicable aux faits de l’espèce qui disposait que « sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit les biens meubles ou immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêt, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, lorsque la donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B » n’était pas suffisamment large pour y inclure les biens placés en trust.

Ils faisaient également valoir que ces biens ne pouvaient être taxés étant donné qu’ils ne se dénouaient pas à la mort de leurs auteurs et n’étaient donc pas transmis par succession.

Ils indiquaient enfin qu’avant l’intervention de la loi du 29 juillet 2011, aucune taxation des biens placés en trust n’était prévue par le Code général des impôts en cas de succession.

L’administration faisait pour sa part valoir les trusts auraient dû être intégrés aux déclarations de succession, compte tenu de la rédaction large de l’article 750 ter précité, de la jurisprudence civile et fiscale antérieure rendue à propos des trusts, et du fonctionnement réel de ces derniers, qui démontrait selon elle que les constituants ne s’étaient pas dessaisis des biens.

Le tribunal puis la Cour ont examiné chacun de ces arguments.

Ils ont l’un et l’autre constaté que le principe d’imposition avait été codifié à l’article article 792-0 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L6036LMI), à l’occasion de l’adoption de la loi de finances du 29 juillet 2011, lequel assujettit expressément la transmission de biens placés en trust aux droits de mutation à titre gratuit, que ces biens soient transmis par donation ou succession, et ceci même si les trusts survivent au décès du constituant, sans transmission du capital qui les composent. L’article 750 ter précité a au demeurant été complété par renvoi à ce texte par la même loi.

Ne se cantonnant toutefois pas à cette interprétation littérale, ils ont étudié la jurisprudence qui leur était soumise par la partie civile.

Plusieurs décisions avaient en effet été rendues de longue date sur cette problématique.

Ainsi, par un jugement très ancien en date du 10 décembre 1890, le tribunal civil de la Seine avait déjà décidé que les biens placés en trust et échus par décès à l’époux du constituant, devaient être soumis aux droits de mutation à titre gratuit dès lors que le de cujus ne s’en était en réalité jamais dépossédés de son vivant.

D’autres arrêts, largement commentés, avaient été rendus par la suite par la cour de cassation.

Ainsi, par un premier arrêt en date du 20 février 1996 (n° 93-1955), la Cour de cassation avait décidé que la transmission de biens par le biais d’un trust révocable devait être qualifiée de donation indirecte.

Dans un arrêt du 15 mai 2007, la Cour de cassation (Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-18.268, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2263DWQ) avait également décidé que, dans l’hypothèse d’un trust irrévocable, « la remise des biens aux bénéficiaires, lors du décès du constituant [...] devait être qualifiée de mutation à titre gratuit ayant pris effet au jour du décès du constituant et non au jour de la constitution du trust ».

De même, dans deux arrêts rendus les 31 mars 2009 (Cass. com., 31 mars 2009, n° 07-20.219 N° Lexbase : A5124EEI) et le 9 juillet 2013 (Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-14.591, FS-D N° Lexbase : A8605KIK) la Cour de cassation avait décidé que les biens logés dans un trust devaient être taxés à l’ISF étant donné qu’ils ressortaient des constatations faites par les juges du fond qu’ils n’étaient ni discrétionnaires, ni irrévocables, et qu’ils n’étaient donc pas sortis du patrimoine du constituant.

Après avoir analysé la jurisprudence précitée, le tribunal puis la Cour ont toutefois décidé que la jurisprudence n’était pas suffisamment établie, pour permettre « d’affirmer qu’il existait, avant la loi du 29 juillet 2011 […] une obligation, suffisamment claire et certaine, portant obligation de déclarer les biens placés dans un trust, qui plus est, les biens logés dans un trust perdurant au décès de leur constituant, catégorie pour laquelle la loi a instauré une imposition spécifique ».

Cette motivation a donc été soumise à la Cour de cassation dans le deuxième moyen du pourvoi.

La Cour a de nouveau sèchement cassé la décision en affirmant que « c’est à tort que les juges ont retenu l’absence, avant la loi du 29 juillet 2011, de toute obligation de déclarer, lors d’une succession, les biens placés en trust ».

Pour expliquer la cassation prononcée, la haute juridiction est d’abord revenue sur la jurisprudence précitée, et notamment sur celle rendue par la Cour de cassation à partir de 1996.

Ce faisant, elle a expliqué que le principe de l’imposition des trusts en droit français était acquis avant 2011, et qu’il convenait, dans chaque hypothèse, de « s’attacher aux effets concrets du trust concerné, tel qu’établi par la loi étrangère applicable » afin de déterminer s’il a réalisé un transfert de propriété par décès ou si à l’inverse le constituant ne s’était pas dessaisi des biens placés en trust.

Elle a ensuite fait référence aux travaux parlementaires de la loi de 2011, en indiquant que l’intervention du législateur n’avait eu alors pour but que de « confirmer, préciser et compléter le régime fiscal antérieur ».

Elle a ainsi exposé que, « même avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, lorsque le constituant d’un trust de droit étranger, fût-il, aux termes de l’acte de trust, qualifié de discrétionnaire, irrévocable, et ne prenant pas fin à son décès, ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens placés, ses héritiers sont tenus de les déclarer lors de la succession » et a ajouté que « par voie de conséquence, la méconnaissance de cette obligation déclarative, est susceptible de caractériser le délit de fraude fiscale ».

Elle a enfin donné des directives très claires à la cour de renvoi en indiquant « Dès lors, il appartient au juge d’analyser le fonctionnement concret du trust concerné afin de rechercher si le constituant a, dans les faits, continué à exercer à l’égard des biens logés dans le trust des prérogatives qui sont révélatrices de l’exercice du droit de propriété, de telle sorte qu’il ne peut être considéré comme s’en étant véritablement dessaisi ».

Il appartiendra à la cour d’appel de Paris, autrement composée, de répondre à cette question.

Elle devra analyser le fonctionnement de chacun des trusts qui lui seront soumis, et veiller à ne pas procéder par affirmations équivoques ou contradictoires, de manière à permettre à la Cour de cassation d’exercer ensuite son contrôle sur la motivation, ce qu’elle n’a pas été en mesure de faire dans l’arrêt rapporté.

Il lui appartiendra par ailleurs, si elle estime que l’infraction primaire est constituée, de statuer sur les faits de blanchiment subséquents également poursuivis et qui n’ont jamais été examinés, compte tenu des relaxes antérieures.

Cet arrêt, aussi important soit-il, ne met ainsi pas un terme définitif à la saga Wildenstein.

La suite donc au prochain épisode !

newsid:476534

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Publication par la DGFiP de fiches pratiques sur le taux d’intérêt des emprunts auprès d’entreprises liées

Réf. : DGFiP, fiches pratiques

Lecture: 4 min

N6529BYH

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par Marie-Claire Sgarra

Le 01 Mars 2021

L’administration a publié huit fiches visant à expliciter les bonnes pratiques et la manière dont peut être prouvée la conformité au taux du marché des taux d’intérêts servis entre sociétés liées.

📌 Rappel législatif : la déductibilité des intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement est régie par l’article 212 I a du CGI (N° Lexbase : L6215LUQ).

Cette mesure anti-abus a pour but d’éviter qu’une société n’emprunte à une autre relevant du même groupe, à des taux plus élevés que ceux proposés sur le marché bancaire et ainsi augmenter ses charges déductibles et donc diminuer l’impôt.

Ainsi, une entreprise soumise à l’IS en France peut déduire les intérêts qu’elle verse à des entreprises liées dans la limite du taux plancher de l’article 39 1 3° du CGI (N° Lexbase : L7516LWB) ou, si elle peut le démontrer, du taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.

📌 Précisions jurisprudentielles :

✔ CE 9° et 10° ch.-r., 19 juin 2017, n° 392543, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4279WIC) : le Conseil d’État a jugé dans cet arrêt que jugé que le taux de marché par référence auquel il convient d’apprécier si une société a emprunté à un juste prix à une autre entreprise du groupe auquel elle appartient doit être évalué par référence à la situation intrinsèque de cette société.

Lire en ce sens, O. Teixeira, Charges d’intérêts sur le financement intra-groupe : confirmation que l’appartenance à un groupe ne permet pas à elle seule d’influencer le niveau de rémunération des prêts intragroupes, Lexbase Fiscal, juillet 2017, n° 708 (N° Lexbase : N9614BWY).

✔ CAA Paris, 31 décembre 2018, n° 17PA03018 (N° Lexbase : A5694YSP) : la cour administrative d’appel a jugé dans cette affaire que la preuve du caractère normal du taux d'intérêt servi à des entreprises liées est totalement libre tant au niveau des éléments à apporter qu'au niveau de la date de ces éléments. Dès lors une société peut se prévaloir d'une étude postérieure à l'emprunt pour justifier de la pertinence du taux d'intérêt le rémunérant.

✔ CE 9° et 10° ch.-r., 18 mars 2019, n° 411189, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1773Y4G) : doivent être pris en compte pour la détermination du taux pratiqué :

  • les caractéristiques du prêt intragroupe concerné telles que les modalités de remboursement et de versement des intérêts ou l'existence de garanties ;
  • les caractéristiques de la société emprunteuse telles que sa capacité financière, son profil de risque ou encore sa position sur le marché.

Lire en ce sens, M.-G. Merloz, Conclusions du Rapporteur public relatives à cet arrêt, Lexbase Fiscal, avril 2019, n° 780 (N° Lexbase : N8554BX4).

👉 L’administration fiscale a publié les huit fiches pratiques suivantes :

🔎 1. Dialectique de la preuve

🔎 2. Modalités de preuve

🔎 3. Comparabilité – publications méthodologiques d'agences de notation et risque de crédit

🔎 4. Comparabilité – cas d'un ajustement améliorant la fiabilité d'un comparable

🔎 5. Comparabilité – présence de différences multiples et substantielles

🔎 6. Comparabilité – contrat de prêt bancaire à emprunteurs multiples

🔎 7. Comparabilité – prêts « miroirs »

🔎 8. Comparabilité – marché financier obligataire

Précisions :

✔ Ces fiches rappellent notamment que le contribuable peut apporter la preuve que le taux qu'il a retenu est un taux de marché par tout moyen, et notamment par la production de comparables, qu’il s’agisse de prêts obtenus auprès d’établissements ou organismes financiers indépendants par le contribuable lui-même (comparables internes) ou par d’autres entreprises présentant une situation propre, et particulièrement un profil de risque, analogue à celui du contribuable (comparables externes). Le contribuable peut si nécessaire tenir compte du rendement de transactions alternatives réalistes au prêt intragroupe présentant des caractéristiques économiques comparables.

✔ La production de comparables peut éventuellement intervenir dans le cadre d'études réalisées a posteriori dès lors que les comparables proposés sont des opérations réalisées dans des conditions analogues, et notamment dans des conditions de marché suffisamment contemporaines de l’opération intragroupe.

✔ L'appréciation du caractère analogue des comparables sélectionnés s'effectue en tenant compte d'une part, de la situation propre de l'entreprise et, d'autre part, des caractéristiques des prêts en situation de pleine concurrence, étant admis que l'entreprise doive procéder à certains ajustements justifiés pour améliorer la comparabilité des opérations, et notamment corriger des différences impactant significativement le risque de crédit.

✔ Ces fiches doivent être prises ensemble et non isolément, et ne prétendent pas à l’exhaustivité.

✔ Elles ont vocation à être appliquées dans les contrôles et instances en cours.


 

newsid:476529

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Plus-values de cession de locaux professionnel pour la réalisation de logements : précisions par décret

Réf. : Décret n° 2021-185, du 18 février 2021, précisant les modalités de la demande de prolongation du délai de transformation ou de construction de quatre ans mentionnée au III de l'article 210 F du Code général des impôts (N° Lexbase : L3541L3K)

Lecture: 1 min

N6544BYZ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Février 2021

Le décret n° 2021-185, publié au Journal officiel du 20 février 2021, a pour objet de créer un nouvel article 46 quater-0 ZZ bis F de l'annexe III au CGI, à la suite des modifications apportées aux dispositions de l'article 210 F du CGI (N° Lexbase : L6214LUP) par l'article 17, de la loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9).

Pour rappel, l’article 17 de la loi de finances pour 2021 a introduit la possibilité pour le cessionnaire, qui s’est engagé à construire ou transformer les logements dans un délai de quatre ans, de demander une prorogation d’un an de ce délai, renouvelable une fois.

Nouveau régime :

✔ une personne morale cessionnaire d'un bien immobilier dont la cession a bénéficié du taux d'imposition de plus-values minoré prévu par les dispositions de l'article 210 F du CGI est admise à solliciter une prolongation n'excédant pas un an du délai initial de quatre ans,

✔ cette demande est renouvelable une fois.

En conséquence, le nouvel article 46 quater-0 ZZ bis F de l'annexe III au CGI :

  • précise que l'autorité de l'État compétente pour instruire les demandes de prolongation est le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du lieu de situation des immeubles,
  • prévoit par ailleurs les conditions de forme et de fond dans lesquelles doit être formulée la demande de prolongation du délai initial de réalisation des travaux.

Le décret adapte la rédaction de l'article 46 quater-0 ZZ bis E de l'annexe III au CGI en conséquence de la modification de l'article 210 F du CGI.

Le texte est entré en vigueur le 21 février 2021.

 

 

 

newsid:476544

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Déductibilité des revenus fonciers des travaux ayant conduit à la transformation d’une maison de maître en onze appartements

Réf. : CE 9° ch., 11 février 2021, n° 431595, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A82704GE)

Lecture: 2 min

N6499BYD

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par Marie-Claire Sgarra

Le 18 Février 2021

Doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants.

Les faits :

⇒ les requérants et leurs deux filles sont associés de la société civile immobilière qui a pour activité la location de biens immobiliers ;

⇒ la SCI a acquis un ensemble immobilier composé d'une maison de maître et d'une dépendance, auparavant loué à une association pour y accueillir des enfants ;

⇒ la société a effectué des travaux afin de réaliser onze appartements dans la maison principale et un douzième dans la dépendance ;

⇒ à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de ces dépenses de travaux qu'elle a regardées comme des dépenses de reconstruction et d'agrandissement ;

⇒ le tribunal administratif de Pau, par trois jugements, a rejeté la demande de décharge des impositions mises à la charge des requérants ; la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel contre ces jugements (CAA Bordeaux, 12 avril 2019, n° 17BX00425 N° Lexbase : A7575Y9G).

La cour administrative d’appel :

  • après avoir relevé que la création des onze appartements dans la demeure principale, qui n'était que partiellement affectée à l'habitation, avait nécessité d'importants travaux de réaménagement interne, l'installation de cuisines et de sanitaires dans chacun d'entre eux et la réfection des réseaux d'eau, d'électricité et d'évacuation des eaux usées, a jugé que ces travaux réalisés présentaient, en raison de leur ampleur, le caractère de travaux de reconstruction et d'agrandissement ;
  • a estimé que la création des deux appartements n'était pas dissociable de la création, dans la maison principale, des neuf autres appartements, alors que techniquement et fonctionnellement, ces travaux étaient indépendants.

Solution du Conseil d’État :

✔ les travaux en litige n'ont pas affecté de manière importante le gros œuvre et ne sont pas d'une ampleur suffisante pour être qualifiés de travaux de reconstruction ;

✔ en omettant de se prononcer sur le caractère dissociable des travaux réalisés dans la dépendance alors qu'elle y était invitée, la cour a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.

 

newsid:476499

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Fixation par décret du contenu des déclarations des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance vie, souscrits hors de France

Réf. : Décret n° 2021-184, du 18 février 2021, modifiant l'article 344 C de l'annexe III au Code général des impôts (N° Lexbase : L3542L3L)

Lecture: 2 min

N6542BYX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Février 2021

Le décret n° 2021-184, publié au Journal officiel du 20 février 2021, modifie les dispositions de l'article 344 C de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L3804L3B) afin de préciser le contenu des déclarations des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance vie, souscrits hors de France.

Pour rappel, l’article 1649 AA du Code général des impôts (N° Lexbase : L1594IZ3) institue une obligation déclarative à la charge des personnes physiques qui souscrivent des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie auprès d’organismes mentionnés au I de l’article 1649 ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L1565IZY) qui sont établis hors de France.

Une déclaration spéciale, mentionnant le ou les contrats de capitalisation ou placements de même nature, notamment les contrats d'assurance vie, qu'ils ont souscrits auprès des organismes mentionnés à l'article 1649 AA du Code général des impôts, est prévue par l’article 344 C de l’annexe III au Code général des impôts.

Cette déclaration doit indiquer pour chaque contrat ou placement :

  • l'identification du souscripteur : nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance ;
  • l'adresse du siège de l'organisme d'assurance ou assimilé et, le cas échéant, de la succursale qui accorde la couverture ;
  • la désignation du contrat ou placement, ses références et la nature des risques garantis ;
  • le moment à partir duquel le risque est garanti et la durée de cette garantie ;
  • les dates d'effet des avenants survenus au cours de l'année concernée ;
  • la date d'effet et le montant de chaque opération de dénouement total ou partiel effectuée au cours de l'année concernée ;
  • le montant total des opérations de versement des primes effectuées au cours de l'année concernée ;
  • le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l'année de la déclaration.

Le texte est entré en vigueur le 21 février 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

newsid:476542

Fiscalité locale

[Jurisprudence] Du caractère industriel d’un entrepôt (ou de la machine par trop au service de l’homme)

Réf. : CAA de Lyon, 21 janvier 2021, n° 18LY03110 (N° Lexbase : A40874DQ)

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 23 Février 2021


L’entrepôt exploité à Sevrey par la société Amazone France Logistique SAS revêt un caractère industriel au sens de l’article 1499 du CGI (N° Lexbase : L0268HMU). Cette qualité se déduit des éléments suivants, aisément dégagés par la CAA de Lyon le 21 janvier 2021 : l’activité nécessite des moyens techniques importants et le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre – y compris pour les besoins d’une autre activité – est prépondérant.


 

Le contentieux naît lorsque l’administration estime que l’entrepôt situé à Sevrey revêt un caractère industriel ; les bâtiments et aménagements doivent alors, selon elle, être évalués selon la méthode comptable prévue à l’article 1499 du CGI [1]. Cela emporte assujettissement de la société Amazone France Logistique SAS à des compléments de cotisation foncière des entreprises (années 2013, 2014, 2015) pour un montant de 1 391960 euros (droits et pénalités).

La société en question – qui fournit des prestations logistiques à la société Amazone (commerce de vente de détail par internet) – exerce une activité de stockage de marchandises ; elle assure encore une activité de préparation des colis ayant vocation à être expédiés aux clients. La requérante soutient que l’entrepôt n’est pas un établissement industriel au sens de l’article 1499 du CGI au regard des moyens techniques et de l’outillage utilisés. Ces derniers ne seraient pas d’une importance suffisante et ne seraient pas prépondérants dans son activité. Saisi, le tribunal administratif de Dijon rejette la demande de la société Amazone France Logistique SAS (TA Dijon, 29 juin 2018, n° 1701584). La cour administrative d’appel de Lyon – dans la décision ici commentée – confirme le jugement.

Pour ce faire, la cour administrative d’appel de Lyon cogite longuement sur le caractère – ou non – industriel de l’entrepôt. Elle s’appuie sur deux principales observations : des « moyens techniques importants », un « système informatique particulièrement évolué ». Il est parfois des mots d’importance dans une décision quand bien même ils sont présumés anodins ; ici, la cour administrative d’appel de Lyon pratique l’art du « nonobstant »… L’entrepôt Amazone France Logistique SAS revêt un caractère industriel car il comprend des moyens techniques importants « nonobstant [2] le fait qu’ils ne représentaient selon les années que 14 à 37% de la valeur totale des constructions hors terrain ». L’entrepôt Amazone France Logistique SAS revêt un caractère industriel car il nécessite l’usage permanent d’un système informatique particulièrement évolué « Nonobstant [3] le fait que toutes les commandes soient préparées par des salariés ».

Partant en quête du critère des moyens techniques importants, la cour administrative d’appel de Lyon s’arrête sur la nature, la structure et le fonctionnement de l’entrepôt au centre du litige. Doté d’une surface de 38208 mètres carrés, divisé en six cellules, comprenant 205 emplacements colis et 500700 références traitées, pourvu de douze quais de réception et de seize quais de chargement, ledit entrepôt utilise – pour les besoins de l’activité – un nombre d’appareils impressionnants. Que l’on juge : 53 appareils de levage et de motricité dont 13 transpalettes manuels, 26 transpalettes ciseaux, 8 transpalettes électriques, 2 gerbeurs, 2 transpalettes peseurs, 1 chariot frontal, 1 charriot à mat rétractable, 1 installation de triage sur quais avec 18 chutes, 3 lignes de pèse et de direction connectées au système de tri, des chariots élévateurs filoguidés à même de stocker des chaussures et vêtements sur cintres sur des racks de 8 à 9 mètres de hauteur. De cette longue liste d’éléments, la cour administrative d’appel de Lyon déduit ce qui lui semble relever de l’évidence : les moyens techniques utilisés par Amazone France Logistique SAS sont importants, ce qui tend à conférer à l’entrepôt un caractère industriel et à lui appliquer le régime issu de l’article 1499 du CGI. La CAA de Lyon retient l’importance des moyens techniques usités alors même (cf. « nonobstant » supra) que ces derniers représentent seulement entre 14 et 37 % (en fonction des années retenues) de la valeur totale des constructions hors terrain.

Partant ensuite en quête du critère du rôle prépondérant des moyens techniques, matériels et outillages mis en œuvre, la cour administrative d’appel de Lyon opère de longs développements dédiés à la nature du système informatique, qualifié de « particulièrement évolué ». Décryptant le fonctionnement quotidien de la machine Amazon, le juge opère en quelque sorte un balancement des intérêts en présence : quid du facteur informatique au regard du facteur humain ? Or, dernier semble être pris dans les rets d’une inévitable dépendance fonctionnelle. Que l’on songe au système de scannage permettant le stockage de différents types de produits sur une même étagère : cela emporte optimisation de la capacité de stockage, facilite l’identification par le personnel des articles lors de la préparation des commandes, permet l’identification ultérieure de la localisation de chaque article stocké pour la préparation de la commande. Loin d’être subsidiaire comme le soutient la société requérante, l’aide apportée par les outils informatiques s’avère fondamentale, pour ne pas dire indispensable. N’est-ce pas grâce à de tels instruments que les risques de confusions sont considérablement amoindris ? Ces mécanismes n’évitent-ils pas de confondre plusieurs produits proches d’apparence ? Il est des questions qui comportent leur propre réponse. Cela est a fortiori vrai lorsque la cour administrative d’appel de Lyon constate que « l’opérateur ne choisit pas seul l’emplacement du produit à stocker ». En effet, le système informatique empêche un opérateur de réaliser une action si ce dernier tente de stocker – par erreur – à un même endroit des articles de format et de nature comparable.

Ce n’est rien d’autre que la dépendance de l’humain envers la machine – acmé d’une civilisation technicienne dénoncée jadis notamment par Ellul – que la CAA de Lyon constate. Rôle prépondérant des moyens techniques, matériels et outillages il y a dans la mesure où la préparation des commandes implique « l’usage permanent d’un système informatique particulièrement évolué ». Ce n’est donc pas seulement la sophistication avérée du système informatique qui mérite d’être prise en compte mais également le degré de dépendance de l’humain dans la confection des tâches à réaliser. Or, cette dépendance prend la forme de la permanence ; par la négative, le fonctionnement de l’entrepôt ne serait en rien identique à défaut d’une utilisation permanente de ce système informatique « particulièrement évolué ». Il suffit de préciser que l’emballage et l’étiquetage des produits font aussi l’objet d’une assistance informatique ; surtout, l’acheminement des colis est opéré de « manière totalement [4] automatisée ».

La requérante affirme certes – pour récuser le critère de la dimension prépondérante des moyens techniques, matériels et outillages - que les « moyens humains sont prépondérants ». La cour administrative d’appel de Lyon – pour ne pas adouber une telle assertion – réalise une analyse économique centrée autour de la notion de productivité ; plus précisément, elle apprécie le nombre de commandes préparées et le nombre de colis expédiés par jour… au regard du nombre de salariés. Il appert que la société Amazone France Logistique SAS expédie en moyenne – durant les périodes visées – 150 colis par jour et par salarié. Cela correspond à « environ un colis toutes les trois minutes », productivité forte s’il en est. Or, estime le juge, « une telle productivité ne serait pas rendue possible sans ces installations et équipements techniques ».

À l’aune de ces différents éléments, l’intense activité au sein de l’entrepôt et la productivité qui en découle impliquent l’existence « d’importants moyens techniques » ; cela signifie encore que le rôle des moyens techniques, matériels et outillages s’avère « prépondérant ». S’il était besoin d’affermir son propos, la cour administrative d’appel de Lyon a recours, une ultime fois, à la théorie du nonobstant : un tel raisonnement doit d’évidence prévaloir « nonobstant la circonstance que les charges d’exploitation relatives à ces installations et équipements ne représenteraient que 5 % environ du total des charges d’exploitation tandis que les charges de personnel et d’intérim représenteraient environ 70% de ce même total ». Concluant, le juge réitère que c’est à bon droit que l’administration fiscale a qualifié d’industriel l’entrepôt de la société Amazone France Logistique SAS ; cette qualification emporte application de l’article 1499 du CGI.


[1] La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients (2) qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt.

Avant application éventuelle de ces coefficients, le prix de revient des sols et terrains est majoré de 3 % pour chaque année écoulée depuis l'entrée du bien dans le patrimoine du propriétaire.

Les taux d'intérêt mentionnés au premier alinéa sont égaux à :
1° 4 % pour les sols et terrains ;
2° 6 % pour les constructions et installations.
Sont appliqués au taux d'intérêt mentionné au 2°, les taux d'abattement suivants :
a) 25 % en ce qui concerne les biens acquis ou créés avant le 1er janvier 1976 ;
b) 33,33 % en ce qui concerne les biens acquis ou créés à partir de cette date.

Une déduction complémentaire est, en outre, accordée à certaines catégories d'établissements en raison de leur caractère exceptionnel, apprécié d'après la nature des opérations qui y sont faites ; ces catégories d'établissements sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat qui fixe également les limites et conditions d'application de la déduction (5).

(2) CGI, art. 21 de l'annexe III (N° Lexbase : L6503HLG).

(5) CGI, art. 310 K de l'annexe II (N° Lexbase : L1493HNM).

Conformément au IV, A de l'article 29 de la loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9) ces dispositions s'appliquent aux impositions établies à compter de 2021.

[2] Par nous souligné.

[3] Par nous souligné.

[4] Par nous souligné.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Dispense de régularisation de TVA et transmission d’entreprises : le bénéficiaire du transfert doit avoir pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise transmis

Réf. : CAA Lyon, 4 février 2021, n° 18LY04564 (N° Lexbase : A10104GI)

Lecture: 3 min

N6503BYI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 19 Février 2021

En application de la jurisprudence européenne, la dispense de TVA prévue par l'article 257 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L7414IGP) lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis.

Les faits :

⇒ une SA, qui était propriétaire d'un ensemble immobilier composé de bâtiments à usage de supermarchés, d'une station-service et d'un parking, qu'elle a fait construire puis donnés en location à ses deux filiales, en vertu de baux commerciaux distincts, a déduit la TVA ayant grevé les coûts d'acquisition et de construction de cet ensemble immobilier ;

⇒ la SA a cédé l'ensemble immobilier de ses filiales à une société qui a également acquis les deux fonds de commerce ;

⇒ elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur, estimant qu'elle aurait dû procéder, lors de la vente, à la régularisation de la TVA qu'elle avait déduite au titre de l'acquisition et de la construction, a rappelé la TVA d'un montant de 503 582,80 euros correspondant à une fraction de 14/20ème de la TVA déduite initialement ;

⇒ la SA relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de TVA qui lui ont été réclamés à ce titre et des intérêts de retard correspondants.

La société soutient qu'elle devait être dispensée de la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée sur cette opération de vente immobilière par l'effet de l'article 257 bis, qui vise tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que ce transfert s'inscrit dans une logique de transmission d'entreprise.

Solution de la cour administrative d’appel.

📌 Sur l’intention de l’acquéreur :

la société, qui est intervenue en tant que marchand de biens immobiliers, n'a pas acquis l'ensemble immobilier et les fonds de commerce en cause dans l'objectif de les exploiter, mais en vue de leur revente, ainsi que cela résulte des clauses des contrats de cession,

- elle a d'ailleurs revendu le jour-même, d'une part l'immeuble en cause, d'autre part les fonds de commerce.

🔎 La dispense de régularisation de TVA prévue par l'article 257 bis du Code général des impôts ne bénéficiant au cédant qu'au seul regard de l'intention de son cessionnaire direct de poursuivre l'exploitation de l'activité cédée, la circonstance que les activités exploitées jusqu'alors auraient été poursuivies par les acquéreurs ultérieurs de la société est sans incidence, alors même que ces cessions ultérieures auraient eu lieu le jour même.

👉 Dès lors, l'opération de cession entre la société requérante et la société ne peut être regardée comme un transfert entrant dans le champ d'application de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 257 bis du Code général des impôts.

 

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