Le Quotidien du 29 octobre 2020

Le Quotidien

Avocats/Honoraires

[Brèves] Caducité d’une convention d’honoraire, office du juge et principe du contradictoire

Réf. : Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-15.985, FS-P+B+I (N° Lexbase : A86503YZ)

Lecture: 3 min

N5031BYY

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par Marie Le Guerroué

Le 05 Novembre 2020

► Viole le principe du contradictoire le juge qui retient la caducité d’une convention d’honoraire alors que l’une des parties n’était pas présente à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que celle qui était présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office (Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-15.985, FS-P+B+I N° Lexbase : A86503YZ).

Procédure. Le défendeur au pourvoi avait conclu avec la société Legalcy avocats conseils, avocat au barreau de la Charente, une convention d’honoraires en vue de la défense de ses intérêts dans une procédure juridictionnelle. Après avoir acquitté trois factures pour un montant total de 4 200 euros TTC, il avait refusé de régler deux nouvelles factures d’une montant de 1 800 euros TTC chacune et a porté sa contestation devant le Bâtonnier de l’Ordre. La société Legalcy avocats conseils fait grief à l’ordonnance de fixer le montant global de ses honoraires à la somme de 2 200 euros TTC et de l’inviter à restituer au demandeur la somme de 2 000 euros à titre de trop-perçu, alors « que tenu de faire respecter et de respecter lui-même la contradiction, le juge ne peut relever d’office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en relevant d’office le moyen pris de ce que la convention d’honoraires aurait été inapplicable en raison du dessaisissement de l’avocat avant l’achèvement de sa mission, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, quand le défendeur n’avait ni comparu ni soutenu un tel moyen dans sa lettre de saisine, la juridiction du premier président a méconnu les exigences de la contradiction et violé l’article 16 du Code de procédure civile ».

Ordonnance. Pour dire y avoir lieu d’arbitrer le temps passé par l’avocat au soutien des intérêts du client, comme le taux horaire de sa rémunération, en considération non pas des stipulations de la convention d’honoraires conclue entre les parties, mais des critères fixés par l’article 10, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), l’ordonnance énonce que le mandat du conseil ayant pris fin avant l’achèvement de sa mission, les parties ne peuvent plus se prévaloir des stipulations de cette convention.

Réponse de la Cour. Selon la Haute juridiction, aux termes de l’article 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q), le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience.

Cassation. En statuant ainsi, alors que le défendeur n’était pas présent à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office, pris de la caducité de la convention d’honoraires, la juridiction du premier président a violé le texte précité. La Cour casse et annule, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue précédemment, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Bordeaux.

Pour aller plus loin. V. ÉTUDE : Les rapports entre avocats et avec les professionnels de Justice, Le principe du contradictoire, in La profession d'avocat, Lexbase (N° Lexbase : E43683R9)

 

newsid:475031

Baux commerciaux

[Brèves] Précision sur la renonciation à l’application du statut des baux commerciaux à l’issue d’un bail dérogatoire depuis la loi « Pinel »

Réf. : Cass. civ. 3, 22 octobre 2020, n° 19-20.443, FS-P+B+I (N° Lexbase : A87293YX)

Lecture: 4 min

N5093BYB

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par Julien Prigent

Le 29 Octobre 2020

► En application des dispositions de l’article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L5031I3Q), dans sa rédaction issue de la  loi « Pinel » (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D), les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d’une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d’effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l'issue de chaque bail dérogatoire, à l'application du statut des baux commerciaux.

Faits et procédure.  Le 1er juin 2013, un bailleur avait consenti à un locataire, qui occupait déjà les lieux et qui avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux lui étant acquis à l’expiration du précédent bail dérogatoire, un bail pour une durée de vingt-quatre mois.

Le 1er juin 2015, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire courant jusqu'au 31 mai 2016. Le 31 mars 2016, le bailleur avait informé le locataire de sa volonté de ne pas consentir un nouveau bail. Le locataire ayant revendiqué le droit au statut des baux commerciaux, le bailleur l’a assigné en expulsion.

Les juges du fond ayant fait droit à sa demande, le locataire s’est pourvu en cassation.

Arrêt d’appel. Pour déclarer ce dernier sans droit ni titre, la cour d’appel (CA Bordeaux, 29 mai 2019, n° 16/06891 N° Lexbase : A9710ZCM) avait constaté, d’une part, que le 1er juin 2013, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire stipulant que le preneur, dans les lieux en exécution d’un précédent bail dérogatoire, renonçait expressément à se prévaloir du statut des baux commerciaux et, d’autre part, que la régularité de cet acte n’était pas contestée.

Elle avait ensuite retenu que, à cette date, les parties pouvaient conclure un bail dérogatoire de deux ans sans que l’antériorité du bail précédent n’ait à être prise en compte, la loi du 18 juin 2014, n'ayant pas d’effet rétroactif et n’ayant pas remis en cause la situation antérieure de sorte que ne pouvait être prise en compte l’occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013. La cour d’appel en avait déduit que le bail conclu le 1er juin 2015, d’une durée d’un an, avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente-six mois, soit la durée maximale désormais autorisée.

Décision. La Cour de cassation a censuré cette solution.

Elle a précisé qu’en application de l’article L. 145-5 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 (dite loi « Pinel »), les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d’une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d’effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l'issue de chaque bail dérogatoire, à l'application du statut des baux commerciaux. Elle a rappelé en outre qu’en application de l'article 21, II, de la loi du 18 juin 2014, les baux dérogatoires conclus à compter du 1er septembre 2014 sont soumis au nouvel article L. 145-5 du Code de commerce.

En conséquence, pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l'entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du Code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire.

Pour en savoir plus, v. ÉTUDE : Les baux dérogatoires, Les baux de courte durée conclus à compter du 1er septembre 2014, in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E4880E4I).

 

newsid:475093

Droit du sport

[Brèves] Décisions de la Ligue de football d'interrompe les championnats de manière définitive avant leur terme et détermination par la ligue des conséquences à tirer d'une telle interruption : modalités de contrôle du JA

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 23 octobre 2020, n° 440810, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A89733YY)

Lecture: 2 min

N5067BYC

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par Yann Le Foll

Le 28 Octobre 2020

► Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs retenus par le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel pour décider d'interrompre les championnats de manière définitive avant leur terme ;

il exerce, en revanche, un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation sur la détermination par la Ligue des conséquences à tirer d'une telle interruption, telles que les règles relatives à la composition des championnats, au classement, au départage, aux accessions et relégations et aux matchs reportés (CE 2° et 7° ch.-r., 23 octobre 2020, n° 440810, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A89733YY).

Interruption des championnats :

Au vu de la très grande incertitude quant à l'évolution de la situation sanitaire telle qu'elle pouvait être appréhendée à la date du 30 avril 2020, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel, sans méconnaître sa propre compétence ni entacher sa décision d'erreur de fait ou de droit au regard des dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), a pu légalement estimer qu'il convenait de déroger au règlement des championnats que la Ligue organise en interrompant les compétitions avant le terme normal de la saison, alors même qu'il est apparu, postérieurement à la décision attaquée, que dans d'autres pays européens les championnats nationaux ont pu être menés jusqu'à leur terme.

Modalités de classement s'agissant du championnat de Ligue 1 :

Si d'autres solutions étaient envisageables pour déterminer les modalités du classement de la Ligue 1, compte tenu notamment du fait que la vingt-huitième journée n'avait pu aller jusqu'à son terme ou, de façon plus générale, de la circonstance que, durant la phase interrompue des matchs retours, certains clubs avaient rencontré davantage de clubs mieux ou moins bien classés que d'autres, le choix de faire application à l'ensemble des clubs participant au championnat de Ligue 1 d'un même indice de performance, qui présente l'avantage de prendre en compte l'intégralité des rencontres disputées, plus de 73 % des rencontres avaient eu lieu, et qui a d'ailleurs été retenu pour les clubs amateurs, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Compte tenu des circonstances qui ont conduit à l'interruption du championnat, il ne peut être regardé comme contraire au principe d'égalité (sur la validation de la fin de la saison et du classement et la suspension des relégations, voir CE, référé, 9 juin 2020, n° 440809, 440813, 440824 (N° Lexbase : A07993NW).

newsid:475067

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Sociétés UE non-résidentes et incompatibilité de la loi fiscale et des principes garanties par le droit de l’Union européenne : limitation des pouvoirs d’interprétation de l’administration fiscale et du ministre

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 14 octobre 2020, n° 421524, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A65823X3)

Lecture: 3 min

N4985BYB

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par Sarah Bessedik

Le 03 Novembre 2020

Par une décision rendue le 14 octobre 2020, le Conseil d’État rappelle l’étendue des pouvoirs d’interprétation dont l’administration fiscale et le ministre disposent.

La société AVM International Holding, qui a son siège social en Italie, a cédé le 16 novembre 2011, des actions de la société française AR Technology et a acquitté, sur la plus-value réalisée, le prélèvement libératoire de 19 %, prévu par les articles 244 bis B (N° Lexbase : L6254LU8) et 200 A (N° Lexbase : L6200LU8) du Code général des impôts, à hauteur de 505 716 euros.

Par une réclamation en date du 21 février 2012, la société́ a demandé, à titre principal, le remboursement de ce prélèvement à raison de son caractère discriminatoire et contraire au principe de la liberté́ d'établissement garanti par le droit de l'Union européenne et, à titre subsidiaire, sa restitution partielle en application de l'instruction administrative du 4 avril 2008 publiée au BOI 4 B-1-08.

Le 4 octobre 2012, l'administration fiscale a fait droit à la demande subsidiaire de la société et a prononcé un dégrèvement partiel à hauteur de 417 081 euros. Par une seconde réclamation en date du 15 janvier 2013, la société a demandé le remboursement du surplus, soit la somme de 88 633 euros.

Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 avril 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 16 juin 2016 faisant droit à sa demande de restitution et remis la somme litigieuse à sa charge (CAA Versailles, 5 avril 2018, n° 16VE02835 N° Lexbase : A3463XLT).

Les juges du Conseil d’État estiment alors qu’il appartient aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, d'exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi en donnant à celle-ci, une interprétation qui, dans la mesure où son texte le permet, soit conforme au droit de l'Union.

Ils ajoutent qu'il appartient, le cas échéant, aux ministres, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révèleraient incompatibles avec des règles du droit de l'Union, de donner instruction à leurs services de n'en point faire application.

Toutefois, le Conseil d’État rappelle un point essentiel :  les ministres ne peuvent trouver dans une telle incompatibilité un fondement juridique les habilitant à édicter des dispositions de caractère règlementaire qui se substitueraient à ces dispositions législatives.

En l’espèce, en déduisant de l'incompatibilité des dispositions de l'article 244 bis B du Code général des impôts avec le droit de l'Union européenne, que l'imposition mise à la charge de la société pouvait être limitée à la seule fraction des impositions permettant d'assurer la neutralité de l'imposition au regard des libertés garanties par le TFUE, la cour a commis une erreur de droit.

En réalité, cette incompatibilité ne peut donner lieu qu'à la décharge de l'imposition incompatible. Ainsi, l'administration fiscale ne pouvait prétendre au maintien d’une partie de l’imposition en avançant que, pour ce faire, elle s’est fondée sur des dispositions législatives interprétées au regard des exigences du droit de l'Union. Cette solution est très pragmatique puisque dans les faits, l’administration fiscale a appliqué une instruction fiscale insusceptible de fonder une imposition.

Il résulte alors que la société AVM International Holding est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à bon droit, prononcé la restitution de la somme laissée à sa charge à l'issue du remboursement d'une partie de l'imposition acquittée.

 

newsid:474985

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Calcul des récompenses : l’hypothèse d'un bien partiellement aliéné avant la liquidation

Réf. : Cass. civ. 1, 14 octobre 2020, n° 19-13.702, F-P+B (N° Lexbase : A95373XI)

Lecture: 3 min

N5071BYH

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 28 Octobre 2020

► Lorsque la valeur empruntée à la communauté a servi à acquérir un bien propre qui se retrouve partiellement, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur pour avoir été aliéné pour partie avant la liquidation, le profit subsistant, qui se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition du bien propre, est évalué en appliquant cette proportion, respectivement, au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l’autre portion du bien.

Pour rappel, aux termes de l’article 1469, alinéas 1 et 3, du Code civil (N° Lexbase : L1606AB4), la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation.

Ces règles sont-elles applicables lorsque le bien a été aliéné partiellement avant la liquidation ? La réponse est positive selon la Cour de cassation contrairement à ce qu’avaient retenu les conseillers d’appel (CA Riom, 3 juillet 2018, n° 17/01846 N° Lexbase : A6648XUR).

La question portait sur la récompense due par l’époux à la communauté du chef de la souscription par la communauté d'un emprunt destiné à payer l'acquisition sur licitation d'une partie d'immeuble lui appartenant en propre par donation partage.

Pour évaluer la récompense due par l’époux à la communauté au titre du remboursement de l'emprunt destiné à payer l'acquisition des deux tiers de l'immeuble lui appartenant en propre au montant du capital emprunté, soit la somme 6 097,96 euros, la cour d’appel avait, en effet retenu que l'exception prévue par l'alinéa 3 de l'article 1469 du Code civil ne pouvait recevoir application lorsque le bien acquis a été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté et ne se retrouve pas intégralement dans le patrimoine propre du mari, d'autre part, que le financement n'ayant été que partiel, le profit subsistant ne pouvait être calculé au prorata de la valeur totale du bien.

La décision est censurée par la Haute juridiction qui, partant des règles précitées posées par le Code civil, explicite, comme indiqué en introduction, la méthode de calcul de la récompense due à la communauté, au cas particulier d’une aliénation partielle, avant la liquidation de la communauté, du bien acquis avec des deniers communs.

Pour un rappel des règles : cf. ETUDE La dissolution de la communauté, Hypothèse d'un bien aliéné avant la liquidation, in Droit des régimes matrimoniaux (dir. J. Casey), Lexbase (N° Lexbase : E9016ET4).

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Responsabilité

[Brèves] Epilogue de la « saga du Lasso » : condamnation de la société Monsanto sur le fondement des articles 1245 et suivants du Code civil

Réf. : Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.689, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A31903YS)

Lecture: 8 min

N5084BYX

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 28 Octobre 2020

► La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d’appel de renvoi d’avoir condamné, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, la société Monsanto à indemniser un agriculteur ayant inhalé des vapeurs d’herbicide ; ce faisant, elle approuve les juges du fond d’avoir caractérisé les conditions d’application de ce régime spécial, notamment la défectuosité de l’herbicide, et d’avoir refusé de consacrer un moyen d’exonération.

Faits. Ce ne sont pas moins de douze années qui se sont écoulées entre la première décision des juges du fond et l’épilogue judiciaire que vient de connaître l’affaire qui oppose la société Monsanto à un agriculteur. En l’espèce, en 2004, ce dernier avait acheté un herbicide et en avait, accidentellement, inhalé les vapeurs. Cet herbicide, commercialisé sous le nom de « Lasso », fabriqué par Monsanto Europe SA et retiré du marché en 2007, avait été livré par la société Monsanto Agriculture France (ci-après la société Monsanto) à une coopérative agricole en 2002, laquelle l’avait, à son tour, livré à l’agriculteur. Ce dernier assigna la société Monsanto Agriculture France en réparation de son préjudice corporel.

Procédure. Le litige ayant donné lieu à un arrêt de cassation rendu en Chambre mixte, un bref rappel de la solution adoptée à cette occasion par la Cour de cassation s’impose (Cass. mixte, 7 juillet 2017, n° 15-25.651 N° Lexbase : A8305WL8). L’action de l’agriculteur était exclusivement fondée sur le droit commun : à titre principal sur les anciens articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil et à titre subsidiaire sur les anciens articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) et 1165 (N° Lexbase : L1267ABK) du Code civil. A l’occasion du pourvoi formé par la société Monsanto, la Cour de cassation avait considéré que le juge devait appliquer d’office le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant la Directive du 25 juillet 1985 et aujourd’hui codifié aux articles 1245 et suivants du Code civil (C. civ., anc. art. 1386-1 N° Lexbase : L1494ABX).

La cour d’appel de renvoi (CA Lyon, 11 avril 2019, n° 17/06027 N° Lexbase : A2818Y9A) fit application du régime spécial des articles 1245 et suivants du Code civil et condamna la société Monsanto à réparer le préjudice subi par l’agriculteur. La société Monsanto forma un pourvoi contre cet arrêt à l’occasion duquel, elle contesta tant les conditions d’application de ce régime spécial (1) que sa mise en œuvre (2). Aucun de ses moyens n’a été accueilli par la Cour de cassation qui rejeta ainsi le pourvoi.

(1) S’agissant d’abord des conditions d’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Le pourvoi contestait, en premier lieu, la date de mise en circulation du produit retenue par la cour d’appel, à savoir la date de livraison à la coopérative. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu cette date au motif que « la mise en circulation s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il fait partie », réitérant ainsi la solution qu’elle avait déjà adoptée dans un arrêt du 20 septembre 2017 (Cass. civ. 1, 20 septembre 2017, n° 16-19.643, FS-P+B+I N° Lexbase : A3786WSZ). C’est ainsi au regard du produit même qui est impliqué dans le dommage que la date de mise en circulation s’apprécie (rappr. Avocat général sous arrêt préc., cité par G. Viney, note sous Cass. civ. 1, 20 septembre 2017, D. 2017, p. 2284).

Le pourvoi contestait, en second lieu, son assimilation au producteur. La cour d’appel avait en effet fait application de l’article 1245-5 alinéa 2, 1° du Code civil (N° Lexbase : L0625KZ8), considérant que la mention sur l’étiquette des mentions suivantes, en gros caractères, « herbicide Monsanto » suivi de « siège social Monsanto agriculture France SAS » permettait de considérer que la société s’était présentée comme producteur. La Cour de cassation l’en approuve.

La société Monsanto contestait, en troisième lieu, l’imputabilité du dommage au produit en cause (l’herbicide). Selon lui, il n’existait pas de « réseau d’indices graves et concordants » permettant de considérer que le produit en cause était l’explication la plus plausible de la survenance du dommage. La cour rejette le moyen. Deux remarques s’imposent. La première : elle confirme l’existence d’une condition préalable, à savoir la nécessité de s’assurer que d’autres causes ne sont à l’origine du dommage. Aussi faut-il considérer que la seule preuve de l’imputabilité du dommage au produit ne saurait suffire. Encore faut-il que soit rapportée la preuve du défaut et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage (rappr. déjà en ce sens Cass. civ. 1, 27 juin 2018, n° 17-17.469). La seconde remarque n’est qu’une application aux faits de l’espèce de la remarque précédente : en l’espèce, des « indices graves, précis et concordants » permettaient d’établir le lien entre l’inhalation du produit et le dommage. L’imputabilité était donc caractérisée.

Le demandeur au pourvoi contestait, en quatrième lieu, la qualification de produits défectueux. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu la défectuosité du produit dès lors qu’elle avait relevé que l’ « étiquetage ne respecta(it) pas la règlementation applicable » et l’ « absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs ». Aussi fallait-il en déduire que « le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux ». Ce faisant, l’arrêt confirme la possibilité de déduire le caractère défectueux d’une information insuffisante (rapp. déjà en ce sens Cass. civ. 1, 7 novembre 2006, n° 05-11.604, F-P+B N° Lexbase : A2977DS3).

Enfin, et s’agissant des conditions d’application du régime des produits défectueux, le pourvoi contestait la caractérisation du lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, considérant que les lacunes de l’étiquetage n’étaient en rien dans le dommage subi par l’agriculteur car celui-ci n’avait nullement respecté les préconisations d’utilisation du produit. La Cour de cassation rejette l’argument avancé au motif que si la seule implication du produit dans la réalisation du dommage ne peut suffire à caractériser le lien de causalité, la cour d’appel s’était fondée sur d’autres éléments pour caractériser cette exigence (troubles présentés par l’agriculteur et constatés par le certificat médical ou encore la défectuosité du produit).

L’ensemble des conditions d’application du régime spécial était donc satisfait.

(2) S’agissant ensuite de la mise en œuvre du régime du fait des produits défectueux, le pourvoi invoquait deux arguments visant à exonérer la société Monsanto de sa responsabilité de plein droit. En vertu du premier, la société Monsanto excipait le risque de développement (C. civ., art. 1245-10, 4° N° Lexbase : L0630KZD). L’argument est écarté par la Cour de cassation car c’est au jour de la mise en circulation du produit qu’il fallait se placer (CJUE, 29 mai 1997,  C-300/95, Commission /Royaume Uni N° Lexbase : A2009AIA). Or, à cette date, soit en 2002 en l’espèce (v. supra), la société avait « toute latitude pour connaître le défaut lié à l’étiquetage du produit et l’absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux ». Ce faisant, cette cause exonératoire est écartée. Ainsi en est-il également de la cause d’exonération tenant à la faute de la victime (C. civ., art. 1245-12 N° Lexbase : L0632KZG) qui ne s’était pas conformée aux préconisations portées sur l’étiquetage (absence de protection du visage). Cette seconde cause d’exonération est écartée au motif qu’ « une telle protection aurait été inefficace en cas d’inhalation, en l’absence d’appareil de protection respiratoire ». La faute de la victime était donc sans lien avec le dommage.

Ainsi, la société Monsanto ne pouvait échapper à la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle au titre de la responsabilité des produits défectueux.

newsid:475084

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Expatriation : maintien du revenu du salarié licencié par une filiale étrangère

Réf. : Cass. soc., 14 octobre 2020, n° 19-12.275, F-P+B (N° Lexbase : A96543XT)

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N4999BYS

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par Asima Khan

Le 28 Octobre 2020

► Lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ;

En l'absence d'offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu'à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur.

Faits et procédure. Un salarié a été engagé, le 30 mars 2009, par une société en qualité d’ingénieur commercial puis directeur commercial. Au début de l’année 2012, il a été engagé par une société filiale de droit américain, comme directeur commercial. Il a été licencié par cette dernière par lettre du 15 avril 2013.

Dès lors, la société a proposé au salarié de le réintégrer en son sein, en France, à un poste de responsable des ventes, à compter du 1er mai 2013. Le salarié ayant refusé ce poste, la société a licencié celui-ci, pour faute grave, par lettre du 16 août 2013, en lui reprochant, en particulier, un abandon de poste.

Le salarié a sollicité la condamnation de la société à lui verser un rappel de salaire correspondant au différentiel entre son poste aux Etats-Unis et son poste de référence en France. Il est débouté de sa demande, la cour d’appel estimant qu’il ne pouvait valablement pas revendiquer le maintien de sa rémunération globale (salaire et logement de fonction) jusqu’à son licenciement.

La solution. Enonçant la solution susvisée, ma Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa de l’article L. 1231-5 du Code du travail (N° Lexbase : L1069H9H), dès lors que celle-ci avait constaté que l’offre de réintégration proposée par l’employeur n’était pas compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère.

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[Brèves] Nullité du cautionnement en raison d’une mention manuscrite irrégulière : conformité de la sanction au Protocole additionnel n° 1 à la CESDH

Réf. : Cass. com., 21 octobre 2020, n° 19-11.700, F-P+B (N° Lexbase : A87243YR)

Lecture: 4 min

N5011BYA

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par Vincent Téchené

Le 28 Octobre 2020

► La sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure. Un établissement de crédit a consenti à une société un prêt d'un montant de 100 000 euros dont deux personnes se sont rendues cautions. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la créancière a assigné les cautions en exécution de leurs engagements. Ces dernières ont demandé, reconventionnellement, l’annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7), devenus L. 331-1 (N° Lexbase : L1165K7B) et L. 331-2 (N° Lexbase : L1164K7A), du Code de la consommation

L’arrêt d’appel ayant annulé l’acte de cautionnement (CA Basse-Terre, 12 novembre 2018, n° 16/01040 N° Lexbase : A0512YLK), la créancière a formé un pourvoi en cassation.

Décision. L’arrêt d’appel a relevé que dans l’acte litigieux, les cautions ont fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents ». Ainsi, pour la Cour de cassation l’arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n'a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l’engagement, ni n’indique ce que signifie son caractère « solidaire ». En outre, l’adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l’imprécision en ce qu’il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini. Par conséquent, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

En second lieu, et c’est là le principal apport de l’arrêt, la Cour de cassation énonce, à la manière d’un principe, que la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Observations. La Cour de cassation a déjà précisé que la violation du formalisme des articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la consommation a pour finalité la protection des intérêts de la caution, pour en déduire qu’elle est sanctionnée par une nullité relative (Cass. com., 5 février 2013, n° 12-11.720, FS-P+B N° Lexbase : A6448I7X ; V. Téchené, Lexbase Affaires, février 2013, n° 328 N° Lexbase : N5939BT7). Par ailleurs, concernant les altérations de la mention, si certaines ne constituent que des erreurs matérielles qui n'entraînent pas la nullité de l’engagement de la caution (par ex., Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, FS-P+B N° Lexbase : A3424HN7 – Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-19.094, FS-P+B+I N° Lexbase : A1490KLR – Cass. com., 9 mais 2018, n° 16-26.926, F-D N° Lexbase : A6207XMT), d’autres, et notamment l’absence de mention de l’identité du débiteur conduisent nécessairement à l’annulation du cautionnement (v. not., Cass. com., 9 juillet 2019, n° 17-22.626, F-P+B N° Lexbase : A3300ZKG ; G. Piette, in Pan., Lexbase Affaires, septembre 2019, n° 604 N° Lexbase : N0189BYN). En l’espèce, la nullité de l’engagement ne laissait donc pas place au doute.

Pour aller plus loin, v. ÉTUDE : Les conditions de formation du cautionnement, La sanction de principe : la nullité du cautionnement ou l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de la solidarité, in Droit des sûretés, Lexbase (N° Lexbase : E7187E93).

 

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