Le Quotidien du 24 mars 2020

Le Quotidien

Aide juridictionnelle

[Brèves] Restriction du droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après une déclaration d’appel : la Cour de cassation censure

Réf. : Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-12.990, FS-P+B+I (N° Lexbase : A03653KQ)

Lecture: 7 min

N2711BY3

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par Marie Le Guerroué

Le 08 Avril 2020

► L’appelant qui a formé appel avant le 11 mai 2017, date d’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 (décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL), et sollicité, dans le délai prévu par l’article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7239LET), le bénéfice de l’aide juridictionnelle, puis remis au greffe ses conclusions dans ce même délai, courant à compter de la notification de la décision statuant définitivement sur cette aide, ne peut se voir opposer la caducité de sa déclaration d’appel.

C’est en ce sens que s’est prononcée la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2020 (Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 19-12.990, FS-P+B+I N° Lexbase : A03653KQ ; v., aussi Cass. civ. 2, 19 mars 2020, n° 18-23.923, FS-P+B+I N° Lexbase : A48853K7).

Faits et procédure. Le demandeur au pourvoi avait relevé appel, le 9 janvier 2017, d’un jugement d’un tribunal de grande instance, puis avait déposé une demande d’aide juridictionnelle, le 31 janvier 2017, dont le bénéfice lui avait été accordé le 2 mars 2017. Par ordonnance du 23 mai 2017, le conseiller de la mise en état avait prononcé la caducité de la déclaration d’appel, en application de l’article 908 du Code de procédure civile, faute de conclusions dans un délai de trois mois suivant cette déclaration d’appel. L’intéressé avait déféré cette ordonnance à la cour d’appel et conclu au fond le 1er juin 2017.

  • Le raisonnement des juges du fond : application du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016

Pour prononcer la caducité de la déclaration d’appel, l’arrêt retenait, d’abord, que le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 (N° Lexbase : L9928LBC) était applicable à l’espèce, s’agissant d’une demande d’aide juridictionnelle déposée le 31 janvier 2017 ayant fait l’objet d’une décision d’admission le 2 mars suivant. L’arrêt retenait, ensuite, que la circulaire du 19 janvier 2017, prise en application du décret du 27 décembre 2016, précisait notamment en son point 2.2 concernant la modification de l’effet interruptif de la demande juridictionnelle sur les délais d’action, que « L’extension de l’effet interruptif aux délais d’appel s’applique également aux délais prévus aux articles 902 (N° Lexbase : L7237LER) et 908 à 910 (N° Lexbase : L7241LEW) du Code de procédure civile, comme cela était le cas jusqu’à présent en vertu de l’ancien article 38-1 du décret du 19 décembre 1991», que cette circulaire, prise à l’occasion de la parution du décret du 27 décembre 2016, ne comportait aucune disposition impérative et ne pouvait avoir pour effet, en l’absence de toute portée juridique, de rétablir les dispositions d’un article abrogé par les nouvelles dispositions. L’arrêt énonce, enfin, qu’en aucun cas le décret ayant abrogé l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 ne pouvait être considéré comme contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1370A9M) dans la mesure où chaque justiciable peut déposer, avant de former appel, une demande d’aide juridictionnelle et ainsi bénéficier des nouvelles dispositions, que si le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a modifié les dispositions du décret du 27 décembre 2016, le nouvel article 38, alinéa 2, qui prévoit que la demande d’aide juridictionnelle interrompt les délais prévus par les articles 909 (N° Lexbase : L0163IPQ) et 910 du Code de procédure civile, n’est pas applicable aux délais prévus par les articles 902 ou 908 du même code, et qu’en conséquence, les conclusions déposées le 1er juin 2017 par l’intéressé l’ont été au-delà du délai de trois mois prévu par l’article 908 du Code de procédure civile, qui avait commencé à courir dès le 9 janvier 2017, date de sa déclaration d’appel.

  • Le raisonnement de la Cour de cassation : la primauté de la sécurité juridique 

Conséquences de l'abrogation de l'article 38-1. La Cour rappelle que le décret du 27 décembre 2016 a modifié l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, à l’effet de reporter le point de départ du délai d’une action en justice ou d’un recours, au profit de celui qui demande le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, au jour de la désignation d’un auxiliaire de justice en vue d’assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l’exercice de cette action ou de ce recours. Ce décret du 27 décembre 2016 a corrélativement abrogé l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991, qui prévoyait, dans le cas particulier d’une procédure d’appel, l’interruption des délais réglementaires que cette procédure fait courir. L’abrogation de l’article 38-1 a entraîné la suppression d’un dispositif réglementaire, qui était notamment destiné à mettre en œuvre les articles 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), selon lesquels l’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l’instance et le bénéficiaire de cette aide a droit à l’assistance d’un avocat. Il en résulte qu’en l’état de cette abrogation, le sens et la portée des modifications apportées à l’article 38 de ce décret ne pouvaient que susciter un doute sérieux et créer une situation d’incertitude juridique. La confusion a été accrue par la publication de la circulaire d’application du décret du 27 décembre 2016, bien que celle-ci soit, par nature, dépourvue de portée normative. En effet, commentant la modification apportée à l’article 38 du décret du 19 décembre 1991, cette circulaire affirmait en substance que l’extension aux délais d’appel de l’effet interruptif s’appliquait également aux délais prévus aux articles 902 et 908 à 910 du Code de procédure civile. En outre, elle annonçait qu’une modification du décret du 19 décembre 1991 serait prochainement apportée sur ce point. Postérieurement, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l’article 38-1 du décret du 19 décembre 1991.

L’atteinte consécutive au principe de sécurité juridique. Il résulte de ce qui précède, pour les juges du droit, que le dispositif mis en place par le décret du 27 décembre 2016 est susceptible de porter atteinte au principe de sécurité juridique et, en cela, d’avoir pour effet de restreindre, de manière disproportionnée au regard des objectifs de célérité et de bonne administration de la justice que ce texte poursuivait, le droit d’accès effectif au juge des requérants qui sollicitent l’aide juridictionnelle après avoir formé une déclaration d’appel. En effet, ces appelants peuvent se voir opposer la caducité de leur déclaration d’appel, les privant ainsi de la faculté d’accéder au juge d’appel. Elle en déduit, par conséquent, la solution susvisée.

Cassation. La Haute juridiction rend sa décision au visa de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et souligne que le principe de sécurité juridique implique que de nouvelles règles, prises dans leur ensemble, soient accessibles et prévisibles et n’affectent pas le droit à l’accès effectif au juge, dans sa substance même. Aussi, en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle constatait que le demandeur avait relevé appel le 9 janvier 2017, sollicité, le 31 janvier 2017, le bénéfice de l’aide juridictionnelle, qui lui avait été accordé 2 mars 2017, puis conclu le 1er juin 2017, la Cour conclut que la cour d’appel a violé le texte précité. L’arrêt encourt donc la censure (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8635ETY).

newsid:472711

Cotisations sociales

[Brèves] Précisions sur les conditions de bénéfice de la réduction « Fillon » et sur l’étendue de la saisine de la commission de recours amiable

Réf. : Cass. civ. 2, 12 mars 2020, n° 19-13.422, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143I7)

Lecture: 4 min

N2676BYR

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par Laïla Bedja

Le 18 Mars 2020

► Il résulte des articles L. 241-13 (N° Lexbase : L4985LR3) et D. 241-7, I (N° Lexbase : L2311LWI) du Code de la Sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au cours de la période d'exigibilité des cotisations litigieuses, que, pour les périodes de congés et hors le cas de maintien de la rémunération par l'employeur prévu au 3° du second de ces textes, le montant du salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de la réduction de cotisations instituée par le premier, est corrigé dans les seules conditions prévues par le 1°, en fonction de la durée du travail (troisième moyen) ;

► il résulte de l’article R. 142-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1326LKC), d’une part, que l’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de Sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission, d’autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d’un redressement, même en l’absence de motivation de la réclamation (deuxième moyen).

Telles sont les solutions retenues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 mars 2020 (Cass. civ. 2, 12 mars 2020, n° 19-13.422, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143I7)  

Les faits. Une société a fait l’objet de la part de l’URSSAF d’un contrôle à la suite duquel l’organisme lui a notifié une lettre d’observations en date du 19 septembre 2011 portant différents chefs de redressements dont les deux suivants que le litige fait ressortir :

  • un chef de redressement relatif à la réduction générale de cotisations ;
  • un chef de redressement relatif aux frais professionnels dont la recevabilité de la contestation est discutée.

• Sur la demande d’annulation du chef de redressement relatif à la réduction générale des cotisations

Ayant constaté que la société avait l’obligation de s’affilier à une caisse de congés payés, la cour d’appel a, à bon droit, retenu que lorsque le salarié prend ses congés, même si son absence donne lieu à un maintien partiel du salaire, les dispositions de l’article D. 241-7, I, 3° du Code de la Sécurité sociale n’ont pas à s’appliquer dès lors que la société adhère à une caisse de congés payés, que le maintien de salaire assuré par la caisse de congés payés à laquelle la société est affiliée ne place pas celle-ci en situation de maintien partiel de la rémunération mensuelle brute du salarié au sens du texte précité et que seules les dispositions de l’article D. 241-7, I, 1° reçoivent application, lesquelles prévoient une correction du salaire minimum de croissance mensuel à proportion de la durée de travail rapportée à la durée légale du travail.

Ainsi, est rejeté le pourvoi de la société par la Cour de cassation qui énonce la première solution précitée.

• Sur la contestation du chef de redressement relatif à des frais professionnels

A l’appui de son pourvoir, la société reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable la contestation du chef de redressement relatifs aux frais professionnels.

En effet, la cour d’appel a relevé qu’à la suite de la mise en demeures du 22 novembre 2011 , la société avait saisi, le 19 décembre 2011, la commission de recours amiable de l’URSSAF d’une demande d’annulation du contrôle et des redressements afférents au motif qu’elle contestait le calcul de la réduction générale de cotisations effectué par l’inspectrice du recouvrement, qu’après le rejet de son recours amiable, elle avait saisi, le 6 novembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale d’un recours contre la décision de la commission de recours amiable confirmant le redressement, puis, que le 18 novembre 2013, elle avait adressé au président de la commission de recours amiable un courrier faisant part de son souhait de voir réexaminer son dossier. Elle énonce que la contestation du chef de redressement portant sur les frais professionnels qui avait fait l’objet du recours du 18 novembre 2013, avait été déclarée irrecevable par une décision de la commission de recours amiable du 30 mai 2014 qui n’avait pas fait l’objet d’un recours et n’avait pas été remise en cause devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. A tort.

Enonçant la seconde solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel, sur ce moyen. La lettre du 18 novembre 2013 tendant au réexamen du dossier étant sans portée sur la recevabilité du recours contentieux déjà formé, la cour d’appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 (N° Lexbase : L4553LU8) du Code de la Sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 (N° Lexbase : L2678K93), applicable au litige.

newsid:472676

Covid-19

[Brèves] Rejet de la demande de confinement total par le Conseil d’Etat

Réf. : CE référé, 22 mars 2020, n° 439674 (N° Lexbase : A03603KK)

Lecture: 3 min

N2704BYS

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par Yann Le Foll

Le 25 Mars 2020

Il n’y a pas lieu d’ordonner le confinement total de la population mais le Gouvernement devra cependant préciser la portée ou réexaminer certaines des dérogations au confinement aujourd’hui en vigueur.

Telle est la solution d’une ordonnance rendue par le Conseil d’Etat le 22 mars 2020 (CE référé, 22 mars 2020, n° 439674 N° Lexbase : A03603KK).

Rejet de la demande d’un confinement total : si un confinement total de la population dans certaines zones peut être envisagé, les mesures demandées au plan national ne peuvent, s’agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l’ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l’administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l’acheminement des matériels indispensables à cette protection.

En outre, l’activité indispensable des personnels de santé ou aidants, des services de sécurité de l’exploitation des réseaux, ou encore des personnes participant à la production et à la distribution de l’alimentation rend nécessaire le maintien en fonctionnement, avec des cadences adaptées, des transports en commun, dont l’utilisation est restreinte aux occurrences énumérées par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 (N° Lexbase : L5030LW9).

Par ailleurs, la poursuite de ces diverses activités vitales dans des conditions de fonctionnement optimales est elle-même tributaire de l’activité d’autres secteurs ou professionnels qui directement ou indirectement leur sont indispensables, qu’il n’apparaît ainsi pas possible d’interrompre totalement. 

Le renforcement des mesures actuelles : le Premier ministre a pris le 16 mars un décret interdisant le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitatives, tenant à diverses nécessités, avec la possibilité, pour le représentant de l’Etat dans le département d’adopter des mesures plus strictes si des circonstances locales l’exigent.

Le juge des référés estime que, si l’économie générale de ces mesures ne révèle pas une carence des autorités publiques, la portée de certaines dispositions présente néanmoins un caractère ambigu au regard en particulier de la teneur des messages d’alerte diffusés à la population.

Il en va ainsi de la dérogation pour les « déplacements pour motif de santé », sans autre précision quant à leur degré d’urgence.

Pareillement, la dérogation pour les « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie » apparait trop large, notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le jogging.

Il en va de même du fonctionnement des marchés ouverts, sans autre limitation que l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes, dont le maintien paraît autoriser dans certains cas des déplacements et des comportements contraires à la consigne générale.

Dès lors, le juge des référés enjoint au Gouvernement de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :

préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;

- réexaminer, dans le même délai le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;

- et évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

newsid:472704

Électoral

[Brèves] Rappel de la date de dépôt des demandes d'inscription sur les listes électorales à respecter

Réf. : Cass. civ. 2, 13 mars 2020, n° 20-60.138, F-P+B+I (N° Lexbase : A76273IC)

Lecture: 2 min

N2649BYR

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par Yann Le Foll

Le 18 Mars 2020

Une demande d'inscription sur une liste électorale en vue de participer à un scrutin non déposée dans le délai légal (au plus tard le sixième vendredi précédant ce scrutin) doit être rejetée, le demandeur ne pouvant alors exciper d'une erreur matérielle au sens de l'article L. 20, II du Code électoral (N° Lexbase : L0450LTT) pour contester le refus d'inscription.

Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 mars 2020 (Cass. civ. 2, 13 mars 2020, n° 20-60.138, F-P+B+I N° Lexbase : A76273IC).

Faits. Mme X a, par requête du 26 février 2020, sollicité son inscription sur les listes électorales de la commune de Labastide-de-Penne. Elle fait grief au jugement de la débouter de sa demande alors « que des informations erronées ont été communiquées par les services de la préfecture au maire de la commune de Labastide-de-Penne sur la possibilité pour elle de présenter sa candidature pour l'élection des conseillers municipaux des 15 et 22 mars 2020 dans cette commune, de sorte qu'il y a bien eu une erreur matérielle ».

Décision. Le jugement énonce d'abord exactement qu'il résulte de l'article L. 20, II du Code électoral que toute personne qui prétend avoir été omise par suite d'une erreur matérielle ou radiée de la liste électorale de la commune en méconnaissance de l'article L. 18 du même code (N° Lexbase : L3668LK3) peut saisir le tribunal judiciaire, qui a compétence pour statuer jusqu'au jour du scrutin.

Après avoir constaté que l'intéressée était inscrite sur les listes électorales de la commune de Montalzat, il retient à bon droit que pour pouvoir être inscrite sur les listes électorales d'une autre commune elle devait former une demande d'inscription, au plus tard le vendredi 7 février 2020, en application de l'article L. 17 du Code électoral (N° Lexbase : L3665LKX).

Ayant constaté qu'elle ne justifiait pas avoir effectué les démarches nécessaires pour s'inscrire sur les listes électorales de la commune de Labastide-de-Penne, le tribunal en a justement déduit qu'il n'y avait pas eu d'erreur matérielle au sens de l'article L. 20, II du Code électoral (cf. l'Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E4772ZBD).

newsid:472649

Entreprises en difficulté

[Brèves] Suites de la forclusion du créancier qui n’a pas saisi le juge compétent pour trancher une contestation sérieuse

Réf. : Cass. com., 11 mars 2020, n° 18-23.586, FS-P+B+I (N° Lexbase : A12583IG)

Lecture: 5 min

N2641BYH

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par Vincent Téchené

Le 18 Mars 2020

► Le juge-commissaire qui, en application de l’article R. 624-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L7228LEG), dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014 (N° Lexbase : L5913I3E), constate l'existence d'une contestation sérieuse, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite l'une d'elles à saisir le juge compétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 mars 2020 (Cass. com., 11 mars 2020, n° 18-23.586, FS-P+B+I N° Lexbase : A12583IG).

L’affaire. Une société a été mise en redressement judiciaire le 7 mai 2015. Un créancier a déclaré une créance au titre d'une indemnité pour malfaçons dans l'exécution d'un chantier, qui a été contestée par la débitrice. Par une ordonnance du 16 juin 2016, notifiée le 30 juin suivant, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyé les parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de sa décision, et sursis à statuer. Une seconde ordonnance, modifiant la première, a invité le créancier à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la signification de cette ordonnance.

C’est dans ces conditions que le créancier a formé un pourvoi en cassation formulant plusieurs reproches à l’égard de l’arrêt d’appel (CA Orléans, 13 septembre 2018, n° 18/00407 N° Lexbase : A5041X4H).

La décision. Le créancier reprochait, en premier lieu, à l’arrêt d’appel d’avoir retenu qu’il n’y avait pas lieu à rectification de la première ordonnance

Sur de point, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel : elle énonce que si l'article R. 624-5 du Code de commerce impose au juge-commissaire de désigner la partie qui devra saisir le juge compétent pour trancher la contestation qui a été déclarée sérieuse, une ordonnance qui, en désignant toutes les parties, ne respecte pas cette règle, est entachée d'une erreur de droit qui ne peut être réparée en application de l'article 462 du Code de procédure civile et, faute d'avoir fait l'objet d'une voie de recours, est irrévocable.

En second lieu, le créancier reprochait à l’arrêt d’appel de constater la forclusion et l'impossibilité qui en résulte pour elle de solliciter la fixation de sa créance au passif.

Sur ce point, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel. En effet, pour constater l'impossibilité pour le créancier, par suite de la forclusion, de demander la fixation de sa créance, l'arrêt retient que le juge-commissaire ne pouvait, dans son ordonnance du 16 juin 2016, surseoir à statuer et que la juridiction compétente pour trancher la contestation dont la créance était l'objet avait seule compétence pour fixer celle-ci au passif. En statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé l’article R. 624-5 du Code de commerce (cf. l’Ouvrage « Entreprises en difficulté » N° Lexbase : E3556E4H).

Précisions. La Cour de cassation a déjà énoncé, dans le cadre du dépassement de l’office juridictionnel du juge-commissaire que « le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d’incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation» (Cass com., 19 décembre 2018, n° 17-15.883 et n° 17-26.501, F-P+B N° Lexbase : A6695YRE), cette solution devant d’ailleurs être strictement limitée à l’hypothèse du dépassement d’office juridictionnel et ne peut être étendue au cas de l’incompétence stricto sensu du juge-commissaire (v. les obs. de P.-M Le Corre, Lexbase éd. affaires, 2018, n° 579 N° Lexbase : N7170BXT). Ainsi, c’est le juge-commissaire qui aura le dernier mot pour admettre ou rejeter la créance. Le tribunal saisi pour trancher la discussion sérieuse sur la créance déclarée se contentera de cela. Une fois la discussion tranchée et donc la contestation sur le fond de la créance reconnue bien ou mal fondée, il y aura place à révocation du sursis à statuer. Le juge-commissaire, tenu par la décision du juge du fond, admettra ou rejettera alors la créance.

La Cour a également retenu qu’une cour d'appel, statuant en matière de vérification des créances, qui a prononcé un sursis à statuer et invité les parties à saisir le juge compétent en raison d’un dépassement de son office juridictionnel, et qui, par la suite a rejeté la créance, n'a fait que tirer les conséquences légales du défaut de diligence du créancier qu'elle avait désigné pour saisir le juge compétent dans le délai prévu à l’article R. 624-5 du Code de commerce (Cass. com., 27 septembre 2016, n° 14-18.998, FS-P+B N° Lexbase : A7070R4M ; v. Lexbase, éd. affaires, 2016, n° 487, obs. P.-M Le Corre in Chron. N° Lexbase : N5187BWZ).

newsid:472641

Fonction publique

[Brèves] Mise en place d'un dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes dans la fonction publique

Réf. : Décret n° 2020-256 du 13 mars 2020, relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes dans la fonction publique (N° Lexbase : L1001G8L)

Lecture: 2 min

N2652BYU

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par Yann Le Foll

Le 18 Mars 2020

Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020, relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes dans la fonction publique (N° Lexbase : L1001G8L), précise le contenu de ce dispositif dans l'ensemble des administrations, qui devra être mis en place plus tard le 1er mai 2020.

Pris pour l'application de l'article 6 quater A de la loi n° 83-634, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), dans sa rédaction issue de l'article 80 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, de transformation de la fonction publique (N° Lexbase : L5882LRB), il comporte :

- une procédure de recueil des signalements effectués par les agents s'estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements ;

- une procédure d'orientation des agents s'estimant victimes de tels actes ou agissements vers les services et professionnels compétents chargés de leur accompagnement et de leur soutien ;
- et une procédure d'orientation des agents s'estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle appropriée et assurer le traitement des faits signalés, notamment par la réalisation d'une enquête administrative.

L'acte instituant les procédures précitées précise les modalités selon lesquelles l'auteur du signalement : adresse son signalement ; fournit les faits ainsi que, s'il en dispose, les informations ou documents, quels que soient leur forme ou leur support, de nature à étayer son signalement ; et fournit les éléments permettant, le cas échéant, un échange avec le destinataire du signalement.

Le dispositif de signalement permet de garantir la stricte confidentialité des informations communiquées aux agents, victimes, témoins ou auteurs des actes ou agissements incriminés, y compris en cas de communication aux personnes ayant besoin d'en connaître pour le traitement de la situation.

 

newsid:472652

Procédure pénale

[Brèves] Recevabilité de la demande de restitution d’objets saisis : précisions sur l’appréciation du caractère tardif d’une demande

Réf. : Cass. crim., 26 février 2020, n° 19-82.425, F-P+B+I (N° Lexbase : A40013GB)

Lecture: 5 min

N2597BYT

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par June Perot

Le 23 Mars 2020

► La date à prendre en considération pour déterminer le terme du délai pendant lequel une demande de restitution peut être présentée par courrier est celle à laquelle la demande parvient à l'autorité compétente pour y donner suite ; par ailleurs, en l'absence de production du récépissé de cet envoi, il n’est pas démontré par le demandeur que la date qu’il a portée lui-même sur ce courrier, correspond à sa date d’expiration.

C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 février 2020 (Cass. crim., 26 février 2020, n° 19-82.425, F-P+B+I (N° Lexbase : A40013GB).

Résumé des faits. A la suite d’une condamnation prononcée par une cour d’assises, l’intéressé a demandé au procureur de la République la restitution de divers objets placés sous main de justice. Sa demande ayant été rejetée, il a formé un recours devant la chambre de l’instruction.

En cause d’appel. Pour déclarer irrecevable la demande de restitution présentée par l’intéressé, la chambre de l’instruction énonce qu’elle devait être formée dans les six mois du prononcé, le 9 mars 2017, de l’arrêt, contradictoire à son égard, par lequel la cour d’assises avait épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution, soit, au plus tard, le 11 septembre 2017 à minuit, jour auquel le terme de ce délai, qui expirait le samedi 9 septembre, avait été reporté, compte tenu des dispositions de l’article 801 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4264AZX).

Selon les juges, la demande de restitution a été présentée par un courrier daté du 11 septembre 2017, expédié par l’intéressé, en recommandé avec demande d’avis de réception, dont le récépissé n’est pas produit, mais qui n’a pu être reçu qu’au-delà du 12 septembre 2017, ce qui le rend tardif, le premier tampon de réception de cette demande étant daté du 1er décembre 2017, alors qu’un second tampon porte la date du 4 décembre.

Décision. La Haute juridiction considère qu’en statuant ainsi la chambre de l’instruction a justifié sa décision et fait l’exacte application de l’article 41-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7474LPI). Elle rejette donc le pourvoi. Elle énonce en effet que selon cet article, lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée. Si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l'État.

La restitution des objets saisis. Pour rappel, en matière de restitution, on peut distinguer selon que le contentieux est porté devant les juridictions d’instructions (C. proc. pén., art. 99, 177 et 212), qu’il est porté devant les juridictions de jugement (C. proc. pén., art. 373, 478 et s., 484 et 543) le ministère public conservant une compétence subsidiaire, d’office ou sur requête, pendant la phase d’enquête ou lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie, ou encore lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution (C. proc. pén., art. 41-4). Le Conseil constitutionnel a par ailleurs eu l’occasion de se prononcer sur la conformité de l’article 41-4 (Cons. const., décision n° 2014-406 QPC, du 9 juillet 2014 N° Lexbase : A0585MU9).

Dans le cadre d’une enquête ou si aucune juridiction n’a statué, c’est le procureur de la République ou le procureur général qui est compétent pour décider d’une éventuelle restitution lorsque la propriété des objets n'est pas sérieusement contestée (C. proc. pén., art. 41-4). Cependant, la restitution ne peut avoir lieu lorsqu’elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets saisis. Du reste, si la restitution n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l’État, sous réserve des droits des tiers (C. proc. pén., art. 41-4, al. 3).

La décision de non-restitution pour n’importe quel motif peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l'instruction (depuis la loi du 23 mars 2019) ou la chambre de l'instruction, dans le délai d'un mois suivant sa notification. Si la restitution n'a pas été demandée ou décidée, les objets non restitués deviennent propriété de l'État, sous réserve des droits des tiers (C. pr. pén., art. 41-4).

C’est l’exercice de ce recours que vient illustrer l’arrêt du 26 février 2020, plus précisément en ce qui concerne le caractère tardif ou non de la demande de restitution. La Cour apporte des précisions quant à la date qui doit être prise en considération pour déterminer le terme du délai pendant lequel une demande de restitution peut être présentée par courrier : il s’agit de celle à laquelle la demande parvient à l'autorité compétente pour y donner suite.

Pour aller plus loin :

Cf. l’Ouvrage « Procédure pénale » (dir. J.-B. Perrier), ETUDE : Les actes d'investigation, Les saisies, J.-Y. Maréchal (N° Lexbase : E7378ZKH)

newsid:472597

Responsabilité

[Brèves] Mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression : précision quant au critère de la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général

Réf. : Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-13.716, FS-P+B (N° Lexbase : A76243I9)

Lecture: 7 min

N2633BY8

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par Manon Rouanne

Le 07 Mai 2020

► En précisant, dans le cadre de la mise en balance entre deux droits ayant la même valeur normative en conflit que sont, d’un côté, le droit au respect de sa vie privée et familiale consacré à l’article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4798AQR) et, de l’autre côté, la liberté d’expression consacrée à l’article 10 de la même Convention (N° Lexbase : L4743AQQ), que l'atteinte portée à la vie privée d'une personne publique ne peut être légitimée par le droit à l'information du public que si le sujet à l'origine de la publication en cause relève de l'intérêt général et si les informations contenues dans cette publication, appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit, sont de nature à nourrir le débat public sur ce sujet, le juge du droit a décidé de faire primer le droit au respect de la vie privée en retenant, sur le fondement de l’atteinte à ce droit, la responsabilité d’un magazine ayant publié un article, illustré par des photos, dont le seul objet était de révéler la relation amoureuse de deux politiciens et de dévoiler leur séjour aux Etats-Unis, de sorte qu’il n’était pas de nature à nourrir le débat public d’intérêt général relatif à la démission conjointe du Gouvernement de ces derniers.

Telle est la précision de ce qu’il convient d’entendre par le critère de « contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général » permettant de trancher le conflit entre ces droits de valeur normative identique apportée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 11 mars 2020 (Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-13.716, FS-P+B N° Lexbase : A76243I9 ; v. l'ouvrage « Droit de la presse », L’articulation des droits au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence avec la liberté d’expression N° Lexbase : E6346Z8K ; sur la consécration, par la Cour de cassation, de l’obligation du juge de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime eu égard aux éléments à prendre en compte définis par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, § 93, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c/France N° Lexbase : A2074NWQ) : Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B N° Lexbase : A8014XHB ; et sur l’application de cette obligation depuis lors : Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 17-22.381, FS-P+B N° Lexbase : A9496XXY ; Cass. civ. 1, 10 octobre 2019, n° 18-21.871, F-P+B+I N° Lexbase : A0008ZRQ).

En l’espèce, un magazine people a publié un article rapportant le séjour « en amoureux » de deux anciens ministres, vingt jours après leur démission conjointe du Gouvernement, illustré par quatre photographies prises à l’insu des intéressés montrant les deux politiciens en train de se promener dans les rues de San Francisco. Alléguant une atteinte à sa vie privée et au droit dont il dispose sur son image, l’un d’eux a engagé, à l’encontre de la société propriétaire du magazine, une action afin d’obtenir la réparation du préjudice qui en résulte.

La cour d’appel (CA Versailles, 9 novembre 2018, n° 16/08842 N° Lexbase : A8106YKG) ayant, par une application des critères permettant au juge de privilégier le droit le plus légitime, décidé de faire primer, en l’espèce, l’atteinte à la vie privée sur la liberté d’expression et, ainsi, retenu la responsabilité du magazine, celui-ci, contestant la position adoptée par cette juridiction a, alors, formé un pourvoi en cassation. Interprétant différemment les critères permettant de trancher le conflit entre le droit à la protection de la vie privée et la liberté d’expression, le demandeur au pourvoi a allégué, comme moyen, la primauté de cette dernière en arguant, d’une part, l’existence d’un débat politique ouvert à la suite du récent remaniement ministériel, et, d’autre part, que, l’intéressé, personnalité publique, venant alors d'occuper les fonctions officielles de ministre de l'Economie, le public avait un intérêt légitime à être informé de l'existence d'une relation intime entre deux des ministres « frondeurs », susceptible d'avoir exercé une influence sur leur décision commune de s'opposer à la ligne politique du Gouvernement et d'en démissionner simultanément, décision ayant contribué, au sein de la majorité politique au pouvoir, à alimenter un conflit qui a été l'une des principales causes du déclin du Parti socialiste. Aussi, le demandeur a soutenu que les juges du fond, en retenant que l'article était centré sur la nature privée et amoureuse de la relation unissant les politiciens et non sur le débat politique ouvert à la suite du récent remaniement ministériel, de sorte que l’atteinte à leur vie privée était caractérisée, a violé les textes consacrant les droits en cause.

Après avoir rappelé qu’il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime (solution posée dans un arrêt rendu le 21 mars 2018 : Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B N° Lexbase : A8014XHB) et s’être livrée, à l’instar des juges du fond et du demandeur au pourvoi, à un examen concret des critères permettant de définir le droit à faire primer en l’occurrence que sont la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies (critères posés par la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’arrêt suivant : CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, § 93, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c/France N° Lexbase : A2074NWQ), la Cour de cassation retient l’atteinte à la vie privée et rejette, dès lors, le pourvoi.

En effet, en précisant ce que recouvre le critère de contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général en énonçant qu’il revient au juge de vérifier que la publication portant sur la vie privée constitue, dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit, une information d’importance générale et que le contenu de l’article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question, la Haute juridiction affirme, qu’en l’espèce, bien que la démission conjointe des intéressés ait constitué un sujet d'intérêt général, l'article litigieux était consacré à la seule révélation de leur relation amoureuse et à leur séjour privé aux Etats-Unis, de sorte qu'il n'était pas de nature à nourrir le débat public sur ce sujet ayant pour conséquence la caractérisation de l’atteinte à la vie privée.

 

 

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